Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-05-23
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 mai 1879 23 mai 1879
Description : 1879/05/23 (N3360). 1879/05/23 (N3360).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75305769
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
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RÉDACTION
t fi adresser nu: ~Sere de là Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 18
r t.es manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et O
6, place de la Bourse, 6
18, ~, 18
ABONNEMENT
PARIS 1 ti), ITCPAR&MEXTS
Trois mois. 10 » ot^ihdig. i3 pa
Six moi s M H S~iS~. 27
Adresser lettres et mandats
A M. KUNES'j^ LGFÈVRE
Aiivii:i : s ; teu ri-< ■ suant
BONAPARTISME CLiEICAL
C'est toujours une chose divertis-
sante que- d'entendre un bonapartiste
prononcer le mot liberté, et personne
ne s'étonnera que le compte-rendu
'bfficiel de la dernière séance de la
Chambre, au moment où M. Cunéo
d'Ornano a parlé de la liberté, de la
presse, soit émaillé de parenthèses
comme celle-ci : (Rires bruyants au
tentre et à gauche). -
Le bonapartisme a fait ses preuves
en matière de liberté de la presse. Il
li'était pas encore maître et Napoléon-
Dernier n'était que président de la
République, que la presse apprenait à
le connaître et que, par exemple, un
journal de notre connaissance avait
tous ses rédacteurs sans exception à la
Conciergerie. Cette razzia ne suffisait
pas au libéralisme bonapartiste. Le
2 décembre 1851, un commissaire de
police venait avec une troupe et met-
tait les scellés sur les presses. Oh ! mais
le 2 décembre 1851 était un moment
txceptionnel; c'était pendant la bataille
qu'on supprimait-un journal ennemi;
mais ce journal a pu reparaître depuis.
Oui, en 1869. Il n'a été supprimé que
dix-huit ans.
Pendant ces dix-huit ans, la liberté
de la presse a consisté dans la néces-
sité d'une autorisation pour faire un
journal quelconque et dans l'aimable
système des avertissements. Après deux
avertissements. on était supprimé, mais
On pouvait l'être avant le premier. Le
gouvernement n'avait même pas de
procès à faire. La mort sans phrases.
Un muet vous apportait le cordon.
Mais, je le répète, cela n'a duré que
.dix-huit ans. Un matin, l'empire a
trouvé qu'il avait usé assez de cordons.
Il s'est eiiftuyé d'étrangler. Il a éprouvé
le besoin de se changer un peu, et de
devenir l'empire libéral. Les journaux
pouvant alors se passer d'autorisation
pour naître ou pour renaître, l'étranglé
Bu 2 décembre n'a pas tardé à ressus-
citer. Il avait à peine quelques heures
£ e nouvelle existence, que l'empire es-
sayait de le retuer. Trois saisies en trois
Jours. Pluie d'assignations. Eu une seule
'ois, pour avoir osé parler irrespectueu-
sement des blouses blanches, quatre
Condamnations ; ensemble : sept mois
de prison et sept mille cinq cents francs
a'amende. La police menaçait l'impri-
meur, qui, terrifié, nous refusait ses
En un an - de mai 1869 à
tnai 1870 — sans compter le double
îlécime et les frais de toute nature, de
procédure, d'appel, d'opposition, etc.,
trente-deux mille francs d'amende, soit
quatrevingt-sent francs soixante-sept.
centimes par jour, et soixante-cinq
mois de prison, soit cinq mois et demi
par mois, soit cinq jours neuf heures
et demie par jour. Empire libéral. Et le
libéralisme de l'empire ayant encore
faim, quelques mois après, un commis-
saire de police venait avec une troupe
et mettait les scellés sur les presses.
Tiens! comme le 2 décembre 1851.
C'est ainsi que l'empire libéral n'a pas
été la même chose que le coup d'Etat.
Voilà pourquoi le spectacle d'un bo-
napartiste plaidant la cause de la liberté
d'écrire vaut pour nous la meilleure
scène d'un excellent vaudeville. Mais
cette fois M. Cunéo d'Ornano avait une
raison. Le garde des sceaux venait de
demander l'autorisation de poursuivre
un journaliste-député bonapartiste.
Diable! s'est dit M. Cunéo, mais je suis
bonapartiste, je suis député et je suis
journaliste; Je ne pourrais donc plus,
sans m'exposer à la prison, imprimer
que « je ferai de la République et des
républicains une telle pâtée que les
chiens eux-mêmes n'en voudront pas » ?
Àh! fichtre! la liberté de la presse, tout
de suite! v
Quand le gouvernement de la Répu-
blique ne frappait que les journalistes
républicains, c'était parfait; mais si le
gouvernement de la République se met
à ne plus respecter les ennemis mortels
de la République, c'est abominable !
Et puis, ça n'a aucun inconvénient
pour les bonapartistes de proposer des
lois libérales sous la République. Si ja-
mais un miracle, qui dépasserait ceux
de Lourdes et même ceux de Marpin-
gen où l'on monte au ciel par une
échelle, galvanisait ce cadavre, l'em-
pire, c'est lui que gêneraient peu les
lois libérales de la République! Un
commissaire de police viendrait avec
une. troupe, etc. Et puis, un joli petit dé-
cret. Et si un imbécille s'avisait de rap-
peler à M. Cunéo d'Ornano qu'il a jadis
proposé l'abrogation immédiate de la
loi de 1875, les bonapartistes auraient
p_oiu: eux l'autorité de l'ex-Louis Veuil-
lot : « Nous appliquons votre principe
en vous demandant la liberté, nous ap-
pliquons le nôtre en vous la refusant. »
Les bonapartistes, qui, la semaine
dernière encore, réclamaient dos pour-
suites contre un journal, prennent la
défense de la presse quand c'est un de
leurs journaux qui est poursuivi. Nous
comprenons l'effet qu'a produit sur la
Chambre cette espèce de libéralisme.
Mais parce que les bonapartistes qui se
font les avocats de la liberté de la presse
obtiennent un fort succès d'hilarité,
cela n'empêche pas que la liberté de la
presse soit une chose bonne et néces-
saire. Parce que les bonapartistes n'ont
pas le droit de la demander, cela n'em-
pêche pas que les républicains aient
le devoir de la donner.
AUGUSTE VACQUERIE.
PROCÈS DE PRESSE
Quinze jours après que VOfficiel a publié
iun très remarquable et très éloquent tra-
vail de M. le directeur de la presse, tra-
vail qui conclut à la liberté absolue de la
presse,-M. le ministre de la justice de-
mande à la Chambre la permission de
poursuivre un député pour délit dë pressé !
Après que la Chambre a voté l'abrogation
des décrets de 52, pendant que la com-
mission de la presse prépare une loi sur
la liberté de la presse, on poursuit encore
pour délit de presse! Hier, on poursuivait
la Révolution française, aujourd'hui, on
poursuit le Pays. Vraiment, c'est trop.
Si encore ces poursuites servaient à
quelque chose ! si le gouvernement en ti-
rait un bénéfice quelconque! Mais quoi?
est-ce que la condamnation d'un journal
républicain socialiste supprime le socia-
lisme ? est-ce que la condamnation d'un
journal bonapartiste supprime le bonapar-
tisme? C'est pour n'arriver à rien qu'on se
met en contradiction avec soi-même,
qu'on froisse le sentiment d'une Cham-
bre et qu'on se donne des airs de persécu-
teur !
C'est ainsi qu'on fait des « questions» à
plaisir, et cependant nous ne jouons pas au
jeu des devinettes. Nous n'avions nul
besoin de cette affaire-là. On croirait, par
moments que le gouvernement s'applique
à se créer des difficultés pour se donner
ensuite le plaisir de ne pas pouvoir les
résoudre. Il a commencé par la crise de
Bordeaux. Le voilà maintenant qui nous
impose un procès de presse. La chose
n'est pas bien grave, je le sais. Mais
combien elle est inutile. Si le ministère a
la majorité, il ne sera pas plus fort. Il est
compromis s'il ne l'a pas.
Comment C83 ministres qui ont vu les
fautes de l'empire, et qui savent que l'em-
pire s'est fait un tort immense avec ses
procès de presse, intentent-ils des procès
de presse? Ont-ils changé au point d'ou-
blier leur expérience d'autrefois? Com-
ment en sont-ils venus à penser. et à agir
comme ont agi et pensé tous leurs prédé-
cesseurs? Le pouvoir est-il une sorte de
moule à gauffres où, quelle que soit la
pâte qu'on verse, le gâteau prend toujours
la même forme?
EDOUARD LOCKROY.
- 1^1—^
COULISSES DE VERSAILLES,
Hier on aurait pu croire la rentrée des
Chambres à Paris complètement effectuée,
à en juger par l'animation qui régnait au
Palais-Bourbon. Il n'y avait pas moins, en
effet, de 26 commissions convoquées pour
délibérer, à raison de l'absence de séance
publique à la Chambre. Deux cents députés
environ composent ces commissions et
s'étaient rendus pour la plupart à la
convocation. Aj outons que plusieurs mi-
nisties, notamment ceux des finanees, de
l'instruction publique efcdela justice, étaient
venus pour conférer avec quelques-unes de
ces commissions.
Nous allons donner quelques détails sur
les délibérations des plus importantes de
ces commissions.
-0-
: Les ministres de là justice et de l'instruc-
tion publique se sont rendus'à la commis-
sion du budget pour discuter certains dé-
tails de leurs budgets respectifs.
M. Jules Ferry était venu pour donner
son avis sur un amendement de MM. Paul
Bert, Duvaux et Chalamet, relatif à la sup-
pression du concours général des lycées
de Paris c.t des concours généraux acadé-
miques et sur un amendement de M. Paul
Bert tendant à la suppression des facultés
de théologie. Après que MM. Paul Bert et
Duvaux ont eu défendu ces amendements,,
le ministre de l'instruction publique "à pris
la parole. Il a demandé qu'on le laissât
poursuivre l'enquête qu'il a ouverte sur le
maintien ou la suppression des concours
généraux, et qui n'est pas encore termi-
née ; il a ajouté qu'au reste la question
n'était pas du ressort du Parlement, mais
du domaine du gouvernement. Il a rap-
pelé d'ailleurs qu'il avait, par une circu-
laire récente, déjà restreint les concours
académiques, autres que le concours gé-
néral des lycées de Paris.
En ce qui concerne les Facultés de
théologie, le ministre a demandé qu'elles
fussent maintenues, afin de laisser sub-
sister des centres d'enseignement où se-
raient professées des doctrines conformes
à la tradition de l'ancienne Eglise de
France et dégagées le plus possible de
l'influence ultramontaine, aujourd'hui
dominante dans le clergé. En outre, ces
Facultés permettront de former des prê-
tres qu'il sera possible, pour le gouverne-
ment, de présenter ultérieurement pour
l'épiscopat.
Le ministre de la justice s'est expliqué
sur divers points du budget de la Légion
d'honneur, qui ont été soulevés par Id
commission et que nous avons précédem-
ment exposés. En particulier, en ce qui
concerne le renouvellement partiel du
conseil supérieur de la Légion d'honneur,
qui doit avoir lieu le 29 mai prochain,
M. Le Royer a donné l'assurance que ce
renouvellement serait fait de manière à
introduire dans le conseil des membres
qui ne soient pas, comme précédemment,
des adversaires des institutions exis-
tantes.
On sait, en effet, que le conseil doit
être renouvelé par moitié tous les deux
ans. C'est le 29 mai prochain qu'expirent
les pouvoirs de six des membres actuels.
Parmi les membres nouveaux qui vont
être nommés, nous croyons savoir qu'il y
aura M. Valentin, ancien préfet et séna-
teur du Rhône, et M. Wurtz, membre de
l'Institut et doyen de la Faculté de mé-
decine.
M. Le Royer a ensuite demandé à la
commission de ne pas maintenir les ré-
ductions qu'elle avait votées sur le traite-
ment des cours d'appel et des tribunaux,
parce ..qu'il va proch lÎnement saisir la
Chambre d'un projet de réforme complète
de notre organisation judiciaire. Le minis-
tre a donné à cette occasion quelques dé-
tails sur ce projet, qui sont conformes à
ceux que nous avons publiés depuis plu-
sieurs jours déjà, et que, pour cette rai-
son, nous nous dispenserons de repro-
duire.
M. Spuller devait lire hier à la commis- :
sion de l'enseignement supérieur son rap-i
port sur le projet Ferry relatif à la colla-
tion des grades et aux congrégations reli- :
gieuses non autorisées. Mais le président
de la commission, M. Paul.Bert, ayant été,
comme on l'a vu plus haut, retenu à la
commission du budget, la commission du
projet Ferry n'a pu siéger, et la séance a
été renvovée à demain vendredi, à une
heure, au Palais-Bourbon.
Enatlendant cettenouvelleréunion, nous
pouvons donner quelques détails anticipés
sur le rapport de M. Spuller.
Ce document est très volumineux et ne
compte pas moins de 83 feuillets manus-
crits. Il est divisé en trois parties :
1° Du pouvoir de l'Etat sur l'enseigne-
ment;
2° Examen des pétitions adressées à la
Chambre ;
3° Discussion des articles du projet de
loi.
Le rapport tout entier repose sur le pro-
jet annoncé par le gouvernement de re-
constituer le pouvoir de l'Etat' et de lui
restituer les droits qui lui ont été enle-
vés.
Dans la première partie, le rapporteur
expose la thèse du pouvoir d'éducation de
l'Etat. La réfutation des objections diri-
gées contre le projet de loi se trouve dans
la seconde partie; en réponse aux péti-
tionnaires et particulièrement aux évê-
ques. La troisième partie contient l'exposé
des travaux de la commission, -
Le rapport de M. Spuller est accompa-
gné de quelques annexes dont l'une pré-
sente dans un tableau le mouvement des
maisons et du personnel des principales
congrégations. Il en résulte que l'ordre
des jésuites compte en France 59 maisons
et 1,502 membres.
Ce rapport, si, comme on le prévoit, la
commission peut en entendre la lecture
totale demain, sera déposé samedi en
séance publique. On pense quel'impression
demandera un certain temps. La discussion
de la loi, en ce cas, ne viendra guère
qu'après les fêtes de la Pentecôte.
La sous-commission du 6e bureau chargée
d'examiner le dossier del'élection Blanqui,
s'est réunie hier au Palais-Bourbon. Quatre
membres sur cinq étaient présents. MM.
Joigneaux, Lacaze, Jenty et le général de
Vendeuvre. Après un échange d'observations
la sous-commission s'est séparée sans
prendre de résolution. Elle s'est ajournée
à demain vendredi à 3 heures.
-0-
On sait qu'âne grande commission com-
posée de 22 membres et présidée par M.
Paul Bert a été chargée depuis un an en-
viron de proposer un projet de réorganisa-
tion complète de l'enseignement primaire
au triple point de vue pédagogique, admi-
nistratif et financier.
Cette commission a terminé son œuvre,
et, pendant les vacances, M. Paul Bert a
rédigé, en les codifiant, les dispositions
qu'elle avait votées.
Ce travail a été imprimé et distribué en
épreuves à tous les membres de la com-
mission. Ceux-ci vont se réunir pour révi-
ser la rédaction de M. Bert et donner son
assentiment définitif.
Dès que ce travail de révision sera ter-
miné, — c'est-à-dire très prochainement,
-le rapport pourra être déposé sur le
bureau de la Chambre. Hier, la commission
s'est réunie au Palais-Bourbon pour exami-
ner quelques dispositions transitoires des-
tinées à compléter ce projet de loi d'en
semble.
Il s'agit de régler le passage de l'état
actuel à l'état nouveau que veut créer le
projet et dans lequel l'enseignement sera
complètement laïque. Aucune décision n'a
encore été prise ; la commission conti-
nuera demain vendredi l'examen de cette
question.
-0-
La gauche de la Chambre des députés
s'est réunie hier pour procéder au rempla-
cement de divers membres de son bu-
reau.
Il y avait lieu de nommer le président
du groupe en remplacement de M. Albert
Grévy, nommé gouverneur général de l'Al-
gérie, un vice-président et cinq membres
du comité directeur.
La réunion a choisi pour président
M. Bernard Lavergne, actuellement vice-
président du groupe.
MM. Langlois et Jozon ont été nommés
vice-présidents.
MM. Devès, Senard, Trarieux, Wilson et
Louis Legrand o&t été nommés membres
du comité directeur.
Nous rappelons que les trois autres
membres du comité directeur qui restent
en fonctions, et auxquels viennent s'ajou-
ter les cinq nouveaux, sont MM. Ninard,
Noël Parfait et Pascal Duprat.
Pour compléter la composition du bu-
reau, nous rappelons que les secrétaires
sont MM. Camille Sée, Fallières, Hemon et
Fremynet, et les questeurs MM. Margaine
etLevéque.
j Les préfets et les congréganistes
Les pourvois des congréganistes congés
diés par les préfets, qui sont pendants de* -,
vant le conseil d'Etat, reposent tout entiert
sur cet argument :
— Aux termes de l'article 33 de la loi
du 15 mars 1850, le recteur peut, suivant
les cas, réprimander, suspendre, avec ou
sans privation totale ou partielle de trai-
tement, pour un temps qui n'excédera pat'
six mois, ou révoquer l'instituteur comJ
munal. — Ce droit est aujourd'hui exercé
par les préfets, mais il ne s'est pas étendu
en leurs mains. — Le pouvoir que l'ar<
ticle 33 donnait aux recteurs et que lei
préfets ont maintenant n'est qu'un pou-
voir disciplinaire. Démontrez qu'un insti-
tuteur, congréganiste ou laïque, a commis
une faute: le préfet pourra, comme juge,
et selon la gravité de la faute, le répri-
mander, le suspendre ou le révoquer. -
En dehors de ce droit, il n'en a aucun. —
Il n'a pas le droit de lui dire que, l'ayant
pris comme congréganiste, il en est arrivé
à préférer un laïque, et que le change-
ment de système implique l'expulsion des
personnes. —Il n'y a qu'un cas où ce
changement de système soit possible, c'est
- une circulaire de' i862 le constate -
quand l'emploi devient vacant par suite ,
du décès, de la démission ou de la révoca-
tion de l'instituteur. — Alors, la place
étant libre, il y a lieu à nomination nou-
velle. Le préfet, alors, peut, après avoir
consulté le conseil municipal, nommer
qui il veut. — Mais l'instituteur, une fois
nommé, qu'il soit congréganiste ou laï-
que, — à la condition de se bien con-
duire, — est nommé pour toute sa vie.
Voilà, croyons-nous, tout le système.
Nous ne pensons pas l'avoir affaibli. C'est,
comme on le voit, la théorie de l'inamovi-
bilité des instituteurs.
On remarquera d'abord que, si cette
théorie était exacte, elle serait contredite
par une pratique de plus de vingt-cinq
ans. —Si cette théorie était exacte, non-
seulement le préfet n'aurait pas le droit,
en dehors des cas disciplinaires, de ren-
voyer l'instituteur, mais il n'aurait pas
même le droit de le déplacer sans son
consentement. On sait cependant si les dé- -
placements sont fréquents. — Ajoutons
que, si la théorie était exacte, comme tout i
déplacement suppose une double vacance
— la vacance de l'école que quitte l'insti-
tuteur qu'on déplace, et la vacance de
celle où on l'envoie, vu que, pour qu'on
l'y envoie, il faut que la place soit libre-
il s'ensuivrait qu'il n'y aurait peut-être
pas en France une seule nomination d'ins-
tituteur actuellement en exercice qui fût
régulière, car il aurait fallu, avant la no-
mination, prendre l'avis des conseils mu-
nicipaux des deux communes dans les-
quelles le déplacement fait arriver une
personne nouvelle, et jamais, en fait, cette
demande d'avis n'a lieu en cas de déplace-
ment. On ne consulte les conseils, comme
le disait l'argumentation que nous avons ■.
commencé par rapporter, que quand !a
vacance a lieu par révocation, démission ,
ou décès.
— Mais, disent les amis des congréga-
nistes, si on. ne les consulte que dans ces
cas-là; c'est parce que la circulaire^ de
1862, déjà citée, le dit.
L'argument ne vaut rien. Une circulaire
ne saurait prévaloir contre- la loi. Si le
système de la loi de 1850existait encore, la
circulaire serait illégale.—Si cette circulaire
a été faite, - d'abord elle n'a été faite que
pour régler la situation des préfets vis-à-
vis des conseils municipaux, et rien ne
Feuilleton du RAPPEL
, DU 23 MAI
t 53
L'ÉVADÉ
ROMAn CANAO
CHAPITRE XVI
Explosion. - (Suite)
; L'accènt de Florissant demandant la pa-
role fut si vibrant, que le commandant
l'artillerie lui-même entendit.
; - Votre défenseur pourra présenter vos
tbservations en votre nom, dit-il.
— Il ne s'agit pas de ma défense, ri-
èûsta, en se drapant dans les plis d'un
> jnanteau absent, l'ancien comédien, que la
y : :
t VnÎl' le Rappel du 31 mars au 22 mai.
vue de la foule grisait quelque peu. Il ne
s'agit pas de ma défense, il s'agit de la
sienne.
Et il désigna du doigt son compagnon
de captivité, Danclade qui, hanté de nou-
veau par le spectre d'Armande, s'était xe-
plongé dans sa rêverie douloureuse.
Florissant appuya :
— Oui, de lui, qui s'accuse seul pour
nous sauver tous. Mais je me .regarderais
comme un lâche et comme un misérrrable
si je laissais commettre sous mes yeux
cette erreur judiciaire. J'ai travaillé au-
tant, plus que lui peut-être, à notre fuite,
malheureusement avorrrtée. Le condam-
ner et m'absoudre, ce serait rendre toute
son actualité au Courrier de Lyon, ce dra-
me-qui est dans toutes les mémoires. Qu'il
se distribue le rôle de Lesurques, soit!
Quant à moi, je me reprocherai ; tou.te ma
vie d'avoir accepté, fût-ce une heure, celui
de Dubosc.
Il secoua sa tôle, comme pour l'offrir au
bourreau, et se rassit, beau d'émotion g é-
néreuse. La petite dame de gauche se prit
à tamponner sa bouche avec son mou-
choir, en proie à un tremblement des
doigts qui en disait long.
Le défenseur d'office n'y alla pas de
main morte." Il conclut à l'acquittement
de tous les accusés, victimes, démontra-
t-il, du vieil agent provocateur, dont les
aveux cyniques avaient indigné le c onseil.
Tout rejeter ainsi sur Rouvion n'était pas
malhahiie. Cette tactique réussit' à moitié.
Danclade fut condamné à deux ans, et Flo-
II rissant à treize mois de prison. En revan-
I 1 che, Chauffat et Kervalec furent acquittés.
Armande, pendant les deux tiers de
cette journée, avait arpenté, dans une agi-
tation grandissante, les rives de la pres-
qu'île Ducos, comme si elle eût pu enten-
dre du bord ce qui se passait au conseil de
guerre de Nouméa. Elle aperçut, vers les
quatre heures du soir, un flot de déportés
se précipiter vers la limite établie entre
eux et la terre libre. Ils couraient au de-
vant des deux absous qui, sortis de leurs
cellules, rentraient dans leur enceinte.
Elle saisit au passage ces mots qui cir-
culaient déjà : Danclade, deux ans; Flo-
rissant, treize mois. Elle était préparée à
ce résultat, qui cependant lui arracha
l'âme. Denx ans! elle n'en voyait pas la
fin. Deux ans, pour qui n'en a que dix-huit,
c'est toujours.
Elle suffoquait du besoin de demander
à Chauffat et à Kervalec des nouvelles de
son ami et des détails sur la marche du
procès; mais il s'était formulé, avant les
siennes, tant de questions qui sollicitaient
tant de réponses,. qu'elle dut se contenter
de saisir une éclaircie dans la foule pour
glisser dans l'oreille de Kervalec cette in-
vitation brève :
-' A tout à l'heure, chez Louise Bertaut,
n'est-ce pas? Nous causerons.
On se rendit bientôt après, en effet, chez
la grande citoyenne. On y ca ssa, et ce qui
découla de la conversation remplit Ar-
mande de la plus sombre épouvante. Au
milieu des éloges retentissants accordés à
la conduite du citoyen Danclade, qui s'était
magnanimement tout mis sur le dos, le
carrossier Chauffat plaça cette réflexion :
— Il paraît que, depuis le commcnce-
ment, nous étions filés par un « vilain
roussin » qui se faisait renseigner heure
par heure sur nos travaux.
— Et comment se nommait-il? inter-
rogea Armande qui frissonnait.
— Je ne sais plus, dit Chauffat. Te rap-
pelles-tu Kervalec?
— Non, mais je le reconnaîtrais partout,
le gredin, il est venu déposer Idi-même;
c'est un grand avec une belle barbe et des
espèces d'air d'homme comme il faut. Si :
ça ne fait pas suer!
C'était Rouvion, il était difficile d'en
douter, Rouvion qui avait alors autant
d'intérêt à se démasquer qu'il en avait eu
naguère à garder son masque. Heureuse-
ment il n'avait rien pu révéler de sérieux,
puisqu'elle avait si bien réussi à lui cacher
l'entreDrise.
— Et par qui donc était-il ainsi tenu au
courant? fit-elle avec le calme d'un lec-
teur de la Gazette des tribunaux qui se fait
raconter un procès célèbre.
- Pâr une Louis XV, 'répondit Ker-
valec.
- Une femme, rectifia Chauffat, voyant
que la jeune fille ne comprenait pas.
— Une Louis XV, reprit le Breton. Il a
raconté au tribunal qu'elle allait toules
les semaines lui faire son rapport..
Louise Bertaut avait encore trois ma-
lades dans sa case privée de fenêtres et
constamment plongée dans une demi-
obscurité, malgré l'éclatante lumière du
dehors. An grand jour, Armande n'eût
pas osé tenter de dévorer l'émotion poi-
gnante qui l'étranglait. Quoique les deux
narrateurs fussent à plusieurs mille lieues
de se l'imaginer, elle se leva et alla, en
tournant le dos, au lit d'une des pension-
naires de la grande citoyenne.
Un peu rassurée par la distance, elle
risqua de loin cette question terrible :
— Et cette femme, cette horrible fem-
me, l'a-t-il nommée au moins?
— Il n'a pas voulu, répliqua Chauffat.
Le président a bien essayé de le faire ja-
ser, mais il a tenu bon.
Les deux amis lui racontèrent alors en
se relayant qu'une vieille toquée était ve-
nue déposer aussi, mais qu'au moment où
elle allait donner le nom de la Louis XV,
le défenseur lui avait jeté au nez qu'elle
était une ancienne voleuse, et qu'elle s'é-
tait mise à traiter les juges comme les
derniers des derniers. Il y avait de quoi se
tordre.
Puis Kervalec aj outa :
— Mais je la connais, moi, celle qui
nous a vendus. Je la connais. C'est la
femme d'un surveillant. Elle était toujours
avec son mari sur la montagne à nous
lorgner avec une longue-vue. Et moi qui
m'imaginais que c'était pour ma beauté.
Faut-il que je sois bête au moins !
Les deux acquittés n'avaient pas su per-
cer à jour les réticences perfides de l'a-
gent de culture, dans leur ignorance des
relations d'Armande avec lui ; mais il
était clair pour elle que l'infâme Rouvion,
afin de donner plus de poids à ses décla-
rations, tendait à l'associer à ses ignomi-
nies. C'était à ce point épouvantable,
qu'elle n'avait plus d'autre refuge que
dans la complicité du négrier dont les
aveux concernant la convention passée
entre eux lui sauveraient au moins l'hon.
neur.
— Et le capitaine Hubert? dit-elle dès
qu'elle eut recouvré la faculté d'articuler
une phrase, pourquoi n'a-t-il pas paru dans
1-1
le procès ? dt>.:
— Hubert? inconnu au bataillon, fit
Kervalec, il n'a même pas été question dèç
lui. ;;
Toute la pensée d'Armande, se concen-
tra sur ce problème.
« Que va se figurer Justin? Je lui prè-*
sente ce Rouvion comme un homme afii'^j
tique, et il se trouve que c'est le plus viii
des coquins. Je lui expose, dans les plus
grands itétails, les engagements pris e
son nom envers un certain capitaine Hu4
bert, et, quand j'ai besoin de le reproduire
pour établir ma bonne foi, il se dérobe si].
complètement que personne ne sait où lë¡ ,
prendre. Heureusement, Justin me conï
naît; mais quelle opinion aura-t-il eù d'e;
mon intelligence en constatant que je :
m'étais laissé enjôler par un Rouvion. jà
ne puis pourtant pas lui avouer que je
connaissais le métier de ce misérable et ,
que je me suis tue parce qu'il y allait de 1%|
mort de mon père. » h
Quoique tout son sang se glaçât à lit
supposition que son Justin pût la croirôj
capable d'une trahison, elle se répétait!
dans la quiétude de sa conscience : X
« Heureusement il me connaît; îl SI"
bien que je donnerais avec joie ma
pour lui. »
UN E V A D ?
UN E V A j ';
(A :;U¡VNÙ
!t;' ~~-~~ - ^r'-V^cTï *2 Rc.fiinii^ro t. J.O > — J&6&iiri*men?* : S S c. - 4 Prairial an 3 ? — --. l j-, 03 C
L. -----
RÉDACTION
t fi adresser nu: ~Sere de là Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, RUE DE VALOIS, 18
r t.es manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et O
6, place de la Bourse, 6
18, ~, 18
ABONNEMENT
PARIS 1 ti), ITCPAR&MEXTS
Trois mois. 10 » ot^ihdig. i3 pa
Six moi s M H S~iS~. 27
Adresser lettres et mandats
A M. KUNES'j^ LGFÈVRE
Aiivii:i : s ; teu ri-< ■ suant
BONAPARTISME CLiEICAL
C'est toujours une chose divertis-
sante que- d'entendre un bonapartiste
prononcer le mot liberté, et personne
ne s'étonnera que le compte-rendu
'bfficiel de la dernière séance de la
Chambre, au moment où M. Cunéo
d'Ornano a parlé de la liberté, de la
presse, soit émaillé de parenthèses
comme celle-ci : (Rires bruyants au
tentre et à gauche). -
Le bonapartisme a fait ses preuves
en matière de liberté de la presse. Il
li'était pas encore maître et Napoléon-
Dernier n'était que président de la
République, que la presse apprenait à
le connaître et que, par exemple, un
journal de notre connaissance avait
tous ses rédacteurs sans exception à la
Conciergerie. Cette razzia ne suffisait
pas au libéralisme bonapartiste. Le
2 décembre 1851, un commissaire de
police venait avec une troupe et met-
tait les scellés sur les presses. Oh ! mais
le 2 décembre 1851 était un moment
txceptionnel; c'était pendant la bataille
qu'on supprimait-un journal ennemi;
mais ce journal a pu reparaître depuis.
Oui, en 1869. Il n'a été supprimé que
dix-huit ans.
Pendant ces dix-huit ans, la liberté
de la presse a consisté dans la néces-
sité d'une autorisation pour faire un
journal quelconque et dans l'aimable
système des avertissements. Après deux
avertissements. on était supprimé, mais
On pouvait l'être avant le premier. Le
gouvernement n'avait même pas de
procès à faire. La mort sans phrases.
Un muet vous apportait le cordon.
Mais, je le répète, cela n'a duré que
.dix-huit ans. Un matin, l'empire a
trouvé qu'il avait usé assez de cordons.
Il s'est eiiftuyé d'étrangler. Il a éprouvé
le besoin de se changer un peu, et de
devenir l'empire libéral. Les journaux
pouvant alors se passer d'autorisation
pour naître ou pour renaître, l'étranglé
Bu 2 décembre n'a pas tardé à ressus-
citer. Il avait à peine quelques heures
£ e nouvelle existence, que l'empire es-
sayait de le retuer. Trois saisies en trois
Jours. Pluie d'assignations. Eu une seule
'ois, pour avoir osé parler irrespectueu-
sement des blouses blanches, quatre
Condamnations ; ensemble : sept mois
de prison et sept mille cinq cents francs
a'amende. La police menaçait l'impri-
meur, qui, terrifié, nous refusait ses
En un an - de mai 1869 à
tnai 1870 — sans compter le double
îlécime et les frais de toute nature, de
procédure, d'appel, d'opposition, etc.,
trente-deux mille francs d'amende, soit
quatrevingt-sent francs soixante-sept.
centimes par jour, et soixante-cinq
mois de prison, soit cinq mois et demi
par mois, soit cinq jours neuf heures
et demie par jour. Empire libéral. Et le
libéralisme de l'empire ayant encore
faim, quelques mois après, un commis-
saire de police venait avec une troupe
et mettait les scellés sur les presses.
Tiens! comme le 2 décembre 1851.
C'est ainsi que l'empire libéral n'a pas
été la même chose que le coup d'Etat.
Voilà pourquoi le spectacle d'un bo-
napartiste plaidant la cause de la liberté
d'écrire vaut pour nous la meilleure
scène d'un excellent vaudeville. Mais
cette fois M. Cunéo d'Ornano avait une
raison. Le garde des sceaux venait de
demander l'autorisation de poursuivre
un journaliste-député bonapartiste.
Diable! s'est dit M. Cunéo, mais je suis
bonapartiste, je suis député et je suis
journaliste; Je ne pourrais donc plus,
sans m'exposer à la prison, imprimer
que « je ferai de la République et des
républicains une telle pâtée que les
chiens eux-mêmes n'en voudront pas » ?
Àh! fichtre! la liberté de la presse, tout
de suite! v
Quand le gouvernement de la Répu-
blique ne frappait que les journalistes
républicains, c'était parfait; mais si le
gouvernement de la République se met
à ne plus respecter les ennemis mortels
de la République, c'est abominable !
Et puis, ça n'a aucun inconvénient
pour les bonapartistes de proposer des
lois libérales sous la République. Si ja-
mais un miracle, qui dépasserait ceux
de Lourdes et même ceux de Marpin-
gen où l'on monte au ciel par une
échelle, galvanisait ce cadavre, l'em-
pire, c'est lui que gêneraient peu les
lois libérales de la République! Un
commissaire de police viendrait avec
une. troupe, etc. Et puis, un joli petit dé-
cret. Et si un imbécille s'avisait de rap-
peler à M. Cunéo d'Ornano qu'il a jadis
proposé l'abrogation immédiate de la
loi de 1875, les bonapartistes auraient
p_oiu: eux l'autorité de l'ex-Louis Veuil-
lot : « Nous appliquons votre principe
en vous demandant la liberté, nous ap-
pliquons le nôtre en vous la refusant. »
Les bonapartistes, qui, la semaine
dernière encore, réclamaient dos pour-
suites contre un journal, prennent la
défense de la presse quand c'est un de
leurs journaux qui est poursuivi. Nous
comprenons l'effet qu'a produit sur la
Chambre cette espèce de libéralisme.
Mais parce que les bonapartistes qui se
font les avocats de la liberté de la presse
obtiennent un fort succès d'hilarité,
cela n'empêche pas que la liberté de la
presse soit une chose bonne et néces-
saire. Parce que les bonapartistes n'ont
pas le droit de la demander, cela n'em-
pêche pas que les républicains aient
le devoir de la donner.
AUGUSTE VACQUERIE.
PROCÈS DE PRESSE
Quinze jours après que VOfficiel a publié
iun très remarquable et très éloquent tra-
vail de M. le directeur de la presse, tra-
vail qui conclut à la liberté absolue de la
presse,-M. le ministre de la justice de-
mande à la Chambre la permission de
poursuivre un député pour délit dë pressé !
Après que la Chambre a voté l'abrogation
des décrets de 52, pendant que la com-
mission de la presse prépare une loi sur
la liberté de la presse, on poursuit encore
pour délit de presse! Hier, on poursuivait
la Révolution française, aujourd'hui, on
poursuit le Pays. Vraiment, c'est trop.
Si encore ces poursuites servaient à
quelque chose ! si le gouvernement en ti-
rait un bénéfice quelconque! Mais quoi?
est-ce que la condamnation d'un journal
républicain socialiste supprime le socia-
lisme ? est-ce que la condamnation d'un
journal bonapartiste supprime le bonapar-
tisme? C'est pour n'arriver à rien qu'on se
met en contradiction avec soi-même,
qu'on froisse le sentiment d'une Cham-
bre et qu'on se donne des airs de persécu-
teur !
C'est ainsi qu'on fait des « questions» à
plaisir, et cependant nous ne jouons pas au
jeu des devinettes. Nous n'avions nul
besoin de cette affaire-là. On croirait, par
moments que le gouvernement s'applique
à se créer des difficultés pour se donner
ensuite le plaisir de ne pas pouvoir les
résoudre. Il a commencé par la crise de
Bordeaux. Le voilà maintenant qui nous
impose un procès de presse. La chose
n'est pas bien grave, je le sais. Mais
combien elle est inutile. Si le ministère a
la majorité, il ne sera pas plus fort. Il est
compromis s'il ne l'a pas.
Comment C83 ministres qui ont vu les
fautes de l'empire, et qui savent que l'em-
pire s'est fait un tort immense avec ses
procès de presse, intentent-ils des procès
de presse? Ont-ils changé au point d'ou-
blier leur expérience d'autrefois? Com-
ment en sont-ils venus à penser. et à agir
comme ont agi et pensé tous leurs prédé-
cesseurs? Le pouvoir est-il une sorte de
moule à gauffres où, quelle que soit la
pâte qu'on verse, le gâteau prend toujours
la même forme?
EDOUARD LOCKROY.
- 1^1—^
COULISSES DE VERSAILLES,
Hier on aurait pu croire la rentrée des
Chambres à Paris complètement effectuée,
à en juger par l'animation qui régnait au
Palais-Bourbon. Il n'y avait pas moins, en
effet, de 26 commissions convoquées pour
délibérer, à raison de l'absence de séance
publique à la Chambre. Deux cents députés
environ composent ces commissions et
s'étaient rendus pour la plupart à la
convocation. Aj outons que plusieurs mi-
nisties, notamment ceux des finanees, de
l'instruction publique efcdela justice, étaient
venus pour conférer avec quelques-unes de
ces commissions.
Nous allons donner quelques détails sur
les délibérations des plus importantes de
ces commissions.
-0-
: Les ministres de là justice et de l'instruc-
tion publique se sont rendus'à la commis-
sion du budget pour discuter certains dé-
tails de leurs budgets respectifs.
M. Jules Ferry était venu pour donner
son avis sur un amendement de MM. Paul
Bert, Duvaux et Chalamet, relatif à la sup-
pression du concours général des lycées
de Paris c.t des concours généraux acadé-
miques et sur un amendement de M. Paul
Bert tendant à la suppression des facultés
de théologie. Après que MM. Paul Bert et
Duvaux ont eu défendu ces amendements,,
le ministre de l'instruction publique "à pris
la parole. Il a demandé qu'on le laissât
poursuivre l'enquête qu'il a ouverte sur le
maintien ou la suppression des concours
généraux, et qui n'est pas encore termi-
née ; il a ajouté qu'au reste la question
n'était pas du ressort du Parlement, mais
du domaine du gouvernement. Il a rap-
pelé d'ailleurs qu'il avait, par une circu-
laire récente, déjà restreint les concours
académiques, autres que le concours gé-
néral des lycées de Paris.
En ce qui concerne les Facultés de
théologie, le ministre a demandé qu'elles
fussent maintenues, afin de laisser sub-
sister des centres d'enseignement où se-
raient professées des doctrines conformes
à la tradition de l'ancienne Eglise de
France et dégagées le plus possible de
l'influence ultramontaine, aujourd'hui
dominante dans le clergé. En outre, ces
Facultés permettront de former des prê-
tres qu'il sera possible, pour le gouverne-
ment, de présenter ultérieurement pour
l'épiscopat.
Le ministre de la justice s'est expliqué
sur divers points du budget de la Légion
d'honneur, qui ont été soulevés par Id
commission et que nous avons précédem-
ment exposés. En particulier, en ce qui
concerne le renouvellement partiel du
conseil supérieur de la Légion d'honneur,
qui doit avoir lieu le 29 mai prochain,
M. Le Royer a donné l'assurance que ce
renouvellement serait fait de manière à
introduire dans le conseil des membres
qui ne soient pas, comme précédemment,
des adversaires des institutions exis-
tantes.
On sait, en effet, que le conseil doit
être renouvelé par moitié tous les deux
ans. C'est le 29 mai prochain qu'expirent
les pouvoirs de six des membres actuels.
Parmi les membres nouveaux qui vont
être nommés, nous croyons savoir qu'il y
aura M. Valentin, ancien préfet et séna-
teur du Rhône, et M. Wurtz, membre de
l'Institut et doyen de la Faculté de mé-
decine.
M. Le Royer a ensuite demandé à la
commission de ne pas maintenir les ré-
ductions qu'elle avait votées sur le traite-
ment des cours d'appel et des tribunaux,
parce ..qu'il va proch lÎnement saisir la
Chambre d'un projet de réforme complète
de notre organisation judiciaire. Le minis-
tre a donné à cette occasion quelques dé-
tails sur ce projet, qui sont conformes à
ceux que nous avons publiés depuis plu-
sieurs jours déjà, et que, pour cette rai-
son, nous nous dispenserons de repro-
duire.
M. Spuller devait lire hier à la commis- :
sion de l'enseignement supérieur son rap-i
port sur le projet Ferry relatif à la colla-
tion des grades et aux congrégations reli- :
gieuses non autorisées. Mais le président
de la commission, M. Paul.Bert, ayant été,
comme on l'a vu plus haut, retenu à la
commission du budget, la commission du
projet Ferry n'a pu siéger, et la séance a
été renvovée à demain vendredi, à une
heure, au Palais-Bourbon.
Enatlendant cettenouvelleréunion, nous
pouvons donner quelques détails anticipés
sur le rapport de M. Spuller.
Ce document est très volumineux et ne
compte pas moins de 83 feuillets manus-
crits. Il est divisé en trois parties :
1° Du pouvoir de l'Etat sur l'enseigne-
ment;
2° Examen des pétitions adressées à la
Chambre ;
3° Discussion des articles du projet de
loi.
Le rapport tout entier repose sur le pro-
jet annoncé par le gouvernement de re-
constituer le pouvoir de l'Etat' et de lui
restituer les droits qui lui ont été enle-
vés.
Dans la première partie, le rapporteur
expose la thèse du pouvoir d'éducation de
l'Etat. La réfutation des objections diri-
gées contre le projet de loi se trouve dans
la seconde partie; en réponse aux péti-
tionnaires et particulièrement aux évê-
ques. La troisième partie contient l'exposé
des travaux de la commission, -
Le rapport de M. Spuller est accompa-
gné de quelques annexes dont l'une pré-
sente dans un tableau le mouvement des
maisons et du personnel des principales
congrégations. Il en résulte que l'ordre
des jésuites compte en France 59 maisons
et 1,502 membres.
Ce rapport, si, comme on le prévoit, la
commission peut en entendre la lecture
totale demain, sera déposé samedi en
séance publique. On pense quel'impression
demandera un certain temps. La discussion
de la loi, en ce cas, ne viendra guère
qu'après les fêtes de la Pentecôte.
La sous-commission du 6e bureau chargée
d'examiner le dossier del'élection Blanqui,
s'est réunie hier au Palais-Bourbon. Quatre
membres sur cinq étaient présents. MM.
Joigneaux, Lacaze, Jenty et le général de
Vendeuvre. Après un échange d'observations
la sous-commission s'est séparée sans
prendre de résolution. Elle s'est ajournée
à demain vendredi à 3 heures.
-0-
On sait qu'âne grande commission com-
posée de 22 membres et présidée par M.
Paul Bert a été chargée depuis un an en-
viron de proposer un projet de réorganisa-
tion complète de l'enseignement primaire
au triple point de vue pédagogique, admi-
nistratif et financier.
Cette commission a terminé son œuvre,
et, pendant les vacances, M. Paul Bert a
rédigé, en les codifiant, les dispositions
qu'elle avait votées.
Ce travail a été imprimé et distribué en
épreuves à tous les membres de la com-
mission. Ceux-ci vont se réunir pour révi-
ser la rédaction de M. Bert et donner son
assentiment définitif.
Dès que ce travail de révision sera ter-
miné, — c'est-à-dire très prochainement,
-le rapport pourra être déposé sur le
bureau de la Chambre. Hier, la commission
s'est réunie au Palais-Bourbon pour exami-
ner quelques dispositions transitoires des-
tinées à compléter ce projet de loi d'en
semble.
Il s'agit de régler le passage de l'état
actuel à l'état nouveau que veut créer le
projet et dans lequel l'enseignement sera
complètement laïque. Aucune décision n'a
encore été prise ; la commission conti-
nuera demain vendredi l'examen de cette
question.
-0-
La gauche de la Chambre des députés
s'est réunie hier pour procéder au rempla-
cement de divers membres de son bu-
reau.
Il y avait lieu de nommer le président
du groupe en remplacement de M. Albert
Grévy, nommé gouverneur général de l'Al-
gérie, un vice-président et cinq membres
du comité directeur.
La réunion a choisi pour président
M. Bernard Lavergne, actuellement vice-
président du groupe.
MM. Langlois et Jozon ont été nommés
vice-présidents.
MM. Devès, Senard, Trarieux, Wilson et
Louis Legrand o&t été nommés membres
du comité directeur.
Nous rappelons que les trois autres
membres du comité directeur qui restent
en fonctions, et auxquels viennent s'ajou-
ter les cinq nouveaux, sont MM. Ninard,
Noël Parfait et Pascal Duprat.
Pour compléter la composition du bu-
reau, nous rappelons que les secrétaires
sont MM. Camille Sée, Fallières, Hemon et
Fremynet, et les questeurs MM. Margaine
etLevéque.
j Les préfets et les congréganistes
Les pourvois des congréganistes congés
diés par les préfets, qui sont pendants de* -,
vant le conseil d'Etat, reposent tout entiert
sur cet argument :
— Aux termes de l'article 33 de la loi
du 15 mars 1850, le recteur peut, suivant
les cas, réprimander, suspendre, avec ou
sans privation totale ou partielle de trai-
tement, pour un temps qui n'excédera pat'
six mois, ou révoquer l'instituteur comJ
munal. — Ce droit est aujourd'hui exercé
par les préfets, mais il ne s'est pas étendu
en leurs mains. — Le pouvoir que l'ar<
ticle 33 donnait aux recteurs et que lei
préfets ont maintenant n'est qu'un pou-
voir disciplinaire. Démontrez qu'un insti-
tuteur, congréganiste ou laïque, a commis
une faute: le préfet pourra, comme juge,
et selon la gravité de la faute, le répri-
mander, le suspendre ou le révoquer. -
En dehors de ce droit, il n'en a aucun. —
Il n'a pas le droit de lui dire que, l'ayant
pris comme congréganiste, il en est arrivé
à préférer un laïque, et que le change-
ment de système implique l'expulsion des
personnes. —Il n'y a qu'un cas où ce
changement de système soit possible, c'est
- une circulaire de' i862 le constate -
quand l'emploi devient vacant par suite ,
du décès, de la démission ou de la révoca-
tion de l'instituteur. — Alors, la place
étant libre, il y a lieu à nomination nou-
velle. Le préfet, alors, peut, après avoir
consulté le conseil municipal, nommer
qui il veut. — Mais l'instituteur, une fois
nommé, qu'il soit congréganiste ou laï-
que, — à la condition de se bien con-
duire, — est nommé pour toute sa vie.
Voilà, croyons-nous, tout le système.
Nous ne pensons pas l'avoir affaibli. C'est,
comme on le voit, la théorie de l'inamovi-
bilité des instituteurs.
On remarquera d'abord que, si cette
théorie était exacte, elle serait contredite
par une pratique de plus de vingt-cinq
ans. —Si cette théorie était exacte, non-
seulement le préfet n'aurait pas le droit,
en dehors des cas disciplinaires, de ren-
voyer l'instituteur, mais il n'aurait pas
même le droit de le déplacer sans son
consentement. On sait cependant si les dé- -
placements sont fréquents. — Ajoutons
que, si la théorie était exacte, comme tout i
déplacement suppose une double vacance
— la vacance de l'école que quitte l'insti-
tuteur qu'on déplace, et la vacance de
celle où on l'envoie, vu que, pour qu'on
l'y envoie, il faut que la place soit libre-
il s'ensuivrait qu'il n'y aurait peut-être
pas en France une seule nomination d'ins-
tituteur actuellement en exercice qui fût
régulière, car il aurait fallu, avant la no-
mination, prendre l'avis des conseils mu-
nicipaux des deux communes dans les-
quelles le déplacement fait arriver une
personne nouvelle, et jamais, en fait, cette
demande d'avis n'a lieu en cas de déplace-
ment. On ne consulte les conseils, comme
le disait l'argumentation que nous avons ■.
commencé par rapporter, que quand !a
vacance a lieu par révocation, démission ,
ou décès.
— Mais, disent les amis des congréga-
nistes, si on. ne les consulte que dans ces
cas-là; c'est parce que la circulaire^ de
1862, déjà citée, le dit.
L'argument ne vaut rien. Une circulaire
ne saurait prévaloir contre- la loi. Si le
système de la loi de 1850existait encore, la
circulaire serait illégale.—Si cette circulaire
a été faite, - d'abord elle n'a été faite que
pour régler la situation des préfets vis-à-
vis des conseils municipaux, et rien ne
Feuilleton du RAPPEL
, DU 23 MAI
t 53
L'ÉVADÉ
ROMAn CANAO
CHAPITRE XVI
Explosion. - (Suite)
; L'accènt de Florissant demandant la pa-
role fut si vibrant, que le commandant
l'artillerie lui-même entendit.
; - Votre défenseur pourra présenter vos
tbservations en votre nom, dit-il.
— Il ne s'agit pas de ma défense, ri-
èûsta, en se drapant dans les plis d'un
> jnanteau absent, l'ancien comédien, que la
y : :
t VnÎl' le Rappel du 31 mars au 22 mai.
vue de la foule grisait quelque peu. Il ne
s'agit pas de ma défense, il s'agit de la
sienne.
Et il désigna du doigt son compagnon
de captivité, Danclade qui, hanté de nou-
veau par le spectre d'Armande, s'était xe-
plongé dans sa rêverie douloureuse.
Florissant appuya :
— Oui, de lui, qui s'accuse seul pour
nous sauver tous. Mais je me .regarderais
comme un lâche et comme un misérrrable
si je laissais commettre sous mes yeux
cette erreur judiciaire. J'ai travaillé au-
tant, plus que lui peut-être, à notre fuite,
malheureusement avorrrtée. Le condam-
ner et m'absoudre, ce serait rendre toute
son actualité au Courrier de Lyon, ce dra-
me-qui est dans toutes les mémoires. Qu'il
se distribue le rôle de Lesurques, soit!
Quant à moi, je me reprocherai ; tou.te ma
vie d'avoir accepté, fût-ce une heure, celui
de Dubosc.
Il secoua sa tôle, comme pour l'offrir au
bourreau, et se rassit, beau d'émotion g é-
néreuse. La petite dame de gauche se prit
à tamponner sa bouche avec son mou-
choir, en proie à un tremblement des
doigts qui en disait long.
Le défenseur d'office n'y alla pas de
main morte." Il conclut à l'acquittement
de tous les accusés, victimes, démontra-
t-il, du vieil agent provocateur, dont les
aveux cyniques avaient indigné le c onseil.
Tout rejeter ainsi sur Rouvion n'était pas
malhahiie. Cette tactique réussit' à moitié.
Danclade fut condamné à deux ans, et Flo-
II rissant à treize mois de prison. En revan-
I 1 che, Chauffat et Kervalec furent acquittés.
Armande, pendant les deux tiers de
cette journée, avait arpenté, dans une agi-
tation grandissante, les rives de la pres-
qu'île Ducos, comme si elle eût pu enten-
dre du bord ce qui se passait au conseil de
guerre de Nouméa. Elle aperçut, vers les
quatre heures du soir, un flot de déportés
se précipiter vers la limite établie entre
eux et la terre libre. Ils couraient au de-
vant des deux absous qui, sortis de leurs
cellules, rentraient dans leur enceinte.
Elle saisit au passage ces mots qui cir-
culaient déjà : Danclade, deux ans; Flo-
rissant, treize mois. Elle était préparée à
ce résultat, qui cependant lui arracha
l'âme. Denx ans! elle n'en voyait pas la
fin. Deux ans, pour qui n'en a que dix-huit,
c'est toujours.
Elle suffoquait du besoin de demander
à Chauffat et à Kervalec des nouvelles de
son ami et des détails sur la marche du
procès; mais il s'était formulé, avant les
siennes, tant de questions qui sollicitaient
tant de réponses,. qu'elle dut se contenter
de saisir une éclaircie dans la foule pour
glisser dans l'oreille de Kervalec cette in-
vitation brève :
-' A tout à l'heure, chez Louise Bertaut,
n'est-ce pas? Nous causerons.
On se rendit bientôt après, en effet, chez
la grande citoyenne. On y ca ssa, et ce qui
découla de la conversation remplit Ar-
mande de la plus sombre épouvante. Au
milieu des éloges retentissants accordés à
la conduite du citoyen Danclade, qui s'était
magnanimement tout mis sur le dos, le
carrossier Chauffat plaça cette réflexion :
— Il paraît que, depuis le commcnce-
ment, nous étions filés par un « vilain
roussin » qui se faisait renseigner heure
par heure sur nos travaux.
— Et comment se nommait-il? inter-
rogea Armande qui frissonnait.
— Je ne sais plus, dit Chauffat. Te rap-
pelles-tu Kervalec?
— Non, mais je le reconnaîtrais partout,
le gredin, il est venu déposer Idi-même;
c'est un grand avec une belle barbe et des
espèces d'air d'homme comme il faut. Si :
ça ne fait pas suer!
C'était Rouvion, il était difficile d'en
douter, Rouvion qui avait alors autant
d'intérêt à se démasquer qu'il en avait eu
naguère à garder son masque. Heureuse-
ment il n'avait rien pu révéler de sérieux,
puisqu'elle avait si bien réussi à lui cacher
l'entreDrise.
— Et par qui donc était-il ainsi tenu au
courant? fit-elle avec le calme d'un lec-
teur de la Gazette des tribunaux qui se fait
raconter un procès célèbre.
- Pâr une Louis XV, 'répondit Ker-
valec.
- Une femme, rectifia Chauffat, voyant
que la jeune fille ne comprenait pas.
— Une Louis XV, reprit le Breton. Il a
raconté au tribunal qu'elle allait toules
les semaines lui faire son rapport..
Louise Bertaut avait encore trois ma-
lades dans sa case privée de fenêtres et
constamment plongée dans une demi-
obscurité, malgré l'éclatante lumière du
dehors. An grand jour, Armande n'eût
pas osé tenter de dévorer l'émotion poi-
gnante qui l'étranglait. Quoique les deux
narrateurs fussent à plusieurs mille lieues
de se l'imaginer, elle se leva et alla, en
tournant le dos, au lit d'une des pension-
naires de la grande citoyenne.
Un peu rassurée par la distance, elle
risqua de loin cette question terrible :
— Et cette femme, cette horrible fem-
me, l'a-t-il nommée au moins?
— Il n'a pas voulu, répliqua Chauffat.
Le président a bien essayé de le faire ja-
ser, mais il a tenu bon.
Les deux amis lui racontèrent alors en
se relayant qu'une vieille toquée était ve-
nue déposer aussi, mais qu'au moment où
elle allait donner le nom de la Louis XV,
le défenseur lui avait jeté au nez qu'elle
était une ancienne voleuse, et qu'elle s'é-
tait mise à traiter les juges comme les
derniers des derniers. Il y avait de quoi se
tordre.
Puis Kervalec aj outa :
— Mais je la connais, moi, celle qui
nous a vendus. Je la connais. C'est la
femme d'un surveillant. Elle était toujours
avec son mari sur la montagne à nous
lorgner avec une longue-vue. Et moi qui
m'imaginais que c'était pour ma beauté.
Faut-il que je sois bête au moins !
Les deux acquittés n'avaient pas su per-
cer à jour les réticences perfides de l'a-
gent de culture, dans leur ignorance des
relations d'Armande avec lui ; mais il
était clair pour elle que l'infâme Rouvion,
afin de donner plus de poids à ses décla-
rations, tendait à l'associer à ses ignomi-
nies. C'était à ce point épouvantable,
qu'elle n'avait plus d'autre refuge que
dans la complicité du négrier dont les
aveux concernant la convention passée
entre eux lui sauveraient au moins l'hon.
neur.
— Et le capitaine Hubert? dit-elle dès
qu'elle eut recouvré la faculté d'articuler
une phrase, pourquoi n'a-t-il pas paru dans
1-1
le procès ? dt>.:
— Hubert? inconnu au bataillon, fit
Kervalec, il n'a même pas été question dèç
lui. ;;
Toute la pensée d'Armande, se concen-
tra sur ce problème.
« Que va se figurer Justin? Je lui prè-*
sente ce Rouvion comme un homme afii'^j
tique, et il se trouve que c'est le plus viii
des coquins. Je lui expose, dans les plus
grands itétails, les engagements pris e
son nom envers un certain capitaine Hu4
bert, et, quand j'ai besoin de le reproduire
pour établir ma bonne foi, il se dérobe si].
complètement que personne ne sait où lë¡ ,
prendre. Heureusement, Justin me conï
naît; mais quelle opinion aura-t-il eù d'e;
mon intelligence en constatant que je :
m'étais laissé enjôler par un Rouvion. jà
ne puis pourtant pas lui avouer que je
connaissais le métier de ce misérable et ,
que je me suis tue parce qu'il y allait de 1%|
mort de mon père. » h
Quoique tout son sang se glaçât à lit
supposition que son Justin pût la croirôj
capable d'une trahison, elle se répétait!
dans la quiétude de sa conscience : X
« Heureusement il me connaît; îl SI"
bien que je donnerais avec joie ma
pour lui. »
UN E V A D ?
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