Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-06-01
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 juin 1882 01 juin 1882
Description : 1882/06/01 (N4465). 1882/06/01 (N4465).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75319530
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
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N° 4465 - Jeudi 1er Juin 1882 Le numéro 10 c. — Départements 15 c. ---,',,' -v-vf Prairial an 90 — 44 65
',"" ,:;., ADJMlRlSTRATIOW
18, RUE DE VALOIS, 18
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 10 »
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS '-
Trois mois. rbe
S-ùcjnois J&
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFEVRE
ADMINISTRATEUR GÉRANT
-, 1"" - - 'n, -
, * .A -'
ÈDA-CT ON
y $'&dressef ûu IS-ecr^taira•.., '- v
98, BOB DB VALOIS, iq
Jes manuscrits non insérés ne seront pas rendus
5 1 ANNONCES
MM. Ch. LÀGRANGE, CERF et C*
L 6, place de la Bourse, 6
Encore ODe fepille qui tombe»;
','
i k
,:" - M L'avenir! Nous l'entrevoyons me.,
naçant et sombre. Car plus les événe-
ments déchaînés se précipitent, et plus
l'étoffe amincie des pilotes chargés de
tenir tête à l'orage se découd miséra-
blement et flotte, comme une loque,
au gré des vents et du hasard. »
i Ainsi débute le moniteur du bona-
partisme orthodoxe, le journal du suc-
cesseur constitutionnel (j'entends la
constitution impériale) de Napoléon III,
l'organe de celui qui signe NAPOLÉON
(Jérôme), — le Napoléon.
:' Ce pessimisme ne vous étonne pas,
vu l'habitude qu'ont non-seulement
les journaux bonapartistes, mais au-
tant qu'eux les journaux royalistes
blancs ou tricolores, de prophétiser
tous les matins et tous les soirs à
la France toutes les avalanches de tous
les cataclysmes possibles si elle ne se
hâte pas de restaurer* le s uns disent
l'empire, les au très la royauté. Mais la
prophétie du Napoléon vous étonne en-
core bien moins quand vous avez lu
: en tête de sa première colonne que
« pour des raisons :;d'administratio'fl
intérieure, la publication du Napoléon
est suspendue à partir de demain ».
Alors vous comprenez sur qui les
évènements déchaînés se précipitent
et quelle est l'étoffe amincie qui se
découd misérablement et flotte comme
une loque.
Ah! oui, « l'avenir » des bonapar-
tistes est « sombre ». En tête du nu-
méro où le Napoléon nous fait part do
son décès, on peut lire une lettre qui,
dit-il, porte avec elle son commen-
taire ». Voici cette lettre : « Mon cher
directeur, au moment où le Napoléon
interrompt sa publication, je tiens à
vous témoigner que la politique dé-
fendue par ce journal n'a pas cessé
.:. d'être conforme aux vraies doctrines
napoléoniennes' que je ^représente»"
aujourd'hui et que mes fils représente-
ront dans l'avenir, malgré d'odieux et
et de perfides appels aux plus mauvais,
sentiments. Recevez, mon cher direc-
teur, l'assurance de mes sentiments très
distingués. NAPOLÉON (Jérôme). » Cette
lettre porte, en effet, avec elle son com-
mentaire. Quoi, voilà un journal dont la
politique n'a pas cessé d'être conforme
aux vraies doctrines napoléoniennes,
un journal qui est le journal officiel de
l'empire, et, après quelques mois à
peine, ce journal se découd misérable-
ment et passe à l'état de loque 1
Ah ! ils auraient le cœur mieux
cerclé que du triple airain d'Horace
ceux qui, dans des conditions pareilles,
verraient l'avenir en rose!
» Le Napoléon le voit en noir. Ce
n'est pas seulement la France qui est
en péril. Dans toute l'Europe, « une
poussée formidable d'éléments anar-
chiques a fait brusquement irruption
sur la scène. Sous des noms différents,
nihilisme en Russie, socialisme en
Allemagne, fénianisme en Irlande,
c'est partout la même explosion de
passions subversives, sur lesquelles
les répressions de Loris Mélikoff,
; comme les indulgences d'Ignatieff, les
concessions comme les coercitions de
Gladstone, les lois do fer comme les
lois de prévoyance de Bismarck,se sont
émoussées également. » Quant à la
France, « elle incline insensiblement
vers la banqueroute», et « son sol hé-
roïque, d'où jaillissaient jadis à point
nommé les grands chefs pour guider la
nation dan? sa voie glorieuse, n'est
plus aujourd'hui qu'une plaine inculte,
vido de sève et veuve d'épis, où toute
molécule est pourrie* d'égoïsme, où
toute glèbe. est transformée en nid de
reptiles ou èn terrier à mulots ».
- « Maintenant la coupe est pleine ! »
s'écrie douloureusement le jbùrnal qui
aimerait mieux que cff fùt sa caisse.
Et il voit déjà, d'une part, l'Allemagne
envahir le terrier à mulots et, de l'autre,
le prolétariat donner l'assaut à la bour-
geoisie et « s'en gorger sur le cadavre
de la patrie». Telles sont les choses
qui apparaissent aux journaux agoni-
sants.
Que va faire la France pour empê-
cher la patrie d'être un cadavre et un
terrier à mulots et pour échapper à une
invasion ?Elle n'a qu'une chose à faire :
« chercher à tâtons dans l'ombre une
main ferme et sûre. » Est-il besoin de
vous dire quelle main? Cette main ne
peut être que « l'égide et le nom des
Napoléon ». - « Heureuse la Franco
si la fortune lui permet, à travers
les impatiences des uns, les folies
malveillantes des autres, l'aveugle-
ment de tous, de retrouver la grande
force des comices populaires, l'égide
et le nom des Napoléon! » En ef-
fet, avec l'égide et le nom des Na-
poléon, plus d'invasion possible. De-
mandez plutôt à 1844, à 1815 et à 1870.
Et, si une invasion se présentait, il
n'y a que l'empire pour les vaincre.
Exemples : Waterloo et Sedan.
Mais j'ai peur que la France ne pousse
la « folie» et l' « aveuglement » jus-
qu'à méconnaitre les services que lui
ont rendus et que lui rendraient en-
core l'égide et le nom des Napoléon.
Les comices populaires que les bo-
napartistes ont toujours à la bouche se
préparent mal à leur donner les six
millions d'électeurs qu'il leur faudrait
pour ressusciter leur empire en ne
leur donnant pas les six millo lecteurs
qu'il leuE faw&'ait pour faire vivre leur
jotwii.aU. vr~i
,-" i - AUGUSTE VACQUERIE.
—
A LA CHAMBRE
Au début de la séance, M. Baudry-
d'Asson a, pendant plus d'une heure,
occupé la tribune pour développer une
interpellation sur l'application du nou-
vel enseignement primaire, dans les
écoles communales. M. Baudry-d'As-
son a d'abord confessé que son inter-
pellation n'était @ pas sans inconvé-
nients. Mais, après avoir pesé le pour
et le contre, il a reconnu que si cons-
cience de député catholique et roya-
liste lui ordonnait de la déposer et de
la soutenir. L'orateur a pris ensuite
l'engagement d'être calme et modéré,
ajoutant qu'il avait soigneusement pesé
les termes de son discours, mais que, si
une parole blessante lui échappat, il
n'hésiterait pas à la retirer. :
- La-dessus M. Baudry-d'Asson s'est
mis à lire une interminable improvi-
sation et nous devons reconnaître en
effet qu'il n'a pas fait de grandes dif-
ficultés pour retirer successivement
les expressions qu'il oubliait de sau-
ter en lisant son manuscrit. C'eut été
là, à vrai dire, le seul moyen pour
lui de tenir le premier de ses engage-
ments et de rester calme et modéré.
Mais, au fond, l'auditoire eùt certai-
nement été un peu déçu. Quand
M. Baudry-d'Asson. est à la tribune,
ce n'est pas une argumentation ea trois
points qu'on attend 'de lui, encore
moins une profession de foi ré pu JH¡",¿
caine. Tout le monde sait que l'hono-
rable député de la Vendée est un
royaliste d'une ardeur sans égale, un
peu brouillé avec la logique* et peftt-
être le président s'est-il montré bien
sévère en le frappant, à deux on trois
reprises, des sévérités du règlement.
Il est vrai que M. Baudry ne paraît
pas trop affecté par ces châtiment
bénins. Il retire le «niot qu'on lui si-
gnale et continue jusqu à ce qu'il en
trouve un pareil sur son papier. Il a
supprimé comme cela un ou deux ap-
pels à la révolte ; une qualification un
peu excessive donnée à l'article 7 ; J:il
a dû retirer jusqu'à la royauté dont il
avait invoqué le nom et qu'il lui a
fallu biffer aussi. C'était dur, et assuré.
rément l'orateur en sera malade.
Ajoutez que, sur la manifestation très
marquée du sentiment de la Chambre,
M. Ferry, qui se levait pour répondre,
a compris que le silence suffisait en
cette circonstance, et c'est en effet la
réplique la mieux appropriée au dis-
cours de M. Baudry.
Ce qui ajoutait d'ailleurs à l'impa-
tifnce de la Chambre, c'est qu'on
croyait qu'un débat bien autrement
intéressant allait s'engager sur l'E-
gypte. Une interpellation a été en effet
présentée par M. Delafosse. Mais, à la
demande auminislre des affaires étran-
gères et malgré l'insistance de l'inter-
pellateur qui voulait une discussion
immédiate, le renvoi à demain jeudi a
été voté. On conçoit que ce délai ait
paru nécessaire an président du con-
seil. On sait qu'au Parlement anglais
les ministres so sont complète-
ment abstenus de répondre aux ques-
tions qui leur étaient posées. Quant
à la solution finale qui prévaudra,
nous ignorons encore de quelle na-
ture elle pourra être. Tout ce que
nous espérons, c'est que nous n'au-
rons pas une seconde édition do l'a-
venturo tunisienne. Si des millions
n'avaient pas été dépensés dans cette
entreprise où l'on a abusé de la crédu-
lité du Parlement, si notre situation
militaire n'était considérablement af-
faiblie par les résultats de l'expédi-
tion, peut-être pourrions-nous aujour-
lui en Egypte, procéder avec moins
de'circonspectiôn*. En tout cas, ce n'est
pas aux inventeurs des Kroumirs à
critiquer, à cette heure, la réservé'
obligée de notre politique extérieure.
La discussion générale sur le projet
do loi relatif à la réforme judiciaire ve-
nant ensuite à l'ordre du jour, c'est
M. Graux qui a ouvert le débat par un
discours en faveur de l'élection des
magistrats, qui lui parait seule con-
forme aux principes républicains, qui
peut seule remplacer l'inamovibilité.
Un autre membre, M. Rivière, sans se
prononcer ni pour ni contre l'élection,
a insisté sur la nécessité de se débar-
rasser des magistrats hostiles. Il n'y a,
pour cela, d'autre moyen que la sup-
pression du principe de l'inamovi-
bilité.
M. Martin-Feuillée, sans répondre
aux précédents orateurs, a prononcé
un discours étudié, dont certaines par-
ties 80Jt acceptables, mais dont beau-
coup d'autres ne le sont pas. Tout ce
que M." Martin-Feuillée a dit contre le
projet de la commission est juste. On-
sait que. cotte commission n'a pas ap-
porte un système - complet'Velie. pose
des principes dont elle ajourne l'appli-
cation.Cette méthode n'est pas heureuse,
et M. Martin-Feuillée a eu raison de
dire qu'il était impossible de ne pas se
prononcer nettement, dans une loi de
cette importance, sur la mode de re-
crutement de la magistrature.
Où M. Martin-Feuillée a été moins
bien inspiré, c'est lorsqu'il a parlé de
v- > r
l'élection appliquée à la magistrature.
L'orateur se demande d'abord si. ce
modo est autorisé par la Constitution,
qui réserve au pouvoir exécutif la no-
mination a toutes les fonction*. Le
précédent de la loi des maitres a déjà
répondu. Dans les chefs-lieux, ces fonc-
tionnaires étaient**^u&HausSi, â lâr no -
mi nation" du président de la Républi-
que, et la loi a décidé qu'ifs seraient
élus désormais.
Ï. M. Mr.rtin-Feuill^e etet également
inquiet de ce qui arriverait dans les
départements où nous n'avons pas la
majorité. Comment les juges seraient-
ils choisis par les électeurs? Et, à l'ap-
pui de sa thèse, M. Martin-Feuillée
invoque les quelques élections de mai-
res réactionnaires qui ont été-la con-
séquence de la nouvelle loi. L'orateur
se méfie de ces libertés qni profitent à
ses adversaires. ..; 1 - 4 ;
Pour nous, nous ne connaissons de
libertés que celles qui profitent à tout
le monde, et si M. Martin-Feuillée es-
time que, dans les départements où
dominent les conservateurs, nous n'au-
rions, avec l'élection des magistrats,
aucune justice à attendre, croit-il donc
que dans le reste de la France les ju-
ges seraient choisis de façon à rendre
des décisions entachées de partialité
contre les minorités? -
Ce n'est pas dans Cet esprit étroit
que le principe électif, entouré de cer-
taines conditions spéciales de capacité,
pourrait fonctionner. Les juges n'ont
pas toujours des sentences politiques à
rendre et nous n'avons pas entendu
dire que les tribunaux de commerce,
produits de l'élection, fussent plus sou-
vent suspectés que les autres. C'est
probablement le contraire.
A. GAULIER.
C'est demain jeudi que parait, chez
Caîmann-Lévy, lo nouveau drame de
Victor Hugo : TORQUEMADA.
Nous en publierons, dans notre
'numéro de demain, une des scènes
principales.
f COULISSEJ BES CHAMBRES
i-' | • ♦ -ç,.i» ■ ! i » • *
: Une vive animation régnait hier dans
les couloirs de la Chambre. On s'y entre-
tenait simultanément des affaires d'E-
gypte et des troubles du quartier Latin.
Tout le monde était d'avis qu'un débat
public devait s'engager à la tribune sur ces
deux questions. On s'attendait même à ce
qu'il se produisit le jour même.
En ce qui concerne la question égyp-
tienne, M. Delafosse, avant de déposer sa
demande d'interpellation, a conféré avec
le ministre des alïaires étrangères. M. de
Freycinet a déclaré qu'il ne pouvait ac-
cepter le débat que pour jeudi, en raison
des négoc ations qui se poursuivent en-
core avec les puissances. M. Delafosse
ayant persista à réclamer une discussion
immédiate, la Chambre a tranché le
différend en faveur du ministre. C'est
donc demain que l'interpellation sera
discutée. Elle doit porter tout entière
sur l'acceptation, par M. de Freycinet, de
l'intervention turque en Egypte, qui pa-
raît malheureusement aujourd'hui
fait, sinon certnio, du moins trèsopro-
bable. •' •
On s'attend à ce que le débat,soit assez
long ; piu^ieVvris membres républicains^ en
effet, qui avaient eu primitivement l'in-
tention de déposer des interpellations,
ont renoncé à ce-projet, se réservant d'in-
iervenir dans la discussion de celle de
M. Delafosse.
De ce nombre, on cite MM. Francis
Charmes, Journault, Edouard Lockroy,
Villeneuve, etc. Ajoutons que M. Gam.
betta, s'il est mis en cause pour les faits
se rapportant à la période de son minis-
tère, se propose aussi de prendre la pa-
role. Le débat pourrait donc occuper en-
tièrement la séance de demain.
t *! t '¡,'-, ';,,' -. .,'/
: En ce qui concerne l'affaire du quartier
Latin, l'interpellation est décidée; c'est
M. de - Lanessan qui doit la faire ; mais il
ne la déposera que demain et s'entendra
avec le ministre dé nntéri'ur; pour la
fixation du jour ,auque¡",':eile sera dis-
cutée. -- ; - • - • : .• 1 :'i- •
C'est par la réunion des députés de la
Seine que M. de Lanessan a été chargé
de porter la parole en cette circonstance,
et il a été choisi en qualité de député de
l'arrondissement où se sont passés, les
faits en question. *. : • 1
A cette rcunion assistaient tous les dé-
putés de la Seine qui étaient présents hier
au palais Bourbon, à savoir : MM. Baro-
det, de Lanessan, Hérisson, Frébault,
Ranc, Ernest Lefèvre, Lockroy, Cadet,
Greppo, Cantagrel, Farcy, Henry Maret,
Clémenceau, Lafont, Allain-Targé, Tony
Révillon, Raspail, Talandier, Villeneuve
et Roque (de Fillol), plus M. Camille Pelle-
tan, ancien député du 10* arrondisse-
ment,
—o—
Les bureaux de la Chambre ont nommé
hier une commission chargée d'examiner
la proposition de M. Roque (de Fillol)
tendant à interdire le cumul du mandat
législatif avec leJ fonctions publiques
et une proposition analogue de M. Ber-
nard (du Doubs).. •.
Les membres élus sont les auteurs-des
propositions : MM. Roque (de Fillol),Ber-
nard et MM. Naquet, Montané, Gerville-
Rêache, Duvivier, Sourjgues , Lenicnt,
Duclaud, Guyot (Marne), et Raspail. -
Presque tous- les commissaires sont fa-
vorables à l'interdiction du cumul. C'est
surtout le Sénat que visent les proposi-
tions, car on sait que le cumul, qui est de
droit au Luxembourg, n'est qu'une excep-
tion au palais Bourbon, et qu'il n'est au-
torisé par la loi pour les députés que dans
des cas très rares, et encore dans ces cas
n'y a-t-il pas cumul de traitements, tandis
que pour les sénateurs il y a, dans tou-
les cas, possibilité de toucher des deux
mains.
Déjà la précédente Chambre avait volé
une proposition analogue à celle dont
nous parlons aujourd'hui; mais le Sénat
l'avait rejetée. La question va donc se re-
présenter au Luxembourg.
■ 1 ♦
Plusieurs journaux avaient dit que l'é-
tat de Louis Blanc s'était aggravé dans
ces derniers jo-ui^. ,0^0^"-venons de voir
l'éminQntRéputé de Paris, et nous som-
mes heureux de pouvoir rassurer ses
nombreux amiry.
Sa maladie, fort douloureuse, ne cause
aucune inquiétude pour sa vie;—et non-
seulement elle ne s'est pas aggravée, mais
il y a un mieux sensible.
Louis Blanc souffre toujours beaucoup;
il ne peut quitter la chambre, et les deux
médecins qui le soignent, MM Faivre et
Mdlès, lui ordonnent un repos absolu. A
la souffrance physique s'ajoute la souf-
france de l'inaction forcée. C'est avec un
profond chagrin que Louis Blanc s'e-t vu
dans l'impossibilité de s'associer, lui dé-
puté du cinquième arrondissement, à la
démarche de MM. Clémenceau et Barodet
en faveur des étudiants arrêtés.
Espérons que les bons soins don-l il est
entouré achèveront rapidement de le
guérir, et que l'illustre -orateur reviendra
bientôt défendre à la Chambre la grande
cause à laquelle il a rendu déjà de si
éclatants services,
; :: "", c:. -• - , A..V.. ;,
,
Ce qui paraît ressortir de plus net des
renseignements en partie contradictoires
parvenus aujourd'hui sur la question
de l'intervention turque, c'et que cette
intervention est plus que probable. Dans
quelles conditions? Aucune décision ferme
-n'a encore été prise, mais voici en ré-
sumé ce qui se serait passé :
Le sultan avait paru, dans une conver-
sation avec l'ambassadeur de France,
pencher dans l'affaire égyptienne du côté
du khédive; on a voulu profiter de cette.
disposition, et on lui a fait proposer de
lancer une note officielle blâmant la con":
duite d'Arabi-Pacha et lui intimant l'or-
dre de faire sa soumission au khédive. Le
gouvernement ottoman a fait observer
qu'une pareille note, non appuyée de la ;
présence effective.d'un agent delà Porte,
risquait dÓ.n:.ê.tre pas obéie, qu'il n'en ré- ; 4
sulterait, dans cette hypothèse, qu'un af-
faiblissement du prestige de la Turquie 7
dan? un pays dont elle est suzeraine. On ,
s'est rendu à cette observation, et on & ;
parié alors d'une intervention aussi limi-
tée que possible ; intervention se tradui-
sant d'abord par le simple envoi d'un
commissaire turc, puis, s'en tenant à
cette manifestation, si possible. j
Une dépêche anglaise dit que 'ce com-
missaire turc pourrait bien être Ghazi-
Osman-Pacha, dont le nom ne manquerait
pas de produire quelque effet sur les offi<
ciers égyptiens, car plusieurs ont com-
battu sous ses ordres à Plevna. Osman-
Pacha serait accompagné d'une escorte
purement honorifique. La même dépêche
prétend en outre que la Porte tient en
réserve,, à Rhodes, 10,000 soldats prêts à
être embarqués.
En Egypte , les déclarations d'Arabi-
Pacha, protestant que la colonie euro-
péenne ne court aucun danger, n'ont ras-
suré personne. La colonie anglaise a par.
ticulièrement manifesté ses inquiétudes
en invitant son consul à réclamer du Fo-
reign-Office des mesures promptes et ef-
ficaces -dans l'intérêt de la ; sécurité des .¡.,.
personnes. La dictiture militaire qui sé-
vit en ce moment dans le pays alarme
les Européens, et ceux-ci s'empressent de ,1--
quitter les provinces du sud-pour se,
rapprocher d'Alex mdrie afin de se placer ;
plus directement sous la protection, des*
cuirassés. Les Etats-Unis ont envoyé deux
navires pour contribuer à rassurer
leurs nationaux. Le bruit a couru avec
persistance qu'un navire égyptien
avait pendant la nuit dernière semé des
torpilles autour des escadres anglo-fran-
çaises et des vaisseaux italiens, ce qui
aurait déterminé les navires à changer
leur mouillage et à prendre les précau»
tions usitées en pareil cas.
Pendant ce temps, Arabi-Pacha dé*
clare à qui veut l'entendre qu'il est ap-*
prouvé par le sultan, et que le khédive
est déposé par le suzerain, que le
prince Halim est nommé son successeur*
Il fait inviter la population musulmane
à signer des pétitions réclamant le départ
des escadres, le renvoi des consuls et la
déposition du khédive. Il s'est même pro*
duit, à cette occasion, un incident assez
curieux : le khédive a demandé à son
préfet de police s'il était vrai qu'on si-
gnât des pétitions pour obtenir sa dé- ::,
chéance. Le préfet de police a répondu
que ces pétitipns se signaient en effet,
mais que « lé khédive lui-même avaft
provoqué ce mouvement en" faisant cir-
culer des pétitions demandant son main-
tien ». l
Une intéressante question est soumisa
en ce moment àla commission du budget,
M. Rouvier a proposé de détacher le ser«;
vice des douanes du ministère des finan-
ces, pour le rattacher au ministère dis
commerce. Le but de cette proposition est
d'étendre les attributions du ministère du
commerce qui, depuis qu'il a été dédou-
blé par la disjonction de l'agriculture, est
réduit à des proportions trop restreintes
pour constituer un département distinct.')
La commission du budget, avant dç,
prendre une résolution, a voulu prendre
l'avis du gouvernement. Hier, elle a en-
tendu MM. Léon Say et Tirard. i
M. Léon Say s'est montré absolument
opppsé à la disjonction proposée.^Il a -
fait valoir que le service des douanes a un
caractère absolument fiscal et que ce se- *
rait désorganiser l'administration chargée
de la perception des impôts que de lui
enlever une branche aussi essentielle. : -
Quant à ce qui concerne le projet de ;
renforcer les attributions du ministère du
commerce par l'adjonction de nouveaux
services, M. Léon Say a dit que c'était
une question essentiellement gouverner
mentale sur laquelle il n'avait pas à se
prononcer et qui concernait exclusive-
ment le président du conseil. -
M. Tirard, de son côté, a déclaré qu'il
n'avait rien à ajouter à ce qu'avait dit son.
Feuilleton du RAPPEL
DU 1ER JUIN
51
LA
CONFESSION ym ABBl
: MA CONFESSION
,
CHAPITRE XIV ';:.,
(Suite.)
Si en entrant je me heurtais à Gaston,
lue faudrait-il faire? De ce côté encore,
luelle attitude difficile et douloureuse à
prendre !
Dans ma jeunesse mondaine, j'avais
plaint souvent le rôle de l'amant qui sou-
rit au mari trompé. Combien de fois, à
Gaston lui-même, n'avais-je pas'reproché,
tfans la franchise et la droiture de mes
vingt ans, cette duplicité honteuse 1
Volt le Rappei du 2 avril au 31 mai.
Reproduction et traduction interdites,
Aucune subtilité ne pouvait atténuer
l'infamie de cette situation. J'aurais beau
me dire que Gaston m'avait pris ma fem-
me, pour en faire la sienne, j'étais prêtre
pour pardonner et non pour me venger.
Je n'avais même pas la ressource de
de cette solution brutale qui est à la por-
tée de tous les hommes du monde. Je ne
pouvais ni accepter, de lui une provoca- ,
tion, ni le provoquer. J'étais encore assez
prêtre pour que le duel fût impossible.
Qpant à lui sourire, à mentir, à feindre
d'être redevenu son ami, comme par le
passé, pour jouer plus facilement le rôle
plus digne que je m'assignais auprès de
sa femme, c'était une épreuve au-dessus
de mes forces. D'ailleurs, ma déchéance,
qui m'abaissait au niveau de Gaston, n'ef-
façait pas mon crime; ma trahison était
la revanche de la sienne.
Dans la rue, tous ces combats avaient
cessé. Quand je traversai la cour de l'hô-
tel de Thorvilliers, je levais haut la tête,
j'affrontais la destinée que je m'étais faite;
peut-être bien avais-je peur d'apercevoir
sur les pavés de la cour la trace de ma
fuite de la veille, .:
Le domestique qui m'ouvrit la porte du
vestibule n'eut pas besoin que je lui rap-
pelasse mon nom; il me sourit humble-
ment et mit un respect d'adoption dans
la façon de me dire : Oui, monseigneur,
qu2nd je lui demandai si la duchesso était
visible.
Il m'adoptait comme un hôte digne de
la maison. On avait, depuis la veille, dis-
cuté, dans l'antichambre, le meilleur titre
que mes bas violets exigeaient, et j'étais
au moins en évéque pour .dès geoty'fdé
M. le duc. :", '-. :
Pourquoi sentis-je vivement l'ironie de
cette vanité qui me pesait? Je dus rougir
en r eeè Y an t. ce t hotn m agç.
La duchés e était dans son grand salon.
A l'annonce de mon nom, elle se leva
brusquement de son fauteuil, resta droite,
accoudée au velours de la cheminée. Elle-
était en robe sombre, et son visage blanc
se détachait sur une s rte d'obscurité
mêlée de dorures étouffées, de tentures,
éteintes, de vases pâlis.
Le trajet me parut bien lcfl £ de la po; tei
à la cheminée. Je fus une seconde ou
deux, sans distinguer, ou plutôt sans
vouloir regarder les yeux de la duchesse.
Quand je les vis, je compris que c'était
non plus Reine, ,, mais la duchesse de
Thorvilliers qui me recevait.
Je la saluai ; j'avançai timidement la
main ; fes mains restèrent immobiles.
Elle inclina seulement la tête, et sans me
désigner un siège.
- J.e ne reçois que vous, me dit-ele
sourdeme .t. J'ai fermé ma porte aux visi-
teurs habituels. Je suis souffrante. Je n'ai
f. it d'exception qm pour vous.
Sa voix qui s'était durcie s'aiguisa :
; — C'cst"tout! simple, un prêtre a ses
, .;.. C'cst";1our simple, .uO' rç â, ses
privilèges, comme 3e médecin. 11 vient
confesser ou il vient chercher des au-
mônes.
Je ne pouvais me méprendre à cette
menace. Je compris le sourire et le res-
pect de l'antichambre. C'était un com-
mencement d'ironie, abandonné aux va-
lels.
- Je vous remercie, madame, répondis-
je en saluant de nouveau.
— fl n'j a pas de quoi, monsieur l'abbé,
répliqua-t-elle avec une vivacité fébrile,
presque baicerne.
Pauvre femme! elle s'éssayait àla mé-
chanceté! clic devait av.ir hien souffert!
M< n remords n'était rien auprès de celui
que je sentais brûler dans ce regard pro-
fond; à moins qu'il n'y eût seulement que
le premier embarras de la femme du
monde dans cette brutalité, et qu'elle fût
moins guérie qu'alarmée.
Je me disais cela, sans aucune fatuité,
et s'il y avait un regret égoïste au fond de
mon cœur, il se dissimulait sous ma cha-
rité d'amant.
— Je vous remercie de m'avoir attendu,
repris -je avec : fermeté. ;v. .., -
Elle ne me faissapas' continuer.
— Ne me remerciez pas.
Sa figure prit une expression d'angoissé
et d'horreyr.^ - - -~~ <-~
— C'est hier que vous n'auriez pas dû
venir. Vous m'auriez laissé un chagrin
dent je vivais avec une fierté secrète.
Je voudrais mourir de celui que j'ai main-
tenant.
— Pardonnez-moi! murmurai-je.
Elle eut un sourire douloureux, sif-
flant :
— Je n'ai pis à vous pardonner ! vous
arrangerez cala à confesse 1 Est-ce vous
qui a^lez m'ftbsoudre? - -, , ;
Cette allusion amère à mon état révé-
lait lé supplice de son orgueil, et me frap-
pait deux fois dans conscience, com-
me homme et comme prêtre.
Avec cette mobilité d'expression, q ue
était le mystère de cette femme sincère.
toujours combattue, elle adoucit un peu
la voix. Elle était admirablement fémi-
nine, blessant pour guérir et déchirant
les cicatrices de peur de laisser les plaies
se refermer sur un venin.
Avant de yous avoir revu, me dit-
elle, j'avais essayé • <îè~Vous mépriser
Votre fuite m'était un prétexte, qui ne
suffisait guère. C'est moi maintenant que -
je méprise, et vous ne pouvez pas m'en-*
lever ce mépris-là. Que veniez-vous ma
dire? - q, , •
Hélas! je n'avais plus rien à lui dire.
La moindre parole de compassion lui eût
semblé une raillerie, et d'autres paroles
eussent brûlé ma bouche sans en uoliveia.
sortir. Je baissai la tête.
LOUIS ULRACH
{A euwre.\ 1.
N° 4465 - Jeudi 1er Juin 1882 Le numéro 10 c. — Départements 15 c. ---,',,' -v-vf Prairial an 90 — 44 65
',"" ,:;., ADJMlRlSTRATIOW
18, RUE DE VALOIS, 18
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 10 »
Six mois 20 »
DEPARTEMENTS '-
Trois mois. rbe
S-ùcjnois J&
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST LEFEVRE
ADMINISTRATEUR GÉRANT
-, 1"" - - 'n, -
, * .A -'
ÈDA-CT ON
y $'&dressef ûu IS-ecr^taira
98, BOB DB VALOIS, iq
Jes manuscrits non insérés ne seront pas rendus
5 1 ANNONCES
MM. Ch. LÀGRANGE, CERF et C*
L 6, place de la Bourse, 6
Encore ODe fepille qui tombe»;
','
i k
,:" - M L'avenir! Nous l'entrevoyons me.,
naçant et sombre. Car plus les événe-
ments déchaînés se précipitent, et plus
l'étoffe amincie des pilotes chargés de
tenir tête à l'orage se découd miséra-
blement et flotte, comme une loque,
au gré des vents et du hasard. »
i Ainsi débute le moniteur du bona-
partisme orthodoxe, le journal du suc-
cesseur constitutionnel (j'entends la
constitution impériale) de Napoléon III,
l'organe de celui qui signe NAPOLÉON
(Jérôme), — le Napoléon.
:' Ce pessimisme ne vous étonne pas,
vu l'habitude qu'ont non-seulement
les journaux bonapartistes, mais au-
tant qu'eux les journaux royalistes
blancs ou tricolores, de prophétiser
tous les matins et tous les soirs à
la France toutes les avalanches de tous
les cataclysmes possibles si elle ne se
hâte pas de restaurer* le s uns disent
l'empire, les au très la royauté. Mais la
prophétie du Napoléon vous étonne en-
core bien moins quand vous avez lu
: en tête de sa première colonne que
« pour des raisons :;d'administratio'fl
intérieure, la publication du Napoléon
est suspendue à partir de demain ».
Alors vous comprenez sur qui les
évènements déchaînés se précipitent
et quelle est l'étoffe amincie qui se
découd misérablement et flotte comme
une loque.
Ah! oui, « l'avenir » des bonapar-
tistes est « sombre ». En tête du nu-
méro où le Napoléon nous fait part do
son décès, on peut lire une lettre qui,
dit-il, porte avec elle son commen-
taire ». Voici cette lettre : « Mon cher
directeur, au moment où le Napoléon
interrompt sa publication, je tiens à
vous témoigner que la politique dé-
fendue par ce journal n'a pas cessé
.:. d'être conforme aux vraies doctrines
napoléoniennes' que je ^représente»"
aujourd'hui et que mes fils représente-
ront dans l'avenir, malgré d'odieux et
et de perfides appels aux plus mauvais,
sentiments. Recevez, mon cher direc-
teur, l'assurance de mes sentiments très
distingués. NAPOLÉON (Jérôme). » Cette
lettre porte, en effet, avec elle son com-
mentaire. Quoi, voilà un journal dont la
politique n'a pas cessé d'être conforme
aux vraies doctrines napoléoniennes,
un journal qui est le journal officiel de
l'empire, et, après quelques mois à
peine, ce journal se découd misérable-
ment et passe à l'état de loque 1
Ah ! ils auraient le cœur mieux
cerclé que du triple airain d'Horace
ceux qui, dans des conditions pareilles,
verraient l'avenir en rose!
» Le Napoléon le voit en noir. Ce
n'est pas seulement la France qui est
en péril. Dans toute l'Europe, « une
poussée formidable d'éléments anar-
chiques a fait brusquement irruption
sur la scène. Sous des noms différents,
nihilisme en Russie, socialisme en
Allemagne, fénianisme en Irlande,
c'est partout la même explosion de
passions subversives, sur lesquelles
les répressions de Loris Mélikoff,
; comme les indulgences d'Ignatieff, les
concessions comme les coercitions de
Gladstone, les lois do fer comme les
lois de prévoyance de Bismarck,se sont
émoussées également. » Quant à la
France, « elle incline insensiblement
vers la banqueroute», et « son sol hé-
roïque, d'où jaillissaient jadis à point
nommé les grands chefs pour guider la
nation dan? sa voie glorieuse, n'est
plus aujourd'hui qu'une plaine inculte,
vido de sève et veuve d'épis, où toute
molécule est pourrie* d'égoïsme, où
toute glèbe. est transformée en nid de
reptiles ou èn terrier à mulots ».
- « Maintenant la coupe est pleine ! »
s'écrie douloureusement le jbùrnal qui
aimerait mieux que cff fùt sa caisse.
Et il voit déjà, d'une part, l'Allemagne
envahir le terrier à mulots et, de l'autre,
le prolétariat donner l'assaut à la bour-
geoisie et « s'en gorger sur le cadavre
de la patrie». Telles sont les choses
qui apparaissent aux journaux agoni-
sants.
Que va faire la France pour empê-
cher la patrie d'être un cadavre et un
terrier à mulots et pour échapper à une
invasion ?Elle n'a qu'une chose à faire :
« chercher à tâtons dans l'ombre une
main ferme et sûre. » Est-il besoin de
vous dire quelle main? Cette main ne
peut être que « l'égide et le nom des
Napoléon ». - « Heureuse la Franco
si la fortune lui permet, à travers
les impatiences des uns, les folies
malveillantes des autres, l'aveugle-
ment de tous, de retrouver la grande
force des comices populaires, l'égide
et le nom des Napoléon! » En ef-
fet, avec l'égide et le nom des Na-
poléon, plus d'invasion possible. De-
mandez plutôt à 1844, à 1815 et à 1870.
Et, si une invasion se présentait, il
n'y a que l'empire pour les vaincre.
Exemples : Waterloo et Sedan.
Mais j'ai peur que la France ne pousse
la « folie» et l' « aveuglement » jus-
qu'à méconnaitre les services que lui
ont rendus et que lui rendraient en-
core l'égide et le nom des Napoléon.
Les comices populaires que les bo-
napartistes ont toujours à la bouche se
préparent mal à leur donner les six
millions d'électeurs qu'il leur faudrait
pour ressusciter leur empire en ne
leur donnant pas les six millo lecteurs
qu'il leuE faw&'ait pour faire vivre leur
jotwii.aU. vr~i
,-" i - AUGUSTE VACQUERIE.
—
A LA CHAMBRE
Au début de la séance, M. Baudry-
d'Asson a, pendant plus d'une heure,
occupé la tribune pour développer une
interpellation sur l'application du nou-
vel enseignement primaire, dans les
écoles communales. M. Baudry-d'As-
son a d'abord confessé que son inter-
pellation n'était @ pas sans inconvé-
nients. Mais, après avoir pesé le pour
et le contre, il a reconnu que si cons-
cience de député catholique et roya-
liste lui ordonnait de la déposer et de
la soutenir. L'orateur a pris ensuite
l'engagement d'être calme et modéré,
ajoutant qu'il avait soigneusement pesé
les termes de son discours, mais que, si
une parole blessante lui échappat, il
n'hésiterait pas à la retirer. :
- La-dessus M. Baudry-d'Asson s'est
mis à lire une interminable improvi-
sation et nous devons reconnaître en
effet qu'il n'a pas fait de grandes dif-
ficultés pour retirer successivement
les expressions qu'il oubliait de sau-
ter en lisant son manuscrit. C'eut été
là, à vrai dire, le seul moyen pour
lui de tenir le premier de ses engage-
ments et de rester calme et modéré.
Mais, au fond, l'auditoire eùt certai-
nement été un peu déçu. Quand
M. Baudry-d'Asson. est à la tribune,
ce n'est pas une argumentation ea trois
points qu'on attend 'de lui, encore
moins une profession de foi ré pu JH¡",¿
caine. Tout le monde sait que l'hono-
rable député de la Vendée est un
royaliste d'une ardeur sans égale, un
peu brouillé avec la logique* et peftt-
être le président s'est-il montré bien
sévère en le frappant, à deux on trois
reprises, des sévérités du règlement.
Il est vrai que M. Baudry ne paraît
pas trop affecté par ces châtiment
bénins. Il retire le «niot qu'on lui si-
gnale et continue jusqu à ce qu'il en
trouve un pareil sur son papier. Il a
supprimé comme cela un ou deux ap-
pels à la révolte ; une qualification un
peu excessive donnée à l'article 7 ; J:il
a dû retirer jusqu'à la royauté dont il
avait invoqué le nom et qu'il lui a
fallu biffer aussi. C'était dur, et assuré.
rément l'orateur en sera malade.
Ajoutez que, sur la manifestation très
marquée du sentiment de la Chambre,
M. Ferry, qui se levait pour répondre,
a compris que le silence suffisait en
cette circonstance, et c'est en effet la
réplique la mieux appropriée au dis-
cours de M. Baudry.
Ce qui ajoutait d'ailleurs à l'impa-
tifnce de la Chambre, c'est qu'on
croyait qu'un débat bien autrement
intéressant allait s'engager sur l'E-
gypte. Une interpellation a été en effet
présentée par M. Delafosse. Mais, à la
demande auminislre des affaires étran-
gères et malgré l'insistance de l'inter-
pellateur qui voulait une discussion
immédiate, le renvoi à demain jeudi a
été voté. On conçoit que ce délai ait
paru nécessaire an président du con-
seil. On sait qu'au Parlement anglais
les ministres so sont complète-
ment abstenus de répondre aux ques-
tions qui leur étaient posées. Quant
à la solution finale qui prévaudra,
nous ignorons encore de quelle na-
ture elle pourra être. Tout ce que
nous espérons, c'est que nous n'au-
rons pas une seconde édition do l'a-
venturo tunisienne. Si des millions
n'avaient pas été dépensés dans cette
entreprise où l'on a abusé de la crédu-
lité du Parlement, si notre situation
militaire n'était considérablement af-
faiblie par les résultats de l'expédi-
tion, peut-être pourrions-nous aujour-
lui en Egypte, procéder avec moins
de'circonspectiôn*. En tout cas, ce n'est
pas aux inventeurs des Kroumirs à
critiquer, à cette heure, la réservé'
obligée de notre politique extérieure.
La discussion générale sur le projet
do loi relatif à la réforme judiciaire ve-
nant ensuite à l'ordre du jour, c'est
M. Graux qui a ouvert le débat par un
discours en faveur de l'élection des
magistrats, qui lui parait seule con-
forme aux principes républicains, qui
peut seule remplacer l'inamovibilité.
Un autre membre, M. Rivière, sans se
prononcer ni pour ni contre l'élection,
a insisté sur la nécessité de se débar-
rasser des magistrats hostiles. Il n'y a,
pour cela, d'autre moyen que la sup-
pression du principe de l'inamovi-
bilité.
M. Martin-Feuillée, sans répondre
aux précédents orateurs, a prononcé
un discours étudié, dont certaines par-
ties 80Jt acceptables, mais dont beau-
coup d'autres ne le sont pas. Tout ce
que M." Martin-Feuillée a dit contre le
projet de la commission est juste. On-
sait que. cotte commission n'a pas ap-
porte un système - complet'Velie. pose
des principes dont elle ajourne l'appli-
cation.Cette méthode n'est pas heureuse,
et M. Martin-Feuillée a eu raison de
dire qu'il était impossible de ne pas se
prononcer nettement, dans une loi de
cette importance, sur la mode de re-
crutement de la magistrature.
Où M. Martin-Feuillée a été moins
bien inspiré, c'est lorsqu'il a parlé de
v- > r
l'élection appliquée à la magistrature.
L'orateur se demande d'abord si. ce
modo est autorisé par la Constitution,
qui réserve au pouvoir exécutif la no-
mination a toutes les fonction*. Le
précédent de la loi des maitres a déjà
répondu. Dans les chefs-lieux, ces fonc-
tionnaires étaient**^u&HausSi, â lâr no -
mi nation" du président de la Républi-
que, et la loi a décidé qu'ifs seraient
élus désormais.
Ï. M. Mr.rtin-Feuill^e etet également
inquiet de ce qui arriverait dans les
départements où nous n'avons pas la
majorité. Comment les juges seraient-
ils choisis par les électeurs? Et, à l'ap-
pui de sa thèse, M. Martin-Feuillée
invoque les quelques élections de mai-
res réactionnaires qui ont été-la con-
séquence de la nouvelle loi. L'orateur
se méfie de ces libertés qni profitent à
ses adversaires. ..; 1 - 4 ;
Pour nous, nous ne connaissons de
libertés que celles qui profitent à tout
le monde, et si M. Martin-Feuillée es-
time que, dans les départements où
dominent les conservateurs, nous n'au-
rions, avec l'élection des magistrats,
aucune justice à attendre, croit-il donc
que dans le reste de la France les ju-
ges seraient choisis de façon à rendre
des décisions entachées de partialité
contre les minorités? -
Ce n'est pas dans Cet esprit étroit
que le principe électif, entouré de cer-
taines conditions spéciales de capacité,
pourrait fonctionner. Les juges n'ont
pas toujours des sentences politiques à
rendre et nous n'avons pas entendu
dire que les tribunaux de commerce,
produits de l'élection, fussent plus sou-
vent suspectés que les autres. C'est
probablement le contraire.
A. GAULIER.
C'est demain jeudi que parait, chez
Caîmann-Lévy, lo nouveau drame de
Victor Hugo : TORQUEMADA.
Nous en publierons, dans notre
'numéro de demain, une des scènes
principales.
f COULISSEJ BES CHAMBRES
i-' | • ♦ -ç,.i» ■ ! i » • *
: Une vive animation régnait hier dans
les couloirs de la Chambre. On s'y entre-
tenait simultanément des affaires d'E-
gypte et des troubles du quartier Latin.
Tout le monde était d'avis qu'un débat
public devait s'engager à la tribune sur ces
deux questions. On s'attendait même à ce
qu'il se produisit le jour même.
En ce qui concerne la question égyp-
tienne, M. Delafosse, avant de déposer sa
demande d'interpellation, a conféré avec
le ministre des alïaires étrangères. M. de
Freycinet a déclaré qu'il ne pouvait ac-
cepter le débat que pour jeudi, en raison
des négoc ations qui se poursuivent en-
core avec les puissances. M. Delafosse
ayant persista à réclamer une discussion
immédiate, la Chambre a tranché le
différend en faveur du ministre. C'est
donc demain que l'interpellation sera
discutée. Elle doit porter tout entière
sur l'acceptation, par M. de Freycinet, de
l'intervention turque en Egypte, qui pa-
raît malheureusement aujourd'hui
fait, sinon certnio, du moins trèsopro-
bable. •' •
On s'attend à ce que le débat,soit assez
long ; piu^ieVvris membres républicains^ en
effet, qui avaient eu primitivement l'in-
tention de déposer des interpellations,
ont renoncé à ce-projet, se réservant d'in-
iervenir dans la discussion de celle de
M. Delafosse.
De ce nombre, on cite MM. Francis
Charmes, Journault, Edouard Lockroy,
Villeneuve, etc. Ajoutons que M. Gam.
betta, s'il est mis en cause pour les faits
se rapportant à la période de son minis-
tère, se propose aussi de prendre la pa-
role. Le débat pourrait donc occuper en-
tièrement la séance de demain.
t *! t '¡,'-, ';,,' -. .,'/
: En ce qui concerne l'affaire du quartier
Latin, l'interpellation est décidée; c'est
M. de - Lanessan qui doit la faire ; mais il
ne la déposera que demain et s'entendra
avec le ministre dé nntéri'ur; pour la
fixation du jour ,auque¡",':eile sera dis-
cutée. -- ; - • - • : .• 1 :'i- •
C'est par la réunion des députés de la
Seine que M. de Lanessan a été chargé
de porter la parole en cette circonstance,
et il a été choisi en qualité de député de
l'arrondissement où se sont passés, les
faits en question. *. : • 1
A cette rcunion assistaient tous les dé-
putés de la Seine qui étaient présents hier
au palais Bourbon, à savoir : MM. Baro-
det, de Lanessan, Hérisson, Frébault,
Ranc, Ernest Lefèvre, Lockroy, Cadet,
Greppo, Cantagrel, Farcy, Henry Maret,
Clémenceau, Lafont, Allain-Targé, Tony
Révillon, Raspail, Talandier, Villeneuve
et Roque (de Fillol), plus M. Camille Pelle-
tan, ancien député du 10* arrondisse-
ment,
—o—
Les bureaux de la Chambre ont nommé
hier une commission chargée d'examiner
la proposition de M. Roque (de Fillol)
tendant à interdire le cumul du mandat
législatif avec leJ fonctions publiques
et une proposition analogue de M. Ber-
nard (du Doubs).. •.
Les membres élus sont les auteurs-des
propositions : MM. Roque (de Fillol),Ber-
nard et MM. Naquet, Montané, Gerville-
Rêache, Duvivier, Sourjgues , Lenicnt,
Duclaud, Guyot (Marne), et Raspail. -
Presque tous- les commissaires sont fa-
vorables à l'interdiction du cumul. C'est
surtout le Sénat que visent les proposi-
tions, car on sait que le cumul, qui est de
droit au Luxembourg, n'est qu'une excep-
tion au palais Bourbon, et qu'il n'est au-
torisé par la loi pour les députés que dans
des cas très rares, et encore dans ces cas
n'y a-t-il pas cumul de traitements, tandis
que pour les sénateurs il y a, dans tou-
les cas, possibilité de toucher des deux
mains.
Déjà la précédente Chambre avait volé
une proposition analogue à celle dont
nous parlons aujourd'hui; mais le Sénat
l'avait rejetée. La question va donc se re-
présenter au Luxembourg.
■ 1 ♦
Plusieurs journaux avaient dit que l'é-
tat de Louis Blanc s'était aggravé dans
ces derniers jo-ui^. ,0^0^"-venons de voir
l'éminQntRéputé de Paris, et nous som-
mes heureux de pouvoir rassurer ses
nombreux amiry.
Sa maladie, fort douloureuse, ne cause
aucune inquiétude pour sa vie;—et non-
seulement elle ne s'est pas aggravée, mais
il y a un mieux sensible.
Louis Blanc souffre toujours beaucoup;
il ne peut quitter la chambre, et les deux
médecins qui le soignent, MM Faivre et
Mdlès, lui ordonnent un repos absolu. A
la souffrance physique s'ajoute la souf-
france de l'inaction forcée. C'est avec un
profond chagrin que Louis Blanc s'e-t vu
dans l'impossibilité de s'associer, lui dé-
puté du cinquième arrondissement, à la
démarche de MM. Clémenceau et Barodet
en faveur des étudiants arrêtés.
Espérons que les bons soins don-l il est
entouré achèveront rapidement de le
guérir, et que l'illustre -orateur reviendra
bientôt défendre à la Chambre la grande
cause à laquelle il a rendu déjà de si
éclatants services,
; :: "", c:. -• - , A..V.. ;,
,
Ce qui paraît ressortir de plus net des
renseignements en partie contradictoires
parvenus aujourd'hui sur la question
de l'intervention turque, c'et que cette
intervention est plus que probable. Dans
quelles conditions? Aucune décision ferme
-n'a encore été prise, mais voici en ré-
sumé ce qui se serait passé :
Le sultan avait paru, dans une conver-
sation avec l'ambassadeur de France,
pencher dans l'affaire égyptienne du côté
du khédive; on a voulu profiter de cette.
disposition, et on lui a fait proposer de
lancer une note officielle blâmant la con":
duite d'Arabi-Pacha et lui intimant l'or-
dre de faire sa soumission au khédive. Le
gouvernement ottoman a fait observer
qu'une pareille note, non appuyée de la ;
présence effective.d'un agent delà Porte,
risquait dÓ.n:.ê.tre pas obéie, qu'il n'en ré- ; 4
sulterait, dans cette hypothèse, qu'un af-
faiblissement du prestige de la Turquie 7
dan? un pays dont elle est suzeraine. On ,
s'est rendu à cette observation, et on & ;
parié alors d'une intervention aussi limi-
tée que possible ; intervention se tradui-
sant d'abord par le simple envoi d'un
commissaire turc, puis, s'en tenant à
cette manifestation, si possible. j
Une dépêche anglaise dit que 'ce com-
missaire turc pourrait bien être Ghazi-
Osman-Pacha, dont le nom ne manquerait
pas de produire quelque effet sur les offi<
ciers égyptiens, car plusieurs ont com-
battu sous ses ordres à Plevna. Osman-
Pacha serait accompagné d'une escorte
purement honorifique. La même dépêche
prétend en outre que la Porte tient en
réserve,, à Rhodes, 10,000 soldats prêts à
être embarqués.
En Egypte , les déclarations d'Arabi-
Pacha, protestant que la colonie euro-
péenne ne court aucun danger, n'ont ras-
suré personne. La colonie anglaise a par.
ticulièrement manifesté ses inquiétudes
en invitant son consul à réclamer du Fo-
reign-Office des mesures promptes et ef-
ficaces -dans l'intérêt de la ; sécurité des .¡.,.
personnes. La dictiture militaire qui sé-
vit en ce moment dans le pays alarme
les Européens, et ceux-ci s'empressent de ,1--
quitter les provinces du sud-pour se,
rapprocher d'Alex mdrie afin de se placer ;
plus directement sous la protection, des*
cuirassés. Les Etats-Unis ont envoyé deux
navires pour contribuer à rassurer
leurs nationaux. Le bruit a couru avec
persistance qu'un navire égyptien
avait pendant la nuit dernière semé des
torpilles autour des escadres anglo-fran-
çaises et des vaisseaux italiens, ce qui
aurait déterminé les navires à changer
leur mouillage et à prendre les précau»
tions usitées en pareil cas.
Pendant ce temps, Arabi-Pacha dé*
clare à qui veut l'entendre qu'il est ap-*
prouvé par le sultan, et que le khédive
est déposé par le suzerain, que le
prince Halim est nommé son successeur*
Il fait inviter la population musulmane
à signer des pétitions réclamant le départ
des escadres, le renvoi des consuls et la
déposition du khédive. Il s'est même pro*
duit, à cette occasion, un incident assez
curieux : le khédive a demandé à son
préfet de police s'il était vrai qu'on si-
gnât des pétitions pour obtenir sa dé- ::,
chéance. Le préfet de police a répondu
que ces pétitipns se signaient en effet,
mais que « lé khédive lui-même avaft
provoqué ce mouvement en" faisant cir-
culer des pétitions demandant son main-
tien ». l
Une intéressante question est soumisa
en ce moment àla commission du budget,
M. Rouvier a proposé de détacher le ser«;
vice des douanes du ministère des finan-
ces, pour le rattacher au ministère dis
commerce. Le but de cette proposition est
d'étendre les attributions du ministère du
commerce qui, depuis qu'il a été dédou-
blé par la disjonction de l'agriculture, est
réduit à des proportions trop restreintes
pour constituer un département distinct.')
La commission du budget, avant dç,
prendre une résolution, a voulu prendre
l'avis du gouvernement. Hier, elle a en-
tendu MM. Léon Say et Tirard. i
M. Léon Say s'est montré absolument
opppsé à la disjonction proposée.^Il a -
fait valoir que le service des douanes a un
caractère absolument fiscal et que ce se- *
rait désorganiser l'administration chargée
de la perception des impôts que de lui
enlever une branche aussi essentielle. : -
Quant à ce qui concerne le projet de ;
renforcer les attributions du ministère du
commerce par l'adjonction de nouveaux
services, M. Léon Say a dit que c'était
une question essentiellement gouverner
mentale sur laquelle il n'avait pas à se
prononcer et qui concernait exclusive-
ment le président du conseil. -
M. Tirard, de son côté, a déclaré qu'il
n'avait rien à ajouter à ce qu'avait dit son.
Feuilleton du RAPPEL
DU 1ER JUIN
51
LA
CONFESSION ym ABBl
: MA CONFESSION
,
CHAPITRE XIV ';:.,
(Suite.)
Si en entrant je me heurtais à Gaston,
lue faudrait-il faire? De ce côté encore,
luelle attitude difficile et douloureuse à
prendre !
Dans ma jeunesse mondaine, j'avais
plaint souvent le rôle de l'amant qui sou-
rit au mari trompé. Combien de fois, à
Gaston lui-même, n'avais-je pas'reproché,
tfans la franchise et la droiture de mes
vingt ans, cette duplicité honteuse 1
Volt le Rappei du 2 avril au 31 mai.
Reproduction et traduction interdites,
Aucune subtilité ne pouvait atténuer
l'infamie de cette situation. J'aurais beau
me dire que Gaston m'avait pris ma fem-
me, pour en faire la sienne, j'étais prêtre
pour pardonner et non pour me venger.
Je n'avais même pas la ressource de
de cette solution brutale qui est à la por-
tée de tous les hommes du monde. Je ne
pouvais ni accepter, de lui une provoca- ,
tion, ni le provoquer. J'étais encore assez
prêtre pour que le duel fût impossible.
Qpant à lui sourire, à mentir, à feindre
d'être redevenu son ami, comme par le
passé, pour jouer plus facilement le rôle
plus digne que je m'assignais auprès de
sa femme, c'était une épreuve au-dessus
de mes forces. D'ailleurs, ma déchéance,
qui m'abaissait au niveau de Gaston, n'ef-
façait pas mon crime; ma trahison était
la revanche de la sienne.
Dans la rue, tous ces combats avaient
cessé. Quand je traversai la cour de l'hô-
tel de Thorvilliers, je levais haut la tête,
j'affrontais la destinée que je m'étais faite;
peut-être bien avais-je peur d'apercevoir
sur les pavés de la cour la trace de ma
fuite de la veille, .:
Le domestique qui m'ouvrit la porte du
vestibule n'eut pas besoin que je lui rap-
pelasse mon nom; il me sourit humble-
ment et mit un respect d'adoption dans
la façon de me dire : Oui, monseigneur,
qu2nd je lui demandai si la duchesso était
visible.
Il m'adoptait comme un hôte digne de
la maison. On avait, depuis la veille, dis-
cuté, dans l'antichambre, le meilleur titre
que mes bas violets exigeaient, et j'étais
au moins en évéque pour .dès geoty'fdé
M. le duc. :", '-. :
Pourquoi sentis-je vivement l'ironie de
cette vanité qui me pesait? Je dus rougir
en r eeè Y an t. ce t hotn m agç.
La duchés e était dans son grand salon.
A l'annonce de mon nom, elle se leva
brusquement de son fauteuil, resta droite,
accoudée au velours de la cheminée. Elle-
était en robe sombre, et son visage blanc
se détachait sur une s rte d'obscurité
mêlée de dorures étouffées, de tentures,
éteintes, de vases pâlis.
Le trajet me parut bien lcfl £ de la po; tei
à la cheminée. Je fus une seconde ou
deux, sans distinguer, ou plutôt sans
vouloir regarder les yeux de la duchesse.
Quand je les vis, je compris que c'était
non plus Reine, ,, mais la duchesse de
Thorvilliers qui me recevait.
Je la saluai ; j'avançai timidement la
main ; fes mains restèrent immobiles.
Elle inclina seulement la tête, et sans me
désigner un siège.
- J.e ne reçois que vous, me dit-ele
sourdeme .t. J'ai fermé ma porte aux visi-
teurs habituels. Je suis souffrante. Je n'ai
f. it d'exception qm pour vous.
Sa voix qui s'était durcie s'aiguisa :
; — C'cst"tout! simple, un prêtre a ses
, .;.. C'cst";1our simple, .uO' rç â, ses
privilèges, comme 3e médecin. 11 vient
confesser ou il vient chercher des au-
mônes.
Je ne pouvais me méprendre à cette
menace. Je compris le sourire et le res-
pect de l'antichambre. C'était un com-
mencement d'ironie, abandonné aux va-
lels.
- Je vous remercie, madame, répondis-
je en saluant de nouveau.
— fl n'j a pas de quoi, monsieur l'abbé,
répliqua-t-elle avec une vivacité fébrile,
presque baicerne.
Pauvre femme! elle s'éssayait àla mé-
chanceté! clic devait av.ir hien souffert!
M< n remords n'était rien auprès de celui
que je sentais brûler dans ce regard pro-
fond; à moins qu'il n'y eût seulement que
le premier embarras de la femme du
monde dans cette brutalité, et qu'elle fût
moins guérie qu'alarmée.
Je me disais cela, sans aucune fatuité,
et s'il y avait un regret égoïste au fond de
mon cœur, il se dissimulait sous ma cha-
rité d'amant.
— Je vous remercie de m'avoir attendu,
repris -je avec : fermeté. ;v. .., -
Elle ne me faissapas' continuer.
— Ne me remerciez pas.
Sa figure prit une expression d'angoissé
et d'horreyr.^ - - -~~ <-~
— C'est hier que vous n'auriez pas dû
venir. Vous m'auriez laissé un chagrin
dent je vivais avec une fierté secrète.
Je voudrais mourir de celui que j'ai main-
tenant.
— Pardonnez-moi! murmurai-je.
Elle eut un sourire douloureux, sif-
flant :
— Je n'ai pis à vous pardonner ! vous
arrangerez cala à confesse 1 Est-ce vous
qui a^lez m'ftbsoudre? - -, , ;
Cette allusion amère à mon état révé-
lait lé supplice de son orgueil, et me frap-
pait deux fois dans conscience, com-
me homme et comme prêtre.
Avec cette mobilité d'expression, q ue
était le mystère de cette femme sincère.
toujours combattue, elle adoucit un peu
la voix. Elle était admirablement fémi-
nine, blessant pour guérir et déchirant
les cicatrices de peur de laisser les plaies
se refermer sur un venin.
Avant de yous avoir revu, me dit-
elle, j'avais essayé • <îè~Vous mépriser
Votre fuite m'était un prétexte, qui ne
suffisait guère. C'est moi maintenant que -
je méprise, et vous ne pouvez pas m'en-*
lever ce mépris-là. Que veniez-vous ma
dire? - q, , •
Hélas! je n'avais plus rien à lui dire.
La moindre parole de compassion lui eût
semblé une raillerie, et d'autres paroles
eussent brûlé ma bouche sans en uoliveia.
sortir. Je baissai la tête.
LOUIS ULRACH
{A euwre.\ 1.
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