Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-06-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 juin 1872 19 juin 1872
Description : 1872/06/19 (N845). 1872/06/19 (N845).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
N° 845. - Mercredi 19 Juin 1872.
Le numéro ï 10 o. — Départements : 15 c.
1" messidor an 80. — lf8 845.
RÉDACTION
S'a^eçsejP ai*.,Sj&crégira de la Rédaefida ;
De 3 4;S, heures du /tQtr, << - ,, -- -. 1 1-
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ANNONCES \- .Il
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et Ce
6, place de la, Bqurse, 6
1 * C. T; -
ADMINISTRATION
t8, RCB DB VALOIS, fg
ABVXKBnEKTS
PARIS
Trois mois. iq »
Six uaois.,. 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois niote.; #8 Sa
Six mais., 27 >j
-
Adresser lettres et mandats
A. M. A. PELLEPORT
LA CHINE PARLEMENTAIRE
Ainsi libéraux, monarchistes, réaction-
naires, parlementaires, unis et ne faisant
qu'un, comme les trois personnes de la
Trinité, tentent d'escamoter la loi sur le
service obligatoire, s'apprêtent à escamo-
ter la loi sur l'enseignement obligatoire et
se cabrent devant l'impôt sur le revenu.
Ils traitent ces choses, qui pourtant sont
aussi vieilles que Mathusalera ou M. de
Lasteyriey de « nouveautés » On leur
wrie que l'Angleterre a l'impôt sur le re-
venu; que l'Allemagne a le service obli-
gatoire ; que la Suisse, les Etats-Unis, etc.,
ont l'instruction obligatoire ; ils ne veu-
lent rien entendre. Ils prétendent que
« tout cela » n'est point suffisamment
« expérimenté H,, et qu'en tous cas il
faut, pour introduire chez nous d'aussi
prodigieuses réformes, prendre des ména- j
gements extraordinaires.
- La France, en arrière de tous les peu-
ples, se trouve dans la situation d'un jeune
homme qui porterait encore la culotte de
son bisaïeul. Certainement, il y a quelque
chose à faire, disent les politiques monar-
chistes. Mais il serait imprudent de rem-
placer cette vieille ( culotte en une seule
fois. Nous allons d'abord, donner au jeune
homme une première jambe neuve, qu'il
coudra avec l'ancienne. Dans cinq ou six
ans, nous lui offrirons une seconde jambe
neuve. Et avant la fin du siècle, si le
jeune homme est sage, nous compléterons
notre munificence en lui fournissant les
moyens de se boutonner.
Sous ce prétexte que le progrès ne
doit point avoir « l'allure révolution-
naire », ils nous octroient une culotte
en plusieurs parties, et dont les fragments
sont-séparés par des olympiades !
On dit qu'ils sont Français, parce
qu'ils sont nés en France, de parents
français, et qu'ils sont inscrits sur les re-r
gistres de notre état civil. Erreur pro-
fonde. Ce sont purement et simplement
des Chinois. Chinois chinoisant de chi-
noiserie t Ce monde microscopique qui,
lui-même s'intitule « classe dirigeante »,
et qui de fait est aux affaires depuis le
commencement du siècle, habite une
Chine, plus fermée que la vraie, plus re-
belle à l'idée et peuplée de plus de ma-
gots de porcelaines I Une muraille l'en-
toure, qu'ont bâtie leurs doctrinaires,
muraille haute et épaisse, à laquelle M.
Thiers a donné son moellon ; M. Hoyer-
CoUard, sa poutre ; M. Guizot, sa pierre
de taille ; et que M. le comte Molé a hé-
rissée de culs de bouteilles. Les politi-
ques qui se sont emprisonnés là-dedans,
ne regardent point au dehors. Les lois
de 1832, de 1833, de 1845 leur barrent
la vue. ,
Etrangers au monde qui, autour d'eux,
bourdonne, peine, travaille, écrit, s'agite,
'progresse, marche, ils ne songent qu'à
péjiétef&ce qu'ont fait leurs ancêtres, sans-
rien changer ni dans les procédés ni dans
les résultats; sans imaginer une améliora-
tion, sans concevoir un nouvel idéal. De-
puis soixante ans, ils construisent les mê-
mes petites maisons peintes de toutes cou-
leurs et dont les toits ont l'air de s'appuyer
sur des bâtons de sucre d'orge; ils dessi-
nent, sur les mêmes feuilles de papier de
riz, les mêmes petites bonnes femmes ;
ils entassent dans leur Bulletin des lois
une foule innombrable de petits décrets
aussi semblables les uns aux autres que
les poils de barbe consciencieusement re-
produits sur la joue des magots par les ar-
tistes de Nang-King. ,.
Oh! quel voyageur assez hardi, quel
missionnaire dévoué osera s'aventurer
dans cette Chine parlementaire, et nous
en dira les mœurs, les habitudes, les idées
et l'esprit de routine? Qui remontera ce
Kang-tsen—Kiang qui coule dans les bu-
reaux de Versailles, fleuve profond et bleu
dont les flots baignent les pieds du Jour-
nal des Débats, et sur lequel M. Saint-
Marc Girardin navigue dans une cange ?
Qui nous décrira ces rives fleuries où
M. Belcastel se promène en jouant du tam-
tam, où M. Changarnier récite Lao-Tsen,
où M. de Broglie va contempler le nom-
bril?
Là, on se croit au centre du monde ; on
s'imagine que l'univers vous regarde. On
s'amuse à peindre sur son bouclier des
spectres rouges qui tirent la langue, pour
épouvanter les bons bourgeois ; on se per-
suade que toute la sagesse humaine est
contenue dans le livre de Confutzée ; on
place sur un autel le prétendant de Frosh-
dorf et le prétendant de Chantilly, ma-
gots respectables que dans toute autre par-
tie de l'Europe on mettrait sur une éta-
gère ! - .', .,
Quand une chose dont ils n'ont point
l'habitude apparaît à ces Chinois, ils se
sentent indignés et épouvantés. Et c'est
alors qu'ils se frottent le ventre, et qu'ils
mâchent de l'opium, et que pour repousser
le progrès ils trouvent des raisons chinoi-
ses ! Oui, disent-ils, le service obligatoire
convient à l'Allemagne, l'impôt sur le re-
venu à l'Angleterre, et la République aux
Etats-Unis. Mais les Français ne sont
point faits comme les autres peuples. Ce
qui est beau au delà du Rhin est mauvais
en deçà.
C'est une question de race, de constitu-
tion et d'estomac. Digérez-vous bien, à
Paris, la bière, les saucisses et la chou-
croute? Non. Comment donc voulez-vous
de l'instruction obligatoire? L'instruction
est le corollaire du jambon fumé. Le ser-
vice militaire aussi. Tout se tient. Les
Français sont nerveux. Ils ne supportent
point l'aie ni le porter. Donc ils doivent
rester ignorants. Le tempérament natio-
nal, qui est vif, et que les idées justes
impressionnent trop vivement, nous im-
pose le crétinisme le plus absolu. Pre-
nons-en notre parti, Mgr Dupanloup l'a
démontré. Si nous savions tous lire et
écrire, et si tous nous défendions la
patrie, l'Eglise tremblerait sur ses bases
-et la société aurait des faiblesses dans les
jambes. Dieu, quand il nous a créés,
nous a refusé la faculté de nous instruire,
de fonder la République, et de manger
impunément des saucisses.
C'est là, jusqu'aujourd'hui, ce qu'ils ont
découvert de plus sérieux. C'est là toute
leur argumentation. C'était avec « tarte à
la crème » qu'au dix-septième siècle on
jugeait les comédies ; c'est avec « jambon
fumé » qu'au dix-neuvième on juge les
lois.
Hélas ! et pendant que cette Chine dis-
cute et dispute, parle et s'amuse avec ses
magots, le temps passe, la France souf-
fre, la population s'impatiente. Que de
temps perdu pour le progrès, pour la mar-
che en avant, pour l'avenir 1 Quand la dis-
solution mettra-t-elle fin à ces fantaisies
asiatiques? Combien de mois encore se-
rons-nous forcés d'écrire dans nos livres
de géographie :' - Département de Seine-
et-Oise, chef-lieu : Pékin.
EDOUARD LOCKROY.
Aux rédacteurs du Rappel.
Je reçois aujourd'hui, 17 juin, cette
lettre du 27 mai.
Jules Renard est cet homme résolu qui
a poussé le respect de sa conscience
jusqu'à se dénoncer lui-même. Il est en
prison parce qu'il l'a voulu.
Je crois la publication de cette lettre né-
cessaire,
La presse entière s'empressera, je le
pense, de la reproduire.
Cette lettre est remarquable à deux
points de vue : l'extrême gravité des faits,
l'extrême modération de la plainte.
A l'heure qu'il est, certainement, j'en
suis convaincu du moins, Jules Renard
n'est plus au cachot ; mais il y a été, et
cela suffit.
Une enquête est nécessaire ; je la ré-
clame comme écrivain, n'ayant pas qua-
lité pour la réclamer comme représentant.
E videmment la gauche avisera.
, -- VICTOR HUGO.
Prison de Noailles, cellule de correction,
no 7-1, le 27 mai 1872.
A Monsieur Victor HugQ.
De profundis, clamo ad te.
Je suis au cachot depuis huit jours pour
avoir écrit la lettre suivante à M. le géné-
ral Appert, chef de la justice militaire :
«Prison des Chantiers, 20 mai 1872.
» Monsieur le général,
» Nous avons l'honneur de vous infor-
mer que depuis quelque temps le régime
de la prison des Chantiers n'est plus sup-
portable. - Des provocations directes sont
adressées chaque jour aux détenus en des
termes qui, si ces faits se prolongeaient,
donneraient lieu à des appréciations non-
méritées sur tout ce qui porte l'uniforme
de l'armée française. Les sous-officiers em-
ployés au service de la prison ne se font
aucun scrupule de frapper à coups de bâ-
ton sur la tète des prisonniers dont ils ont
la garde. Les expressions les plus grossiè-
res, les plus humiliantes, les plus blessan-
tes, sont proférées contre nous et devien-
nent pour nous une continuelle excitation
à la révolte.
» Aujourd'hui encore, le maréchal des
logis D. a frappé avec la plus extrême
violence un de nos co-détenus, puis s'est
promené dans les salles, un revolver dans
une main, un gourdin dans l'autre, nous
traitant tous de lâches et de canailles. Ce
même sous-officier nous soumet depuis
quelques jours à la formalité humiliante de
la coupe des cheveux, et profite de cetteoc-
casion pour nous accabler de vexations et
d'injures.
» Jusqu'ici, faisant effort sur nous-mê-
mes, nous avons contenu notre indignation,
et nous avons répondu à ces faits, que nous
ne voulons pas qualifier, par le silence et le
dédain. Mais aujourd'hui la mesure est
comble, et nous croyons de notre devoir
rigoureux, monsieur le général, d'appeler
votre haute attention sur ces faits que vous
ignorez bien certainement, et de provoquer
une enquête.
» Il ne s'agit pas, croyez-le bien, mon-
sieur le général, d'opposition de notre
part. — Quelque dure que soit la consigne
qui nous est imposée, nous sommes tous
disposés à la respecter. Ce que nous avons
l'honneur de vous soumettre, ce sont les
excitations, les provocations, les voies de
fait, dont le commandant de la prison
donne l'exemple, et qui pourraient occa-
sionner des malheurs. En un mot, il s'agit
d'une question d'humanité, de dignité, à
laquelle tout homme de cœur et d'honneur
ne saurait rester insensible.
» Nous avons l'honneu r d'être, monsieur
le général, vos respectueux,
» JULES RENARD et une cinquantaine
d'autres signataires. »
C'est pour avoir écrit cette lettre que jje
suis jusqu'à nouvel ordre dans un cachot in-
fect, avec un forçat qui a les fers aux
pieds, et cinq autres malheureux.
JUJ ES RENARD,
ancien secrétaire de Rossel.
—— ■ ————————
L'ÉVACUATION DU TERRITOIRE
Les négociations pour la libération du
territoire se poursuivent de la manière la
plus satisfaisante. Deux entrevues déjà ont
eu lieu entre M. Thiers et M. d'Arnim, et
des deux parts on s'est montré très satis-
fait du résultat obtenu. Il est certain au-
jourd'hui que la Prusse accepte le principe
d'une évacuation anticipée, mais succes-
sive, c'est-à-dire proportionnelle à l'éten-
due des versements qffectués par le gou-
vernement.
Tels sont les seuls renseignements au-
thentiques qui soient connus aujourd'hui.
Quant aux autres nouvelles à sensation-don-
nées par nombre de journaux, nous pou-
vons affirmer qu'elles sont absolument dé-
nuées de fondement, le silence le plus ri-
goureux étant gardé à l'égard de ces déli-
cates négociations.
1 ——
BUCOLIQUE ORLÉANISTE
Or, comme il faisait bien chaud, voici
qu'on a entendu vaguement une flûte lar-
moyante et chevrottante; puis on a recon-
nu la classique chanson de l'amante Dé-
laissée.
Ducite ab urbe domum,mea carmina,ducite Daphnim.
Et comme on regardait mieux, on vit
sortir des roseaux la grosse tête de M.
d'Haussonville, aux lèvres duquel s'ap-
puyait le flageolet ordinaire des a Dé-
bats M.
Or, quand M. d'Haussonville souffle dans
son flageolet, il n'y souffle pas à moins de
six colonnes compactes d'un grand journal.
Une vraie cuve de larmes. Jamais Ariane
lâchée par Thésée, ni Didon lâchée par
Enée, n'ont eu les accents déchirants, les
tendres reproches de l'Ariane de l'orléa-
nisme également « lâchée » par M. Thiers.
L'amour seul, j'entends l'amour le plus
ardent, a pu inspirer ces six colonnes, plus
brûlantes les unes que les autres. Il y a là,
pour le berger infidèle, des mots de brai-
se. Entre autres, un de passion violente :
« Nous ne nous sentons pas assez gou-
vernés l » qui rappelle, à vous donner le
frisson, la fille dont parle le poëte Barbier,
voulant pour son amant « un bras qui la
gouverne. » Et en même tempe, par une
contradiction toute féminine. la bergère
des Débats se plaint qu'on ne fasse plus ses
caprices.
Et quelle tendresse dans tous ces repro-
ches amoureux ! On rappelle au volage
qu'on l'a fait nommer, qu'on l'a toujours
chéri, tandis que les autres le détestaient ;
on lui rouvre les bras ; n'a-t-on pas été
bonne pour lui? On lui a passé Grévy, on
lui a passé Lefranc ; on lui pardonne un
mot à Gambetta, un baiser furtif à Ranc.
Mais ce qu'on n'admet pas, c'est qu'il
accueille aussi a les démocrates furieux,
qui, le poing fermé et l'écume à là bou-
che, viennent lui présenter comme une
menace leur terrible idéal. » Ne sont-ce
pas bien là des injures de femme? Il faut
certainement une jalousie de bergère dé-
laissée pour représenter M. Louis Blanc le
poing fermé.
Et il faut toute la pitié d'un cœur sensi-
ble à l'amertume de cette intention vrai-
ment cruelle, pour que nous ne soyons pas
tentés de survivre en voyant représenter
M. Quinet. « l'écume à la bouche ».
Nec sum a4eo informis : nuper me in littore vidi.
« Et je ne suis pas si faible que cela : je
me suis comptée au dernier vote », ajoute
mélancoliquement l'inconsolable amante.
Puis, tout à coup, ranimée : « Il revien-
dra dans mes bras, c'est sûr. » Et alors elle
a un mot féroce pour ses rivaux, qui à leur
tour attendront à la porte :
cc Pour le quart d'heure, il ne leur ap-
partient que d'être patients. »
A la fin, un soupçon confirme sa pen-
sée. Si son Adolphe ne revenait pas?
Et alors, elle"én arrive à la dernière ex-
trémité : « Eh bien! alors! j'en prendrai
un autre! » ---'. ','"
Ce curieux morceau de littérature
montre sous un jour nouveau la rage que
les dernières élections ont inspirée aux
partisans, si rares, de la droite de l'Assem-
blée. Ce pauvre parti, qui n'a plus aucune
force dans le pays, en est réduit à espérer
que M. Thiers, pour le satisfaire, rompra
avec la République, au moment même où
la République réunit tous les suffrages.
Et pour arriver à ce résultat, on risque
la déclaration d'amour. Pauvres politiques
qui ne veulent jamais voir que c'est à la
nation, et non à quelques hommes, quels
que soient leurs titres, qu'il faut songer!
Pauvres logiciens, qui, tout en louant tel
ministre d'avoir déclaré « qu'il accepterait
la volonté de la France, fût-elle contraire à -
la République», essayent, par une coalition
entre une chambre impopulaire et un pré-
sident qui le deviendrait en s'alliant à elle,
d'empêcher cette volonté d'avoir ses effetsi
Mais nous sommes tranquilles. M. d'Haus-
sonville en sera pour son air de flageolet ;
Daphnis ne reviendra pas ; Alexis n'écou-
tera pas Corydon.
CAMILLE PELLETAN.
* : —«
Tous les journaux, y compris les feuilles
les plus officieuses, comme le Bien public,
sont unanimes à déclarer que les négocia-
tions entamées avec la Prusse pour l'éva-
cuation du territoire progressent favorable-
ment. L'Opinion nationale va jusqu'à dire
que les entretiens de M. Thiers avec M.
d'Arnim ont eu .des résultats inespérés.
Seule, dans ce joyeux concert, la Patrie
fait entendre sa fausse note. Voici, d'après
cette feuille, quelle serait la réponse de la
Prusse aux propositions de M. Thiers :
« La Prusse accepterait en principe Il) paie-
ment anticipé partiel avec évacuation du ter-
ritoire.
» La France verserait à la Prusse, immédiate-
ment, c'est-à-dire dans les délais nécessaires
pour la réalisation des sommes voulues, un
milliard cinq cents millions.
» Les autres quinze cents millions seraient
payables dans le délai de cinq ans, par échéan-
ces, à régler à partir de la signature de la con-
vention ou de l'acceptation des traites qui re-
présenteraient ce reliquat de notre dette.
» La Prusse, de son côté, évacuerait entiè-
rement après le premier versement de un
millard et demi, mais elle se réserverait d'oc-
cuper, « pendant cinq ans, Toul et Belfori,
Il sans que nous puissions, même en anticipant
» le second paiement, rentrer en possession de
» ces deux places. »
Si la Patrie était bien informée, les con-
ditions imposées par M. de Bismark équi-
vaudraient à la rupture du traité de Ver-
sailles. L'occupation pendant cinq ans, de
Toul et de Belfort, après le payement in-
tégral de l'indemnité consentie par nous,
serait une aggravation intolérable, absolu-
ment contraire aux stipulations d'un traité
déjà trop désastreux. Cette occupation se-
rait un véritable casus belli.
Nous devons donc considérer comme
une plaisanterie de mauvais goût la nou-
VenlUetoii du RiPPEl
DU 19 JUIN 1872
A*
LES
t
HOMMES DE L'EXIL
PAR
CHARLES HUGO
£
Avant de raconter les événements qui
suivirent la Déclaration, pour bien faire
valoir la portée de ce manifeste décisif, et
pour bien dégager la situation toute nou-
velle dans laquelle il plaçait l'autorité bri-
tannique, il est nécessaire de résumer en
quelques mots les faits que notre récit a
jusqu'ici développés.
A la suite du Deux-Décembre, un
gfctàpé d'hommes, chassés de leur pays,
S-féÛlblit à Jersey et y Tonde une paisible
colonie.
SousJa protection des lois britanniques,
es homm es, qui sont des proscrits et qui,
en même temps qu'habitants de Jersey,
sont citoyens de France, obéissent à leur
cûoscience, à leurXoi, à .leur religion, à
leur droit fetiileur devoir m combattant,
Voir les numéros du 2 au 19 novembre 1871,
des 5, 7, .S, -31 mars, et 2, 5, 6, 7, 8, 9, 41,14,
45, 16, 18, 22, 25, 28 avril, 2, 7, 9, H, 4 S, i8,
21, 2o, 29 mai, 2 et 6 juin 1872.
par tous les moyens légaux et légitimes,
par la parole, par la presse et par le mee-
ting, le parjure qui a violé la loi suprême
de leur patrie.
M. :Bonaparte considère, dès lors,
comme un danger et un affront pour son
empire, le voisinage et la propagande de
ces hommes. Il devient l'allié de l'Angle-
terre, et, d'accord avec lord Palmer-
ston, il décide leur expulsion et n'attend
qu'un prétexte. Le motif de l'acte est bien
évident. Le prétexte ne l'est pas moins.
Une lettre à la reine d'Angleterre, lue
et publiée dans un meeting à Londres,
puis insérée vingt jours après, sans ré-
flexions, à la troisième page du journal
l'Homme, est saisie au vol par la police
bonapartiste. Un meeting s'ensuit, dans
lequel, à force d'affiches, de déclamations
et de manoeuvres, on arrache à une po-
pulation fanatisée le vœu de la suppres-4
sion du journal. Ce vœu, l'autorité mili-
teine l'interprète à sa façon et signe l'or-
dre, -non de ta suspension de l'Homme,
qui continue de paraître, mais du renvoi
du rédacteur,, de l'administrateur et du
vendeur du journal.
Il y -a des lois à Jersey, il y a une Cons-
titution en Angleterre. L'autorité mili-
taire ne consulte ni les franchises Iccal*,
ni la charte britannique Elle fait litière
de la justice et de la législature de l'île,
elle foule aux pieds la loi de la Grande-
Bretagne, et .commet impudemment un
coup d'Etat à Jersey, un coup d'Etat en
Angleterre, qu'elleoffre respectueusement
à la ratification du coup d'Etat de -Francé.
Les trois proscrits expulsés s'en vont.
Trente-six proscrits élèvent alors la voix.
La fumée du paquebot qui emporte leurs
amis n'a pas encore disparu de l'horizon,
son sillage n'a pas encore disparu de la
vague, que trente-six nouveaux proscrits,
debout sur le port de refuge, s'écrient :
Expulsez-nous i et attendent la réponse 4
ce défi, le visage tourné non du côté de
l'Angleterre, mais du côté de M. Bona-
parte.
Que disent-ils au gouvernement an-
glais ? Il leur a été facile de dénoncer les
causes réelles de l'expulsion de leurs
amis et de la débarrasser du prétexte. Ils
savent qu'au fond de l'acte, il y a, non la
dignité de la reine outragée, mais l'hu-
miliation et la peur de M. Bonaparte,
traduit à la barre de l'Europe et de l'his-
toire. (
Le coup d'Etat s'installant à Jersey,
prend pour enseigne « la pudeur » de
Victoria; les proscrits arrachent rensei-
gne et, au-dessus de la porte, ils affichent
le crime de Bonaparte.
Le Deux-Décembre tient à l'équivoque;
la Déclaration la lui retire.
La question change. ,
Il faut que l'acte du gouvernement an-
glais se démasque.
Il faut qu'il nous expulse, cette fois,
parce que M. Bonaparte entend fatre res-
pecter son crime à l'égal de la prérogative
de la reine. Il faut qu'il nous expulse en
vertu du faux serment qui l'exige, en vertu
au guet-apens qui l'ordonne, en Vtrtu du
meurtre qui fait un signe.
- Il faut qu'il nous expulse, parce que
M. Bonaparte a chassé l'Assemblée. Il
faut qu'il nous expulse, parce que M. Bo-
naparte a chassé les magistrats. Il faut
qu'il nous expulse, parce que M. Bona-
parte a chassé soixante mille citoyens. Il
faut qu'il nous expulse, parce que M. Bo-
naparte nous a proscrits 1
Le gouvernement anglais, par l'expul-
sion de nos amis, avait mis la proscrip-
tion en demeure. A son tour, la Déclara-
tion mettait en demeure le gouvernement
anglais.
De deux choses, l'une :
Ou le D-ux-Décembre apparaissait, et
alors M. Bonaparte se trahissait.
Ou le Deux-Décembre continuait à se
cacher derrière la reine d'Angleterre, et
alors M. Bonaparte reculait.
Ces deux dénouements satisfaisaient
également les signataires de la Déclama-
tion.
, ; *
• # *
Les signataires continuaient de faire
afficher leur manifeste, que la police bo-
napartiste s'efforçait inutilement d'arra-
cher. A mesure qu'une affiche disparais-
sait, une autre la remplaçait, 500 exem-
plaires environ de la Déclaration se - suc-
cédèrent sur les murs de Saint-Hélier.
Quelques proscrits se chargeaient èux-
mêmes, ou de surveiller l'affichage, ou
d'afficher de leurs propres mains.
Pendant trois jours, M. Barbieux ap-
posa la Déclaration sur les murs du Râ-
vre-des -Pas. Dans la ville, d'autres pros-
crits, accompagnant l'afficheur public, at-
tendaient que chaque affiche posée eût
séché sur la muraille et fût devenue, par
conséquent, plus difficile à arracher. Mais
la police employait alors les cannes et les
couteaux et lacérait la Déclaration, dé-
chirant surtout, de préférence, l'arrêt de
la haute cour de justice.
Un grand nombre d'affiches étaient
souillées de boue. Souvent, un angle de
papier, dont les aspérités de la muraille
avaient empêché la complète adhérence,
était égratigné avec rage. Ailleurs, les
exemplaires de la Déclaration étaient
comme martelés de coups. Pour dérouter
la police et donner aux affiches le temps
de se sécher complètement, des proscrits
avaient pris le parti de faire coller la Dé-
claration pendant la nuit.
Mais, dès le point du jour, elle était
partout, ou déchirée en partie, ou com-
plètement défigurée et maculée par les
mains des agents. Ce fut pendant quelques
nuits une lutte mystérieuse entre la police
de M. Bonaparte et les signataires de la
Déclaration, devenus les afficheurs.
Les meneurs bonapartistes violaient
encore un droit reconnu par la législation
de l'île : le droit d'affich ge. Mais le
coup d'Etat n'en était plus à compter avec
une simple contravention. Au contraire,
tandis que la Déclaration était partout en-
ievéé M? la police du Deux-Décembre,
toutes les affiches iu zueeting avaient été
feèpectées par les proscrits,
Un Anglais, M. Hôlla* indigné de» Ina-
nœuvres de la police, afficha lui-même la
Déclaration. Il parcourut la ville et la
campagne, un pot à colle à la rtHdn. Il
posa la Déclaration sur les murs, sur les
portes, et jusque sur les arbres. Il alla à
Saint-Ouen, à Saint-Pierre et à la Tri-
nité, et dans les points les plus éloignés
de la ville, sur les bornes des routes et sur
les falaises des côtes, il afficha le mani-
feste des trente-six proscrits.
Il ne fut pas le seul des habitants de
l'île, à concourir à la publicité de la Dé-
claration Dès le premier jour, le pharma-
cien Wellman eu avait exposé drs exem-
plaires à la vitre de sa boutique. UHomme
du 24 octobre avait publié la Déclaration.
Son bureau restait ouvert et vendait à la
fois et le journal et la Déclaration.
Le citoyen Thomas, parti, avait été rem-
placé. Les proscrits venaient, à tour de
rôle, tenir la petite boutique de Colombe-
rie-Street. Nos amis Duverdier, Kesler,
Amiel et Taféry y étaient en perma-
nence.
La femme d'un des signataires se fit
vendeuse toute une journée. Les meneurs
bonapartistes? un peu déconcertés par la
conduite si calniè et si digne des proscrits,
se bornaient à proférer Oes menaces con-
tre leurs personnes. Mme Ln., qui tient
un commerce de librairie dans Pierson-
place, avait donné à l'un de nous le con-
seil de sortir armé d'une canne.
Les menaces de violence ne furent qu'une
raison de plus, pour la plupart, de se mon-
trer dans les rues et dans les lieux publics.
L'Ariel continuait ses allées et venues en-
tre Granville et Jersey, et on le remar-
quait souvent dans le port de Saint-Hér-
lier. »
Victor Hugo avait reçu, dès le 23 oc-
tobre, ont lettre anonyme, écrite par une
personne bien îniuTmée, dans laquelle on
le prévenait que, le samêcli, 20, la conseil
des ministres, présidé par lord Palmers-
ton, avait agité la question de savoir si
les signataires de la Déclaration seraient
^xpulsés de Jersey. - .!
ÇHARLtES HUGO.
- x c ; - - ,-
(A suivre.)
Le numéro ï 10 o. — Départements : 15 c.
1" messidor an 80. — lf8 845.
RÉDACTION
S'a^eçsejP ai*.,Sj&crégira de la Rédaefida ;
De 3 4;S, heures du /tQtr, << - ,, -- -. 1 1-
!S,'JtUB DB VAL0IS, 1 br - JI -
» s -
* -- , 1~ - i -
- ioa6r6s ne seM~i as œndn~
Lei uwppscfjtsnoo insérés ne serofct,pas iç^dus (
• — | Bm - -\,- <-
ANNONCES \- .Il
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et Ce
6, place de la, Bqurse, 6
1 * C. T; -
ADMINISTRATION
t8, RCB DB VALOIS, fg
ABVXKBnEKTS
PARIS
Trois mois. iq »
Six uaois.,. 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois niote.; #8 Sa
Six mais., 27 >j
-
Adresser lettres et mandats
A. M. A. PELLEPORT
LA CHINE PARLEMENTAIRE
Ainsi libéraux, monarchistes, réaction-
naires, parlementaires, unis et ne faisant
qu'un, comme les trois personnes de la
Trinité, tentent d'escamoter la loi sur le
service obligatoire, s'apprêtent à escamo-
ter la loi sur l'enseignement obligatoire et
se cabrent devant l'impôt sur le revenu.
Ils traitent ces choses, qui pourtant sont
aussi vieilles que Mathusalera ou M. de
Lasteyriey de « nouveautés » On leur
wrie que l'Angleterre a l'impôt sur le re-
venu; que l'Allemagne a le service obli-
gatoire ; que la Suisse, les Etats-Unis, etc.,
ont l'instruction obligatoire ; ils ne veu-
lent rien entendre. Ils prétendent que
« tout cela » n'est point suffisamment
« expérimenté H,, et qu'en tous cas il
faut, pour introduire chez nous d'aussi
prodigieuses réformes, prendre des ména- j
gements extraordinaires.
- La France, en arrière de tous les peu-
ples, se trouve dans la situation d'un jeune
homme qui porterait encore la culotte de
son bisaïeul. Certainement, il y a quelque
chose à faire, disent les politiques monar-
chistes. Mais il serait imprudent de rem-
placer cette vieille ( culotte en une seule
fois. Nous allons d'abord, donner au jeune
homme une première jambe neuve, qu'il
coudra avec l'ancienne. Dans cinq ou six
ans, nous lui offrirons une seconde jambe
neuve. Et avant la fin du siècle, si le
jeune homme est sage, nous compléterons
notre munificence en lui fournissant les
moyens de se boutonner.
Sous ce prétexte que le progrès ne
doit point avoir « l'allure révolution-
naire », ils nous octroient une culotte
en plusieurs parties, et dont les fragments
sont-séparés par des olympiades !
On dit qu'ils sont Français, parce
qu'ils sont nés en France, de parents
français, et qu'ils sont inscrits sur les re-r
gistres de notre état civil. Erreur pro-
fonde. Ce sont purement et simplement
des Chinois. Chinois chinoisant de chi-
noiserie t Ce monde microscopique qui,
lui-même s'intitule « classe dirigeante »,
et qui de fait est aux affaires depuis le
commencement du siècle, habite une
Chine, plus fermée que la vraie, plus re-
belle à l'idée et peuplée de plus de ma-
gots de porcelaines I Une muraille l'en-
toure, qu'ont bâtie leurs doctrinaires,
muraille haute et épaisse, à laquelle M.
Thiers a donné son moellon ; M. Hoyer-
CoUard, sa poutre ; M. Guizot, sa pierre
de taille ; et que M. le comte Molé a hé-
rissée de culs de bouteilles. Les politi-
ques qui se sont emprisonnés là-dedans,
ne regardent point au dehors. Les lois
de 1832, de 1833, de 1845 leur barrent
la vue. ,
Etrangers au monde qui, autour d'eux,
bourdonne, peine, travaille, écrit, s'agite,
'progresse, marche, ils ne songent qu'à
péjiétef&ce qu'ont fait leurs ancêtres, sans-
rien changer ni dans les procédés ni dans
les résultats; sans imaginer une améliora-
tion, sans concevoir un nouvel idéal. De-
puis soixante ans, ils construisent les mê-
mes petites maisons peintes de toutes cou-
leurs et dont les toits ont l'air de s'appuyer
sur des bâtons de sucre d'orge; ils dessi-
nent, sur les mêmes feuilles de papier de
riz, les mêmes petites bonnes femmes ;
ils entassent dans leur Bulletin des lois
une foule innombrable de petits décrets
aussi semblables les uns aux autres que
les poils de barbe consciencieusement re-
produits sur la joue des magots par les ar-
tistes de Nang-King. ,.
Oh! quel voyageur assez hardi, quel
missionnaire dévoué osera s'aventurer
dans cette Chine parlementaire, et nous
en dira les mœurs, les habitudes, les idées
et l'esprit de routine? Qui remontera ce
Kang-tsen—Kiang qui coule dans les bu-
reaux de Versailles, fleuve profond et bleu
dont les flots baignent les pieds du Jour-
nal des Débats, et sur lequel M. Saint-
Marc Girardin navigue dans une cange ?
Qui nous décrira ces rives fleuries où
M. Belcastel se promène en jouant du tam-
tam, où M. Changarnier récite Lao-Tsen,
où M. de Broglie va contempler le nom-
bril?
Là, on se croit au centre du monde ; on
s'imagine que l'univers vous regarde. On
s'amuse à peindre sur son bouclier des
spectres rouges qui tirent la langue, pour
épouvanter les bons bourgeois ; on se per-
suade que toute la sagesse humaine est
contenue dans le livre de Confutzée ; on
place sur un autel le prétendant de Frosh-
dorf et le prétendant de Chantilly, ma-
gots respectables que dans toute autre par-
tie de l'Europe on mettrait sur une éta-
gère ! - .', .,
Quand une chose dont ils n'ont point
l'habitude apparaît à ces Chinois, ils se
sentent indignés et épouvantés. Et c'est
alors qu'ils se frottent le ventre, et qu'ils
mâchent de l'opium, et que pour repousser
le progrès ils trouvent des raisons chinoi-
ses ! Oui, disent-ils, le service obligatoire
convient à l'Allemagne, l'impôt sur le re-
venu à l'Angleterre, et la République aux
Etats-Unis. Mais les Français ne sont
point faits comme les autres peuples. Ce
qui est beau au delà du Rhin est mauvais
en deçà.
C'est une question de race, de constitu-
tion et d'estomac. Digérez-vous bien, à
Paris, la bière, les saucisses et la chou-
croute? Non. Comment donc voulez-vous
de l'instruction obligatoire? L'instruction
est le corollaire du jambon fumé. Le ser-
vice militaire aussi. Tout se tient. Les
Français sont nerveux. Ils ne supportent
point l'aie ni le porter. Donc ils doivent
rester ignorants. Le tempérament natio-
nal, qui est vif, et que les idées justes
impressionnent trop vivement, nous im-
pose le crétinisme le plus absolu. Pre-
nons-en notre parti, Mgr Dupanloup l'a
démontré. Si nous savions tous lire et
écrire, et si tous nous défendions la
patrie, l'Eglise tremblerait sur ses bases
-et la société aurait des faiblesses dans les
jambes. Dieu, quand il nous a créés,
nous a refusé la faculté de nous instruire,
de fonder la République, et de manger
impunément des saucisses.
C'est là, jusqu'aujourd'hui, ce qu'ils ont
découvert de plus sérieux. C'est là toute
leur argumentation. C'était avec « tarte à
la crème » qu'au dix-septième siècle on
jugeait les comédies ; c'est avec « jambon
fumé » qu'au dix-neuvième on juge les
lois.
Hélas ! et pendant que cette Chine dis-
cute et dispute, parle et s'amuse avec ses
magots, le temps passe, la France souf-
fre, la population s'impatiente. Que de
temps perdu pour le progrès, pour la mar-
che en avant, pour l'avenir 1 Quand la dis-
solution mettra-t-elle fin à ces fantaisies
asiatiques? Combien de mois encore se-
rons-nous forcés d'écrire dans nos livres
de géographie :' - Département de Seine-
et-Oise, chef-lieu : Pékin.
EDOUARD LOCKROY.
Aux rédacteurs du Rappel.
Je reçois aujourd'hui, 17 juin, cette
lettre du 27 mai.
Jules Renard est cet homme résolu qui
a poussé le respect de sa conscience
jusqu'à se dénoncer lui-même. Il est en
prison parce qu'il l'a voulu.
Je crois la publication de cette lettre né-
cessaire,
La presse entière s'empressera, je le
pense, de la reproduire.
Cette lettre est remarquable à deux
points de vue : l'extrême gravité des faits,
l'extrême modération de la plainte.
A l'heure qu'il est, certainement, j'en
suis convaincu du moins, Jules Renard
n'est plus au cachot ; mais il y a été, et
cela suffit.
Une enquête est nécessaire ; je la ré-
clame comme écrivain, n'ayant pas qua-
lité pour la réclamer comme représentant.
E videmment la gauche avisera.
, -- VICTOR HUGO.
Prison de Noailles, cellule de correction,
no 7-1, le 27 mai 1872.
A Monsieur Victor HugQ.
De profundis, clamo ad te.
Je suis au cachot depuis huit jours pour
avoir écrit la lettre suivante à M. le géné-
ral Appert, chef de la justice militaire :
«Prison des Chantiers, 20 mai 1872.
» Monsieur le général,
» Nous avons l'honneur de vous infor-
mer que depuis quelque temps le régime
de la prison des Chantiers n'est plus sup-
portable. - Des provocations directes sont
adressées chaque jour aux détenus en des
termes qui, si ces faits se prolongeaient,
donneraient lieu à des appréciations non-
méritées sur tout ce qui porte l'uniforme
de l'armée française. Les sous-officiers em-
ployés au service de la prison ne se font
aucun scrupule de frapper à coups de bâ-
ton sur la tète des prisonniers dont ils ont
la garde. Les expressions les plus grossiè-
res, les plus humiliantes, les plus blessan-
tes, sont proférées contre nous et devien-
nent pour nous une continuelle excitation
à la révolte.
» Aujourd'hui encore, le maréchal des
logis D. a frappé avec la plus extrême
violence un de nos co-détenus, puis s'est
promené dans les salles, un revolver dans
une main, un gourdin dans l'autre, nous
traitant tous de lâches et de canailles. Ce
même sous-officier nous soumet depuis
quelques jours à la formalité humiliante de
la coupe des cheveux, et profite de cetteoc-
casion pour nous accabler de vexations et
d'injures.
» Jusqu'ici, faisant effort sur nous-mê-
mes, nous avons contenu notre indignation,
et nous avons répondu à ces faits, que nous
ne voulons pas qualifier, par le silence et le
dédain. Mais aujourd'hui la mesure est
comble, et nous croyons de notre devoir
rigoureux, monsieur le général, d'appeler
votre haute attention sur ces faits que vous
ignorez bien certainement, et de provoquer
une enquête.
» Il ne s'agit pas, croyez-le bien, mon-
sieur le général, d'opposition de notre
part. — Quelque dure que soit la consigne
qui nous est imposée, nous sommes tous
disposés à la respecter. Ce que nous avons
l'honneur de vous soumettre, ce sont les
excitations, les provocations, les voies de
fait, dont le commandant de la prison
donne l'exemple, et qui pourraient occa-
sionner des malheurs. En un mot, il s'agit
d'une question d'humanité, de dignité, à
laquelle tout homme de cœur et d'honneur
ne saurait rester insensible.
» Nous avons l'honneu r d'être, monsieur
le général, vos respectueux,
» JULES RENARD et une cinquantaine
d'autres signataires. »
C'est pour avoir écrit cette lettre que jje
suis jusqu'à nouvel ordre dans un cachot in-
fect, avec un forçat qui a les fers aux
pieds, et cinq autres malheureux.
JUJ ES RENARD,
ancien secrétaire de Rossel.
—— ■ ————————
L'ÉVACUATION DU TERRITOIRE
Les négociations pour la libération du
territoire se poursuivent de la manière la
plus satisfaisante. Deux entrevues déjà ont
eu lieu entre M. Thiers et M. d'Arnim, et
des deux parts on s'est montré très satis-
fait du résultat obtenu. Il est certain au-
jourd'hui que la Prusse accepte le principe
d'une évacuation anticipée, mais succes-
sive, c'est-à-dire proportionnelle à l'éten-
due des versements qffectués par le gou-
vernement.
Tels sont les seuls renseignements au-
thentiques qui soient connus aujourd'hui.
Quant aux autres nouvelles à sensation-don-
nées par nombre de journaux, nous pou-
vons affirmer qu'elles sont absolument dé-
nuées de fondement, le silence le plus ri-
goureux étant gardé à l'égard de ces déli-
cates négociations.
1 ——
BUCOLIQUE ORLÉANISTE
Or, comme il faisait bien chaud, voici
qu'on a entendu vaguement une flûte lar-
moyante et chevrottante; puis on a recon-
nu la classique chanson de l'amante Dé-
laissée.
Ducite ab urbe domum,mea carmina,ducite Daphnim.
Et comme on regardait mieux, on vit
sortir des roseaux la grosse tête de M.
d'Haussonville, aux lèvres duquel s'ap-
puyait le flageolet ordinaire des a Dé-
bats M.
Or, quand M. d'Haussonville souffle dans
son flageolet, il n'y souffle pas à moins de
six colonnes compactes d'un grand journal.
Une vraie cuve de larmes. Jamais Ariane
lâchée par Thésée, ni Didon lâchée par
Enée, n'ont eu les accents déchirants, les
tendres reproches de l'Ariane de l'orléa-
nisme également « lâchée » par M. Thiers.
L'amour seul, j'entends l'amour le plus
ardent, a pu inspirer ces six colonnes, plus
brûlantes les unes que les autres. Il y a là,
pour le berger infidèle, des mots de brai-
se. Entre autres, un de passion violente :
« Nous ne nous sentons pas assez gou-
vernés l » qui rappelle, à vous donner le
frisson, la fille dont parle le poëte Barbier,
voulant pour son amant « un bras qui la
gouverne. » Et en même tempe, par une
contradiction toute féminine. la bergère
des Débats se plaint qu'on ne fasse plus ses
caprices.
Et quelle tendresse dans tous ces repro-
ches amoureux ! On rappelle au volage
qu'on l'a fait nommer, qu'on l'a toujours
chéri, tandis que les autres le détestaient ;
on lui rouvre les bras ; n'a-t-on pas été
bonne pour lui? On lui a passé Grévy, on
lui a passé Lefranc ; on lui pardonne un
mot à Gambetta, un baiser furtif à Ranc.
Mais ce qu'on n'admet pas, c'est qu'il
accueille aussi a les démocrates furieux,
qui, le poing fermé et l'écume à là bou-
che, viennent lui présenter comme une
menace leur terrible idéal. » Ne sont-ce
pas bien là des injures de femme? Il faut
certainement une jalousie de bergère dé-
laissée pour représenter M. Louis Blanc le
poing fermé.
Et il faut toute la pitié d'un cœur sensi-
ble à l'amertume de cette intention vrai-
ment cruelle, pour que nous ne soyons pas
tentés de survivre en voyant représenter
M. Quinet. « l'écume à la bouche ».
Nec sum a4eo informis : nuper me in littore vidi.
« Et je ne suis pas si faible que cela : je
me suis comptée au dernier vote », ajoute
mélancoliquement l'inconsolable amante.
Puis, tout à coup, ranimée : « Il revien-
dra dans mes bras, c'est sûr. » Et alors elle
a un mot féroce pour ses rivaux, qui à leur
tour attendront à la porte :
cc Pour le quart d'heure, il ne leur ap-
partient que d'être patients. »
A la fin, un soupçon confirme sa pen-
sée. Si son Adolphe ne revenait pas?
Et alors, elle"én arrive à la dernière ex-
trémité : « Eh bien! alors! j'en prendrai
un autre! » ---'. ','"
Ce curieux morceau de littérature
montre sous un jour nouveau la rage que
les dernières élections ont inspirée aux
partisans, si rares, de la droite de l'Assem-
blée. Ce pauvre parti, qui n'a plus aucune
force dans le pays, en est réduit à espérer
que M. Thiers, pour le satisfaire, rompra
avec la République, au moment même où
la République réunit tous les suffrages.
Et pour arriver à ce résultat, on risque
la déclaration d'amour. Pauvres politiques
qui ne veulent jamais voir que c'est à la
nation, et non à quelques hommes, quels
que soient leurs titres, qu'il faut songer!
Pauvres logiciens, qui, tout en louant tel
ministre d'avoir déclaré « qu'il accepterait
la volonté de la France, fût-elle contraire à -
la République», essayent, par une coalition
entre une chambre impopulaire et un pré-
sident qui le deviendrait en s'alliant à elle,
d'empêcher cette volonté d'avoir ses effetsi
Mais nous sommes tranquilles. M. d'Haus-
sonville en sera pour son air de flageolet ;
Daphnis ne reviendra pas ; Alexis n'écou-
tera pas Corydon.
CAMILLE PELLETAN.
* : —«
Tous les journaux, y compris les feuilles
les plus officieuses, comme le Bien public,
sont unanimes à déclarer que les négocia-
tions entamées avec la Prusse pour l'éva-
cuation du territoire progressent favorable-
ment. L'Opinion nationale va jusqu'à dire
que les entretiens de M. Thiers avec M.
d'Arnim ont eu .des résultats inespérés.
Seule, dans ce joyeux concert, la Patrie
fait entendre sa fausse note. Voici, d'après
cette feuille, quelle serait la réponse de la
Prusse aux propositions de M. Thiers :
« La Prusse accepterait en principe Il) paie-
ment anticipé partiel avec évacuation du ter-
ritoire.
» La France verserait à la Prusse, immédiate-
ment, c'est-à-dire dans les délais nécessaires
pour la réalisation des sommes voulues, un
milliard cinq cents millions.
» Les autres quinze cents millions seraient
payables dans le délai de cinq ans, par échéan-
ces, à régler à partir de la signature de la con-
vention ou de l'acceptation des traites qui re-
présenteraient ce reliquat de notre dette.
» La Prusse, de son côté, évacuerait entiè-
rement après le premier versement de un
millard et demi, mais elle se réserverait d'oc-
cuper, « pendant cinq ans, Toul et Belfori,
Il sans que nous puissions, même en anticipant
» le second paiement, rentrer en possession de
» ces deux places. »
Si la Patrie était bien informée, les con-
ditions imposées par M. de Bismark équi-
vaudraient à la rupture du traité de Ver-
sailles. L'occupation pendant cinq ans, de
Toul et de Belfort, après le payement in-
tégral de l'indemnité consentie par nous,
serait une aggravation intolérable, absolu-
ment contraire aux stipulations d'un traité
déjà trop désastreux. Cette occupation se-
rait un véritable casus belli.
Nous devons donc considérer comme
une plaisanterie de mauvais goût la nou-
VenlUetoii du RiPPEl
DU 19 JUIN 1872
A*
LES
t
HOMMES DE L'EXIL
PAR
CHARLES HUGO
£
Avant de raconter les événements qui
suivirent la Déclaration, pour bien faire
valoir la portée de ce manifeste décisif, et
pour bien dégager la situation toute nou-
velle dans laquelle il plaçait l'autorité bri-
tannique, il est nécessaire de résumer en
quelques mots les faits que notre récit a
jusqu'ici développés.
A la suite du Deux-Décembre, un
gfctàpé d'hommes, chassés de leur pays,
S-féÛlblit à Jersey et y Tonde une paisible
colonie.
SousJa protection des lois britanniques,
es homm es, qui sont des proscrits et qui,
en même temps qu'habitants de Jersey,
sont citoyens de France, obéissent à leur
cûoscience, à leurXoi, à .leur religion, à
leur droit fetiileur devoir m combattant,
Voir les numéros du 2 au 19 novembre 1871,
des 5, 7, .S, -31 mars, et 2, 5, 6, 7, 8, 9, 41,14,
45, 16, 18, 22, 25, 28 avril, 2, 7, 9, H, 4 S, i8,
21, 2o, 29 mai, 2 et 6 juin 1872.
par tous les moyens légaux et légitimes,
par la parole, par la presse et par le mee-
ting, le parjure qui a violé la loi suprême
de leur patrie.
M. :Bonaparte considère, dès lors,
comme un danger et un affront pour son
empire, le voisinage et la propagande de
ces hommes. Il devient l'allié de l'Angle-
terre, et, d'accord avec lord Palmer-
ston, il décide leur expulsion et n'attend
qu'un prétexte. Le motif de l'acte est bien
évident. Le prétexte ne l'est pas moins.
Une lettre à la reine d'Angleterre, lue
et publiée dans un meeting à Londres,
puis insérée vingt jours après, sans ré-
flexions, à la troisième page du journal
l'Homme, est saisie au vol par la police
bonapartiste. Un meeting s'ensuit, dans
lequel, à force d'affiches, de déclamations
et de manoeuvres, on arrache à une po-
pulation fanatisée le vœu de la suppres-4
sion du journal. Ce vœu, l'autorité mili-
teine l'interprète à sa façon et signe l'or-
dre, -non de ta suspension de l'Homme,
qui continue de paraître, mais du renvoi
du rédacteur,, de l'administrateur et du
vendeur du journal.
Il y -a des lois à Jersey, il y a une Cons-
titution en Angleterre. L'autorité mili-
taire ne consulte ni les franchises Iccal*,
ni la charte britannique Elle fait litière
de la justice et de la législature de l'île,
elle foule aux pieds la loi de la Grande-
Bretagne, et .commet impudemment un
coup d'Etat à Jersey, un coup d'Etat en
Angleterre, qu'elleoffre respectueusement
à la ratification du coup d'Etat de -Francé.
Les trois proscrits expulsés s'en vont.
Trente-six proscrits élèvent alors la voix.
La fumée du paquebot qui emporte leurs
amis n'a pas encore disparu de l'horizon,
son sillage n'a pas encore disparu de la
vague, que trente-six nouveaux proscrits,
debout sur le port de refuge, s'écrient :
Expulsez-nous i et attendent la réponse 4
ce défi, le visage tourné non du côté de
l'Angleterre, mais du côté de M. Bona-
parte.
Que disent-ils au gouvernement an-
glais ? Il leur a été facile de dénoncer les
causes réelles de l'expulsion de leurs
amis et de la débarrasser du prétexte. Ils
savent qu'au fond de l'acte, il y a, non la
dignité de la reine outragée, mais l'hu-
miliation et la peur de M. Bonaparte,
traduit à la barre de l'Europe et de l'his-
toire. (
Le coup d'Etat s'installant à Jersey,
prend pour enseigne « la pudeur » de
Victoria; les proscrits arrachent rensei-
gne et, au-dessus de la porte, ils affichent
le crime de Bonaparte.
Le Deux-Décembre tient à l'équivoque;
la Déclaration la lui retire.
La question change. ,
Il faut que l'acte du gouvernement an-
glais se démasque.
Il faut qu'il nous expulse, cette fois,
parce que M. Bonaparte entend fatre res-
pecter son crime à l'égal de la prérogative
de la reine. Il faut qu'il nous expulse en
vertu du faux serment qui l'exige, en vertu
au guet-apens qui l'ordonne, en Vtrtu du
meurtre qui fait un signe.
- Il faut qu'il nous expulse, parce que
M. Bonaparte a chassé l'Assemblée. Il
faut qu'il nous expulse, parce que M. Bo-
naparte a chassé les magistrats. Il faut
qu'il nous expulse, parce que M. Bona-
parte a chassé soixante mille citoyens. Il
faut qu'il nous expulse, parce que M. Bo-
naparte nous a proscrits 1
Le gouvernement anglais, par l'expul-
sion de nos amis, avait mis la proscrip-
tion en demeure. A son tour, la Déclara-
tion mettait en demeure le gouvernement
anglais.
De deux choses, l'une :
Ou le D-ux-Décembre apparaissait, et
alors M. Bonaparte se trahissait.
Ou le Deux-Décembre continuait à se
cacher derrière la reine d'Angleterre, et
alors M. Bonaparte reculait.
Ces deux dénouements satisfaisaient
également les signataires de la Déclama-
tion.
, ; *
• # *
Les signataires continuaient de faire
afficher leur manifeste, que la police bo-
napartiste s'efforçait inutilement d'arra-
cher. A mesure qu'une affiche disparais-
sait, une autre la remplaçait, 500 exem-
plaires environ de la Déclaration se - suc-
cédèrent sur les murs de Saint-Hélier.
Quelques proscrits se chargeaient èux-
mêmes, ou de surveiller l'affichage, ou
d'afficher de leurs propres mains.
Pendant trois jours, M. Barbieux ap-
posa la Déclaration sur les murs du Râ-
vre-des -Pas. Dans la ville, d'autres pros-
crits, accompagnant l'afficheur public, at-
tendaient que chaque affiche posée eût
séché sur la muraille et fût devenue, par
conséquent, plus difficile à arracher. Mais
la police employait alors les cannes et les
couteaux et lacérait la Déclaration, dé-
chirant surtout, de préférence, l'arrêt de
la haute cour de justice.
Un grand nombre d'affiches étaient
souillées de boue. Souvent, un angle de
papier, dont les aspérités de la muraille
avaient empêché la complète adhérence,
était égratigné avec rage. Ailleurs, les
exemplaires de la Déclaration étaient
comme martelés de coups. Pour dérouter
la police et donner aux affiches le temps
de se sécher complètement, des proscrits
avaient pris le parti de faire coller la Dé-
claration pendant la nuit.
Mais, dès le point du jour, elle était
partout, ou déchirée en partie, ou com-
plètement défigurée et maculée par les
mains des agents. Ce fut pendant quelques
nuits une lutte mystérieuse entre la police
de M. Bonaparte et les signataires de la
Déclaration, devenus les afficheurs.
Les meneurs bonapartistes violaient
encore un droit reconnu par la législation
de l'île : le droit d'affich ge. Mais le
coup d'Etat n'en était plus à compter avec
une simple contravention. Au contraire,
tandis que la Déclaration était partout en-
ievéé M? la police du Deux-Décembre,
toutes les affiches iu zueeting avaient été
feèpectées par les proscrits,
Un Anglais, M. Hôlla* indigné de» Ina-
nœuvres de la police, afficha lui-même la
Déclaration. Il parcourut la ville et la
campagne, un pot à colle à la rtHdn. Il
posa la Déclaration sur les murs, sur les
portes, et jusque sur les arbres. Il alla à
Saint-Ouen, à Saint-Pierre et à la Tri-
nité, et dans les points les plus éloignés
de la ville, sur les bornes des routes et sur
les falaises des côtes, il afficha le mani-
feste des trente-six proscrits.
Il ne fut pas le seul des habitants de
l'île, à concourir à la publicité de la Dé-
claration Dès le premier jour, le pharma-
cien Wellman eu avait exposé drs exem-
plaires à la vitre de sa boutique. UHomme
du 24 octobre avait publié la Déclaration.
Son bureau restait ouvert et vendait à la
fois et le journal et la Déclaration.
Le citoyen Thomas, parti, avait été rem-
placé. Les proscrits venaient, à tour de
rôle, tenir la petite boutique de Colombe-
rie-Street. Nos amis Duverdier, Kesler,
Amiel et Taféry y étaient en perma-
nence.
La femme d'un des signataires se fit
vendeuse toute une journée. Les meneurs
bonapartistes? un peu déconcertés par la
conduite si calniè et si digne des proscrits,
se bornaient à proférer Oes menaces con-
tre leurs personnes. Mme Ln., qui tient
un commerce de librairie dans Pierson-
place, avait donné à l'un de nous le con-
seil de sortir armé d'une canne.
Les menaces de violence ne furent qu'une
raison de plus, pour la plupart, de se mon-
trer dans les rues et dans les lieux publics.
L'Ariel continuait ses allées et venues en-
tre Granville et Jersey, et on le remar-
quait souvent dans le port de Saint-Hér-
lier. »
Victor Hugo avait reçu, dès le 23 oc-
tobre, ont lettre anonyme, écrite par une
personne bien îniuTmée, dans laquelle on
le prévenait que, le samêcli, 20, la conseil
des ministres, présidé par lord Palmers-
ton, avait agité la question de savoir si
les signataires de la Déclaration seraient
^xpulsés de Jersey. - .!
ÇHARLtES HUGO.
- x c ; - - ,-
(A suivre.)
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