Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-06-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 juin 1882 06 juin 1882
Description : 1882/06/06 (N4470). 1882/06/06 (N4470).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75319582
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
Nt 5470 r- Mardi 6 Juin 18821 | Le numéro : lOo* - Bépartemenfs s IN c. 48 Prairial an 90 — N° 4470 -
ADMINISTRATION
43, RUE DE VALOIS, 48
ABONNEMENTS
- PARIS
JTroïs mois 10 »
Siismois. 20 »
DÉPARTEMENTS
I Trois mois 13 S®
t Six mois 22 H s
-
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
^MEOSIRAIEmi GÉIUKT
• v* -' -
.RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De l à 6 heures du iroir
FO, BUB DB VALOIS» JI
- -
Les manuscrits non insérés ne seront tittë rfiSljjg>
ANNONCES
MM. Cb. LAGRÀNGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
SOUVENIRS
La première fois que je parlai à Ga-
fibaldi, c'était au milieu de Palerme,
qui fumait encore sous les bombes, ses
tues semées de barricades et encom-
brées de cadavres; pleine du bruit de
'la lutte et des chants de victoire. Le
général, en chemise rouge, chapeau
gris, foulard lie-dc-vin en bandoulière,
la main sur la garde d'un sabre, des-
cendait un escarpement fait de ruines.
Qu'il était furt alors et agile ! Il sem-
blait avoir deux lumières sous ses
deux gros sourcils froncés.
- Mes enfants, nous dit-il avec un
léger accent italien, voici « un bel am-
phithéâtro ! » et il montrait du geste
ce quartier détruit, dont chaque pierre
était rougo de sang et d'où s'élevaient,
çà et là, de lourdes fumées noires.
La foule hurlait autour dé lui, et
quelques soldats le suivaient, vêtus de
rouge, avec des pantalons de fantaisie,
de gros fusils sur l'épaule. Ils repous-
saient doucement les gens du peuple
qui se précipitaient sur le général
pour lui embrasser les mains ou pour
toucher ses vêtements. Beaucoup le
prenaient pour un saint et lui croyaient
le pouvoir de guérir les maladies. 0.1
le disait invulnérable. Ou racontait
que les balles s'aplatissaient sur sa poi-
trine et tombaient à terre, inoffen-
sives. Hélas! Aspromonle a'démontré
Je contraire. Il avait fait tant de mira-
cles sur les champs de bataille qu'on
se l'imaginait thaumaturge dans la vie
privée.
Au Palazzo Reale il habitait une
mansarde au cinquième étag'. et par-
fois, à la fenêtre qui regardait la mer
par-dessus Palerme, on voyait paraître
sa forte tête blonde. Alor-, de tous les
côtés, on arrivait pour Jo saluer. Il se
retirait. Pendant toute la durée de la
campagne, il a - vécu comme le plus
pauvre de ses soldats et il a exposé sa
vie comme le plus brave.
Tous les généraux de l'armée régu-
lière piémontaise le jalousaient; tous
ojit été forcés de reconnaître que ce
chef de bander déployait, sur les
champs de bataille, un génie incom-
parable. Sa campagne de Sicile, par
la promptitude des marches, l'habi-
leté des manœuvres, l'audace des en-
treprises, peut être comparée aux plus
belles campagne;; de Bonaparte sur
l'Adige. Mais Garibaldi avait cette su-
périorité de no songer qu'à sa patrie.
La seconde fois que je le vis, c'est à
Bordeaux. Il venait de secourir la
France abandonnée de toute l'E irope.
Seul, avec une poignée d'hommes, il
avait tenu tête à des armées prus-
siennes ; il av.iit repris Dijon; il avait
conquis un drapeau ; il avait donné à
notre pays, accablé sous une prodi-
gieuse MICC ssion de défaites, la conso-
lation d'une victoire. Paris en avait
fait un député, et l'Assemblée natio-
nale, cléricale et monarchiste, s'étail
ruée sur lui et l'avait chassé.
En Sicile il avait combattu pour la
liberté. A Dij on, il a risqué sa vie pour
la France. Est-ce donc pour cela que
quelques députés français doivent ,
dit-on, monter à la tribune, aujour-
d'hui, pour essayer de déshonorer sa
mémoire?
EDOUARD LOCKROY.
■ -
UNE SÉANCE ROYALISTE
Tout à l'heure, après avoir lu le
compte-rendu officiel de la séance où
la Chambre républicaine de Paris vient
de rendre à Garibaldi mort un si juste
hommage, j'ai eu la curiosité de relire
le compte-rend u également officiel de
la séance où l'Assemblée royaliste de
Bordeaux a eu à s'occuper do Garibaldi
vivant.
Eu voici une partie :
« M. VICTOR IIUGO. - La France
vient de traverser une épreuve terrible,
d'où elle est sortie sanglante et vain-
cue. On peut être vaincu et rester
grand, la France le prouve. La France,
accablée en présence des nattons, a
rencontré la lâcheté de l'Europe. Do
toutes les puissances européenues., au-
cune ne s'est lovée pour défendre cette
France qui, tant de fois, avait pris en
main la cause de l'Europe, pas un roi,
pas un Etat, personne! un seul homme
excepté. (Sourires ironiques à droite.
- Très bien! à gauche.) Ah ! les puis-
sances, comme on dit, n'intervenaient
pas; elibien, un homme est intervenu,
et cjt homme est une puissance. (Ex-
clamations sur plusieurs hancs à droite.)
Cet homme, messieurs, qu'avait-il?
son épée.
» M. DE LORGERIL. - Et Bordonef
(Oll rit.)
» M. VICTOR HUGO. - Son épée, et
cett : épée avait déjà délivré un peu-
ple. (Exclamations) et cette épée
pouvait en sauver un autre. (Nouvelles
exclamations.) Il l'a pensé; il est venu,
il a combattu.
» M. DE LORGERIL. — Ce sont des ré-
clames qui ont été faites; il n'a pas
combattu.
» M. VICTOR HUGO. — Les interrup-
tions ne m'empêcheront pas de com-
pléter ma pensée. Il a combattu.
(Nouvelles interruptions. A droite :
Non ! non ! A gauche : Si! si !)
» M. DE LORGERIL. — Il a fait sem-
blant !
» UN MEMBRE A DROITE. — Il n'a pas
vai icu en tout cas.
» M. VICTOR HUGO. -Je ne veux bles-
ser personne dans cette Assemblée,
mais je dirai qu'il est le seul des géné-
raux qui ont lutté pour la France, le
seul qui n'ait pas été vaincu. (Bruyan-
tes réclamations à droite. — App audis-
sements à gauche. — Plusieurs membres
à droite : A l'ordre ! à l'ordre !)
» M. LE GÉNÉRAL DUCROT. — Je de-
mande la parole. (Plusieurs membres se
lèvent et interpellent vivement M. Victor
Hugo. )
» M. LE PRÉSIDENT, aux interrupUurs.
— La parole est à M. Victor Hugo
seul.
» M. DE LORGERIL. - L'Assemblée
refuse la par le à M. Victor Hugo,
parce qu'il ne parle pas français. (OA!
ohl —Rumeurs confuses.)
» M. LE PRESIDENT. — Vous n'avez
pas h parole, monsieur de Lorgeril..
» M. LE GÉNÉRAL DUCROT. - Oa ne
peut pas rester là-dessus.
» M. VICTOR IIUGO. - Vous y resterez
pourtant, général.
» M. LE PRÉSIDENT. - Vous aurez la
parole après l'orateur.
» M. VICTOR HUGO. — Il est impos-
sible. (Les cris : A l'ordre ! continuent.)
» M. LE PRÉSIDENT. — Je vous rap-
pellerai vous-même à l'ordre, si vous
continuez à le troubler. (Très bien 1 très
biein !) Je rappellerai à l'ordre ceux qui
empêcheront le président d'exercer sa.
fonction. Je suis juge da rappel à
l'ordre.
- » PLUSIEURS MEMBRES A DROITE. —
Nous le demandons, le rappel à
l'ordre !
» M. LE PRÉSIDENT. — Il ne Suffit
pas que vous la demandiez. (Très bien!
— Interpellations diverses et confuses.)
Je donne la parole à M, Victor Hugo
pour s'expliquer, et ceux qui l'inter-
rompront seront rappelas à l'ordre.
(Très bien !)
» M. VICTOR HUGO. — Je VaiS VOUS
satisfaire, messieurs, et aller plus loin
que vous. (Profond silence.) Il y a trois
semaines, vous avez refusé d'entendre
Garibaldi; aujourd'hui, vous refusez
de m'entendre. Cela me suffit. Ja donne
ma démission. (Longues rumeurs. —
Non ! non 1 — Applaudissements à gau-
che. ) '-
» UN MEMBRE. — L'Assemblée n'ac-
cepte pas votre démission.
» M. VICTOR HUGO. - Je l'ai donnée
et je la maintiens. »
- Si je rappelle cette triste séance
ou les royalistes ont manqué du même
coup à l'héroïsme et au génie, c'est
pour ceci :
Les journaux qu'exaspère l'hom-
mage rendu à Garibaldi par les re-
présentants de la France donnent pour
raison de leur exaspération une lettre
d'il y a trois mois dans laquelle Gari-
baldi parlait en termes violents de l'ex-
pédition tunisienne. La citation que
j'ai faite démontre que cette raison
n'est qu'un prétexte, car ce n'est pas
- une lettre - de -- mars i882 Qui a donné
aux royalistes, au seul nom de Gari-
baldi, leur accès d'épilepsie de mai
1871.
La vraie raison de l'état où lE
seul nom de Garibaldi met les roya-
listes, ils l'ont dite par la bouche de
M. Baudry d'Asson : « Nous ne pou-
vons pas oublier que Garibaldi a com-
battu le souverain pontife. » Ce n'esl
pas par patriotisme qu'ils hurlent,
c'est par cléricalisme. Leur hurlement,
d'ailleurs, nous est doux.
AUGUSTE VACQUERIB.
.———— ———r
LE MET DE NOTRE FAIBLESSE
Dans la tumultueuse séance de
jeudi, M. Gambelta, se conformant à
une tendance particulière de son es-
prit et de son talent, a lancé contre le
cabinet une de ces apostrophes véhé-
mentes destinées au plus grand suc-
cès, tant qu'on n'a pas le loisir d'en
mesurer la portée : « Vous venez, s'est-
il écrié, de livrer à l'Europe le secret
de vos faiblesses ! »
C'est un bien gros mot, ceht, et bien
injuste en mêm3 temps. Je ne veux
m occuper ici de la question qu'au
point de vue exclusivement militaire,
et je dis que le secret de notre fai-
blesse n'est pas un secret pour qui-
conque veut prendre la peine d'ouvrir
les yeux. •
Nourrir co pays d'illusions, l'entre-
tenir dans cette pensée qu'il peut en-
treprendre je.ne sais quelles aventures
pour soutenir je ne sais quel faux
point d'honneur national, c'est un
crime de lèse-patrie. A peine com-
mençons-nous tout juste à reprendre
les forces nécessaires pour résister à
une attaque, pour nous défendre contre
une agression, si elle venait à se pro-
duire. Mais songer à se jeter dans une
équipée nouvelle, après la doulou-
reuse expérience de Tunisie, ce serait
travailler, consciemment ou inconsciem-
ment, à détruire la patrie elle-même.
Je parle ici, je le sais bien, un lan-
gage contraire à toutes les traditions
éternelles de la politique extérieure,
et je n'ignore pas qu'il se trouvera
des gens pour m'accuser de manquer
de patriotisme. Mais, la tradition re-
montant à la monarchie, et reposant
sur le mensonge perpétuel, je crois
que la République a mieux à faire. Et
d'autre part, comme je dis là des vé-
rités qui sont connues de l'Europe en-
tière (excepté d'ua certain nombre de
Français), j'estime que proclamer tout
haut ce qui est, que refouler des illu-
sions dangereuses, c'est servir son
pays. -
Ah! l'on vient parler du « secret de
notre faiblesse ». Il n'est vraiment pas
difficile à deviner. Le secret de notre
faiblesse, c'est Metz, c'est Sedan, c'est
l'impunité de Bazaine. Le secret de
notre faiblesse, c'est la réaction atroce
qui s'est abattue sur la France jusqu'en
1879 et qui l'a empêchée de se refaire.
Le secret de notre faiblesse, c'est l'op-
position acharnée qu'on a faite cons-
tamment, M. Gambetta tout le pre-
mier, à une organisation républicaine
de l'armée ; c'est l'absence de respon-
sabilité vraie dans les hautes régions
militaires; c'est la méconnaissance des
seuls principes de discipline militaire
compatibles avec une démocratie ; c'est
l'égoïsme des classes dirigeantes se re-
fusant à participer au même titre que
tout le monde aux charges militaires ;
c'est cet esprit d'opposition à toute
réforme juste, qui a subsisté même
après la chute du pouvoir personnel
de M. de Mac-Mahon.
Le secret de notra faiblesse, c'est,
pour une bonne part, la nomination
de M. de Miribel aux fonctions de chef
d'état-major général.
Voilà, ce me semble, des secrets
passablement percés à jour depuis
longtemps déjà, et qui éclatent aux
yeux avec une clarté suffisante. Qu'il
puisse entrer dans les combinaisons
de certaines ambitions particulières ou
de certains calculs politiques de les
voiler aux yeux du pays, c'est pos-
sible. Mais ces ambitions ou ces cal-
culs n'ont rien de commua avec l'inté-
rêt matériel ou moral de la France.
C'est avec de pareils sophismes qu'on
nous a jetés en Tunisie; cela suffit,
c'est trop même. De grâce, ne recom-
mençons pas.
Dussé-je me faire maudire par tous
les chauvins et par tous ceux qui ont
intérêt à exploiter le chauvinisme, je
ne me lasserai jamais de répéter : Olli,
nous sommes faibles pour commettre
des folies ou des injustices; travaillons
à devenir forts pour nous défendre s'il
en était besoin; constituons notre force
défensive sur des bases républicaines,
unissons nos efforts dans une pensée
patriotique et dans un patriotique
élan; tâchons d'avoir assez de volonté
soutenue, assez d'abnégation, assez
de dévouement pour refaire à notre
pays les forces défensives qui lui sont
nécessaires. Mais si nous l'aimons
vraiment, ce pays, ménageons son
sang, ménageons son argent, et souve-
nons-nous des leçons du passé; n'ou-
blions pas le Mexique! N'oublions pas
1870 ! N'oublions pas la Tunisie !
• A. LAISANT.
♦
Toutes les grandes puissances ont avisé
la France et l'Angleterre de leur adhé-
sion au projet de conférence, et en même
temps la Turquie a fait savoir aux ambas-
r sadeurs qu'elle envoyait au Caire un
commissaire spécial.
La seule puissance qui ait opposé quel-
ques difficultés à la tenue de la confé-
rence est la Porte qui, ayant enfin ob-
tenu l'autorisation d'envoyer au Caire un
commissaire, voudrait bien. qua tout fût
désarmais réglé là-bas par son agent, et
que, de cette façon, l'influence et le pres-
tige européens parussent subir un échec
aux yeux des Egyptiens.
La Porte a donc demandé « que les
puissances veuillent bien attendre le ré-
sultat de la mission que va remplir Der-
visch-Pacha en Egypte ». Mais il n'est pas
certain que les gouvernements se prêtent
à ce désir; la Russie surtout, dont les
journaux disaient hier qu'ils pensaient que
la conférence permettrait d'arriver à un rè-
glement de tout ce qui concerne la
question d'Orient, sera sans doute peu
disposée à accepter un ajournement. No-
tons pourtant une dépêche d'après la-
quelle lord Duflerin, ambassadeur d'Angle,.
terre, aurait conseillé à son gouvernement
d'entrer dans les vUPC; de la Turquie, et
d'ajourner l'ouverture de la conférence.
Rien de changé dans la situation en
Egypte. Les télégrammes diAlexaudrie et
du Caire ne mentionnent aucun incident
digne d'être not".
■ ■ A rjW >,'«'
LE GRAND-PRIX DE PARIS
Le grand prix de 100,003 francs a tou-
jours eu, depuis son appa ition, le privi-
lège de faire courir le monde ; cette ran-
gée de chiffres a une fascination qui at-
tire: aussi était-ce merveille que de voir
la foule qui se press ât hier sur les pelou-
ses ensoleillées de Longchamps. Ce n'est
plus ce jour-là le public spécial des autres
réunions qui vient pour voir peu, jouer
beaucoup; c'est le tout-Paris, non plus
dans son acception restreinte, mais le
tout-Paris des revues et des feux d'ar-
tifice du 14 juillet; c'est la partie de cam-
pagne depuis longtemps projetée, le dé-
jeuner sur l'herbe, dans le bois, qu'aime
le Parisien ; c'est la pièce de cent sous
placée sur le champion français, et avec
cela le réveil du chauvinisme qui n'est ja-
mais qu'assoupi dans le cœur du bour-
geois de Paris.
Longchamps, c'est toute cette somme
de plaisirs convoités de longs mois à
l'avance. Et le soir, on s'en retourne
éreinté, traînant sa petite famille qui n'en
peut plus, mais la journée a été bien
remplie; on a bu du soleil, voire de la
poussière tout le long du jour, et l'on
chante la victoire du héros national ou l'on
rumine la revanche de l'an prochain. - -
Au pesage, c'est un autre spectacle ; ce
ne sont qu'hommes affairés et pressés ;
on court, on se bouscule, les bookmakers
ne savent où donner de la tête; c'est une
fourmilière en plein travail. Propriétaires
et jockeys complotent, qui un train d'en-
fer, qui une course d'attente. Et avec
cela une diversité de langage qui étour-
dirait l'homme le plus prévenu. A tour
de rô e on va jusqu'aux boxes admirer les
« cracks a de la grande course, et donner
au besoin son appréciation. Et les lads
sont ia qui nouenonnent et Drossent les
chevaux avec des soins minutieux.
A plusieurs égards, cette réunion du
Grand-Prix présente un intérêt spécial.
C'est, pour l'année, l'apogée de l'amélio-
ration de la race chevaline. Le gagnant
de cette épreuve doit être, sauf surprise,
déclaré le meilleur produit de sa généra-
tion. C'est aussi, mais à un autre point
de vue, le signal du dépait aux eaux, aux
bains de mer, à la campagne. Qui peut
retenir à Paris, après le Grand-Prix, les
gens qui n'ont rien à faire? Ils y per-
draient leur temps. Le Grand-Prix est
enlin, pour grand nombre de petits indus-
triels, une source de produits considé-
rables et qu'on ne saurait imaginer sans
réflexion.
Quant à l'intérêt hippique, cette année
au moins, il se présentait avec une médio-
crité rare, et le chauvinisme était hors
de mise. L'Angleterre mettait en ligne un
champion redoutable. Bruce, imbattable
à deux ans, n'avait obtenu que la qua-
trième place au Derby d'Epsorn, par suite
de la peur que lui avait causée un mor-
[ ceau de journal volant dans l'herbe. Oh f
les déjeuners champêtres !
Et nous n'avions à lui opposer que des
concurrents de deuxième et de troisième
ordre, battus alternativement les uns par
les autres, et qui pour la plupart n'avaient
même pas figuré dans le prix du Jockey-
Club. Aussi la victoire du champion an-
glais ne faisait-elle de doute pour per-
sonne.
La piste, un peu lourde encore le ma-
tin, venait d'être améliorée par une bien-
faisante averse, lorsqu'après trois courses
anodines, auprès de la grande épreuve
attendue, la cloche sonna longuement.
annonçant l'apparition des racers. Tout
le monde est à son poste et les chevaux
défilent dans l'ordre suivant : Bruce,
Alhambra, Dandin, Fénelon, Réussi,
Royallieu, Jasmin.
L'action du favori est fort remarquée;
C'est un beau cheval bai, de grande taille*
et qui galope aisément.
Quand le drapeau s'abaisse, les chevaux
sont bien groupés. Alhambra prend aussi-
tôt la tête, suivi de Fénelon et de Dandin.
Bmce reste en arrière, et cet ordre se
maintient jusqu'au dernier moment. Dan-
din paraît alors, mais pour disparaître
bientôt, et ce n'est qu'à deux cents mètres
du but que Bruce se détache du peloton
qu'il a rejoint pour battre avec la plus
grande facilité Fénelon et Alhambra,
placés dans cet ordre ; le peloton est
loin derrière.
Les Anglais ont la victoire. Tâchons de
l'avoir l'année prochaine.
C. R.
<3^ * r
LES ON-DIT *
Hier donc, comme c'est la coutumé,
une foule innombrable de Parisiens se sont
dirigés vers le bois de Boulogne aussitôt
après déjeuner. Toutes les voitures étaient
mises en réquisition. Coupés, fiacres, ta..
pissières, breaks emportaient les ama.
teurs de courses vers Longchamps.
L'après-midi, dans Paris, les voitures
étaient un mythe ; seuls les omnibus rou-e
laient dans les rues.
Une légère ondée est venue, de deux à.
trois heures, rafraîchir la température qui
était vraiment étouffante. Cette pluie n'a
point nui au succès de la journée..
C'était la dix-neuvième fois que l'on
courait le Grand Prix de Paris.
C'est en 1863 que ce prix a été fondé r-
la réunion d'hier aurait été la vingtième ;
mais après la guerre, en 1871, le con-
cours n'eut pas lieu.
Voici depuis sa fondation, qui remonte
à 1863, les vainqueurs de cette épreuve»1
qui rapporte au propriétaire gagnant de
cent vingt à cent trente mille francs :
1863. — The Ranger, à M. Saville.
1864. — Vermout, à M. Delamarre.
1865. — Gladiateur, au comte de Lagrange
1866. -"_Ceybn, au duc de Beaufort.
1867. — Fervacques, à M. de Montgo-
mery.
1868. — The Earl, à lord Haslings.
1869. — Glaneur, à M. Lupin.
i870. — Sornette, à M. Laffite.
1872. — Crémorn, à M. Saville.
1873. — Boyard, à M. Delamarre.
1874. — Trent, à M. Marshall.
1875. — Salvator, à M. Lupin.
1876. — Kisber, à M. Baltazzi.
1877. — Saint-Christophe, à M. de La-
grange.
1878. — Thurio, au prince de Soltykoff.
1879. — Nubienne, à M. Blanc.
1880. — Robert the Devil, à M. C. BreJ
wer.
1881. - Foxhall, à M. James R. Keene.
Ib82. — Bruce, à M. Rymiil.
Ainsi, jusqu'à ce jour, le Grand Prix de
Paris a été gagné une fois par les Hon-
grois, une fois par les Russes, une fois
par les Américains. six fois par les An.,
glais et dix fois par lès Français.
0
00
Le président de la République a visité
l'exposition canine. J
Il a été reçu par M. Nicolay, président
de la société qui a organisé l'exposition ;
il en a parcouru toutes les parties, s'ar-
Feuilleton du RAPPEL
, DU 6 JUIN
pS
LA
CONFESSION D'UN ABBÉ
: MA CONFESSION
CHAPITRE XV,
(Suite.)
J'étais décidé it voyager, à ecrire
10,68 voyages, « m'intéresser à quelque
feuvre de «icfouveries lointaines, à deve-
nir un missionnaire de la science) puisque
je ne pouvais plus 1 être de la foi. En
ttendant, je passais me) journées dans
hs bibliothèques, à augmenter cette cu-
îiosilé d'apprendre, qu'on appelle le sa-
voir, à aie procurer toutes les notions
Voir le Rappel du 2 avril au 5 juin.
Reproduction et traduction IDlerdi*,
indispensables pour le but que j'aurais
choisi.
J'ajouterai, afin d'en finir avec cette
phase de ma vie, et pour ne rien omettre,
sans avoir à m'étendre sur ses tristesses,
que je co tinuai toutes les pratiques de
l'état religieux.
Je dis cela, pour qu'on sache bien Ve
je restais soumis, et non pour me vaster.
Les douleurs nouvelles qui m'étaient ré-
servées, les difficultés de la tâche que
j'allais avoir à remplir devaient s'accroître
et se compliquer de celte fidélité même,
tout à la lois instinctive et volontaire, du
prêtre interdit. -,
- Peut-être, en croyant rester fidèle à
Dieu, n'étais-je fidèle qu'à l'amour ! Le
besoin de sacrifice me consacrait de nou-
veau, et je ne priais pas pour moi sans
jriei' ëQ ïriême sempspour elle. L'homme
Itincèré ne peut se définir et se contenir
dans une lormule. A mesura que je m'é-
tudie, mè ne à mon à3c je me découvre
des dessous inconnus. L'unité de l'âme
e t comme l'unité du monde ; l'harmonie
de irilliers de petits mondes qu'on ne fi-
nirait jamais u'anJyscr, de subdiviser.
Je m'étais assigné un an de délai avant
de partir,
Un son d'hiver, huit mois environ
après ma dernière entrevue avec la du-
I chesse de Thorvilliers, j'éta:s dans mon
^c^jpet de travail, ie lisais, pour piepdre
sur ma nuit tout ce que je pouvais enle-
ver à mon insomnie habituelle, quand on
sonna à ma porte. J'étais seul. Très sur-
pris d'une visite à pareille heure (il était
près de minuit), moi qui recevais si ra:-
rement des visites dans le jour, j'allai
ouvrir.
Je me trouvai en face d'un vieillard de
grand air, de tenue un peu pareille à la
mienne, qui me demanda si j'étais le
comte d'Àltenbourg.
Je remarquai qu'il avait eu une lé-
gère hésitation, comme s'il avait pu être
tenté dédite : l'abbé d'Altenbourg.
Je l'introduisis, et, comme je lui offrais
un siège : lui offrais
- Non, monsieur, me dit il gravement,
nous n'avons pas le temps de causer, jo
viens vous chercher.
J'eus peur, et je le regardai. Mon re-
gard l'interrogeait.
— Je suis le docteur X. me dit-il.
Je connaissais son. nom comme celui
d'un médecin célèbre.
11 ajouta, avec une nuance de respect
q i me toucha et m'effraya :
- Nos professions e ressemblent, mon-
sieur. J'ai reçu une confession qui rous
associe à la même œuvre.
Je palpitais.
— Que se passe-t-il ? balbutiai-je, et,
no me contenant plus devant cette sym-
pathie si touçbante, si discrète dans sa
gravité, sentant un frère dans ce médecin
confesseur :
— Elle est malade ? m'écriai-je.
- Très malade. Oui, monsieur.
— Elle veut me vou-?
— Tout de suite.
— Partons 1
— Ma voiture est en bas.
Pendant que je m'apprêtais à la hâte,
le docteur, qui trouvait tout simple ce
qui s'échangeait de paroles étranges entre
nous, me disait, pour empêcher le si-
lence : : - .'-t .; ; ;
J ai eu de la peine à vous trouver. Je
craignais aussi que vous ne fussiez ab-
sent. On m'avait dit que vous deviez être
loin de Paris.
J'étais prêt; j'ouvris ma porte, j'éteignis
ma lampe.
- C'est à l'archevêché qu'on m'a donné
votre adresse, ajouta le docteur en pre-
nant la rampe de l'escalier.
II disait tout cela avec bonhomie. Mais
co grand savant était plein de précautions
pour les blessures. JI tenait sans doute à
me persuader qu'en apprenant mon se-
cret, il avait appris aussi la rigidité de ma
vie. Reine de Chavanges n'avait pu lui
dire où je demeurais, 'elle me croyait
palLi; il n'avait pas craint d'aller à
l'archevêché s'informer de la demeure
d'un prêtre qui pour lui n'était pas dé-
chu. V
Je ne pensais pas à ces délicatesses,
je les sentais instinctivement.
Nous descendimes en silence. Quand
nous fûmes assis dans le coupé, j'aurais
dû, j'aurais voulu interroger le docteur.
Je n'osai pas. J'étais épouvanté de ce
qu'il pouvait me répondre et j'aimais
mieux cette torture vague. 1
Dans l'angoisse d'une tendresse qui re-
cevait le droit de se manifester, je son-
geais qu'elle était bien malade, qu'elle
était en danger, que j'allais la revoir,
qu'il me fallait obtenir de Dieu son salut,
puisque le médecin se sentait vaincu
et venait me chercher comme auxi-
liaire. , x ; ;
Deux ou trois fois, penlant le trajet, je
me tournai vers le docteur, pour lui de-
mander un renseignement sur la ma-
ladie de la duchesse; chaque fois j'hé-
sitai.
A quoi bon connaître le mal qui la
tuait? Elle allait mourir ; elle mourait de
notre faute; elle m'appelait ; tout ce qu'il
y avait de terrible et de précis tenait dans
cette idée, je n'avais pas besoin d'en sa-
voir plus.
Sans que je m'en aperçusse, je laissais
venir à mes lèvres, non ce que je voulais
demander, non pas môme ce que je
croyais penser, mais l'arrière-sentiment
qui habitait en moi, et je répétais à mi-
,oi.
— C'est horrible ! c'est horrible 1 --
Le docteur mit sa main douce et froide
sur la mienne.
— Du courage, monsieur.
Pourquoi ne me disait-il que cela? Il
n'espérait donc plus rien?
J'eus alors la hardiesse désespérée de
lui demander le nom de la maladie, il mer
le donna. Je ne le compris pas, si je l'en-
tendis. C'était un nom technique, scienti-
fique. Je secouai la tète, comme si ce
terme mettait une lueur dans mon esprit,
et je retombai dans le bercement de ma i
terreur vague. ;
Au bout de dix minutes, nous étions i
là porte de l'hôtel. --:, ;
; Le marteau meretentit au cœur, quand
lé docteur le laissa retomber.
LOUIS ULBACH
TAfitonA
k *
ADMINISTRATION
43, RUE DE VALOIS, 48
ABONNEMENTS
- PARIS
JTroïs mois 10 »
Siismois. 20 »
DÉPARTEMENTS
I Trois mois 13 S®
t Six mois 22 H s
-
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFÈVRE
^MEOSIRAIEmi GÉIUKT
• v* -' -
.RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De l à 6 heures du iroir
FO, BUB DB VALOIS» JI
- -
Les manuscrits non insérés ne seront tittë rfiSljjg>
ANNONCES
MM. Cb. LAGRÀNGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
SOUVENIRS
La première fois que je parlai à Ga-
fibaldi, c'était au milieu de Palerme,
qui fumait encore sous les bombes, ses
tues semées de barricades et encom-
brées de cadavres; pleine du bruit de
'la lutte et des chants de victoire. Le
général, en chemise rouge, chapeau
gris, foulard lie-dc-vin en bandoulière,
la main sur la garde d'un sabre, des-
cendait un escarpement fait de ruines.
Qu'il était furt alors et agile ! Il sem-
blait avoir deux lumières sous ses
deux gros sourcils froncés.
- Mes enfants, nous dit-il avec un
léger accent italien, voici « un bel am-
phithéâtro ! » et il montrait du geste
ce quartier détruit, dont chaque pierre
était rougo de sang et d'où s'élevaient,
çà et là, de lourdes fumées noires.
La foule hurlait autour dé lui, et
quelques soldats le suivaient, vêtus de
rouge, avec des pantalons de fantaisie,
de gros fusils sur l'épaule. Ils repous-
saient doucement les gens du peuple
qui se précipitaient sur le général
pour lui embrasser les mains ou pour
toucher ses vêtements. Beaucoup le
prenaient pour un saint et lui croyaient
le pouvoir de guérir les maladies. 0.1
le disait invulnérable. Ou racontait
que les balles s'aplatissaient sur sa poi-
trine et tombaient à terre, inoffen-
sives. Hélas! Aspromonle a'démontré
Je contraire. Il avait fait tant de mira-
cles sur les champs de bataille qu'on
se l'imaginait thaumaturge dans la vie
privée.
Au Palazzo Reale il habitait une
mansarde au cinquième étag'. et par-
fois, à la fenêtre qui regardait la mer
par-dessus Palerme, on voyait paraître
sa forte tête blonde. Alor-, de tous les
côtés, on arrivait pour Jo saluer. Il se
retirait. Pendant toute la durée de la
campagne, il a - vécu comme le plus
pauvre de ses soldats et il a exposé sa
vie comme le plus brave.
Tous les généraux de l'armée régu-
lière piémontaise le jalousaient; tous
ojit été forcés de reconnaître que ce
chef de bander déployait, sur les
champs de bataille, un génie incom-
parable. Sa campagne de Sicile, par
la promptitude des marches, l'habi-
leté des manœuvres, l'audace des en-
treprises, peut être comparée aux plus
belles campagne;; de Bonaparte sur
l'Adige. Mais Garibaldi avait cette su-
périorité de no songer qu'à sa patrie.
La seconde fois que je le vis, c'est à
Bordeaux. Il venait de secourir la
France abandonnée de toute l'E irope.
Seul, avec une poignée d'hommes, il
avait tenu tête à des armées prus-
siennes ; il av.iit repris Dijon; il avait
conquis un drapeau ; il avait donné à
notre pays, accablé sous une prodi-
gieuse MICC ssion de défaites, la conso-
lation d'une victoire. Paris en avait
fait un député, et l'Assemblée natio-
nale, cléricale et monarchiste, s'étail
ruée sur lui et l'avait chassé.
En Sicile il avait combattu pour la
liberté. A Dij on, il a risqué sa vie pour
la France. Est-ce donc pour cela que
quelques députés français doivent ,
dit-on, monter à la tribune, aujour-
d'hui, pour essayer de déshonorer sa
mémoire?
EDOUARD LOCKROY.
■ -
UNE SÉANCE ROYALISTE
Tout à l'heure, après avoir lu le
compte-rendu officiel de la séance où
la Chambre républicaine de Paris vient
de rendre à Garibaldi mort un si juste
hommage, j'ai eu la curiosité de relire
le compte-rend u également officiel de
la séance où l'Assemblée royaliste de
Bordeaux a eu à s'occuper do Garibaldi
vivant.
Eu voici une partie :
« M. VICTOR IIUGO. - La France
vient de traverser une épreuve terrible,
d'où elle est sortie sanglante et vain-
cue. On peut être vaincu et rester
grand, la France le prouve. La France,
accablée en présence des nattons, a
rencontré la lâcheté de l'Europe. Do
toutes les puissances européenues., au-
cune ne s'est lovée pour défendre cette
France qui, tant de fois, avait pris en
main la cause de l'Europe, pas un roi,
pas un Etat, personne! un seul homme
excepté. (Sourires ironiques à droite.
- Très bien! à gauche.) Ah ! les puis-
sances, comme on dit, n'intervenaient
pas; elibien, un homme est intervenu,
et cjt homme est une puissance. (Ex-
clamations sur plusieurs hancs à droite.)
Cet homme, messieurs, qu'avait-il?
son épée.
» M. DE LORGERIL. - Et Bordonef
(Oll rit.)
» M. VICTOR HUGO. - Son épée, et
cett : épée avait déjà délivré un peu-
ple. (Exclamations) et cette épée
pouvait en sauver un autre. (Nouvelles
exclamations.) Il l'a pensé; il est venu,
il a combattu.
» M. DE LORGERIL. — Ce sont des ré-
clames qui ont été faites; il n'a pas
combattu.
» M. VICTOR HUGO. — Les interrup-
tions ne m'empêcheront pas de com-
pléter ma pensée. Il a combattu.
(Nouvelles interruptions. A droite :
Non ! non ! A gauche : Si! si !)
» M. DE LORGERIL. — Il a fait sem-
blant !
» UN MEMBRE A DROITE. — Il n'a pas
vai icu en tout cas.
» M. VICTOR HUGO. -Je ne veux bles-
ser personne dans cette Assemblée,
mais je dirai qu'il est le seul des géné-
raux qui ont lutté pour la France, le
seul qui n'ait pas été vaincu. (Bruyan-
tes réclamations à droite. — App audis-
sements à gauche. — Plusieurs membres
à droite : A l'ordre ! à l'ordre !)
» M. LE GÉNÉRAL DUCROT. — Je de-
mande la parole. (Plusieurs membres se
lèvent et interpellent vivement M. Victor
Hugo. )
» M. LE PRÉSIDENT, aux interrupUurs.
— La parole est à M. Victor Hugo
seul.
» M. DE LORGERIL. - L'Assemblée
refuse la par le à M. Victor Hugo,
parce qu'il ne parle pas français. (OA!
ohl —Rumeurs confuses.)
» M. LE PRESIDENT. — Vous n'avez
pas h parole, monsieur de Lorgeril..
» M. LE GÉNÉRAL DUCROT. - Oa ne
peut pas rester là-dessus.
» M. VICTOR IIUGO. - Vous y resterez
pourtant, général.
» M. LE PRÉSIDENT. - Vous aurez la
parole après l'orateur.
» M. VICTOR HUGO. — Il est impos-
sible. (Les cris : A l'ordre ! continuent.)
» M. LE PRÉSIDENT. — Je vous rap-
pellerai vous-même à l'ordre, si vous
continuez à le troubler. (Très bien 1 très
biein !) Je rappellerai à l'ordre ceux qui
empêcheront le président d'exercer sa.
fonction. Je suis juge da rappel à
l'ordre.
- » PLUSIEURS MEMBRES A DROITE. —
Nous le demandons, le rappel à
l'ordre !
» M. LE PRÉSIDENT. — Il ne Suffit
pas que vous la demandiez. (Très bien!
— Interpellations diverses et confuses.)
Je donne la parole à M, Victor Hugo
pour s'expliquer, et ceux qui l'inter-
rompront seront rappelas à l'ordre.
(Très bien !)
» M. VICTOR HUGO. — Je VaiS VOUS
satisfaire, messieurs, et aller plus loin
que vous. (Profond silence.) Il y a trois
semaines, vous avez refusé d'entendre
Garibaldi; aujourd'hui, vous refusez
de m'entendre. Cela me suffit. Ja donne
ma démission. (Longues rumeurs. —
Non ! non 1 — Applaudissements à gau-
che. ) '-
» UN MEMBRE. — L'Assemblée n'ac-
cepte pas votre démission.
» M. VICTOR HUGO. - Je l'ai donnée
et je la maintiens. »
- Si je rappelle cette triste séance
ou les royalistes ont manqué du même
coup à l'héroïsme et au génie, c'est
pour ceci :
Les journaux qu'exaspère l'hom-
mage rendu à Garibaldi par les re-
présentants de la France donnent pour
raison de leur exaspération une lettre
d'il y a trois mois dans laquelle Gari-
baldi parlait en termes violents de l'ex-
pédition tunisienne. La citation que
j'ai faite démontre que cette raison
n'est qu'un prétexte, car ce n'est pas
- une lettre - de -- mars i882 Qui a donné
aux royalistes, au seul nom de Gari-
baldi, leur accès d'épilepsie de mai
1871.
La vraie raison de l'état où lE
seul nom de Garibaldi met les roya-
listes, ils l'ont dite par la bouche de
M. Baudry d'Asson : « Nous ne pou-
vons pas oublier que Garibaldi a com-
battu le souverain pontife. » Ce n'esl
pas par patriotisme qu'ils hurlent,
c'est par cléricalisme. Leur hurlement,
d'ailleurs, nous est doux.
AUGUSTE VACQUERIB.
.———— ———r
LE MET DE NOTRE FAIBLESSE
Dans la tumultueuse séance de
jeudi, M. Gambelta, se conformant à
une tendance particulière de son es-
prit et de son talent, a lancé contre le
cabinet une de ces apostrophes véhé-
mentes destinées au plus grand suc-
cès, tant qu'on n'a pas le loisir d'en
mesurer la portée : « Vous venez, s'est-
il écrié, de livrer à l'Europe le secret
de vos faiblesses ! »
C'est un bien gros mot, ceht, et bien
injuste en mêm3 temps. Je ne veux
m occuper ici de la question qu'au
point de vue exclusivement militaire,
et je dis que le secret de notre fai-
blesse n'est pas un secret pour qui-
conque veut prendre la peine d'ouvrir
les yeux. •
Nourrir co pays d'illusions, l'entre-
tenir dans cette pensée qu'il peut en-
treprendre je.ne sais quelles aventures
pour soutenir je ne sais quel faux
point d'honneur national, c'est un
crime de lèse-patrie. A peine com-
mençons-nous tout juste à reprendre
les forces nécessaires pour résister à
une attaque, pour nous défendre contre
une agression, si elle venait à se pro-
duire. Mais songer à se jeter dans une
équipée nouvelle, après la doulou-
reuse expérience de Tunisie, ce serait
travailler, consciemment ou inconsciem-
ment, à détruire la patrie elle-même.
Je parle ici, je le sais bien, un lan-
gage contraire à toutes les traditions
éternelles de la politique extérieure,
et je n'ignore pas qu'il se trouvera
des gens pour m'accuser de manquer
de patriotisme. Mais, la tradition re-
montant à la monarchie, et reposant
sur le mensonge perpétuel, je crois
que la République a mieux à faire. Et
d'autre part, comme je dis là des vé-
rités qui sont connues de l'Europe en-
tière (excepté d'ua certain nombre de
Français), j'estime que proclamer tout
haut ce qui est, que refouler des illu-
sions dangereuses, c'est servir son
pays. -
Ah! l'on vient parler du « secret de
notre faiblesse ». Il n'est vraiment pas
difficile à deviner. Le secret de notre
faiblesse, c'est Metz, c'est Sedan, c'est
l'impunité de Bazaine. Le secret de
notre faiblesse, c'est la réaction atroce
qui s'est abattue sur la France jusqu'en
1879 et qui l'a empêchée de se refaire.
Le secret de notre faiblesse, c'est l'op-
position acharnée qu'on a faite cons-
tamment, M. Gambetta tout le pre-
mier, à une organisation républicaine
de l'armée ; c'est l'absence de respon-
sabilité vraie dans les hautes régions
militaires; c'est la méconnaissance des
seuls principes de discipline militaire
compatibles avec une démocratie ; c'est
l'égoïsme des classes dirigeantes se re-
fusant à participer au même titre que
tout le monde aux charges militaires ;
c'est cet esprit d'opposition à toute
réforme juste, qui a subsisté même
après la chute du pouvoir personnel
de M. de Mac-Mahon.
Le secret de notra faiblesse, c'est,
pour une bonne part, la nomination
de M. de Miribel aux fonctions de chef
d'état-major général.
Voilà, ce me semble, des secrets
passablement percés à jour depuis
longtemps déjà, et qui éclatent aux
yeux avec une clarté suffisante. Qu'il
puisse entrer dans les combinaisons
de certaines ambitions particulières ou
de certains calculs politiques de les
voiler aux yeux du pays, c'est pos-
sible. Mais ces ambitions ou ces cal-
culs n'ont rien de commua avec l'inté-
rêt matériel ou moral de la France.
C'est avec de pareils sophismes qu'on
nous a jetés en Tunisie; cela suffit,
c'est trop même. De grâce, ne recom-
mençons pas.
Dussé-je me faire maudire par tous
les chauvins et par tous ceux qui ont
intérêt à exploiter le chauvinisme, je
ne me lasserai jamais de répéter : Olli,
nous sommes faibles pour commettre
des folies ou des injustices; travaillons
à devenir forts pour nous défendre s'il
en était besoin; constituons notre force
défensive sur des bases républicaines,
unissons nos efforts dans une pensée
patriotique et dans un patriotique
élan; tâchons d'avoir assez de volonté
soutenue, assez d'abnégation, assez
de dévouement pour refaire à notre
pays les forces défensives qui lui sont
nécessaires. Mais si nous l'aimons
vraiment, ce pays, ménageons son
sang, ménageons son argent, et souve-
nons-nous des leçons du passé; n'ou-
blions pas le Mexique! N'oublions pas
1870 ! N'oublions pas la Tunisie !
• A. LAISANT.
♦
Toutes les grandes puissances ont avisé
la France et l'Angleterre de leur adhé-
sion au projet de conférence, et en même
temps la Turquie a fait savoir aux ambas-
r sadeurs qu'elle envoyait au Caire un
commissaire spécial.
La seule puissance qui ait opposé quel-
ques difficultés à la tenue de la confé-
rence est la Porte qui, ayant enfin ob-
tenu l'autorisation d'envoyer au Caire un
commissaire, voudrait bien. qua tout fût
désarmais réglé là-bas par son agent, et
que, de cette façon, l'influence et le pres-
tige européens parussent subir un échec
aux yeux des Egyptiens.
La Porte a donc demandé « que les
puissances veuillent bien attendre le ré-
sultat de la mission que va remplir Der-
visch-Pacha en Egypte ». Mais il n'est pas
certain que les gouvernements se prêtent
à ce désir; la Russie surtout, dont les
journaux disaient hier qu'ils pensaient que
la conférence permettrait d'arriver à un rè-
glement de tout ce qui concerne la
question d'Orient, sera sans doute peu
disposée à accepter un ajournement. No-
tons pourtant une dépêche d'après la-
quelle lord Duflerin, ambassadeur d'Angle,.
terre, aurait conseillé à son gouvernement
d'entrer dans les vUPC; de la Turquie, et
d'ajourner l'ouverture de la conférence.
Rien de changé dans la situation en
Egypte. Les télégrammes diAlexaudrie et
du Caire ne mentionnent aucun incident
digne d'être not".
■ ■ A rjW >,'«'
LE GRAND-PRIX DE PARIS
Le grand prix de 100,003 francs a tou-
jours eu, depuis son appa ition, le privi-
lège de faire courir le monde ; cette ran-
gée de chiffres a une fascination qui at-
tire: aussi était-ce merveille que de voir
la foule qui se press ât hier sur les pelou-
ses ensoleillées de Longchamps. Ce n'est
plus ce jour-là le public spécial des autres
réunions qui vient pour voir peu, jouer
beaucoup; c'est le tout-Paris, non plus
dans son acception restreinte, mais le
tout-Paris des revues et des feux d'ar-
tifice du 14 juillet; c'est la partie de cam-
pagne depuis longtemps projetée, le dé-
jeuner sur l'herbe, dans le bois, qu'aime
le Parisien ; c'est la pièce de cent sous
placée sur le champion français, et avec
cela le réveil du chauvinisme qui n'est ja-
mais qu'assoupi dans le cœur du bour-
geois de Paris.
Longchamps, c'est toute cette somme
de plaisirs convoités de longs mois à
l'avance. Et le soir, on s'en retourne
éreinté, traînant sa petite famille qui n'en
peut plus, mais la journée a été bien
remplie; on a bu du soleil, voire de la
poussière tout le long du jour, et l'on
chante la victoire du héros national ou l'on
rumine la revanche de l'an prochain. - -
Au pesage, c'est un autre spectacle ; ce
ne sont qu'hommes affairés et pressés ;
on court, on se bouscule, les bookmakers
ne savent où donner de la tête; c'est une
fourmilière en plein travail. Propriétaires
et jockeys complotent, qui un train d'en-
fer, qui une course d'attente. Et avec
cela une diversité de langage qui étour-
dirait l'homme le plus prévenu. A tour
de rô e on va jusqu'aux boxes admirer les
« cracks a de la grande course, et donner
au besoin son appréciation. Et les lads
sont ia qui nouenonnent et Drossent les
chevaux avec des soins minutieux.
A plusieurs égards, cette réunion du
Grand-Prix présente un intérêt spécial.
C'est, pour l'année, l'apogée de l'amélio-
ration de la race chevaline. Le gagnant
de cette épreuve doit être, sauf surprise,
déclaré le meilleur produit de sa généra-
tion. C'est aussi, mais à un autre point
de vue, le signal du dépait aux eaux, aux
bains de mer, à la campagne. Qui peut
retenir à Paris, après le Grand-Prix, les
gens qui n'ont rien à faire? Ils y per-
draient leur temps. Le Grand-Prix est
enlin, pour grand nombre de petits indus-
triels, une source de produits considé-
rables et qu'on ne saurait imaginer sans
réflexion.
Quant à l'intérêt hippique, cette année
au moins, il se présentait avec une médio-
crité rare, et le chauvinisme était hors
de mise. L'Angleterre mettait en ligne un
champion redoutable. Bruce, imbattable
à deux ans, n'avait obtenu que la qua-
trième place au Derby d'Epsorn, par suite
de la peur que lui avait causée un mor-
[ ceau de journal volant dans l'herbe. Oh f
les déjeuners champêtres !
Et nous n'avions à lui opposer que des
concurrents de deuxième et de troisième
ordre, battus alternativement les uns par
les autres, et qui pour la plupart n'avaient
même pas figuré dans le prix du Jockey-
Club. Aussi la victoire du champion an-
glais ne faisait-elle de doute pour per-
sonne.
La piste, un peu lourde encore le ma-
tin, venait d'être améliorée par une bien-
faisante averse, lorsqu'après trois courses
anodines, auprès de la grande épreuve
attendue, la cloche sonna longuement.
annonçant l'apparition des racers. Tout
le monde est à son poste et les chevaux
défilent dans l'ordre suivant : Bruce,
Alhambra, Dandin, Fénelon, Réussi,
Royallieu, Jasmin.
L'action du favori est fort remarquée;
C'est un beau cheval bai, de grande taille*
et qui galope aisément.
Quand le drapeau s'abaisse, les chevaux
sont bien groupés. Alhambra prend aussi-
tôt la tête, suivi de Fénelon et de Dandin.
Bmce reste en arrière, et cet ordre se
maintient jusqu'au dernier moment. Dan-
din paraît alors, mais pour disparaître
bientôt, et ce n'est qu'à deux cents mètres
du but que Bruce se détache du peloton
qu'il a rejoint pour battre avec la plus
grande facilité Fénelon et Alhambra,
placés dans cet ordre ; le peloton est
loin derrière.
Les Anglais ont la victoire. Tâchons de
l'avoir l'année prochaine.
C. R.
<3^ * r
LES ON-DIT *
Hier donc, comme c'est la coutumé,
une foule innombrable de Parisiens se sont
dirigés vers le bois de Boulogne aussitôt
après déjeuner. Toutes les voitures étaient
mises en réquisition. Coupés, fiacres, ta..
pissières, breaks emportaient les ama.
teurs de courses vers Longchamps.
L'après-midi, dans Paris, les voitures
étaient un mythe ; seuls les omnibus rou-e
laient dans les rues.
Une légère ondée est venue, de deux à.
trois heures, rafraîchir la température qui
était vraiment étouffante. Cette pluie n'a
point nui au succès de la journée..
C'était la dix-neuvième fois que l'on
courait le Grand Prix de Paris.
C'est en 1863 que ce prix a été fondé r-
la réunion d'hier aurait été la vingtième ;
mais après la guerre, en 1871, le con-
cours n'eut pas lieu.
Voici depuis sa fondation, qui remonte
à 1863, les vainqueurs de cette épreuve»1
qui rapporte au propriétaire gagnant de
cent vingt à cent trente mille francs :
1863. — The Ranger, à M. Saville.
1864. — Vermout, à M. Delamarre.
1865. — Gladiateur, au comte de Lagrange
1866. -"_Ceybn, au duc de Beaufort.
1867. — Fervacques, à M. de Montgo-
mery.
1868. — The Earl, à lord Haslings.
1869. — Glaneur, à M. Lupin.
i870. — Sornette, à M. Laffite.
1872. — Crémorn, à M. Saville.
1873. — Boyard, à M. Delamarre.
1874. — Trent, à M. Marshall.
1875. — Salvator, à M. Lupin.
1876. — Kisber, à M. Baltazzi.
1877. — Saint-Christophe, à M. de La-
grange.
1878. — Thurio, au prince de Soltykoff.
1879. — Nubienne, à M. Blanc.
1880. — Robert the Devil, à M. C. BreJ
wer.
1881. - Foxhall, à M. James R. Keene.
Ib82. — Bruce, à M. Rymiil.
Ainsi, jusqu'à ce jour, le Grand Prix de
Paris a été gagné une fois par les Hon-
grois, une fois par les Russes, une fois
par les Américains. six fois par les An.,
glais et dix fois par lès Français.
0
00
Le président de la République a visité
l'exposition canine. J
Il a été reçu par M. Nicolay, président
de la société qui a organisé l'exposition ;
il en a parcouru toutes les parties, s'ar-
Feuilleton du RAPPEL
, DU 6 JUIN
pS
LA
CONFESSION D'UN ABBÉ
: MA CONFESSION
CHAPITRE XV,
(Suite.)
J'étais décidé it voyager, à ecrire
10,68 voyages, « m'intéresser à quelque
feuvre de «icfouveries lointaines, à deve-
nir un missionnaire de la science) puisque
je ne pouvais plus 1 être de la foi. En
ttendant, je passais me) journées dans
hs bibliothèques, à augmenter cette cu-
îiosilé d'apprendre, qu'on appelle le sa-
voir, à aie procurer toutes les notions
Voir le Rappel du 2 avril au 5 juin.
Reproduction et traduction IDlerdi*,
indispensables pour le but que j'aurais
choisi.
J'ajouterai, afin d'en finir avec cette
phase de ma vie, et pour ne rien omettre,
sans avoir à m'étendre sur ses tristesses,
que je co tinuai toutes les pratiques de
l'état religieux.
Je dis cela, pour qu'on sache bien Ve
je restais soumis, et non pour me vaster.
Les douleurs nouvelles qui m'étaient ré-
servées, les difficultés de la tâche que
j'allais avoir à remplir devaient s'accroître
et se compliquer de celte fidélité même,
tout à la lois instinctive et volontaire, du
prêtre interdit. -,
- Peut-être, en croyant rester fidèle à
Dieu, n'étais-je fidèle qu'à l'amour ! Le
besoin de sacrifice me consacrait de nou-
veau, et je ne priais pas pour moi sans
jriei' ëQ ïriême sempspour elle. L'homme
Itincèré ne peut se définir et se contenir
dans une lormule. A mesura que je m'é-
tudie, mè ne à mon à3c je me découvre
des dessous inconnus. L'unité de l'âme
e t comme l'unité du monde ; l'harmonie
de irilliers de petits mondes qu'on ne fi-
nirait jamais u'anJyscr, de subdiviser.
Je m'étais assigné un an de délai avant
de partir,
Un son d'hiver, huit mois environ
après ma dernière entrevue avec la du-
I chesse de Thorvilliers, j'éta:s dans mon
^c^jpet de travail, ie lisais, pour piepdre
sur ma nuit tout ce que je pouvais enle-
ver à mon insomnie habituelle, quand on
sonna à ma porte. J'étais seul. Très sur-
pris d'une visite à pareille heure (il était
près de minuit), moi qui recevais si ra:-
rement des visites dans le jour, j'allai
ouvrir.
Je me trouvai en face d'un vieillard de
grand air, de tenue un peu pareille à la
mienne, qui me demanda si j'étais le
comte d'Àltenbourg.
Je remarquai qu'il avait eu une lé-
gère hésitation, comme s'il avait pu être
tenté dédite : l'abbé d'Altenbourg.
Je l'introduisis, et, comme je lui offrais
un siège : lui offrais
- Non, monsieur, me dit il gravement,
nous n'avons pas le temps de causer, jo
viens vous chercher.
J'eus peur, et je le regardai. Mon re-
gard l'interrogeait.
— Je suis le docteur X. me dit-il.
Je connaissais son. nom comme celui
d'un médecin célèbre.
11 ajouta, avec une nuance de respect
q i me toucha et m'effraya :
- Nos professions e ressemblent, mon-
sieur. J'ai reçu une confession qui rous
associe à la même œuvre.
Je palpitais.
— Que se passe-t-il ? balbutiai-je, et,
no me contenant plus devant cette sym-
pathie si touçbante, si discrète dans sa
gravité, sentant un frère dans ce médecin
confesseur :
— Elle est malade ? m'écriai-je.
- Très malade. Oui, monsieur.
— Elle veut me vou-?
— Tout de suite.
— Partons 1
— Ma voiture est en bas.
Pendant que je m'apprêtais à la hâte,
le docteur, qui trouvait tout simple ce
qui s'échangeait de paroles étranges entre
nous, me disait, pour empêcher le si-
lence : : - .'-t .; ; ;
J ai eu de la peine à vous trouver. Je
craignais aussi que vous ne fussiez ab-
sent. On m'avait dit que vous deviez être
loin de Paris.
J'étais prêt; j'ouvris ma porte, j'éteignis
ma lampe.
- C'est à l'archevêché qu'on m'a donné
votre adresse, ajouta le docteur en pre-
nant la rampe de l'escalier.
II disait tout cela avec bonhomie. Mais
co grand savant était plein de précautions
pour les blessures. JI tenait sans doute à
me persuader qu'en apprenant mon se-
cret, il avait appris aussi la rigidité de ma
vie. Reine de Chavanges n'avait pu lui
dire où je demeurais, 'elle me croyait
palLi; il n'avait pas craint d'aller à
l'archevêché s'informer de la demeure
d'un prêtre qui pour lui n'était pas dé-
chu. V
Je ne pensais pas à ces délicatesses,
je les sentais instinctivement.
Nous descendimes en silence. Quand
nous fûmes assis dans le coupé, j'aurais
dû, j'aurais voulu interroger le docteur.
Je n'osai pas. J'étais épouvanté de ce
qu'il pouvait me répondre et j'aimais
mieux cette torture vague. 1
Dans l'angoisse d'une tendresse qui re-
cevait le droit de se manifester, je son-
geais qu'elle était bien malade, qu'elle
était en danger, que j'allais la revoir,
qu'il me fallait obtenir de Dieu son salut,
puisque le médecin se sentait vaincu
et venait me chercher comme auxi-
liaire. , x ; ;
Deux ou trois fois, penlant le trajet, je
me tournai vers le docteur, pour lui de-
mander un renseignement sur la ma-
ladie de la duchesse; chaque fois j'hé-
sitai.
A quoi bon connaître le mal qui la
tuait? Elle allait mourir ; elle mourait de
notre faute; elle m'appelait ; tout ce qu'il
y avait de terrible et de précis tenait dans
cette idée, je n'avais pas besoin d'en sa-
voir plus.
Sans que je m'en aperçusse, je laissais
venir à mes lèvres, non ce que je voulais
demander, non pas môme ce que je
croyais penser, mais l'arrière-sentiment
qui habitait en moi, et je répétais à mi-
,oi.
— C'est horrible ! c'est horrible 1 --
Le docteur mit sa main douce et froide
sur la mienne.
— Du courage, monsieur.
Pourquoi ne me disait-il que cela? Il
n'espérait donc plus rien?
J'eus alors la hardiesse désespérée de
lui demander le nom de la maladie, il mer
le donna. Je ne le compris pas, si je l'en-
tendis. C'était un nom technique, scienti-
fique. Je secouai la tète, comme si ce
terme mettait une lueur dans mon esprit,
et je retombai dans le bercement de ma i
terreur vague. ;
Au bout de dix minutes, nous étions i
là porte de l'hôtel. --:, ;
; Le marteau meretentit au cœur, quand
lé docteur le laissa retomber.
LOUIS ULBACH
TAfitonA
k *
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