Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-03-15
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 mars 1879 15 mars 1879
Description : 1879/03/15 (N3291). 1879/03/15 (N3291).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75305072
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/08/2012
N° 3291 — Samedi iÕ lwgrg; 41379 Ilie ïiuBsaér© s iO^. — Départements s iS c. 25 Ventôse
N° 3291 - Samedi 15 Mars 4879 ~.o mt~ é ro : «t K. — ~tép~rtememts s ta e. 2S Vent&se an 87 — N? 3291
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RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
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J.CS manuscrits non insérés ne serontpas rendus
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LE RAPPEL
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PAU*
Trolé i. 10 »
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B^RTTOfrora
Trois mois,;.;:. 13 55
>Six mois.tlri;^» 23 |
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Adresser ÎBiïres et fbéndata
A M. ERNEp ADJUmSTRAÏEOR-GÉaAijr
A VERSAILLES
Toute cette séance se résume pour
Í nous dans le mot que M. Madier de
Montjau a prononcé, dans cet admirable
discours, véritable explosion de bon
sens et de raison politique, qui a ter-
miné le débat : « La compromission et
la chute d'un ministère sont regret-
tables; la compromission et la chute
d'une Chambre sont plus que cela. »
En vérité, c'était à croire qu'on rê-
vait, tant l'issue de la journée est ab-
surde ! Il s'agissait des criminels du
Seize-Mai ; et la Chambre a émis deux
votes. Premier vote : ils ne seront pas
mis en accusation, Second vote : ils
ont commis tous les crimes (trahison,
Excitation à la guerre civile). Qui est-ce
,eone qui est mis en accusation, alors,
-%inon la Chambre qui, sachant que les
^accusés sont coupables, et le disant,
f refuse de les frapper ?
1 Que dire de ces juges qui acquit-
tent en constatant que le crime a
été commis et en en désignant les au-
teurs? Quel défi au sens commun ! Il y
a un mélange de ridicule dans la tris-
tesse de' ce dénouement. Et M. Gam-
betta parlait d'un grand jury national !
Singulier jury, qui absout le criminel
en constatant le crime et en refusant
les circonstances atténuantes !
arm
Passons sur les excentricités de MM.
Lenglé et Baudry-d'Asson. Nous avons
: hâte d'arriver aux choses sérieuses,
i si l'on peut accorder ce nom aux étran-
ges plaidoyers que nous avons enten-
dus — contre la mise en accusation.
M. Léon Renault a parlé le premier.
Nous faisons tout de suite, à propos de
l'honorable orateur du centre gauche, la
réflexion que l'on peut étendre à tous
ceux qui ont parlé dans le même sens.
Contre la mise en accusation, il n'exis-
tait pas une raison plausible. Il serait
donc injuste de juger les orateurs sur
les discours qu'ils ont prononcés en ce
sens. Trahis par l'évidence, ils devaient
rester au-dessous d'eux-mêmes.
Aussi nous avons eu un spectacle
nouveau qui, espérons-le, ne se repro-
duira plus. Trois orateurs successive-
ment sont venus dire : « Nous ne con-
testons pas que les accusés n'aient violé
toutes les lois. Cela dit, nous soutenons
qu'il ne faut pas leur faire de procès. »
Si jamais thèse immorale et absurde
fut soutenue^ c'est bien celle-là. Eh
bien ! on la produisit, on la répéta à
satiété. M. Waddington après M. Léon
Renault, M. Lepère après M. Wad-
dington, ont osé le défendre. C'était à
se demander s'il existait encore, dans
notre pauvre pays de France, quelque
idée de ce qu'est la loi.
Comment! on voulait soustraire les
malfaiteurs du Seize-Mai à la justice,
— et l'on n'a même pas eu la pudeur
de feindre de les croire innocents! On
a dit audacieusement : ils sont coupa-
bles, et nous les absolvons ! On a eu la
prétention de les flétrir après les avoir
acquittés! Telle est la page que la ma-
jorité du ministère a écrite dans nos
annales parlementaires.
%vr0a
M. Léon Renault est un homme fort
intelligent; mais l'intelligence la plus
déliée aurait usé ses ressources à une
pareille tâche. L'orateur a la parole
facile, j'allais dire trop facile. C'est de
l'improvisation, quelquefois un peu
trop de l'improvisation de palais; au
moins dans cette affaire criminelle, où
l'on ne pouvait guère être que l'avocat
d'une cause perdue.
M. Renault a commencé par dire qu'il
ne recherchait pas si les lois avaient
été violées, ni s'il y avait eu complot :
cela pourrait suffire. Il discute la ques-
tion de savoir si les ministres du i7m%i
et du 23 novembre doivent être mis en
accusation pour violation des lois et
complot, et précisément c'est le sujet
du débat qu'il laisse de côté.
Quels arguments donne-t-il donc?
Que, pour faire un procès politique, il
faut un intérêt certain, indéniable ! Il
paraît que l'intérêt des lois violées ne
suffit plus pour mettre la justice en ac-
tion.- Voilà ce qui se dit en France au
'dix-neuvième siècle. Il fait remarquer
'qu'il n'a été question de procès, ni dans
le Message du 14 décembre, ni dans le
courant de 1878, et il oublie que, dès
1877, la Chambre avait donné mandat
à une grande commission d'enquête de
:.voir s'il y avait matière à poursuites, et
qu'en conséquence elle n'avait plus qu'à
attendre les conclusions de cette com-
mission. Il craint qu'on n'ait eu l'air
d'attendre un Sénat disposé à condam-
ner quand même, alors que le grand
argument donné ces jours-ci était que
le Sénat acquitterait quand même. Et
il parle de tribunaux politiques sus-
pecte, parce qu'ils sont choisis exprès !
g osa a|re cela après sept ans de procès
jugés par des conseils de guerre, d'où
les juges étaient expulsés au premier
symptôme d'indulgence I
Enfin, il nous parle de l' « agitation»
que le procès va causer. Il nous montre
:les recherches faites régiment par régi-
ment, compagnie par compagnie. C'est
se moquer des gens. Il semble, à
l'entendre, qu'on va interroger tous
les sergents de l'armée ! — Argument
d'avocat. On dit cela à des juges, quand
on sait qu'ils dorment. On ne le dit
pas à un public éveillé, qui sait bien
qu'il ne - se fera rien de pareil.
J'insiste sur cette partie de la dé-
monstration (?) de M. Léon Renault.
Elle est importante. Vous accusez des
ministres, dit-il, vous allez avoir à in-
terroger les employés des administra-
tions, les officiers de l'armée : par res-
pect pour les nécessités de gouverne-
ment, étouffez l'affaire ! Vous voyez la
portée du raisonnement. Il aura la
même valeur toutes les fois qu'on aura
à accuser des ministres. Ce que M. Re-
nault formulait, c'est l'impunité des
gouvernants au nom de la raison
d'Etat : c'est, en fait, l'inégalité devant
la loi.
Et c'est, en réalité, ce que la Cham-
bre a voté. Après l'impunité du Seize-
Mai, il n'est rien qu'on ne puisse se
permettre au pouvoir, puisqu'une Cham-
bre républicaine est désarmée par cet
argument: Oui, les accusés sont cou-
pables, mais vous bouleverseriez l'ad-
ministration en recherchant et en pu-
nissant leur crime I
.¥.
La majorité de la Chambre s'est dé-
cidée par cet unique motif : la néces-
sité de ne pas renverser le ministère.
M. Renault défendait donc le cabinet :
il le défendait d'une singulière façon.
« La France attend encore, dit-il, le
gouvernement énergique, résolu, qui
lui donnera ce qu'elle désire »., et un
instant après, il parlait de M. Dufaure
dont on n'a jamais si bien senti le mérite,
ajoutait-il, que depuis qu'il n'est plus
là. Gétait dire assez galamment que la
place où M. Waddington était assis pa-
raissait vide. Cette opinion peut se
défendre; mais celui qui la défend
ne soutient pas très efficacement le ca-
binet..
Il est certain qu'après cela, M. 'Léon
Renault accorde quelques témoignages
d'amitié au gouvernement. Voilà une
amitié qui n'est pas très élogieuse.
L'orateur du centre gauche en est resté
à M. Dufaure, — qui, d'après l'histoire
(telle qu'il l'écrit) est le vrai fondateur
de la République. — Je ne discute pas
cette historiographie modérée et con-
servatrice; je me borne à la noter,
parce qu'elle indique la politique de
M. Léon Renault.
Le ministère a toutes ses sympathies
sans doute, mais il ne réalise pas assez
l'idéal, qui est la République Dufaure.
Ah! si on nous la rendait? Et quel sera
cet on? Pourquoi pas M. Léon Re-
nault ?
ea
M. Brisson répondit à M. Léon Re-
nault, M. Waddington répondit à M.
Brisson. Etait-ce pour faire dire à son
ami, qui venait de déclarer vacante la
place où le ministre était assis, que la
tribune à laquelle ce même ministre
parlait semblait inoccupée? Nous sa-
vons toute l'estime due à M. Wadding-
ton, à son caractère droit, à sa parole
correcte et mesurée. Mais enfin, est-ce
là le président du premier ministère de
la République ? J'ai envie de rayer cette
question, qui ressemble à une épi-
gramme.
M. Waddington apportait des papiers
qu'il a étalés à la tribune, et lus, je
crois. Ces papiers semblaient prendre un
malin plaisir à s'envoler ; M. Wadding-
ton se penchait pour ressaisir les fuyards,
que les secrétaires assis au-dessous de lui
rattrapaient et lui rendaient : c'était de
la pêche plutôt que de l'art oratoire.
Hélas ! si les papiers s'envolaient, les
raisons s'envolaient encore bien plus,
et M. Waddington avait beau faire le
plongeon, et montrer ses épaules plus
souvent que sa figure, il ne les rattra-
pait pas.
Le ministre a un caractère anglais
très prononcé dans sa large figure
bonne, honnête et froide. Et l'impres-
sion était qu'il avait apporté avec lui,
autour de sa redingote, un morceau
des brouillards de Londres. La lumière
de son éloquence s'éteint comme un
modeste réverbère au milieu de cette
brume glacée. On a envie de battre la
semelle quand on l'entend depuis quel-
ques minutes.
Il paraît que, le crime des hommes
du Seize-Mai étant indiscutable, il ne
faut pas poursuivre, à cause de l'Expo-
sition universelle et à cause de la Lote-
rie, à cause de l'industrie et de l'agri-
culture. « Faut de l'engrais M, dit un
personnage de la Cagnotte. Et M. Wad-
dington ajoute : il ne faut pas de pro-
cès. Autant le guano est utile à la terre,
amtani la mise en accusation de M, de
Biwjie lui serait nuisible.
aut écarter, dît à la fin M. Wad -
dington, de la route de la République
ce dernier reste de nos discordes civi-
les. » — Il paraît que mille ou deux
mille déportés et exilés, Rochefort, A.
Arnould hors de France à perpétuité.
cela ne compte pas comme le « reste de
nos discordes civiles ». Et les mêmes
ministres qui ont déclaré qu'ils ne vou-
laient rien effacer di* but ni des actes
de l'insurrection de 1871, disent à pro-
pos de seize ministres : Effaçons ce
dernier reste de nos discordes civiles.»
.fII.
M. Lepère a été le troisième orateur
dans le sens du gouvernement; il a rap-
pelé, en termes touchants, les liens de
sympathie qui l'unissaient aux partisans
de la mise en accusation. C'est au nom
de cette solide amitié qu'il demandait
un vote de confiance. On a été vive-
ment ému de ces paroles, prononcées
avec sa sincérité et son talent habituels;
mais il devait sentir lui-même que'
c'étaient là des raisons d'un caractère
nouveau dans un semblable débat.
Je n'insiste pas sur le reste de la dis-
cussion. Le grand talent oratoire de
M. Lepère, talent simple, discret, fait
de justesse d'esprit et d'à-propos, était
moins propre peut-être que tout autre
à masquer ici l'inanité des arguments.
Ses qualités de clarté elles-mêmes le
desservaient. Les raisons très faibles
invoquées contre la mise en accusation
ont besoin du demi-jour, et même de
l'obscurité la plus complète, pour que
leur insuffisance ne saute pas aux
yeux.
L'attitude de la Chambre, pendant
ces trois discours, était tout à fait frap-
pante. Là majorité restait glaciale. A
de certains moments, de gros murmu-
res éclataient, dans la gauche le plus
souvent, jusqu'au centre quelquefois.
M. Léon Renault a trouvé, pour la pre-
mière fois, un public d'une froideur
extrême. A peine quelques grêles ap-
plaudissements ont-ils fait long feu
quand il est descendu de la tribune. On
ne l'avait pas applaudi pendant son
discours.
M. Waddington a beau être le prési-
dent du conseil : il n'a pas été mieux
reçu. Seulement, il n'a pas la parole
facile et brillante de l'orateur du centre
gauche. Il se mêlait je ne sais quoi de
douloureux à son insuccès. Les rares
claquements de mains qui ont claqué
deux ou trois fois dans un petit coin
du centre semblaient des bravos de con-
doléance. M. Gambetta, nageur her-
culéen dans les vagues parlementaires,
avait, au-dessus de lui, à son fauteuil
de président, l'air d'un professeur de
natation qui ne peut plus repêcher
son élève.
M. Lepère était et restera l'un des
hommes les plus justement chers aux
républicains. Eh bien, il n'a pu se
soustraire lui -même aux murmures;
et, chose significative, quand la gauche
murmurait, le centre ne réagissait pas.
Il y avait je ne sais quoi de triste sur
tout ce débat. '{In auditeur fort spiri-
tuel, qui quitta la séance avant la fin,
dit à son voisin • « Je retourne à Paris.
Je n'ai pas le temps d'aller jusqu'au ci-
metière. »
Et en effet, la Chambre semblait sen-
tir vaguement elle-même qu'elle suivait
son propre convoi. Et c'est ce qui per-
met de mesurer la faiblesse de cette
majorité : elle a voté, et elle murmurait
contre son vote. MM. Brisson, Floquet,
Madier de Montjau étaient applaudis
par ceux qui se sont prononcés contre
eux. On ne s'immole pas plus résolu-
ment.
..s
M. Brisson a répondu à M. Renault.
M. Brisson apporte à la tribune de
grandes qualités de gravité et d'auto-
rité : une force rare d'argumentation,
une élévation incontestable, une net-
teté singulière, un talent qui n'a d'au-
tre passion que la passion austère de la
conviction. Il a l'honnêteté éloquente.
Son discours a produit un grand effet.
Il était plein de faits et de bonnes rai-
sons.
Il a montré avec une grande vi-
gueur combien l'intervention du gou-
vernement était incorrecte. Mais il a
surtout été accablant, quand, ajoutant
aux documents déjà mentionnés, ceux
dont le Rappel a publié ce matin
l'analyse, il a montré dans toute
son évidence la tentative d'un coup
d'Etat. Il y aura à revenir sur ces pièces
capitales pour notre histoire. Oui, un
complot a été préparé pour inonder
nos rues de sang, pour égorger la loi.
et c'est ce complot que la Chambre a
acquitté aujourd'hui, en considération
de la loterie !
je Ir ai
M. Floquet, qui a succédé à M. Wad-
dington, a prononcé un très beau dis-
cours. M. Floquet a la parole ample,
la parole énergique, le large et puis-
sant mouvement qui constituent l'ora-
teur. Il a fait preuve une fois de plus
de ces grandes qualités.
La démonstration était d'une grande
force. Il était impossible de mieux
prouver gué la Chambre démettait
tout son passé en repoussant la mise en
accusation. Elle a nommé une commis-
sion d'enquête, elle a frappé les élus
des candidatures officielles, elle exige
la destitution des agents subalternes du
Seize-Mai, et quand elle arrive aux
grands coupables. faut-il dire qu'elle
pardonne ? — Non, elle abdique. Ce
qu'elle fait n'a pas de nom, parce que
c'est sans précédents.
Elle répudie tous ses actes et elle fait
cela devant les victimes des persécu-
tions du Seize-Mai. M. Floquet a trouvé
des accents d'une grande éloquence
pour rappeler aux députés tous les
pauvres, tous les modestes, tous les
petits qui se sont sacrifiés pour les
faire élire. Que leur devait-on? Rien
que l'exécution Aes lois. Et les députés
nommés ont oublié tous ceux qui s'é-
taient sacrifiés pour eux ! Ils viennent
de déclarer qu'il n'y pas lieu d'appli-
quer les lois aux auteurs des persécu-
tions !
?
Même après ces deux beaux discours,
nous attendions encore le cri de la rai-
son indignée que devait soulever cet
amas d'absurdités immorales. Ce cri,
c'est M. Madier-Montjau qui l'a poussé.
Jamais il n'avait été si puissamment
inspiré, même le jour où, parlant de la
magistrature, il avait réuni la majorité
républicaine entière dans un élan una-
nime.
C'est avec une émotion profonde
qu'on a entendu cet appel passionné, —
cet appel, non pas aux passions de ven-
geance, mais à la saine passion de la
loi et de la raison politique. M. Madier-
Montjau montait à la tribune quand
l'Assemblée, déjà lasse, avait à peine la
force d'entendre. L'heure lui comman-'
dait d'être bref. En quelques secondes,
il avait ressaisi les attentions ; en
quelques moments, il avait terminé un
magnifique discours.
Chaque mot portait : et dans chacun
des arguments, il y avait une irrésis-
tible explosion d'indignation contre
l'absurdité. Il y a là des paroles dignes
de rester. Une d'elles résume toute la
question. L'orateur rappelait qu'après
avoir avoué que les hommes du,Seize-
Mai étaient criminels, on avait ajouté :
Ne les jugez pas. « Qui donc, s'écria-t-il,
ose dire cela, dans un pays où il y a
des lois? »
Des bravos nourris ont éclaté quand
il est descendu de la tribune. On est
venu le féliciter de toute la gauche.
Hélas ! sa parole si loyale, son appel si
chaleureux à l'union des gauches de-
vaient rester sans écho! ,
$â»
Peu de temps après, la mise en accu-
sation était repoussée.
Aussitôt, M. Rameau montait à la
tribune pour proposer et pour lire l'or-
dre du jour annoncé. C'est par là que
la Chambre comptait se tirer de sa triste
attitude !
M. Rameau l'a soutenu par des phra-
ses entortillées. La chose était piteuse;
l'aspect de cet homme de bien, juste-
ment estimé, fort maigre au physique,
tout en longueur, et penché comme une
tige qui a trop poussé, avait aussi quel-
que chose de mélancolique. Il lisait
en lui-même : M. Gambetta, qui a pré-
sidé la séance avec impétuosité, lui a
pris le papier des mains, et s'est mis à
le lire.
Je ne m'arrête pas aux objections de
forme. C'était contraire au règlement.
Il a fallu que ce triste morceau de litté-
rature parlementaire, d'abord résolu-
tion, se fit ordre du jour. M. Boysset a
excellemment expliqué ce qu'il y avait
là d'incorrect. Le bonapartiste Caze^ux a
présenté aussi des observations de pro-
cédure. Mais une considération plug<
forte %'imposait à tous les esprits.
Comment 1 voilà une Chambre qui
vient d'absoudre les hommes du
Seize-Mai, et aussitôt après, à une
heure de distance, elle déclare :
« Que les ministres du 17 mai et du
23 novembre, ont. trahi le gouverne-
ment, qu'ils avaient foulé aux pieds les
lois et les libertés publiques et n'ont
reculé, après avoir conduit la France à
la veille de la guerre civile, #que devant
l'indignation et les viriles résolutions
du pays ! »
Mais alors, que penser de la Cham-
bre qui a absous ces traîtres et ces vio-
lateurs des lois ? A quelle mesure me-
surer sa faiblesse ? Dans quelle balance
peser son respect de la légalité? — Si
les ministres du Seize-Mai ont violé les
lois, la Chambre les a livrées !
Si Bridoison avait fait partie de la
majorité, il aurait pu répondre à ses
collègues : « On ne se dit pas de ces
choses-là à soi-même. »
Et la Chambre invite le ministère à
faire afficher « dans toutes les com-
munes de France » ce témoignage de
son renoncement!
Ne dirait-on pas un de ces vieillards
du théâtre Molière, qui grossissent la
voix pour cacher leurs faiblesses?
S'il ne restait plus aux élus du 44 6
tobre assez de virilité pour assurer le
respect des lois, -7, au moins n'était-ce
pas à eux de dire qu'ils les laissaient
violer impunément. Il y avait, dans
une pareille contradiction quelque chose
d'étrange, qu'un pouvoir soucieux de
sa dignité devait éviter.
Nos amis ont essayé d'épargner à la
Chambre le :vote qu'elle allait rendre
contre elle-même. M. Clémenceau a
demandé l'ordre du jour pur et simple.
Cet ordre du jour, auquel la droite s'est
associée par force (elle ne pouvait pas
plus flétrir ces ministres qu'elle ne
pouvait les condamner), a été repoussé
à une faible majorité.
Et c'est le rôle que la Chambre a pris ,
devant l'histoire : déclarant les minis-
tres coupables et les absolvant. Et je
demande ce que devient i'égallté devant
la loi.
Il y a deux sortes de coupables : ceux
du commun": on les traduit devant les
conseils de guerre ; on jette les journa-
listes au bagne, on jette dans l'exil et
dans la déportation des milliers de mal-
heureux, jusqu'aux plus humbles, aux
plus obscurs soldats de l'insurrection.
Et puis, il y a les coupables qui sont
ducs ou qui ont été ministres : ceux-là,
on les livre « au jugement de la con-
science publique ».
Pardon! ils y étaient déjà livrés.
et nous savons combien ils s'en mo-,
quent!
CAMILLE PELLETAN.,
11 ■■■■m ——i
VIDE ET DÉSOLATION ;;
Combien de fois n'ai-jo pas lu dans
l'es journaux de sacristie qu'il se pro-
duisait en, France un mouvement reli-
gieux qui croissait de jour en jour; que
la libre-pensée pouvait commander son
enterrement civil; qu'on n'avait qu'à
sonner une cloche pour qu'aussitôt du
xemple orné partout de festons magnifi-
ques le peuple saint en foule inondât les
portiques, etc. ? Peuple de femmes?
Et d'hommes, s'il vous plaît! Aux
messes, aux vêpres, aux sermons, les
hommes abondaient, pas seulement les
enfants, pas seulement les vieux, les
hommes de tout âge, adolescents, céli-
bataires, maris, tous, tous, tous! Et les
journaux de sacristie disaient cela avec J
tant d'aplomb que j'aurais peut-être fini
par le croire presque, dans bien long-
temps.
Et tout à coup voici ce que je lis :
« Dans certaines paroisses, le sexe fort
n'est guère représenté à la messe du
dimanche que parle prêtre et son clerc.
Heureusement, les mères, les épouses,
les sœurs, les filles des indifférents sont
là, empêchant par leur présence la dé-
sertion du temple d'aller jusqu'au vide
ot à la désolation ».
Et où est-ce que je lis cela? Dans un
journal de sacristie. Dans VUnivers.
Quoi! c'est là ce mouvement qui en-
traîne le sexe fort aussi bien que le
sexe faible? Quoi! c'est ainsi que les
hommes, pas seulement les enfants,.
pas seulement les vieux, les hommes
de tout âge, adolescents, célibataires,
maris, tous, tous, tous, se précipitent
aux églises? La messe du dimanche,
pas la messe de la semaine, pas la pe-
tite messe, la grande, la messe du di-
manche n'a souvent pour tous mâles
qite le prêtre et son clerc! Le temple,
qui avec les femmes est déjà le désert,
sans elles serait le vide !
Il va sans dire que, si Y Univers fait
cet aveu, ce n'est pas uniquement pour
le plaisir de le faire. C'est surtout pour
en conclure que les femmes sont supé-
rieures aux hommes.
Nous sommes de ceux qui professent
l'égalité des hommes et des femmes.
Mais quand même nous pousserions la
galanterie jusqu'à reconnaître les fem- i
mes pour nos supérieures, nous accor-
derions difficilement que leur supério-
rité fût d'aller à la messe.
Si ce n'était pas par supériorité que
les femmes vont à la messe, pourquoi
serait-ce donc? demande le journal
dont M. Louis Veuillot fut l'écumoire
en chef. Direz-vous que « c'est parce
que les femmes sont plus crédules que
les hommes»? Vous seriez « impolis ».
Parlerez-vous de « sensiblerie » et de
« sentimentalisme » ? Expliquerez-vous
« les sentiments religieux de la femme
par son tempérament et son organisat-
ion, auxquels répondraient les ten-
dresses de la religion catholique » ? —
« Le catholicisme n'est pas tendre ! w
s'écrie l'Univers. Et il cite « les ter-
reurs du jugement, les flammes in
tinguibles de l'enfer », etc. Et H
pourrait citer la Saint-BarthélemYf!
les dragonnades des Cévennes, les bûu*.
chers des inquisitions. « Sont-ce là dûs
séductions pour les femmes ? » Nonj-
Univers. Mais d'abord, on ne prend pa^
le sexe faible que par la séduction, on'
le prend encore par l'intimidation. La
peur de l'enfer a fait autant de dévote#
que l'espoir du paradis. Ensuite, il n'y
a pas dans le catholicisme que les ter4
reurs et les flammes inextinguibles, il
y a la crèche, le petit Jésus dans les!
bras de sa mère, le jour tamisé par lés
vitraux des églises, les cierges, W
chants, l'orgue, l'encens, etc. Cela sufjjj
firait à expliquer pourquoi il y a infinif
ment plus de dévotes que de dévots.
Ce n'est pas pour cela, réplique lé.
pieux journal. C'est parce qu'on instruit
différemment les hommes et les fenn
mes. J'allais le dire. L'encens, l'orguey
les chants, etc., contribuent à la con-
fection des dévotes, mais la grande fai-
seuse est l'instruction. Oui, mais Y Uni*
vers ne l'entend pas de la même fa-
çon que moi. Pour lui, s'il y a plus
de dévotes que de dévots, ce n'est
pas parce que les hommes sont plus
et mieux instruits que les femmes,
c'est, au contraire, parce que les fem-
mes sont plus et mieux instruites quoi.
les hommes. Exemple, l'enseignement
religieux : « L'enseignement religieusf
des hommes roule sur les matièree
historiques, philosophiques et scientifi-^
ques plutôt que sur la religion. Toi^i
écolier est considéré comme un futûf
libre-penseur. Il faut l'armer contre
l'ennemi, le prémunir contre l'objec^
tion. Cette méthode a un inconvénient.
très grave : elle fait connaître à des in-"
telligences qui les auraient ignorés
longtemps les arguments toujours spé-
cieux, captieux et dangereux de l'im-
piété!. Les jeunes filles sont plus
judicieusement traitées. » On leur dis-
simule les objections, leur manière
d'être mieux et plus instruites consiste
à « ignorer », et c'est de ce que « les
matières scientifiques » leur sont étran-
gères que r Univers conclut que « leur
religion a sa source non dans la erédu";
lité, mais dans la science ».
Il paraît que ce genre de raisonne-
ment est celui qu'il faut aux lecteurs
de Y Univers. C'est leur affaire. La no-
tre est de prendre acte du double fait,
confessé par le pieux journal : 1° les
hommes sont si peu catholiques qu'il
existe des paroisses où la messe du di-
manche n'a que deux hommes : le
prêtre et son clerc ; 20 les dévotes sont
des femmes dont l'instruction ne s'é^
tend pas aux « matières historié
ques et scientifiques », et qu'on a
tenues soigneusement dans « l'ignD.,
rance des arguments » de la libre-pen",
sée. Comme cette ignorance ne peut pas
durer indéfiniment, et comme l'instriie
tion des femmes grandit de jour eai
jour, il résulte de la confession de l'U:'
nivers que le moment est proche où le~
femmes n'inonderont pas plus les por-
tiques que les hommes et où elles
n'empêcheront plus par leur présence
la désertion du temple d'aller jusqu'au
vide et à la désolation. Les cléri-
caux auront hâté ce moment par
leur ambition, par leurs intrigues,
par. leur invasion de la politique, pfi$
leur hostilité à tous les progrès, à toutes
les libertés et à tous les-droits. Mais ils
n'auraient pas avancé l'heure qu'elle
n'en aurait pas moins sonné, car la
temps des dogmes est passé et l'ave^jf
est aux idées.
auguste vacquerïb.
.—————————
LES ON-DIT
On lit dans Y Estafette :
Léon Glaize expose cette année le pprtraîl
de Gérôme. L'excellent artiste a rendu, àv
une fidélité surprenante la figure mâle et cîF
ractéristique du maître.
os ak
Hier, dans l'après-midi, Mlle G., ugé
des modernes Musettes du quartier LatifÇ
bien connue dans les cafés à musique dj
la joyeuse contrée, s'est précipitée par la
fenêtre de son appartement, situé au quai
trième étage d'une maison de le rue Vif*
tor-Cousin. 1
Quand on l'a relevée, elle avait la cuiSSg,
brisée en deux endroits et le pied frac*
turé. On a reconnu en outre qu'avaùt dg
s'élancer dans l'espace elle avait essayé <*$
s'ouvrir les veines des bras.
N° 3291 - Samedi 15 Mars 4879 ~.o mt~ é ro : «t K. — ~tép~rtememts s ta e. 2S Vent&se an 87 — N? 3291
, --
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De 4 à 6 heures du soir
18, BUE DE VALOIS, 18
J.CS manuscrits non insérés ne serontpas rendus
ANNONCES
MM. Ch. LACRANGE, CERF et C*
6, place de la Bourse, 6
Ik
1 .::-¡
LE RAPPEL
,. ,
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
PAU*
Trolé i. 10 »
8iB,mOtI'fl\t;¡'i', 20; »
B^RTTOfrora
Trois mois,;.;:. 13 55
>Six mois.tlri;^» 23 |
., é27 -4
Adresser ÎBiïres et fbéndata
A M. ERNEp
A VERSAILLES
Toute cette séance se résume pour
Í nous dans le mot que M. Madier de
Montjau a prononcé, dans cet admirable
discours, véritable explosion de bon
sens et de raison politique, qui a ter-
miné le débat : « La compromission et
la chute d'un ministère sont regret-
tables; la compromission et la chute
d'une Chambre sont plus que cela. »
En vérité, c'était à croire qu'on rê-
vait, tant l'issue de la journée est ab-
surde ! Il s'agissait des criminels du
Seize-Mai ; et la Chambre a émis deux
votes. Premier vote : ils ne seront pas
mis en accusation, Second vote : ils
ont commis tous les crimes (trahison,
Excitation à la guerre civile). Qui est-ce
,eone qui est mis en accusation, alors,
-%inon la Chambre qui, sachant que les
^accusés sont coupables, et le disant,
f refuse de les frapper ?
1 Que dire de ces juges qui acquit-
tent en constatant que le crime a
été commis et en en désignant les au-
teurs? Quel défi au sens commun ! Il y
a un mélange de ridicule dans la tris-
tesse de' ce dénouement. Et M. Gam-
betta parlait d'un grand jury national !
Singulier jury, qui absout le criminel
en constatant le crime et en refusant
les circonstances atténuantes !
arm
Passons sur les excentricités de MM.
Lenglé et Baudry-d'Asson. Nous avons
: hâte d'arriver aux choses sérieuses,
i si l'on peut accorder ce nom aux étran-
ges plaidoyers que nous avons enten-
dus — contre la mise en accusation.
M. Léon Renault a parlé le premier.
Nous faisons tout de suite, à propos de
l'honorable orateur du centre gauche, la
réflexion que l'on peut étendre à tous
ceux qui ont parlé dans le même sens.
Contre la mise en accusation, il n'exis-
tait pas une raison plausible. Il serait
donc injuste de juger les orateurs sur
les discours qu'ils ont prononcés en ce
sens. Trahis par l'évidence, ils devaient
rester au-dessous d'eux-mêmes.
Aussi nous avons eu un spectacle
nouveau qui, espérons-le, ne se repro-
duira plus. Trois orateurs successive-
ment sont venus dire : « Nous ne con-
testons pas que les accusés n'aient violé
toutes les lois. Cela dit, nous soutenons
qu'il ne faut pas leur faire de procès. »
Si jamais thèse immorale et absurde
fut soutenue^ c'est bien celle-là. Eh
bien ! on la produisit, on la répéta à
satiété. M. Waddington après M. Léon
Renault, M. Lepère après M. Wad-
dington, ont osé le défendre. C'était à
se demander s'il existait encore, dans
notre pauvre pays de France, quelque
idée de ce qu'est la loi.
Comment! on voulait soustraire les
malfaiteurs du Seize-Mai à la justice,
— et l'on n'a même pas eu la pudeur
de feindre de les croire innocents! On
a dit audacieusement : ils sont coupa-
bles, et nous les absolvons ! On a eu la
prétention de les flétrir après les avoir
acquittés! Telle est la page que la ma-
jorité du ministère a écrite dans nos
annales parlementaires.
%vr0a
M. Léon Renault est un homme fort
intelligent; mais l'intelligence la plus
déliée aurait usé ses ressources à une
pareille tâche. L'orateur a la parole
facile, j'allais dire trop facile. C'est de
l'improvisation, quelquefois un peu
trop de l'improvisation de palais; au
moins dans cette affaire criminelle, où
l'on ne pouvait guère être que l'avocat
d'une cause perdue.
M. Renault a commencé par dire qu'il
ne recherchait pas si les lois avaient
été violées, ni s'il y avait eu complot :
cela pourrait suffire. Il discute la ques-
tion de savoir si les ministres du i7m%i
et du 23 novembre doivent être mis en
accusation pour violation des lois et
complot, et précisément c'est le sujet
du débat qu'il laisse de côté.
Quels arguments donne-t-il donc?
Que, pour faire un procès politique, il
faut un intérêt certain, indéniable ! Il
paraît que l'intérêt des lois violées ne
suffit plus pour mettre la justice en ac-
tion.- Voilà ce qui se dit en France au
'dix-neuvième siècle. Il fait remarquer
'qu'il n'a été question de procès, ni dans
le Message du 14 décembre, ni dans le
courant de 1878, et il oublie que, dès
1877, la Chambre avait donné mandat
à une grande commission d'enquête de
:.voir s'il y avait matière à poursuites, et
qu'en conséquence elle n'avait plus qu'à
attendre les conclusions de cette com-
mission. Il craint qu'on n'ait eu l'air
d'attendre un Sénat disposé à condam-
ner quand même, alors que le grand
argument donné ces jours-ci était que
le Sénat acquitterait quand même. Et
il parle de tribunaux politiques sus-
pecte, parce qu'ils sont choisis exprès !
g osa a|re cela après sept ans de procès
jugés par des conseils de guerre, d'où
les juges étaient expulsés au premier
symptôme d'indulgence I
Enfin, il nous parle de l' « agitation»
que le procès va causer. Il nous montre
:les recherches faites régiment par régi-
ment, compagnie par compagnie. C'est
se moquer des gens. Il semble, à
l'entendre, qu'on va interroger tous
les sergents de l'armée ! — Argument
d'avocat. On dit cela à des juges, quand
on sait qu'ils dorment. On ne le dit
pas à un public éveillé, qui sait bien
qu'il ne - se fera rien de pareil.
J'insiste sur cette partie de la dé-
monstration (?) de M. Léon Renault.
Elle est importante. Vous accusez des
ministres, dit-il, vous allez avoir à in-
terroger les employés des administra-
tions, les officiers de l'armée : par res-
pect pour les nécessités de gouverne-
ment, étouffez l'affaire ! Vous voyez la
portée du raisonnement. Il aura la
même valeur toutes les fois qu'on aura
à accuser des ministres. Ce que M. Re-
nault formulait, c'est l'impunité des
gouvernants au nom de la raison
d'Etat : c'est, en fait, l'inégalité devant
la loi.
Et c'est, en réalité, ce que la Cham-
bre a voté. Après l'impunité du Seize-
Mai, il n'est rien qu'on ne puisse se
permettre au pouvoir, puisqu'une Cham-
bre républicaine est désarmée par cet
argument: Oui, les accusés sont cou-
pables, mais vous bouleverseriez l'ad-
ministration en recherchant et en pu-
nissant leur crime I
.¥.
La majorité de la Chambre s'est dé-
cidée par cet unique motif : la néces-
sité de ne pas renverser le ministère.
M. Renault défendait donc le cabinet :
il le défendait d'une singulière façon.
« La France attend encore, dit-il, le
gouvernement énergique, résolu, qui
lui donnera ce qu'elle désire »., et un
instant après, il parlait de M. Dufaure
dont on n'a jamais si bien senti le mérite,
ajoutait-il, que depuis qu'il n'est plus
là. Gétait dire assez galamment que la
place où M. Waddington était assis pa-
raissait vide. Cette opinion peut se
défendre; mais celui qui la défend
ne soutient pas très efficacement le ca-
binet..
Il est certain qu'après cela, M. 'Léon
Renault accorde quelques témoignages
d'amitié au gouvernement. Voilà une
amitié qui n'est pas très élogieuse.
L'orateur du centre gauche en est resté
à M. Dufaure, — qui, d'après l'histoire
(telle qu'il l'écrit) est le vrai fondateur
de la République. — Je ne discute pas
cette historiographie modérée et con-
servatrice; je me borne à la noter,
parce qu'elle indique la politique de
M. Léon Renault.
Le ministère a toutes ses sympathies
sans doute, mais il ne réalise pas assez
l'idéal, qui est la République Dufaure.
Ah! si on nous la rendait? Et quel sera
cet on? Pourquoi pas M. Léon Re-
nault ?
ea
M. Brisson répondit à M. Léon Re-
nault, M. Waddington répondit à M.
Brisson. Etait-ce pour faire dire à son
ami, qui venait de déclarer vacante la
place où le ministre était assis, que la
tribune à laquelle ce même ministre
parlait semblait inoccupée? Nous sa-
vons toute l'estime due à M. Wadding-
ton, à son caractère droit, à sa parole
correcte et mesurée. Mais enfin, est-ce
là le président du premier ministère de
la République ? J'ai envie de rayer cette
question, qui ressemble à une épi-
gramme.
M. Waddington apportait des papiers
qu'il a étalés à la tribune, et lus, je
crois. Ces papiers semblaient prendre un
malin plaisir à s'envoler ; M. Wadding-
ton se penchait pour ressaisir les fuyards,
que les secrétaires assis au-dessous de lui
rattrapaient et lui rendaient : c'était de
la pêche plutôt que de l'art oratoire.
Hélas ! si les papiers s'envolaient, les
raisons s'envolaient encore bien plus,
et M. Waddington avait beau faire le
plongeon, et montrer ses épaules plus
souvent que sa figure, il ne les rattra-
pait pas.
Le ministre a un caractère anglais
très prononcé dans sa large figure
bonne, honnête et froide. Et l'impres-
sion était qu'il avait apporté avec lui,
autour de sa redingote, un morceau
des brouillards de Londres. La lumière
de son éloquence s'éteint comme un
modeste réverbère au milieu de cette
brume glacée. On a envie de battre la
semelle quand on l'entend depuis quel-
ques minutes.
Il paraît que, le crime des hommes
du Seize-Mai étant indiscutable, il ne
faut pas poursuivre, à cause de l'Expo-
sition universelle et à cause de la Lote-
rie, à cause de l'industrie et de l'agri-
culture. « Faut de l'engrais M, dit un
personnage de la Cagnotte. Et M. Wad-
dington ajoute : il ne faut pas de pro-
cès. Autant le guano est utile à la terre,
amtani la mise en accusation de M, de
Biwjie lui serait nuisible.
aut écarter, dît à la fin M. Wad -
dington, de la route de la République
ce dernier reste de nos discordes civi-
les. » — Il paraît que mille ou deux
mille déportés et exilés, Rochefort, A.
Arnould hors de France à perpétuité.
cela ne compte pas comme le « reste de
nos discordes civiles ». Et les mêmes
ministres qui ont déclaré qu'ils ne vou-
laient rien effacer di* but ni des actes
de l'insurrection de 1871, disent à pro-
pos de seize ministres : Effaçons ce
dernier reste de nos discordes civiles.»
.fII.
M. Lepère a été le troisième orateur
dans le sens du gouvernement; il a rap-
pelé, en termes touchants, les liens de
sympathie qui l'unissaient aux partisans
de la mise en accusation. C'est au nom
de cette solide amitié qu'il demandait
un vote de confiance. On a été vive-
ment ému de ces paroles, prononcées
avec sa sincérité et son talent habituels;
mais il devait sentir lui-même que'
c'étaient là des raisons d'un caractère
nouveau dans un semblable débat.
Je n'insiste pas sur le reste de la dis-
cussion. Le grand talent oratoire de
M. Lepère, talent simple, discret, fait
de justesse d'esprit et d'à-propos, était
moins propre peut-être que tout autre
à masquer ici l'inanité des arguments.
Ses qualités de clarté elles-mêmes le
desservaient. Les raisons très faibles
invoquées contre la mise en accusation
ont besoin du demi-jour, et même de
l'obscurité la plus complète, pour que
leur insuffisance ne saute pas aux
yeux.
L'attitude de la Chambre, pendant
ces trois discours, était tout à fait frap-
pante. Là majorité restait glaciale. A
de certains moments, de gros murmu-
res éclataient, dans la gauche le plus
souvent, jusqu'au centre quelquefois.
M. Léon Renault a trouvé, pour la pre-
mière fois, un public d'une froideur
extrême. A peine quelques grêles ap-
plaudissements ont-ils fait long feu
quand il est descendu de la tribune. On
ne l'avait pas applaudi pendant son
discours.
M. Waddington a beau être le prési-
dent du conseil : il n'a pas été mieux
reçu. Seulement, il n'a pas la parole
facile et brillante de l'orateur du centre
gauche. Il se mêlait je ne sais quoi de
douloureux à son insuccès. Les rares
claquements de mains qui ont claqué
deux ou trois fois dans un petit coin
du centre semblaient des bravos de con-
doléance. M. Gambetta, nageur her-
culéen dans les vagues parlementaires,
avait, au-dessus de lui, à son fauteuil
de président, l'air d'un professeur de
natation qui ne peut plus repêcher
son élève.
M. Lepère était et restera l'un des
hommes les plus justement chers aux
républicains. Eh bien, il n'a pu se
soustraire lui -même aux murmures;
et, chose significative, quand la gauche
murmurait, le centre ne réagissait pas.
Il y avait je ne sais quoi de triste sur
tout ce débat. '{In auditeur fort spiri-
tuel, qui quitta la séance avant la fin,
dit à son voisin • « Je retourne à Paris.
Je n'ai pas le temps d'aller jusqu'au ci-
metière. »
Et en effet, la Chambre semblait sen-
tir vaguement elle-même qu'elle suivait
son propre convoi. Et c'est ce qui per-
met de mesurer la faiblesse de cette
majorité : elle a voté, et elle murmurait
contre son vote. MM. Brisson, Floquet,
Madier de Montjau étaient applaudis
par ceux qui se sont prononcés contre
eux. On ne s'immole pas plus résolu-
ment.
..s
M. Brisson a répondu à M. Renault.
M. Brisson apporte à la tribune de
grandes qualités de gravité et d'auto-
rité : une force rare d'argumentation,
une élévation incontestable, une net-
teté singulière, un talent qui n'a d'au-
tre passion que la passion austère de la
conviction. Il a l'honnêteté éloquente.
Son discours a produit un grand effet.
Il était plein de faits et de bonnes rai-
sons.
Il a montré avec une grande vi-
gueur combien l'intervention du gou-
vernement était incorrecte. Mais il a
surtout été accablant, quand, ajoutant
aux documents déjà mentionnés, ceux
dont le Rappel a publié ce matin
l'analyse, il a montré dans toute
son évidence la tentative d'un coup
d'Etat. Il y aura à revenir sur ces pièces
capitales pour notre histoire. Oui, un
complot a été préparé pour inonder
nos rues de sang, pour égorger la loi.
et c'est ce complot que la Chambre a
acquitté aujourd'hui, en considération
de la loterie !
je Ir ai
M. Floquet, qui a succédé à M. Wad-
dington, a prononcé un très beau dis-
cours. M. Floquet a la parole ample,
la parole énergique, le large et puis-
sant mouvement qui constituent l'ora-
teur. Il a fait preuve une fois de plus
de ces grandes qualités.
La démonstration était d'une grande
force. Il était impossible de mieux
prouver gué la Chambre démettait
tout son passé en repoussant la mise en
accusation. Elle a nommé une commis-
sion d'enquête, elle a frappé les élus
des candidatures officielles, elle exige
la destitution des agents subalternes du
Seize-Mai, et quand elle arrive aux
grands coupables. faut-il dire qu'elle
pardonne ? — Non, elle abdique. Ce
qu'elle fait n'a pas de nom, parce que
c'est sans précédents.
Elle répudie tous ses actes et elle fait
cela devant les victimes des persécu-
tions du Seize-Mai. M. Floquet a trouvé
des accents d'une grande éloquence
pour rappeler aux députés tous les
pauvres, tous les modestes, tous les
petits qui se sont sacrifiés pour les
faire élire. Que leur devait-on? Rien
que l'exécution Aes lois. Et les députés
nommés ont oublié tous ceux qui s'é-
taient sacrifiés pour eux ! Ils viennent
de déclarer qu'il n'y pas lieu d'appli-
quer les lois aux auteurs des persécu-
tions !
?
Même après ces deux beaux discours,
nous attendions encore le cri de la rai-
son indignée que devait soulever cet
amas d'absurdités immorales. Ce cri,
c'est M. Madier-Montjau qui l'a poussé.
Jamais il n'avait été si puissamment
inspiré, même le jour où, parlant de la
magistrature, il avait réuni la majorité
républicaine entière dans un élan una-
nime.
C'est avec une émotion profonde
qu'on a entendu cet appel passionné, —
cet appel, non pas aux passions de ven-
geance, mais à la saine passion de la
loi et de la raison politique. M. Madier-
Montjau montait à la tribune quand
l'Assemblée, déjà lasse, avait à peine la
force d'entendre. L'heure lui comman-'
dait d'être bref. En quelques secondes,
il avait ressaisi les attentions ; en
quelques moments, il avait terminé un
magnifique discours.
Chaque mot portait : et dans chacun
des arguments, il y avait une irrésis-
tible explosion d'indignation contre
l'absurdité. Il y a là des paroles dignes
de rester. Une d'elles résume toute la
question. L'orateur rappelait qu'après
avoir avoué que les hommes du,Seize-
Mai étaient criminels, on avait ajouté :
Ne les jugez pas. « Qui donc, s'écria-t-il,
ose dire cela, dans un pays où il y a
des lois? »
Des bravos nourris ont éclaté quand
il est descendu de la tribune. On est
venu le féliciter de toute la gauche.
Hélas ! sa parole si loyale, son appel si
chaleureux à l'union des gauches de-
vaient rester sans écho! ,
$â»
Peu de temps après, la mise en accu-
sation était repoussée.
Aussitôt, M. Rameau montait à la
tribune pour proposer et pour lire l'or-
dre du jour annoncé. C'est par là que
la Chambre comptait se tirer de sa triste
attitude !
M. Rameau l'a soutenu par des phra-
ses entortillées. La chose était piteuse;
l'aspect de cet homme de bien, juste-
ment estimé, fort maigre au physique,
tout en longueur, et penché comme une
tige qui a trop poussé, avait aussi quel-
que chose de mélancolique. Il lisait
en lui-même : M. Gambetta, qui a pré-
sidé la séance avec impétuosité, lui a
pris le papier des mains, et s'est mis à
le lire.
Je ne m'arrête pas aux objections de
forme. C'était contraire au règlement.
Il a fallu que ce triste morceau de litté-
rature parlementaire, d'abord résolu-
tion, se fit ordre du jour. M. Boysset a
excellemment expliqué ce qu'il y avait
là d'incorrect. Le bonapartiste Caze^ux a
présenté aussi des observations de pro-
cédure. Mais une considération plug<
forte %'imposait à tous les esprits.
Comment 1 voilà une Chambre qui
vient d'absoudre les hommes du
Seize-Mai, et aussitôt après, à une
heure de distance, elle déclare :
« Que les ministres du 17 mai et du
23 novembre, ont. trahi le gouverne-
ment, qu'ils avaient foulé aux pieds les
lois et les libertés publiques et n'ont
reculé, après avoir conduit la France à
la veille de la guerre civile, #que devant
l'indignation et les viriles résolutions
du pays ! »
Mais alors, que penser de la Cham-
bre qui a absous ces traîtres et ces vio-
lateurs des lois ? A quelle mesure me-
surer sa faiblesse ? Dans quelle balance
peser son respect de la légalité? — Si
les ministres du Seize-Mai ont violé les
lois, la Chambre les a livrées !
Si Bridoison avait fait partie de la
majorité, il aurait pu répondre à ses
collègues : « On ne se dit pas de ces
choses-là à soi-même. »
Et la Chambre invite le ministère à
faire afficher « dans toutes les com-
munes de France » ce témoignage de
son renoncement!
Ne dirait-on pas un de ces vieillards
du théâtre Molière, qui grossissent la
voix pour cacher leurs faiblesses?
S'il ne restait plus aux élus du 44 6
tobre assez de virilité pour assurer le
respect des lois, -7, au moins n'était-ce
pas à eux de dire qu'ils les laissaient
violer impunément. Il y avait, dans
une pareille contradiction quelque chose
d'étrange, qu'un pouvoir soucieux de
sa dignité devait éviter.
Nos amis ont essayé d'épargner à la
Chambre le :vote qu'elle allait rendre
contre elle-même. M. Clémenceau a
demandé l'ordre du jour pur et simple.
Cet ordre du jour, auquel la droite s'est
associée par force (elle ne pouvait pas
plus flétrir ces ministres qu'elle ne
pouvait les condamner), a été repoussé
à une faible majorité.
Et c'est le rôle que la Chambre a pris ,
devant l'histoire : déclarant les minis-
tres coupables et les absolvant. Et je
demande ce que devient i'égallté devant
la loi.
Il y a deux sortes de coupables : ceux
du commun": on les traduit devant les
conseils de guerre ; on jette les journa-
listes au bagne, on jette dans l'exil et
dans la déportation des milliers de mal-
heureux, jusqu'aux plus humbles, aux
plus obscurs soldats de l'insurrection.
Et puis, il y a les coupables qui sont
ducs ou qui ont été ministres : ceux-là,
on les livre « au jugement de la con-
science publique ».
Pardon! ils y étaient déjà livrés.
et nous savons combien ils s'en mo-,
quent!
CAMILLE PELLETAN.,
11 ■■■■m ——i
VIDE ET DÉSOLATION ;;
Combien de fois n'ai-jo pas lu dans
l'es journaux de sacristie qu'il se pro-
duisait en, France un mouvement reli-
gieux qui croissait de jour en jour; que
la libre-pensée pouvait commander son
enterrement civil; qu'on n'avait qu'à
sonner une cloche pour qu'aussitôt du
xemple orné partout de festons magnifi-
ques le peuple saint en foule inondât les
portiques, etc. ? Peuple de femmes?
Et d'hommes, s'il vous plaît! Aux
messes, aux vêpres, aux sermons, les
hommes abondaient, pas seulement les
enfants, pas seulement les vieux, les
hommes de tout âge, adolescents, céli-
bataires, maris, tous, tous, tous! Et les
journaux de sacristie disaient cela avec J
tant d'aplomb que j'aurais peut-être fini
par le croire presque, dans bien long-
temps.
Et tout à coup voici ce que je lis :
« Dans certaines paroisses, le sexe fort
n'est guère représenté à la messe du
dimanche que parle prêtre et son clerc.
Heureusement, les mères, les épouses,
les sœurs, les filles des indifférents sont
là, empêchant par leur présence la dé-
sertion du temple d'aller jusqu'au vide
ot à la désolation ».
Et où est-ce que je lis cela? Dans un
journal de sacristie. Dans VUnivers.
Quoi! c'est là ce mouvement qui en-
traîne le sexe fort aussi bien que le
sexe faible? Quoi! c'est ainsi que les
hommes, pas seulement les enfants,.
pas seulement les vieux, les hommes
de tout âge, adolescents, célibataires,
maris, tous, tous, tous, se précipitent
aux églises? La messe du dimanche,
pas la messe de la semaine, pas la pe-
tite messe, la grande, la messe du di-
manche n'a souvent pour tous mâles
qite le prêtre et son clerc! Le temple,
qui avec les femmes est déjà le désert,
sans elles serait le vide !
Il va sans dire que, si Y Univers fait
cet aveu, ce n'est pas uniquement pour
le plaisir de le faire. C'est surtout pour
en conclure que les femmes sont supé-
rieures aux hommes.
Nous sommes de ceux qui professent
l'égalité des hommes et des femmes.
Mais quand même nous pousserions la
galanterie jusqu'à reconnaître les fem- i
mes pour nos supérieures, nous accor-
derions difficilement que leur supério-
rité fût d'aller à la messe.
Si ce n'était pas par supériorité que
les femmes vont à la messe, pourquoi
serait-ce donc? demande le journal
dont M. Louis Veuillot fut l'écumoire
en chef. Direz-vous que « c'est parce
que les femmes sont plus crédules que
les hommes»? Vous seriez « impolis ».
Parlerez-vous de « sensiblerie » et de
« sentimentalisme » ? Expliquerez-vous
« les sentiments religieux de la femme
par son tempérament et son organisat-
ion, auxquels répondraient les ten-
dresses de la religion catholique » ? —
« Le catholicisme n'est pas tendre ! w
s'écrie l'Univers. Et il cite « les ter-
reurs du jugement, les flammes in
tinguibles de l'enfer », etc. Et H
pourrait citer la Saint-BarthélemYf!
les dragonnades des Cévennes, les bûu*.
chers des inquisitions. « Sont-ce là dûs
séductions pour les femmes ? » Nonj-
Univers. Mais d'abord, on ne prend pa^
le sexe faible que par la séduction, on'
le prend encore par l'intimidation. La
peur de l'enfer a fait autant de dévote#
que l'espoir du paradis. Ensuite, il n'y
a pas dans le catholicisme que les ter4
reurs et les flammes inextinguibles, il
y a la crèche, le petit Jésus dans les!
bras de sa mère, le jour tamisé par lés
vitraux des églises, les cierges, W
chants, l'orgue, l'encens, etc. Cela sufjjj
firait à expliquer pourquoi il y a infinif
ment plus de dévotes que de dévots.
Ce n'est pas pour cela, réplique lé.
pieux journal. C'est parce qu'on instruit
différemment les hommes et les fenn
mes. J'allais le dire. L'encens, l'orguey
les chants, etc., contribuent à la con-
fection des dévotes, mais la grande fai-
seuse est l'instruction. Oui, mais Y Uni*
vers ne l'entend pas de la même fa-
çon que moi. Pour lui, s'il y a plus
de dévotes que de dévots, ce n'est
pas parce que les hommes sont plus
et mieux instruits que les femmes,
c'est, au contraire, parce que les fem-
mes sont plus et mieux instruites quoi.
les hommes. Exemple, l'enseignement
religieux : « L'enseignement religieusf
des hommes roule sur les matièree
historiques, philosophiques et scientifi-^
ques plutôt que sur la religion. Toi^i
écolier est considéré comme un futûf
libre-penseur. Il faut l'armer contre
l'ennemi, le prémunir contre l'objec^
tion. Cette méthode a un inconvénient.
très grave : elle fait connaître à des in-"
telligences qui les auraient ignorés
longtemps les arguments toujours spé-
cieux, captieux et dangereux de l'im-
piété!. Les jeunes filles sont plus
judicieusement traitées. » On leur dis-
simule les objections, leur manière
d'être mieux et plus instruites consiste
à « ignorer », et c'est de ce que « les
matières scientifiques » leur sont étran-
gères que r Univers conclut que « leur
religion a sa source non dans la erédu";
lité, mais dans la science ».
Il paraît que ce genre de raisonne-
ment est celui qu'il faut aux lecteurs
de Y Univers. C'est leur affaire. La no-
tre est de prendre acte du double fait,
confessé par le pieux journal : 1° les
hommes sont si peu catholiques qu'il
existe des paroisses où la messe du di-
manche n'a que deux hommes : le
prêtre et son clerc ; 20 les dévotes sont
des femmes dont l'instruction ne s'é^
tend pas aux « matières historié
ques et scientifiques », et qu'on a
tenues soigneusement dans « l'ignD.,
rance des arguments » de la libre-pen",
sée. Comme cette ignorance ne peut pas
durer indéfiniment, et comme l'instriie
tion des femmes grandit de jour eai
jour, il résulte de la confession de l'U:'
nivers que le moment est proche où le~
femmes n'inonderont pas plus les por-
tiques que les hommes et où elles
n'empêcheront plus par leur présence
la désertion du temple d'aller jusqu'au
vide et à la désolation. Les cléri-
caux auront hâté ce moment par
leur ambition, par leurs intrigues,
par. leur invasion de la politique, pfi$
leur hostilité à tous les progrès, à toutes
les libertés et à tous les-droits. Mais ils
n'auraient pas avancé l'heure qu'elle
n'en aurait pas moins sonné, car la
temps des dogmes est passé et l'ave^jf
est aux idées.
auguste vacquerïb.
.—————————
LES ON-DIT
On lit dans Y Estafette :
Léon Glaize expose cette année le pprtraîl
de Gérôme. L'excellent artiste a rendu, àv
une fidélité surprenante la figure mâle et cîF
ractéristique du maître.
os ak
Hier, dans l'après-midi, Mlle G., ugé
des modernes Musettes du quartier LatifÇ
bien connue dans les cafés à musique dj
la joyeuse contrée, s'est précipitée par la
fenêtre de son appartement, situé au quai
trième étage d'une maison de le rue Vif*
tor-Cousin. 1
Quand on l'a relevée, elle avait la cuiSSg,
brisée en deux endroits et le pied frac*
turé. On a reconnu en outre qu'avaùt dg
s'élancer dans l'espace elle avait essayé <*$
s'ouvrir les veines des bras.
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