Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-12-16
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 décembre 1869 16 décembre 1869
Description : 1869/12/16 (N212). 1869/12/16 (N212).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75299306
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
-N' SU — Feudi II décembre 1860.
Le numéro : 15 o.. Départements : 20 c.
Il frimaire an 78, -- M'M -
l'Y i * - ■
RÉDACTION
S *6#enes au SECRETAIRE DE LA RGDAGTI OX
É - ii De 3 à 5 h. du soir
tO, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
Les manuscrits non insérés as sutil pa4 rendit.
sor-1 Pù4 rgndits.
i -
ANIJONOES
MM. CH. LAGRANGE, CERF et •!'
foo.. 6, place de la Bour»e,.«.v'F T*T^S.
1
Al)ttf!«18TRAT19I*
, s'adresser à M. AUGUSTE PANIS
i ABONNEMENTS
fARIS t DÉPARTfc»*flT9
ùn mùig. S (la i Un mois. « »•
Trois mois. t3 68 Troismoi» ..<#»•
BUREAUX
13,* rue du Faubourg-Montmartreyfajf
.dJIj1) .-..
* LES CEUX SPECTRES
;'
Le gouvernement est depuis six mois
entre deux ministères comme entre deux
selles. Faut-il garder celui-ci? Faut-il
prendre celui-là? Ces hésitations tra-
hissent les inquiétudes du chef de l'Etat.
Il ne sait s'il doit faire à l'opinion pu-
blique des concessions, ou s'il lui doit
résister; s'il doit ressaisir la bonne plume
du la janvier ou la bonne épée de Dé-
, cembre. Perplexité terrible ! Son c.œur
l'entraîne vers le libéralisme. Sa raison
le fait pencher vers la dictature. Une
partie de lui-même e*t démocratique;
une autre partie autoritaire. Et ses plus
intimes amis craignent de le voir, un
jour, se casser en deux morceaux.
Je sais bien que la situation est grave.
Au point où nous sommes, toutes les
solutions offrent des dangers. Céder,
c'est introduire la Révolution dans la
place ; résister, c'est lui redonner d.es
forces, et aussi plus d'énergie et plus de
colère. Que résoudre ? Le matin on fait
des ouvertures au comte Daru ; le soir
on garde M. de la Roquette. On recom-
mence le lendemain. Le temps passe, et
chaque jour qui s'écoule rend plus grave
le péril.
Qu'un souverain dans cette situa-
tion doit se trouver malheureux !
Qu'il doit être accablé de craintes ! Les
souvenirs historiques l'obsèdent. A pei-
ne a-t-il fermé les yeux, que le fiacre de
Louis-Philippe traverse ses rêves. Il se
réveille en sursaut* et couvert d'une
sueur glacée :
—: Mon Dieu ! si mon peuple allait me
payer l'omnibus!
-
C'est là nuit, surtout, que les visions
deviennent effrayantes. Tout repose
dans la nature. Les sénateurs et les pe-
tits oiseaux sont couchés; le papillon
Mathieu ne voltige plus de programme
en programme; du Mirai a cessé son
chant d'amour ; le centre droit est ren-
tré dans son pigeonnier; Morphée verse
un discours de Charles Dupin sur les
yeux alourdis du grand Rouher ; la vio-
lette Peyrusse a fermé, ses pétales et
elle se dissimule sous les feuilles, trahie
seulement par le parfum qu'exhale sa
conscience. Le dogue la Roquette s'étire
au fond de sa niche ; le sansonnet Olli-
4^ vier cache sa tête sous l'aile de M. de
Girardin. Rien ne trouble le silence.
On entendrait voler un caissier. La blan-
che Phœbé dort sur sa couche de nua-
ges. Et l'on ne sait, quand par hasard
un bruit s'élèvè, si c'est un éclat lointain
du tonnerre ou un ronflement du baron
David.
L'empire sommeille.
Par la fenêtre entr'ouverte'des Tuile-
ries, on aperçoit au loin les préfets éten-
dus entre les bras de leurs épouser, et
qui rêvent gratifications et croix d hon-
neur sous la voûte étoilée des cieux.
Po *
* *
0 terreur! C'est le moment où les spec-
tres se réveillent.
Le chef de l'Etat ne dort point. Il s'as-
sied sur son lit; il passe la main sur ses
moustaches. Que devenir ? Faut-il chan-
ger le ministère? Ne le faut-il pas chan-
ger? Horrible cauchemar! Et il se pro-
- mène à grands pas dans la chambre. C'est
alors qu'une voix terrible s'élève.
UNE voix, dans l'armoire au linge:
Sire!. Sire!. Ne faites pas de con-
cessions!.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Grand Dieu !.
UNE voix, dans le placard: Sire!.
Sire!. Faites des concessions!.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Ciel !
LA VOIX DE L'ARMOIRE AU LINGE : Les
concessions m'ont perdu.
LA voix DU PLACARD : La résistance
m'a perdu.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Qui donc me
parle ?
LA VOIX DE L'ARMOIRE AU LINGE : Me
reconnaissez-vous ? (L'armoire s'ouvre.)
LE CHEF DE L'ÉTAT : Ciel ! Louis XVI !
LA voix DU PLACARD : Me reconnaissez-
vous? (Le p-lacard s'ouvre.)
LE CHEF DE I/ÉTAT : Charles X !. Il
est assis dans mes confitures !
Louis xvi : J'ai cédé, Sire, à l'opinion
publique et aux obsessions de mes mi-
nistres. On m'a forcé la main. J'ai eu
des Ollivier à qui j'ai donné des porte-
feuilles. J'ai eu des Buffet et des Latour-
-~ * .1-
>dii-Moulin. Et ils étaient Semblables à
>cfflix-ci,àpart qu'ils avaient beaucoup de
ta lent. J'ai fait mon petit qdinze-janvier
et mon petit quatre-novembre. Moi qui
étais né pour faire des serrures !. Vous
-savez où cela m'a conduit. Pas de con-
cessions, Sire ! pas de concessions!.
CHARLES x : J'ai résisté, Sire, à l'opi-
nion publique, et j'ai voulu bâillonner
la presse. J'ai eu mes Forcade et mes
Rouher. Grâce à Dieu ! je n'ai pas eu
de Morny. Cela ne m'a point empêché
de partir pour l'Angleterre- Et pour-
tant mon génie égalait le vôtre !. Pas
t' t S. d, ,
de résistance, Sire, pas de résistance!.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Que devenir?
CHARLES x, bas : N'écoutez pas mon
frère; c'est une borne.
LOUIS xvi, bas : N'écoutez pas mon
frère; c'est un serin.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Ah !. (Il tombe
accablé.)
LOUIS xvi : Et maintenant, je retourne
dans l'armoire a~linge!. Méditez!
CHARLES x: Méditez!.. Je retourne à
mon placard ! *
LE CHEF DE L'ÈTAT, bondissant, : Ah!
pas dans les confitures ! Je vous en
prie !. pas dans les confitures!.
EDOUARD LOCKROV;
AUTOUR DE LA CHAMBRE
< -
La salle des Pas-Perdus est fort animée :
les naïfs croient à une grande bataille par-
lementaire, qui va se livrer entre la droite-
Forcade et le centre-droit Ollivier sur
l'élection de M. Clément Duvernois, qui est
tellement véreuse que le bureau lui-même
réclame une enquête.
Ah! que vous comprenez peu la politi-
que, répond un député. M. Duvernois étant
le Benjamin actuel de l'empereur ne sera
pas combattu par M. Ollivier, qui boude
les Tuileries, mais qui ne boude qu'en
amoureux impatienté d'attendre.
M. de Tillancourt ajoute : C'est à pro-
pos de l'élection Choque que l'on se cho-
quera.
.-.,' -
M. Clément Duvernois - l'accusé —
monte à la tribune à quatre heures ira
quart, il y reste jusqu'à six heures trente-
cinq minutes. Ah ! le terrible discours ! Si
la chose eût été possible, on aurait validé
l'orateur, rien que pour le bonheur de
l'entendre moins longtemps.
Au commencement néanmoins, la droite
semblait ravie. M. Clément Duvernois, qui
ne se gêne nulle part, avait l'air à l'aise et
débitait son apologie, en bredouillant un
peu, mais non sans quelques appels habi-
les aux passions réactionnaires. Surtout il
avait l'air de dire aux officiels : « Voyons,
messieurs, soyons de bonne foi, est-ce que
j'en ai fait beaucoup plus que vous? Faut-
il être si sévère ? Allons-nous faire entrer
dans la politique une morale de puri-
tains? » La droite buvait du lait; les aroa-
diens semblaient dire : « Il est aussi pur
que M. Dréolle, après tout! »
Mais M. Duvernois a abusé de son succès
de cinq minutes. C'est une nature de se-
crétaire ; il a été secrétaire de M. Emile de
Girardin; il est dit-on, aujourd'hui, le se-
crétaire d'un autre personnage inutile à
nommer. Il n'a qu'une initiative emprun-
tée ; il n'invente pas, il ne pense pas, il ne
parle pas, il développe. Ses développe-
ments oratoires ont fini par fatiguer même
M. Jérôme David qui semblait dormirdans
son fauteuil de président, et les membres de
la droite qui fréquemment regardaient
leur montre.
Ajoutez à cela un débit tellement ra-
pide que la moitié de la phràse ne par-
venait pas aux oreilles de l'auditeur, un
geste à la fois pointu et monotone, une de
ces voix sans accent qui ne partent pas des
profondeurs de l'être humain et qui aga-
cent par leur timbre mécanique les nerfs
les plus robustes. Pas une seule idée géné-
rale, pas un seul sentiment généreux, pas
un seul trait d'esprit, pas une seule de ces
protestations vigoureuses de l'honneur of-
fensé, qui ne sont pas toujours, hélas 1 bien
sincères, mais qui sont au moins un hom-
mage involontaire à la conscience pu-
blique I
Les applaudissements des arcadiens sont
restés rares et maigres; et l'orateur dé-
concerté a été obligé de supprimer une
des parties de sa harangue pour ménager
la patience de ses amis.
Du reste, la cause était pire encore que
l'avocat, et ce n'est pas peu dire.
Il y a eu depuis le 2 décembre, des élec-
tions trop nombreuses où la corruption col-
lective a joué un rôle prépondérant; mais
c'est la corruption .qui a fait toute l'élec-
Lion de M. Clément Duvernois; et une
corruption patente, éhontée, affichée sur
les murailles ! ,
- -..; le
M. Duwwwii., traversé tour
les partis, peu s'en faut, était devenu l'ami
de l'empereur; mais personne ne le con-
naissait dans le département des Hautes-
Alpes. Un député commode, M. Garnier,
lui promit son siège, et fut nommé lui-
même à la cour des comptes. Ce petit ar-
rangement était déjà d'une moralité mé-
diocre. Mais encore fallait-il le faire accep-
ter des populations. Voici comme on s'y
piit.
On fit courir le bruit à Gap et dans tous
les cantons que l'empereur n'avait rien à
refuser à son cher Duvernois, et que celui-
ci représentait dès lors toutes les subven-
tions, tous les secours que peut rêver
l'imagination d'un département pauvre.
Ces bruits, attestés dans trois pièces au-
thentiques citées par le rapporteur du bu-
reau, étaient déjà une première corrup-
tion.
Le préfet, qui aurait dû les démentir, se
donna au contraire la tâche coupable de
lâs entretenir et de les autoriser. C'est
ainsi qu'il faisait partout afficher un pla-
card où on lisait le passage suivant :
Ils savent aussi, ces comités, que personne
plus que M. Buv«#d*»8 n'est ai état
les intérêts matériels de voire cher départe-
ment. Un mandataire hostile au gouvernement
est nuisible ; mais celui qui. apporte au
gouvernement une force réelle, celui-li seul
peut mettre cette force au service des intérêts
de ses commettants.
Et qu'est-ce que cette phrase textuelle,
sinon roffre publique et authentique d'un
marché scandaleux aux populations! Ven-
dez-nous votre conscience, nous vous don-
nerons l'argent gouvernemental.
if- ■ «
Et cet abominable trafic. ne resta pas à
l'état de velléité et de proposition géné-
rale. H faut lire là-dessus le rapport de M.
de Choiseul. Ici (à Talard), on promet un
pont aux électeurs s'ils sont sages; là (à la
Saulce), « un chef de division à la pré-
fecture place dans le grillage des actes offi-
ciels une affiche contenant l'annonce
d'une subvention de 3,000 fr. accordés par
l'intermédiaire de M. Duvernois pour ré-
paration aux digues communales (rap
port) » ; ailleurs on promet des canaux,
ou l'on s'engage à payer la réparation
des églises ; ailleurs encore des som-
mes de 600 fr., 2,000 fr. et pins sont ac-
cordées à des communes besogneuses.
Dans certains endroits, on distribue des
bons de 2 fr. aux indigents, en les invitant à
voter pour le généreux M. Duvernois; làcù
l'on ne peut faire mieux, on aligne en
grande pompe des jalons qui semblent une
promesse de travaux publics splendides.
En un mot partout, oui partout, l'achat
brutal, l'achat cynique des consciences
sous toutes les formes, par tous les moyens,
quelque chose enfin de tellement peu gazé,
comme corruption, que onze membres du
bureau ont eux-même voté par deux fois
contre la validation de l'ami de l'empe-
reur !
Nous passons bien entendu tous les actes
de violence et d'intimidation, parce qu'ils
ne sortent pas du cadre électoral habituel.
Trois gardes champêtres destitués, qu'est-
ce que cela? D'ailleurs on nous jure
qu'ils sont ravis de leur destitution.
f
i
M. Duvernois a eu l'art deparler deux
heures — en laissant de cÕtê la plupart des
pièces authentiques qui étaient à sa char-
ge. 11 s'est défendu bien ou mal sur quel-
ques faits douteux et équivoques; il a laissé
dans l'ombre les faits écrasants qu'il ne
pouvait nier et qu'il n'aurait pu excuser,
sans soulever la conscience publique.
--- ; t *
Cependant il les a parfois effleurés dans
sa dialectique diffuse, et il s'est alors attiré
des murmures et même de vertes réponses,
Il y avait notamment une histoire de dé-
coration octroyée à un M. C., qui a bien
.voulu ne pas combattre M. Ollivier. Comme
M. Duvernois pataugeait et cherchait à
expliquer décemment cette affaire, M. de
Choiseul s'est levé, rouge d'indignation :
i a - Pour l'honneur de ceux qui por-
tent la croix, s'est-il écrié, n'insistez pas
là-dessus! » •
Et M. Duvernois a passé à un autre sujet.
L'affaire n'a pas été terminée dans la
séance d'hier. C'est aujourd'hui qu'on
soumettra le rédacteur du Peuple Français
à une enquête ou qu'on lui dira ; « Venez
siéger sur nos bancs ; vous êtes digne de
nous. » -" r
La séance s'était ouverte par une petite
escarmouche sur les journaux étrangers
qu'on arrête à la frontière et sur les an-
nonces judiciaires. Le ministre a déclaré
qu'il continuerait d'empêcher les Allemands
et les Anglais de lire à Paris les journaux
auxquels ils sont îbonnés, quand cela lui
semblerait bon; et pour les annonces ju-
diciaires, il n'a pas encore pris de parti. il
verra pour l'année.1871, et pour cette an-
née il continuera à désigner les journaux
dignes de cette subvention.
A la bonne heure. M. de Forcade mourra
ûonime il a vécu, dans le culte et la prati-
que de l'arbitraire. f -
Et son successeur l'imitera.
i. Aibioi
PLUS D'ÉQUIVOQUE
Les députés de la majorité officielle se
sont, dit, il y a huit jours :
fi Les temps sont durs! Nous ne pouvons
rester ce que nous sommes qu'à la condi-
tion de paraître ce que nous ne sommes
pas. Le public nous regarde d'un mauvais
œil. Les menaces de dissolution grondent
souidement. Ce n'est pas notre faute! Nos
préfets nous ont envoyés là pour combattre
le parlementarisme, et, sitôt rendus, il faut
le défendre. — Etrange! C'est comme si les
muets du sérail, chargés d'étrangler un en-
fant suspect, recevaient tout à coup l'ordre
de le choyer ! — N'importe ! obéissons, puis-
que c'est notre métier, et qu'il faut avant
tout satisfaire au précepte :
Ta place tii conserveras,
Sans oublier ton traitement.
Eh bien!
on en aura. Que faut-il faire?—Prendre
un nouveau nom? C'est facile! Centre droit
est harmonieux et plein de couleur locale,
soyons centre droit. — Quoi encore ?-r-
Un programme libéral? A merveille! Que
Josseau le rédige, -Ollivier le relira, et nous
signerons. — Mais il est bien entendu
qu'une fois le programme fait, nous pour-
rons continuer comme par le passé? -
Parbleu ! »
Ainsi dit, ainsi fait. On rédige un mani-
feste, on proclame bruyamment l'avéne-
ment du régime parlementaire et des li-
bertés publiques. On inscrit en première
ligne la liberté, la sincérité, la probiié
électorales; on signe, ou envoie des épreu-
ves aux journaux, et l'on va voter.
Voter pour toutes les belles choses qu'on
vient de coucher par écrit? — Oh non ! Pour
les autres, les seules que l'on connaisse, et
que l'on aime, pour la pression administra-
tive, pour la corruption par Fargent et la
vietuaille, pour la violation effrontée et
persistante de la loi électorale (constatée
quatre-vingts fois dans une seule élec-
tion), pôur l'acquittement avec éloges des
préfets qui diffament, des gardes champê-
tres qui menacent, des maires qui jouent
avec l'urne électorale comme un bateleur
avec ses gobelets.
La majorité de 1869 ratifie doiac tout ce
qu'agit ratifié celles de 1857 et de 1863.
Rien n'est changé, il n'y a qu'un pro-
gramme de plus.
Eh bien! nous aimons mieux cela. Pour-
quoi ne pas l'avouer? Nous avions craint
un instant que ces messieurs n'eusaent as-
sez d'esprit pour donner le change à ce
public indulgent, optimiste, qui ne de-
mande pas mieux que de croire aux: con-
versions les plus miraculeuses. Nous
avions eu peur que l'équivoque annoncée
par le programme ne se fortifiât par des
votes machiavéliques, et par des sacrifices
habilement calculés.
Nous avions tremblé que les bonnes gens
ne se laissassent entraîner à dire : « Cette
majorité n'est vraiment pas si mauvaise.
A défaut de libéralisme sincère, elle a un
tact politique exquis, et, du moins, ne pou-
vant se transformer, elle se travestit. Nous
pouvons marcher quelque temps ainsi; une
dissolution immédiate n'est plus néces-
saire. » ■
Ces propos ne sont plus à craindre. La
majorité n'a su ni se transformer, ni se
déguiser; elle s'est bornée à.annoncer un
projet de travestissement et elle est venue
en habit de ville. C'est partie manquée. Le
public affadi tourne le dos et, de pins
belle, réclame des remplaçants. *~
Les centres comprennent maintenant le
danger ; leurs journaux s'efforcent d'ex-
pliquer que les questions posées pendant
la vérification des pouvoirs n'engagent
que des personne?, non les principes ins-
crits sur le programme, et que ces prin-
cipes se manifesteront avec éclat dès
qu'ils ne compromettront plus l'élection
d'un centre droit ou d'un arcadien. La
Liberté, le Moniteur universel, la Presse,
se sont exercés sur ce thème; peine inu-
tile! Le coup est porté, l'efret produit,
l'épreuve complète ! la majorité aura beau
faire, on n'oubliera plus ce qu'elle est.
Plus que jamais la dissolution doit la
rendre à ce néant, dont quelques pré-
fets l'avaient fait sortir et où il faut
qu'elle rentre, en dépit des progrès qu'elle
a accomplis dans l'art de fabriquer de
faux programmes.
E. Laferrière.
1»
LETTRE DE VICTOR HUGO *
Sur la demande du colonel Berton, pré-
sident du comité américain pour les funé-
railles de George Peabody, Victor Hugo lui
a écrit la lettre suivante : : ¡,
Au colonel Berton, président du comité américain
- f de Londres.
Hauteville-House, 2 décembre. -
Monsieur, --,
Votre lettre me parvient aujourd'hui 2 dé-
cembre. Je vous remercie. Elle m'arrache à ce
souvenir. J'oublie l'empire et je songe à l'Amé-
rigue. J'étais tourné vers la nuit, je me tourne
vers le jour.
Vous me demandez une parole pour George
Peabody. Dans votre sympathique illusion,
vous me croyez ce que je ne suis pas, une
voix de la France. Je ne suis, je l'ai dit déjà,
qu'une voix de l'exil. N'importe, monsieur, un
- noble appel comme le vôtre veut être entendu;
Ii peu que je sois, j'y dois répondre et j'y ré-
ponds.
Oui, l'Amérique a rajison d'être fière de ce
grand citoyen du monde, de ce grand frère
des hommes, George Peabody. Peabody a été
un homme heureux qui souffrait de toutes les
souffrances, un riche qui sentait le froid, la
faim et la, soif des pauvres. Ayant sa place près
de Rothschild, il a trouvé moyen de la chan-
ger en une place près de Vincent de Paul.
Comme Jésus-Christ, il avait une plaie au flanc;
cette plaie était la misère des autres; ce n'était
pas du sang qui coulait de cette plaie, c'était
de l'or, or qui sortait, d'un cœur.
Sur cette terre, il y a les hommes de la
haine et il y a les hommes de l'amour : Pea-
body fut un do ceux-ci. C'est sur le visage de
ces hommes que nous voyons le sourire de
Dieu. Quelle loi pratiquent-ils-? Une seule, la
loi de fraternité, — loi divine, loi -immèteoy-
qui varie les secours selon les détresses, qui
ici donne des préceptes, et qui là donne des
millions; qui trace à travers les siècles dans nos
ténèbres une traînée de lumière et qui va de
Jésus pauvre à Peabody riche.
Que Peabody s'en retourne chez vous béni
par nous! Notre monde l'envie au vôtre ! Sa pa-
trie gardera sa cendre et nos cœurs sa mé-
moire. Que riramensité émue des mers vous le
rapporte ! Ce libre pavillon américain ne dé-
ploiera jamais assez d'étoiles au-dessus de ce
cercueil. 'fi.
Rapprochement que je ne puis m'empêcher
de faire : il y a aujourd'hui juste dix ans, le
2 décembre 1859. j'adressais, suppliant, isolé,
une prière pour le condamné d'Harper's-Ferry
à l'illustre nation américaine; aujourd'hui,
c'est une glorification que je lui adresse. De-
puis 1839, de grands événements se sont accom-
plis; la servitude a été abolie en Amérique;
espérons que la misère, cette autre servitude,
sera aussi abolie un jour, et dans le monde
entier; et, en attendant que le second progrèa,
vienne compléter le premier, vénérons-en les
deux apôtres, en accouplant dans ure même
pensée de reconnaissance et de respect John1
Brown, l'ami des esclaves, à Georges Peabody,
l'ami des pauvres
Je vous serre la main, moîïSTBnK
YIfiOR HUGO.
LES ON-DIT DU BOULEVARD
■"*
- ,SI!
C'était hier l'anniversaire de la mort de
Washington. @4,n
Le 14 décembre 1799, une inflammation
de la trachée-artère, causée par une pluie
légère qui .lui avait mouillé la tête et le
cou, l'enleva en quelques heures.
Il mourut vaillamment.Voyant l'inutilité
des secours, il voulut qu'on les cessât, se
déshabilla, se mit au lit, se ferma lui même
les yèux de sa propre main, et expira pres-
que aussitôt sans convulsion.
Il avait soixante-huit ans.
Sa mort fut une calamité publique.
Le congrès invita tous les citoyens à por-
ter un crêpe au bras pendant trente ans.
*
- *"*
En huit ans de guerre, Washington,
commandant en chef et ayant la disposi-
! tion absolue des fonds, ne compta, pour
1 les dépenses secrètes, que dix-neuf cent
quatre vingt-deux livres sterling.
Deux cent quarante-sept livres par an.
La guerre finie, il se démit du com-
mandement, et rentra dans la vie privée,
sans vouloir aucune récompense. Tout ce
que le congrès put lui faire accepter, ce
fut la franchise de ses lettres.
Il s'occupa d'agriculture.
I I L'Etat de la Virginie, auquel il rendit de
grands services dans des travaux de navi-
gation, l'en remercia en lui envoyant cent
cinquante actions de sociétés qui en étaient
résultées; c'était environ deux cent mille
francs. Il les partagea entre deux collèges.
Nommé président en 1789, il fut réélu
en 1793. On voulait le réélire en 1797,
mais il refusa, préférant la grandeur de
son pays à la sienne, et trouvant, d'ailleurs,
plus grand pour lui-même d'affranchir une
nation que de la posséder.
*
•k -k
N'ayons pas de parti-pris, et rendons
justice même à ceux que nous n'aimons
pas : Napoléon porta le deuil de Washing-
ton et le fit porter aux autorités civiles et
militaires de la République française.
Il commanda un éloge funèbre du grand
Américain à Fontanes, qui, dans une cé-
rémonie solennelle, loua Washington « d'a-
voir fui l'autorité quand l'exercice en pou-
vait être arbitraire; de n'avoir consenti à
en porter le fardeau que lorsqu'elle fut
resserrée dans des bornes légitimes; d'a-
voir refusé qu'elle lui fût conpbuéé quand:
voir refusé qu.el1e lui ftît con u~-a qtÍaA'~,-
il vit que l'Amérique beureusfen'a^aî^.pl&s,
besoin de son dévouement; e fil) d'aypiF
voulu jouir avec tranquillité, c~ï~e~es~
autres citoyens, du bonheur qu'un grand
peuple avait reçu de lui tt.",',
Quand Napoléon, qui venait d'accomplir -
l'acte du 18 brumaire, eut fait louer solen-
nellement Washington de n'avoir pas voulu
du pouvoir arbitraire et d'avoir eu pour
toute ambition d'être simple citoyen d'un
pays libre, il se fit nommer, d'abord ciIi-
sul à vie, puis empereur héréditaire. -
*
t 'k -k
La Liberté annonce que « la question du
rachat des deux soldats au moyen de la
souscription ouverte par le Rap el, préoc-
cupe vivement l'administration, et que le
général Lebœuf doit la porter cette se-
maine en conseil des ministres ».
« On sait, ajoute la Liberté, qu'il faut à
ces deux soldats l'autorisation de leur co-
lonel pour pouvoir être rachetés. »
Il faut aux soldats l'autorisation du co-
lonel, au colonel l'autorisation du minis-
tre, au ministre l'autorisation du conseil,
au conseil l'autorisation de l'empereur, à
l'empereur. Mais non, la Patrie aftirme
que l'impératrice ne préside plus.
Les deux soldats dont le crime consiste
à s'être crus des hommes, réuniront ils tant
d'autorisations?
Il ne manquerait plus au général Lebœuf,
après avoir prouvé qu'il ne regardait pas les
soldats commet citoyens, que de prouver
«»e tes reprde gas ËnMnzb comme des
esclaves, puisque les esclaves eux mêmes
peuvent se libérer avec de l'argent.
*
* il
Serait-ce une répétition de l'affaire
Troppmann?
On nous dit à l'instant qu'il a été déposé
hier à la Morgue trois cadavres trouvés à
deux lieues de Paris dans un fqssé, sous une
couche de neige que le dégel n'avait pas
encore complétement fondue.
A demain les détails.
*
* *
Jeudi prochain, au palais Mazarin, ré-
ception des deux derniers immortels, -
un qui ne vit plus beaucoup, et l'autre qui
n'a jamais beaucoup vécu : MM. Auguste
Barbier et d'Haussonville.
On se demande si, le jour de sa présen-
tation aux Tuileries, le poète des Iambes
récitera à l'empereur la belle pièce où il y
a ces deux vers :
* à
Je n'ai jamais chargé qu'un être de ma luune;
Soit maudit, ô Napoléon !
Il est certain qu'il y a là quelque chose
de taquinant.
Là? où donc?
Dans ceci que, depuis vingt-quatre ans,
toutes les fêtes qu'avait données Pie IX
avaient eu la chance d'un temps superbe,
et que, le jour où il a donné la plus grande
de toutes, la vraie, le jour où il a ouvert
le concile, ce jour-là, il a plu à verse !
Deux catholiques essayaient de s'en con-
soler.
— C'est le diable, disait l'un. Le diable,
convenez-en, a une forte raison d'être mé-
content de ce qui se passe en ce moment,
et, s'il lui était permis d'ensevelir le pape
et les pères du concile sous les ruines de la
coupole, il s'y emploierait avec fureur. lia
dû se borner à pleuvoir, ne pouvant faire
pis. -
— Ce n'est pas le diable, disait l'autre.
Je crois plutôt que c'est Dieu en personne.
Il y a peut-être un acte de la miséricorde
divine dans ce contre-temps. Que si le so-
leil eût été de là fête, la foule se serait
portée en telle masse dans la basilique
qu'on n'aurait pu éviter les accidents.
Nos lecteurs se disent : - Voià deux
fiers imbéciles !
Et nous répondons : - Oh 1 oui.
Comme on pourrait croire que cette
conversation stupide est inventée par des
vaudevillistes'qui se moquent du concile,
nous déclarons qu'elle est extraite tex-
tuellement de l'Univers, et que les deux
idiots qui la commettent sont « un vieux
Romain » et le propre correspondant du
journal.
*
.* *
C'était hier soir le bal des coiffeurs et le
concours de coiflure que nous avons an-
noncés.
Coup drfeil pittoresque. Cascades de che-
velures blondes, brunes, rousses. Exécu-
tion instantanée des coiffures les plus com-
pliquées, avec poudre et échafaudages
Louis XVI. ,
Pas de discours officiel, mais, en revan-
che, beaucoup de gaieté.
Tout, d'ailleurs, s'est passé avec ealme;
personne ne s'est pris aux cheveux.
*
* *
L'empereuii a chassé hier dans les tirés
de Versailles;
Tant mieu.x ! S'il prend goût à la éhasse,
il se décidera peut-être à chasser ses mi-
nistres.
*
* *
L)ex-pète' Hyacinthe,, actuellement M.
Loyson, quitt e les Etats-Unis pour revenir
en Francs.
On lui prête l'intention de serendre en-
suite àftome, où il défendrait sa conduite
devant les pè/ £ s du concile.
Le numéro : 15 o.. Départements : 20 c.
Il frimaire an 78, -- M'M -
l'Y i * - ■
RÉDACTION
S *6#enes au SECRETAIRE DE LA RGDAGTI OX
É - ii De 3 à 5 h. du soir
tO, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
Les manuscrits non insérés as sutil pa4 rendit.
sor-1 Pù4 rgndits.
i -
ANIJONOES
MM. CH. LAGRANGE, CERF et •!'
foo.. 6, place de la Bour»e,.«.v'F T*T^S.
1
Al)ttf!«18TRAT19I*
, s'adresser à M. AUGUSTE PANIS
i ABONNEMENTS
fARIS t DÉPARTfc»*flT9
ùn mùig. S (la i Un mois. « »•
Trois mois. t3 68 Troismoi» ..<#»•
BUREAUX
13,* rue du Faubourg-Montmartreyfajf
.dJIj1) .-..
* LES CEUX SPECTRES
;'
Le gouvernement est depuis six mois
entre deux ministères comme entre deux
selles. Faut-il garder celui-ci? Faut-il
prendre celui-là? Ces hésitations tra-
hissent les inquiétudes du chef de l'Etat.
Il ne sait s'il doit faire à l'opinion pu-
blique des concessions, ou s'il lui doit
résister; s'il doit ressaisir la bonne plume
du la janvier ou la bonne épée de Dé-
, cembre. Perplexité terrible ! Son c.œur
l'entraîne vers le libéralisme. Sa raison
le fait pencher vers la dictature. Une
partie de lui-même e*t démocratique;
une autre partie autoritaire. Et ses plus
intimes amis craignent de le voir, un
jour, se casser en deux morceaux.
Je sais bien que la situation est grave.
Au point où nous sommes, toutes les
solutions offrent des dangers. Céder,
c'est introduire la Révolution dans la
place ; résister, c'est lui redonner d.es
forces, et aussi plus d'énergie et plus de
colère. Que résoudre ? Le matin on fait
des ouvertures au comte Daru ; le soir
on garde M. de la Roquette. On recom-
mence le lendemain. Le temps passe, et
chaque jour qui s'écoule rend plus grave
le péril.
Qu'un souverain dans cette situa-
tion doit se trouver malheureux !
Qu'il doit être accablé de craintes ! Les
souvenirs historiques l'obsèdent. A pei-
ne a-t-il fermé les yeux, que le fiacre de
Louis-Philippe traverse ses rêves. Il se
réveille en sursaut* et couvert d'une
sueur glacée :
—: Mon Dieu ! si mon peuple allait me
payer l'omnibus!
-
C'est là nuit, surtout, que les visions
deviennent effrayantes. Tout repose
dans la nature. Les sénateurs et les pe-
tits oiseaux sont couchés; le papillon
Mathieu ne voltige plus de programme
en programme; du Mirai a cessé son
chant d'amour ; le centre droit est ren-
tré dans son pigeonnier; Morphée verse
un discours de Charles Dupin sur les
yeux alourdis du grand Rouher ; la vio-
lette Peyrusse a fermé, ses pétales et
elle se dissimule sous les feuilles, trahie
seulement par le parfum qu'exhale sa
conscience. Le dogue la Roquette s'étire
au fond de sa niche ; le sansonnet Olli-
4^ vier cache sa tête sous l'aile de M. de
Girardin. Rien ne trouble le silence.
On entendrait voler un caissier. La blan-
che Phœbé dort sur sa couche de nua-
ges. Et l'on ne sait, quand par hasard
un bruit s'élèvè, si c'est un éclat lointain
du tonnerre ou un ronflement du baron
David.
L'empire sommeille.
Par la fenêtre entr'ouverte'des Tuile-
ries, on aperçoit au loin les préfets éten-
dus entre les bras de leurs épouser, et
qui rêvent gratifications et croix d hon-
neur sous la voûte étoilée des cieux.
Po *
* *
0 terreur! C'est le moment où les spec-
tres se réveillent.
Le chef de l'Etat ne dort point. Il s'as-
sied sur son lit; il passe la main sur ses
moustaches. Que devenir ? Faut-il chan-
ger le ministère? Ne le faut-il pas chan-
ger? Horrible cauchemar! Et il se pro-
- mène à grands pas dans la chambre. C'est
alors qu'une voix terrible s'élève.
UNE voix, dans l'armoire au linge:
Sire!. Sire!. Ne faites pas de con-
cessions!.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Grand Dieu !.
UNE voix, dans le placard: Sire!.
Sire!. Faites des concessions!.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Ciel !
LA VOIX DE L'ARMOIRE AU LINGE : Les
concessions m'ont perdu.
LA voix DU PLACARD : La résistance
m'a perdu.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Qui donc me
parle ?
LA VOIX DE L'ARMOIRE AU LINGE : Me
reconnaissez-vous ? (L'armoire s'ouvre.)
LE CHEF DE L'ÉTAT : Ciel ! Louis XVI !
LA voix DU PLACARD : Me reconnaissez-
vous? (Le p-lacard s'ouvre.)
LE CHEF DE I/ÉTAT : Charles X !. Il
est assis dans mes confitures !
Louis xvi : J'ai cédé, Sire, à l'opinion
publique et aux obsessions de mes mi-
nistres. On m'a forcé la main. J'ai eu
des Ollivier à qui j'ai donné des porte-
feuilles. J'ai eu des Buffet et des Latour-
-~ * .1-
>dii-Moulin. Et ils étaient Semblables à
>cfflix-ci,àpart qu'ils avaient beaucoup de
ta lent. J'ai fait mon petit qdinze-janvier
et mon petit quatre-novembre. Moi qui
étais né pour faire des serrures !. Vous
-savez où cela m'a conduit. Pas de con-
cessions, Sire ! pas de concessions!.
CHARLES x : J'ai résisté, Sire, à l'opi-
nion publique, et j'ai voulu bâillonner
la presse. J'ai eu mes Forcade et mes
Rouher. Grâce à Dieu ! je n'ai pas eu
de Morny. Cela ne m'a point empêché
de partir pour l'Angleterre- Et pour-
tant mon génie égalait le vôtre !. Pas
t' t S. d, ,
de résistance, Sire, pas de résistance!.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Que devenir?
CHARLES x, bas : N'écoutez pas mon
frère; c'est une borne.
LOUIS xvi, bas : N'écoutez pas mon
frère; c'est un serin.
LE CHEF DE L'ÉTAT : Ah !. (Il tombe
accablé.)
LOUIS xvi : Et maintenant, je retourne
dans l'armoire a~linge!. Méditez!
CHARLES x: Méditez!.. Je retourne à
mon placard ! *
LE CHEF DE L'ÈTAT, bondissant, : Ah!
pas dans les confitures ! Je vous en
prie !. pas dans les confitures!.
EDOUARD LOCKROV;
AUTOUR DE LA CHAMBRE
< -
La salle des Pas-Perdus est fort animée :
les naïfs croient à une grande bataille par-
lementaire, qui va se livrer entre la droite-
Forcade et le centre-droit Ollivier sur
l'élection de M. Clément Duvernois, qui est
tellement véreuse que le bureau lui-même
réclame une enquête.
Ah! que vous comprenez peu la politi-
que, répond un député. M. Duvernois étant
le Benjamin actuel de l'empereur ne sera
pas combattu par M. Ollivier, qui boude
les Tuileries, mais qui ne boude qu'en
amoureux impatienté d'attendre.
M. de Tillancourt ajoute : C'est à pro-
pos de l'élection Choque que l'on se cho-
quera.
.-.,' -
M. Clément Duvernois - l'accusé —
monte à la tribune à quatre heures ira
quart, il y reste jusqu'à six heures trente-
cinq minutes. Ah ! le terrible discours ! Si
la chose eût été possible, on aurait validé
l'orateur, rien que pour le bonheur de
l'entendre moins longtemps.
Au commencement néanmoins, la droite
semblait ravie. M. Clément Duvernois, qui
ne se gêne nulle part, avait l'air à l'aise et
débitait son apologie, en bredouillant un
peu, mais non sans quelques appels habi-
les aux passions réactionnaires. Surtout il
avait l'air de dire aux officiels : « Voyons,
messieurs, soyons de bonne foi, est-ce que
j'en ai fait beaucoup plus que vous? Faut-
il être si sévère ? Allons-nous faire entrer
dans la politique une morale de puri-
tains? » La droite buvait du lait; les aroa-
diens semblaient dire : « Il est aussi pur
que M. Dréolle, après tout! »
Mais M. Duvernois a abusé de son succès
de cinq minutes. C'est une nature de se-
crétaire ; il a été secrétaire de M. Emile de
Girardin; il est dit-on, aujourd'hui, le se-
crétaire d'un autre personnage inutile à
nommer. Il n'a qu'une initiative emprun-
tée ; il n'invente pas, il ne pense pas, il ne
parle pas, il développe. Ses développe-
ments oratoires ont fini par fatiguer même
M. Jérôme David qui semblait dormirdans
son fauteuil de président, et les membres de
la droite qui fréquemment regardaient
leur montre.
Ajoutez à cela un débit tellement ra-
pide que la moitié de la phràse ne par-
venait pas aux oreilles de l'auditeur, un
geste à la fois pointu et monotone, une de
ces voix sans accent qui ne partent pas des
profondeurs de l'être humain et qui aga-
cent par leur timbre mécanique les nerfs
les plus robustes. Pas une seule idée géné-
rale, pas un seul sentiment généreux, pas
un seul trait d'esprit, pas une seule de ces
protestations vigoureuses de l'honneur of-
fensé, qui ne sont pas toujours, hélas 1 bien
sincères, mais qui sont au moins un hom-
mage involontaire à la conscience pu-
blique I
Les applaudissements des arcadiens sont
restés rares et maigres; et l'orateur dé-
concerté a été obligé de supprimer une
des parties de sa harangue pour ménager
la patience de ses amis.
Du reste, la cause était pire encore que
l'avocat, et ce n'est pas peu dire.
Il y a eu depuis le 2 décembre, des élec-
tions trop nombreuses où la corruption col-
lective a joué un rôle prépondérant; mais
c'est la corruption .qui a fait toute l'élec-
Lion de M. Clément Duvernois; et une
corruption patente, éhontée, affichée sur
les murailles ! ,
- -..; le
M. Duwwwii., traversé tour
les partis, peu s'en faut, était devenu l'ami
de l'empereur; mais personne ne le con-
naissait dans le département des Hautes-
Alpes. Un député commode, M. Garnier,
lui promit son siège, et fut nommé lui-
même à la cour des comptes. Ce petit ar-
rangement était déjà d'une moralité mé-
diocre. Mais encore fallait-il le faire accep-
ter des populations. Voici comme on s'y
piit.
On fit courir le bruit à Gap et dans tous
les cantons que l'empereur n'avait rien à
refuser à son cher Duvernois, et que celui-
ci représentait dès lors toutes les subven-
tions, tous les secours que peut rêver
l'imagination d'un département pauvre.
Ces bruits, attestés dans trois pièces au-
thentiques citées par le rapporteur du bu-
reau, étaient déjà une première corrup-
tion.
Le préfet, qui aurait dû les démentir, se
donna au contraire la tâche coupable de
lâs entretenir et de les autoriser. C'est
ainsi qu'il faisait partout afficher un pla-
card où on lisait le passage suivant :
Ils savent aussi, ces comités, que personne
plus que M. Buv«#d*»8 n'est ai état
les intérêts matériels de voire cher départe-
ment. Un mandataire hostile au gouvernement
est nuisible ; mais celui qui. apporte au
gouvernement une force réelle, celui-li seul
peut mettre cette force au service des intérêts
de ses commettants.
Et qu'est-ce que cette phrase textuelle,
sinon roffre publique et authentique d'un
marché scandaleux aux populations! Ven-
dez-nous votre conscience, nous vous don-
nerons l'argent gouvernemental.
if- ■ «
Et cet abominable trafic. ne resta pas à
l'état de velléité et de proposition géné-
rale. H faut lire là-dessus le rapport de M.
de Choiseul. Ici (à Talard), on promet un
pont aux électeurs s'ils sont sages; là (à la
Saulce), « un chef de division à la pré-
fecture place dans le grillage des actes offi-
ciels une affiche contenant l'annonce
d'une subvention de 3,000 fr. accordés par
l'intermédiaire de M. Duvernois pour ré-
paration aux digues communales (rap
port) » ; ailleurs on promet des canaux,
ou l'on s'engage à payer la réparation
des églises ; ailleurs encore des som-
mes de 600 fr., 2,000 fr. et pins sont ac-
cordées à des communes besogneuses.
Dans certains endroits, on distribue des
bons de 2 fr. aux indigents, en les invitant à
voter pour le généreux M. Duvernois; làcù
l'on ne peut faire mieux, on aligne en
grande pompe des jalons qui semblent une
promesse de travaux publics splendides.
En un mot partout, oui partout, l'achat
brutal, l'achat cynique des consciences
sous toutes les formes, par tous les moyens,
quelque chose enfin de tellement peu gazé,
comme corruption, que onze membres du
bureau ont eux-même voté par deux fois
contre la validation de l'ami de l'empe-
reur !
Nous passons bien entendu tous les actes
de violence et d'intimidation, parce qu'ils
ne sortent pas du cadre électoral habituel.
Trois gardes champêtres destitués, qu'est-
ce que cela? D'ailleurs on nous jure
qu'ils sont ravis de leur destitution.
f
i
M. Duvernois a eu l'art deparler deux
heures — en laissant de cÕtê la plupart des
pièces authentiques qui étaient à sa char-
ge. 11 s'est défendu bien ou mal sur quel-
ques faits douteux et équivoques; il a laissé
dans l'ombre les faits écrasants qu'il ne
pouvait nier et qu'il n'aurait pu excuser,
sans soulever la conscience publique.
--- ; t *
Cependant il les a parfois effleurés dans
sa dialectique diffuse, et il s'est alors attiré
des murmures et même de vertes réponses,
Il y avait notamment une histoire de dé-
coration octroyée à un M. C., qui a bien
.voulu ne pas combattre M. Ollivier. Comme
M. Duvernois pataugeait et cherchait à
expliquer décemment cette affaire, M. de
Choiseul s'est levé, rouge d'indignation :
i a - Pour l'honneur de ceux qui por-
tent la croix, s'est-il écrié, n'insistez pas
là-dessus! » •
Et M. Duvernois a passé à un autre sujet.
L'affaire n'a pas été terminée dans la
séance d'hier. C'est aujourd'hui qu'on
soumettra le rédacteur du Peuple Français
à une enquête ou qu'on lui dira ; « Venez
siéger sur nos bancs ; vous êtes digne de
nous. » -" r
La séance s'était ouverte par une petite
escarmouche sur les journaux étrangers
qu'on arrête à la frontière et sur les an-
nonces judiciaires. Le ministre a déclaré
qu'il continuerait d'empêcher les Allemands
et les Anglais de lire à Paris les journaux
auxquels ils sont îbonnés, quand cela lui
semblerait bon; et pour les annonces ju-
diciaires, il n'a pas encore pris de parti. il
verra pour l'année.1871, et pour cette an-
née il continuera à désigner les journaux
dignes de cette subvention.
A la bonne heure. M. de Forcade mourra
ûonime il a vécu, dans le culte et la prati-
que de l'arbitraire. f -
Et son successeur l'imitera.
i. Aibioi
PLUS D'ÉQUIVOQUE
Les députés de la majorité officielle se
sont, dit, il y a huit jours :
fi Les temps sont durs! Nous ne pouvons
rester ce que nous sommes qu'à la condi-
tion de paraître ce que nous ne sommes
pas. Le public nous regarde d'un mauvais
œil. Les menaces de dissolution grondent
souidement. Ce n'est pas notre faute! Nos
préfets nous ont envoyés là pour combattre
le parlementarisme, et, sitôt rendus, il faut
le défendre. — Etrange! C'est comme si les
muets du sérail, chargés d'étrangler un en-
fant suspect, recevaient tout à coup l'ordre
de le choyer ! — N'importe ! obéissons, puis-
que c'est notre métier, et qu'il faut avant
tout satisfaire au précepte :
Ta place tii conserveras,
Sans oublier ton traitement.
Eh bien!
on en aura. Que faut-il faire?—Prendre
un nouveau nom? C'est facile! Centre droit
est harmonieux et plein de couleur locale,
soyons centre droit. — Quoi encore ?-r-
Un programme libéral? A merveille! Que
Josseau le rédige, -Ollivier le relira, et nous
signerons. — Mais il est bien entendu
qu'une fois le programme fait, nous pour-
rons continuer comme par le passé? -
Parbleu ! »
Ainsi dit, ainsi fait. On rédige un mani-
feste, on proclame bruyamment l'avéne-
ment du régime parlementaire et des li-
bertés publiques. On inscrit en première
ligne la liberté, la sincérité, la probiié
électorales; on signe, ou envoie des épreu-
ves aux journaux, et l'on va voter.
Voter pour toutes les belles choses qu'on
vient de coucher par écrit? — Oh non ! Pour
les autres, les seules que l'on connaisse, et
que l'on aime, pour la pression administra-
tive, pour la corruption par Fargent et la
vietuaille, pour la violation effrontée et
persistante de la loi électorale (constatée
quatre-vingts fois dans une seule élec-
tion), pôur l'acquittement avec éloges des
préfets qui diffament, des gardes champê-
tres qui menacent, des maires qui jouent
avec l'urne électorale comme un bateleur
avec ses gobelets.
La majorité de 1869 ratifie doiac tout ce
qu'agit ratifié celles de 1857 et de 1863.
Rien n'est changé, il n'y a qu'un pro-
gramme de plus.
Eh bien! nous aimons mieux cela. Pour-
quoi ne pas l'avouer? Nous avions craint
un instant que ces messieurs n'eusaent as-
sez d'esprit pour donner le change à ce
public indulgent, optimiste, qui ne de-
mande pas mieux que de croire aux: con-
versions les plus miraculeuses. Nous
avions eu peur que l'équivoque annoncée
par le programme ne se fortifiât par des
votes machiavéliques, et par des sacrifices
habilement calculés.
Nous avions tremblé que les bonnes gens
ne se laissassent entraîner à dire : « Cette
majorité n'est vraiment pas si mauvaise.
A défaut de libéralisme sincère, elle a un
tact politique exquis, et, du moins, ne pou-
vant se transformer, elle se travestit. Nous
pouvons marcher quelque temps ainsi; une
dissolution immédiate n'est plus néces-
saire. » ■
Ces propos ne sont plus à craindre. La
majorité n'a su ni se transformer, ni se
déguiser; elle s'est bornée à.annoncer un
projet de travestissement et elle est venue
en habit de ville. C'est partie manquée. Le
public affadi tourne le dos et, de pins
belle, réclame des remplaçants. *~
Les centres comprennent maintenant le
danger ; leurs journaux s'efforcent d'ex-
pliquer que les questions posées pendant
la vérification des pouvoirs n'engagent
que des personne?, non les principes ins-
crits sur le programme, et que ces prin-
cipes se manifesteront avec éclat dès
qu'ils ne compromettront plus l'élection
d'un centre droit ou d'un arcadien. La
Liberté, le Moniteur universel, la Presse,
se sont exercés sur ce thème; peine inu-
tile! Le coup est porté, l'efret produit,
l'épreuve complète ! la majorité aura beau
faire, on n'oubliera plus ce qu'elle est.
Plus que jamais la dissolution doit la
rendre à ce néant, dont quelques pré-
fets l'avaient fait sortir et où il faut
qu'elle rentre, en dépit des progrès qu'elle
a accomplis dans l'art de fabriquer de
faux programmes.
E. Laferrière.
1»
LETTRE DE VICTOR HUGO *
Sur la demande du colonel Berton, pré-
sident du comité américain pour les funé-
railles de George Peabody, Victor Hugo lui
a écrit la lettre suivante : : ¡,
Au colonel Berton, président du comité américain
- f de Londres.
Hauteville-House, 2 décembre. -
Monsieur, --,
Votre lettre me parvient aujourd'hui 2 dé-
cembre. Je vous remercie. Elle m'arrache à ce
souvenir. J'oublie l'empire et je songe à l'Amé-
rigue. J'étais tourné vers la nuit, je me tourne
vers le jour.
Vous me demandez une parole pour George
Peabody. Dans votre sympathique illusion,
vous me croyez ce que je ne suis pas, une
voix de la France. Je ne suis, je l'ai dit déjà,
qu'une voix de l'exil. N'importe, monsieur, un
- noble appel comme le vôtre veut être entendu;
Ii peu que je sois, j'y dois répondre et j'y ré-
ponds.
Oui, l'Amérique a rajison d'être fière de ce
grand citoyen du monde, de ce grand frère
des hommes, George Peabody. Peabody a été
un homme heureux qui souffrait de toutes les
souffrances, un riche qui sentait le froid, la
faim et la, soif des pauvres. Ayant sa place près
de Rothschild, il a trouvé moyen de la chan-
ger en une place près de Vincent de Paul.
Comme Jésus-Christ, il avait une plaie au flanc;
cette plaie était la misère des autres; ce n'était
pas du sang qui coulait de cette plaie, c'était
de l'or, or qui sortait, d'un cœur.
Sur cette terre, il y a les hommes de la
haine et il y a les hommes de l'amour : Pea-
body fut un do ceux-ci. C'est sur le visage de
ces hommes que nous voyons le sourire de
Dieu. Quelle loi pratiquent-ils-? Une seule, la
loi de fraternité, — loi divine, loi -immèteoy-
qui varie les secours selon les détresses, qui
ici donne des préceptes, et qui là donne des
millions; qui trace à travers les siècles dans nos
ténèbres une traînée de lumière et qui va de
Jésus pauvre à Peabody riche.
Que Peabody s'en retourne chez vous béni
par nous! Notre monde l'envie au vôtre ! Sa pa-
trie gardera sa cendre et nos cœurs sa mé-
moire. Que riramensité émue des mers vous le
rapporte ! Ce libre pavillon américain ne dé-
ploiera jamais assez d'étoiles au-dessus de ce
cercueil. 'fi.
Rapprochement que je ne puis m'empêcher
de faire : il y a aujourd'hui juste dix ans, le
2 décembre 1859. j'adressais, suppliant, isolé,
une prière pour le condamné d'Harper's-Ferry
à l'illustre nation américaine; aujourd'hui,
c'est une glorification que je lui adresse. De-
puis 1839, de grands événements se sont accom-
plis; la servitude a été abolie en Amérique;
espérons que la misère, cette autre servitude,
sera aussi abolie un jour, et dans le monde
entier; et, en attendant que le second progrèa,
vienne compléter le premier, vénérons-en les
deux apôtres, en accouplant dans ure même
pensée de reconnaissance et de respect John1
Brown, l'ami des esclaves, à Georges Peabody,
l'ami des pauvres
Je vous serre la main, moîïSTBnK
YIfiOR HUGO.
LES ON-DIT DU BOULEVARD
■"*
- ,SI!
C'était hier l'anniversaire de la mort de
Washington. @4,n
Le 14 décembre 1799, une inflammation
de la trachée-artère, causée par une pluie
légère qui .lui avait mouillé la tête et le
cou, l'enleva en quelques heures.
Il mourut vaillamment.Voyant l'inutilité
des secours, il voulut qu'on les cessât, se
déshabilla, se mit au lit, se ferma lui même
les yèux de sa propre main, et expira pres-
que aussitôt sans convulsion.
Il avait soixante-huit ans.
Sa mort fut une calamité publique.
Le congrès invita tous les citoyens à por-
ter un crêpe au bras pendant trente ans.
*
- *"*
En huit ans de guerre, Washington,
commandant en chef et ayant la disposi-
! tion absolue des fonds, ne compta, pour
1 les dépenses secrètes, que dix-neuf cent
quatre vingt-deux livres sterling.
Deux cent quarante-sept livres par an.
La guerre finie, il se démit du com-
mandement, et rentra dans la vie privée,
sans vouloir aucune récompense. Tout ce
que le congrès put lui faire accepter, ce
fut la franchise de ses lettres.
Il s'occupa d'agriculture.
I I L'Etat de la Virginie, auquel il rendit de
grands services dans des travaux de navi-
gation, l'en remercia en lui envoyant cent
cinquante actions de sociétés qui en étaient
résultées; c'était environ deux cent mille
francs. Il les partagea entre deux collèges.
Nommé président en 1789, il fut réélu
en 1793. On voulait le réélire en 1797,
mais il refusa, préférant la grandeur de
son pays à la sienne, et trouvant, d'ailleurs,
plus grand pour lui-même d'affranchir une
nation que de la posséder.
*
•k -k
N'ayons pas de parti-pris, et rendons
justice même à ceux que nous n'aimons
pas : Napoléon porta le deuil de Washing-
ton et le fit porter aux autorités civiles et
militaires de la République française.
Il commanda un éloge funèbre du grand
Américain à Fontanes, qui, dans une cé-
rémonie solennelle, loua Washington « d'a-
voir fui l'autorité quand l'exercice en pou-
vait être arbitraire; de n'avoir consenti à
en porter le fardeau que lorsqu'elle fut
resserrée dans des bornes légitimes; d'a-
voir refusé qu'elle lui fût conpbuéé quand:
voir refusé qu.el1e lui ftît con u~-a qtÍaA'~,-
il vit que l'Amérique beureusfen'a^aî^.pl&s,
besoin de son dévouement; e fil) d'aypiF
voulu jouir avec tranquillité, c~ï~e~es~
autres citoyens, du bonheur qu'un grand
peuple avait reçu de lui tt.",',
Quand Napoléon, qui venait d'accomplir -
l'acte du 18 brumaire, eut fait louer solen-
nellement Washington de n'avoir pas voulu
du pouvoir arbitraire et d'avoir eu pour
toute ambition d'être simple citoyen d'un
pays libre, il se fit nommer, d'abord ciIi-
sul à vie, puis empereur héréditaire. -
*
t 'k -k
La Liberté annonce que « la question du
rachat des deux soldats au moyen de la
souscription ouverte par le Rap el, préoc-
cupe vivement l'administration, et que le
général Lebœuf doit la porter cette se-
maine en conseil des ministres ».
« On sait, ajoute la Liberté, qu'il faut à
ces deux soldats l'autorisation de leur co-
lonel pour pouvoir être rachetés. »
Il faut aux soldats l'autorisation du co-
lonel, au colonel l'autorisation du minis-
tre, au ministre l'autorisation du conseil,
au conseil l'autorisation de l'empereur, à
l'empereur. Mais non, la Patrie aftirme
que l'impératrice ne préside plus.
Les deux soldats dont le crime consiste
à s'être crus des hommes, réuniront ils tant
d'autorisations?
Il ne manquerait plus au général Lebœuf,
après avoir prouvé qu'il ne regardait pas les
soldats commet citoyens, que de prouver
«»e tes reprde gas ËnMnzb comme des
esclaves, puisque les esclaves eux mêmes
peuvent se libérer avec de l'argent.
*
* il
Serait-ce une répétition de l'affaire
Troppmann?
On nous dit à l'instant qu'il a été déposé
hier à la Morgue trois cadavres trouvés à
deux lieues de Paris dans un fqssé, sous une
couche de neige que le dégel n'avait pas
encore complétement fondue.
A demain les détails.
*
* *
Jeudi prochain, au palais Mazarin, ré-
ception des deux derniers immortels, -
un qui ne vit plus beaucoup, et l'autre qui
n'a jamais beaucoup vécu : MM. Auguste
Barbier et d'Haussonville.
On se demande si, le jour de sa présen-
tation aux Tuileries, le poète des Iambes
récitera à l'empereur la belle pièce où il y
a ces deux vers :
* à
Je n'ai jamais chargé qu'un être de ma luune;
Soit maudit, ô Napoléon !
Il est certain qu'il y a là quelque chose
de taquinant.
Là? où donc?
Dans ceci que, depuis vingt-quatre ans,
toutes les fêtes qu'avait données Pie IX
avaient eu la chance d'un temps superbe,
et que, le jour où il a donné la plus grande
de toutes, la vraie, le jour où il a ouvert
le concile, ce jour-là, il a plu à verse !
Deux catholiques essayaient de s'en con-
soler.
— C'est le diable, disait l'un. Le diable,
convenez-en, a une forte raison d'être mé-
content de ce qui se passe en ce moment,
et, s'il lui était permis d'ensevelir le pape
et les pères du concile sous les ruines de la
coupole, il s'y emploierait avec fureur. lia
dû se borner à pleuvoir, ne pouvant faire
pis. -
— Ce n'est pas le diable, disait l'autre.
Je crois plutôt que c'est Dieu en personne.
Il y a peut-être un acte de la miséricorde
divine dans ce contre-temps. Que si le so-
leil eût été de là fête, la foule se serait
portée en telle masse dans la basilique
qu'on n'aurait pu éviter les accidents.
Nos lecteurs se disent : - Voià deux
fiers imbéciles !
Et nous répondons : - Oh 1 oui.
Comme on pourrait croire que cette
conversation stupide est inventée par des
vaudevillistes'qui se moquent du concile,
nous déclarons qu'elle est extraite tex-
tuellement de l'Univers, et que les deux
idiots qui la commettent sont « un vieux
Romain » et le propre correspondant du
journal.
*
.* *
C'était hier soir le bal des coiffeurs et le
concours de coiflure que nous avons an-
noncés.
Coup drfeil pittoresque. Cascades de che-
velures blondes, brunes, rousses. Exécu-
tion instantanée des coiffures les plus com-
pliquées, avec poudre et échafaudages
Louis XVI. ,
Pas de discours officiel, mais, en revan-
che, beaucoup de gaieté.
Tout, d'ailleurs, s'est passé avec ealme;
personne ne s'est pris aux cheveux.
*
* *
L'empereuii a chassé hier dans les tirés
de Versailles;
Tant mieu.x ! S'il prend goût à la éhasse,
il se décidera peut-être à chasser ses mi-
nistres.
*
* *
L)ex-pète' Hyacinthe,, actuellement M.
Loyson, quitt e les Etats-Unis pour revenir
en Francs.
On lui prête l'intention de serendre en-
suite àftome, où il défendrait sa conduite
devant les pè/ £ s du concile.
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