Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-01-05
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 janvier 1882 05 janvier 1882
Description : 1882/01/05 (N4318). 1882/01/05 (N4318).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75318060
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
Ne 4318 b - Jeudi 8 Janvier 1802
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Adresser lettres et mandats -.
A M. ERNEST LEFÈVA.
ADMINISTRATEUR-GÉRANT
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RÉDACTION
S'adrtsser au Secrétaire de la HédacUôïjl t
De 4 à 6 heures du scir
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Les manuscrits non insérés ne seront pal
ANNONCES ,, ;
p. Ch. LAGRANGE, GERP et Gt -
6, place de la Bourse, &
LA QtESTION DU SENAT
î -
L'Assemblée nationale de 1871 a
passé plusieurs années à démontrer
!es inconvénients d'une Chambre uni-
que. Le Sénat de 1875-81 a passé
toutes les années de son existence à
démontrer les inconvénients de deux
Chambres. Si l'on s'en rapportait à ces
deux précédents, on pourrait croire
que le fond de la politique est la manie
du suicide.
Les partisans d'une Chambre unique
répondent que le précédent de l'As-
semblée de 1871 n'est pas un précé-
dent; que l'Assemblée de 1871 était
l'Assemblée du jour de malheur, l'As-
semblée nommée par un suffrage uni-
versel qui avait la poitrine sous le
genou et sous le sobre de la Prusse,
dont le sang ne circulait plus de la
tête aux membres, de Paris aux dépar-
tements, qui n'avait plus ; conscience
de ce qu'il faisait, qui élisait sans
savoir qui, et dont les représentants
n'étaient pas les représentants.
Les partisans de deux Chambres ré-
pliquent que le Sénat actuel est le Sénat
de l'Assemblée du jour de malheur;
qu'il ne prouve rien contre le principe
d'une seconde Chambre; que l'Assem-
blée dite à tort nationale l'a fait à sa
ressemblance ; qu'elle a commencé par
nommer elle-même., les sénateurs es-
sentiels, les sénateurs par excellence,
les vrais sénateurs, les soixante-quinze
inamovibles; qu'ensuite, ne pouvant
malheureusement pas leur conférer
avec l'inamovibilité l'éternité et les
faire immortels, elle les a au mo:ns
faits colimaçons, c'est-à-dire qu'elle
leur a donné la "faculté de se repro-
duire à eux tout seuls et sans ma-
riage avec la souveraineté du peuple ;
qu'elle n'a pas osé leur octroyer en
même temps la faculté de produire les
sous-sénateurs, les sénateurs à temps,
mais que le suffrage auquel elle a dû en
laisser la fabrication ne rappelle que de
loin le suffrage universel : que tout cela
constitue sans doute des vices assez
sérieux, mais que ce n'est plus l'As-
semblée dite à tort nationale qui nous
gouverne, et que rien n'empêche de
faire du Sénat ce qu'on fait souvent
des livres: une édition entièrement
revue et considérablement diminuée.
- C'est l'édition revue du Sénat que
les partisans de deux Chan bres se
proposent de nous offrir.
La première chose à corriger dans
l'œuvre de l'Assemblée de 1871 est, d'a-
près tous les critiques, l'inamovibilité.
Les sénateurs colimaçons ! Soixante-
quinze hauts-chambriers élus sans que
le pays soit consulté! Et le Sénat a
toujours soin de choisir précisément
zeux dont le paysln'a pas voulu, les
blackboulés de la députation. Ah!
tu n'as pas voulu de lui pour qua-
tre ans, !pays? eh bien, je te l'im-
pose à perpétuité ! Du moment qu'on
projetait de « revoir » la Constitution,
le premier acte de la revision allait
donc être de l'expurger des inamovi-
bles ? Par exemple! D'abord, le projet
sonserve les inamovibles actuels. Ayant
été, pour la plupart, nommés par l'As-
semblée monarchiste, ils sont sacrés
pour la République. L'amélioration
qu'on nous promet, c'est qu'au lieu
d'être nommés, comme à présent, par
le Sénat seul, les inamovibles futurs
«eront nommés par le Congrès, comme
les premiers soixante-quinze l'ont été
par l'Assemblée unique. C'est-à-dire
que le progrès serait de retourner en
arrière. C'est-à-dire que la façon de
corriger l'œuvre de l'Assemblée mo-
narchiste consisterait à remettre les
choses dans l'état où l'Assemblée mo-
narchiste les avait Voulues.
Un autre point qui demandait une
correction, c'était le mode électoral. La
plus grande ville et le plus petit village
Dnt également un seul délégué. C'est
latteur pour Villequier d'être l'égal de
Marseille, mais Marseille est moins
Haltée d'être l'égale de Villequier. Ré-
parons ce genre d'égalité, s'est dit le
gouvernement. Ce n'est pas l'identité
qu'il faut, c'est la proportion. Alors, on
va proportionner le nombredes délégués
au nombre des habitants? Ainsi, telle
commune n'ayant que deux cent cin-
quante habitants et Paris en ayant deux
millions, cette commune n'aura qu'un
délégué et Paris en aura huit mille? -
« Non pas, a dit le gouvernement. Notre
proportion sera uue proportion par à-
peu-près. Nous diminuerons unpeul'é-
cart entre les grandes communes et les
petites, mais nous ne le supprimerons
pas. Il y a, pour toute la France,
quelque chose comme 43,000 élec-
teurs sénatoriaux : nous en ajoute-
rons, pour toute la France, quel-
que chose comme 4,500. » On se
figure un marchand de vin mettant un
verre de vin dans une barrique d'eau,
et disant à ses pratiques : — Hein !
vous ne vous plaindrez pas qu'il soit
arrosé, celui-là!
Cependant, « parlons-nous de Do-
zainville? alors, parlons de Dozain-
ville ! » C'est ce que disait justement
Henri Monnier dans la Famille improvi-
sée, et c'est ce que redit non moins
justement M. Edouard Hervé dans le
Soleil : « Vous ne voulez pas du prin-
cipe de l'égalité des votes entre les
communes; soit; donnez-nous alors le
principe de la proportionnalité des
votes par rapport à la population. »
Seulement, M, Edouard Hervé me per-
mettra de le trouver passablement naïf
de parler de principe à propos du pro-
jet de revision. Le projet de revision
n'est pas un principe, c'est une perche.
C'est la perche de sauvetage tendue
par le gouvernement à une Chambre
haute en détresse. Mais le sauvetage
ne pourrait s'opérer qu'avec l'aide du
pays-, et, contrairement à La Fontaine,
Le pays est de ceux qui disent : Ce n'est rien,
C'est une Chambre qui se noie.
AUGUSTE VACQUERIE.
-.———————— -
RÉUNION DES ÉLECTEURS SÉNATORIAUX
DE LA SEINE
La seconde réunion plénière des élec-
teurs sénatoriaux de la Seine a eu lieu
hier dans la salle des séances du conseil
municipal au pavillon de Fiore. L'assis-
tance était encore plus nombreuse qu'à
la précédente. Le corps électoral était cette
fois, on peut le dire, presque absolument
au complet. Les candidats étaient égale-
ment présents. Deux même qui n'avaient
pas assisté à la précédente séance, Victor
Hugo etle commandant Labordère, étaient
venus à celle d'hier. Par contre, M. de
Freycinet, parti pour Montauban, s'est
excusé par une lettre qu'on lira plus loin
de ne pouvoir se rendre à la convocation
qui lui avait été adressée.
L'ancien bureau a été maintenu à l'una-
nimité, à savoir M. Floquet comme pré-
sident, MM. Darlot et Benjamin Raspail
comme assesseurs, M. Allaire comme se-
crétaire.
Au début de la séance, M. Anatole de
la Forge est venu en quelques mots carac-
tériser de nouveau la candidature du
commandant Labordère, posée à la pré-
cédente séance.
L'opinion publique, a-t-il dit, s'est in-
quiétée de certains choix faits dans l'ar-
mée par le gouvernement. Nous avons vu
dans ces nominations un danger pour nos
institutions, une sorte de défi jeté à l'opi-
nion républicaine. A la nomination de M.
de Miribel, nous voulons opposer l'élec-
tion du major Labordère.
MM. Blanche, conseiller général de Pu-
teaux et Level, conseiller municipal du
17* arrondissement, veulent présenter di-
verses propositions; mais le président
fait observer qu'il y a lieu d'entendre au-
paravant les deux candidats qui n'avaient
pu assister à la réunion antérieure: Victor
Hugo et le commandant Labordère. Il est,
en conséquence, procédé immédiatement
à cette audition.
Victor Hugo se lève le premier et fait,
aux applaudissements unanimes de l'as-
semblée, la déclaration que voici :
Ce que j'étais il y a sept ans, je le suis
aujourd'hui. Mes engagements n'ont pas
d'autres limites que le devoir. Je ferai mon
devoir, je ie ferai en conscience. Ma cons-
cience s'appuie sur les vôtres.
Je veux la lumière, je veux la liberté.
Maintenant, cela dit, vous me connaissez;
vous ferez de moi ce que vous voudrez.
Le commandant Labordère monte
ensuite à la tribune, applaudi par la plus
grande partie de l'assemblée. Voici le ré-
sumé fidèle de sa déclaration :
Je n'aij jamais pris la parole dans une
réunion quelconque et je n'ai même as-
sisté à aucune. Mais j'ai tenu à me pré-
senter devant vous dès que j'ai eu l'auto-
risation du ministre de la guerre. J'ai
voulu que vous me connaissiez. J'estime
qu'il n'y a pas de dignité dans l'élection
s'il reste un sous-entendu entre le man-
dataire et les électeurs. - - - - "'-
J'ai reçu une lettre de M. de Bouteil-
lier m'offrant la candidature et me com-
muniquant en même temps un programme.
Vous connaissez tous ce programme
et vous avez entendu lecture de ma
lettre.
Je n'ai jamais été mêlé aux luttes poli-
tiques ; mais j'ai vu que les articles de ce
.$ ï
programme n'étaient autre chose que les
revendications constantes du parti répu-
blicain. J'ai accepté.
Mes amis vous ont présenté ma candl%-
ture comme la récompense du service que
j'ai, sinon rendu, du moins voulu ren-
dre à la République.
Quand j'ai agi comme je l'ai fait, je me
suis rappelé tout ce que des hommes que
j'honore avaient dit pendant vingt ans
d'empire ; de récompense, je n'en espé-
rais pas, je n'en ai jamais espéré. Mais
permettez-moi de considérer la marque
d'estime qui m'est donnée comme la
preuve que l'on juge venue l'heure de
résoudre la question de l'obéissance mili-
taire, question qui préoccupe les hommes
d'Etat depuis soixante ans. C'est, en effet,
en 1822 que pour la première fois cett3
question a été discutée à la Chambre des
députés ; elle a été reprise eu 1851 par
MM. Thiers et Charras, mais il était trop
tard. Une dernière revendication fut faite,
en 1867, par MM. Jules Favre et Pelletan.
Eh bien 1 tous ces hommes, dans des
conditions bien diverses, ont pensé que la
question n'était pas insoluble. Elle est
résolue depuis 1817 en Angleterre. Le rè-
glement du 24 mai i817 sur le service de
l'armée anglaise porte que « tout officier,
sous-officier, caporal ou soldat qui frap-
pera son chef, ou le menaceraou refusera
d'obéir à ses ordres légaux, sera puni de
mort ou de toute autre peine par une cour
martiale. » Et le règlement n'est pas resté
à l'état de lettre morte. En 1822, Benja-
min Constant racontait avoir vu à Cher-
bourg des soldats pendus pour avoir tiré
sur le peuple sur l'ordre de leurs chefs.
Il est immoral que le législateur se ren-
ferme dans la prétendue difficulté de la
question, alors qu'il a le temps et le calme
nécessaires pour la résouure, et qu'il laisse
les offic.ers et les soldats décider dans des
circonstances graves, au milieu du trou-
ble de leur conscience, quelle conduite il
y a lieu de tenir en présence d'un coup
d'Etat possible.
« Tant pis pour toi si tu te trompes »,
dit-on au soldat. Je trouve cela profondé-
ment regrettable, et une solution est au-
jourd'hui nécessaire.
Il est évident que la question restera
longtemps sans application ; aucune me-
nace de coup d'Etat n'est à l'horizon, si
bien que même les plus pessimistes ne
peuvent prévoir une occasion d'appliquer
l'article qu'il faudrait insérer dans le Code.
Mais c'est précisément pour cela qu'il faut
rechercher aujourd'hui la solution avec
calme et réflexion.
Je me rappelle la dure expérience d'il
y a douze ans; il f.iut faire des préparatifs
de guerre pendant la paix ; il faut profiter
du temps calme et de l'absence de nuages
à l'horizon pour étudier cette question de
l'obéissance légale et donner une solution
à l'armée qui l'attend depuis si longtemps.
Je ne veux citer aucun nom ; mais j'ai
les mains pleines de demandes en ce
sens.
Si la question était repoussée, il y au-
rait un immense découragement dans
l'armée.
L'armée demande où est son devoir. On
le lui a dit en 1851, sur Ja barricade de
Baudin et à la mairie du 10° arrondisse-
ment. M. Schœlcher, je crois, rappela à
l'officier qui commandait le détachement,
les termes de la Constitution. Le capitaine
répondit : « Moi aussi, je suis républicain,
mais le devoir militaire m'ordonne de
m'opposer par la force. »
Je ne peux pas m'empêcher de me sou-
venir que c'est Victor Hugo qui, dans
XHistoire d'un Crime, a fait cette synthèse
de la protestation de la conscience hu-
maine.
J'ai fini. En raison des conditions où
ma candidature s'est produite, j'aurais
peut-être dû garder le silence. Je n'ai pas
voulu, au risque de compromettre ma
candidature. J'ai voulu vous dire que j'ac-
ceptais votre programme. Si j'ai agi ainsi,
c'est que, si précieux que soient vos suf-
frages, j'attache un plus haut prix à votre
estime.
Ce discours, fréquemment interrompu
par les applaudissements de l'Assemblée,
en provoque de plus vifs et de plus nom-
breux encore à la tin.
M. Omer Despatys, membre monar-
chiste du conseil municipal de Paris,
vient ensuite combattre la candidature
Labordère, puisque aucun républicain ne
veut le faire. La signification de cette can-
didature, c'est que les considérations po-
litiques doivent primer tout devoir mili-
taire. Avec ce principe, il n'y a plus, suivant
M. Despatys, ni discipline, ni armée, ni
pays. Le rôle de l'armée doit se borner à
défendre l'ordre intérieur et à assurer la
sécurité extérieure du pays. Elle doit faire
abstraction de toute considération politi-
que pour obéir à ses chefs.
M. Despatys, ancien magistrat du
i6 Mai, se lance ensuite dans une tirade
contre la République et les républicains
et essaye de passionner le débat et de le
faire dégénérer. Mais, comme le président
d'ailleurs le constate, la réunion donne
l'exemple du respect le plus absolu de la
liberté et laisse M. Despatys achever son
discours, malgré les violences de l'ora-
teur.
M. Clemenceau, appelé par certaines
paroles de M. Despatys, vient rétablir le
véritable caractère de la candidature La-
bordère. Celle-ci a une double significa-
tion Ï une de principe et une de circons-
tance.
Au point de vue du principe, il s'agit ae
savoir si l'on instituera dans notre démo-
cratie représentative une Chambre de dé-
putés, si les hommes qui la composent
feront la loi, et s'il se trouvera dans ce pays
une autorité qui ordonnera au soldat de
marcher contre la loi: là où il y a une
armée permanente, il faut assurément la
discipline, l'obéissance aux chefs; mais il
faut aussi l'obéissance aux lois. Voilà la
question qui se pose. Nous ne wulom dé-
truire ni la discipline, ni l'armée ; mais
nous voulons que tout citoyen, qu'il porte
la culotte rouge ou grise, obéisse aux
lois.
En France la question n'est pas encore
résolue, le soldat est placé dans le doute.
Mais il y a l'exemple de l'Angleterre. Le
major Labordère vous l'a cité. Il vous a
dit également, avec raison, que le législa-
teur qui, en des temps calmes, n'avait pas
résolu la question, en imposait la solution
au soldat dans le trouble de sa cons-
cience, au milieu de circonstances cri-
tiques, entre la vie et la mort ; voulez-
vous continuer à laisser les officiers de
l'armée française dans cette situation ou
bien introduire dans nos codes une dispo-
sition précise, prescrivant l'obéissance
aux ordres légaux ?
Moi non plus, je ne crois pas aux tenta-
tives de coup d'Etat, actuellement; mais
c'est précisément parce qu'il n'y a pas de
crainte de ce côté, que le moment est ve-
nu de résoudre la question.
Labordère vous l'a écrit : « Il y a eu un
moment, une heure où la question s'est
posée à moi; on nous a ordonné de mar-
cher contre la République. » Les circons-
tances n'étaient pas claires; et c'est alors
qu'il a dit à ses chefs: «Je vous dois obéis-
sance, mais si c'est pour marcher contre
mes concitoyens, je brise mon épée et je
vous en jette les morceaux à la figure. »
Eh bien ! voilà ce qu'il faut empêcher à
l'avenir en insérant dans le code une
disposition précise.
La seconde signification de la candida-
ture Labordère est une signification de
circonstance. Nous avons vu des circons-
tances singulières, en effet. Pendant long-
temps la principale préoccupation des ré-
publicains a été de déloger de l'adminis-
tration les adversaires de la République,
les Miribel, les Weiss, etc.; quand on a
complété cette épuration, en délogeant le
maréchal, on a poussé de grands cris de
victoire et l'on a demandé qu'on consti-
tuât enfin une administration réellement
républicaine. La victoire des républicains
s'est affirmée d'une manière plus écla-
tante encore; on a vu M. Gambetta, le
leader des gauches, appelé à la présidence
du conseil. Et c'est alors qu'on voit re-
mettre aux affaires ceux-là mêmes dont
on réclamait le renvoi autrefois, ceux-là
mêmes que des ministères plus modérés,
comme ceux de MM. Dufaure et Le Royer,
n'avaient pu tolérer; c'est alors que nous
voyons reparaître ce Miribel contre le-
quel Labordère a protesté.
Assurément je ne crois pas à la prépa-
ration d'un coup d'Etat ; mais j'estime
qu'il y a là une aberration de nature à
jeter l'inquiétude dans le pays. Il y a lieu
dès lors de donner un avertissement à qui
do droit. Je crois que les délégués sénato-
riaux, représentants du deuxième degré,
plus calmes, plus réfléchis que le suffrage
universel, peuvent donner avec fruit cet
avertissement. Il faut qu'ils disent au gou-
vernement s'il s'engage dans une bonne
voie ou dans une voie fâcheuse à propos
de la question du personnel.
De vifs applaudissements accueillent
cette allocation chaleureuse et vibrante.
On aborde ensuite l'objet propre de la
réunion, les questions à adresser aux
candidats.
M. Manier demande qu'on qucstionne
tous les candidats sur le point de savoir
s'ils sont pour la convocation d'une As-
semblée constituante chargée d'opérer la
revision au lieu du Congrès.
M. Lefebvre, de Montreuil, demande
qu'on invite tous les candidats à s'expli-
quer sur la nomination de M. de Miribel
et les nominations analogues qui ont si
vivement ému l'opinion républicaine.
M. Thulié, interrogé le premier, ré-
pond que s'il en jugeait par les senti-
ments qu'on peut éprouver dans le public,
il regretterait cette nomination, mais que,
ne connaissant pas les motifs qui ont pu
décider le gouvernement, il ne saurait se
prononcer.
De nombreuses marques d'étonnement
et des murmures accueillent cette décla-
ration.
MM. Engelhard et Vauthier s expriment,
au fur et à mesure de leur tour de parole,
à peu près dans le même sens que M.
Thulié.
Au contraire, MM. Songeon et Péan,
critiquent énergiquement jeette nomina-
tion coupable.
Ces paroles de blâme sont accueillies
par les applaudissements de l'Assemblée.
On voit que, sur ce point, le sentiment
des électeurs sénatoriaux n'est pas dou-
teux. -1
Ajoutons que, sur l'invitation des délé-
gués de la banlieue, tous les candidats se
sont prononcés pour l'application du droit
commun au conseil général de la Seine.
Un incident très long et assez vif a été
provoqué par M. Lafont, qui a mis en
cause personnellement M. Engelhard.
M. Lafont demandait à M. Engelhard d'ex-
pliquer : 1° pourquoi il avait abandonné le
groupe de l'autonomie communale dont il
avait été le fondateur, pour se rallier au
groupe opportuniste et se faire élire par
ce dernier président du conseil munici-
pal ; 2° pourquoi il avait accepté, dans
son élection au conseil municipal, la sup-
pression du Sénat, contre laquelle il s'é-
tait prononcé comme candidat au Sénat ;
3° pourquoi, enfin, il avait déclaré qu'il
n'était pas intransigeant, alors que lui-
même, dans sa propre demeure, avait
fondé le groupe dont il se sépare aujour-
d'hui. en l'accusant de soutenir la poli-
- tique - du tout - ou rien. - - - --
M. Engelhard a présenté des explica-
tions assez peu satisfaisantes, qui n'ont
nullement édifié l'assemblée.
M. Benjamin Raspail a voulu critiquer la
conduite de M. Engelhard à Strasbourg,
pendant la guerre; mais, sur ce point,
M. Lafont a refusé de s'associer à ces at-
taques, qui ne lui semblaient pas fon-
dées.
Un incident s'est produit à propos de la
candidature Freycinet. M. Floquet adonné
lecture de la lettre suivante, par laquelle
l'ancien président du conseil des ministres
expliquait son absence :
Paris, le 31 décembre 1881.
Monsieur le président,
Je pars pour Tarn-et-Garonne où un intérêt
politique m'appelle.
J'ai promis depuis longtemps au parti répu-
blicain d'y conduire la campagne éiectorale, et
nous avons l'epoir d'enlever aux monarchis-
tes les deux sièves sénatoriaux qu'ils détien-
nent. Mon absence en ce moment, m'écrit-on,
de divers côtés, peut compromettre le succ's.
Je ne me crois pas le droit de sacrifier l'inté-
rêt du parti républicain à mes convenances
personnelles. Je m3 rends aux instances de
mes amis, plaçant ma candidature parisienne
sous i'égide des sentiments de justice et de
bienveillance de mes auditeurs de jeudi der-
nier.
Je n'ai rien à ajouter à mes déclarations
antérieures. Les idées générales que j'ai expo-
sées à la réunion injiquent assez dans quel
esprit j'accomplirais mon mandat. C'est les
yeux tournés vers la justice et le droit que je
marcherai d'un pas ferme à la solutio n des
diverses questions qui préoccupent la démo-
cratie républicaine.'
Le collège électoral de la Seine a devant
lui des éléments suffisants pour me juger. Il
a plus que des paroles, il a des actes. Il ap-
préciera dans sa sagesse les services rendus,
les garanties du caractère, la droiture des in-
tentions ; ce qu'il décidera sera accepté avec
soumission et respect.
Quoi qu'il arrive, que je continue à repré-
senter la première ville du monde ou que je
sois relégué à un rang plus modeste, mon
dévouement, mes efforts, ma vie sont acquis
à la France et à la République.
Agréez, monsieur le président, l'expression
de mes sentiments dévoués.
CH. DE FREYCINET.
Un électeur, M. Desprez, a regretté
l'absence de M. de Freycinet et, consta-
tant que ce dernier était candidat dans
plusieurs départements, a demandé si l'on
connaissait les intentions de M. de Freyci-
net au point de vue du siège qu'il choisirait
en cas d'élections multip!es.
M. Leven a cru pouvoir dire que M. de
Freycinet opterait sans aucun doute pour
le département de la Seine.
m. Clémeneeau, intervenant dans le
débat, a déclaré qu'il ne comprenait pas
la conduite de M. de Freycinet, qui es-
sayait de se soustraire, par son absence,
à l'obligation de répondre aux questions
qui lui seraient adressées. Il le regrette
d'autant plus qu'il aurait voulu obtenir
des explications sur certaines contradic-
tions que présente son langage et sur cer-
tains actes de son ministère. M. Clémen-
ceau a prié M. Tirard, ancien collègue de
M. de Freycinet au ministère, de répon-
dre, s'il le jugeait possible, sur ces divers
points, notamment sur la question des
congrégations religieuses.
M. Tirard a déclaré qu'il n'avait r eçu
aucun mandat pour parler au nom de M.
de Freycinet ; mais il affirme que celui-ci
s'est rendu dans le Tarn-et-Garonne, ap-
pelé par un impérieux devoir.
Quant à divulguer ce qui s'est passé
dans le conseil des ministres, autrefois,
M. Tirard déclare qu'il ne le fera pas; ces
délibérations du conseil sont secrètes et
il ne faillira jamais à l'engagement de
garder le secret. M. Tirard a expliqué en-
suite les contradictions du ministère
Freycinet sur l'amnistie par le désir qu'on
avait de distinguer entre les criminels de
droit commun et les condamnés politi-
ques, et par l'impossibilité ensuite recon-
nue d'établir juridiquement cette distinc-
tion.
Quant à la question de l'application des
décrets sur les congrégations, M. Tirard
s'en est tenu aux déclarations faites à la
précédente séance par M. de Freycinet
lui-même. Toutefois, ii a déclaré, en ré-
ponse à M. Clémenceau, que jamais il
n'avait eu connaissance de négociations
avec la cour de Rome ; que la note qu'on
avait représentée comme concertée entre
M. de Freycinet et la cour de Rome, et
publiée par les journaux cléricaux, n'ap-
partenait ni de près ni de loin a M. de
Freycinet.
A une question de M. Clemenceau, qui
demande si M. Tirard nie ces négocia-
tions, M. Tirard répond qu'il y a, à Paris,
un nonce, et qu'il ne peut savoir ce qui
s'est passé entre ce nonce et le ministre
des affaires étrangères.
A la fin de la séance, M. Labordère, ap-
pelé à s'expliquer sur la solution qu'il
comptait donner à la question de l'obéis-
sance militaire, a répondu qu'en collabo-
ration avec plusieurs jurisconsultes, il
avait préparé un projet qu'il sa proposait
de livrer à la publicité. Pour le moment,
il a seulement indiqué que ce proj et con-
sistait à établir dans le Code militaire un
cas d'excuse légale comme il en existe un
dans le Code pénal pour le meurtre. C'est-
à-dire que le soldat qui aurait refusé d'o-
béir à un ordre qu'il jugerait illégal, tout
en étant présumé coupable, pourrait ré-
clamer le bénéfice de l'excuse légale et
être dès lors admis à faire devant les ju-
ges la preuve de la légitimité de sa dés-
obéissance. Au cas où la preuve ne serait
pas faite, il supporterait les conséquences
de son erreur et pourrait être fusillé.
Enfin MM. Leven et Delabrousse ont
voulu questionner M. Labordère sur di-
vers autres points de son programme po-
litique, notamment la suppression du
Sénat et de la présidence de la Répu-
blique.
Mais l'assemblée, visiblement satisfaite
des explications de M. le major Labor-
dère, juge de nouvelles questions inu-
tiles. La clôture est de toutes parts récla-
mée.
îg M. Anatole de la Forge prononce quel-
ques mots pour affirmer une fois de plus,
dans des termes énergiquement patrioti-
ques, la candidature de l'honorable offi-
cier. Les paroles de M. de la Forge sont
couvertes d'applaudissements, et un vote,
rendu à la presque unanimité, consacre
le succès de la candidature Labordère en
prononçant la clôture de la discussion.
La séance est levée à six heures et
demie.
j Les Négociations avec l'Angleterre
Le ministère du 14 novembre n'esft'-
pas seulement assez mal inspiré, en 1
général; il faut reconnaître que, même;
lorsqu'il cherche à bien faire, il n'esfr
pas heureux dans ses efforts. On vient:
d'en avoir une preuve dans l'affaire dit"
traité de commerce avec l'Angleterre.;*
Si quelque chose semblait devoir réus-
sir au gouvernement, c'étaient assuré-
ment les négociations entamées avec
nos voisins, sous les auspices d'un mi-'
nistre à la fois très libéral et très com*t
pétent en ces matières. Or, il se trouve;
que ces négociations sont, sinon rom^
pues comme l'assurent plusieurs feuillee,
anglaises, au moins suspendues faute".
d'entente.
Nous constatons le fait sans vouloir,
en rien conclure contre M. le ministre di £
commerce. Nous dirons même, contrai-
rement à l'opinion exprimée par cer*
tains journaux d'outre-Manche , le
Standard, le Daily-News, le Manchester;,:
Guardian, qu'on ne croira pas facile-"
ment, en France, que M. Maurice
Rouvier, dont les principes libres
échangistes sont connus, n'ait pas été;;
dans la voie des concessions, aussi loiie"
que le lui permettaient les intérêts dont
il a la garde. En Angleterre mêmeJ
on réfléchira sans doute avant de rejeter
sur le négociateur français la respon-^
sabilité de difficultés regrettables et7
que nous espérons n'être que moment
tanées.
On sait que, sur ce terrain, comme
sur le terrain politique, nous sommes
pour la plus grande liberté possible:f
Nous avons toujours été et nous restons;
les adversaires résolus de la protec-^
tion. Nous ajouterons que nous consi-^
dérons comme de première impor-^
tance le développement de nos rei
tions commerciales avec l'Angleterre^:
ces relations devant forcément favori-^
ser les autres. Mais enfin, comme le
disait hier encore une feuille de Lon-i
dres, la St-James Gazette, « avec oa
sans le traité de commerce, nous res-
terons en bons termes avec l'Angle*
terre ». Il ne faut donc pas tout sacri-^
fier à la conclusion de ce traité. ,. ,>
Or, les commentaires dont la presse
anglaise accompagne la rupture des né-
gociations nous donneraient à penser
que certaines exigences inattendues se
sont produites du côté de nos voisins,
exigences qu'on avait peut-être espérG
faire accepter, en raison des embarras
incontestables que le cabinet Gambette
rencontre, ou plutôt sème sur sa router
Les négociateurs anglais ne se seraient-
ils pas dit que nos ministres seraient
trop heureux d'arriver devani les
Chambres avec un traité quelconque, et
que jamais ils ne s'exposeraient à ua.
échec ? t
Cette hypothèse a pour elle autanf
et peut-être plus de vraisemblance que,
l'hypothèse des feuilles anglaises qui/.
attribuant à M. Gambetta une terreur^
exagérée des sénateurs protectionnistes
dont le vote lui serait nécessaire pour,;
obtenir la revision, veut que le prési-
dent du conseil ait provoqué la rup-
ture ? Contre cette explication, noux
nous bornerons à rappeler que le
ministre du commerce n'aurait pu
se trouver d'accord avec M. Gam- J
betta si celui-ci avait abandonner
les idées libérales dans lesquelles la
négociation se poursuivait. Or, comme
on ne dit pas qu'aucun dissentiment
se soit produit à ce sujet au sein du
gouvernement, il faut admettre que lest
exigences intempestives ne sont pas
venues de notre côté. Le cabinet, eu
cette circonstance, porte la peine do,
sa faiblesse, qu'on a peut-être voulu un
peu exploiter, mais c'est probablement
tout ce qu'on peut reprocher, sur ce
point spécial, au ministre qui a défendit
les intérêts économiques de la France.;
A. GADLIER.
Nous étions habitués à voir l'Eglise tout
entière prendre le mot d'ordre de la
bouche du pape infaillible ; nous voyions'
toute l'armée catholique, depuis les moni,r
signores jusqu'aux bedeaux, marcher:
comme un seul homme, au doigt et à I'oeil -à.
et nous nous étions figuré qu'une seule
volonté animait cette masse et que la doc-
trine catholique était une et {ndiviszble '.:
encore plus que la République. ;
Or, voici que nos opinions sont entière-'
ment renversées, et nous ne savons plui
ce que nous devons croire.
Le Rappel a parlé de ces curés qui fonC,
de la chaire une tribune de réunion pu*
blique; il a cité les proclamations que lei
belliqueux prélats héritiers de la fougue
dupanloupesque adressent à leurs ouail-^
les, et on se souvient que l'évêque d
Grenoble, le doux évêque Fava, s'écriait.,
il y a peu de jours, qu'il fallait laver le$
péchés commis par la Républiqu3, et D<~
trouvait rien de mieux que de les laveg
dans le sang. O
Oui, le doux évêque voulait do- saag
1 pour laver le pavé de son <~tD~ * -
—'- ~w~~
'--
te numéro s 10c» D^ai^iiseiiii iIS c*
10 Nivôse an 90 — ? 4318
ADMINISTRATION
{8, RUE DB VALOIS, 18
âBONflEHERftf
PAeis 1 DÊPÏlSSBbmi,
froïs mois.7 10 » f Trois mois ./iJrfli
Bix mois 20 » I Sis mois.* ,.fiS 1
Adresser lettres et mandats -.
A M. ERNEST LEFÈVA.
ADMINISTRATEUR-GÉRANT
,
7
RÉDACTION
S'adrtsser au Secrétaire de la HédacUôïjl t
De 4 à 6 heures du scir
J8, BUE DB VAIO 18> 4(M V
Les manuscrits non insérés ne seront pal
ANNONCES ,, ;
p. Ch. LAGRANGE, GERP et Gt -
6, place de la Bourse, &
LA QtESTION DU SENAT
î -
L'Assemblée nationale de 1871 a
passé plusieurs années à démontrer
!es inconvénients d'une Chambre uni-
que. Le Sénat de 1875-81 a passé
toutes les années de son existence à
démontrer les inconvénients de deux
Chambres. Si l'on s'en rapportait à ces
deux précédents, on pourrait croire
que le fond de la politique est la manie
du suicide.
Les partisans d'une Chambre unique
répondent que le précédent de l'As-
semblée de 1871 n'est pas un précé-
dent; que l'Assemblée de 1871 était
l'Assemblée du jour de malheur, l'As-
semblée nommée par un suffrage uni-
versel qui avait la poitrine sous le
genou et sous le sobre de la Prusse,
dont le sang ne circulait plus de la
tête aux membres, de Paris aux dépar-
tements, qui n'avait plus ; conscience
de ce qu'il faisait, qui élisait sans
savoir qui, et dont les représentants
n'étaient pas les représentants.
Les partisans de deux Chambres ré-
pliquent que le Sénat actuel est le Sénat
de l'Assemblée du jour de malheur;
qu'il ne prouve rien contre le principe
d'une seconde Chambre; que l'Assem-
blée dite à tort nationale l'a fait à sa
ressemblance ; qu'elle a commencé par
nommer elle-même., les sénateurs es-
sentiels, les sénateurs par excellence,
les vrais sénateurs, les soixante-quinze
inamovibles; qu'ensuite, ne pouvant
malheureusement pas leur conférer
avec l'inamovibilité l'éternité et les
faire immortels, elle les a au mo:ns
faits colimaçons, c'est-à-dire qu'elle
leur a donné la "faculté de se repro-
duire à eux tout seuls et sans ma-
riage avec la souveraineté du peuple ;
qu'elle n'a pas osé leur octroyer en
même temps la faculté de produire les
sous-sénateurs, les sénateurs à temps,
mais que le suffrage auquel elle a dû en
laisser la fabrication ne rappelle que de
loin le suffrage universel : que tout cela
constitue sans doute des vices assez
sérieux, mais que ce n'est plus l'As-
semblée dite à tort nationale qui nous
gouverne, et que rien n'empêche de
faire du Sénat ce qu'on fait souvent
des livres: une édition entièrement
revue et considérablement diminuée.
- C'est l'édition revue du Sénat que
les partisans de deux Chan bres se
proposent de nous offrir.
La première chose à corriger dans
l'œuvre de l'Assemblée de 1871 est, d'a-
près tous les critiques, l'inamovibilité.
Les sénateurs colimaçons ! Soixante-
quinze hauts-chambriers élus sans que
le pays soit consulté! Et le Sénat a
toujours soin de choisir précisément
zeux dont le paysln'a pas voulu, les
blackboulés de la députation. Ah!
tu n'as pas voulu de lui pour qua-
tre ans, !pays? eh bien, je te l'im-
pose à perpétuité ! Du moment qu'on
projetait de « revoir » la Constitution,
le premier acte de la revision allait
donc être de l'expurger des inamovi-
bles ? Par exemple! D'abord, le projet
sonserve les inamovibles actuels. Ayant
été, pour la plupart, nommés par l'As-
semblée monarchiste, ils sont sacrés
pour la République. L'amélioration
qu'on nous promet, c'est qu'au lieu
d'être nommés, comme à présent, par
le Sénat seul, les inamovibles futurs
«eront nommés par le Congrès, comme
les premiers soixante-quinze l'ont été
par l'Assemblée unique. C'est-à-dire
que le progrès serait de retourner en
arrière. C'est-à-dire que la façon de
corriger l'œuvre de l'Assemblée mo-
narchiste consisterait à remettre les
choses dans l'état où l'Assemblée mo-
narchiste les avait Voulues.
Un autre point qui demandait une
correction, c'était le mode électoral. La
plus grande ville et le plus petit village
Dnt également un seul délégué. C'est
latteur pour Villequier d'être l'égal de
Marseille, mais Marseille est moins
Haltée d'être l'égale de Villequier. Ré-
parons ce genre d'égalité, s'est dit le
gouvernement. Ce n'est pas l'identité
qu'il faut, c'est la proportion. Alors, on
va proportionner le nombredes délégués
au nombre des habitants? Ainsi, telle
commune n'ayant que deux cent cin-
quante habitants et Paris en ayant deux
millions, cette commune n'aura qu'un
délégué et Paris en aura huit mille? -
« Non pas, a dit le gouvernement. Notre
proportion sera uue proportion par à-
peu-près. Nous diminuerons unpeul'é-
cart entre les grandes communes et les
petites, mais nous ne le supprimerons
pas. Il y a, pour toute la France,
quelque chose comme 43,000 élec-
teurs sénatoriaux : nous en ajoute-
rons, pour toute la France, quel-
que chose comme 4,500. » On se
figure un marchand de vin mettant un
verre de vin dans une barrique d'eau,
et disant à ses pratiques : — Hein !
vous ne vous plaindrez pas qu'il soit
arrosé, celui-là!
Cependant, « parlons-nous de Do-
zainville? alors, parlons de Dozain-
ville ! » C'est ce que disait justement
Henri Monnier dans la Famille improvi-
sée, et c'est ce que redit non moins
justement M. Edouard Hervé dans le
Soleil : « Vous ne voulez pas du prin-
cipe de l'égalité des votes entre les
communes; soit; donnez-nous alors le
principe de la proportionnalité des
votes par rapport à la population. »
Seulement, M, Edouard Hervé me per-
mettra de le trouver passablement naïf
de parler de principe à propos du pro-
jet de revision. Le projet de revision
n'est pas un principe, c'est une perche.
C'est la perche de sauvetage tendue
par le gouvernement à une Chambre
haute en détresse. Mais le sauvetage
ne pourrait s'opérer qu'avec l'aide du
pays-, et, contrairement à La Fontaine,
Le pays est de ceux qui disent : Ce n'est rien,
C'est une Chambre qui se noie.
AUGUSTE VACQUERIE.
-.———————— -
RÉUNION DES ÉLECTEURS SÉNATORIAUX
DE LA SEINE
La seconde réunion plénière des élec-
teurs sénatoriaux de la Seine a eu lieu
hier dans la salle des séances du conseil
municipal au pavillon de Fiore. L'assis-
tance était encore plus nombreuse qu'à
la précédente. Le corps électoral était cette
fois, on peut le dire, presque absolument
au complet. Les candidats étaient égale-
ment présents. Deux même qui n'avaient
pas assisté à la précédente séance, Victor
Hugo etle commandant Labordère, étaient
venus à celle d'hier. Par contre, M. de
Freycinet, parti pour Montauban, s'est
excusé par une lettre qu'on lira plus loin
de ne pouvoir se rendre à la convocation
qui lui avait été adressée.
L'ancien bureau a été maintenu à l'una-
nimité, à savoir M. Floquet comme pré-
sident, MM. Darlot et Benjamin Raspail
comme assesseurs, M. Allaire comme se-
crétaire.
Au début de la séance, M. Anatole de
la Forge est venu en quelques mots carac-
tériser de nouveau la candidature du
commandant Labordère, posée à la pré-
cédente séance.
L'opinion publique, a-t-il dit, s'est in-
quiétée de certains choix faits dans l'ar-
mée par le gouvernement. Nous avons vu
dans ces nominations un danger pour nos
institutions, une sorte de défi jeté à l'opi-
nion républicaine. A la nomination de M.
de Miribel, nous voulons opposer l'élec-
tion du major Labordère.
MM. Blanche, conseiller général de Pu-
teaux et Level, conseiller municipal du
17* arrondissement, veulent présenter di-
verses propositions; mais le président
fait observer qu'il y a lieu d'entendre au-
paravant les deux candidats qui n'avaient
pu assister à la réunion antérieure: Victor
Hugo et le commandant Labordère. Il est,
en conséquence, procédé immédiatement
à cette audition.
Victor Hugo se lève le premier et fait,
aux applaudissements unanimes de l'as-
semblée, la déclaration que voici :
Ce que j'étais il y a sept ans, je le suis
aujourd'hui. Mes engagements n'ont pas
d'autres limites que le devoir. Je ferai mon
devoir, je ie ferai en conscience. Ma cons-
cience s'appuie sur les vôtres.
Je veux la lumière, je veux la liberté.
Maintenant, cela dit, vous me connaissez;
vous ferez de moi ce que vous voudrez.
Le commandant Labordère monte
ensuite à la tribune, applaudi par la plus
grande partie de l'assemblée. Voici le ré-
sumé fidèle de sa déclaration :
Je n'aij jamais pris la parole dans une
réunion quelconque et je n'ai même as-
sisté à aucune. Mais j'ai tenu à me pré-
senter devant vous dès que j'ai eu l'auto-
risation du ministre de la guerre. J'ai
voulu que vous me connaissiez. J'estime
qu'il n'y a pas de dignité dans l'élection
s'il reste un sous-entendu entre le man-
dataire et les électeurs. - - - - "'-
J'ai reçu une lettre de M. de Bouteil-
lier m'offrant la candidature et me com-
muniquant en même temps un programme.
Vous connaissez tous ce programme
et vous avez entendu lecture de ma
lettre.
Je n'ai jamais été mêlé aux luttes poli-
tiques ; mais j'ai vu que les articles de ce
.$ ï
programme n'étaient autre chose que les
revendications constantes du parti répu-
blicain. J'ai accepté.
Mes amis vous ont présenté ma candl%-
ture comme la récompense du service que
j'ai, sinon rendu, du moins voulu ren-
dre à la République.
Quand j'ai agi comme je l'ai fait, je me
suis rappelé tout ce que des hommes que
j'honore avaient dit pendant vingt ans
d'empire ; de récompense, je n'en espé-
rais pas, je n'en ai jamais espéré. Mais
permettez-moi de considérer la marque
d'estime qui m'est donnée comme la
preuve que l'on juge venue l'heure de
résoudre la question de l'obéissance mili-
taire, question qui préoccupe les hommes
d'Etat depuis soixante ans. C'est, en effet,
en 1822 que pour la première fois cett3
question a été discutée à la Chambre des
députés ; elle a été reprise eu 1851 par
MM. Thiers et Charras, mais il était trop
tard. Une dernière revendication fut faite,
en 1867, par MM. Jules Favre et Pelletan.
Eh bien 1 tous ces hommes, dans des
conditions bien diverses, ont pensé que la
question n'était pas insoluble. Elle est
résolue depuis 1817 en Angleterre. Le rè-
glement du 24 mai i817 sur le service de
l'armée anglaise porte que « tout officier,
sous-officier, caporal ou soldat qui frap-
pera son chef, ou le menaceraou refusera
d'obéir à ses ordres légaux, sera puni de
mort ou de toute autre peine par une cour
martiale. » Et le règlement n'est pas resté
à l'état de lettre morte. En 1822, Benja-
min Constant racontait avoir vu à Cher-
bourg des soldats pendus pour avoir tiré
sur le peuple sur l'ordre de leurs chefs.
Il est immoral que le législateur se ren-
ferme dans la prétendue difficulté de la
question, alors qu'il a le temps et le calme
nécessaires pour la résouure, et qu'il laisse
les offic.ers et les soldats décider dans des
circonstances graves, au milieu du trou-
ble de leur conscience, quelle conduite il
y a lieu de tenir en présence d'un coup
d'Etat possible.
« Tant pis pour toi si tu te trompes »,
dit-on au soldat. Je trouve cela profondé-
ment regrettable, et une solution est au-
jourd'hui nécessaire.
Il est évident que la question restera
longtemps sans application ; aucune me-
nace de coup d'Etat n'est à l'horizon, si
bien que même les plus pessimistes ne
peuvent prévoir une occasion d'appliquer
l'article qu'il faudrait insérer dans le Code.
Mais c'est précisément pour cela qu'il faut
rechercher aujourd'hui la solution avec
calme et réflexion.
Je me rappelle la dure expérience d'il
y a douze ans; il f.iut faire des préparatifs
de guerre pendant la paix ; il faut profiter
du temps calme et de l'absence de nuages
à l'horizon pour étudier cette question de
l'obéissance légale et donner une solution
à l'armée qui l'attend depuis si longtemps.
Je ne veux citer aucun nom ; mais j'ai
les mains pleines de demandes en ce
sens.
Si la question était repoussée, il y au-
rait un immense découragement dans
l'armée.
L'armée demande où est son devoir. On
le lui a dit en 1851, sur Ja barricade de
Baudin et à la mairie du 10° arrondisse-
ment. M. Schœlcher, je crois, rappela à
l'officier qui commandait le détachement,
les termes de la Constitution. Le capitaine
répondit : « Moi aussi, je suis républicain,
mais le devoir militaire m'ordonne de
m'opposer par la force. »
Je ne peux pas m'empêcher de me sou-
venir que c'est Victor Hugo qui, dans
XHistoire d'un Crime, a fait cette synthèse
de la protestation de la conscience hu-
maine.
J'ai fini. En raison des conditions où
ma candidature s'est produite, j'aurais
peut-être dû garder le silence. Je n'ai pas
voulu, au risque de compromettre ma
candidature. J'ai voulu vous dire que j'ac-
ceptais votre programme. Si j'ai agi ainsi,
c'est que, si précieux que soient vos suf-
frages, j'attache un plus haut prix à votre
estime.
Ce discours, fréquemment interrompu
par les applaudissements de l'Assemblée,
en provoque de plus vifs et de plus nom-
breux encore à la tin.
M. Omer Despatys, membre monar-
chiste du conseil municipal de Paris,
vient ensuite combattre la candidature
Labordère, puisque aucun républicain ne
veut le faire. La signification de cette can-
didature, c'est que les considérations po-
litiques doivent primer tout devoir mili-
taire. Avec ce principe, il n'y a plus, suivant
M. Despatys, ni discipline, ni armée, ni
pays. Le rôle de l'armée doit se borner à
défendre l'ordre intérieur et à assurer la
sécurité extérieure du pays. Elle doit faire
abstraction de toute considération politi-
que pour obéir à ses chefs.
M. Despatys, ancien magistrat du
i6 Mai, se lance ensuite dans une tirade
contre la République et les républicains
et essaye de passionner le débat et de le
faire dégénérer. Mais, comme le président
d'ailleurs le constate, la réunion donne
l'exemple du respect le plus absolu de la
liberté et laisse M. Despatys achever son
discours, malgré les violences de l'ora-
teur.
M. Clemenceau, appelé par certaines
paroles de M. Despatys, vient rétablir le
véritable caractère de la candidature La-
bordère. Celle-ci a une double significa-
tion Ï une de principe et une de circons-
tance.
Au point de vue du principe, il s'agit ae
savoir si l'on instituera dans notre démo-
cratie représentative une Chambre de dé-
putés, si les hommes qui la composent
feront la loi, et s'il se trouvera dans ce pays
une autorité qui ordonnera au soldat de
marcher contre la loi: là où il y a une
armée permanente, il faut assurément la
discipline, l'obéissance aux chefs; mais il
faut aussi l'obéissance aux lois. Voilà la
question qui se pose. Nous ne wulom dé-
truire ni la discipline, ni l'armée ; mais
nous voulons que tout citoyen, qu'il porte
la culotte rouge ou grise, obéisse aux
lois.
En France la question n'est pas encore
résolue, le soldat est placé dans le doute.
Mais il y a l'exemple de l'Angleterre. Le
major Labordère vous l'a cité. Il vous a
dit également, avec raison, que le législa-
teur qui, en des temps calmes, n'avait pas
résolu la question, en imposait la solution
au soldat dans le trouble de sa cons-
cience, au milieu de circonstances cri-
tiques, entre la vie et la mort ; voulez-
vous continuer à laisser les officiers de
l'armée française dans cette situation ou
bien introduire dans nos codes une dispo-
sition précise, prescrivant l'obéissance
aux ordres légaux ?
Moi non plus, je ne crois pas aux tenta-
tives de coup d'Etat, actuellement; mais
c'est précisément parce qu'il n'y a pas de
crainte de ce côté, que le moment est ve-
nu de résoudre la question.
Labordère vous l'a écrit : « Il y a eu un
moment, une heure où la question s'est
posée à moi; on nous a ordonné de mar-
cher contre la République. » Les circons-
tances n'étaient pas claires; et c'est alors
qu'il a dit à ses chefs: «Je vous dois obéis-
sance, mais si c'est pour marcher contre
mes concitoyens, je brise mon épée et je
vous en jette les morceaux à la figure. »
Eh bien ! voilà ce qu'il faut empêcher à
l'avenir en insérant dans le code une
disposition précise.
La seconde signification de la candida-
ture Labordère est une signification de
circonstance. Nous avons vu des circons-
tances singulières, en effet. Pendant long-
temps la principale préoccupation des ré-
publicains a été de déloger de l'adminis-
tration les adversaires de la République,
les Miribel, les Weiss, etc.; quand on a
complété cette épuration, en délogeant le
maréchal, on a poussé de grands cris de
victoire et l'on a demandé qu'on consti-
tuât enfin une administration réellement
républicaine. La victoire des républicains
s'est affirmée d'une manière plus écla-
tante encore; on a vu M. Gambetta, le
leader des gauches, appelé à la présidence
du conseil. Et c'est alors qu'on voit re-
mettre aux affaires ceux-là mêmes dont
on réclamait le renvoi autrefois, ceux-là
mêmes que des ministères plus modérés,
comme ceux de MM. Dufaure et Le Royer,
n'avaient pu tolérer; c'est alors que nous
voyons reparaître ce Miribel contre le-
quel Labordère a protesté.
Assurément je ne crois pas à la prépa-
ration d'un coup d'Etat ; mais j'estime
qu'il y a là une aberration de nature à
jeter l'inquiétude dans le pays. Il y a lieu
dès lors de donner un avertissement à qui
do droit. Je crois que les délégués sénato-
riaux, représentants du deuxième degré,
plus calmes, plus réfléchis que le suffrage
universel, peuvent donner avec fruit cet
avertissement. Il faut qu'ils disent au gou-
vernement s'il s'engage dans une bonne
voie ou dans une voie fâcheuse à propos
de la question du personnel.
De vifs applaudissements accueillent
cette allocation chaleureuse et vibrante.
On aborde ensuite l'objet propre de la
réunion, les questions à adresser aux
candidats.
M. Manier demande qu'on qucstionne
tous les candidats sur le point de savoir
s'ils sont pour la convocation d'une As-
semblée constituante chargée d'opérer la
revision au lieu du Congrès.
M. Lefebvre, de Montreuil, demande
qu'on invite tous les candidats à s'expli-
quer sur la nomination de M. de Miribel
et les nominations analogues qui ont si
vivement ému l'opinion républicaine.
M. Thulié, interrogé le premier, ré-
pond que s'il en jugeait par les senti-
ments qu'on peut éprouver dans le public,
il regretterait cette nomination, mais que,
ne connaissant pas les motifs qui ont pu
décider le gouvernement, il ne saurait se
prononcer.
De nombreuses marques d'étonnement
et des murmures accueillent cette décla-
ration.
MM. Engelhard et Vauthier s expriment,
au fur et à mesure de leur tour de parole,
à peu près dans le même sens que M.
Thulié.
Au contraire, MM. Songeon et Péan,
critiquent énergiquement jeette nomina-
tion coupable.
Ces paroles de blâme sont accueillies
par les applaudissements de l'Assemblée.
On voit que, sur ce point, le sentiment
des électeurs sénatoriaux n'est pas dou-
teux. -1
Ajoutons que, sur l'invitation des délé-
gués de la banlieue, tous les candidats se
sont prononcés pour l'application du droit
commun au conseil général de la Seine.
Un incident très long et assez vif a été
provoqué par M. Lafont, qui a mis en
cause personnellement M. Engelhard.
M. Lafont demandait à M. Engelhard d'ex-
pliquer : 1° pourquoi il avait abandonné le
groupe de l'autonomie communale dont il
avait été le fondateur, pour se rallier au
groupe opportuniste et se faire élire par
ce dernier président du conseil munici-
pal ; 2° pourquoi il avait accepté, dans
son élection au conseil municipal, la sup-
pression du Sénat, contre laquelle il s'é-
tait prononcé comme candidat au Sénat ;
3° pourquoi, enfin, il avait déclaré qu'il
n'était pas intransigeant, alors que lui-
même, dans sa propre demeure, avait
fondé le groupe dont il se sépare aujour-
d'hui. en l'accusant de soutenir la poli-
- tique - du tout - ou rien. - - - --
M. Engelhard a présenté des explica-
tions assez peu satisfaisantes, qui n'ont
nullement édifié l'assemblée.
M. Benjamin Raspail a voulu critiquer la
conduite de M. Engelhard à Strasbourg,
pendant la guerre; mais, sur ce point,
M. Lafont a refusé de s'associer à ces at-
taques, qui ne lui semblaient pas fon-
dées.
Un incident s'est produit à propos de la
candidature Freycinet. M. Floquet adonné
lecture de la lettre suivante, par laquelle
l'ancien président du conseil des ministres
expliquait son absence :
Paris, le 31 décembre 1881.
Monsieur le président,
Je pars pour Tarn-et-Garonne où un intérêt
politique m'appelle.
J'ai promis depuis longtemps au parti répu-
blicain d'y conduire la campagne éiectorale, et
nous avons l'epoir d'enlever aux monarchis-
tes les deux sièves sénatoriaux qu'ils détien-
nent. Mon absence en ce moment, m'écrit-on,
de divers côtés, peut compromettre le succ's.
Je ne me crois pas le droit de sacrifier l'inté-
rêt du parti républicain à mes convenances
personnelles. Je m3 rends aux instances de
mes amis, plaçant ma candidature parisienne
sous i'égide des sentiments de justice et de
bienveillance de mes auditeurs de jeudi der-
nier.
Je n'ai rien à ajouter à mes déclarations
antérieures. Les idées générales que j'ai expo-
sées à la réunion injiquent assez dans quel
esprit j'accomplirais mon mandat. C'est les
yeux tournés vers la justice et le droit que je
marcherai d'un pas ferme à la solutio n des
diverses questions qui préoccupent la démo-
cratie républicaine.'
Le collège électoral de la Seine a devant
lui des éléments suffisants pour me juger. Il
a plus que des paroles, il a des actes. Il ap-
préciera dans sa sagesse les services rendus,
les garanties du caractère, la droiture des in-
tentions ; ce qu'il décidera sera accepté avec
soumission et respect.
Quoi qu'il arrive, que je continue à repré-
senter la première ville du monde ou que je
sois relégué à un rang plus modeste, mon
dévouement, mes efforts, ma vie sont acquis
à la France et à la République.
Agréez, monsieur le président, l'expression
de mes sentiments dévoués.
CH. DE FREYCINET.
Un électeur, M. Desprez, a regretté
l'absence de M. de Freycinet et, consta-
tant que ce dernier était candidat dans
plusieurs départements, a demandé si l'on
connaissait les intentions de M. de Freyci-
net au point de vue du siège qu'il choisirait
en cas d'élections multip!es.
M. Leven a cru pouvoir dire que M. de
Freycinet opterait sans aucun doute pour
le département de la Seine.
m. Clémeneeau, intervenant dans le
débat, a déclaré qu'il ne comprenait pas
la conduite de M. de Freycinet, qui es-
sayait de se soustraire, par son absence,
à l'obligation de répondre aux questions
qui lui seraient adressées. Il le regrette
d'autant plus qu'il aurait voulu obtenir
des explications sur certaines contradic-
tions que présente son langage et sur cer-
tains actes de son ministère. M. Clémen-
ceau a prié M. Tirard, ancien collègue de
M. de Freycinet au ministère, de répon-
dre, s'il le jugeait possible, sur ces divers
points, notamment sur la question des
congrégations religieuses.
M. Tirard a déclaré qu'il n'avait r eçu
aucun mandat pour parler au nom de M.
de Freycinet ; mais il affirme que celui-ci
s'est rendu dans le Tarn-et-Garonne, ap-
pelé par un impérieux devoir.
Quant à divulguer ce qui s'est passé
dans le conseil des ministres, autrefois,
M. Tirard déclare qu'il ne le fera pas; ces
délibérations du conseil sont secrètes et
il ne faillira jamais à l'engagement de
garder le secret. M. Tirard a expliqué en-
suite les contradictions du ministère
Freycinet sur l'amnistie par le désir qu'on
avait de distinguer entre les criminels de
droit commun et les condamnés politi-
ques, et par l'impossibilité ensuite recon-
nue d'établir juridiquement cette distinc-
tion.
Quant à la question de l'application des
décrets sur les congrégations, M. Tirard
s'en est tenu aux déclarations faites à la
précédente séance par M. de Freycinet
lui-même. Toutefois, ii a déclaré, en ré-
ponse à M. Clémenceau, que jamais il
n'avait eu connaissance de négociations
avec la cour de Rome ; que la note qu'on
avait représentée comme concertée entre
M. de Freycinet et la cour de Rome, et
publiée par les journaux cléricaux, n'ap-
partenait ni de près ni de loin a M. de
Freycinet.
A une question de M. Clemenceau, qui
demande si M. Tirard nie ces négocia-
tions, M. Tirard répond qu'il y a, à Paris,
un nonce, et qu'il ne peut savoir ce qui
s'est passé entre ce nonce et le ministre
des affaires étrangères.
A la fin de la séance, M. Labordère, ap-
pelé à s'expliquer sur la solution qu'il
comptait donner à la question de l'obéis-
sance militaire, a répondu qu'en collabo-
ration avec plusieurs jurisconsultes, il
avait préparé un projet qu'il sa proposait
de livrer à la publicité. Pour le moment,
il a seulement indiqué que ce proj et con-
sistait à établir dans le Code militaire un
cas d'excuse légale comme il en existe un
dans le Code pénal pour le meurtre. C'est-
à-dire que le soldat qui aurait refusé d'o-
béir à un ordre qu'il jugerait illégal, tout
en étant présumé coupable, pourrait ré-
clamer le bénéfice de l'excuse légale et
être dès lors admis à faire devant les ju-
ges la preuve de la légitimité de sa dés-
obéissance. Au cas où la preuve ne serait
pas faite, il supporterait les conséquences
de son erreur et pourrait être fusillé.
Enfin MM. Leven et Delabrousse ont
voulu questionner M. Labordère sur di-
vers autres points de son programme po-
litique, notamment la suppression du
Sénat et de la présidence de la Répu-
blique.
Mais l'assemblée, visiblement satisfaite
des explications de M. le major Labor-
dère, juge de nouvelles questions inu-
tiles. La clôture est de toutes parts récla-
mée.
îg M. Anatole de la Forge prononce quel-
ques mots pour affirmer une fois de plus,
dans des termes énergiquement patrioti-
ques, la candidature de l'honorable offi-
cier. Les paroles de M. de la Forge sont
couvertes d'applaudissements, et un vote,
rendu à la presque unanimité, consacre
le succès de la candidature Labordère en
prononçant la clôture de la discussion.
La séance est levée à six heures et
demie.
j Les Négociations avec l'Angleterre
Le ministère du 14 novembre n'esft'-
pas seulement assez mal inspiré, en 1
général; il faut reconnaître que, même;
lorsqu'il cherche à bien faire, il n'esfr
pas heureux dans ses efforts. On vient:
d'en avoir une preuve dans l'affaire dit"
traité de commerce avec l'Angleterre.;*
Si quelque chose semblait devoir réus-
sir au gouvernement, c'étaient assuré-
ment les négociations entamées avec
nos voisins, sous les auspices d'un mi-'
nistre à la fois très libéral et très com*t
pétent en ces matières. Or, il se trouve;
que ces négociations sont, sinon rom^
pues comme l'assurent plusieurs feuillee,
anglaises, au moins suspendues faute".
d'entente.
Nous constatons le fait sans vouloir,
en rien conclure contre M. le ministre di £
commerce. Nous dirons même, contrai-
rement à l'opinion exprimée par cer*
tains journaux d'outre-Manche , le
Standard, le Daily-News, le Manchester;,:
Guardian, qu'on ne croira pas facile-"
ment, en France, que M. Maurice
Rouvier, dont les principes libres
échangistes sont connus, n'ait pas été;;
dans la voie des concessions, aussi loiie"
que le lui permettaient les intérêts dont
il a la garde. En Angleterre mêmeJ
on réfléchira sans doute avant de rejeter
sur le négociateur français la respon-^
sabilité de difficultés regrettables et7
que nous espérons n'être que moment
tanées.
On sait que, sur ce terrain, comme
sur le terrain politique, nous sommes
pour la plus grande liberté possible:f
Nous avons toujours été et nous restons;
les adversaires résolus de la protec-^
tion. Nous ajouterons que nous consi-^
dérons comme de première impor-^
tance le développement de nos rei
tions commerciales avec l'Angleterre^:
ces relations devant forcément favori-^
ser les autres. Mais enfin, comme le
disait hier encore une feuille de Lon-i
dres, la St-James Gazette, « avec oa
sans le traité de commerce, nous res-
terons en bons termes avec l'Angle*
terre ». Il ne faut donc pas tout sacri-^
fier à la conclusion de ce traité. ,. ,>
Or, les commentaires dont la presse
anglaise accompagne la rupture des né-
gociations nous donneraient à penser
que certaines exigences inattendues se
sont produites du côté de nos voisins,
exigences qu'on avait peut-être espérG
faire accepter, en raison des embarras
incontestables que le cabinet Gambette
rencontre, ou plutôt sème sur sa router
Les négociateurs anglais ne se seraient-
ils pas dit que nos ministres seraient
trop heureux d'arriver devani les
Chambres avec un traité quelconque, et
que jamais ils ne s'exposeraient à ua.
échec ? t
Cette hypothèse a pour elle autanf
et peut-être plus de vraisemblance que,
l'hypothèse des feuilles anglaises qui/.
attribuant à M. Gambetta une terreur^
exagérée des sénateurs protectionnistes
dont le vote lui serait nécessaire pour,;
obtenir la revision, veut que le prési-
dent du conseil ait provoqué la rup-
ture ? Contre cette explication, noux
nous bornerons à rappeler que le
ministre du commerce n'aurait pu
se trouver d'accord avec M. Gam- J
betta si celui-ci avait abandonner
les idées libérales dans lesquelles la
négociation se poursuivait. Or, comme
on ne dit pas qu'aucun dissentiment
se soit produit à ce sujet au sein du
gouvernement, il faut admettre que lest
exigences intempestives ne sont pas
venues de notre côté. Le cabinet, eu
cette circonstance, porte la peine do,
sa faiblesse, qu'on a peut-être voulu un
peu exploiter, mais c'est probablement
tout ce qu'on peut reprocher, sur ce
point spécial, au ministre qui a défendit
les intérêts économiques de la France.;
A. GADLIER.
Nous étions habitués à voir l'Eglise tout
entière prendre le mot d'ordre de la
bouche du pape infaillible ; nous voyions'
toute l'armée catholique, depuis les moni,r
signores jusqu'aux bedeaux, marcher:
comme un seul homme, au doigt et à I'oeil -à.
et nous nous étions figuré qu'une seule
volonté animait cette masse et que la doc-
trine catholique était une et {ndiviszble '.:
encore plus que la République. ;
Or, voici que nos opinions sont entière-'
ment renversées, et nous ne savons plui
ce que nous devons croire.
Le Rappel a parlé de ces curés qui fonC,
de la chaire une tribune de réunion pu*
blique; il a cité les proclamations que lei
belliqueux prélats héritiers de la fougue
dupanloupesque adressent à leurs ouail-^
les, et on se souvient que l'évêque d
Grenoble, le doux évêque Fava, s'écriait.,
il y a peu de jours, qu'il fallait laver le$
péchés commis par la Républiqu3, et D<~
trouvait rien de mieux que de les laveg
dans le sang. O
Oui, le doux évêque voulait do- saag
1 pour laver le pavé de son <~tD~ * -
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