Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-01-30
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 janvier 1880 30 janvier 1880
Description : 1880/01/30 (N3612). 1880/01/30 (N3612).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7530281k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/08/2012
Kc 3612 — Vendredi 30 Janvier 1880 3Le iniméJM* * fO e. -.;. 0éf»kiptemei&ta * fi5 c. io Pluviôse an 83 — NI 3312
RÉDACTION ,
£ '^re^er au Secrétaire de la Rédaciioft
t
De k à 6 heures du soir
RUE DE VALOIS, 18
les manuscrits non insérés ne seront pas rendue
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et Li
6, place de la Bourse, 6
iBMIMÏSÏRATiOM
18, SUE DS VALOIS, 12
OHÏS S EUES T S
PARIS 1 DÉPARTEMENTS
Trois mois. 10 » j Trois mois 13 50
Six mois 20 » Six mois. 21 41.
Adresser lettres et mandat?
A M. ERNEST LEFÈVRE
ABU ISït AXKU B-GliBAIST
LEUR NICOLAS
On ne lit pas les journaux pieux. On
a tort. Montaigne aimait Paris jusque
dans ses verrues; moi, j'aime VUnivers
jusque dans ses revues. J'ai sous les yeux
une revue que Y Univers s'ajoute, ne se
jugeant pas suffisant, et où je trouve
des choses bien intéressantes, à com-
mencer par la biographie d'un chanoine
que M. Léon Aubineau appelle « notre
Nicolas ». Cette biographie est l'œuvre
d'un mort-dont elle n'est pas l'œuvre,
car celui qui a légué des notes à ses
enfants et petits-enfants ne s'est pas
- dissimulé qu' « un document intime a
toujours besoin d'un peu de toilette
pour passer sous là presser. La toi-
lette du document a été faite par un
Léon qui n'est pas Aubineau, mais qui
le vaut, par M. Léon Pigeotte, « dont
- l'érudition solide et sincère est nourrie
par le cœur ».
Le Nicolas des deux Léon, Nicolas-
Zacharie Simonnot, entra au petit
séminaire de Troyes au moment où
l'évêque du diocèse, « I.-Bénigne
Bossuet, un des plus tristes prélats du
dix-huitième siècle » (tiens ! il peut
donc y avoir de tristes prélats ?) « avait,
pendant une longue administration de
vingt-cinq années, perverti dans la
moelle cette belle et antique église »
(comment ! une église peut donc être
pervertie, et dans la moelle!). La
moelle de Nicolas risquait elle-même
d'être pervertie, car le petit séminaire
était, lui aussi, un triste séminaire :
les professeurs étaient «. des hommes
recommandables par la régularité de
leur vie et possédaient dans un degré
éminent le. talent de former le cœur aux
bonnes mœurs») mais il se passait dans
le petit séminaire une chose effroya-
ble : « on y lisait publiquement le Gus-
tin »! Le Gv s tin? Oui. C'est ainsi que le
biographe de Nicolas « désigne le fa-
meux Augustinus de Jansenius H, et ce
qui m'étonne, c'est qu'il ne dise pas :
le Gugusse.
Nicolas (bon! voici que j'entends
Jacquinet chanter : ah! ah! ah!) resta
trois ans « dans ce séminaire de pesti-
lence » (les séminaires peuvent donc
être des lieux d'infection, bon Aubi-
neau?). Un curé ami de sa famille s'alar-
ma de ce qu'il allait devenir entre les
mains de « ces artisans de mensonge »,
les prêtres du séminaire, et, pour l'ar-
racher au péril, sa mère « l'envoya à
.Paris, écueil des jeunes gens ». Mais
« l'air contagieux qu'on respire à Paris
ne flétrit point l'âme de Nicolas » (tais-
toi donc, Jacquinet!)
Chose étrange ! même arraché au
séminaire de pestilence, Nicolas ne fut
pas convaincu immédiatement que
« des hommes recommandables par la
régularité de leur vie et qui possédaient
dans un degré éminent le talent de
former le cœur aux bonnes mœurs »
fussent « des pervertisseurs de la jeu-
nesse ». Nicolas « ne trouva, la lumière
et ne reconnut le danger où sa foi avait
été exposée que lorsque la Providence
l'eut fait admettre dans la petite com-
munauté de Saint-Sulpice ». Pendant
deux ans, « ses préjugés luttèrent
contre la lumière » et « des doutes in-
quiétants fermentèrent dans son es-
prit » ; mais au bout de deux ans, il
reconnut que les prêtres de la petite
communauté étaient « des hommes
dignes des premiers siècles » et que les
prêtres du petit séminaire étaient les
derniers des empoisonneurs.
Quand il fut comme on le voulait, on
le réexpédia à Troyes. « L'indigne Bos-
suet » ne pourrissait plus le diocèse, et
son successeur, Mathias Poncet de la
Rivière, faisait tout ce qu'il pouvait
pour le guérir. Mais c'était le mo-
ment de la bataille sur Jansenius. Le
fond de la question était que les jansé-
nistes demandaient pourquoi le clergé,
monstrueusement riche, ne payait
pas d'impôts. La réponse de l'arche-
vêque de Paris avait été le refus des sa-
crements aux mourants qui ne crache-
raient pas sur Jansenius. Je me serais
passé des sacrements, mais c'était avant
la Révolution. L'Eglise et le Parlement
en vinrent aux mains. Le roi intervint
pour les séparer, mais personne ne
l'écoula, et il eut beau se fâcher et
frapper tantôt l'un et tantôt l'autre, il
n'y gagna que de recevoir lui-même
pas mal de coups.
Mathias Poncet se battit bravement.
Et « notre Nicolas » lui fut un rude
auxiliaire. Vicaire d'abord, il eut bien-
tôt la cure de Sairit-Remy, puis celle
de la Madeleine. « C'étaient des postes
de combat. Curé de Saint-Remy, il vit
ses deux vicaires décrétés de prise de
corps. » Puis, le décret fut pour lui. Il
n'eut que le temps d'échapper à « la
rage » du bailliage ; on ne saisit que
ses meubles, qui furent vendus reli-
gieusement. L'évêque crut le sauver
en le nommant chanoine, mais « le
chapitre était en grande partie com-
posé de schismatiques », il fallut l'in-
tervention, à deux reprises, d'un mi-
nistre pour l' « imposer », et, une fois
imposé, « il fut dans le chapitre comme
une brebis galeuse ». Ce n'était que le
commencement de ses «tribulations ».
Son protecteur ne tarda pas lui-même
à avoir besoin d'être protégé. La
« rage » du bailliage mordit l'évêque.
Amende, saisie et vente du mobilier.
L'évêque en appela au roi, dont la ré-
ponse fut une lettre de cachet qui exi-
lait l'évêqué.
Privé de son évêque, leur Nicolas
n'était plus en sûreté. Il était d'ailleurs
sous le coup d'un second décret de
prise de corps, dont son évêque même
aurait eu du mal à le tirer, car cette fois
c'était un décret du lieutenant criminel.
Il quitta l'habit ecclésiastique, endossa
un pourpoint vert, se coiffa d'une per-
ruque à bourse, ceignit une épée, prit
un faux nom, et l'ex-chanoine Nicolas-
Zacharie Simonnot fut le chevalier de
la Guerche. Sous ce déguisement et
sous ce faux, il s'évada do Troyes et
« se dirigea vers la ville du pape ». Un
détail qui m'afflige, c'est qu'à un en-
droit « on le prit pour un de la bande à
Mandrin ». J'aurais cru que la consé-
cration imprimait aux prêtres un ca-
ractère indélébile. Je suis triste d'ap-
prendre qu'il suffit à un prêtre de quit-
ter l'habit ecclésiastique et de se costu-
mer d'une certaine façon pour qu'on
lui dise : - Je te reconnais, tu es un
bandit !
Il revint l'année suivante, toujours
en pourpoint vert, non pas à Troyes,
mais à Paris, où il se cacha chez des
religieuses, qui cachaient déjà une de-
mi-douzaine de prêtres champenois et
deux ou trois du diocèse d'Orléans,
décrétés de prise de corps comme Ni-
colas. Car, dit M. Aubineau, « c'était
vraiment un temps de persécution ».
Et il le prouve en ajoutant que l'évêque
de Troyes, qui n'avait été exilé qu'à
Méry-sur-Seine, n'y fut pas laissé : «un
exempt royal vint prendre le prélat à
Méry pour le conduire en Alsace ».
L'archevêque de Paris lui-même, rentré
d'exil le leï octobre, y était renvoyé
trois mois après. — Le reste de la vie
de Nicolas offre peu d'intérêt. Il put,
quelque temps après, quitter le pour-
point, la perruque et l'épée, et redeve-
nir de chevalier chanoine. Mais; « il se
trouva sans défense en face des schis-
matiques du chapitre ». De 1770 à
1775, « il fut, comme dignitaire, mêlé
personnellement aux troubles de la
cherté des grains M. Ce ne fut qu'au
Concordat que Nicolas, « débris des an-
ciens jours, tout chargé des chevrons
de la gloire sacerdotale », fut tran-
quille dans sa stalle. Il y est mort en
1805,
Je ne veux retenir de ce long récit
qu'une phrase : « C'était vraiment un
temps de persécution. » Quel temps? le
temps de la monarchie. Et pourquoi
les prêtres étaient-ils persécutés? pour
refus des sacrements, c'est-à-dire pour
exercice de leur culto et pour applica-
tion de leur dogme. Et quand la Répu-
blique les laisse libres d'exercer leur
culte et d'appliquer leur dogme comme
ils l'entendent, quand elle les laisse
maîtres dans l'intérieur de leur reli-
gion, quand elle les laisse souverains
dans l'Eglise et qu'elle, se borne à ne
pas vouloir qu'ils envahissent l'Etat,
ils crient à la férocité de la Républi-
que, et ils invoquent contre elle la mo-
narchie qui, pour un dissentiment sur
la confession, exilait les archevêques,
vendait leurs meubles, décrétait les cu-
rés de prise de corps et les réduisait à
s'affubler de perruques et de faux noms
et à se faire ^prendre pour des voleurs !
AI GUSTE VACQUERIE.
————————— .————————
FLÉTRI ET CONTENT
»
On se rappelle certainement encore
le colossal succès de.gaieté qu'obtint le
vote de la Chambre flétrissant les hom-
mes du Seize-Mai. Ceux-ci ne furent
pas les derniers à s'en tenir les côtes.
Ils distribuèrent le numéro de l'Officiel
relatant ce fait comique à leurs en-
fants et petits-enfants, qui en firent, les
uns des cocottes, les autres des petits
bateaux en papier, suivant leurs apti-
tudes. Ils fondèrent, sous le titre du
dhur des flétris, un repas mensuel où
les dames furent admises. Jamais on
n'avait tant ri en France depuis la pré-
sentation solennelle de la Dubarry à la
cour de Louis XV.
Les députés eux-mêmes ne peuvent
s'abuser sur les effets de ce vote hilare
et pantagruélique; cependant, il est
une chose qu'ils étaient hors d'état de
supposer : c'est qu'un de leurs flétris
profiterait de sa flétrissure pour se faire
nommer sénateur.
Deux sièges étant vacants dans le Pé-
rigord, ce pays où les truffes valent
mieux que les électeurs, M. de Fourtou
se porte candidat pour l'un d'eux. Il
est fâcheux que M. de Broglie ait déjà
sa place au Sénat, il se serait porté
pour l'autre. L'attelage eût été com-
! plet.
Quand nous répétions qu'en flétris-
sant les insurgés du 16 mai pour se
dispenser d'amnistier ceux du 18 mars,
l'Assemblée se rendait coupable d'une
mauvaise plaisanterie, nous nous trom-
pions. Rien n'était plus sérieux. M: de
Fourtou se réservait d'exploiter un jour
à son profit le prétendu déshonneur
dont on le couvrait; et ceux qui ont
feint de l'ensevelir sous la honte lui ont
simplement fait une réclame électo-
rale.
Attendons seulement que la période
des élections soit ouverte dans la
Dordogne. Nous allons voir ce joyeux
flétri porter dans toutes les réunions
publiques sa flétrissure à la bouton-
nière. Il s'en parera comme M. Rouher
se parait de la plaque de diamants qu'il
avait reçue de l'empereur. Il la mettra
sur l'oreille ou la montera en épingle,
selon les circonstances, et il est proba-
ble que finalement il lui devra pour
neuf ans une bonne place de dix mille
francs par an. Le candidat, on le de-
vine, ne donnerait pas sa flétrissure.
pour une grosse somme.
Le jour où M. de Fourtou ira s'as-
seoir au Sénat à côté de ses complices
qui y sont entrés avant lui, la Chambre
pourra se dire avec un juste orgueil :
« Voilà mon ouvrage ».
Il était en effet bien évident que, si
un ancien ministre du 16 mai était ja-
mais élu quelque part, ce ne pouvait
; être que dans un département,bonapar-
tiste. Or, aux yeux des bonapartistes,
il n'y avait incontestablement pas de
meilleure recommandation que d'avoir
été déclaré indigne par une majorité
républicaine. Les républicains avancés
qui gênent ceux qui ne le sont pas, on
les prive de leurs droits civiques afin
de les empêcher d'être nommés dépu-
tés. Les monarchistes qui conspirent
contre la République, on a soin, en les
flétrissant, de leur laisser leurs droits
civiques afin qu'ils aient la faculté de
se faire nommer sénateurs. Et les naïfs
qui ont flétri M. de Fourtou comme
bonapartiste sont profondément éton-
nés qu'il ose se présenter aux suffrages
d'électeurs aussi bonapartistes que
lui!
En politique, la Chambre est, cepen-
dant assez âgée pour le-savoir; il y a
des peines afflictives, mais il n'y a pas
de peines infamantes. Il faut être réel-
lement bien. chose, pour s'imaginer
que les réactionnaires de la Dordogne
vont se dire à propos d'un des leurs :
«Ah! s'il n'avait pas été flétri par
des républicains, je le choisirais comme
sénateur ; mais, puisqu'il a été flétri,
je vais en choisir un autre. »
Ce que nous reprochons là à la Cham-
bre, elle le sait aussi bien que nous.
Elle a joué, à propos des saltimban-
ques du 16 mai, une comédie dont elle
va peut-être payer les frais de mise en
scène, mais elle ne pouvait s'illusion-
ner sur cette œuvre puérile. Quand il
s'est agi des accusés de la Commune,
aucun ministre no s'est levé pour de-
mander que la représentatian natio-
nale se contentât de les flétrir par un
vote plus ou moins solennel. On a
commencé par les envoyer sur les pon-
tons d'où ils sont partis pour l'île des
Pins, la presqu'île Ducos ou le bagne
de l'île Nou. Ils y sont même encore.
Cette différence dans les traitements
démontre surabondamment la valeur
que les flétrisseurs attribuent à leur
flétrissure. Quant aux flétris, ils en
fonderaient pour un peu une décora-
tion et octroieraient à leurs amis l'or-
dre de la Flétr issure, comme on ac-
corde chez nos voisins l'ordre de la
Jarretière.
Pour les bonapartistes, M. de Four-
tou n'est pas plus déshonoré par le vote
d'une Chambre républicaine que, pour
-les républicains, Barbès et Raspail ne
l'ont été par les années de prison que
leur ont infligées des magistrats roya-
listes. L'Assemblée n'avait, à l'égard
des promoteurs du 16 mai, que deux
partis à prendre : les traiter par le mé-
pris ou par la cour d'assises. Mais
prendre un parti est précisément la
chose à laquelle elle n'a jamais pu se
résoudre. C'est pourquoi, faute d'avoir
osé faire de M. de Fourtou un con-
damné, elle est en train d'en faire un
sénateur.
Le Sénat se réunit aujourd'hui pour
continuer la discussion du projet Ferry
sur la liberté d'enseignement supérieur.
Auparavant, il doit élire, de deux heures à
trois heures, un sénateur inamovible en
remplacement de M. de Montalivet. On
sait que le candidat unique de la majo-
rité républicaine est M. le docteur Broca,
membre de l'Académie de médecine et de
l'Institut.
Cette élection va présenter un épisode
curieux. Les dissidents du centre gauche,
qui se proposent de voter contre l'article 7
du projet Ferry, veulent se compter à
cette occasion, et ils ont résolu de choi-
sir un candidat qui voterait contre l'ar-
ticle 7 et pour lequel la droite a promis
toutes ses voix.
Il y a eu, en effet, lundi et mardi soir
réunion de ces dissidents chez M. Du-
faure. Ils étaient au nombre de quatorze,
parmi lesquels : MM. le colonel de Cha-
dois, Bérenger, Luro, Corne, de Voisins-
Lavernière, Denormandie, Gouin, Labou-
laye, etc.
Plusieurs noms ont été mis en avant,
notamment ceux de : M. Vacherot, l'ancien
député à l'Assemblée nationale, l'un des
défectionnaires de la République; M. Bé-
tolaud, ancien bâtonnier des avocats; M. le
général de Rivière, remplacé il y a quel-
ques jours dans ses fonctions de directeur
du génie au ministère de la guerre.
Le secret est gardé sur lé choix fait dans
ces réunions; mais on croit généralement
que c'est M. Vacligrot qui sera choisi par
ces dissidents et qui réunira également
toutes les voix de la droite.
Cette triste campagne aura le sort
qu'elle mérite. Il y a au plus 116 voix de
droite, à supposer qu'il n'y ait aucun
absent — ce qui est peu probable — cela
fera en tout 130 voix au maximum pour
M. Yacherot; tandis que M.. lé docteur
Broca est assuré d'en avoir au moins 150
et peut-être 160 si, comme nous l'espé-
rons, tous les sénateurs républicains sont
présents aujourd'hui.
——ni i ■ ———————
L'AMNISTIE 1
Le gouvernement et la Chambre sont
à la veille de commettre une lourde
faute. Ce n'est pas la première et,
malheureusement, nous ne pouvons
pas espérer que ce soit la dernière. De
la discussion des bureaux, que nous
avons publiée hier, et de l'attitude des
ministres qui ont eu l'occasion de
prendre la parole, il résulte, avec trop
d'évidence, que le cabinet et la majo-
rité s'obstinent, par crainte de périls
imaginaires, à fermer les yeux sur des
dangers très réels et très menaçants.
Cette attitude, qu'on a la modestie de
[ proclamer sage et politique, n'étai(
assurément pas tout à fait imprévue
mais ce qui a été une véritable sur-j
prise pour nous, et ce qui ne peut
manquer d'en être uno pour le pays,
c'est la pauvreté sans égale, l'incohé-t
renco des arguments souvent contrat
dictoires, opposés aux partisans da
l'amnistie par les adversaires de cetts
grande mesure d'apaisement. On en va(
juger.
Parlons d'abord de M. Tirard, mi4
nistre du commerce, dont la déclarai
tion avait été, dit-on, délibérée en con-
seil le matin même. M. Tirard, qui
aurait peut-être des raisons person-<
nelles d'être plus indulgent pour laf
Commune, ne veut de l'amnistie à au":
cun prix. C'est son affaire, et nous né
suspectons pas sa sincérité. Mais quli
dit ce Parisien qui doit avoir vu daf
près, non-seulement l'insurrection quI
voulait faire de lui son représentant
mais les massacres qui suivirent la dé-
faite de ses collègues d'un jour et la
longue et terrible répression des con-
seils de guerre? M. Tirard estime
qu'une amnistie, venant après ces cho-
ses, serait un encouragement pour les
insurrections futures. Au bout d'une
dizaine d'années, dit-il, « on aurait lg[
certitude d'être absous »
M. Tirard en parle à son aise de ce
long laps de temps. D'autres ont dû le
trouver un peu moins court et moins
facile et commode à passer! Dix ans
hors de la patrie où l'on a laissé un
petit enfant qui est devenu jeûna
homme, une petite fille qui est devenue
ce qu'elle a pu, une femme qui a eu la
temps de mourir, des parents qui ont
disparu, frappés par le chagrin et lat
misère, dix ans! c'est un peu plus long
que ne semble le croire ~f. le e
que ne semble le croire M. le minis-
tre, même pour ceux qui ont sauve
leur liberté et n'ont subi que l'exil.
Pour d'autres, il y a eu en plus le
bagne, premier accessoire horrible dtf
cet affreux et lointain séjour. Cela ne
doit pas contribuer à faire trouver les;
années plus courtes, et siM. Tirard voit,
dans ce traitement décennal, un prix
d'encouragement donné aux insurgés,
il n'est vraiment pas difficile. Mai^
ceux qui ont été déportés, ceux qui ont
été seulement contraints de fuir et da
vivre à l'étranger sont, en somme, les
privilégiés de la semaine terrible. Et le
châtiment impitoyable du premier joui\
cette justice sommaire qui frappait an
hasard, sur un mot, sur une dénon-
ciation, qui a fait des miniers de veuv^
et d'orphelins, est-ce encore, est-ce
aussi un prix d'encouragement au&
émeutiers futurs ? L'histoire dira-t-elle,
avec M. Tirard, ancien député de Pa-
ris : L'insuffisance de la répressioif
après la défaite de la Commune sera un
perpétuel encouragement pour tou~
ceux qui voudront s'insurger?
Que M. le ministre du commerce,"
que tous les membres du gouverner
ment, s'ils sont solidaires de cette dé:*
claration, interrogent leur conscience
et répondent.
L'opinion émise par M. Tirard est
faite pour nous affliger. Il y en a d'au,
très qui ne pourraient que nous faire
sourire. Ainsi, quand chaque député
d'arrondissement nous raconte que
c'est pour ne pas déplaire aux gros,
bonnets de sa petite ville qu'il refusa;
l'amnistie, M. Andrieux nous invite à
repousser cette même amnistie pourna
pas faire « une politique de clocher ».
M. Andrieux ajoute que des proscrits
ont voulu « lui faire un procès, ainsi
qu'à M. Le Royer ». Quel crime épou-^
vantable ! et comme on comprend qua
M. le préfet de police déclare « presque
se repentir d'avoir contribué au vote
de l'amnistie partielle » ! Notre collai
borateur *",' pourra voir par ces paro«[
les qu'il n'est pas absolument néces^
Feuilleton du RAPPEL
DU 30 JANVIER
5
LE
PALEFRENIER
ROMAN PARISIEN
CHAPITRE II
La liloÎaun Clarvai
(Suite)
Uien que sa lille confinât à sa dix-neu-
;ièmc année et que lui-même confinât à
3cnt cinquante mille livres de rente, le
marquis hésitait à marier Yvonne sous
la République. Il aurait si ardemment
tenu à ce que le roi signât au con-
,Yoir le Rappel du 20 au 29 janvier
trat! Il avait déjà renvoyé aux calen-
des monarchiques un jeune affilié aux
cercles catholiques et remis à quinzaine
an officier de cavalerio d'opinions indiscu-
tablement rétrogrades. La jeune fille re-
gardait d'un œil indifférent des préten-
dants qu'elle connaissait à peine de vue, et
qui représentaient pour elle, non des maris,
mais le mariage.
Cette rue déserte, cette maison noire
et ces conversations roulant toujours sur
le même sujet la desséchaient jusqu'à lui
faire considérer la lecture de VImitation
de Jésus-Christ comme une distraction et
celle de la Vie des Saints comme une
débauche.
Son père avait refusé d'émigrer pen-
dant la Commune, à cause de ses chevaux
qu'il n'aurait su où installer. Il aimait à
attribuer cette immobilité à son stoïcisme,
et répétait que pendant deux mois il avait
couché un pistolet tout chargé sur sa table
de nuit, pour le cas où les révolutionnaires
auraient osé venir séquestrer son hôtel; la
vérité l'obligeant à reconnaître qu'ils n'é-
taient pas venus. Sans doute ils avaient
eu peur du pistolet, peut-être même de la
table de nuit.
L'intervention du médecin ordonnant à
Mlle Yvonne une séance quotidienne et
régulière d'équitation avait remis un peu
d'oxygène dans ses bronches et infusé un
peu de sang dans se3 veines. L'abbé Cor-
nayin, qu'en tout état de cause sa .goutta
eût empêché de se tenir à cheval, avait
bien protesté contre le côté mondain de
cette cure à l'air libre; mais le marquis
était trop heureux d'utiliser ses magni-
fiques bêtes pour s'arrêter à des considé-
rations d'un ordre purement théologique.
Puis, il aimait sa fille presque autant que
son roi et, tout pratiquant qu'il fût, il était
d'avis que quand le corps était en danger
l'âme pouvait lui céder momentanément
la place.
Quand le lendemain de l'algarade cau-
sée par les jarrets de Carmen, le marquis
revit le palefrenier, son balai sous le bras,
il l'avertit qu'il avait remercié Tiburce,
qu'il soupçonnait de s'être fait graisser la
patte pour pousser à l'achat de la jument,
et que lui, François, devait abandonner
ses sabots ie jour même pour endosser
l'habit marron et sangler autour de sa
,tailie je ceinturon du piqueur.
Désormais lui seul accompagnerait
dans leurs promenades équestres Mlle de
Curval et ses frères. Il avait bien gagné ce
bâton de maréchal.
M. de Curval fut très surpris du refus
très net que François opposa à cette pro-
position si flatteuse, et la dispute de la
veille faillit recommencer. Le palefrenier
objecta qu'il connaissait les chevaux, mais
qu'il ne savait pas les monter; que du
reste il avait été engagé pour le service in-
térieur de l'écurie et non pour le service
extérieur desmadeBi9i.se]le;„ci.u,il serait
très embarrassé dans sa livrée, et qu'il ne
voulait pas prêter à rire aux passants.
Le marquis crut que ces récriminations
avaient pour principal objet une augmen-
tation de gages, et porta immédiatement
ceux de François de trente à cinquante
francs. Mais cet homme antique eut le
geste d'Hippocrate et repoussa ce surcroît
d'émoluments, aimant mieux, disait-il,
rester dans son fumier qu'il connaissait
que d'aller "parader dans les allées du bois
de Boulogne, sous les regards des gan-
dins. -
En outre, lui passant piqueur, il deve*-
nait indispensable de prendre un autre
palefrenier, qui peut-être panserait mal
les bêtes, qui ne saurait se servir ni de
l'étrille, ni du bouchon de foin, ni du
cure-pied, ni de l'époussetoir, ni de la
brosse; qui ignorerait l'art de laver et dé
faire sécher les paturons, qui ne saurait
pas plus démêler la crinière que nettoyer
avec de l'eau bien claire les naseaux, les
yeux, la bouche et le dedans des cuisses,
ainsi que graisser les sabots.
M. le marquis ne songeait donc pas à
la difficulté de mettre la main sur un
praticien capable d'abattre propremenf la
sueur avec le couteau de chaleur, ou de
ramener la transpiration au moyen de
frictions opérées avec un bouchon de
paille! Qu'un maladroit place sur le dos
de ranimai une selle mouillée, et le voilà
Bçfçius. £ QurJoujours* ~~cing~~t&~s
lefreniers, on en rencontrait à peine un
passable. Puisque M. le marquis était sa-
tisfait de celui qu'il avait engagé, à quoi
bon le changer pour un autre?
La lutte fut vive, et Yvonne dut s'en
mêler. Elle demanda en riant à François
si, pour avoir des chevaux un peu mieux
soignés, il fallait exposer les maîtres à se
casser le cou. Quant à elle sa peur avait
été telle que de sa vie elle ne mettrait le
pied à l'étrier, si François n'était pas là
pour lui porter secours.
- Mais, mademoiselle ne veut donc pas
comprendre que je suis un très mauvais
cavalier.
— Yous! dit alors Yvonne; l'autre matin,
je ne dormais pas, et je vous ai vu de ma
fenêtre faire trotter Sibérien dans la cour.
Tu sais papa, Sibérien, le grand alezan
russe. Eh bien, figure-toi que François le
maniait aussi facilement que si c'eût été
le poney de Ferdinand.
— Mademoiselle doit faire erreur, ri-
posta François, je ne me rappelle pas
avoir monté aucun des chevaux de M. le
marquis.
- Pardon 1 pardon 1 insista la jeune
fille. il était cinq heures à peine. Il faisait
petit jour, personne que moi n'était en-
core réveillé. Malgré ses sabots, il se te-
nait singulièrement droit sur le cheval.
Mis ainsi au piad du mur, François dut
sa raprira. 11 yeflii t)q^il SûCCUUd».
rait le matin du pansage des chevaux eit
sa qualité de palefrenier, et qu'on lui ad<
joindrait simplement un aide chargé des
gros ouvrages do l'écurie. Dans l'après^
midi, le palefrenier, transformé en pi<(
queur, conduirait au bois les enfants du
marquis. Tout ce que la modestie de
François spécifia, ce fut qu'on choisiraiti
pour les promenades, les sentiers les(
moins battus et les plus généralement dé-
serts, afin que sa gaucherie ne coûtât pat
trop cher à son amour-propre.
Le jour où il parut dans son habit mar-
ron de chasseur — à cheval, tout le mond'
fut étonné de son élégance et de sa tenue:
Le garçon de renfort, attaché depuis .Fa-*;
vant-veille aux écuries, lui fit seulement
remarquer que la visière de sa casquette,
galonnée d'or avançait par trop sur son,
front. Elle lui cachait la moitié de la.
figure. Parole d'honneur, on jurerait qu'il
avait un poèlon sur la tête. Franchement*;
il devrait remplacer cette casquette-là.
Mais François défendit énergiqueraen^
son couvre-chef, prétendant que c'étaiLJ&
genre anglais.
(A- suivre J
RÉDACTION ,
£ '^re^er au Secrétaire de la Rédaciioft
t
De k à 6 heures du soir
RUE DE VALOIS, 18
les manuscrits non insérés ne seront pas rendue
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et Li
6, place de la Bourse, 6
iBMIMÏSÏRATiOM
18, SUE DS VALOIS, 12
OHÏS S EUES T S
PARIS 1 DÉPARTEMENTS
Trois mois. 10 » j Trois mois 13 50
Six mois 20 » Six mois. 21 41.
Adresser lettres et mandat?
A M. ERNEST LEFÈVRE
ABU ISït AXKU B-GliBAIST
LEUR NICOLAS
On ne lit pas les journaux pieux. On
a tort. Montaigne aimait Paris jusque
dans ses verrues; moi, j'aime VUnivers
jusque dans ses revues. J'ai sous les yeux
une revue que Y Univers s'ajoute, ne se
jugeant pas suffisant, et où je trouve
des choses bien intéressantes, à com-
mencer par la biographie d'un chanoine
que M. Léon Aubineau appelle « notre
Nicolas ». Cette biographie est l'œuvre
d'un mort-dont elle n'est pas l'œuvre,
car celui qui a légué des notes à ses
enfants et petits-enfants ne s'est pas
- dissimulé qu' « un document intime a
toujours besoin d'un peu de toilette
pour passer sous là presser. La toi-
lette du document a été faite par un
Léon qui n'est pas Aubineau, mais qui
le vaut, par M. Léon Pigeotte, « dont
- l'érudition solide et sincère est nourrie
par le cœur ».
Le Nicolas des deux Léon, Nicolas-
Zacharie Simonnot, entra au petit
séminaire de Troyes au moment où
l'évêque du diocèse, « I.-Bénigne
Bossuet, un des plus tristes prélats du
dix-huitième siècle » (tiens ! il peut
donc y avoir de tristes prélats ?) « avait,
pendant une longue administration de
vingt-cinq années, perverti dans la
moelle cette belle et antique église »
(comment ! une église peut donc être
pervertie, et dans la moelle!). La
moelle de Nicolas risquait elle-même
d'être pervertie, car le petit séminaire
était, lui aussi, un triste séminaire :
les professeurs étaient «. des hommes
recommandables par la régularité de
leur vie et possédaient dans un degré
éminent le. talent de former le cœur aux
bonnes mœurs») mais il se passait dans
le petit séminaire une chose effroya-
ble : « on y lisait publiquement le Gus-
tin »! Le Gv s tin? Oui. C'est ainsi que le
biographe de Nicolas « désigne le fa-
meux Augustinus de Jansenius H, et ce
qui m'étonne, c'est qu'il ne dise pas :
le Gugusse.
Nicolas (bon! voici que j'entends
Jacquinet chanter : ah! ah! ah!) resta
trois ans « dans ce séminaire de pesti-
lence » (les séminaires peuvent donc
être des lieux d'infection, bon Aubi-
neau?). Un curé ami de sa famille s'alar-
ma de ce qu'il allait devenir entre les
mains de « ces artisans de mensonge »,
les prêtres du séminaire, et, pour l'ar-
racher au péril, sa mère « l'envoya à
.Paris, écueil des jeunes gens ». Mais
« l'air contagieux qu'on respire à Paris
ne flétrit point l'âme de Nicolas » (tais-
toi donc, Jacquinet!)
Chose étrange ! même arraché au
séminaire de pestilence, Nicolas ne fut
pas convaincu immédiatement que
« des hommes recommandables par la
régularité de leur vie et qui possédaient
dans un degré éminent le talent de
former le cœur aux bonnes mœurs »
fussent « des pervertisseurs de la jeu-
nesse ». Nicolas « ne trouva, la lumière
et ne reconnut le danger où sa foi avait
été exposée que lorsque la Providence
l'eut fait admettre dans la petite com-
munauté de Saint-Sulpice ». Pendant
deux ans, « ses préjugés luttèrent
contre la lumière » et « des doutes in-
quiétants fermentèrent dans son es-
prit » ; mais au bout de deux ans, il
reconnut que les prêtres de la petite
communauté étaient « des hommes
dignes des premiers siècles » et que les
prêtres du petit séminaire étaient les
derniers des empoisonneurs.
Quand il fut comme on le voulait, on
le réexpédia à Troyes. « L'indigne Bos-
suet » ne pourrissait plus le diocèse, et
son successeur, Mathias Poncet de la
Rivière, faisait tout ce qu'il pouvait
pour le guérir. Mais c'était le mo-
ment de la bataille sur Jansenius. Le
fond de la question était que les jansé-
nistes demandaient pourquoi le clergé,
monstrueusement riche, ne payait
pas d'impôts. La réponse de l'arche-
vêque de Paris avait été le refus des sa-
crements aux mourants qui ne crache-
raient pas sur Jansenius. Je me serais
passé des sacrements, mais c'était avant
la Révolution. L'Eglise et le Parlement
en vinrent aux mains. Le roi intervint
pour les séparer, mais personne ne
l'écoula, et il eut beau se fâcher et
frapper tantôt l'un et tantôt l'autre, il
n'y gagna que de recevoir lui-même
pas mal de coups.
Mathias Poncet se battit bravement.
Et « notre Nicolas » lui fut un rude
auxiliaire. Vicaire d'abord, il eut bien-
tôt la cure de Sairit-Remy, puis celle
de la Madeleine. « C'étaient des postes
de combat. Curé de Saint-Remy, il vit
ses deux vicaires décrétés de prise de
corps. » Puis, le décret fut pour lui. Il
n'eut que le temps d'échapper à « la
rage » du bailliage ; on ne saisit que
ses meubles, qui furent vendus reli-
gieusement. L'évêque crut le sauver
en le nommant chanoine, mais « le
chapitre était en grande partie com-
posé de schismatiques », il fallut l'in-
tervention, à deux reprises, d'un mi-
nistre pour l' « imposer », et, une fois
imposé, « il fut dans le chapitre comme
une brebis galeuse ». Ce n'était que le
commencement de ses «tribulations ».
Son protecteur ne tarda pas lui-même
à avoir besoin d'être protégé. La
« rage » du bailliage mordit l'évêque.
Amende, saisie et vente du mobilier.
L'évêque en appela au roi, dont la ré-
ponse fut une lettre de cachet qui exi-
lait l'évêqué.
Privé de son évêque, leur Nicolas
n'était plus en sûreté. Il était d'ailleurs
sous le coup d'un second décret de
prise de corps, dont son évêque même
aurait eu du mal à le tirer, car cette fois
c'était un décret du lieutenant criminel.
Il quitta l'habit ecclésiastique, endossa
un pourpoint vert, se coiffa d'une per-
ruque à bourse, ceignit une épée, prit
un faux nom, et l'ex-chanoine Nicolas-
Zacharie Simonnot fut le chevalier de
la Guerche. Sous ce déguisement et
sous ce faux, il s'évada do Troyes et
« se dirigea vers la ville du pape ». Un
détail qui m'afflige, c'est qu'à un en-
droit « on le prit pour un de la bande à
Mandrin ». J'aurais cru que la consé-
cration imprimait aux prêtres un ca-
ractère indélébile. Je suis triste d'ap-
prendre qu'il suffit à un prêtre de quit-
ter l'habit ecclésiastique et de se costu-
mer d'une certaine façon pour qu'on
lui dise : - Je te reconnais, tu es un
bandit !
Il revint l'année suivante, toujours
en pourpoint vert, non pas à Troyes,
mais à Paris, où il se cacha chez des
religieuses, qui cachaient déjà une de-
mi-douzaine de prêtres champenois et
deux ou trois du diocèse d'Orléans,
décrétés de prise de corps comme Ni-
colas. Car, dit M. Aubineau, « c'était
vraiment un temps de persécution ».
Et il le prouve en ajoutant que l'évêque
de Troyes, qui n'avait été exilé qu'à
Méry-sur-Seine, n'y fut pas laissé : «un
exempt royal vint prendre le prélat à
Méry pour le conduire en Alsace ».
L'archevêque de Paris lui-même, rentré
d'exil le leï octobre, y était renvoyé
trois mois après. — Le reste de la vie
de Nicolas offre peu d'intérêt. Il put,
quelque temps après, quitter le pour-
point, la perruque et l'épée, et redeve-
nir de chevalier chanoine. Mais; « il se
trouva sans défense en face des schis-
matiques du chapitre ». De 1770 à
1775, « il fut, comme dignitaire, mêlé
personnellement aux troubles de la
cherté des grains M. Ce ne fut qu'au
Concordat que Nicolas, « débris des an-
ciens jours, tout chargé des chevrons
de la gloire sacerdotale », fut tran-
quille dans sa stalle. Il y est mort en
1805,
Je ne veux retenir de ce long récit
qu'une phrase : « C'était vraiment un
temps de persécution. » Quel temps? le
temps de la monarchie. Et pourquoi
les prêtres étaient-ils persécutés? pour
refus des sacrements, c'est-à-dire pour
exercice de leur culto et pour applica-
tion de leur dogme. Et quand la Répu-
blique les laisse libres d'exercer leur
culte et d'appliquer leur dogme comme
ils l'entendent, quand elle les laisse
maîtres dans l'intérieur de leur reli-
gion, quand elle les laisse souverains
dans l'Eglise et qu'elle, se borne à ne
pas vouloir qu'ils envahissent l'Etat,
ils crient à la férocité de la Républi-
que, et ils invoquent contre elle la mo-
narchie qui, pour un dissentiment sur
la confession, exilait les archevêques,
vendait leurs meubles, décrétait les cu-
rés de prise de corps et les réduisait à
s'affubler de perruques et de faux noms
et à se faire ^prendre pour des voleurs !
AI GUSTE VACQUERIE.
————————— .————————
FLÉTRI ET CONTENT
»
On se rappelle certainement encore
le colossal succès de.gaieté qu'obtint le
vote de la Chambre flétrissant les hom-
mes du Seize-Mai. Ceux-ci ne furent
pas les derniers à s'en tenir les côtes.
Ils distribuèrent le numéro de l'Officiel
relatant ce fait comique à leurs en-
fants et petits-enfants, qui en firent, les
uns des cocottes, les autres des petits
bateaux en papier, suivant leurs apti-
tudes. Ils fondèrent, sous le titre du
dhur des flétris, un repas mensuel où
les dames furent admises. Jamais on
n'avait tant ri en France depuis la pré-
sentation solennelle de la Dubarry à la
cour de Louis XV.
Les députés eux-mêmes ne peuvent
s'abuser sur les effets de ce vote hilare
et pantagruélique; cependant, il est
une chose qu'ils étaient hors d'état de
supposer : c'est qu'un de leurs flétris
profiterait de sa flétrissure pour se faire
nommer sénateur.
Deux sièges étant vacants dans le Pé-
rigord, ce pays où les truffes valent
mieux que les électeurs, M. de Fourtou
se porte candidat pour l'un d'eux. Il
est fâcheux que M. de Broglie ait déjà
sa place au Sénat, il se serait porté
pour l'autre. L'attelage eût été com-
! plet.
Quand nous répétions qu'en flétris-
sant les insurgés du 16 mai pour se
dispenser d'amnistier ceux du 18 mars,
l'Assemblée se rendait coupable d'une
mauvaise plaisanterie, nous nous trom-
pions. Rien n'était plus sérieux. M: de
Fourtou se réservait d'exploiter un jour
à son profit le prétendu déshonneur
dont on le couvrait; et ceux qui ont
feint de l'ensevelir sous la honte lui ont
simplement fait une réclame électo-
rale.
Attendons seulement que la période
des élections soit ouverte dans la
Dordogne. Nous allons voir ce joyeux
flétri porter dans toutes les réunions
publiques sa flétrissure à la bouton-
nière. Il s'en parera comme M. Rouher
se parait de la plaque de diamants qu'il
avait reçue de l'empereur. Il la mettra
sur l'oreille ou la montera en épingle,
selon les circonstances, et il est proba-
ble que finalement il lui devra pour
neuf ans une bonne place de dix mille
francs par an. Le candidat, on le de-
vine, ne donnerait pas sa flétrissure.
pour une grosse somme.
Le jour où M. de Fourtou ira s'as-
seoir au Sénat à côté de ses complices
qui y sont entrés avant lui, la Chambre
pourra se dire avec un juste orgueil :
« Voilà mon ouvrage ».
Il était en effet bien évident que, si
un ancien ministre du 16 mai était ja-
mais élu quelque part, ce ne pouvait
; être que dans un département,bonapar-
tiste. Or, aux yeux des bonapartistes,
il n'y avait incontestablement pas de
meilleure recommandation que d'avoir
été déclaré indigne par une majorité
républicaine. Les républicains avancés
qui gênent ceux qui ne le sont pas, on
les prive de leurs droits civiques afin
de les empêcher d'être nommés dépu-
tés. Les monarchistes qui conspirent
contre la République, on a soin, en les
flétrissant, de leur laisser leurs droits
civiques afin qu'ils aient la faculté de
se faire nommer sénateurs. Et les naïfs
qui ont flétri M. de Fourtou comme
bonapartiste sont profondément éton-
nés qu'il ose se présenter aux suffrages
d'électeurs aussi bonapartistes que
lui!
En politique, la Chambre est, cepen-
dant assez âgée pour le-savoir; il y a
des peines afflictives, mais il n'y a pas
de peines infamantes. Il faut être réel-
lement bien. chose, pour s'imaginer
que les réactionnaires de la Dordogne
vont se dire à propos d'un des leurs :
«Ah! s'il n'avait pas été flétri par
des républicains, je le choisirais comme
sénateur ; mais, puisqu'il a été flétri,
je vais en choisir un autre. »
Ce que nous reprochons là à la Cham-
bre, elle le sait aussi bien que nous.
Elle a joué, à propos des saltimban-
ques du 16 mai, une comédie dont elle
va peut-être payer les frais de mise en
scène, mais elle ne pouvait s'illusion-
ner sur cette œuvre puérile. Quand il
s'est agi des accusés de la Commune,
aucun ministre no s'est levé pour de-
mander que la représentatian natio-
nale se contentât de les flétrir par un
vote plus ou moins solennel. On a
commencé par les envoyer sur les pon-
tons d'où ils sont partis pour l'île des
Pins, la presqu'île Ducos ou le bagne
de l'île Nou. Ils y sont même encore.
Cette différence dans les traitements
démontre surabondamment la valeur
que les flétrisseurs attribuent à leur
flétrissure. Quant aux flétris, ils en
fonderaient pour un peu une décora-
tion et octroieraient à leurs amis l'or-
dre de la Flétr issure, comme on ac-
corde chez nos voisins l'ordre de la
Jarretière.
Pour les bonapartistes, M. de Four-
tou n'est pas plus déshonoré par le vote
d'une Chambre républicaine que, pour
-les républicains, Barbès et Raspail ne
l'ont été par les années de prison que
leur ont infligées des magistrats roya-
listes. L'Assemblée n'avait, à l'égard
des promoteurs du 16 mai, que deux
partis à prendre : les traiter par le mé-
pris ou par la cour d'assises. Mais
prendre un parti est précisément la
chose à laquelle elle n'a jamais pu se
résoudre. C'est pourquoi, faute d'avoir
osé faire de M. de Fourtou un con-
damné, elle est en train d'en faire un
sénateur.
Le Sénat se réunit aujourd'hui pour
continuer la discussion du projet Ferry
sur la liberté d'enseignement supérieur.
Auparavant, il doit élire, de deux heures à
trois heures, un sénateur inamovible en
remplacement de M. de Montalivet. On
sait que le candidat unique de la majo-
rité républicaine est M. le docteur Broca,
membre de l'Académie de médecine et de
l'Institut.
Cette élection va présenter un épisode
curieux. Les dissidents du centre gauche,
qui se proposent de voter contre l'article 7
du projet Ferry, veulent se compter à
cette occasion, et ils ont résolu de choi-
sir un candidat qui voterait contre l'ar-
ticle 7 et pour lequel la droite a promis
toutes ses voix.
Il y a eu, en effet, lundi et mardi soir
réunion de ces dissidents chez M. Du-
faure. Ils étaient au nombre de quatorze,
parmi lesquels : MM. le colonel de Cha-
dois, Bérenger, Luro, Corne, de Voisins-
Lavernière, Denormandie, Gouin, Labou-
laye, etc.
Plusieurs noms ont été mis en avant,
notamment ceux de : M. Vacherot, l'ancien
député à l'Assemblée nationale, l'un des
défectionnaires de la République; M. Bé-
tolaud, ancien bâtonnier des avocats; M. le
général de Rivière, remplacé il y a quel-
ques jours dans ses fonctions de directeur
du génie au ministère de la guerre.
Le secret est gardé sur lé choix fait dans
ces réunions; mais on croit généralement
que c'est M. Vacligrot qui sera choisi par
ces dissidents et qui réunira également
toutes les voix de la droite.
Cette triste campagne aura le sort
qu'elle mérite. Il y a au plus 116 voix de
droite, à supposer qu'il n'y ait aucun
absent — ce qui est peu probable — cela
fera en tout 130 voix au maximum pour
M. Yacherot; tandis que M.. lé docteur
Broca est assuré d'en avoir au moins 150
et peut-être 160 si, comme nous l'espé-
rons, tous les sénateurs républicains sont
présents aujourd'hui.
——ni i ■ ———————
L'AMNISTIE 1
Le gouvernement et la Chambre sont
à la veille de commettre une lourde
faute. Ce n'est pas la première et,
malheureusement, nous ne pouvons
pas espérer que ce soit la dernière. De
la discussion des bureaux, que nous
avons publiée hier, et de l'attitude des
ministres qui ont eu l'occasion de
prendre la parole, il résulte, avec trop
d'évidence, que le cabinet et la majo-
rité s'obstinent, par crainte de périls
imaginaires, à fermer les yeux sur des
dangers très réels et très menaçants.
Cette attitude, qu'on a la modestie de
[ proclamer sage et politique, n'étai(
assurément pas tout à fait imprévue
mais ce qui a été une véritable sur-j
prise pour nous, et ce qui ne peut
manquer d'en être uno pour le pays,
c'est la pauvreté sans égale, l'incohé-t
renco des arguments souvent contrat
dictoires, opposés aux partisans da
l'amnistie par les adversaires de cetts
grande mesure d'apaisement. On en va(
juger.
Parlons d'abord de M. Tirard, mi4
nistre du commerce, dont la déclarai
tion avait été, dit-on, délibérée en con-
seil le matin même. M. Tirard, qui
aurait peut-être des raisons person-<
nelles d'être plus indulgent pour laf
Commune, ne veut de l'amnistie à au":
cun prix. C'est son affaire, et nous né
suspectons pas sa sincérité. Mais quli
dit ce Parisien qui doit avoir vu daf
près, non-seulement l'insurrection quI
voulait faire de lui son représentant
mais les massacres qui suivirent la dé-
faite de ses collègues d'un jour et la
longue et terrible répression des con-
seils de guerre? M. Tirard estime
qu'une amnistie, venant après ces cho-
ses, serait un encouragement pour les
insurrections futures. Au bout d'une
dizaine d'années, dit-il, « on aurait lg[
certitude d'être absous »
M. Tirard en parle à son aise de ce
long laps de temps. D'autres ont dû le
trouver un peu moins court et moins
facile et commode à passer! Dix ans
hors de la patrie où l'on a laissé un
petit enfant qui est devenu jeûna
homme, une petite fille qui est devenue
ce qu'elle a pu, une femme qui a eu la
temps de mourir, des parents qui ont
disparu, frappés par le chagrin et lat
misère, dix ans! c'est un peu plus long
que ne semble le croire ~f. le e
que ne semble le croire M. le minis-
tre, même pour ceux qui ont sauve
leur liberté et n'ont subi que l'exil.
Pour d'autres, il y a eu en plus le
bagne, premier accessoire horrible dtf
cet affreux et lointain séjour. Cela ne
doit pas contribuer à faire trouver les;
années plus courtes, et siM. Tirard voit,
dans ce traitement décennal, un prix
d'encouragement donné aux insurgés,
il n'est vraiment pas difficile. Mai^
ceux qui ont été déportés, ceux qui ont
été seulement contraints de fuir et da
vivre à l'étranger sont, en somme, les
privilégiés de la semaine terrible. Et le
châtiment impitoyable du premier joui\
cette justice sommaire qui frappait an
hasard, sur un mot, sur une dénon-
ciation, qui a fait des miniers de veuv^
et d'orphelins, est-ce encore, est-ce
aussi un prix d'encouragement au&
émeutiers futurs ? L'histoire dira-t-elle,
avec M. Tirard, ancien député de Pa-
ris : L'insuffisance de la répressioif
après la défaite de la Commune sera un
perpétuel encouragement pour tou~
ceux qui voudront s'insurger?
Que M. le ministre du commerce,"
que tous les membres du gouverner
ment, s'ils sont solidaires de cette dé:*
claration, interrogent leur conscience
et répondent.
L'opinion émise par M. Tirard est
faite pour nous affliger. Il y en a d'au,
très qui ne pourraient que nous faire
sourire. Ainsi, quand chaque député
d'arrondissement nous raconte que
c'est pour ne pas déplaire aux gros,
bonnets de sa petite ville qu'il refusa;
l'amnistie, M. Andrieux nous invite à
repousser cette même amnistie pourna
pas faire « une politique de clocher ».
M. Andrieux ajoute que des proscrits
ont voulu « lui faire un procès, ainsi
qu'à M. Le Royer ». Quel crime épou-^
vantable ! et comme on comprend qua
M. le préfet de police déclare « presque
se repentir d'avoir contribué au vote
de l'amnistie partielle » ! Notre collai
borateur *",' pourra voir par ces paro«[
les qu'il n'est pas absolument néces^
Feuilleton du RAPPEL
DU 30 JANVIER
5
LE
PALEFRENIER
ROMAN PARISIEN
CHAPITRE II
La liloÎaun Clarvai
(Suite)
Uien que sa lille confinât à sa dix-neu-
;ièmc année et que lui-même confinât à
3cnt cinquante mille livres de rente, le
marquis hésitait à marier Yvonne sous
la République. Il aurait si ardemment
tenu à ce que le roi signât au con-
,Yoir le Rappel du 20 au 29 janvier
trat! Il avait déjà renvoyé aux calen-
des monarchiques un jeune affilié aux
cercles catholiques et remis à quinzaine
an officier de cavalerio d'opinions indiscu-
tablement rétrogrades. La jeune fille re-
gardait d'un œil indifférent des préten-
dants qu'elle connaissait à peine de vue, et
qui représentaient pour elle, non des maris,
mais le mariage.
Cette rue déserte, cette maison noire
et ces conversations roulant toujours sur
le même sujet la desséchaient jusqu'à lui
faire considérer la lecture de VImitation
de Jésus-Christ comme une distraction et
celle de la Vie des Saints comme une
débauche.
Son père avait refusé d'émigrer pen-
dant la Commune, à cause de ses chevaux
qu'il n'aurait su où installer. Il aimait à
attribuer cette immobilité à son stoïcisme,
et répétait que pendant deux mois il avait
couché un pistolet tout chargé sur sa table
de nuit, pour le cas où les révolutionnaires
auraient osé venir séquestrer son hôtel; la
vérité l'obligeant à reconnaître qu'ils n'é-
taient pas venus. Sans doute ils avaient
eu peur du pistolet, peut-être même de la
table de nuit.
L'intervention du médecin ordonnant à
Mlle Yvonne une séance quotidienne et
régulière d'équitation avait remis un peu
d'oxygène dans ses bronches et infusé un
peu de sang dans se3 veines. L'abbé Cor-
nayin, qu'en tout état de cause sa .goutta
eût empêché de se tenir à cheval, avait
bien protesté contre le côté mondain de
cette cure à l'air libre; mais le marquis
était trop heureux d'utiliser ses magni-
fiques bêtes pour s'arrêter à des considé-
rations d'un ordre purement théologique.
Puis, il aimait sa fille presque autant que
son roi et, tout pratiquant qu'il fût, il était
d'avis que quand le corps était en danger
l'âme pouvait lui céder momentanément
la place.
Quand le lendemain de l'algarade cau-
sée par les jarrets de Carmen, le marquis
revit le palefrenier, son balai sous le bras,
il l'avertit qu'il avait remercié Tiburce,
qu'il soupçonnait de s'être fait graisser la
patte pour pousser à l'achat de la jument,
et que lui, François, devait abandonner
ses sabots ie jour même pour endosser
l'habit marron et sangler autour de sa
,tailie je ceinturon du piqueur.
Désormais lui seul accompagnerait
dans leurs promenades équestres Mlle de
Curval et ses frères. Il avait bien gagné ce
bâton de maréchal.
M. de Curval fut très surpris du refus
très net que François opposa à cette pro-
position si flatteuse, et la dispute de la
veille faillit recommencer. Le palefrenier
objecta qu'il connaissait les chevaux, mais
qu'il ne savait pas les monter; que du
reste il avait été engagé pour le service in-
térieur de l'écurie et non pour le service
extérieur desmadeBi9i.se]le;„ci.u,il serait
très embarrassé dans sa livrée, et qu'il ne
voulait pas prêter à rire aux passants.
Le marquis crut que ces récriminations
avaient pour principal objet une augmen-
tation de gages, et porta immédiatement
ceux de François de trente à cinquante
francs. Mais cet homme antique eut le
geste d'Hippocrate et repoussa ce surcroît
d'émoluments, aimant mieux, disait-il,
rester dans son fumier qu'il connaissait
que d'aller "parader dans les allées du bois
de Boulogne, sous les regards des gan-
dins. -
En outre, lui passant piqueur, il deve*-
nait indispensable de prendre un autre
palefrenier, qui peut-être panserait mal
les bêtes, qui ne saurait se servir ni de
l'étrille, ni du bouchon de foin, ni du
cure-pied, ni de l'époussetoir, ni de la
brosse; qui ignorerait l'art de laver et dé
faire sécher les paturons, qui ne saurait
pas plus démêler la crinière que nettoyer
avec de l'eau bien claire les naseaux, les
yeux, la bouche et le dedans des cuisses,
ainsi que graisser les sabots.
M. le marquis ne songeait donc pas à
la difficulté de mettre la main sur un
praticien capable d'abattre propremenf la
sueur avec le couteau de chaleur, ou de
ramener la transpiration au moyen de
frictions opérées avec un bouchon de
paille! Qu'un maladroit place sur le dos
de ranimai une selle mouillée, et le voilà
Bçfçius. £ QurJoujours* ~~cing~~t&~s
lefreniers, on en rencontrait à peine un
passable. Puisque M. le marquis était sa-
tisfait de celui qu'il avait engagé, à quoi
bon le changer pour un autre?
La lutte fut vive, et Yvonne dut s'en
mêler. Elle demanda en riant à François
si, pour avoir des chevaux un peu mieux
soignés, il fallait exposer les maîtres à se
casser le cou. Quant à elle sa peur avait
été telle que de sa vie elle ne mettrait le
pied à l'étrier, si François n'était pas là
pour lui porter secours.
- Mais, mademoiselle ne veut donc pas
comprendre que je suis un très mauvais
cavalier.
— Yous! dit alors Yvonne; l'autre matin,
je ne dormais pas, et je vous ai vu de ma
fenêtre faire trotter Sibérien dans la cour.
Tu sais papa, Sibérien, le grand alezan
russe. Eh bien, figure-toi que François le
maniait aussi facilement que si c'eût été
le poney de Ferdinand.
— Mademoiselle doit faire erreur, ri-
posta François, je ne me rappelle pas
avoir monté aucun des chevaux de M. le
marquis.
- Pardon 1 pardon 1 insista la jeune
fille. il était cinq heures à peine. Il faisait
petit jour, personne que moi n'était en-
core réveillé. Malgré ses sabots, il se te-
nait singulièrement droit sur le cheval.
Mis ainsi au piad du mur, François dut
sa raprira. 11 yeflii t)q^il SûCCUUd».
rait le matin du pansage des chevaux eit
sa qualité de palefrenier, et qu'on lui ad<
joindrait simplement un aide chargé des
gros ouvrages do l'écurie. Dans l'après^
midi, le palefrenier, transformé en pi<(
queur, conduirait au bois les enfants du
marquis. Tout ce que la modestie de
François spécifia, ce fut qu'on choisiraiti
pour les promenades, les sentiers les(
moins battus et les plus généralement dé-
serts, afin que sa gaucherie ne coûtât pat
trop cher à son amour-propre.
Le jour où il parut dans son habit mar-
ron de chasseur — à cheval, tout le mond'
fut étonné de son élégance et de sa tenue:
Le garçon de renfort, attaché depuis .Fa-*;
vant-veille aux écuries, lui fit seulement
remarquer que la visière de sa casquette,
galonnée d'or avançait par trop sur son,
front. Elle lui cachait la moitié de la.
figure. Parole d'honneur, on jurerait qu'il
avait un poèlon sur la tête. Franchement*;
il devrait remplacer cette casquette-là.
Mais François défendit énergiqueraen^
son couvre-chef, prétendant que c'étaiLJ&
genre anglais.
(A- suivre J
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