Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-01-13
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1880 13 janvier 1880
Description : 1880/01/13 (N3595). 1880/01/13 (N3595).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75302642
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/08/2012
N° 3595 — Marai 13 Janvier 1880 t Le numéro :,1© c« — Wéimrteipeiits 1 15 e. 23 Nivôse an 88 — N° 33 35
- *-• - RÉDACTION
rdreeser au Secré taire- de la Rédaçtipit
De 4 à 6 heures du soir
18j KDE DE VALOIS, lit
Jt~ manuscrits non insérés ne seront pas rendue
w ANNONCES
IdU. Ch. LAGRANGE, CERF et C?
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
ABONNEmENTe
PABIS t DÉPABTEMENTO
îs mois. 10 s Trois mois. 13 59 )
mois.,.«u-20 j» j Six mois. 27 gj
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST- LEFÈyRB
ADHJNtSÏHÀTifUJa-GÉRAOT
DEMAIN
C'est demain que commence la nou-
velle session. La Chambre attend l'at-
titude que va prendre le ministère. Le
pays attend l'attitude que va prendre
la Chambre. **
Que la Chambre attende l'attitude
que va prendre le ministère, il y a là
quelque chose qui est le contraire de
- La logique. Car, qu'est-ce que le Par-
lement? le représentant du pays,
c'est-à-dire du maître. Et qu'est-ce
que le ministère? l'agent et le servi-
teur du Parlement. Vous figurez-vous
le maître de la maison disant à un de
ses serviteurs : — « Vous voilà à mon
service : qu'est-ce que vous allez me
faire faire? » C'est exactement ce que
fait la Chambre en disant au nouveau
ministère : — Vous voilà gouverne-
ment, qu'est-ce que vous allez me faire
voter?
C'est la Chambre qui devrait donner
l'impulsion au ministère, au lieu de la
recevoir de lui. C'est à la Chambre
qu'il appartient de décider dans quel
sens et vers quel but elle entend que
la politique soit dirigée. Généralement,
quand on prend une petite voiture, on
dit au cocher où l'on désire aller, on ne
demande pas au cocher où il va lui
plaire de vous conduire.
Mais, comme dit Molière, nous avons
changé tout cela. Cette fois, il est diffi-
cile de prétendre que c'est la faute à la
- République, car il éclate que c'est la
faute au Seize-Mai. Le Quatorze-Octo-
bre n'a pas eu d'autre idée politique
que de renfoncer le Seize-Mai dans le
trou de taupe d'où il avait eu l'impu-
dence de sortir. Réélection des 363, tel
a été l'unique mot d'ordre — non mo-
ral. On a réélu sans distinction, pêle-
mêle, les yeux fermés, tous ceux
que le gouvernement des curés avait
mis à la porte. Il en est résulté
une Chambre sans unité et sans ma-
jorité, une Chambre en morceaux
que toutes les grandes questions ont
trouvée petite. Chambre honnête d'ail-
leurs, pavée d'autant de bonnes inten-
tions que l'enfer, ne demandant qu'à
bien faire, mais craignant tellement de
faire mal qu'elle ne faisait rien. Cham-
bre hésitante, allant non pas de gauche
à droite, mais de gauche au centre gau-
che, jusqu'au point où le centre gauche
était difficile à distinguer du centre
droit, et en arrivant à ceci que, comme
nous le disions en commençant, le pays
attend l'attitude qu'elle va prendre —
après deux ans.
Nous espérons que l'attitude qu'elle
va prendre sera celle qu'il faut. Nous
espérons qu'elle va comprendre que
l'heure est venue de la décision et de
la fermeté. Nous espérons qu'elle va se
dire qu'il est grandement temps, après
dix ans, que la République soit la Ré-
publique, Si elle ne se le disait pas,
nous espérons que le ministère le lui
dirait. C'est pour ne le luiavoir pas dit
que le ministère précédent est tombé,
,et qu'il a risqué de ne pas tomber seul.
Depuis quelque temps, on a prononcé
plus d'une fois le mot : dissolution.
'Nous qui désirons que le ministère
dure et que la Chambre aille jusqu'au
terme de son mandat, car la Républi-
que n'a aucun intérêt à la fréquence
des crises et au changement incessant
du personnel ministériel et du person-
nel parlementaire, nous voulons croire
que la Chambre et le gouvernement
vont se décider enfin à l'énergie que
réclame le pays.
Que ce soit le gouvernement ou la
Chambre qui prenne l'initiative, il est
temps qu'on en finisse avec les ti-
midités et les compromis. Il est temps
qu'on offre au pays autre chose que le
maigre dîner auxquels l'a réduit la
monarchie, non-seulement lorsqu'elle
s'est appelée de son vrai nom, mais en-
core lorsqu'elle s'est appelée la Répu-
blique sans républicains. Maintenant
qu'elle est la République sallslépithèle,
maintenant qu'elle est maîtresse chez
elle, maintenant qu'elle a renvoyé la
la réaction à son Buffet et qu'elle a
prié l'ordre moral d'aller se faire
Fourtou, le pays veut être traité autre-
ment. Il est, depuis la réélection de
la Chambre, et encore plus depuis
le renouvellement du Sénat, et sur-
tout depuis le remplacement de M.
de Mac-Mahon par M. Jules Grévy,
dans la position d'un invité à dîner
qui n'a pas déjeuné et qui trouve qu'on
tarde beaucoup à se mettre à table.
La République, en l'invitant, lui a
promis toutes sortes de bons plats :
amnistie, enseignement laïque, réfor-
me de la magistrature, etc. Il en a faim.
Il est temps que le ministère ouvre la
porte à deux battants et dise à la Ré-
publique : — Madame est servie.
AUGUSTE VACQUERIE.
Il est imprudent de déchaîner la pi-
tié. Ce sont les sentiments tendres qui
se traduisent avec le plus de violence.
L'amnistie est populaire parce que les
souffrances des condamnés, leur exil,
leur abandon ont profondément remué
les cœurs. Selon la belle expression de
Madier-Monîjau, « le bruit des coups
de fouet distribués par les gardes-
chiourmes de Nouméa a retenti en
France ». J'ai rencontré dernièrement
quelqu'un qui avait vu de près l'élec-
tion du Vaucluse. Il me disait que les
plus ardents partisans de M. Humbert,
c'étaient peut-être les femmes et les
enfants. Les enfants criaient : Vive
l'amnistie ! Les femmes exhortaient
leurs maris à la porte des réunions.
Elles criaient : Les condamnés ont été
trop malheureux! On les a martyrisés !
C'est à vous de réparer le mal ! De
toutes les propagandes, celle-là est tou-
jours la plus efficace. Mais combien elle
montre que la cause de l'amnistie a
fait des progrès ! Une question est
mûre quand les femmes s'y mettent.
Le concurrent de M. Humbert, M.
Gent, a dû promettre de voter [l'amnis-
tie pleine et entière. Un candidat qui 1
aurait parlé d'amnistie partielle n'aurait
pas recueilli vingt-cinq voix. Assuré-
ment, il en serait de même dans une
bonne moitié de la France. Ah! c'est
que la pitié ne parle pas seule aujour-
d'hui C'est que le sentiment de la jus-
tice a été profondément blessé. C'est
que personne ne comprend que tel ou
tel soit encore en exil quand M. de
Fourtou est à la Chambre et M. deBro-
glie au Sénat.!
Qu'est-ce que je dis? M. de Broglie !
M. de Fourtou! Comparas à d'autres, ce
sont presque des innocents. Mais les
auteurs du coup d'Etat? Quoi! Il y a
trente ans à peine des hommes se sont
rués sur la République et sur la loi; ils
ont déporté, exilé, fusillé sans juge-
ment; ils ont supprimé la liberté de la
presse, la liberté de la parole, toutes
les libertés; ils ont envoyé nos soldats
périr au Mexique et en Chine; ils nous
ont ensuite livrés à l'Allemagne; ils
nous ont laissé arracher la Lorraine et
l'Alsace; ils sont responsables de notre
défaite et de notre honte, et le jour où
la République ressuscite, ce sont d'au-
tres coupables qu'elle châtie 1
M. le maréchal Canrobert, qui a -a-
gné la bataille du boulevard Montmar-
tre, siège au Sénat; M. Rouher vote
contre l'amnistie à la Chambre .des dé-
putés ; M. Vinoy gouverne la Légion
d'honneur. Tous leurs anciens compli-
ces se groupent autour d'eux ou peu-
plent encore des administrations re-
belles. Et, tendant la main au républi-
canisme modéré et sage, devant le pays
stupéfait et dupé, le 2 décembre con-
damne le 18 mars !
Et vous vous étonnez qu'une partie
de la France se passionne? que Paris,
qui a vu démolir la maison Sallan-
drouze à coups de canon, qui a vu
prendre Torloni d'assaut, qui a souffert
cinq mois de siège; que le Var, le Vau-
cluse, les Bouches-du-Rhône, l'Hérault,
la Gironde, le Rhône, la Nièvre, les Py-
rénées ; que tous 'ces départements et
bien d'autres, qui ont eu leurs pros-
crits et leurs martyrs, demandent l'am-
nistie et élisent des condamnés? Hé !
ce qu'il y a d'étonnant, c'est que la
France tout entière n'en nomme pas.
Mais si vous continuez, cela viendra.
Pourquoi les uns sont-ils frappés
quand les autres ne le sont pas? Pour-
quoi y a-t-il deux sortes de crimes:
ceux qu'on flétrit et ceux qu'on pu-
nit? Pour les bonapartistes, le châti-
ment a consisté en un ordre du jour.
Pour les gens du Seize-Mai, le châti-
ment a consisté en un ordre du jour.
Pour les hommes de la Commune, il y
a eu l'exil, le bagne et le feu de
peloton.
Voilà ce que le pays ne comprend
pas. Voilà ce qu'il ne comprendra ja-
mais. Voilà ce qui fait que les hommes
s'émeuvent; voilà pourquoi les femmes
des campagnes font de la propagande
électorale ; mais voilà pourquoi, aussi,
un gouvernement qui est sage, qui a
souci de l'avenir et qui veut affirmer la
République, doit se hâter de faire
l'amnistie.
EDOUARD LOCKUOY,
COULISSES DES CHAMBRE)
t'est demain, mardi 13 janvier, que
s'ouvre la session ordinaire de 1880. Cette
ouverture ayant lieu de plein drJif" aux
termes de la Constitution, n'est pas pré-
cédée d'un décret de convocation comme
pour les sessions extraordinaires.
A la Chambre, la première séance sera
occupée, après le tirage au sort mensuel
des onze bureaux, par l'élection du bureau
qui, comme on le sait, est nommé pour
toute la durée de l'année. Il y aura quatre
scrutins : le premier pour la nomination
du président, le second pour les quatre
vice-présidents, le troisième pour les
huit secrétaires et le quatrième pour les
trois questeurs.
Le vote ayant lieu à la tribune, il est à
peu près certain que les quatre scrutins
ne pourront pas avoir lieu dans la même
journée à raison de la longueur de l'opé-
ration.
Quant au Sénat, il n'a pas mis à son
ordre du jour l'élection de son bureau;
mais cette élection peut avoir lieu immé-
diatement si le Sénat le décide, ce qui est
très probable.
Ce n'est que quand les bureaux des deux
Chambres auront été nommés et qu'avis
en aura été donné au président de la Ré-
publique que le nouveau ministère fera
isa déclaration devant les deux Assem-
blées.
La journée de mardi étant consacrée,
-au moins par la Chambre, à l'élection du
bureau, et celle de mercredi au congé,
c'est au plus tôt le jeudi 15 janvier que le
cabinet pourra faire la communication
qu'il a projetée. Il se pourrait même que
la déclaralionne fût faite que vendredi, si
le Sénat ne nommait son bureau que
jeudi; car les messages ou les déclara-
tions sont toujours communiquées simul-
tanément auxdeux Chambres.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, la
séance d'ouverture sera présidée dans
chaque Chambre par le doyen d'âge. Au
Sénat, ce sera, sauf empêchement, M.
Gaulthier de Rumilly, sénateur inamovi-
ble, et à la Chambre des députés, M. Des-
seaux, représentant de la Seine-Infé-
rieure. -
Dans les deux Chambres, il est à peu
près certain que le bureau sortant sera
réélu. Déjà les délégués des groupes de
gauche du Sénat en ont décidé ainsi en
ce qui concerne leur assemblée ; quant à
la Chambre, il n'y a eu jusqu'ici aucune
délibération des groupes de gauche.
Au Sénat toutefois, il y aura une modi-
fication résultant d'une retraite volon-
taire. L'honorable M. Sçheurer-Kestner
qui est secrétaire-représentant au bureau
l'union républicaine, se retire parce qu'il
occupe depuis quatre années consécuti-
ves ce poste et qu'il veut permettre d'éta-
blir un roulement entre les membres de
son groupe. Il est probable qu'il sera rem-
placé par M. Demôle, sénateur de Saône-
et-Loire et actuellement secrétaire de
l'Union républicaine.
-0-
Les groupes de gauche du Sénat se réu-
nissent aujourd'hui séparément au Luxem-
bourg pour renouveler leurs bureaux et
se concerter en vue de l'ouverture de la
session, notamment sur l'ordre du jour à
fixer pour les premiers travaux du Sénat.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, le mi-
nistre de l'instruction publique demandera
au Sénat de commencer ses travaux par la
discussion du projet sur la réorganisation
du conseil supérieur de l'instruction pu-
blique. Le projet sur la liberté de l'ensei-
gnement supérieur serait mis à l'ordre du
jour immédiatement après..
La commission du conseil supérieur est
convoquée pour demain mardi à midi, au
Luxembourg dans le but d'entendre la
lecture du rapport de M. Barthélemy-
Saint-Hilaire. Si, comme on le prévoit,
le rapport est approuvé, il sera déposé à
l'ouverture même de la séance sur le bu-
reau du Sénat. La distribution pourrait en
être faite aux sénateurs dans un délai de
deux jours. La discussion pourrait par
suite commencer immédiatement après.
C'est d'ailleurs ce qui sera expliqué au
Sénat lorsqu'on lui demandera la priorité
pour les projets de loi sur le conseil supé-
rieur.
Cette discussion occupera au moins
quatre ou cinq séances. Les cléricaux,
qui attachent, avec raison, à ce projet une
importance au moins égale à celui de la,
libertéde l'enseignement supérieur, comp-
tent prendre une part active au débat.
Nous pouvons annoncer que M. de Bro-
glie compte, à cette occasion, reparaître
à la tribune du Sénat où il n'avait jamais,
osé remonter depuis le 16 mai. Il doit
prononcer un grand discours contre le,
projet et réclamer contre l'exclusion des
représentants de l'épiscopat du sein du
conseil supérieur de l'instruction publi-
que. On annonce également un grand dis-
cours de M. Laboulaye contre le projet.
Du côté des partisans.du projet, il y
aura également un grand nombre d'ora-
teurs outre M. Jules Ferry. La discussion
ne paraît devoir être ni moins vive, ni
moins passionnée que celle du fameux ar-,
ticle 7.
—0—
A la Chambre des députés, la fixation
de l'ordre du jour n'offrira aucune diffi-
culté. Elle est réglée d'avance pour assez
longtemps. On se rappelle, en effet, qu'a-
vant de se séparer, la Chambre a fixé au
lundi 19 janvier l'ouverture de la discus-
sion sur le tarif général des douanes. Cette
discussion occupera certainement quinze
à vingt séances. On n'a donc à se préoc-
cuper que d'alimenter les deux ou trois
séances qui auront lieu du 13 au 19 jan-
vier. On mettra à l'ordre du jour de ces
séances, selon toutes probabilités, la dis-
cussion de la proposition Duvaux, tendant
à l'abrogation de faumônerie militaire, et
celle de.Ja proposition Saint-Martin, ten-
dant à la protection de la liberté de cons-
cience dans l'armée. Il y aura probable-
ment aussi la délibération sur le-projet de
loi relatif à la liberté de réunion, qui ve-
nait en discussion le jour même de la sé-
paration des Chambres, et qui, d'un com-
mun accord entre le gouvernement et la
Chambre, a été renvoyée à l'ouverture de
la session de 1880.
-0-
Aujourd'hui, deux importantes com-
missions de la Chambre, précédant l'ou-
verture de la session, se réunissent au
Palais-Bourbon : la commission des tarifs
de douanes et celle du divorce. La com-
mission des douanes doit prendre ses der-
nières dispositions en vue de la discus-
sion publique qui va s'ouvrir à la Cham-
bre. La commission du divorce doit en-
tendre la lecture du rapport de M. Léon
Renault.
Nous rappelons que cette commission a
conclu au rétablissement du divorce et à
la remise en vigueur, sous réserves de
quelques modifications , des articles du
Code civil qui réglaient autrefois cette
question et qui avaient été abrogés..
m ifD»
On lit dans le Constitutionnel :
La nouvelle « à sensation » de ce matin est
contenue dans un entrefilets du Rappel annon-
çant que, à partir de demain, il aura « pour
collaborateur assidu le caillant et brillant
écrivain qui a popularisé la signature étoilée ».
On sait assez qui cela veut dire, et quelle per-
sonnalité abrite son anonyme à l'enseigne de
cette belle étoile.
.Au surplus, et surabondamment, de peur
qu'on n'en ignore, M. Auguste Vacquerie prend
soin d'avertir les lecteurs du Btfpptfrijue l'écri-
vain en question lui revient « avec toute sa
verve, avec tout son esprit,, toujours si jeune
et si parisien, quoique notre ami, hélas! ne
soit pas à Paris. Mais, ajoute M. Vacquerie,
nous espérons bien qu'il y rentrera bientôt —
et nas seul. »
L' « étoile « qui émigre ainsi du Mot d'ordre
au Rappel, seus les auspices d'un membre de
la Chambre des députés, M. Edouard Lockroy,
est, au point de vue du journalisme, un out-
law. C'est violer la loi que de publier sa prose
dans un journal, et la Hépublique, ainsi qu'on
sait, est le règne de la loi.
Avant d'écrire les lignes qui précèdent,
le Constitutionnel aurait bien dû relire la
loi dont il parle. Remettons-la lui sous
les yeux :
« Loi du Il mai 1868, article 9. — La
publication par un journal ou écrit pério-
dique d'un article signé par une personne
privée de ses droits civils et politiques ou à
laquelle le territoire de la France est in-
terdit, est punie d'une amende, etc. »
Signé. Une signature est un nom. Et
est-ce que nous mettons le nom de l'au-
teur au bas des articles dont nous avons
publié hier le premier et qui vont se suc-
céder régulièrement?
Voilà pour la question de droit. Ef
quant à la question de fait, le Constitü..)
tionnel n'ignore pas que l'étoile qu'il dé-"
nonce au gouvernement a brillé plus
d'une fois dans un autre journal et n'il
jamais donné lieu à aucune objection gou-
vernementale. En vertu de quoi ce qui a ét61
permis à un autre journal serait-il interditr
au Rappelé
On lit dans Y Evénements
Un gros événement sous un peut fait. Ro.(
chefort rentre au Rappel. -
Dans le Petit Parisien :
Le Ruppel annonce à ses lecteurs comme ?
une bonne nouvelle — et c'en est une, ew
effet,— qu'il aura pour collaborateur, à partie
de demain, le vaillant écrivain qui signe d'una »
étoile ses articles étincelants d'esprit et dâ" -.,
verve. •
,
-——————— -
LE BOISTÉRB^DES AFFAIRES ËIRMCÉMS'
Le résultat de la session d'examens qut
s'est ouverte le 4 décembre dernier au.
ministère des affaires étrangères ne po U-..,
vait manquer d'attirer l'attention de tous
ceux qui se préoccupent de l'aycnirds
notre diplomatie.
Le système inauguré par le décret du
1er février 1877 est en effet aujourd'hui
jugé, et les hommes les plus sérieux cqp11
me les plus compétents, plusieurs même
de ceux qui insistaient, il y a qUalqQ.eJ
années, en vue d'obtenir des changements
destinés à relever le niveau moyen et. 1:2
valeur intellectuelle de nos secrétaires
et attachés d'ambassade, avouent que let
régime aujourd'hui en vigueur au quai
d'Orsay n'a pas répondu aux espérances
qu'on en avait conçues, et que, malgréj
les intentions des ministres qui ont pris
l'initiative d'une réforme, il ne tend fi
rien moins qu'à une désorganisation xa^
pide et irrémédiable.
Une étude plus approfondie que détail*
lée des dispositions principales de l'arrêta
de 1877 nous montrera toutes ses imper.
fections; elle arrivera peut-être ,même. iï
nous faire connaître le système qu'il serait
opportun de lui substituer, ou tout aié
moins de présenter à la discussion d'unj:
commission spéciale.
Appelés à réformer un ordre de chose*
sous lequel le mode de recrutement de lit
carrière diplomatique était purement ar.
bitraire, où la faveur et la protection
avaient laissé absolument tomber en déi
suétude les garanties exigées des candidats
par le décret de 1853, les membres de laL
commission de 1877 sentirent le besoin
de réagir avec vigueur contre les triste^
influences qui avaient présidé à la plu*
part des choix faits dans les vingt der
nières années.
Un grand nombre de secrétaires et
d'attachés d'ambassade, en effet, n'étaient
à cette époque ni licenciés, ni bacheliers
en droit ; on nous a affirmé, sans que nouai
ayons pu vérifier le bien fondé d'une telle
assertion, que quelques-uns même n'as
vaient jamais subiles épreuves du bacca1%
lauréat ès-lettres. )
On remplaçait alors ces diplômes obiti
gatoires au moyen d'un certificat d'apti*
tude délivré par un prétendu jury auquel
fut bientôt substituée la seule garantia
d'un sous-directeur des affaires politiques;:
vers 1868, ce semblant d'examen, devenu
gênant pour quelques candidats, disparue
lui-même, et le bon plaisir resta la seuls,
règle d'admission, malgré les fréquentes
et sévères critiques adressées à un sem-;
blable état de choses par divers membres;
de nos Assemblées, soit à propos de. la 6
discussion du budget des affaires étranW
gères, soit par voie de proposition légijt
lative.
De là, la commission de 1877, chargé
autant de réviser les programmes d'exi-
mens que « d'assurer la tenue desdits e^a-(
mens aux époques d'avance fixées », £ 'est-
à-dire dans les mois de novembre ou il#
décembre de chaque année,
Composée d'hommes éminents, pour Iï
plupart diplomates en activité cte Sjj&YifillI
-/
Feuilleton du RAPPEL
DU 13 JANVIER
80
LE GRISOU
?
LIVRER
CHAPITRE VII
le cinquième
(Suite)
JSgaréo et semblant chercher un embras-
ement qui lui échappait,Ghilaine tendait à
demi ses bras inquiets, quand un bruit de
pas qui arrivaient parvint encore dans ta
salle, et lorsque Toubeau parut. Elle
voulut s'élancer; mais, sur un signe de
M. Dieulafoy, l'un des gardes la retint, et
ypir U llwrnl du 20 cctob. au i2 ianvier.
l'Innocente alors, toute balbutiante de
terreur, demeura l'œil fixe, la figure
tournée vars l'entrée de la chambre. On
voyait, en effet, au seuil de la porte, le
long corps penché du yercheur, son 'vi-
sage fou, et cette lueur obscure qui était
maintenant au fond de ses prunelles, et qui
semblait toujours remercier quelqu'un
d'invisible.
Jacquemin, lui, n'avait pas bougé, et re-
gardait les mtirailles de cette chambre nue,
laide et lugubre, où pendaient çà et là,
au long des cloisons sales, de sordides
costumes de mineurs et de petits casques
de cuir.
— Faites approcher, dit M. Dieulafoy.
Puis, il tendit le bras vers Jacquemin,
et, le tenant en quelque sorte au bout de
son geste, il dit à Toubeau : *
— Vous parliez souvent de cet homme
quand vous étiez à Pont-sur-Sambre?
Toubeau considéra longtemps le juge
de ce regard ignorant et troublé dont il
considérait toutes choses, et finit par se-
couer la tête.
M. Dieulafoy baissa le bras, et, mettant
la main dans son habit boutonné jusqu'en
haut ;
— Toubeau, avez-vous tué M. le bourg-
mestre?.
Ici Toubeau ne secoua plus la tête. Il
répondit : Oui.
Le conseiller reprit, impassible :
— Vous souvenez-vous de l'homme
que vous appeliez monsieur Jacquemin?
Toubeau pâlit, lit pendant un instan"
comme quelqu'un qui cherche pénible-
ment ses mois, et dit d'une voix faible :
— Non.
Jacquemin sentit en ce moment ses yeux
devenir humides, et le juge, qui l'obser-
vait, poursuivit :
— Toubeau, vous parliez cependant
d'une chambre blanche que vous aviez
chez lui, d'un lit dans lequel vous couchiez
quand vous étiez malade, et où M. Jac-
quemin venait la nuit vous apporter à
boire. Est-ce que vous ne vous rappelez
pas tout cela?
La pâleur de Toubeau était devenue ex-
trême. Il dit de nouveau, mais plus fai-
blement encore :
— Non.
Le juge observait toujours Jacquemin,
et, brusquement, il demanda :
— Toubeau, où est votre mère?
Le yercheur chercha Ghilaine des yeux
et la montra du doigt.
Le juge continua :
v — Votre père? -
L'expression soudaine que prit le visage
de Toubeau fut inexprimable. Ce fut une
brusque ressouvenance de haine mêlée de
tristesse et d'oubli; et en même temps,
dans le grand silence de la chambre, on
entendit une voix débile, la voix mysté-
rieuse de Ghilaine qui murmurait tout
haut :
— Ton père, Toubeau, ton père!.
Quand tu seras grand, tu chercheras ton
père.
Elle fit une pause, comme si la force
lui manquait, et reprit d'une voix qui s'é-
teignait : ,
— Ton père, tu le tueras, quand tu seras
guéri !
Hagard, Toubeau écoutait; la voix de sa
mère était pour lui ce que le souffle est
pour le flot. Il frémissait à cette voix
folle avec une docilité d'élément. Tout,
en lui, était bouleversé, tous ses souve-
nirs étaient remués. M. Dieulafoy lui
répéta au milieu du silence :
— Toubeau, ne vous rappelez-vous plus
le porion Jacquemin ?
Il y eut, à ces paroles, une éclaircie de
douceur sur la figure de Toubeau. On eût
dit que son visage venait de sortir de
l'ombre, et il répondit de nouveau avec
effort :
- Non.
Jacquemin se sentit faiblir. Dans cette
lutte où il était périlleux de tressaillir, où
le moindre pâlissement pouvait le perdre,
où une larme eût été sa défaite, ses forces
commencèrent à l'abandonner, et tout à
coup, au signe que fit Toubeau en répon-
dant, il poussa un grand soupir.
M. Dieulafoy dit aussitôt en regardant
l'Innocente :
— Ghilaine, vous souvenez-vous de la
nuit du grisou?
Elle répéta d'une voix machinale :
— Le grisou.;. «
— Cette nuit-là, n'avez-vous pas vu un
homme?
— Un homme!., non, je ne l'ai pas
vu.
— Si! Vous étiez yercheuse. On travail-
lait dans la veine n° 15. Vous étiez dans
la veine avec votre lampe. Mais la lampe
s'est éteinte, tout est devenu noir; alors,
un homme est venu, vous en souvenez-
vous?
Ghilaine regardait le juge, la prunelle
dilatée par l'eftroi du souvenir. Toubeau
écoutait, et Jacquemin, sur le front du-,
quel perlait une sueur aussi douloureuse'
qu'une sueur d'agonie, cédait presque au
fléchissement, lorsque M. îDieulafoy5 se]
.tourna soudain vçrs luL^eLlui diUd/jioa
voix dont chaque parole semblait voulajt
le frapper :
- Jean Jacquemin, en 1860, pour sau-ï
ver un homme, vous vous êtes jeté dans
une veine à Frameries. 'Trois fois, cinq;
ans plus tard, à Sacré-Madame, vous êteg,
rentré dans une taille où trois homme~
venaient d'être brûlés, et vous les avei
rapportés tous les trois. Vous étiea àj[
Bonne-Espérance en 1868; il y avait un £
yercheur resté au fond d'une veine, st.
basse, qu'on ne pouvait s'y glisser à pla^
ventre, et si secouée par une explosion^
qu'elle allait s'écrouler; vous y êtes entrée
le yercheur était loin, vous êtes resté près
d'une heure ; le soir même, la veine a £
croulé, c'était à cinq cents mètres sous,
terre. —Vous aviez une iille!—H y a sep
mois, à Pont-sur-Sambre, vous avez enS
core sauvé Toubeau. Jean Jacquemin, icra
il y a trente ans, le grisou a enseveli to,u
un chantier sous la terre. Regardez!
M. Dieulafoy fit un geste : le'rideau dàJ
fond fut tiré ; Jacquemin frissonna, et làï"*
juge poursuivit t - -
— Vous n'avez pas sauvé ceux-là 1
MAURICE TÀLMEYJft
1 (A suivre
- *-• - RÉDACTION
rdreeser au Secré taire- de la Rédaçtipit
De 4 à 6 heures du soir
18j KDE DE VALOIS, lit
Jt~ manuscrits non insérés ne seront pas rendue
w ANNONCES
IdU. Ch. LAGRANGE, CERF et C?
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
18, RUE DE VALOIS, 18
ABONNEmENTe
PABIS t DÉPABTEMENTO
îs mois. 10 s Trois mois. 13 59 )
mois.,.«u-20 j» j Six mois. 27 gj
Adresser lettres et mandats
A M. ERNEST- LEFÈyRB
ADHJNtSÏHÀTifUJa-GÉRAOT
DEMAIN
C'est demain que commence la nou-
velle session. La Chambre attend l'at-
titude que va prendre le ministère. Le
pays attend l'attitude que va prendre
la Chambre. **
Que la Chambre attende l'attitude
que va prendre le ministère, il y a là
quelque chose qui est le contraire de
- La logique. Car, qu'est-ce que le Par-
lement? le représentant du pays,
c'est-à-dire du maître. Et qu'est-ce
que le ministère? l'agent et le servi-
teur du Parlement. Vous figurez-vous
le maître de la maison disant à un de
ses serviteurs : — « Vous voilà à mon
service : qu'est-ce que vous allez me
faire faire? » C'est exactement ce que
fait la Chambre en disant au nouveau
ministère : — Vous voilà gouverne-
ment, qu'est-ce que vous allez me faire
voter?
C'est la Chambre qui devrait donner
l'impulsion au ministère, au lieu de la
recevoir de lui. C'est à la Chambre
qu'il appartient de décider dans quel
sens et vers quel but elle entend que
la politique soit dirigée. Généralement,
quand on prend une petite voiture, on
dit au cocher où l'on désire aller, on ne
demande pas au cocher où il va lui
plaire de vous conduire.
Mais, comme dit Molière, nous avons
changé tout cela. Cette fois, il est diffi-
cile de prétendre que c'est la faute à la
- République, car il éclate que c'est la
faute au Seize-Mai. Le Quatorze-Octo-
bre n'a pas eu d'autre idée politique
que de renfoncer le Seize-Mai dans le
trou de taupe d'où il avait eu l'impu-
dence de sortir. Réélection des 363, tel
a été l'unique mot d'ordre — non mo-
ral. On a réélu sans distinction, pêle-
mêle, les yeux fermés, tous ceux
que le gouvernement des curés avait
mis à la porte. Il en est résulté
une Chambre sans unité et sans ma-
jorité, une Chambre en morceaux
que toutes les grandes questions ont
trouvée petite. Chambre honnête d'ail-
leurs, pavée d'autant de bonnes inten-
tions que l'enfer, ne demandant qu'à
bien faire, mais craignant tellement de
faire mal qu'elle ne faisait rien. Cham-
bre hésitante, allant non pas de gauche
à droite, mais de gauche au centre gau-
che, jusqu'au point où le centre gauche
était difficile à distinguer du centre
droit, et en arrivant à ceci que, comme
nous le disions en commençant, le pays
attend l'attitude qu'elle va prendre —
après deux ans.
Nous espérons que l'attitude qu'elle
va prendre sera celle qu'il faut. Nous
espérons qu'elle va comprendre que
l'heure est venue de la décision et de
la fermeté. Nous espérons qu'elle va se
dire qu'il est grandement temps, après
dix ans, que la République soit la Ré-
publique, Si elle ne se le disait pas,
nous espérons que le ministère le lui
dirait. C'est pour ne le luiavoir pas dit
que le ministère précédent est tombé,
,et qu'il a risqué de ne pas tomber seul.
Depuis quelque temps, on a prononcé
plus d'une fois le mot : dissolution.
'Nous qui désirons que le ministère
dure et que la Chambre aille jusqu'au
terme de son mandat, car la Républi-
que n'a aucun intérêt à la fréquence
des crises et au changement incessant
du personnel ministériel et du person-
nel parlementaire, nous voulons croire
que la Chambre et le gouvernement
vont se décider enfin à l'énergie que
réclame le pays.
Que ce soit le gouvernement ou la
Chambre qui prenne l'initiative, il est
temps qu'on en finisse avec les ti-
midités et les compromis. Il est temps
qu'on offre au pays autre chose que le
maigre dîner auxquels l'a réduit la
monarchie, non-seulement lorsqu'elle
s'est appelée de son vrai nom, mais en-
core lorsqu'elle s'est appelée la Répu-
blique sans républicains. Maintenant
qu'elle est la République sallslépithèle,
maintenant qu'elle est maîtresse chez
elle, maintenant qu'elle a renvoyé la
la réaction à son Buffet et qu'elle a
prié l'ordre moral d'aller se faire
Fourtou, le pays veut être traité autre-
ment. Il est, depuis la réélection de
la Chambre, et encore plus depuis
le renouvellement du Sénat, et sur-
tout depuis le remplacement de M.
de Mac-Mahon par M. Jules Grévy,
dans la position d'un invité à dîner
qui n'a pas déjeuné et qui trouve qu'on
tarde beaucoup à se mettre à table.
La République, en l'invitant, lui a
promis toutes sortes de bons plats :
amnistie, enseignement laïque, réfor-
me de la magistrature, etc. Il en a faim.
Il est temps que le ministère ouvre la
porte à deux battants et dise à la Ré-
publique : — Madame est servie.
AUGUSTE VACQUERIE.
Il est imprudent de déchaîner la pi-
tié. Ce sont les sentiments tendres qui
se traduisent avec le plus de violence.
L'amnistie est populaire parce que les
souffrances des condamnés, leur exil,
leur abandon ont profondément remué
les cœurs. Selon la belle expression de
Madier-Monîjau, « le bruit des coups
de fouet distribués par les gardes-
chiourmes de Nouméa a retenti en
France ». J'ai rencontré dernièrement
quelqu'un qui avait vu de près l'élec-
tion du Vaucluse. Il me disait que les
plus ardents partisans de M. Humbert,
c'étaient peut-être les femmes et les
enfants. Les enfants criaient : Vive
l'amnistie ! Les femmes exhortaient
leurs maris à la porte des réunions.
Elles criaient : Les condamnés ont été
trop malheureux! On les a martyrisés !
C'est à vous de réparer le mal ! De
toutes les propagandes, celle-là est tou-
jours la plus efficace. Mais combien elle
montre que la cause de l'amnistie a
fait des progrès ! Une question est
mûre quand les femmes s'y mettent.
Le concurrent de M. Humbert, M.
Gent, a dû promettre de voter [l'amnis-
tie pleine et entière. Un candidat qui 1
aurait parlé d'amnistie partielle n'aurait
pas recueilli vingt-cinq voix. Assuré-
ment, il en serait de même dans une
bonne moitié de la France. Ah! c'est
que la pitié ne parle pas seule aujour-
d'hui C'est que le sentiment de la jus-
tice a été profondément blessé. C'est
que personne ne comprend que tel ou
tel soit encore en exil quand M. de
Fourtou est à la Chambre et M. deBro-
glie au Sénat.!
Qu'est-ce que je dis? M. de Broglie !
M. de Fourtou! Comparas à d'autres, ce
sont presque des innocents. Mais les
auteurs du coup d'Etat? Quoi! Il y a
trente ans à peine des hommes se sont
rués sur la République et sur la loi; ils
ont déporté, exilé, fusillé sans juge-
ment; ils ont supprimé la liberté de la
presse, la liberté de la parole, toutes
les libertés; ils ont envoyé nos soldats
périr au Mexique et en Chine; ils nous
ont ensuite livrés à l'Allemagne; ils
nous ont laissé arracher la Lorraine et
l'Alsace; ils sont responsables de notre
défaite et de notre honte, et le jour où
la République ressuscite, ce sont d'au-
tres coupables qu'elle châtie 1
M. le maréchal Canrobert, qui a -a-
gné la bataille du boulevard Montmar-
tre, siège au Sénat; M. Rouher vote
contre l'amnistie à la Chambre .des dé-
putés ; M. Vinoy gouverne la Légion
d'honneur. Tous leurs anciens compli-
ces se groupent autour d'eux ou peu-
plent encore des administrations re-
belles. Et, tendant la main au républi-
canisme modéré et sage, devant le pays
stupéfait et dupé, le 2 décembre con-
damne le 18 mars !
Et vous vous étonnez qu'une partie
de la France se passionne? que Paris,
qui a vu démolir la maison Sallan-
drouze à coups de canon, qui a vu
prendre Torloni d'assaut, qui a souffert
cinq mois de siège; que le Var, le Vau-
cluse, les Bouches-du-Rhône, l'Hérault,
la Gironde, le Rhône, la Nièvre, les Py-
rénées ; que tous 'ces départements et
bien d'autres, qui ont eu leurs pros-
crits et leurs martyrs, demandent l'am-
nistie et élisent des condamnés? Hé !
ce qu'il y a d'étonnant, c'est que la
France tout entière n'en nomme pas.
Mais si vous continuez, cela viendra.
Pourquoi les uns sont-ils frappés
quand les autres ne le sont pas? Pour-
quoi y a-t-il deux sortes de crimes:
ceux qu'on flétrit et ceux qu'on pu-
nit? Pour les bonapartistes, le châti-
ment a consisté en un ordre du jour.
Pour les gens du Seize-Mai, le châti-
ment a consisté en un ordre du jour.
Pour les hommes de la Commune, il y
a eu l'exil, le bagne et le feu de
peloton.
Voilà ce que le pays ne comprend
pas. Voilà ce qu'il ne comprendra ja-
mais. Voilà ce qui fait que les hommes
s'émeuvent; voilà pourquoi les femmes
des campagnes font de la propagande
électorale ; mais voilà pourquoi, aussi,
un gouvernement qui est sage, qui a
souci de l'avenir et qui veut affirmer la
République, doit se hâter de faire
l'amnistie.
EDOUARD LOCKUOY,
COULISSES DES CHAMBRE)
t'est demain, mardi 13 janvier, que
s'ouvre la session ordinaire de 1880. Cette
ouverture ayant lieu de plein drJif" aux
termes de la Constitution, n'est pas pré-
cédée d'un décret de convocation comme
pour les sessions extraordinaires.
A la Chambre, la première séance sera
occupée, après le tirage au sort mensuel
des onze bureaux, par l'élection du bureau
qui, comme on le sait, est nommé pour
toute la durée de l'année. Il y aura quatre
scrutins : le premier pour la nomination
du président, le second pour les quatre
vice-présidents, le troisième pour les
huit secrétaires et le quatrième pour les
trois questeurs.
Le vote ayant lieu à la tribune, il est à
peu près certain que les quatre scrutins
ne pourront pas avoir lieu dans la même
journée à raison de la longueur de l'opé-
ration.
Quant au Sénat, il n'a pas mis à son
ordre du jour l'élection de son bureau;
mais cette élection peut avoir lieu immé-
diatement si le Sénat le décide, ce qui est
très probable.
Ce n'est que quand les bureaux des deux
Chambres auront été nommés et qu'avis
en aura été donné au président de la Ré-
publique que le nouveau ministère fera
isa déclaration devant les deux Assem-
blées.
La journée de mardi étant consacrée,
-au moins par la Chambre, à l'élection du
bureau, et celle de mercredi au congé,
c'est au plus tôt le jeudi 15 janvier que le
cabinet pourra faire la communication
qu'il a projetée. Il se pourrait même que
la déclaralionne fût faite que vendredi, si
le Sénat ne nommait son bureau que
jeudi; car les messages ou les déclara-
tions sont toujours communiquées simul-
tanément auxdeux Chambres.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, la
séance d'ouverture sera présidée dans
chaque Chambre par le doyen d'âge. Au
Sénat, ce sera, sauf empêchement, M.
Gaulthier de Rumilly, sénateur inamovi-
ble, et à la Chambre des députés, M. Des-
seaux, représentant de la Seine-Infé-
rieure. -
Dans les deux Chambres, il est à peu
près certain que le bureau sortant sera
réélu. Déjà les délégués des groupes de
gauche du Sénat en ont décidé ainsi en
ce qui concerne leur assemblée ; quant à
la Chambre, il n'y a eu jusqu'ici aucune
délibération des groupes de gauche.
Au Sénat toutefois, il y aura une modi-
fication résultant d'une retraite volon-
taire. L'honorable M. Sçheurer-Kestner
qui est secrétaire-représentant au bureau
l'union républicaine, se retire parce qu'il
occupe depuis quatre années consécuti-
ves ce poste et qu'il veut permettre d'éta-
blir un roulement entre les membres de
son groupe. Il est probable qu'il sera rem-
placé par M. Demôle, sénateur de Saône-
et-Loire et actuellement secrétaire de
l'Union républicaine.
-0-
Les groupes de gauche du Sénat se réu-
nissent aujourd'hui séparément au Luxem-
bourg pour renouveler leurs bureaux et
se concerter en vue de l'ouverture de la
session, notamment sur l'ordre du jour à
fixer pour les premiers travaux du Sénat.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, le mi-
nistre de l'instruction publique demandera
au Sénat de commencer ses travaux par la
discussion du projet sur la réorganisation
du conseil supérieur de l'instruction pu-
blique. Le projet sur la liberté de l'ensei-
gnement supérieur serait mis à l'ordre du
jour immédiatement après..
La commission du conseil supérieur est
convoquée pour demain mardi à midi, au
Luxembourg dans le but d'entendre la
lecture du rapport de M. Barthélemy-
Saint-Hilaire. Si, comme on le prévoit,
le rapport est approuvé, il sera déposé à
l'ouverture même de la séance sur le bu-
reau du Sénat. La distribution pourrait en
être faite aux sénateurs dans un délai de
deux jours. La discussion pourrait par
suite commencer immédiatement après.
C'est d'ailleurs ce qui sera expliqué au
Sénat lorsqu'on lui demandera la priorité
pour les projets de loi sur le conseil supé-
rieur.
Cette discussion occupera au moins
quatre ou cinq séances. Les cléricaux,
qui attachent, avec raison, à ce projet une
importance au moins égale à celui de la,
libertéde l'enseignement supérieur, comp-
tent prendre une part active au débat.
Nous pouvons annoncer que M. de Bro-
glie compte, à cette occasion, reparaître
à la tribune du Sénat où il n'avait jamais,
osé remonter depuis le 16 mai. Il doit
prononcer un grand discours contre le,
projet et réclamer contre l'exclusion des
représentants de l'épiscopat du sein du
conseil supérieur de l'instruction publi-
que. On annonce également un grand dis-
cours de M. Laboulaye contre le projet.
Du côté des partisans.du projet, il y
aura également un grand nombre d'ora-
teurs outre M. Jules Ferry. La discussion
ne paraît devoir être ni moins vive, ni
moins passionnée que celle du fameux ar-,
ticle 7.
—0—
A la Chambre des députés, la fixation
de l'ordre du jour n'offrira aucune diffi-
culté. Elle est réglée d'avance pour assez
longtemps. On se rappelle, en effet, qu'a-
vant de se séparer, la Chambre a fixé au
lundi 19 janvier l'ouverture de la discus-
sion sur le tarif général des douanes. Cette
discussion occupera certainement quinze
à vingt séances. On n'a donc à se préoc-
cuper que d'alimenter les deux ou trois
séances qui auront lieu du 13 au 19 jan-
vier. On mettra à l'ordre du jour de ces
séances, selon toutes probabilités, la dis-
cussion de la proposition Duvaux, tendant
à l'abrogation de faumônerie militaire, et
celle de.Ja proposition Saint-Martin, ten-
dant à la protection de la liberté de cons-
cience dans l'armée. Il y aura probable-
ment aussi la délibération sur le-projet de
loi relatif à la liberté de réunion, qui ve-
nait en discussion le jour même de la sé-
paration des Chambres, et qui, d'un com-
mun accord entre le gouvernement et la
Chambre, a été renvoyée à l'ouverture de
la session de 1880.
-0-
Aujourd'hui, deux importantes com-
missions de la Chambre, précédant l'ou-
verture de la session, se réunissent au
Palais-Bourbon : la commission des tarifs
de douanes et celle du divorce. La com-
mission des douanes doit prendre ses der-
nières dispositions en vue de la discus-
sion publique qui va s'ouvrir à la Cham-
bre. La commission du divorce doit en-
tendre la lecture du rapport de M. Léon
Renault.
Nous rappelons que cette commission a
conclu au rétablissement du divorce et à
la remise en vigueur, sous réserves de
quelques modifications , des articles du
Code civil qui réglaient autrefois cette
question et qui avaient été abrogés..
m ifD»
On lit dans le Constitutionnel :
La nouvelle « à sensation » de ce matin est
contenue dans un entrefilets du Rappel annon-
çant que, à partir de demain, il aura « pour
collaborateur assidu le caillant et brillant
écrivain qui a popularisé la signature étoilée ».
On sait assez qui cela veut dire, et quelle per-
sonnalité abrite son anonyme à l'enseigne de
cette belle étoile.
.Au surplus, et surabondamment, de peur
qu'on n'en ignore, M. Auguste Vacquerie prend
soin d'avertir les lecteurs du Btfpptfrijue l'écri-
vain en question lui revient « avec toute sa
verve, avec tout son esprit,, toujours si jeune
et si parisien, quoique notre ami, hélas! ne
soit pas à Paris. Mais, ajoute M. Vacquerie,
nous espérons bien qu'il y rentrera bientôt —
et nas seul. »
L' « étoile « qui émigre ainsi du Mot d'ordre
au Rappel, seus les auspices d'un membre de
la Chambre des députés, M. Edouard Lockroy,
est, au point de vue du journalisme, un out-
law. C'est violer la loi que de publier sa prose
dans un journal, et la Hépublique, ainsi qu'on
sait, est le règne de la loi.
Avant d'écrire les lignes qui précèdent,
le Constitutionnel aurait bien dû relire la
loi dont il parle. Remettons-la lui sous
les yeux :
« Loi du Il mai 1868, article 9. — La
publication par un journal ou écrit pério-
dique d'un article signé par une personne
privée de ses droits civils et politiques ou à
laquelle le territoire de la France est in-
terdit, est punie d'une amende, etc. »
Signé. Une signature est un nom. Et
est-ce que nous mettons le nom de l'au-
teur au bas des articles dont nous avons
publié hier le premier et qui vont se suc-
céder régulièrement?
Voilà pour la question de droit. Ef
quant à la question de fait, le Constitü..)
tionnel n'ignore pas que l'étoile qu'il dé-"
nonce au gouvernement a brillé plus
d'une fois dans un autre journal et n'il
jamais donné lieu à aucune objection gou-
vernementale. En vertu de quoi ce qui a ét61
permis à un autre journal serait-il interditr
au Rappelé
On lit dans Y Evénements
Un gros événement sous un peut fait. Ro.(
chefort rentre au Rappel. -
Dans le Petit Parisien :
Le Ruppel annonce à ses lecteurs comme ?
une bonne nouvelle — et c'en est une, ew
effet,— qu'il aura pour collaborateur, à partie
de demain, le vaillant écrivain qui signe d'una »
étoile ses articles étincelants d'esprit et dâ" -.,
verve. •
,
-——————— -
LE BOISTÉRB^DES AFFAIRES ËIRMCÉMS'
Le résultat de la session d'examens qut
s'est ouverte le 4 décembre dernier au.
ministère des affaires étrangères ne po U-..,
vait manquer d'attirer l'attention de tous
ceux qui se préoccupent de l'aycnirds
notre diplomatie.
Le système inauguré par le décret du
1er février 1877 est en effet aujourd'hui
jugé, et les hommes les plus sérieux cqp11
me les plus compétents, plusieurs même
de ceux qui insistaient, il y a qUalqQ.eJ
années, en vue d'obtenir des changements
destinés à relever le niveau moyen et. 1:2
valeur intellectuelle de nos secrétaires
et attachés d'ambassade, avouent que let
régime aujourd'hui en vigueur au quai
d'Orsay n'a pas répondu aux espérances
qu'on en avait conçues, et que, malgréj
les intentions des ministres qui ont pris
l'initiative d'une réforme, il ne tend fi
rien moins qu'à une désorganisation xa^
pide et irrémédiable.
Une étude plus approfondie que détail*
lée des dispositions principales de l'arrêta
de 1877 nous montrera toutes ses imper.
fections; elle arrivera peut-être ,même. iï
nous faire connaître le système qu'il serait
opportun de lui substituer, ou tout aié
moins de présenter à la discussion d'unj:
commission spéciale.
Appelés à réformer un ordre de chose*
sous lequel le mode de recrutement de lit
carrière diplomatique était purement ar.
bitraire, où la faveur et la protection
avaient laissé absolument tomber en déi
suétude les garanties exigées des candidats
par le décret de 1853, les membres de laL
commission de 1877 sentirent le besoin
de réagir avec vigueur contre les triste^
influences qui avaient présidé à la plu*
part des choix faits dans les vingt der
nières années.
Un grand nombre de secrétaires et
d'attachés d'ambassade, en effet, n'étaient
à cette époque ni licenciés, ni bacheliers
en droit ; on nous a affirmé, sans que nouai
ayons pu vérifier le bien fondé d'une telle
assertion, que quelques-uns même n'as
vaient jamais subiles épreuves du bacca1%
lauréat ès-lettres. )
On remplaçait alors ces diplômes obiti
gatoires au moyen d'un certificat d'apti*
tude délivré par un prétendu jury auquel
fut bientôt substituée la seule garantia
d'un sous-directeur des affaires politiques;:
vers 1868, ce semblant d'examen, devenu
gênant pour quelques candidats, disparue
lui-même, et le bon plaisir resta la seuls,
règle d'admission, malgré les fréquentes
et sévères critiques adressées à un sem-;
blable état de choses par divers membres;
de nos Assemblées, soit à propos de. la 6
discussion du budget des affaires étranW
gères, soit par voie de proposition légijt
lative.
De là, la commission de 1877, chargé
autant de réviser les programmes d'exi-
mens que « d'assurer la tenue desdits e^a-(
mens aux époques d'avance fixées », £ 'est-
à-dire dans les mois de novembre ou il#
décembre de chaque année,
Composée d'hommes éminents, pour Iï
plupart diplomates en activité cte Sjj&YifillI
-/
Feuilleton du RAPPEL
DU 13 JANVIER
80
LE GRISOU
?
LIVRER
CHAPITRE VII
le cinquième
(Suite)
JSgaréo et semblant chercher un embras-
ement qui lui échappait,Ghilaine tendait à
demi ses bras inquiets, quand un bruit de
pas qui arrivaient parvint encore dans ta
salle, et lorsque Toubeau parut. Elle
voulut s'élancer; mais, sur un signe de
M. Dieulafoy, l'un des gardes la retint, et
ypir U llwrnl du 20 cctob. au i2 ianvier.
l'Innocente alors, toute balbutiante de
terreur, demeura l'œil fixe, la figure
tournée vars l'entrée de la chambre. On
voyait, en effet, au seuil de la porte, le
long corps penché du yercheur, son 'vi-
sage fou, et cette lueur obscure qui était
maintenant au fond de ses prunelles, et qui
semblait toujours remercier quelqu'un
d'invisible.
Jacquemin, lui, n'avait pas bougé, et re-
gardait les mtirailles de cette chambre nue,
laide et lugubre, où pendaient çà et là,
au long des cloisons sales, de sordides
costumes de mineurs et de petits casques
de cuir.
— Faites approcher, dit M. Dieulafoy.
Puis, il tendit le bras vers Jacquemin,
et, le tenant en quelque sorte au bout de
son geste, il dit à Toubeau : *
— Vous parliez souvent de cet homme
quand vous étiez à Pont-sur-Sambre?
Toubeau considéra longtemps le juge
de ce regard ignorant et troublé dont il
considérait toutes choses, et finit par se-
couer la tête.
M. Dieulafoy baissa le bras, et, mettant
la main dans son habit boutonné jusqu'en
haut ;
— Toubeau, avez-vous tué M. le bourg-
mestre?.
Ici Toubeau ne secoua plus la tête. Il
répondit : Oui.
Le conseiller reprit, impassible :
— Vous souvenez-vous de l'homme
que vous appeliez monsieur Jacquemin?
Toubeau pâlit, lit pendant un instan"
comme quelqu'un qui cherche pénible-
ment ses mois, et dit d'une voix faible :
— Non.
Jacquemin sentit en ce moment ses yeux
devenir humides, et le juge, qui l'obser-
vait, poursuivit :
— Toubeau, vous parliez cependant
d'une chambre blanche que vous aviez
chez lui, d'un lit dans lequel vous couchiez
quand vous étiez malade, et où M. Jac-
quemin venait la nuit vous apporter à
boire. Est-ce que vous ne vous rappelez
pas tout cela?
La pâleur de Toubeau était devenue ex-
trême. Il dit de nouveau, mais plus fai-
blement encore :
— Non.
Le juge observait toujours Jacquemin,
et, brusquement, il demanda :
— Toubeau, où est votre mère?
Le yercheur chercha Ghilaine des yeux
et la montra du doigt.
Le juge continua :
v — Votre père? -
L'expression soudaine que prit le visage
de Toubeau fut inexprimable. Ce fut une
brusque ressouvenance de haine mêlée de
tristesse et d'oubli; et en même temps,
dans le grand silence de la chambre, on
entendit une voix débile, la voix mysté-
rieuse de Ghilaine qui murmurait tout
haut :
— Ton père, Toubeau, ton père!.
Quand tu seras grand, tu chercheras ton
père.
Elle fit une pause, comme si la force
lui manquait, et reprit d'une voix qui s'é-
teignait : ,
— Ton père, tu le tueras, quand tu seras
guéri !
Hagard, Toubeau écoutait; la voix de sa
mère était pour lui ce que le souffle est
pour le flot. Il frémissait à cette voix
folle avec une docilité d'élément. Tout,
en lui, était bouleversé, tous ses souve-
nirs étaient remués. M. Dieulafoy lui
répéta au milieu du silence :
— Toubeau, ne vous rappelez-vous plus
le porion Jacquemin ?
Il y eut, à ces paroles, une éclaircie de
douceur sur la figure de Toubeau. On eût
dit que son visage venait de sortir de
l'ombre, et il répondit de nouveau avec
effort :
- Non.
Jacquemin se sentit faiblir. Dans cette
lutte où il était périlleux de tressaillir, où
le moindre pâlissement pouvait le perdre,
où une larme eût été sa défaite, ses forces
commencèrent à l'abandonner, et tout à
coup, au signe que fit Toubeau en répon-
dant, il poussa un grand soupir.
M. Dieulafoy dit aussitôt en regardant
l'Innocente :
— Ghilaine, vous souvenez-vous de la
nuit du grisou?
Elle répéta d'une voix machinale :
— Le grisou.;. «
— Cette nuit-là, n'avez-vous pas vu un
homme?
— Un homme!., non, je ne l'ai pas
vu.
— Si! Vous étiez yercheuse. On travail-
lait dans la veine n° 15. Vous étiez dans
la veine avec votre lampe. Mais la lampe
s'est éteinte, tout est devenu noir; alors,
un homme est venu, vous en souvenez-
vous?
Ghilaine regardait le juge, la prunelle
dilatée par l'eftroi du souvenir. Toubeau
écoutait, et Jacquemin, sur le front du-,
quel perlait une sueur aussi douloureuse'
qu'une sueur d'agonie, cédait presque au
fléchissement, lorsque M. îDieulafoy5 se]
.tourna soudain vçrs luL^eLlui diUd/jioa
voix dont chaque parole semblait voulajt
le frapper :
- Jean Jacquemin, en 1860, pour sau-ï
ver un homme, vous vous êtes jeté dans
une veine à Frameries. 'Trois fois, cinq;
ans plus tard, à Sacré-Madame, vous êteg,
rentré dans une taille où trois homme~
venaient d'être brûlés, et vous les avei
rapportés tous les trois. Vous étiea àj[
Bonne-Espérance en 1868; il y avait un £
yercheur resté au fond d'une veine, st.
basse, qu'on ne pouvait s'y glisser à pla^
ventre, et si secouée par une explosion^
qu'elle allait s'écrouler; vous y êtes entrée
le yercheur était loin, vous êtes resté près
d'une heure ; le soir même, la veine a £
croulé, c'était à cinq cents mètres sous,
terre. —Vous aviez une iille!—H y a sep
mois, à Pont-sur-Sambre, vous avez enS
core sauvé Toubeau. Jean Jacquemin, icra
il y a trente ans, le grisou a enseveli to,u
un chantier sous la terre. Regardez!
M. Dieulafoy fit un geste : le'rideau dàJ
fond fut tiré ; Jacquemin frissonna, et làï"*
juge poursuivit t - -
— Vous n'avez pas sauvé ceux-là 1
MAURICE TÀLMEYJft
1 (A suivre
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