Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-12-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 décembre 1882 19 décembre 1882
Description : 1882/12/19 (N4666). 1882/12/19 (N4666).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7532154z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
m 4,EeG , Ifardi 19 Décembre 1882 1e numéro* 40 c. — llénarôemeiifs s £ & c. 30 Frimaire ail 91. N* 4666^
-- ADMINISTRATION
S8, LOJE DE VALOIS M
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AS ONNEMENTS
'PARIS I J> £ PABXEMESIS' ':\
S^roîs mois 10 » ! Trois mois /i&M
O l g mo is 210 0 » » 1 Six inois ..7. e.s xt:-_Il~ ,
IBiZZLois » I Six mo i s.i l ~28Lj £
Adresser lettres et man3afs
(â. M. ERNEST LEFÈVRS
JBMINrSTIUTEIIRGÉSAN2 r
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LE RAPPEL\
j REDACTION
: , S»'a3resser au Secrétaire de la Ré..,
De 4«6 heures du soit*
: 48, HUE DE 'V.ALOIS, 4$ - C"
^tèS manuscrits non insères ne seront
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S ANNONCES if
.ÎOr. <&. IAGRANGE, CERF èW
6, place de la Bourse. 6
V* AURAIT ÉTÉ
*
Dans l'ordre du jour de la séance de
demain, je lis :
« Discussion de l'interpellation de
M. de Baudry-d'Asson sur les actes dont
M. de la Roche-Saint-André aurait été
victime à Roche-Servière. »
« Aurait été » ! Mais le rédacteur de
l'ordre du jour douterait donc que
M. de la Roche-Saint-André ait été
réellement victime des actes sur les-
quels M. de Baudry-d'Asson va inter-
peller le ministre de l'intérieur?
Rappelons le fait.
C'était pendant l'horreur d'une pro-
fonde nuit. Une bombe de dynamite,
pareille à celles qui avaient éclaté quel-
ques soirs auparavant au café Belle-
cour à Lyon, éclata dans le jar-
din d'un gentilhomme de Vendée.
Mais la Providence veille sur les jours,
je veux dire sur les nuits, des gentils-
hommes vendéens. C'était, vous n'en
douterez pas, la Providence qui avait, le
matin même, écrit à M. de la Roche-
Saint-André une lettre anonyme où elle
le prévenait de ce que les incorrigibles
ennemis de l'ordre et du Syllabus pré-
méditaient contre ses melons et contre
sa personne. On tient compte d'une let-
tre timbrée du paradis. M. de la Roche-
Saint-André se mit aux aguets derrière
une persienne de sa chambre, avec un
bon fusil chargé jusqu'à la gueule. Au
moment où les auteurs de l'attentat
mettaient le feu aux bombes, il tira sur
eux et il eut la joie de les entendre
hurler en fuyant.
Dès que le jour se leva, le gentil-
homme dont la Providence avait con-
duit le plomb dans les fesses des incor-
rigibles ennemis du Syllabus se rendit
, au parquet et déposa une plainte. Il y
déposa également la lettre providen-
tielle. Il ajouta qu'on n'avait qu'à venir
dans son jardin et qu'on y trouverait
des flaques de sang.
Alors, ce fut un beau vacarme de
toute la presse des honnêtes gens. La
voilà, la sécurité de votre République !
Ce n'est pas seulement dans les villes
que la dynamite fait des siennes. On a
beau se réfugier à la campagne, s'oc-
cuper de ses choux et de ses citrouilles,
les bombes viennent vous y trouver, et,
pour qu'elles ne vous hachent pas com-
me chair à pâté, il faut que la Provi-
dence prenne la peine de vous prévenir.
Or, peut-on espérer raisonnablement
que la Providence passera l'éternité à
écrire des lettres anonymes? Non. Où
le gentilhomme de Roche-Servière a
échappé, les autres gentilshommes cam-
pagnards périront. Est-il possible qu'on
laisse les gentilshommes campagnards
et leurs citrouilles en proie aux bombes ?
Supprimons bien vite cette République
qui dynamite les gentilshommes cam-
pagnards et leurs melons.
Le vacarme de la presse n'aurait pas
suffi aux melons et aux citrouilles des
gentilshommes vendéens, il leur fallait
celui de la tribune. C'est encore une
attention de la Providence d'avoir fait
qu'il y ait un gentilhomme vendéen à
la Chambre. Ce gentilhomme fut natu-
rellement chargé de prendre la parole
pour les citrouilles et pour les melons
des autres. Il déposa une demande d'in-
terpeïation. Le ministre de l'intérieur
dit. Soit. Donc, il y a une vingtaine de
jours, M. de Baudry d'Asson - surgit à
la tribune, prêt à foudroyer.
— Rentrez votre foudre, lui dit le
ministre de l'intérieur, et repassez dans
trois semaines.
— Dans trois semaines ! Et pour-
quoi ?
— Parce que la justice est saisie.
— Ah ! s'écria triomphant le dé-
puté d'une des plus fortes meutes de
France, on a fait droit à la plainte de
notre ami !
— Oui, répondit le ministre. Le
juge d'instruction, après un minutieux
examen de la plainte de M. de la Roche-
Saint-André, a jugé qu'il y avait lieu
de poursuivre — le plaignant.
Et voici ce qui se disait, ce jour-là,
dans les couloirs. D'abord, il aurait été
démontré que, par le fait d'un angle,
le plaignant aurait été dans l'impossi-
bilité de tirer de sa chambre sur l'en-
droit où ont éclaté les bombes. Ensuite,
les taches de sang auraient été de
l'encre rouge. Et puis, on aurait trouvé
à côté de l'endroit susdit des empreintes
de pas auxquelles se seraient ajustés
exactement les sabots du plaignant.
Enfin, le juge d'instruction, à qui le
plaignant n'avait remis que la copie de
la lettre de la Providence, aurait été
curieux de voir l'original, lequel se
serait trouvé être de la même écri-
ture que la copie.
M. de Baudry-d'Asson répondra de-
main. Nous voulons croire qu'il prou-
vera facilement que ces bavardages
sont des calomnies, que ce sont bien
les incorrigibles ennemis du Sullabus
qui ont bombardé les citrouilles de Ro-
che-Servière, que M. de la Roche Saint-
André a pu tirer sur leurs fesses, que
l'encre était du sang, que les sabots
étaient des sabots libres-penseurs, que,
si ce n'est pas la Providence qui a écrit
la lettre, c'est au moins elle qui l'a dic-
tée, et que le juge d'instruction est une
canaille ou un crétin. Mnis, pour être
absolument convaincu de ces vérités,
nous demanderons à l'honorable dé-
puté de la Vendée et à ses quatre cents
chiens la permission d'attendre, pre-
mièrement, la réplique du ministre de
l'intérieur et, secondement, les débats
du procès que le parquet a l'imperti-
nence de faire au gentilhomme qui « au-
rait été » victime des actes au sujet des-
quels M. Baudry-d'Asson désire fou-
droyer le ministère de l'intérieur, le
gouvernement, la République, la dé-
mocratie, le socialisme, la libre-pensée,
la Révolution, etc., etc.
Aurait été. Ce conditionnel de l'ordre
du jour me taquine. Il y a là comme de
la méfiance. L'ordre du jour a l'air
d'admettre que le gentilhomme de la
Roche-Servière pourrait n'avoir pas
été victime. Je sais bien que l'ordre du
jour, que' la Chambre elle-même n'ont
guère le droit, quand la justice est sai-
sie, de se prononcer avant elle, et que,
crussent-ils aux taches de sang, au
plomb dans les fesses, à la lettre de la
Providence et aux sabots de la Répu-
blique, ils doivent hésiter à le dire jus-
qu'à ce que la justice l'ait dit. N'im-
porte, c'est pénible pour les honnêtes
gens que, lorsqu'un de leurs députés,
et non un des moins considérables, un
député qui a derrière lui tant de chiens,
vient dire : « a été victime », un misé-
rable ordre du jour lui dise : « Pardon,
aurait été »
AUGUSTE VACQUBRIB.
.i ♦
LA DÉROUTE
De toute cette campagne réaction-
naire organisée contre les budgets de la
République, que reste-t-il? Un vote
presque unanime de la Chambre. Les
fils des croisés conduits par M. Durfort
de Civrac, les financiers conduits par
M. de Soubeyran se sont vus forcés à
une retraite en mauvais ordre. Leurs
amendements ont avorté, leurs protes-
tations sont restées sans effet. Une lon-
gue discussion, bien complète et bien
approfondie, les a écrasés. Ils n'ont pas
été plus heureux sur le terrain écono-
mique qu'ils ne le sont ordinairement
sur le terrain politique.
On a trop bien vu, et tout de suite,
ce qu'ils voulaient et où ils tendaient.
Ils espéraient, grâce à la terreur habile-
ment répandue au dehors, on sait com-
ment, faire condamner, par une Cham-
bre républicaine, la politique financière
républicaine. Ils comptaient obtenir
que la Chambre allait déclarer les dé-
grèvements une folie, les dépenses de
l'instruction publique une imprudence,
les dépenses des travaux publics un
acte coupable. Vous voyez d'ici la
conséquence de ces déclarations. Les
réformes déniocratiques menaient la
France à sa ruine. Et les réactionnaires
pouvaient alors démontrer deux cho-
ses : la première, qu'il en faut revenir
au système financier de la monarchie ;
la seconde, que l'existence de la Répu-
blique est un danger pour la France. q
Le plan était habilement conçu. On
pouvait s'y laisser prendre. Des minis-
tres de la République avaient les pre-
miers jeté le cri d'alarme. Les pre-
miers, ils avaient répandu la tçrreur. On
se couvrait de leur autorité. On s'abri-
tait sous ileur nom. Le tour était joué.
Voyez quel triomphe pour la réaction
si la Chambre avait prononcé un mea
culpa !
Oui, cçla était feieji conçu. Mais quand
on en est arrivé à rexécution, on s'est
trouvé en présence de difficultés inat-
tendues. Et d'abord, on n'a pas pu éta-
blir et démontrer le déficit sur lequel
on comptait, Ce budget tant attaqué et
tant calomnié, chargé de dépenses énor-
mes, ayant à supporter les conséquen-
ces de dégrèvements antérieurs, se sol-
dait avec un découvert sans impor-
tance ! Ensuite, il a fallu proposer une
économie. Mais laquelle? Porterait-elle
sur les travaux de la défense nationale?
Impossible. Porterait-elle sur l'instruc-
tion publique ? Quoi 1 demander qu'on
ne construise plus d'écoles ! demander
qu'on retranclie quelque chose sur le
traitement des instituteurs ! Impossible
encore. Restaient les travaux publics.
On a songé à suspendre les travaux pu-
blics.
Un orateur, à qui l'audace ne man-
que pas, l'a proposé. Mais le mot à
peine prononcé a montré l'énormité de
la chose. Empêcher les travaux, c'est
arrêter la vie dans une partie de la
France. Sans doute, le plan Freycinet
n'est pas une merveille. Il a ses dé-
fauts, comme le plan Trochu. M. de
Freycinet avait fait de ce plan une ma-
chine pour arriver plus tard à la prési-
dence de la République. Cela se sen-
tait. Beaucoup des parties de ce plan
étaient attaquables. Mais la pensée en
était bonne, néanmoins. Elle répondait
à des besoins sérieux qu'un gouverne-
ment ne pouvait pas méconnaître. Es-
sayer de revenir sur ce qui avait été
décidé, c'était révolter l'opinion pu-
blique.
C'était, en même temps, mécontenter
les électeurs. Songez donc ! Dans tous
les départements, des chemins de fer,
des canaux, des ports sont commencés
ou projetés. Comment les départements
renonceraient-ils, par amour pour les
réactionnaires, à leurs ports, à leurs
canaux et à leurs voies feïfées?
L'orateur comprit tout de suite qu'ils
allait avoir contré4ui non^Hulejnent' sa
circonscription, mais toutes les circon-
scriptions. Il recula. Ceux qui Pavaient
poussé à la tribune reculèrent avec lui.
Ce fut une déroute. Pour que là propo-
sition de ces messieurs fût acceptable,
il aurait fallu démontrer le déficit : l'a-
bîme! Or, le déficit n'existait pas. L'a-
bîme se réduisait à un petit décou-
vert.
Mais ces messieurs ne sont pas au
bout de leurs peines. Le Sénat — qui le
croirait! - leur réserve des surprises.
Ils ont invoqué l'opinion de M. Léon
Say, Or, M. Léon Say, qui s'aperçoit
— un peu tard — qu'il a été trop loin
et qu'il a entrepris une déplorable cam-
pagne, prendra la parole pour deman-
der la continuation des travaux !
EDOUARD LOCKROY.
————————— ♦
On nous télégraphie :
Le Havre, 17 décembre.
La conférence du citoyen Lanessan a eu
un immense succès. L'Alcazar était com-
ble, plus de 3,000 personnes.
Le président, Ernest Lefèvre, député de
Paris, et le conférencier ont été chaude-
ment acclamés. Ce soir, grand banquet.
.;;;.; Gauthier.
■ .■■■I.,-.. I M l ■■■
Nous publions, à notre seconde page, le
résultat de l'élection législative de Valen-
ciennes et de l'élection municipale de
,Paris.
-———————
TROP D'ARGENT !
Il y a des pays où les ..impôts rentrent
mal; il y en a, qui le croirait? où ils ren-
trent trop bien. Les Etats-Unis, une Ré-
publique cependant, nous offrent, pour la
première fois peut-être, le spectacle d'un
gouvernement demandant grâce sous la
pluie d'or dont on l'accable.
En 1881, l'excédant était de 145 mil-
lions de dollars, plus de sept cent millions
de francs. Malgré tous ses efforts, le pré-
sident Arthur n'est arrivé qu'à le réduire
de moitié. On a beau augmenter les pen-
sions, multiplier les offices, fermer l'œil
sur les déprédations administratives, im-
possible de mettre le budget en équilibre.
Il y a touj ours une plus-value qui fait le
désesp oir des comptables du Trésor.
Quand un Etat a trop d'argent, il a le
choix entre deux partis : payer ses créan-
ciers ou diminuer les impôts. C'est à ce
premier, parti que les Etats-Unis se sont
arrêtés d'abord. Outre le fonds d'amortis-
sement, les excédants de recettes ont été
consacrés au rachat des green-bocks, pa-
pier émis pendant la guerre de sécession,
si bien que, du train dont on va, la dette
menace d'être éteinte bien? avant le terme
fixé. Ce remboursement n'est pas du goût
des financiers, dont il dérange les prévi-
sions. Ce n'est qu'un cri dans le public,
d'autre part, contre le drainage officiel,
qui accumule le numéraire dans les cof-
fres publics. L'anémie du commerce et de
l'industrie est la conséquence de la plé-
thore du Trésor. On voudrait un allège-
ment des charges, quitte à mettre plus de
temps pour se libérer.
Ces charges sont de deux sortes, et c'est
ici que :la question devient particulière-
ment intéressante pour nous. Il y a
l'Internal revenue, droits sur la fabrication
et la consommation intérieure, et les
taxes douanières. Les protectionnistes, et
à leur tête MM. Kandall et Kelley, se pro-
noncent naturellement pour la suppres-
sion de VInternai revenue. Ils allèguent
qu'il est fort impopulaire, qu'il coûte cher
^perc.eypir, qu'il exige un personnel de
iO,OÔÔ contrôleurs, inspecteurs, etc., qu'il
paralyse la production indigène. Bref, c'est
cadeau de 140 millions de dollars que les
deux ou trois Etats manufacturiers de
l'Est demandent au reste de l'Union.
La commission des tarifs et le président
inclineraient plutôt, pour des raisons dif-
férentes, vers une revision des tarifs doua-
niers. Pour ne parler que de ce qui inté-
resse l'exportation française, on diminue-
rait de 20 à 25 0[0 les droits sur les pro-
duits chimiques, kles cotonnades, les soie-
ries, les vins. Il y a encore loin de là au
libre échange, mais ce serait un progrès
notable qui nous permettrait de reprendre
nos échanges avec les Etats-Unis, et d'atten-
dre patiemment qu'il leur plaise de nous ac-
corder la faveur réservée jusqu'ici aux
îles Sandwich, c'est-à-dire de conclure un
traité de commerce avec nous.
FRÉDÉRIC UONTARGIS.
—i ii
LE DINER DU « BOl MB »
Hier soir, comme nous l'avions an-
noncé, à l'occasion de la deuxième repré-
sentation et du cinquantenaire du Roi
s'amuse, Victor Hugo offrait un dîner à la
presse et aux artiste s,
Dès sept heures endémie, on se pressait
dans le grand salon de l'hôtel Continental.
A huit heures, on s'est mis à table.
Victor Hugo avait à sa droite Mlle Bartet
et à sa gauche M. Emile Perrin.
Parmi les cent soixante convives qui
suaient empressés de se rendre à l'invi-
tation de l'auteur du Roi s'amuse, citons
au hasard : MM. Got, Maubant, Febvre,
Mounet-Sully, Henri Rochefort, Auguste
Vitu, Paul Dalloz, Philippe Jourde, Au-
rélien Scholl, Edmond About, Henri de
Pêne, Jules Claretie, Théodore de Banville,
Léo Delibes, Auguste Vacquerie, Paul
Meurice, Crawford, Henri de Bornier,
Edouard Lockroy, Albert WolfF, Georges
Hugo, Pierre Lefèvre, Jacques Lefèvre,
Arnold Mortier, Jean Valter,'Armand Silves-
tre, Louis Besson, Edouard Bauër, Charles
Bigot, Arthur Meyer, Léon Ghapron, Paul
Arène, A. Dumont, Catulle Mendès, Henri
Fouquier, Emile Bergerat, Alphonse Dau-
det, Henri Aron, Pierre Véron, Louis
Uibach, Georges Ohnet, Gaulier, Ernest
Blum, Jean Destrem, Frédéric Montargis,
Ernést d'Hervilly, Gustave Rivet, Charles
Canivet, Henri Bauer, Emile Blavet, Gus-
tave Claudin, Petrus, Firmin Javel, Paul
Deléage, Charles Monselet, Heymann,
Paul Leconte, L. de Gramont,Durranc, Ed.
Lepelletier, Ordonneau, Hubert, Julien
Sermet, Albert Delpit, Léon Marx, Henri
Duval, Maurice Drack, Paul Perret, Victo-
rin Joncières, Edmond Stoullig, Bourges,
Léon Kertz, Obermayer, Grisier, Bertol-
Graivil, Alphonse Duchemin, Emile Men-
del, Gaston Berardi, Paul Demény, Ri-
chard Lesclide, Emile Allix, Louis Kock,
Bodinier, Monval, Léotaud, Chaperon,
Lavastre jeune, Duvignaud, Léon, Guil-
loire, Garraud, Leloir, Roger,'Joliet, Hérift
Samary, Gilbert-Augustin Thierry, Fer-
nand Samuel, Paul Foucher, Edmond Ba-
zire, Lucien-Victor Meunier, Emile Blé-
mont, Jeannin, Louis Leroy, Raoul Toché*
Oswald, d'Herblay, Achilie Denis, Bourgeat,
Davrigny, Mouillot, Pierre Elzéar, Emile
Debeaux, de Haenen, Sargent, Olivier MeIW
son, F. Méaulle, Charles Martel, Decour-
celle, Ch. la Bultièrte, Léon Bienvenu, Ba-
paume, Delilia, Arthur Cantel, Doré;
Albert Allenet, Saint-Juirs, Victor Ro-
ger, P. Reney, de Lacretelle, Gustave Ollen*
dorf, Carie, Henri Mever, [etc. Nous de-
mandons pardon à ceux que nous ou-
blions.
Comme on le voit, Victor Hugo, avec
l'impartialité et la supériorité du géniei
avait invité sans distinction d'opinion e~
sans regarder si l'on avait été plus ou
moins bienveillant à son drame.
Le dîner n'en a pas été moins joyeux et
moins cordial.
Au dessert, Victor Hugo s'est levé. Il a
dit simplement :
Je ne dirai qu'un mot.
Je vous remercie tous. Tous, je vous ré-*
mercie profondément.
M. Emile Perrin, administrateur de la
Comédie-Française, a répondu :
Messieurs,
Permettez-moi de retourner à M. Vie-
tor Hugo la part qui revient à la Comé-
die-Française dans les remerciements
qu'il a bien voulu vous adresser.
Mon cher et illustre maître, illustre
entre les maîtres de toutes les nations et
de tous les temps, c'est à la Comédie-
française de vous remercier. Vous avez
bien voulu la. choisir: pour remettre suc-
cessivement en lumière les chefs-d'oeuvra
qui composent votre incomparable réper*
toire. La Comédie-Française sent tout le
prix de cet honneur, elle a tout fait pour
s'en rendre digne, elle fera tout pour le
mériter de nouveau ; chaque fois qu'une de
ces œuvres qui portent les noms glorieux de
Marton de Lorme, de Hernani, de Ruy Bleu
et de le Roi s'amuse est reparue sur la scène,
ç'a été un jour de fête pour tous ceux qui
aiment le théâtre, qui aiment les lettres,
qui ont souci de la gloire de notre pays.
Heureusement, mon cher maître, les.
années semblent ne pas exister pour vous.
Elles passent sans vous effleurer. Plus
d'une fois encore vous nous réunirez; car
nous n'avons pas fini de vous payer notre
tribut d'admiration et de reconnaissance.
Dans ce toast qui a été chaleureuse-
ment applaudi à plusieurs reprises, M.
Emile Perrin avait parlé au nom du théâ-
tre. C'est M. Jules Claretie qui a parlé au
nom de la presse. Il a dit :
Il n'y a pas d'exemple, je crois, dans
l'histoire littéraire, de la seconde repré-
sentation d'une œuvre dramatique donnée
cinquante années après la première et de
l'auteur pouvant y assister.
Il y a cinquante ans, le directeur de la
scène de la Comédie-Française recevait
l'ordre de suspendre les représentations
de le Roi s' amuse. La suspension dura tout
juste un demi-siècle, et Victor Hugo de-
vait assister à la deuxième représention
comme pour dire :
« Ministres d'autrefois, auteurs du passé,
puissances, pouvoirs et la jeunesse même
qui m'applaudissait alors, tout a disparu,
et je suis debout ! »
Debout! comme, au-dessus de nos dis-
cussions d'école et de nos querelles de
parti, notre gloire littéraire tout entière,
et le rayonnement de neige de ces che-
veux blancs.
Je bois — au nom de la presse, qui a
ses fièvres, mais ses respects — à l'éter-
nelle poésie qui survit aux passions et.aux
polémiques. Je bois au génie des lettres
qui est la gloire de la patrie.
Je bois à Victor Hugo, le seul homme
au monde qui puisse réunir, comme une
famille, — les convives qui sont ici.
Ces éloquentes paroles -ne laissaient
plus qu'une chose à faire : rendre justice
Peuilleton du RAPPEL
DU 19 DÉCEMBRE
Bâ
LA PATTE
DEÛSCI^MË: PARTIE
.;.,¡.,"'f-.
,1.: .-.,.",
XXII
Badiche était resté sur sa chaise, anéanti
par ce coup de la fatalité.
— Alice? demanda Cintrât, ne pensant
qu'à sa femme.
— C'est justement pour Mme Cintrat
que je viens, dit le pharmacien, qui, ne se
doutant pas de la gravité de la situation,
tendait tranquillement la main à Cintrât.
— Qu'est-il donc arrivé? demanda Cin-
trât anxieux, parlez vite, parlez donc.
— Vous a-t-elle dit qu'elle a prévenu
Traduction interdite. — Reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
a SoçiM des gens de lettres, mais seulement
après la fin de la publication en feuilleton
dors le J,ul'l,el.
ir 1 iO octobre au'î S décembre»
ma femme qu'elle viendrait demain à As-
nières ?
- Non.
- Eh bien ! elle nous a annoncé sa vi-
site pour demain.
Badiche faisait des signes désespérés
pour qu'il se tût ; mais il continuait :
— Cela nous faisait grand plaisir, à ma
femme particulièrement, qui, vous le sa-
vez, aime sa cousine comme une sœur.
Badiche s'était levé et, ayant tendu la
main au cousin, il avait serré celle que ce-
lui-ci lui tendait à la briser.
- Mais, continua le pharmacien sans
rien comprendre, voilà que dans une vi-
site que je viens de faire à ma tante Léo-
nore, vous savez, ma tante à héritage.
— Taisez-vous donc, dit Badiche éner-
giquement en passant derrière lui.
Mais le pharmacien, appliquant ces pa-
roles à ce qu'il venait de dire de sa tante,
se mit à rire.
— Pour parler de l'héritage de ma tante,
cela ne signifie pas que je souhaite la mort
de la pauvre femme. Oh! non. Donc ma
tante veut, à toutes forces, que nous ve-
nions demain dîner avec elle ; alors j'ai
pensé à prévenir ma cousine pour qu'elle
remette sa visite à après-demain.
— Ma femme n'est donc pas chez vous ?
s'écria Cintrât.
— C'était demain qu'elle devait venir
chez nous.
— Elle a avancé sa visite, s'écria Badi-
che se jetant au milieu du danger, elle est
chez vous aujourd'hui.
Le pharmacien partit d'un franc éclat de
rire.
— J'ai quitté Asnières à cinq heures,
Il y eut un moment .',. de silence terrib le.
Mais le pharmacien ne remarqua rien;
il était en train de caresser Paulette.
— Nous avons bon appétit, n'est-ce pas?
disait-il; oui, la mine est bonne; tout va
bien.
— Pardon, interrompit Cintrat d'une
voix tremblante et rauque, mais votre
femme peut donc quitter sa chambre ?
— Ce ne serait pas pour faire plaisir à
la tante, je ne la laisserais pas sortir, car
nous sommes à la veille du dénoûment;
mais pour la tante, vous comprenez, il est
impossible de refuser. Vous expliquerez
cela à Mme Cintrât, n'est-ce pas?
Et, comme personne ne répondait :
— Elle va bien, ma cousine?
— Oui, merci.
— Allons, tant mieux ; présentez-lui
toutes mes excuses, je vous prie ; dites-lui
bien que nous comptons sur elle pour
après-demain.
Bien qu'il fût tout à ses excuses, il ne
pouvait pas ne pas remarquer qu'il se pas-
sait quelque chose d'extraordinaire : les
signaux de Badiche n'étaient pas ceux d'un
homme ivre ou d'un fou; l'attitude de
Cintrât le stupéfiait, et, pour se l'expli-
quer, il ne trouvait qu'un mot ;
— Il est bien susceptible, le cousin;
pour un jour de retard ; et j'ai fait moi-
même la démarche.
On ne lui avait pas offert un siège ; on
ne lui demandait pas de dîner.
— Adieu, dit-il, au revoir; ne vous dé-
rangez pas, mon cousin.
Mais Cintrat le reconduisit jusqu'à la
porte.
Badiche, resté seul avec Paulette, cher-
chait à prévoir ce qui allait arriver et ce
qu'il fallait inventer pour atténuer ce
coup, ou tout au moins pour embrouilller
les choses.
Paulette s'était levée de table pour aller
dans l'office, et par le monte-charge elle
criait :
— Ma surprise, servez ma surprise tout
de suite.
La surprise, qui consistait en une ome-
lette aux confitures, était sur la table de-
puis assez longtemps déjà, et Cintrat ne
rentrait pas.
— Je crois bien que papa est fâché, dit
Paulette; as-tu vul il a fait comme ça.
Et elle fronça les sourcils.
— Il est très fâché, dit Badiche; ne le
contrarie pas, quand il va revenir.
— Pourquoi?
— Je ne sais pas.
— Tu me le diras quand tu le sau-
ras.
La surprise refroidissait et Cintrat ne re-
venait toujours pas,,
Où était-il? que faisait-il ?
C'était ce que Badiche se demandait,
mais dans son trouble il ne trouvait pas de
réponse à ces questions.
— Si j'allais le chercher, dit Pau-
lette.
— Non. Oui. Ou plutôt je ne sais
pas.
Mais à ce moment, Cintrat ouvrit la
porte.
- L'omelette est froi.
Mais Paulette n'acheva pas son mot,
elle venait de regarder la figure convulsée
de son père, ses yeux fixes, ses lèvres re-
tractées qui laissaient voir ses dents ser-
rées, et elle avait eu peur.
Il vint à elle, et d'une voix que la vo-
lonté faisait plus douce qu'elle n'eût été
naturellement.
- Ma mignonne, dit-il, il faut aller te
promener.
— Nous ne finissons pas de diner? de-
manda-t-elle.
— Il faut aller te promener tout de
suite ; va-t-en.
- Je ne vais pas à Asnières avec toi ?
dit-elle.
— Non, c'est impossible.
- Et maman?
Il frappa du pied avec violence comme
si un mouvement de fureur l'emportait.
— Je te dis.
Puis, instantanément, voyant deux lar-
mes jail|ir des yeux de sa fille, il la prit
dans ses bras et l'embrassant passionné*
ment :
— Ma chère petite, ma chère Paulette,
mon enfant, mon enfant !
Badiche le regardait tout tremblant,,
éperdu.
Mais il ne s'abandonna pas à cette crise
de faiblesse.
Doucement il posa Paulette par terre.
— Si tu ne veux pas te promener, dit-il,,
reste ; mais il faut que je sorte avec Bac:
diche.
Elle fit effort pour retenir ses larmes.
- Je n'ai pas envie de me promenert.
dit-elle.
— iih bien ! reste; viens, Badiche.
Badiche hésita un moment, faisant deux.
pas vers Paulette, comme pour l'embras-
ser; puis il s'arrêta, ayant peur de, se lais(
ser aller à son émotionj
HECTOR MALOT.
(A suivre,;
-- ADMINISTRATION
S8, LOJE DE VALOIS M
-
AS ONNEMENTS
'PARIS I J> £ PABXEMESIS' ':\
S^roîs mois 10 » ! Trois mois /i&M
O l g mo is 210 0 » » 1 Six inois ..7. e.s xt:-_Il~ ,
IBiZZLois » I Six mo i s.i l ~28Lj £
Adresser lettres et man3afs
(â. M. ERNEST LEFÈVRS
JBMINrSTIUTEIIRGÉSAN2 r
SB j~
LE RAPPEL\
j REDACTION
: , S»'a3resser au Secrétaire de la Ré..,
De 4«6 heures du soit*
: 48, HUE DE 'V.ALOIS, 4$ - C"
^tèS manuscrits non insères ne seront
) -
!
S ANNONCES if
.ÎOr. <&. IAGRANGE, CERF èW
6, place de la Bourse. 6
V* AURAIT ÉTÉ
*
Dans l'ordre du jour de la séance de
demain, je lis :
« Discussion de l'interpellation de
M. de Baudry-d'Asson sur les actes dont
M. de la Roche-Saint-André aurait été
victime à Roche-Servière. »
« Aurait été » ! Mais le rédacteur de
l'ordre du jour douterait donc que
M. de la Roche-Saint-André ait été
réellement victime des actes sur les-
quels M. de Baudry-d'Asson va inter-
peller le ministre de l'intérieur?
Rappelons le fait.
C'était pendant l'horreur d'une pro-
fonde nuit. Une bombe de dynamite,
pareille à celles qui avaient éclaté quel-
ques soirs auparavant au café Belle-
cour à Lyon, éclata dans le jar-
din d'un gentilhomme de Vendée.
Mais la Providence veille sur les jours,
je veux dire sur les nuits, des gentils-
hommes vendéens. C'était, vous n'en
douterez pas, la Providence qui avait, le
matin même, écrit à M. de la Roche-
Saint-André une lettre anonyme où elle
le prévenait de ce que les incorrigibles
ennemis de l'ordre et du Syllabus pré-
méditaient contre ses melons et contre
sa personne. On tient compte d'une let-
tre timbrée du paradis. M. de la Roche-
Saint-André se mit aux aguets derrière
une persienne de sa chambre, avec un
bon fusil chargé jusqu'à la gueule. Au
moment où les auteurs de l'attentat
mettaient le feu aux bombes, il tira sur
eux et il eut la joie de les entendre
hurler en fuyant.
Dès que le jour se leva, le gentil-
homme dont la Providence avait con-
duit le plomb dans les fesses des incor-
rigibles ennemis du Syllabus se rendit
, au parquet et déposa une plainte. Il y
déposa également la lettre providen-
tielle. Il ajouta qu'on n'avait qu'à venir
dans son jardin et qu'on y trouverait
des flaques de sang.
Alors, ce fut un beau vacarme de
toute la presse des honnêtes gens. La
voilà, la sécurité de votre République !
Ce n'est pas seulement dans les villes
que la dynamite fait des siennes. On a
beau se réfugier à la campagne, s'oc-
cuper de ses choux et de ses citrouilles,
les bombes viennent vous y trouver, et,
pour qu'elles ne vous hachent pas com-
me chair à pâté, il faut que la Provi-
dence prenne la peine de vous prévenir.
Or, peut-on espérer raisonnablement
que la Providence passera l'éternité à
écrire des lettres anonymes? Non. Où
le gentilhomme de Roche-Servière a
échappé, les autres gentilshommes cam-
pagnards périront. Est-il possible qu'on
laisse les gentilshommes campagnards
et leurs citrouilles en proie aux bombes ?
Supprimons bien vite cette République
qui dynamite les gentilshommes cam-
pagnards et leurs melons.
Le vacarme de la presse n'aurait pas
suffi aux melons et aux citrouilles des
gentilshommes vendéens, il leur fallait
celui de la tribune. C'est encore une
attention de la Providence d'avoir fait
qu'il y ait un gentilhomme vendéen à
la Chambre. Ce gentilhomme fut natu-
rellement chargé de prendre la parole
pour les citrouilles et pour les melons
des autres. Il déposa une demande d'in-
terpeïation. Le ministre de l'intérieur
dit. Soit. Donc, il y a une vingtaine de
jours, M. de Baudry d'Asson - surgit à
la tribune, prêt à foudroyer.
— Rentrez votre foudre, lui dit le
ministre de l'intérieur, et repassez dans
trois semaines.
— Dans trois semaines ! Et pour-
quoi ?
— Parce que la justice est saisie.
— Ah ! s'écria triomphant le dé-
puté d'une des plus fortes meutes de
France, on a fait droit à la plainte de
notre ami !
— Oui, répondit le ministre. Le
juge d'instruction, après un minutieux
examen de la plainte de M. de la Roche-
Saint-André, a jugé qu'il y avait lieu
de poursuivre — le plaignant.
Et voici ce qui se disait, ce jour-là,
dans les couloirs. D'abord, il aurait été
démontré que, par le fait d'un angle,
le plaignant aurait été dans l'impossi-
bilité de tirer de sa chambre sur l'en-
droit où ont éclaté les bombes. Ensuite,
les taches de sang auraient été de
l'encre rouge. Et puis, on aurait trouvé
à côté de l'endroit susdit des empreintes
de pas auxquelles se seraient ajustés
exactement les sabots du plaignant.
Enfin, le juge d'instruction, à qui le
plaignant n'avait remis que la copie de
la lettre de la Providence, aurait été
curieux de voir l'original, lequel se
serait trouvé être de la même écri-
ture que la copie.
M. de Baudry-d'Asson répondra de-
main. Nous voulons croire qu'il prou-
vera facilement que ces bavardages
sont des calomnies, que ce sont bien
les incorrigibles ennemis du Sullabus
qui ont bombardé les citrouilles de Ro-
che-Servière, que M. de la Roche Saint-
André a pu tirer sur leurs fesses, que
l'encre était du sang, que les sabots
étaient des sabots libres-penseurs, que,
si ce n'est pas la Providence qui a écrit
la lettre, c'est au moins elle qui l'a dic-
tée, et que le juge d'instruction est une
canaille ou un crétin. Mnis, pour être
absolument convaincu de ces vérités,
nous demanderons à l'honorable dé-
puté de la Vendée et à ses quatre cents
chiens la permission d'attendre, pre-
mièrement, la réplique du ministre de
l'intérieur et, secondement, les débats
du procès que le parquet a l'imperti-
nence de faire au gentilhomme qui « au-
rait été » victime des actes au sujet des-
quels M. Baudry-d'Asson désire fou-
droyer le ministère de l'intérieur, le
gouvernement, la République, la dé-
mocratie, le socialisme, la libre-pensée,
la Révolution, etc., etc.
Aurait été. Ce conditionnel de l'ordre
du jour me taquine. Il y a là comme de
la méfiance. L'ordre du jour a l'air
d'admettre que le gentilhomme de la
Roche-Servière pourrait n'avoir pas
été victime. Je sais bien que l'ordre du
jour, que' la Chambre elle-même n'ont
guère le droit, quand la justice est sai-
sie, de se prononcer avant elle, et que,
crussent-ils aux taches de sang, au
plomb dans les fesses, à la lettre de la
Providence et aux sabots de la Répu-
blique, ils doivent hésiter à le dire jus-
qu'à ce que la justice l'ait dit. N'im-
porte, c'est pénible pour les honnêtes
gens que, lorsqu'un de leurs députés,
et non un des moins considérables, un
député qui a derrière lui tant de chiens,
vient dire : « a été victime », un misé-
rable ordre du jour lui dise : « Pardon,
aurait été »
AUGUSTE VACQUBRIB.
.i ♦
LA DÉROUTE
De toute cette campagne réaction-
naire organisée contre les budgets de la
République, que reste-t-il? Un vote
presque unanime de la Chambre. Les
fils des croisés conduits par M. Durfort
de Civrac, les financiers conduits par
M. de Soubeyran se sont vus forcés à
une retraite en mauvais ordre. Leurs
amendements ont avorté, leurs protes-
tations sont restées sans effet. Une lon-
gue discussion, bien complète et bien
approfondie, les a écrasés. Ils n'ont pas
été plus heureux sur le terrain écono-
mique qu'ils ne le sont ordinairement
sur le terrain politique.
On a trop bien vu, et tout de suite,
ce qu'ils voulaient et où ils tendaient.
Ils espéraient, grâce à la terreur habile-
ment répandue au dehors, on sait com-
ment, faire condamner, par une Cham-
bre républicaine, la politique financière
républicaine. Ils comptaient obtenir
que la Chambre allait déclarer les dé-
grèvements une folie, les dépenses de
l'instruction publique une imprudence,
les dépenses des travaux publics un
acte coupable. Vous voyez d'ici la
conséquence de ces déclarations. Les
réformes déniocratiques menaient la
France à sa ruine. Et les réactionnaires
pouvaient alors démontrer deux cho-
ses : la première, qu'il en faut revenir
au système financier de la monarchie ;
la seconde, que l'existence de la Répu-
blique est un danger pour la France. q
Le plan était habilement conçu. On
pouvait s'y laisser prendre. Des minis-
tres de la République avaient les pre-
miers jeté le cri d'alarme. Les pre-
miers, ils avaient répandu la tçrreur. On
se couvrait de leur autorité. On s'abri-
tait sous ileur nom. Le tour était joué.
Voyez quel triomphe pour la réaction
si la Chambre avait prononcé un mea
culpa !
Oui, cçla était feieji conçu. Mais quand
on en est arrivé à rexécution, on s'est
trouvé en présence de difficultés inat-
tendues. Et d'abord, on n'a pas pu éta-
blir et démontrer le déficit sur lequel
on comptait, Ce budget tant attaqué et
tant calomnié, chargé de dépenses énor-
mes, ayant à supporter les conséquen-
ces de dégrèvements antérieurs, se sol-
dait avec un découvert sans impor-
tance ! Ensuite, il a fallu proposer une
économie. Mais laquelle? Porterait-elle
sur les travaux de la défense nationale?
Impossible. Porterait-elle sur l'instruc-
tion publique ? Quoi 1 demander qu'on
ne construise plus d'écoles ! demander
qu'on retranclie quelque chose sur le
traitement des instituteurs ! Impossible
encore. Restaient les travaux publics.
On a songé à suspendre les travaux pu-
blics.
Un orateur, à qui l'audace ne man-
que pas, l'a proposé. Mais le mot à
peine prononcé a montré l'énormité de
la chose. Empêcher les travaux, c'est
arrêter la vie dans une partie de la
France. Sans doute, le plan Freycinet
n'est pas une merveille. Il a ses dé-
fauts, comme le plan Trochu. M. de
Freycinet avait fait de ce plan une ma-
chine pour arriver plus tard à la prési-
dence de la République. Cela se sen-
tait. Beaucoup des parties de ce plan
étaient attaquables. Mais la pensée en
était bonne, néanmoins. Elle répondait
à des besoins sérieux qu'un gouverne-
ment ne pouvait pas méconnaître. Es-
sayer de revenir sur ce qui avait été
décidé, c'était révolter l'opinion pu-
blique.
C'était, en même temps, mécontenter
les électeurs. Songez donc ! Dans tous
les départements, des chemins de fer,
des canaux, des ports sont commencés
ou projetés. Comment les départements
renonceraient-ils, par amour pour les
réactionnaires, à leurs ports, à leurs
canaux et à leurs voies feïfées?
L'orateur comprit tout de suite qu'ils
allait avoir contré4ui non^Hulejnent' sa
circonscription, mais toutes les circon-
scriptions. Il recula. Ceux qui Pavaient
poussé à la tribune reculèrent avec lui.
Ce fut une déroute. Pour que là propo-
sition de ces messieurs fût acceptable,
il aurait fallu démontrer le déficit : l'a-
bîme! Or, le déficit n'existait pas. L'a-
bîme se réduisait à un petit décou-
vert.
Mais ces messieurs ne sont pas au
bout de leurs peines. Le Sénat — qui le
croirait! - leur réserve des surprises.
Ils ont invoqué l'opinion de M. Léon
Say, Or, M. Léon Say, qui s'aperçoit
— un peu tard — qu'il a été trop loin
et qu'il a entrepris une déplorable cam-
pagne, prendra la parole pour deman-
der la continuation des travaux !
EDOUARD LOCKROY.
————————— ♦
On nous télégraphie :
Le Havre, 17 décembre.
La conférence du citoyen Lanessan a eu
un immense succès. L'Alcazar était com-
ble, plus de 3,000 personnes.
Le président, Ernest Lefèvre, député de
Paris, et le conférencier ont été chaude-
ment acclamés. Ce soir, grand banquet.
.;;;.; Gauthier.
■ .■■■I.,-.. I M l ■■■
Nous publions, à notre seconde page, le
résultat de l'élection législative de Valen-
ciennes et de l'élection municipale de
,Paris.
-———————
TROP D'ARGENT !
Il y a des pays où les ..impôts rentrent
mal; il y en a, qui le croirait? où ils ren-
trent trop bien. Les Etats-Unis, une Ré-
publique cependant, nous offrent, pour la
première fois peut-être, le spectacle d'un
gouvernement demandant grâce sous la
pluie d'or dont on l'accable.
En 1881, l'excédant était de 145 mil-
lions de dollars, plus de sept cent millions
de francs. Malgré tous ses efforts, le pré-
sident Arthur n'est arrivé qu'à le réduire
de moitié. On a beau augmenter les pen-
sions, multiplier les offices, fermer l'œil
sur les déprédations administratives, im-
possible de mettre le budget en équilibre.
Il y a touj ours une plus-value qui fait le
désesp oir des comptables du Trésor.
Quand un Etat a trop d'argent, il a le
choix entre deux partis : payer ses créan-
ciers ou diminuer les impôts. C'est à ce
premier, parti que les Etats-Unis se sont
arrêtés d'abord. Outre le fonds d'amortis-
sement, les excédants de recettes ont été
consacrés au rachat des green-bocks, pa-
pier émis pendant la guerre de sécession,
si bien que, du train dont on va, la dette
menace d'être éteinte bien? avant le terme
fixé. Ce remboursement n'est pas du goût
des financiers, dont il dérange les prévi-
sions. Ce n'est qu'un cri dans le public,
d'autre part, contre le drainage officiel,
qui accumule le numéraire dans les cof-
fres publics. L'anémie du commerce et de
l'industrie est la conséquence de la plé-
thore du Trésor. On voudrait un allège-
ment des charges, quitte à mettre plus de
temps pour se libérer.
Ces charges sont de deux sortes, et c'est
ici que :la question devient particulière-
ment intéressante pour nous. Il y a
l'Internal revenue, droits sur la fabrication
et la consommation intérieure, et les
taxes douanières. Les protectionnistes, et
à leur tête MM. Kandall et Kelley, se pro-
noncent naturellement pour la suppres-
sion de VInternai revenue. Ils allèguent
qu'il est fort impopulaire, qu'il coûte cher
^perc.eypir, qu'il exige un personnel de
iO,OÔÔ contrôleurs, inspecteurs, etc., qu'il
paralyse la production indigène. Bref, c'est
cadeau de 140 millions de dollars que les
deux ou trois Etats manufacturiers de
l'Est demandent au reste de l'Union.
La commission des tarifs et le président
inclineraient plutôt, pour des raisons dif-
férentes, vers une revision des tarifs doua-
niers. Pour ne parler que de ce qui inté-
resse l'exportation française, on diminue-
rait de 20 à 25 0[0 les droits sur les pro-
duits chimiques, kles cotonnades, les soie-
ries, les vins. Il y a encore loin de là au
libre échange, mais ce serait un progrès
notable qui nous permettrait de reprendre
nos échanges avec les Etats-Unis, et d'atten-
dre patiemment qu'il leur plaise de nous ac-
corder la faveur réservée jusqu'ici aux
îles Sandwich, c'est-à-dire de conclure un
traité de commerce avec nous.
FRÉDÉRIC UONTARGIS.
—i ii
LE DINER DU « BOl MB »
Hier soir, comme nous l'avions an-
noncé, à l'occasion de la deuxième repré-
sentation et du cinquantenaire du Roi
s'amuse, Victor Hugo offrait un dîner à la
presse et aux artiste s,
Dès sept heures endémie, on se pressait
dans le grand salon de l'hôtel Continental.
A huit heures, on s'est mis à table.
Victor Hugo avait à sa droite Mlle Bartet
et à sa gauche M. Emile Perrin.
Parmi les cent soixante convives qui
suaient empressés de se rendre à l'invi-
tation de l'auteur du Roi s'amuse, citons
au hasard : MM. Got, Maubant, Febvre,
Mounet-Sully, Henri Rochefort, Auguste
Vitu, Paul Dalloz, Philippe Jourde, Au-
rélien Scholl, Edmond About, Henri de
Pêne, Jules Claretie, Théodore de Banville,
Léo Delibes, Auguste Vacquerie, Paul
Meurice, Crawford, Henri de Bornier,
Edouard Lockroy, Albert WolfF, Georges
Hugo, Pierre Lefèvre, Jacques Lefèvre,
Arnold Mortier, Jean Valter,'Armand Silves-
tre, Louis Besson, Edouard Bauër, Charles
Bigot, Arthur Meyer, Léon Ghapron, Paul
Arène, A. Dumont, Catulle Mendès, Henri
Fouquier, Emile Bergerat, Alphonse Dau-
det, Henri Aron, Pierre Véron, Louis
Uibach, Georges Ohnet, Gaulier, Ernest
Blum, Jean Destrem, Frédéric Montargis,
Ernést d'Hervilly, Gustave Rivet, Charles
Canivet, Henri Bauer, Emile Blavet, Gus-
tave Claudin, Petrus, Firmin Javel, Paul
Deléage, Charles Monselet, Heymann,
Paul Leconte, L. de Gramont,Durranc, Ed.
Lepelletier, Ordonneau, Hubert, Julien
Sermet, Albert Delpit, Léon Marx, Henri
Duval, Maurice Drack, Paul Perret, Victo-
rin Joncières, Edmond Stoullig, Bourges,
Léon Kertz, Obermayer, Grisier, Bertol-
Graivil, Alphonse Duchemin, Emile Men-
del, Gaston Berardi, Paul Demény, Ri-
chard Lesclide, Emile Allix, Louis Kock,
Bodinier, Monval, Léotaud, Chaperon,
Lavastre jeune, Duvignaud, Léon, Guil-
loire, Garraud, Leloir, Roger,'Joliet, Hérift
Samary, Gilbert-Augustin Thierry, Fer-
nand Samuel, Paul Foucher, Edmond Ba-
zire, Lucien-Victor Meunier, Emile Blé-
mont, Jeannin, Louis Leroy, Raoul Toché*
Oswald, d'Herblay, Achilie Denis, Bourgeat,
Davrigny, Mouillot, Pierre Elzéar, Emile
Debeaux, de Haenen, Sargent, Olivier MeIW
son, F. Méaulle, Charles Martel, Decour-
celle, Ch. la Bultièrte, Léon Bienvenu, Ba-
paume, Delilia, Arthur Cantel, Doré;
Albert Allenet, Saint-Juirs, Victor Ro-
ger, P. Reney, de Lacretelle, Gustave Ollen*
dorf, Carie, Henri Mever, [etc. Nous de-
mandons pardon à ceux que nous ou-
blions.
Comme on le voit, Victor Hugo, avec
l'impartialité et la supériorité du géniei
avait invité sans distinction d'opinion e~
sans regarder si l'on avait été plus ou
moins bienveillant à son drame.
Le dîner n'en a pas été moins joyeux et
moins cordial.
Au dessert, Victor Hugo s'est levé. Il a
dit simplement :
Je ne dirai qu'un mot.
Je vous remercie tous. Tous, je vous ré-*
mercie profondément.
M. Emile Perrin, administrateur de la
Comédie-Française, a répondu :
Messieurs,
Permettez-moi de retourner à M. Vie-
tor Hugo la part qui revient à la Comé-
die-Française dans les remerciements
qu'il a bien voulu vous adresser.
Mon cher et illustre maître, illustre
entre les maîtres de toutes les nations et
de tous les temps, c'est à la Comédie-
française de vous remercier. Vous avez
bien voulu la. choisir: pour remettre suc-
cessivement en lumière les chefs-d'oeuvra
qui composent votre incomparable réper*
toire. La Comédie-Française sent tout le
prix de cet honneur, elle a tout fait pour
s'en rendre digne, elle fera tout pour le
mériter de nouveau ; chaque fois qu'une de
ces œuvres qui portent les noms glorieux de
Marton de Lorme, de Hernani, de Ruy Bleu
et de le Roi s'amuse est reparue sur la scène,
ç'a été un jour de fête pour tous ceux qui
aiment le théâtre, qui aiment les lettres,
qui ont souci de la gloire de notre pays.
Heureusement, mon cher maître, les.
années semblent ne pas exister pour vous.
Elles passent sans vous effleurer. Plus
d'une fois encore vous nous réunirez; car
nous n'avons pas fini de vous payer notre
tribut d'admiration et de reconnaissance.
Dans ce toast qui a été chaleureuse-
ment applaudi à plusieurs reprises, M.
Emile Perrin avait parlé au nom du théâ-
tre. C'est M. Jules Claretie qui a parlé au
nom de la presse. Il a dit :
Il n'y a pas d'exemple, je crois, dans
l'histoire littéraire, de la seconde repré-
sentation d'une œuvre dramatique donnée
cinquante années après la première et de
l'auteur pouvant y assister.
Il y a cinquante ans, le directeur de la
scène de la Comédie-Française recevait
l'ordre de suspendre les représentations
de le Roi s' amuse. La suspension dura tout
juste un demi-siècle, et Victor Hugo de-
vait assister à la deuxième représention
comme pour dire :
« Ministres d'autrefois, auteurs du passé,
puissances, pouvoirs et la jeunesse même
qui m'applaudissait alors, tout a disparu,
et je suis debout ! »
Debout! comme, au-dessus de nos dis-
cussions d'école et de nos querelles de
parti, notre gloire littéraire tout entière,
et le rayonnement de neige de ces che-
veux blancs.
Je bois — au nom de la presse, qui a
ses fièvres, mais ses respects — à l'éter-
nelle poésie qui survit aux passions et.aux
polémiques. Je bois au génie des lettres
qui est la gloire de la patrie.
Je bois à Victor Hugo, le seul homme
au monde qui puisse réunir, comme une
famille, — les convives qui sont ici.
Ces éloquentes paroles -ne laissaient
plus qu'une chose à faire : rendre justice
Peuilleton du RAPPEL
DU 19 DÉCEMBRE
Bâ
LA PATTE
DEÛSCI^MË: PARTIE
.;.,¡.,"'f-.
,1.: .-.,.",
XXII
Badiche était resté sur sa chaise, anéanti
par ce coup de la fatalité.
— Alice? demanda Cintrât, ne pensant
qu'à sa femme.
— C'est justement pour Mme Cintrat
que je viens, dit le pharmacien, qui, ne se
doutant pas de la gravité de la situation,
tendait tranquillement la main à Cintrât.
— Qu'est-il donc arrivé? demanda Cin-
trât anxieux, parlez vite, parlez donc.
— Vous a-t-elle dit qu'elle a prévenu
Traduction interdite. — Reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
a SoçiM des gens de lettres, mais seulement
après la fin de la publication en feuilleton
dors le J,ul'l,el.
ir 1 iO octobre au'î S décembre»
ma femme qu'elle viendrait demain à As-
nières ?
- Non.
- Eh bien ! elle nous a annoncé sa vi-
site pour demain.
Badiche faisait des signes désespérés
pour qu'il se tût ; mais il continuait :
— Cela nous faisait grand plaisir, à ma
femme particulièrement, qui, vous le sa-
vez, aime sa cousine comme une sœur.
Badiche s'était levé et, ayant tendu la
main au cousin, il avait serré celle que ce-
lui-ci lui tendait à la briser.
- Mais, continua le pharmacien sans
rien comprendre, voilà que dans une vi-
site que je viens de faire à ma tante Léo-
nore, vous savez, ma tante à héritage.
— Taisez-vous donc, dit Badiche éner-
giquement en passant derrière lui.
Mais le pharmacien, appliquant ces pa-
roles à ce qu'il venait de dire de sa tante,
se mit à rire.
— Pour parler de l'héritage de ma tante,
cela ne signifie pas que je souhaite la mort
de la pauvre femme. Oh! non. Donc ma
tante veut, à toutes forces, que nous ve-
nions demain dîner avec elle ; alors j'ai
pensé à prévenir ma cousine pour qu'elle
remette sa visite à après-demain.
— Ma femme n'est donc pas chez vous ?
s'écria Cintrât.
— C'était demain qu'elle devait venir
chez nous.
— Elle a avancé sa visite, s'écria Badi-
che se jetant au milieu du danger, elle est
chez vous aujourd'hui.
Le pharmacien partit d'un franc éclat de
rire.
— J'ai quitté Asnières à cinq heures,
Il y eut un moment .',. de silence terrib le.
Mais le pharmacien ne remarqua rien;
il était en train de caresser Paulette.
— Nous avons bon appétit, n'est-ce pas?
disait-il; oui, la mine est bonne; tout va
bien.
— Pardon, interrompit Cintrat d'une
voix tremblante et rauque, mais votre
femme peut donc quitter sa chambre ?
— Ce ne serait pas pour faire plaisir à
la tante, je ne la laisserais pas sortir, car
nous sommes à la veille du dénoûment;
mais pour la tante, vous comprenez, il est
impossible de refuser. Vous expliquerez
cela à Mme Cintrât, n'est-ce pas?
Et, comme personne ne répondait :
— Elle va bien, ma cousine?
— Oui, merci.
— Allons, tant mieux ; présentez-lui
toutes mes excuses, je vous prie ; dites-lui
bien que nous comptons sur elle pour
après-demain.
Bien qu'il fût tout à ses excuses, il ne
pouvait pas ne pas remarquer qu'il se pas-
sait quelque chose d'extraordinaire : les
signaux de Badiche n'étaient pas ceux d'un
homme ivre ou d'un fou; l'attitude de
Cintrât le stupéfiait, et, pour se l'expli-
quer, il ne trouvait qu'un mot ;
— Il est bien susceptible, le cousin;
pour un jour de retard ; et j'ai fait moi-
même la démarche.
On ne lui avait pas offert un siège ; on
ne lui demandait pas de dîner.
— Adieu, dit-il, au revoir; ne vous dé-
rangez pas, mon cousin.
Mais Cintrat le reconduisit jusqu'à la
porte.
Badiche, resté seul avec Paulette, cher-
chait à prévoir ce qui allait arriver et ce
qu'il fallait inventer pour atténuer ce
coup, ou tout au moins pour embrouilller
les choses.
Paulette s'était levée de table pour aller
dans l'office, et par le monte-charge elle
criait :
— Ma surprise, servez ma surprise tout
de suite.
La surprise, qui consistait en une ome-
lette aux confitures, était sur la table de-
puis assez longtemps déjà, et Cintrat ne
rentrait pas.
— Je crois bien que papa est fâché, dit
Paulette; as-tu vul il a fait comme ça.
Et elle fronça les sourcils.
— Il est très fâché, dit Badiche; ne le
contrarie pas, quand il va revenir.
— Pourquoi?
— Je ne sais pas.
— Tu me le diras quand tu le sau-
ras.
La surprise refroidissait et Cintrat ne re-
venait toujours pas,,
Où était-il? que faisait-il ?
C'était ce que Badiche se demandait,
mais dans son trouble il ne trouvait pas de
réponse à ces questions.
— Si j'allais le chercher, dit Pau-
lette.
— Non. Oui. Ou plutôt je ne sais
pas.
Mais à ce moment, Cintrat ouvrit la
porte.
- L'omelette est froi.
Mais Paulette n'acheva pas son mot,
elle venait de regarder la figure convulsée
de son père, ses yeux fixes, ses lèvres re-
tractées qui laissaient voir ses dents ser-
rées, et elle avait eu peur.
Il vint à elle, et d'une voix que la vo-
lonté faisait plus douce qu'elle n'eût été
naturellement.
- Ma mignonne, dit-il, il faut aller te
promener.
— Nous ne finissons pas de diner? de-
manda-t-elle.
— Il faut aller te promener tout de
suite ; va-t-en.
- Je ne vais pas à Asnières avec toi ?
dit-elle.
— Non, c'est impossible.
- Et maman?
Il frappa du pied avec violence comme
si un mouvement de fureur l'emportait.
— Je te dis.
Puis, instantanément, voyant deux lar-
mes jail|ir des yeux de sa fille, il la prit
dans ses bras et l'embrassant passionné*
ment :
— Ma chère petite, ma chère Paulette,
mon enfant, mon enfant !
Badiche le regardait tout tremblant,,
éperdu.
Mais il ne s'abandonna pas à cette crise
de faiblesse.
Doucement il posa Paulette par terre.
— Si tu ne veux pas te promener, dit-il,,
reste ; mais il faut que je sorte avec Bac:
diche.
Elle fit effort pour retenir ses larmes.
- Je n'ai pas envie de me promenert.
dit-elle.
— iih bien ! reste; viens, Badiche.
Badiche hésita un moment, faisant deux.
pas vers Paulette, comme pour l'embras-
ser; puis il s'arrêta, ayant peur de, se lais(
ser aller à son émotionj
HECTOR MALOT.
(A suivre,;
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