Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-04-23
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 avril 1879 23 avril 1879
Description : 1879/04/23 (N3330). 1879/04/23 (N3330).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75305465
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
t
- N°3370 — Mercredi 23 Avril 1879 ^hiiqi'o t to », D^p&rteinentji * 1$CiV J' 4 Floréal an 87 — N°
r RÉDACTION
- S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
18, BDB DB VALOIS. 13
-
Lès manuscrits non insérés ne seront pas rendu*
* -
ANNONCES
r' MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
$.
;
M. n i- ;Si ■'
Ï
ADMINISTRATION
18, RUB DE VALOIS, 18
; Y
A II OW MEME**©
*
PARIS
Trois mois. 10 »
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. A
Six mois 27
V
Adresser lettres et mandats .'{
M. ERNEST LEFÈYREl
ADMINISTRATEUR-GERANT
lîmim DE BORDEAUX
Les modérément républicains avoue-
Jwmt eux-mêmes qu'il leur fallait une
certaine simplicité d'esprit pour croire
!\le l'élection de Bordeaux ne serait
pas ce qu'elle est et que le suffrage
universel ne protesterait pas contre
IIDe justice comme celle-ci :
,. Blanqui a passé sa vie à conspirer?
Il y a des conspirateurs qui ont fait
ce-que tout le monde se rappelle. Le
gouvernement d'un seul avait failli
hier la France, qui en était encore bles-
sée et saignante. Ils n'ont eu qu'une
pensée : rejeter la France sous le gou-
vernement d'un seul. Nous avions à
payer les dettes de l'empire ; les Prus-
siens attendaient l'argent pour retirer
leur pied de la gorge de la patrie ; cet
Fgent, le çalme de l'intérieur et la so-
lidité du gouvernement pouvaient seuls
nous l'assurer. Ces conspirateurs ont
pensé que c'était le moment de troubler
Jappaix publique et de jeter le gouver-
nement par terre. Ils ont fait le Vingt-
Quatre-Mai. Pendant deux ans, ils ont
inquiété, violenté, irrité le pays. Le pays
a fini par les mettre à la porte de la po-
étique. Et puis? Et puis, rien. De 1875 à
1877, ils sont restés tranquilles, en
apparence. Mais ils guettaient, ils ten-
daient leur piège, ils dressaient leur
-- iguet-apens. La France, confiante, se
ipréparait à recevoir dignement l'Eu-
irope et le monde, auxquels elle avait
donné rendez-vous au Champ de Mars,
elle travaillait, elle achevait les chefs-
a;œuvre de son art et les merveilles de
son-industrie. Brusquement, par der-
rière, les conspirateurs se sont rués sur
eÛe, ont jeté ses ministres et ses re-
présentants par la fenêtre de la disso-
lution, l'ont pendant sept mois bruta-
lisée et menacée, ont commandé à
l'armée des choses telles que des offi-
ciers en ont brisé leur épée, sont allés
;ïisqu'au bord d'une guerre civile dont
up maréchal non républicain a dit
qu'elle aurait,été deux guerres civiles :
Il( guerre des rues et la guerre des ca-
Jwnes.
J'Et alors? Alors, rien. On a parlé un
moment d'en mettre en accusation deux
ou trois, mais c'était pour rire. Ce qu'ils
étaient avant leur récidive, les conspi-
rateurs le sont restés. Ceux qui avaient
lait le Seize-Mai au risque d'empêcher
l'Exposition après avoir fait le Vingt-
quatre-Mai au risque d'empêcher la li-
bération du territoire, sont restés libres,
députés, sénateurs, etc., etc.
: Et Blanqui est resté en prison.
11 est vrai qu'ils avaient conspiré
pour la monarchie, au lieu que Blanqui
tvait conspiré pour la République, et
: qu'on était en République.
- ..Mais Blanqui n'avait pas conspiré
seulement, il s'était insurgé? MaisBIan-
qui n'avait pas seulement dissous une
Assemblée, il en avait envahi une?
D'autres que Blanqui se sont insur-
gés et ont envahi une Assemblée. Une
nuit, avec cette circonstance aggravante
que ceux qui attentaient à la Constitu-
tion étaient ceux à qui l'on en avait
confié la garde, des gens se sont préci-
pités sur la représentation nationale,
l'ont violée, l'ont assassinée. Qu'est-ce
que le i5 mai auprès du 2 décembre?
Qu'est-ce que la journée de l'Hôtel-de-
Ville auprès de la journée du boulevard
Montmartre? Il y a vingt-huit ans que
ces gens ont fusillé le suffrage uni ver-
sel sur les barricades et mitraillé les
femmes sur les boulevards. Et quelle
a été leur peine?
Ç'a été, pendant dix-neuf ans, de ré-
gner, de gouverner, de jouir, de crava-
cher le droit et la loi, d'avoir trente-six
millions d'hommes sous le talon de leur
botte. Et quand leur empire s'en est
allé en Prusse, ils n'ont « filé » un
moment que pour rentrer bientôt, et on
les voit, en pleine République, siéger
au Sénat et à la Chambre, s'étaler dans
les administrations et dans les commis-
sions officielles, donner leurs noms aux
rues.
Et Blanqui est en prison..
Il est vrai que les décembristes ne se
sont pas bornés à étrangler les lois
dont ils avaient la garde, à sabrer le
parlement, à inonder de sang les pa-
vés : ils ont encore humilié notre dra-
peau et livré deux de nos provinces.
Et l'on a pu croire que cette justice-
là durerait toujours? Et l'on a pu
s'imaginer que personne ne s'indigne-
rait de voir en prison ou en exil, sous
la République, des républicains, pen-
dant que les assassins de la République
sont à la Chambre et au Sénat, quand
hier encore, à Paris, les royalistes,
blancs et tricolores, nommaient le
représentant du parti qu'ils ont eux-
mêmes déclaré l'auteur de la ruine et
du démembrement de la France 1 Et
l'on a pu rêver qu'il ne se trouverait
pas une ville pour réparer l'outrage
que fait à l'équité la punition du 31
octobre devant l'impunité du 16 mai
et pour rendre à l'élection Godelle
le soufflet qu'elle donne au patriotisme !
AUGUSTE VACQUERIB,
t'
4 7 1
i: - LA QUESTION BLANQUI
j. Grâce au refus de l'amnistie plé-
nière ; grâce à la politique indé-
cise qu on a suivi, il y a aujour-
d'hui uns question Blanqui. Eh bien,
soit 1 Acceptons la question Blanqui,
puisque le gouvernement nous l'im-
pose. Mais hâtons-nous de la résoudre
et d'en finir avec elle. Le pays est las
de toutes ces questions, qu'on accu-
mule à plaisir ; las aussi des solutions
fausses ; la politique pure le fatigue et
l'irrite. Il voudrait qu'on ne lui parlât
plus qué^^affaires sérieuses: impôts,
plus quera'a
chemins de fer, marine marchander
instruction publique, et il a raison. ar-
rangeons-nous de façon à ce que le
vote d'une circonscription électoral ne
puisse causer une crise et troubler le
pays ! 1
Qu'est-ce au fond que la question
Blanqui ? Une question bien simple quo
l'on a compliquée à plaisir. La voici en
deux mots : Blanqui est élu député;
Blanqui est, affirme-t-on, inéligible.
Doit-on le laisser siéger? Ne doit-on
pas le laisser siéger? Contre son admis-
sion à la Chambre, il y a, dit-on, le
code pénal, la loi électorale, les arrêts
du conseil de guerre; pour son admis-
sion à la Chambre, il y a la volonté du
suffrage universel. Il faut opter.
Première solution : déclarer l'élec-
tion nulle. Recommencer l'élection do
Bordeaux. Cette solution-là, nous la
croyons impossible et dangereuse. Une
seconde fois, une troisième fois, s'il le
fallait, une quatrième fois, Blanqui
serait réélu. Le gouvernement nous
condamnerait, volontairement, à une
agitation perpétuelle. L'affaire Blan-
qui réapparaîtrait tous les trois mois
comme la fièvre intermittente toutes
les vingt-quatre heures. Nous serions
mis au régime des secousses régulières.
On inoculerait à la France une maladie
cons tituti o nnelle.
Seconde solution : laisser Blanqui
siéger à la Chambre. Ah! c'est ici que
se présente la grosse objection : Blan-
qui est inéligible! Voulez-vous que le
gouvernement marche sur le code pé-
nal, qu'il fasse des cocottes en papier
avec les arrêts du conseil de guerre et
qu'il mette la loi dans l'endroit téné-
breux où le Misanthrope voulait qu'on
suspendît le sonnet d'Oronte? Un gou-
vernement républicain 1 doit tout ris-
quer, une lutte avec le suffrage uni-
versel, une bataille avec la Chambre,
une agitation de plusieurs années, une
crise électorale perpétuelle plutôt que de
laisser toucher à l'arche sainte qui con-
tient les arrêts des conseils de guerre,
en partie annulés par l'amnistie par-
tielle ; la loi électorale que la Chambre
va refaire et le code pénal dont tous
les légistes demandaient la révision l
Nous ne répondrons pas à cela que le
gouvernement républicain de 1848 a
laissé siéger Louis-Napoléon Bonaparte
à l'Assemblée nationale, qu'il a laissé
siéger M. de Persigny, que l'empire a
permis à Rochefort de revenir en Fran-
ce, qu'enfin le gouvernement de M.
Thiers ne s'est pas opposé à l'entrée
au Parlement do M. d'Aumale et de
M. de Joinville. On le sait. On sait que
jamais les dispositions de la loi élec-
torale qui excommuniaient les condam-
nes politiques n'ont été obéies ou res-
pectées.
Nous nous contenterons de répon-
dre : il dépend du gouvernement que
Blanqui cesse d'être inéligible. Il dé-
pend du gouvernement que la loi no
soit plus violée. Le gouvernement a ré-
clamé le privilége de gracier et d'am-
nistier tels condamnés qui lui plai-
raient. Ce privilège, il l'a obtenu. C'est
à lui d'en user immédiatement. S'il a
ténu à choisir lui-même, parmi les pri-
sonniers et les exilés, ceux qui étaient
dignes de recouvrer leurs droits poli-
tiques, c'était apparemment pour em-
pêcher les crises électorales d'éclater,
ou, quand elles auraient éclaté, pour
pouvoir les terminer vite et d'une fa-
çon pacifique et légale. Il craignait
qu'une loi de catégories ne l'empêchât,
au moment utile, de grâcier un con-
damné dont la grâce aurait été néces-
saire, urgente et politique. Il prévoyait
ce qui se passe à Bordeaux. L'attitude
qu'il a prise dans la discussion de l'am-
nistie ne saurait s'expliquer d'une autre
manière.
Soutiendrait-on que le gouvernement
n'a souhaité l'arbitraire que pour sus-
citer des crises électorales, les prolon-
ger, les rendre graves, agiter l'opinion,
bouleverser la France tout entière?
Soutiendrait-on que le gouvernement
n'a désiré faire l'amnistie lui-même
que pour pouvoir refuser l'amnistie
dans les cas où elle est indispen-
sable?
Hé non! encore une fois, si le gou-
vernement a voulu avoir seul la res-
ponsabilité de l'amnistie partielle, c'est
qu'il a pensé que lui seul devait et pou-
vait se servir de la loi pour assurer
l'ordre et maintenir la paix dans les
[esprits. C'est qu'il s'est dit : il ne faut
pas que, le jour où le suffrage universel
choisira un condamné, je sois empêché
par une loi à compartiments et à caté-
gories d'amnistier ce condamné !
On voit donc que l'affaire Blanqui
est, quoi qu'on dise, infiniment plus
simple qu'elle n'en a l'air. La question
de l'inéligibilité n'existe pas. C'est un
fantôme. Tout dépend du gouverne-
ment, et le gouvernement a annoncé sa
volonté d'amnistier les condamnés élus
par le suffrage universel en réclamant
pour lui seul le droit d'amnistie, sa
volonté d'amnistier Blanqui en particu-
lier en étendant le bénéfice de la loi
aux événements du 31 octobre.
Nous comptons qu'il ne se laissera ni
lintimider ni troubler par les criailleries
des réactionnaires. Nous comptons
qu'il amnistiera Blanqu? sans tarder.
S'il ne le faisait pas, il avouerait qu'il
¡n'a rien su prévoir et qu'il est incapa-
ble de gouverner.
ÉDOUARD LOCKROY.
————————— —————————. <,
COULISSES DE VERSAILLES
Les élections qui ont eu lieu avant-hier
ont eu pour résultat de combler toutes
les vacances — sauf deux — qui existaient
dans les sièges de la Chambre des dé-
putés.
Il y a actuellement 531 siéges occupés à
la Chambre sur 533. Les deux sièges va-
cants sont ceux de M. Richard (delaDrôme)
invalidé et de M. Lebourgeois (delà Seine-
Inférieure), décédé.
M. Richard, député républicain, a été
invalidé pour une raison d'ordre matériel,
parce que, vérification faite, il lui man-
quait 5 ou 6 voix pour avoir la majorité
absolue. Les électeurs de l'arrondissement
de Nyons (Drôme) qui l'avaient élu une
première fois, le renommeront certaine-
ment dimanche prochain 27 avril, jour
auquel ils sont convoqués pour refaire
l'élection.
Quant à M. Lebourgeois, qui est décéaé
il y a un mois environ, il était monar-
chiste. Les électeurs de la 2e circonscrip-
tion de Dieppe, qu'il représentait à la
Chambre, n'ont pas encore été convoqués
pour lui donner un successeur. Vraisem-
blablement la convocation aura lieu dans
un délai très prochain. -
Les 531 députés en fonctions aujour-
d'hui se répartissent ainsi au point de vue
dù classement des opinions :
385 républicains,
83 bonapartistes,
63 monarchistes.
On voit que les républicains disposent
dans la Chambre d'une majorité de 239
voix sur leurs adversaires réunis, C'est la
plus forte majorité qui existe dans aucun
parlement élu librement.
L'élection de Blanqui soulève une ques-
tion de droit électoral et de procédure
parlementaire que la Chambre aura à ré-
soudre à la rentrée.
Quelques journaux, déclarant Blanqui
inéligible, prétendaient que le gouverne-
ment aurait dû prescrire au préfet de la
Gironde de faire annuler par les bureaux
électoraux les bulletins au nom da Blan-
qui, comme cela se faisait sous l'empire
pour les bulletins des candidats inser-
mentés.
C'est une erreur absolue. La Constitu-
tion établit que « chacune des Chambres
est juge de l'éligibilité de ses membres et
de la régularité de leur élection ». Ce sont
les termes mêmes de l'article 10 de la loi
constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les
rapports des pouvoirs publics.
L'administration ne pouvait donc pas,
sans s'exposer à violer la Constitution, se
substituer à la Chambre pour décider de
la validité des bulletins.
Les bureaux électoraux ont constaté les
chiffres de voix recueillis par Blanqui dans
leurs sections respectives, la commission
de recensement proclamera demain mer-
credi l'élection en faisant le recensement
général des suffrages, et le dossier de l'é-
lection sera transmis par le préfet à la
Chambre qui, seu'e, se prononcera.
Cela est tellement vrai que l'empire, si
peu scrupuleux cependant en matière de
légalité.. n'avait pas jugé que l'administra-
tion pût de sa propre autorité annuler les
bulletins des candidats insermentés et
que, pour lui en donner la faculté, il avait
fait rendre par son Sénat un sénatus-con-
sulte spécial.
Voici comment la Chambre procédera :
Le dossier de l'élection Blanqui sera ren-
voyé à l'un des onze bureaux. Ce bureau
tirera au sort une sous-commission de
cinq membres qui procédera à l'examen
préalable de l'élection, et prendra des
conclusions qu'elle soumettra à l'appré-
ciation du bureau. Ce dernier ratifiera ou
non les comclusions de sa sous-commis-
sion; mais, soit qu'il les approuve, soit
qu'il en prenne d'autres, il nommera un
rapporteur qui proposera les conclusions
définitives à la Chambre dans un rapport
spéson erdre du jour, en discutera les con-
clusions à un jour déterminé et se pro-
noncera.
En général, le gouvernement n'inter-
vient pas dans les vérifications d'élections,
qui sont du domaine exclusif de celle des
■Chambres qu'elle concerne. Mais, dans le
cas particulier, on croit que le garde des
sceaux interviendra pour traiter la ques-
tion de légalité, qui est en dehors de la
question de personne.
-0-
M. Langlois, rapporteur du budget de la
guerre, et M. Blaudin, rapporteur du
compte de liquidation de la guerre, vien-
nent d'être désignés par la commission du
budget pour procéder à l'inspection an-
nuelle du matériel de guerre, conformé-
ment aux dispositions de l'article 6 de la
loi de finances du 23 août 4877.
En conséquence, le ministre de la
guerre vient d'adresser des instructions à
tous les commandants de corps d'armée
pour les inviter à faciliter la tâche de MM.
Langlois et Blandin, et leur permettre de
vérifier sur place dans les divers arsenaux
et magasins du département de la guerre
le matériel de toute nature qui y est con-
tenu. ,,-
Le Journal officiel a publié hier matin le
nouveau décret de grâces qui était an-
noncé; mais, contrairement à ce qu'on
avait fait prévoir, ce décret ne comporté
que 661 grâces au lieu de 800.
Il en résulte que le nombre total dé
grâces accordées depuis la promulgation*
de la loi d'amnistie jusqu'à ce jour s'élève
à 1,318. Ils resterait, d'après les projets du|
gouvernement, environ 1,000 grâces à ac-
corder d'ici au 5 juin, jour où la loi d'arcw
uistie cessera d'être en vigueur.
«
Le Congrès des sociétés républi4
caines d'instruction s'est séparé après
avoir envoyé à M. Jules Ferry une cha-i
leureuse adhésion pour les lois qu'iu
propose. Cette adhésion était motivée
d'avance en termes d'une grande forceij
dans le beau et vigoureux discours
prononcé à l'ouverture du Congrès par
son président, M. Viette, député dq
Doubs. - z
« Nous ne pensons, dit M. Viettèp
qu'à défendre la société civile envahie
et spoliée. Nous n'entrons pas sur le;
terrain du dogme, nous proclamono
bien haut la liberté religieuse dans £
toute son étendue, le libre exercice des*
cultes dans toute sa plénitude. Mais nousi
défendons notre propre terrain. Nous;
voulons chasser de notre champ ceux qpi 1,
l'envahissent. » Rien de plus juste; é6
plus loin l'orateur, dans un éloquent
passage, désigne les envahisseurs ; ori.^
les connaît : ce sont les jésuites.
Voilà qui fera crier quelques bonnes
âmes : Est-ce que les jésuites existent?^
dit-on. Ils ne sont qu'une congrégation'
comme les autres. Leur prétendu pou- *
voir est une chimère. On va jusqu'à!
traiter do vieil abonné du vieux cons-'
titutionncl, de bourgeois de 1825 les
cerveaux assez naïfs pour croire encore
à ce spectre jésuitique.
Cela se dit, se répète et trouve des
dupes, à une époque où les dogmes jé-
suitiques. viennent d'être imposés à
l'Eglise, où la domination des jésuites
se manifeste partout, où ils glissent
leurs élèves de tous les côtés. C'est unot-
des plus grandes impudences du parti
clérical de nier ainsi jusqu'au nom d&
ses maîtres : à quoi bon? Ce nom, tout
le monde le connaît : parce que les jé-
suites ont la précaution de se dissimu-
ler quelquefois sous des noms très peu
dévots, parce qu'ils plient leur orgueil
à une modestie mercenairerTespèce-t-on
cacher l'évidence ? Ce serait puéril.
Or l'histoire est là pour montrer do
quelle, façon ils * essaient de s'emparer
de toutes les influences chez tous les
peuples, et ce qu'il advient des nations'
qui se baissent faire. Ils ont eu presque
deux sièctes de puisseu.vçe en Autriche :
et à peine étaient-iïe j'es maîtres, que
l'Allemagne râlait; les malheurs qu'ils
ont déchaînés sur elle l'ont ilus dévastée
qu'une invasion de barbares. Jls sc sont
emparés de la Pologne : et le v malheu-
reux pays a perdu jusqu'à son t existence
nationale. Finis Poloniœ. Jam. lis, tant
qu'il restera une étincelle du viei. esprit,
français de répulsion contre le ci 1-rita-
lisme, on no pourra dire : Finis G&
Il serait assez puéril de nous di "e::t
« Ce ne sont pas les anciens jésuites. >1
Leurs ïhoyéns varient comme leg épo Vi
ques auxquelles ils sont obligés-de l'a.. ,
dapter. Leur ambition, leur but, n'ont
pas changé. Une discipline tocrible,
Feuilleton du A^JPPÇL
- DU 23 AVBIL f~!-~'
.,. ,',
- & .Y - i \, - Y-
L'ÉVADÉ
r ROMAN casaque
: CHAPITRE VIII
■uueBvrM à l'intérieur
": (Suite)
Chauffat amena ses deux compagnons à
rerifice d'un escalier de granit qui s'en-
gouffrait dans les profondeurs d'une fosse
oblongue, aux murs bétonnés de coquilla-
ges et de galets, et simplement recouverte
Wune toile goudronnée posée sur l'ouver-
ture béante, de façon à former « bonnet
de police » pour l'écoulement des eaux plu-
viales. Un carré, à ciel ouvert, servant de
eaisine séparait la JI pièce principale d'une
fosse ; en apparence plus petite, réservée
pôùr^" travail de là calcination du bois, et
\jil Rappelait la chQvboïiMi%Çt i
Voir le Rappel du 31 marà au 22 avriL
Danclade et Florissant, arrivés à ce der-
nier caveau, commençaientà se demander
ce qu'ils étaient allés faire là, quand Chauf-
fai, toujours impassible, se mit à déblayer
avec une vélocité extraordinaire les piles
de fagots entassées contre le mur du fond
de la Charbonnerie. Ils s'aperçurent alors
que ce prétendu mur n'avait jamais existé
et que les fagots avaient été accumulés
précisément à cet endroit pour boucher
l'entrée d'une galerie extérieurement dis-
simulée parun fouillis de branchages assez
espacés pour laisser filtrer le jour sans
solliciter le regard.
Les déportés Glardon et Kervalec, les
collaborateurs de Chauffat, grimpèrent sur
le bord de l'excavation, et, écartantles bran-
ches, démasquèrent aux yeux des deux vi-
siteurs un magnifique bateau ponté, long
de dix mètres sur deux de large. Rien ne
manquait à ce spécimen de l'art du cons-
tructeur. Les douves et les côtes, en bois
léger de niaouli, se reliaient à une quille
en bois de fer, dont la dureté suppléait à
l'ordinaire garniture de métal dont il
avait bien fallu se passer. Des bancs tail-
lés dans un tronc de santal couraient le
long du bastingage. Des boîtes à serrer les
effets et les vivres avaient été ménagées
sous le siège de l'avant. Un trou d'un dia-
mètre respectable avait été creusé dans
le milieu du pont qui attendait son grand
mât, non encore placé, et que le carros-
sier montra étendu le long de la balei-
nière. ;I1 avait été taillé dans pn de ces
pins qui avaient provoqué de' la papt; de
ChauBaUaTeaexion dont Danclade com-
prenait maintenant toute la profondeur"
L'artiste cédant à un mouvement d'or-
gueil largement excusable en présence
d'un tel résultat, dit en exhibant une pe-
tite hachette, un ciseau de menuisier, plus
un marteau à enfoncer des clous :
- Voilà avec quoi j'ai fait tout mon
travail.
Et il ajouta comme correctif:
: —Il est vrai que, depuis six mois, j'y
passe cinq heures par-jour.
Supposez Daniel, dans la fosse aux lions,
distinguant tout à coup un ange lui tendant
une échelle de corde, et vous aurez une fai -
ble idée de l'émotion des deux condamnés à
la vue de ce bâtiment sauveu r, dont la coque
recélait la plus douce surprise qu'un œuf
de Pâques ait jamais contenu dans ses
Hancs. Florissant saisit la fcalle au bond.
— Je demande à en être le parrain,
s'écria-t-il, je le baptise la Liberté.
- Et, interrogea Danclade, personne
dans la presqu'île ne savait ce que vous
fabriquiez depuis six mois?
- Personne, fit en riant Chauffat.
- Mais les surveillants, comment n'ont
ils pas déjà vingtfois découvert?.
- C'était là le chiendent, en effet. Aussi
moi, pas bête, j'ai commencé par m'éta-
blir à l'écart sous prétexte de charbon-
nage. A nous trois, nous avons creusé la
fosse nécessaire, et quand un surveillant
rôdait d'un peu trop près autour de notre
domicile, nous allumions un feu de bran-
ches' vertes,qui développait une fumée
aveuglante. C'était soit-disant notre char-
bon qui flambait. Les plus curieux étaient
ainsi tenns à distance, -.
— Cependant, Et observer Danclade, ce
qu'on ne pouvait voir, comment empê-
chiez-vous qu'on ne l'entendît? D'où vient
jque l'autorité ne s'est jamais inquiétée de
Vos coups de hache et de vos bruits de
marteau?
- Ça, c'était le plus fort, repartit le
constructeur en regardant ses complices
qui souriaient. Vous avez peut-être aperçu
à quelques pas de chez nous une cabane
inachevée. Voilà six mois 'qu'elle est en
train et nous espérons bien qu'elle ne sera
jamais finie. Nous ne l'avons commencée
que pour détourner les soupçons. Tandis
que je frappais de mon côté sur la quille
de mon bateau, Glardon frappait du sien
sur les solives de la maison, et si quelqu'un
avait envie de se renseigner, il trouvait
mon camarade tapant comme un sourd sur
des pieux qu'il enfonçait en terre pour
soutenir ta toiture de notre future paillotte.
- Alors, vous ne vendez pas de char-
bon?
- Jamais je n'en ai négocié seulement
pour cinq centimes.
— En ce cas, où prenez-vous de l'ar-
gent pour acheter les quinze sous de tabac
que vous fumez par jour?
— Moi! fit Chauffat, ce que je fume n'est
pas du tabac. \1
— Et qu'est-ce donc? v
— Des feuilles sèches que je ramasse
dans la brousse et dont je bourre ma pipe.
Vous comprenez ; puisque j'avais l'air de
fabriquer du charbon, il fallait avoir l'air,
de dépenser à quelque chose ce que j'étais
censé gagner.
Danclade était stupéfait de tant de prvi-
1 dence, d'habileté et d'énergie chez un
homme qu'on rencontrait perpétuellement
en promenade dans la presqu'île, les bras
ballants et le brûle-gueule à la bôuchel
— Qui aurait eu cette idée de vous, qui
paraissiez si insouciant? ne put-il se rete-
nir de faire remarquer.
— Ah 1 oui ! ricana Chauffat, vous vous
figuriez ça à cause de la façon dont je par-
lais de - mes enfants dont j'affectais de me
ficher pas mal. Demandez à Glardon et à
Kervalec si je les aime, mes enfants. C'est
à cause d'eux que je suo sang et eau de-
puis si longtemps. Mais, vous savez, si l'ad-
ministration s'en était doutée, elle aurait
peut-être été surprise que je ne tente rien
pour essayer de les revoir.
Danclade, tout remué, saisit et pressa
avec émotion la' main, noire du charbon-
nier, ou, plus exactement, du carbonaro.
Mais il s'expliquait mal dans qjiel but le
bon Chauffat et ses deux amis lui révé-
laient à lui et à Florissant" ce qu'ils
avaient caché si longtemps à tous les
autres condamnés. Il ne resta pas long-
temps en suspens à ce sujet.
— Nous avons le nécessaire, continua
l'ex-ouvrier de marine, les rames pour
les calmes plats, les mâts pour les temps
de brise; malheureusement, il nous man-
que les voiles. Nous avons confectionné
des agrès avec les araignées de nos ha-
macs, mais aucun de nous trois ne savait
où trouver des draps pour garnir la mi-,
saine. Alors nous avons tout de suite pensé
à vous. Nous savions que vous possédiez
une literie complète. Nous nous sommes
4U : le canottient hardiment six personnes,
y compris les bagages' et les provision»,-
Nous offrirons deux places au citoyen Dan- :
clade et à son compagnon. En outre, U?.
sont à toute épreuve, et de bon conseil
On pourra causer.
— J'ai en effet quatre paires de drap»
qui sont à. vous, répondit Dancbidc, en-
trant avec joie dans le complot. ;
- Quatre paires, c'est magnifique. Noua
mettrons les voiles doubles, en cas de
bourrasque, et nous en aurons encore dej
rechange.
- Mais, hasarda Florissant, flairant aui
fond - de ce projet un drame superbe, vous}*
Glardon, Kervalec, Danclade et moi, ça ne]
fait que cinq. Pour quel passager gardez-'
vous la sixième place? 't -
: — Pour une personne que nous averti:",
rons au dernier moment, dit le déportét.
Glardon, petit brun de vingt-deux ans, quil
avaitété arrêté à seize, et qui portait en-'
core à la joue gauche les traces d'un'
éclat d'obus reçu au Châtcau-d'Eau pen-- x
dant la lutte dans Paris.
- Et peut-on savoir à qui elle est ré^
servée? demanda Danclade.
, — A la grande citoyenne.
: — Et à quand jiotre évasion ?
— Ce sera pour la première nuit sansj
lune, c'est-à-dire vers la -fin de la semaine]
prochaine.
Danclade eut un élan de joie, vite répri-
mé par un serrement de ccear. ':- v.
« Et dans tout cela, pensa-Wl, qde'daï
vient Armande ?» -- , -
UN EVAD&
» (A suivre) *
- N°3370 — Mercredi 23 Avril 1879 ^hiiqi'o t to », D^p&rteinentji * 1$CiV J' 4 Floréal an 87 — N°
r RÉDACTION
- S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
18, BDB DB VALOIS. 13
-
Lès manuscrits non insérés ne seront pas rendu*
* -
ANNONCES
r' MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C.
6, place de la Bourse, 6
$.
;
M. n i- ;Si ■'
Ï
ADMINISTRATION
18, RUB DE VALOIS, 18
; Y
A II OW MEME**©
*
PARIS
Trois mois. 10 »
Six mois. 20 »
DEPARTEMENTS
Trois mois. A
Six mois 27
V
Adresser lettres et mandats .'{
M. ERNEST LEFÈYREl
ADMINISTRATEUR-GERANT
lîmim DE BORDEAUX
Les modérément républicains avoue-
Jwmt eux-mêmes qu'il leur fallait une
certaine simplicité d'esprit pour croire
!\le l'élection de Bordeaux ne serait
pas ce qu'elle est et que le suffrage
universel ne protesterait pas contre
IIDe justice comme celle-ci :
,. Blanqui a passé sa vie à conspirer?
Il y a des conspirateurs qui ont fait
ce-que tout le monde se rappelle. Le
gouvernement d'un seul avait failli
hier la France, qui en était encore bles-
sée et saignante. Ils n'ont eu qu'une
pensée : rejeter la France sous le gou-
vernement d'un seul. Nous avions à
payer les dettes de l'empire ; les Prus-
siens attendaient l'argent pour retirer
leur pied de la gorge de la patrie ; cet
Fgent, le çalme de l'intérieur et la so-
lidité du gouvernement pouvaient seuls
nous l'assurer. Ces conspirateurs ont
pensé que c'était le moment de troubler
Jappaix publique et de jeter le gouver-
nement par terre. Ils ont fait le Vingt-
Quatre-Mai. Pendant deux ans, ils ont
inquiété, violenté, irrité le pays. Le pays
a fini par les mettre à la porte de la po-
étique. Et puis? Et puis, rien. De 1875 à
1877, ils sont restés tranquilles, en
apparence. Mais ils guettaient, ils ten-
daient leur piège, ils dressaient leur
-- iguet-apens. La France, confiante, se
ipréparait à recevoir dignement l'Eu-
irope et le monde, auxquels elle avait
donné rendez-vous au Champ de Mars,
elle travaillait, elle achevait les chefs-
a;œuvre de son art et les merveilles de
son-industrie. Brusquement, par der-
rière, les conspirateurs se sont rués sur
eÛe, ont jeté ses ministres et ses re-
présentants par la fenêtre de la disso-
lution, l'ont pendant sept mois bruta-
lisée et menacée, ont commandé à
l'armée des choses telles que des offi-
ciers en ont brisé leur épée, sont allés
;ïisqu'au bord d'une guerre civile dont
up maréchal non républicain a dit
qu'elle aurait,été deux guerres civiles :
Il( guerre des rues et la guerre des ca-
Jwnes.
J'Et alors? Alors, rien. On a parlé un
moment d'en mettre en accusation deux
ou trois, mais c'était pour rire. Ce qu'ils
étaient avant leur récidive, les conspi-
rateurs le sont restés. Ceux qui avaient
lait le Seize-Mai au risque d'empêcher
l'Exposition après avoir fait le Vingt-
quatre-Mai au risque d'empêcher la li-
bération du territoire, sont restés libres,
députés, sénateurs, etc., etc.
: Et Blanqui est resté en prison.
11 est vrai qu'ils avaient conspiré
pour la monarchie, au lieu que Blanqui
tvait conspiré pour la République, et
: qu'on était en République.
- ..Mais Blanqui n'avait pas conspiré
seulement, il s'était insurgé? MaisBIan-
qui n'avait pas seulement dissous une
Assemblée, il en avait envahi une?
D'autres que Blanqui se sont insur-
gés et ont envahi une Assemblée. Une
nuit, avec cette circonstance aggravante
que ceux qui attentaient à la Constitu-
tion étaient ceux à qui l'on en avait
confié la garde, des gens se sont préci-
pités sur la représentation nationale,
l'ont violée, l'ont assassinée. Qu'est-ce
que le i5 mai auprès du 2 décembre?
Qu'est-ce que la journée de l'Hôtel-de-
Ville auprès de la journée du boulevard
Montmartre? Il y a vingt-huit ans que
ces gens ont fusillé le suffrage uni ver-
sel sur les barricades et mitraillé les
femmes sur les boulevards. Et quelle
a été leur peine?
Ç'a été, pendant dix-neuf ans, de ré-
gner, de gouverner, de jouir, de crava-
cher le droit et la loi, d'avoir trente-six
millions d'hommes sous le talon de leur
botte. Et quand leur empire s'en est
allé en Prusse, ils n'ont « filé » un
moment que pour rentrer bientôt, et on
les voit, en pleine République, siéger
au Sénat et à la Chambre, s'étaler dans
les administrations et dans les commis-
sions officielles, donner leurs noms aux
rues.
Et Blanqui est en prison..
Il est vrai que les décembristes ne se
sont pas bornés à étrangler les lois
dont ils avaient la garde, à sabrer le
parlement, à inonder de sang les pa-
vés : ils ont encore humilié notre dra-
peau et livré deux de nos provinces.
Et l'on a pu croire que cette justice-
là durerait toujours? Et l'on a pu
s'imaginer que personne ne s'indigne-
rait de voir en prison ou en exil, sous
la République, des républicains, pen-
dant que les assassins de la République
sont à la Chambre et au Sénat, quand
hier encore, à Paris, les royalistes,
blancs et tricolores, nommaient le
représentant du parti qu'ils ont eux-
mêmes déclaré l'auteur de la ruine et
du démembrement de la France 1 Et
l'on a pu rêver qu'il ne se trouverait
pas une ville pour réparer l'outrage
que fait à l'équité la punition du 31
octobre devant l'impunité du 16 mai
et pour rendre à l'élection Godelle
le soufflet qu'elle donne au patriotisme !
AUGUSTE VACQUERIB,
t'
4 7 1
i: - LA QUESTION BLANQUI
j. Grâce au refus de l'amnistie plé-
nière ; grâce à la politique indé-
cise qu on a suivi, il y a aujour-
d'hui uns question Blanqui. Eh bien,
soit 1 Acceptons la question Blanqui,
puisque le gouvernement nous l'im-
pose. Mais hâtons-nous de la résoudre
et d'en finir avec elle. Le pays est las
de toutes ces questions, qu'on accu-
mule à plaisir ; las aussi des solutions
fausses ; la politique pure le fatigue et
l'irrite. Il voudrait qu'on ne lui parlât
plus qué^^affaires sérieuses: impôts,
plus quera'a
chemins de fer, marine marchander
instruction publique, et il a raison. ar-
rangeons-nous de façon à ce que le
vote d'une circonscription électoral ne
puisse causer une crise et troubler le
pays ! 1
Qu'est-ce au fond que la question
Blanqui ? Une question bien simple quo
l'on a compliquée à plaisir. La voici en
deux mots : Blanqui est élu député;
Blanqui est, affirme-t-on, inéligible.
Doit-on le laisser siéger? Ne doit-on
pas le laisser siéger? Contre son admis-
sion à la Chambre, il y a, dit-on, le
code pénal, la loi électorale, les arrêts
du conseil de guerre; pour son admis-
sion à la Chambre, il y a la volonté du
suffrage universel. Il faut opter.
Première solution : déclarer l'élec-
tion nulle. Recommencer l'élection do
Bordeaux. Cette solution-là, nous la
croyons impossible et dangereuse. Une
seconde fois, une troisième fois, s'il le
fallait, une quatrième fois, Blanqui
serait réélu. Le gouvernement nous
condamnerait, volontairement, à une
agitation perpétuelle. L'affaire Blan-
qui réapparaîtrait tous les trois mois
comme la fièvre intermittente toutes
les vingt-quatre heures. Nous serions
mis au régime des secousses régulières.
On inoculerait à la France une maladie
cons tituti o nnelle.
Seconde solution : laisser Blanqui
siéger à la Chambre. Ah! c'est ici que
se présente la grosse objection : Blan-
qui est inéligible! Voulez-vous que le
gouvernement marche sur le code pé-
nal, qu'il fasse des cocottes en papier
avec les arrêts du conseil de guerre et
qu'il mette la loi dans l'endroit téné-
breux où le Misanthrope voulait qu'on
suspendît le sonnet d'Oronte? Un gou-
vernement républicain 1 doit tout ris-
quer, une lutte avec le suffrage uni-
versel, une bataille avec la Chambre,
une agitation de plusieurs années, une
crise électorale perpétuelle plutôt que de
laisser toucher à l'arche sainte qui con-
tient les arrêts des conseils de guerre,
en partie annulés par l'amnistie par-
tielle ; la loi électorale que la Chambre
va refaire et le code pénal dont tous
les légistes demandaient la révision l
Nous ne répondrons pas à cela que le
gouvernement républicain de 1848 a
laissé siéger Louis-Napoléon Bonaparte
à l'Assemblée nationale, qu'il a laissé
siéger M. de Persigny, que l'empire a
permis à Rochefort de revenir en Fran-
ce, qu'enfin le gouvernement de M.
Thiers ne s'est pas opposé à l'entrée
au Parlement do M. d'Aumale et de
M. de Joinville. On le sait. On sait que
jamais les dispositions de la loi élec-
torale qui excommuniaient les condam-
nes politiques n'ont été obéies ou res-
pectées.
Nous nous contenterons de répon-
dre : il dépend du gouvernement que
Blanqui cesse d'être inéligible. Il dé-
pend du gouvernement que la loi no
soit plus violée. Le gouvernement a ré-
clamé le privilége de gracier et d'am-
nistier tels condamnés qui lui plai-
raient. Ce privilège, il l'a obtenu. C'est
à lui d'en user immédiatement. S'il a
ténu à choisir lui-même, parmi les pri-
sonniers et les exilés, ceux qui étaient
dignes de recouvrer leurs droits poli-
tiques, c'était apparemment pour em-
pêcher les crises électorales d'éclater,
ou, quand elles auraient éclaté, pour
pouvoir les terminer vite et d'une fa-
çon pacifique et légale. Il craignait
qu'une loi de catégories ne l'empêchât,
au moment utile, de grâcier un con-
damné dont la grâce aurait été néces-
saire, urgente et politique. Il prévoyait
ce qui se passe à Bordeaux. L'attitude
qu'il a prise dans la discussion de l'am-
nistie ne saurait s'expliquer d'une autre
manière.
Soutiendrait-on que le gouvernement
n'a souhaité l'arbitraire que pour sus-
citer des crises électorales, les prolon-
ger, les rendre graves, agiter l'opinion,
bouleverser la France tout entière?
Soutiendrait-on que le gouvernement
n'a désiré faire l'amnistie lui-même
que pour pouvoir refuser l'amnistie
dans les cas où elle est indispen-
sable?
Hé non! encore une fois, si le gou-
vernement a voulu avoir seul la res-
ponsabilité de l'amnistie partielle, c'est
qu'il a pensé que lui seul devait et pou-
vait se servir de la loi pour assurer
l'ordre et maintenir la paix dans les
[esprits. C'est qu'il s'est dit : il ne faut
pas que, le jour où le suffrage universel
choisira un condamné, je sois empêché
par une loi à compartiments et à caté-
gories d'amnistier ce condamné !
On voit donc que l'affaire Blanqui
est, quoi qu'on dise, infiniment plus
simple qu'elle n'en a l'air. La question
de l'inéligibilité n'existe pas. C'est un
fantôme. Tout dépend du gouverne-
ment, et le gouvernement a annoncé sa
volonté d'amnistier les condamnés élus
par le suffrage universel en réclamant
pour lui seul le droit d'amnistie, sa
volonté d'amnistier Blanqui en particu-
lier en étendant le bénéfice de la loi
aux événements du 31 octobre.
Nous comptons qu'il ne se laissera ni
lintimider ni troubler par les criailleries
des réactionnaires. Nous comptons
qu'il amnistiera Blanqu? sans tarder.
S'il ne le faisait pas, il avouerait qu'il
¡n'a rien su prévoir et qu'il est incapa-
ble de gouverner.
ÉDOUARD LOCKROY.
————————— —————————. <,
COULISSES DE VERSAILLES
Les élections qui ont eu lieu avant-hier
ont eu pour résultat de combler toutes
les vacances — sauf deux — qui existaient
dans les sièges de la Chambre des dé-
putés.
Il y a actuellement 531 siéges occupés à
la Chambre sur 533. Les deux sièges va-
cants sont ceux de M. Richard (delaDrôme)
invalidé et de M. Lebourgeois (delà Seine-
Inférieure), décédé.
M. Richard, député républicain, a été
invalidé pour une raison d'ordre matériel,
parce que, vérification faite, il lui man-
quait 5 ou 6 voix pour avoir la majorité
absolue. Les électeurs de l'arrondissement
de Nyons (Drôme) qui l'avaient élu une
première fois, le renommeront certaine-
ment dimanche prochain 27 avril, jour
auquel ils sont convoqués pour refaire
l'élection.
Quant à M. Lebourgeois, qui est décéaé
il y a un mois environ, il était monar-
chiste. Les électeurs de la 2e circonscrip-
tion de Dieppe, qu'il représentait à la
Chambre, n'ont pas encore été convoqués
pour lui donner un successeur. Vraisem-
blablement la convocation aura lieu dans
un délai très prochain. -
Les 531 députés en fonctions aujour-
d'hui se répartissent ainsi au point de vue
dù classement des opinions :
385 républicains,
83 bonapartistes,
63 monarchistes.
On voit que les républicains disposent
dans la Chambre d'une majorité de 239
voix sur leurs adversaires réunis, C'est la
plus forte majorité qui existe dans aucun
parlement élu librement.
L'élection de Blanqui soulève une ques-
tion de droit électoral et de procédure
parlementaire que la Chambre aura à ré-
soudre à la rentrée.
Quelques journaux, déclarant Blanqui
inéligible, prétendaient que le gouverne-
ment aurait dû prescrire au préfet de la
Gironde de faire annuler par les bureaux
électoraux les bulletins au nom da Blan-
qui, comme cela se faisait sous l'empire
pour les bulletins des candidats inser-
mentés.
C'est une erreur absolue. La Constitu-
tion établit que « chacune des Chambres
est juge de l'éligibilité de ses membres et
de la régularité de leur élection ». Ce sont
les termes mêmes de l'article 10 de la loi
constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les
rapports des pouvoirs publics.
L'administration ne pouvait donc pas,
sans s'exposer à violer la Constitution, se
substituer à la Chambre pour décider de
la validité des bulletins.
Les bureaux électoraux ont constaté les
chiffres de voix recueillis par Blanqui dans
leurs sections respectives, la commission
de recensement proclamera demain mer-
credi l'élection en faisant le recensement
général des suffrages, et le dossier de l'é-
lection sera transmis par le préfet à la
Chambre qui, seu'e, se prononcera.
Cela est tellement vrai que l'empire, si
peu scrupuleux cependant en matière de
légalité.. n'avait pas jugé que l'administra-
tion pût de sa propre autorité annuler les
bulletins des candidats insermentés et
que, pour lui en donner la faculté, il avait
fait rendre par son Sénat un sénatus-con-
sulte spécial.
Voici comment la Chambre procédera :
Le dossier de l'élection Blanqui sera ren-
voyé à l'un des onze bureaux. Ce bureau
tirera au sort une sous-commission de
cinq membres qui procédera à l'examen
préalable de l'élection, et prendra des
conclusions qu'elle soumettra à l'appré-
ciation du bureau. Ce dernier ratifiera ou
non les comclusions de sa sous-commis-
sion; mais, soit qu'il les approuve, soit
qu'il en prenne d'autres, il nommera un
rapporteur qui proposera les conclusions
définitives à la Chambre dans un rapport
spé
clusions à un jour déterminé et se pro-
noncera.
En général, le gouvernement n'inter-
vient pas dans les vérifications d'élections,
qui sont du domaine exclusif de celle des
■Chambres qu'elle concerne. Mais, dans le
cas particulier, on croit que le garde des
sceaux interviendra pour traiter la ques-
tion de légalité, qui est en dehors de la
question de personne.
-0-
M. Langlois, rapporteur du budget de la
guerre, et M. Blaudin, rapporteur du
compte de liquidation de la guerre, vien-
nent d'être désignés par la commission du
budget pour procéder à l'inspection an-
nuelle du matériel de guerre, conformé-
ment aux dispositions de l'article 6 de la
loi de finances du 23 août 4877.
En conséquence, le ministre de la
guerre vient d'adresser des instructions à
tous les commandants de corps d'armée
pour les inviter à faciliter la tâche de MM.
Langlois et Blandin, et leur permettre de
vérifier sur place dans les divers arsenaux
et magasins du département de la guerre
le matériel de toute nature qui y est con-
tenu. ,,-
Le Journal officiel a publié hier matin le
nouveau décret de grâces qui était an-
noncé; mais, contrairement à ce qu'on
avait fait prévoir, ce décret ne comporté
que 661 grâces au lieu de 800.
Il en résulte que le nombre total dé
grâces accordées depuis la promulgation*
de la loi d'amnistie jusqu'à ce jour s'élève
à 1,318. Ils resterait, d'après les projets du|
gouvernement, environ 1,000 grâces à ac-
corder d'ici au 5 juin, jour où la loi d'arcw
uistie cessera d'être en vigueur.
«
Le Congrès des sociétés républi4
caines d'instruction s'est séparé après
avoir envoyé à M. Jules Ferry une cha-i
leureuse adhésion pour les lois qu'iu
propose. Cette adhésion était motivée
d'avance en termes d'une grande forceij
dans le beau et vigoureux discours
prononcé à l'ouverture du Congrès par
son président, M. Viette, député dq
Doubs. - z
« Nous ne pensons, dit M. Viettèp
qu'à défendre la société civile envahie
et spoliée. Nous n'entrons pas sur le;
terrain du dogme, nous proclamono
bien haut la liberté religieuse dans £
toute son étendue, le libre exercice des*
cultes dans toute sa plénitude. Mais nousi
défendons notre propre terrain. Nous;
voulons chasser de notre champ ceux qpi 1,
l'envahissent. » Rien de plus juste; é6
plus loin l'orateur, dans un éloquent
passage, désigne les envahisseurs ; ori.^
les connaît : ce sont les jésuites.
Voilà qui fera crier quelques bonnes
âmes : Est-ce que les jésuites existent?^
dit-on. Ils ne sont qu'une congrégation'
comme les autres. Leur prétendu pou- *
voir est une chimère. On va jusqu'à!
traiter do vieil abonné du vieux cons-'
titutionncl, de bourgeois de 1825 les
cerveaux assez naïfs pour croire encore
à ce spectre jésuitique.
Cela se dit, se répète et trouve des
dupes, à une époque où les dogmes jé-
suitiques. viennent d'être imposés à
l'Eglise, où la domination des jésuites
se manifeste partout, où ils glissent
leurs élèves de tous les côtés. C'est unot-
des plus grandes impudences du parti
clérical de nier ainsi jusqu'au nom d&
ses maîtres : à quoi bon? Ce nom, tout
le monde le connaît : parce que les jé-
suites ont la précaution de se dissimu-
ler quelquefois sous des noms très peu
dévots, parce qu'ils plient leur orgueil
à une modestie mercenairerTespèce-t-on
cacher l'évidence ? Ce serait puéril.
Or l'histoire est là pour montrer do
quelle, façon ils * essaient de s'emparer
de toutes les influences chez tous les
peuples, et ce qu'il advient des nations'
qui se baissent faire. Ils ont eu presque
deux sièctes de puisseu.vçe en Autriche :
et à peine étaient-iïe j'es maîtres, que
l'Allemagne râlait; les malheurs qu'ils
ont déchaînés sur elle l'ont ilus dévastée
qu'une invasion de barbares. Jls sc sont
emparés de la Pologne : et le v malheu-
reux pays a perdu jusqu'à son t existence
nationale. Finis Poloniœ. Jam. lis, tant
qu'il restera une étincelle du viei. esprit,
français de répulsion contre le ci 1-rita-
lisme, on no pourra dire : Finis G&
Il serait assez puéril de nous di "e::t
« Ce ne sont pas les anciens jésuites. >1
Leurs ïhoyéns varient comme leg épo Vi
ques auxquelles ils sont obligés-de l'a.. ,
dapter. Leur ambition, leur but, n'ont
pas changé. Une discipline tocrible,
Feuilleton du A^JPPÇL
- DU 23 AVBIL f~!-~'
.,. ,',
- & .Y - i \, - Y-
L'ÉVADÉ
r ROMAN casaque
: CHAPITRE VIII
■uueBvrM à l'intérieur
": (Suite)
Chauffat amena ses deux compagnons à
rerifice d'un escalier de granit qui s'en-
gouffrait dans les profondeurs d'une fosse
oblongue, aux murs bétonnés de coquilla-
ges et de galets, et simplement recouverte
Wune toile goudronnée posée sur l'ouver-
ture béante, de façon à former « bonnet
de police » pour l'écoulement des eaux plu-
viales. Un carré, à ciel ouvert, servant de
eaisine séparait la JI pièce principale d'une
fosse ; en apparence plus petite, réservée
pôùr^" travail de là calcination du bois, et
\jil Rappelait la chQvboïiMi%Çt i
Voir le Rappel du 31 marà au 22 avriL
Danclade et Florissant, arrivés à ce der-
nier caveau, commençaientà se demander
ce qu'ils étaient allés faire là, quand Chauf-
fai, toujours impassible, se mit à déblayer
avec une vélocité extraordinaire les piles
de fagots entassées contre le mur du fond
de la Charbonnerie. Ils s'aperçurent alors
que ce prétendu mur n'avait jamais existé
et que les fagots avaient été accumulés
précisément à cet endroit pour boucher
l'entrée d'une galerie extérieurement dis-
simulée parun fouillis de branchages assez
espacés pour laisser filtrer le jour sans
solliciter le regard.
Les déportés Glardon et Kervalec, les
collaborateurs de Chauffat, grimpèrent sur
le bord de l'excavation, et, écartantles bran-
ches, démasquèrent aux yeux des deux vi-
siteurs un magnifique bateau ponté, long
de dix mètres sur deux de large. Rien ne
manquait à ce spécimen de l'art du cons-
tructeur. Les douves et les côtes, en bois
léger de niaouli, se reliaient à une quille
en bois de fer, dont la dureté suppléait à
l'ordinaire garniture de métal dont il
avait bien fallu se passer. Des bancs tail-
lés dans un tronc de santal couraient le
long du bastingage. Des boîtes à serrer les
effets et les vivres avaient été ménagées
sous le siège de l'avant. Un trou d'un dia-
mètre respectable avait été creusé dans
le milieu du pont qui attendait son grand
mât, non encore placé, et que le carros-
sier montra étendu le long de la balei-
nière. ;I1 avait été taillé dans pn de ces
pins qui avaient provoqué de' la papt; de
ChauBaUaTeaexion dont Danclade com-
prenait maintenant toute la profondeur"
L'artiste cédant à un mouvement d'or-
gueil largement excusable en présence
d'un tel résultat, dit en exhibant une pe-
tite hachette, un ciseau de menuisier, plus
un marteau à enfoncer des clous :
- Voilà avec quoi j'ai fait tout mon
travail.
Et il ajouta comme correctif:
: —Il est vrai que, depuis six mois, j'y
passe cinq heures par-jour.
Supposez Daniel, dans la fosse aux lions,
distinguant tout à coup un ange lui tendant
une échelle de corde, et vous aurez une fai -
ble idée de l'émotion des deux condamnés à
la vue de ce bâtiment sauveu r, dont la coque
recélait la plus douce surprise qu'un œuf
de Pâques ait jamais contenu dans ses
Hancs. Florissant saisit la fcalle au bond.
— Je demande à en être le parrain,
s'écria-t-il, je le baptise la Liberté.
- Et, interrogea Danclade, personne
dans la presqu'île ne savait ce que vous
fabriquiez depuis six mois?
- Personne, fit en riant Chauffat.
- Mais les surveillants, comment n'ont
ils pas déjà vingtfois découvert?.
- C'était là le chiendent, en effet. Aussi
moi, pas bête, j'ai commencé par m'éta-
blir à l'écart sous prétexte de charbon-
nage. A nous trois, nous avons creusé la
fosse nécessaire, et quand un surveillant
rôdait d'un peu trop près autour de notre
domicile, nous allumions un feu de bran-
ches' vertes,qui développait une fumée
aveuglante. C'était soit-disant notre char-
bon qui flambait. Les plus curieux étaient
ainsi tenns à distance, -.
— Cependant, Et observer Danclade, ce
qu'on ne pouvait voir, comment empê-
chiez-vous qu'on ne l'entendît? D'où vient
jque l'autorité ne s'est jamais inquiétée de
Vos coups de hache et de vos bruits de
marteau?
- Ça, c'était le plus fort, repartit le
constructeur en regardant ses complices
qui souriaient. Vous avez peut-être aperçu
à quelques pas de chez nous une cabane
inachevée. Voilà six mois 'qu'elle est en
train et nous espérons bien qu'elle ne sera
jamais finie. Nous ne l'avons commencée
que pour détourner les soupçons. Tandis
que je frappais de mon côté sur la quille
de mon bateau, Glardon frappait du sien
sur les solives de la maison, et si quelqu'un
avait envie de se renseigner, il trouvait
mon camarade tapant comme un sourd sur
des pieux qu'il enfonçait en terre pour
soutenir ta toiture de notre future paillotte.
- Alors, vous ne vendez pas de char-
bon?
- Jamais je n'en ai négocié seulement
pour cinq centimes.
— En ce cas, où prenez-vous de l'ar-
gent pour acheter les quinze sous de tabac
que vous fumez par jour?
— Moi! fit Chauffat, ce que je fume n'est
pas du tabac. \1
— Et qu'est-ce donc? v
— Des feuilles sèches que je ramasse
dans la brousse et dont je bourre ma pipe.
Vous comprenez ; puisque j'avais l'air de
fabriquer du charbon, il fallait avoir l'air,
de dépenser à quelque chose ce que j'étais
censé gagner.
Danclade était stupéfait de tant de prvi-
1 dence, d'habileté et d'énergie chez un
homme qu'on rencontrait perpétuellement
en promenade dans la presqu'île, les bras
ballants et le brûle-gueule à la bôuchel
— Qui aurait eu cette idée de vous, qui
paraissiez si insouciant? ne put-il se rete-
nir de faire remarquer.
— Ah 1 oui ! ricana Chauffat, vous vous
figuriez ça à cause de la façon dont je par-
lais de - mes enfants dont j'affectais de me
ficher pas mal. Demandez à Glardon et à
Kervalec si je les aime, mes enfants. C'est
à cause d'eux que je suo sang et eau de-
puis si longtemps. Mais, vous savez, si l'ad-
ministration s'en était doutée, elle aurait
peut-être été surprise que je ne tente rien
pour essayer de les revoir.
Danclade, tout remué, saisit et pressa
avec émotion la' main, noire du charbon-
nier, ou, plus exactement, du carbonaro.
Mais il s'expliquait mal dans qjiel but le
bon Chauffat et ses deux amis lui révé-
laient à lui et à Florissant" ce qu'ils
avaient caché si longtemps à tous les
autres condamnés. Il ne resta pas long-
temps en suspens à ce sujet.
— Nous avons le nécessaire, continua
l'ex-ouvrier de marine, les rames pour
les calmes plats, les mâts pour les temps
de brise; malheureusement, il nous man-
que les voiles. Nous avons confectionné
des agrès avec les araignées de nos ha-
macs, mais aucun de nous trois ne savait
où trouver des draps pour garnir la mi-,
saine. Alors nous avons tout de suite pensé
à vous. Nous savions que vous possédiez
une literie complète. Nous nous sommes
4U : le canottient hardiment six personnes,
y compris les bagages' et les provision»,-
Nous offrirons deux places au citoyen Dan- :
clade et à son compagnon. En outre, U?.
sont à toute épreuve, et de bon conseil
On pourra causer.
— J'ai en effet quatre paires de drap»
qui sont à. vous, répondit Dancbidc, en-
trant avec joie dans le complot. ;
- Quatre paires, c'est magnifique. Noua
mettrons les voiles doubles, en cas de
bourrasque, et nous en aurons encore dej
rechange.
- Mais, hasarda Florissant, flairant aui
fond - de ce projet un drame superbe, vous}*
Glardon, Kervalec, Danclade et moi, ça ne]
fait que cinq. Pour quel passager gardez-'
vous la sixième place? 't -
: — Pour une personne que nous averti:",
rons au dernier moment, dit le déportét.
Glardon, petit brun de vingt-deux ans, quil
avaitété arrêté à seize, et qui portait en-'
core à la joue gauche les traces d'un'
éclat d'obus reçu au Châtcau-d'Eau pen-- x
dant la lutte dans Paris.
- Et peut-on savoir à qui elle est ré^
servée? demanda Danclade.
, — A la grande citoyenne.
: — Et à quand jiotre évasion ?
— Ce sera pour la première nuit sansj
lune, c'est-à-dire vers la -fin de la semaine]
prochaine.
Danclade eut un élan de joie, vite répri-
mé par un serrement de ccear. ':- v.
« Et dans tout cela, pensa-Wl, qde'daï
vient Armande ?» -- , -
UN EVAD&
» (A suivre) *
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