Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-12-11
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 décembre 1869 11 décembre 1869
Description : 1869/12/11 (N207). 1869/12/11 (N207).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7529925w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
10
ne 207. Samedi Il décembre 1869.
lié framéro ! 1$o. £ r Départet
1) 80 Mmoire an 78. - 31, 207.
RÉDACTION
S RdfôHer au SECRÈTAIRE DE LA RÉDACTION
De 3 à 5 à. du soir
10, jue du Faubourg-Montmartre, 10.
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus, -
ANNONCES
MM. CH. LAGRANGE, CERF et. U»
6; place de la Bonne. 6.
-'tei * .,
'-'-T- 1
JJMEKVISTRJLTlOIi
1 radrmu à M. AUGUSTE PANTS
ABONNEMENTS
PARIS
Un mois. 5 »
Trois mois 13 50
DÉPARTEMENTS
Un moil. 8
Trois moii. <6 »»
- ami
ia. rue du Fauboura-Montmartre,
L ANGLETERRE, COILICE DE L'EIIPIRE
Il est un phénomène qui sera l'éton-
nement et le scandale de l'histoire.
Oui, la postérité aura peine à com-
prendre qu'il y ait eu, en plein dix-
neuvième siècle, une Angleterre bona-
partiste. C'V"
- Il est vrai qu'en Angleterre aussi, le
bonapartisme s'en va. Mais qu'il y ait
prospéré, de nos jours, voilà le prodige.
Elle sait bien cependant, cette Angle-
terre qui se vante d'être la fille aînée de
la liberté, elle sait ce que les Césars
coûtent au monde et lui ont coûté à elle-
même. Elle ne saurait avoir oublié
quelle sorte d'homme fut celui dont, dix-
huit années durant, elle a encensé le
neveu.. ,
Quand elle consentait à se mettre, elle
nation libre, au service de Napoléon III,
elle aurait pu, ce semb!e, avoir ceci pré-
sent à la mémoire:
Que Napoléon Ier avait franchi le Ru-
bicon, parce qu'il y avait en lui, plus en-
core que dans le César antique, de la
moelle de tyran ;
Que la grandeur de son génie avait
voilé sans la couvrir la petitesse de son
âme ;
Que sa vie entière s'était passée à op-
primer les hommes comme despote ou à
les égorger comme conquérant ;
Que, de tous les ennemis fameux de
l'esprit humain, il avait été le plus im-
placable;
Qu'il avait eu peur de la pensée, ce
guerrier, jusqu'à trembler devant une
femme armée d'une plume ;
Qu'il avait montré son respect pour le
droit des nations , en foulant aux pieds
l'Italie, en volant l'Espagne, en aban-
donnant la Pologne , en découpant l'Al-
lemagne avec la pointe de son insolente
épée, en donnant des peuples ;
Que l'ensemble de ses vues philanthro-
piques avait tenu dans cet axiome d'as-
sassin : « Un jour de bataille, les minutes
sont tout, les hommes ne sont rien »;
Que le résultat net de ses réformes et
de ses victoires avait été d'écraser sous
le poids d'une discipline d'airain toute
inspiration spontanée, tout sentiment
viril ;
Qu'il avait abêti la race humaine;
Qu'il fut bien véritablement le grand
, tourbe et le grand meurtrier décrit par
M. Mario Proth dans son excellent
livre : « Bonaparte, Commediante, Ira-
gediante » ;
Et que, pendant qu'il éperonnait la
France, devenue son cheval de bataille,
jusqu'à ce qu'elle s'abattît sous lui, dans
la poussière et dans le sang, brisée de
fatigue, hors d'haleine, demi-morte,
l'Angleterre avait été réduite, pour le
combattre, à faire suer l'intérêt annuel
de vingt milliards à ses pauvres comme
à ses riches.
Admirable recommandation en faveur
du neveu, que pe souvenir des prouesses
de l'oncle ! Et comment concevoir que,
connaissant tout cela, se rappelant tout
cela, l'Angleterre ait appuyé, contre le
peuple français, celui dont l'intention,
proclamée avec éclat, était de continuer
Napoléon Ier, de venger sa défaite, de
compléter son œuvre ?
Ah! ce n'était donc pas assez que,
de tous les hommes d'Etat européens,
lord Palmerston eût été le premier, et,
pendant quelque temps, le seul, à ap-
prouver l'asservissement de la France ?
Fallait-il encore que, de toutes les na-
tions européennes, l'Angleterre, la li-
bre Angleterre, fût la première, et, pen-
dant quelque temps, lar seule à jeter le
manteau-do son alliance sur les hor-
reurs d'un second Dix huit Brumaire?
Pour se former une idée de la force
communiquée par la guerre de Crimée
à ce nouveau régime, que lord Palmers-
ton n'eut pas honte de définir en ces
termes : « Le siècle d'Auguste renaît à
Paris, » il suffit de se rappeler devquelle
manière le Deux-Décembre fut envisagé
par l'Europe, durant les jours qui sui-
virent.
Le 28 janvier 1852, Humboldt écrivait
à Varnhagen que le roi de Prusse et les
gens de sa cour faisaient bon marché du
crime commis, à Paris, contre le peuple
et ses représentants, mais qu'ils ne pou-
vaient pardonner à un Bonaparte d'as-
pirer à la couronne. Des despotes de
droit divin frayer avec un despe4e par-
venu! Nul d'entre eux n'entendait se
'r~ -
ravaler à ce point. Ce fut l'Angleterre
3jui, prenant le neveu du vaincu de Wa-
terloo par la main, l'introduisit dans - le
cercle des têtes couronnées, le fit mem-
■ J^rre de la franc-maçonnerie des rois.
Comme l'a fort bien expliqué M. King-
lake, ce que Napoléon-Louis Bonaparte
cherchait à tirer de la question d'Orient,
c'était une alliance qui lui donnât une
« position sociale » dans le monde; c'é-
tait une occasion de faire « sanctionner
par une reine dont le nom était sans ta-
che les actes de la nuit du 2 décembre et
ceux du jeudi, le jour sanglant. »
Qu'importait à la France une guerre
dont le point de départ fut la question
burlesque de savoir si quelques moines
patins auraient ou n'auraient pas la clef
de la principale porte de l'église de
Bethléem ? Mais ce qui n'importait pas à
la France importait fort à Napoléon
Louis-Bonaparte, à M. de Morny, à
M. Maupas, au général Saint-Arnaud,
au général Magnan, et autres acteurs
principaux du sombre drame. Us avaient
intérêt, eux, à créer, au dehors, une
agitation dont le spectacle fit diversion
à la coîitemplation humiliante des cho-
ses du dedans; ils avaient intérêt à.-
étourdir du bruit des fanfares la France
enchaînée; ils avaient intérêt surtout à
rendre le monde politique européen so-
lidaire de leur fortune d'aventuriers.
0 douleur ! ce fut l'Angleterre qui les
y aida. Sa diplomatie, complice de la
diplomatie impériale, agrandit, enve-
nima une sotte querelle de moines. La
guerre en sortit. L'Europe entière fut
ébranlée. On alla au loin se faire tuer et
tuer. Mais le but était rempli ! Le dra-
peau de la Grande-Bretagne avait flotté
à côté du drapeau qui portait la tache,
l'horrible tache du 2 décembre. Le gé-
néral sans nom qui s'était glissé dans
l'histoire par un guet-apens nocturne,
avait désormais pour compagnon d'ar-
mes un des soldats les plus honorables
et les plus honorés qu'eût produits l'a-
ristocratie anglaise. Un Saint-Arnaud,
s'était montré à l'Europe, tenant la main
d'un lord Raglan dans la sienne. La
reine Victoria avait fait de Napoléon-
Louis Bonaparte, en l'appelant « son
auguste allié », un empereur de bonne
compagnie.
Il fallait bien qu'après s'être ainsi
prostituée à un César français, la liberté
anglaise essayât de se disculper, aux
yeux des peuples. Chose lamentable!
elle ne trouva pour cela rien de mieux
que de transformer un despote en sau-
veur de l'ordre. Elle le présenta comme
une sorte de merveilleux Van Amburgh,
dompteur de ces bêtes fauves, les Fran-
çais, qui sans lui auraient dévoré l'Eu-
rope. Le Times, oubliant que, le lende-
main du 2 Décembre, il avait ouvert ses
colonnes aux anathèmes lancés contre
l'auteur du coup d'Etat par un second.
Junius, aussi éloquent et bien plus ter-
rible que le premier, le Times emboucha
la trompette du bonapartisme. Le bona-
partisme fit rage dans les salons, dans
les clubs, dans la boutique, partout.
excepté dans l'atelier. Il me semble en-
core entendre lord Palmerston décla-
rant, dans la chambre des communes,
que «l'intérêt de l'Europe était lié d'une
manière indissoluble au maintien du
pouvoir personnel de Napoléon III et à
la consolidation de sa dynastie ». Ce fut
à qui, parmi les hommes d'Etat de l'An-
gleterre, glorifierait le génie, vanterait
la sagesse, admirerait la fermeté du
maître de la France ; ce fut à qui s'ap-
plaudirait de voir un homme a la place
d'un peuple, disparu!
J'étais à Londres lorsque, au mois
d'avril 185S, Napoléon III y fit son en-
trée triomphale. Quel spectacle! Un
peuple libre presque à genoux, sur le
passage d'un despote ! Ce fut en cette
occasion que la reine d'Angleterre ten-
dit sa joue au baiser fameux que dénon-
ça, plus tard, M. Rœbuck. Ah ! ce qui
se passa ici au mois d'avril 1855 serait,
pour la conscience humaine, un sujet de
tristesse éternelle, si la réception faite,
depuis, à'Garibaldi, par ce même peuple
anglais, ne fut venue la consoler en ven-
geant la vertu des hommages rendus à
la force heureuse, et n'eiit été comme la
réhabilitation de l'enthousiasme !
Du reste, — car, avant tout, il faut
être juste — les remarques qui précè-
dent ne s'appliquent ni â la classe ou-
vrière anglaise, ni à cette portion consi-
dérable du parti libéral qui, en Angle-
terre, est représenté : dans le monde des
penseurs et des philosophes, par des
hommes tels que John S:uart Mill; dans
la chambre des lords, par des hommes
tels que lord Russell ; dans la chambre
des communes, par les Brights, les
Stansfelds, les Forsters,- les Mac-Cullah
Torrens; dans la presse, par le Specta•
tor, le Daily -Newsî le, >AdLertt
ser, la Saturday-Review, la Pu II Mail
Gazette.
Mais que l'Angleterre des classes gou-
vernantes, prise dans son ensemble, ait
fourni un puissant point d'appui au ré-
gime impérial, c'est un fait certain, aussi
clair que le jour, impossible à nier.
Ne vous est-il jamais arrivé, à Paris,
dans les fêtes données par l'empire,
d'entendre des Anglais fashionables qui
se seraient fait piler dans un mortier
plutôt que de crier : Vive la France !
crier : Vive l'empereur!
Vous vous rappelez l'horrible épreuve
que Tantale fit de la prescience des Dieux,
en leur servant les membres de son fils
Pélops coupé en morceaux : c'est à ce
banquet épouvantable que le Junius con-
temporain a comparé, dans le Times du
21 février 1852, le dîner qui fut donné,
à l'Elysée, le 26 janvier 1852, alors que
le sang qui tachait le pavé de Paris fu-
mait encore. Et quels étaient, ce jour-
là, les principaux convives? Le Junius
-«GotemporaiB^l'a dit: des noblemen an-
glais, des gentlemen anglais, des dames
anglaises !
Mais il est une Némésis pour les peu-
ples comme pour les individus. Qu'a ga-
gné l'Angleterre, la libre Angleterre, à
soutenir un despote ? Son fidèle allié a
refusé de l'appuyer dans la question da-
noise. Il l'a offensée et bravée par l'an-
nexion de Nice et de la Savoie. Il s'est
séparé d'elle, avec insulte, dans la ques-
tion du Mexique, et a envoyé une ar-
mée prendre Mexico, sans tenir le moin-
dre compte de ses représentations. Que
dire encore? Il a-humilié l'Angleterre au
point de montrer à la France, de mon-
trer à l'Europe, de montrer au monde,
la reine d'Angleterre agenouillée devant
le tombeau du captif de Sainte-Hélène.
Et qu'a-t-ellereçu, cette imprévoyante
Angleterre, en échange de ce qu'elle a
donné à un despote ?
Autant la guerre de Crimée a été
avantageuse à son auguste allié, autant
cette guerre lui a été funeste, à elle, —
la célèbre DÉCLARATION du 3 mars 1856
lui ayant coûté le droit de visite, c'est-à-
dire sa suprématie maritime.
La chute de Sébastopol a si peu porté
coup à l'influence des Russes dans
l'Orient, que c'est depuis là chute de
Sébastopol qu'ils ont subjugué la Circas-
sie, et jeté, par la conquête du Caucase,
les fondements de leur domination sur
la Perse, avançant ainsi l'heure où ils
pourront avec succès disputer aux An-
glais la possession des Indes.
La part de l'Angleterre dans les vic-
toires de l'Aima et d'Inkermann a si peu
profité à son influence morale, que lors-
qu'elle a voulu élever la voix en faveur
de la Pologne, le prince Gortschakoff lui
a répondu par le sourire du dédain, et
que, lorsqu'elle a protesté contre l'inva-
sion du Schleswig-Holstein, M. de Bis-
mark a passé outre en haussant les
épaules. -
Et notez bien que si, depuis rétablis-
sement de l'empire, l'Angleterre a dû
se saigner à blanc pour fortifier les côtes
du pays, renouveler son armée, fondre
des canons, inventer des machines de
mort; que si elle s'est vue forcée de
compter pour sa sécurité sur le mouve-
ment des volontaires; que si elle a été
mordue, cette « nation de boutiquiers »,
par ce que Cobden appelait la m fièvre de
la carabine (the rifle fever);, que si, depuis
tant d'années, elle a été réduite à se de-
mander, chaque soir, en s'endormant, si
elle ne se réveillerait pas au bruit du
canon, la raison en est dans le caractère
monstrueux du pouvoir à l'établisse-
ment duquel elle-même a si fort contri-
bué. Elle a eu peur, pendant dix-huit
ans, parce que, pendant dix-huit ans, il
a dépendu des caprices d'un homme de
mettre le feu au monde !
Némésis est une déesse boiteuse ;
c'est là son tort. Mais elle atteint tôt ou
tard ceux qui la provoquent : c'est là
son mérite !
LOUIS BLANC.
C'est aujourd'hui que Charles Hugo et
notre gérant Barbieux comparaissent de-
vant la sixième chambre, pour l'article
LES DEUX PARIAS, sous la double inculpa-
tion d'offense à.Ja personne de l'empereur
et de provocation ayant pour but de dé-
tourner les militaires de leurs devoirs.
Charles Hugo est arrivé avant-hier à
Paris et se présentera au tribunal.
Le Rappel sera défendu par Me Gambetta.
k'> "la- PETITE GtJERRE
Qu'est-ce que notre gracieuse souve-
raine* a donc rapporté d'Egypte? Voilà les
procès qui recommencent. Voilà les con-
damnations qui pleuvent. Qu'a-t-elie donc
rapporté d'Egypte, notre gracieuse souve-
raine? Les persécutions semblènt s'être
échappées de son sac de nuit.
Est-ce sur la terre des Pharaons qu'elle
a récolté cette longue série de condamna-
tions qui va se dérouler en police correc-
tionnelle? Est-ce sur les bords du Nil,dans
ses longues promenades, qu'elle à cueilli
ces fleurs assez communes, qu'on appelle
des « procès de presse a ? A-t-elle pris aux
grands palmiers chevelus - ces amendes
-dont la justice nous fera présent?
Qu'a-t-elle donc rapporté d'Egypte,notre
gracieuse souveraine?
Quand elle est absente, le gouvernement
prend ses ébats; les ministres dorment
sous leurs bancs ; la majorité fréquente la
maison Josseau; le centre droit rédige de
joyeux programmes; M. Ollivier se livre à
des exercices d'équilibre; le prince impé-
rial fume sa première cigarette. Le chef
de l'Etat danse la Boulangère à Compiè-
gne. Une douce gaieté règne dans les hau-
tes sphères. Mais l'impératrice revient, et
tout change. Le chef de l'Etat reprend sa
gravité, le prince impérial jette son tabac,
M. Ollivier écrit une lettre pour expliquer
sa conduite. Les ministres, tout penauds,
se réveillent. Ils s'excusent d'avoir dormi.
Ils affirment que; s'ils ronflaient, c'est une
preuve irréfutable qu'ils écoutaient le ba-
ron Jérôme David.
v Ces temples détruits lui ont-ils parlé?
Ces ruines l'ont-elles effrayée? les vieux
monarques égyptiens sont-ils sortis de
Jeurs pyramides, tenant d'une main le
sceptre, de l'autre un numéro du lfappl'l?
Je me la représente le soir au bord du
fleuve. Sa suite l'a abandonnée. Elle est
seule. Et alors tout ce qui l'entoure prend
une voix. Toutes les choses inertes qui
composent le paysage, muettes le jour,
l'entretiennent tout bas de l'avenir de la
France et de la destinée de son fils. La so-
litude se peuple de spectres.
UNE RUINE.
Majesté !.Majesté!. Je suis l'empiré.
Cette pierre qui s'est détachée de ma tête,
c'est le pouvoir personnel. Ce chapiteau
qui a roulé à mes pieds, c'est l'irresponsa-
bilité ministérielle. Ce lierre, pendu à mon
dos, c'est le lierre Ollivier, qui s'accroche
à tout. Voilà dix-huit ans que je me tiens
droite, et je sens que je vais m'asseoir. On
ne me respecte plus. Et les passants écri-
vent sur mon mur: Galimard se mouche!
Majesté! Majesté! sauvez l'empire!
UNE MOMIE.
Majesté ! Majesté !. Je suis le sénat. Le
gouvernement lui-même a ouvert ma boî-
te. Les journalistes m'ont ôté mes bande-
lettes; ils jouent aux osselets avec mes
yeux de verre et ils se mouchent dans ma
perruque. Et le peuple pense que je ne
suis plus bon qu'à mettre dans une chemi-
née pour chauffer ses pieds pendant l'hi-
ver. Et l'on veut faire de moi une « bûche
économique ». Majesté ! Majesté rIO. sauvez
le sénat !
UN CROCODILE.
Majesté! Majesté !. Je suis leparquet!
J'ai faim. Voilà six mois que je n'ai mangé
de journaliste. On me nourrit avec des vo-
leurs de lapins. Mes dents poussent. Mon
estomac est creux. Et je suis prêt à m'éva-
nouir. Majesté! Majesté! sauvez le flpr-
quet!.
N AMÉNOPHIS (sortant de la pyramide).
« Majesté! Majesté!. l'avenir est som-
bre! On a invalidé M. de Sainte-Hermine,
et Pinard adhère au programme Josseau!
Majesté! Majesté! sauvez l'ordre!
s,
SÉSOSTRIS (dans une autre pyramide).
Majesté! Majesté!. M. Gagne veut faire
régner l'Unitéide.el M. Rouher bat la bre-
loque. Les soldats lisent le Rappel, et M.
Dréolie va pouvoir défendre le gouverne-
ment à la tribune. Sauvez votre enfant, ô
Majesté!
RAMSÈS (troisième pyramide).
Majesté ! Majesté ! M. de la Roquette est
aplati. Il n'a plus que l'épaisseur d'une
feuille de papier à lettre.
Ses collègues l'ont emporté hier dans un
buvard. Majesté! Majesté!. sauvez la
caisse !
(Nuit affreuse. Coups de tonnerre dans
le lointain.) s
- s. M. L'IMPÉRATRICE (éperdue.)
Qu'on arrête Maroteau! Qu'on arrête
Maroteau!.
Edouard Lookroy;
.----'
LE CALENDRIER RÉPUBLICAIN
9
*
, Dans les variations qu'il a exécutées sur
l'air du maître : « L'ordre, j'en réponds! »,
M. de Forcade la Roquette a parlé des
journaux qui, « laissés à une liberté abso-
lue » (avec accompagnement de citations
devant la sixième chambre), « placent en
tête de leurs colonnes ces dates qui conti-
nuent le calendrier de la République, à peu
près comme, en 1814, le père Loriquet fai-
sait continuer la monarchie sans tenir compte
du rigne de Napoléon. »
Ces journaux, c'est le Rappel.
Nous répondrons au ministre des candi-
datures officielles deux choses :
La première, c'est que, s'il y a actuelle-
ment un père Loriquet, c'est lui, qui appelle
son maître : Napoléon III, — c'est-à-dire
qui veut nous faire croire qu'il y a eu un
Napoléon II, que le successeur de Napo-
léon a été le duc de Reichstadt, et que, par
conséquent, Louis XVIII, Charles X et
Louis-Philippe n'ont pas existé.
La seconde, c'est qu'en tête de nos co-
lonnes, à côté du calendrier républicain, -
nous plaçons le calendrier ordinaire, — ce
qui prouve que, tout en nous souvenant du
gouvernement de droit, nous n'oublions
pu la fouvernement de fait. Nous savons
parfaitement que l'empire a subcédé à la
'République, et comment; et le ministre
des élections est dans une erreur complète
en croyant que nous ne tenons pas compte
du Deux-Décembre.
Auguste Vacquerie.
AUTOUR DE LA CHAMBRE
On se promettait hier une séance dra-
matique au corps législatif. L'élection de
M. Chaix-d'Est-Ange, lui aussi, comme
M. Dréolie, protégé de M. de Bouville,
— devait être discutée. Les tribunes sont
combles. Plusieurs diplomates étrangers,
attirés par la circonstance, sont venus voir
comment avec une administration bien
enrégimentée, on discipline sans peine
— le suffrage universel.
Dans les couloirs, on raconte que le bu-
reau s'est partagé en deux moitiés égales
sur la question épineuse de la validation.
Il semblera aux gens naïfs qu'en pareil cas
le plus simple est de demander une en-
quête. Mais les enquêtes parlementaires
ne sont en faveur que sous les gouverne-
ments parlementaires. Et puis que devien-
draient les préfets, depuis M. de Bouville
jusqu'à M. Janvier, depuis M. Janvier jus-
qu'aux frères Chevreau, si l'on entrait dans
la voie des enquêtes? Que deviendraient
surtout M. le ministre de rintérieur, et ce
qu'on appelle, dans les régions officielles,
« le prestige du pouvoir n.
Il est deux heures. M. Terme, — le frère
du rédacteur du Peuple français, — le plus
gros des trois membres du parti-Mége, na-
sille le procès-verbal. Tout d'un coup les
lunettes se braquent sur la gauche. Après
quelques mots de M. Raspail, M. Henri Ro-
chefort s'est levé, au milieu du silence gé-
néral. Il se plaint justement, et en bons
termes, du dédain affecté avec lequel le
ministre de l'intérieur a qualifié un projet
de loi dû à l'initiative de deux députés; et
comme le président de la chambre inter-
rompt à chaque instant l'orateur, celui-ci
lui assène la riposte suivante :
M. le ministre a tenté de ridiculiser notre
projet de loi; je tiens à constater que cette
tactique de 1 ironie et du rire. ne fait que
continuer le système inauguré par le chef de
l'Etat à l'ouverture de la session. Le chef de
l'Eiat a cru devoir ricaner. J'ai été insulté
par lui; or,. c'est insulter le suffrage uni-
versel que de rire quand on appelle l'élu de la
1 re circonscription de Paris. Si ridicule que je
puisse être, je ne me suis jamais promené sur
une plage avec un aigle sur l'épaule et un
morceau de lard dans mon chapeau.
L'extrême droite bondit. La gauche ap-
prouve. Le centre gauche observe. Une ru-
meur confuse s'élève dans la chambre.
Mais le présiderft Schneider ne répond
rien ; — il est collé, — dit un habitué des
tribunes, et cela lui .arrive souvent.
Une autre fois, quand on appellera de-
vant les courtisans et devant leur maître,
un nom acclamé par le peuple de Paris,
ils ne se permettront plus de rire. Nous l'es-
pérons, du moins, dans leur propre inté-
rêt.
On valide au pas de course l'élection de
M. Alfred Le Roux, puis celle de M. Henri
Rochefort, qui prête serment. Les dames
qui ornent les tribunes s'attendaient à
quelque incident; elles paraissent désap-
pointées. Mais voilà M. de Bouteiller, le
député de la Moselle, qui monte à la tri-
bun©^ C'est lui qui est rapporteur dans
l'affaire Chaix-d'Est-Ange. Silence univer-
- sel. On ne cause même plus sur les bancs
du centre droit, - les plu
tous, — puisqu'ils préparent te J
Après le rapport, qui est u
des faits, et ait exposé mm
M. Ferry prend la parole. Il est moins bien
inspiré que la veille. Au lieu de concentrer
son argumentation, il l'éparpillé en une
multitude de détails. Il a merveilleusement
étudié les pièces de son dossier, mais il ne
veut en négliger aucune. Il semble écrasé
sous le poids des innombrables manœuvres
électorales qu'il a constatées, et le souci
qu'il a de toutes les passer en revue, de
les prouver toutes juridiquement, paralyse
son indignation.
Eh! morbleu, vous n'êtes pas à la barre
d'un tribunal, mon cher Ferry, vous êtes à la
tribune, à la tribune de la France; oubliez
vos habitudes d'avocat. Livrez-vous à vos
sentiments de légitime colère; tracez-nous
à grands traits le tableau de cette élection
pire encore, s'il est possible, que celle de
M. Dréolle. Vous essayez, on le voit trop,
de faire partager votre conviction juri-
dique au centre droit; peine perdue' II
s'agit bien de conviction juridique ! Le
centre droit a son siége fait; le centre
droit songe à la question des portefeuilles
en perspective; le centre droit ne"'veut pas
se brouiller avec le fils d'un sénateur; le
centre droit ne serait contre le gouverne-
ment personnel que, s'il en recevait com-
mission du gouvernement personnel lui-
même!
Ce n'est pas à dire que M. Ferry n'ait eu,
par instant, des éclairs. Quand le centre
droit paraissait ne plus l'écouter qu'en
dormant à demi, il le réveillait énergi-
quement par quelques-uns de ces mots -
amers dont il a le talent. Surtout il met
vigoureusement en relief la significative
contradiction de ce centre droit qui, dans ses
affiches, dans ses programmes, condamne
le système des candidatures officielles, et
qui ensuite ratifie les élections où ces can.
didatures ont été soutenues par les moyens
les plus illicites. « Si vous validez encore,
s'écrie-t-il, l'élection de M. Chaix-d'Est-
Ange, si vous faites un pas de plus dans la
voie de l'immoralité électorale, j'en éprou-
verai un sentiment de tristesse profonde,
mais j'aurai du moins une consolation: le
pays saura ce que valent certaines pro-
messes 1
M. Chaix-d'Est-Ange s'est défendu lui-
même. Sa voix était émue et tremblait, il
était visiblement embarrassé de. son rôle.
Aussi il a débuté par toutes les maladresses
imaginables. — « Il se coule, disait-on dans
les tribunes. » — Ah ! bien oui, plus le
protégé de M. de Bouville accumulait dans
son discours les contradictions choquantes
et les démentis solennels, suivis de demi-
aveux forcés, plus la majorité semblait
ravie.- Plusieurs sans doute se disaient
à eux-mêmes : Après tout, j'ai fait comme
lui, et sans cela je ne siégerais pas ici. —
On ne demandait qu'à applaudir.
La chose était pourtant difficile. Mr Fer-
ry avait raconté l'histoire édifiante de cette
commune où quatre-vingt-trois électeurs
attestent par écrit avoir voté pour le can-
didat de l'opposition (M. Decazes) et où
l'on n'a trouvé cependant au fond de l'urne
que vingt-trois bulletins au nom de ce
candidat. M. Chaix-d'Est-Ange déclare,
d'un ton superbe, que plusieurs de ces
quatre-vingt-trois électeurs - ont en-
suite reconnu qu'ils avaient donné leur
attestation à la légère. Il lit même trois
lettres. « Mais, s'écrie M. Ferry, j'ai des
raisons de croire que ces trois lettres sont
de la même personne. Lisez les noms du -
signataire!» Les tribunes soudent. On se
penche pour contempler le pauvre M.
Chaix-d'Est-Ange. « Lisez, lisez le nom, »
disent en riant plusieurs membres de la
gauche. — CI Il lira, il ne lira pas, » mur-
mure t-on dans les tribunes. Finalement,
M. Cbaix, décontenancé, ne lit rien du
tout, et passe à un autre sujet.
Un pareil incident, dans toute autre
chambre, aurait soulevé un orage, et celui
qui l'aurait provoqué n'aurait pas recruté
dix voix pour valider son élection. Mais le
corps législatif de .l'an de grâce 1809 n'a
pas de c es bégueuleries.
•
D'ailleurs, on se dit de bancs en baucs
que le matin même M. do Forcade a été
mandé et félicité par l'empereur sur son
discours cassant de la veille. M. Ollivier a
promis, dans une heure de fatuité, d'être
le Casimir Périer du second empire,
comme M. Liégeard en est le poète. Mais
si c'était M. de Forcade qui était chargé de
ce rôle — par l'impératrice -" et par l'em-
ptreur? S'il restait à l'intérieur, c'est-à-
dire le chef des préfets qui sont et seront
toujours, sous le régime actuef, les grands
électeurs des communes rurales? Ab ! ne
nous brouillons pas avec une puissance -
qui n'est tombée qu'à moitié — et qui
peut être va se relever, par le bon plaisir
du souverain !
Donc, 165 voix - contre 56 seulement,
<
ne 207. Samedi Il décembre 1869.
lié framéro ! 1$o. £ r Départet
1) 80 Mmoire an 78. - 31, 207.
RÉDACTION
S RdfôHer au SECRÈTAIRE DE LA RÉDACTION
De 3 à 5 à. du soir
10, jue du Faubourg-Montmartre, 10.
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus, -
ANNONCES
MM. CH. LAGRANGE, CERF et. U»
6; place de la Bonne. 6.
-'tei * .,
'-'-T- 1
JJMEKVISTRJLTlOIi
1 radrmu à M. AUGUSTE PANTS
ABONNEMENTS
PARIS
Un mois. 5 »
Trois mois 13 50
DÉPARTEMENTS
Un moil. 8
Trois moii. <6 »»
- ami
ia. rue du Fauboura-Montmartre,
L ANGLETERRE, COILICE DE L'EIIPIRE
Il est un phénomène qui sera l'éton-
nement et le scandale de l'histoire.
Oui, la postérité aura peine à com-
prendre qu'il y ait eu, en plein dix-
neuvième siècle, une Angleterre bona-
partiste. C'V"
- Il est vrai qu'en Angleterre aussi, le
bonapartisme s'en va. Mais qu'il y ait
prospéré, de nos jours, voilà le prodige.
Elle sait bien cependant, cette Angle-
terre qui se vante d'être la fille aînée de
la liberté, elle sait ce que les Césars
coûtent au monde et lui ont coûté à elle-
même. Elle ne saurait avoir oublié
quelle sorte d'homme fut celui dont, dix-
huit années durant, elle a encensé le
neveu.. ,
Quand elle consentait à se mettre, elle
nation libre, au service de Napoléon III,
elle aurait pu, ce semb!e, avoir ceci pré-
sent à la mémoire:
Que Napoléon Ier avait franchi le Ru-
bicon, parce qu'il y avait en lui, plus en-
core que dans le César antique, de la
moelle de tyran ;
Que la grandeur de son génie avait
voilé sans la couvrir la petitesse de son
âme ;
Que sa vie entière s'était passée à op-
primer les hommes comme despote ou à
les égorger comme conquérant ;
Que, de tous les ennemis fameux de
l'esprit humain, il avait été le plus im-
placable;
Qu'il avait eu peur de la pensée, ce
guerrier, jusqu'à trembler devant une
femme armée d'une plume ;
Qu'il avait montré son respect pour le
droit des nations , en foulant aux pieds
l'Italie, en volant l'Espagne, en aban-
donnant la Pologne , en découpant l'Al-
lemagne avec la pointe de son insolente
épée, en donnant des peuples ;
Que l'ensemble de ses vues philanthro-
piques avait tenu dans cet axiome d'as-
sassin : « Un jour de bataille, les minutes
sont tout, les hommes ne sont rien »;
Que le résultat net de ses réformes et
de ses victoires avait été d'écraser sous
le poids d'une discipline d'airain toute
inspiration spontanée, tout sentiment
viril ;
Qu'il avait abêti la race humaine;
Qu'il fut bien véritablement le grand
, tourbe et le grand meurtrier décrit par
M. Mario Proth dans son excellent
livre : « Bonaparte, Commediante, Ira-
gediante » ;
Et que, pendant qu'il éperonnait la
France, devenue son cheval de bataille,
jusqu'à ce qu'elle s'abattît sous lui, dans
la poussière et dans le sang, brisée de
fatigue, hors d'haleine, demi-morte,
l'Angleterre avait été réduite, pour le
combattre, à faire suer l'intérêt annuel
de vingt milliards à ses pauvres comme
à ses riches.
Admirable recommandation en faveur
du neveu, que pe souvenir des prouesses
de l'oncle ! Et comment concevoir que,
connaissant tout cela, se rappelant tout
cela, l'Angleterre ait appuyé, contre le
peuple français, celui dont l'intention,
proclamée avec éclat, était de continuer
Napoléon Ier, de venger sa défaite, de
compléter son œuvre ?
Ah! ce n'était donc pas assez que,
de tous les hommes d'Etat européens,
lord Palmerston eût été le premier, et,
pendant quelque temps, le seul, à ap-
prouver l'asservissement de la France ?
Fallait-il encore que, de toutes les na-
tions européennes, l'Angleterre, la li-
bre Angleterre, fût la première, et, pen-
dant quelque temps, lar seule à jeter le
manteau-do son alliance sur les hor-
reurs d'un second Dix huit Brumaire?
Pour se former une idée de la force
communiquée par la guerre de Crimée
à ce nouveau régime, que lord Palmers-
ton n'eut pas honte de définir en ces
termes : « Le siècle d'Auguste renaît à
Paris, » il suffit de se rappeler devquelle
manière le Deux-Décembre fut envisagé
par l'Europe, durant les jours qui sui-
virent.
Le 28 janvier 1852, Humboldt écrivait
à Varnhagen que le roi de Prusse et les
gens de sa cour faisaient bon marché du
crime commis, à Paris, contre le peuple
et ses représentants, mais qu'ils ne pou-
vaient pardonner à un Bonaparte d'as-
pirer à la couronne. Des despotes de
droit divin frayer avec un despe4e par-
venu! Nul d'entre eux n'entendait se
'r~ -
ravaler à ce point. Ce fut l'Angleterre
3jui, prenant le neveu du vaincu de Wa-
terloo par la main, l'introduisit dans - le
cercle des têtes couronnées, le fit mem-
■ J^rre de la franc-maçonnerie des rois.
Comme l'a fort bien expliqué M. King-
lake, ce que Napoléon-Louis Bonaparte
cherchait à tirer de la question d'Orient,
c'était une alliance qui lui donnât une
« position sociale » dans le monde; c'é-
tait une occasion de faire « sanctionner
par une reine dont le nom était sans ta-
che les actes de la nuit du 2 décembre et
ceux du jeudi, le jour sanglant. »
Qu'importait à la France une guerre
dont le point de départ fut la question
burlesque de savoir si quelques moines
patins auraient ou n'auraient pas la clef
de la principale porte de l'église de
Bethléem ? Mais ce qui n'importait pas à
la France importait fort à Napoléon
Louis-Bonaparte, à M. de Morny, à
M. Maupas, au général Saint-Arnaud,
au général Magnan, et autres acteurs
principaux du sombre drame. Us avaient
intérêt, eux, à créer, au dehors, une
agitation dont le spectacle fit diversion
à la coîitemplation humiliante des cho-
ses du dedans; ils avaient intérêt à.-
étourdir du bruit des fanfares la France
enchaînée; ils avaient intérêt surtout à
rendre le monde politique européen so-
lidaire de leur fortune d'aventuriers.
0 douleur ! ce fut l'Angleterre qui les
y aida. Sa diplomatie, complice de la
diplomatie impériale, agrandit, enve-
nima une sotte querelle de moines. La
guerre en sortit. L'Europe entière fut
ébranlée. On alla au loin se faire tuer et
tuer. Mais le but était rempli ! Le dra-
peau de la Grande-Bretagne avait flotté
à côté du drapeau qui portait la tache,
l'horrible tache du 2 décembre. Le gé-
néral sans nom qui s'était glissé dans
l'histoire par un guet-apens nocturne,
avait désormais pour compagnon d'ar-
mes un des soldats les plus honorables
et les plus honorés qu'eût produits l'a-
ristocratie anglaise. Un Saint-Arnaud,
s'était montré à l'Europe, tenant la main
d'un lord Raglan dans la sienne. La
reine Victoria avait fait de Napoléon-
Louis Bonaparte, en l'appelant « son
auguste allié », un empereur de bonne
compagnie.
Il fallait bien qu'après s'être ainsi
prostituée à un César français, la liberté
anglaise essayât de se disculper, aux
yeux des peuples. Chose lamentable!
elle ne trouva pour cela rien de mieux
que de transformer un despote en sau-
veur de l'ordre. Elle le présenta comme
une sorte de merveilleux Van Amburgh,
dompteur de ces bêtes fauves, les Fran-
çais, qui sans lui auraient dévoré l'Eu-
rope. Le Times, oubliant que, le lende-
main du 2 Décembre, il avait ouvert ses
colonnes aux anathèmes lancés contre
l'auteur du coup d'Etat par un second.
Junius, aussi éloquent et bien plus ter-
rible que le premier, le Times emboucha
la trompette du bonapartisme. Le bona-
partisme fit rage dans les salons, dans
les clubs, dans la boutique, partout.
excepté dans l'atelier. Il me semble en-
core entendre lord Palmerston décla-
rant, dans la chambre des communes,
que «l'intérêt de l'Europe était lié d'une
manière indissoluble au maintien du
pouvoir personnel de Napoléon III et à
la consolidation de sa dynastie ». Ce fut
à qui, parmi les hommes d'Etat de l'An-
gleterre, glorifierait le génie, vanterait
la sagesse, admirerait la fermeté du
maître de la France ; ce fut à qui s'ap-
plaudirait de voir un homme a la place
d'un peuple, disparu!
J'étais à Londres lorsque, au mois
d'avril 185S, Napoléon III y fit son en-
trée triomphale. Quel spectacle! Un
peuple libre presque à genoux, sur le
passage d'un despote ! Ce fut en cette
occasion que la reine d'Angleterre ten-
dit sa joue au baiser fameux que dénon-
ça, plus tard, M. Rœbuck. Ah ! ce qui
se passa ici au mois d'avril 1855 serait,
pour la conscience humaine, un sujet de
tristesse éternelle, si la réception faite,
depuis, à'Garibaldi, par ce même peuple
anglais, ne fut venue la consoler en ven-
geant la vertu des hommages rendus à
la force heureuse, et n'eiit été comme la
réhabilitation de l'enthousiasme !
Du reste, — car, avant tout, il faut
être juste — les remarques qui précè-
dent ne s'appliquent ni â la classe ou-
vrière anglaise, ni à cette portion consi-
dérable du parti libéral qui, en Angle-
terre, est représenté : dans le monde des
penseurs et des philosophes, par des
hommes tels que John S:uart Mill; dans
la chambre des lords, par des hommes
tels que lord Russell ; dans la chambre
des communes, par les Brights, les
Stansfelds, les Forsters,- les Mac-Cullah
Torrens; dans la presse, par le Specta•
tor, le Daily -Newsî le, >AdLertt
ser, la Saturday-Review, la Pu II Mail
Gazette.
Mais que l'Angleterre des classes gou-
vernantes, prise dans son ensemble, ait
fourni un puissant point d'appui au ré-
gime impérial, c'est un fait certain, aussi
clair que le jour, impossible à nier.
Ne vous est-il jamais arrivé, à Paris,
dans les fêtes données par l'empire,
d'entendre des Anglais fashionables qui
se seraient fait piler dans un mortier
plutôt que de crier : Vive la France !
crier : Vive l'empereur!
Vous vous rappelez l'horrible épreuve
que Tantale fit de la prescience des Dieux,
en leur servant les membres de son fils
Pélops coupé en morceaux : c'est à ce
banquet épouvantable que le Junius con-
temporain a comparé, dans le Times du
21 février 1852, le dîner qui fut donné,
à l'Elysée, le 26 janvier 1852, alors que
le sang qui tachait le pavé de Paris fu-
mait encore. Et quels étaient, ce jour-
là, les principaux convives? Le Junius
-«GotemporaiB^l'a dit: des noblemen an-
glais, des gentlemen anglais, des dames
anglaises !
Mais il est une Némésis pour les peu-
ples comme pour les individus. Qu'a ga-
gné l'Angleterre, la libre Angleterre, à
soutenir un despote ? Son fidèle allié a
refusé de l'appuyer dans la question da-
noise. Il l'a offensée et bravée par l'an-
nexion de Nice et de la Savoie. Il s'est
séparé d'elle, avec insulte, dans la ques-
tion du Mexique, et a envoyé une ar-
mée prendre Mexico, sans tenir le moin-
dre compte de ses représentations. Que
dire encore? Il a-humilié l'Angleterre au
point de montrer à la France, de mon-
trer à l'Europe, de montrer au monde,
la reine d'Angleterre agenouillée devant
le tombeau du captif de Sainte-Hélène.
Et qu'a-t-ellereçu, cette imprévoyante
Angleterre, en échange de ce qu'elle a
donné à un despote ?
Autant la guerre de Crimée a été
avantageuse à son auguste allié, autant
cette guerre lui a été funeste, à elle, —
la célèbre DÉCLARATION du 3 mars 1856
lui ayant coûté le droit de visite, c'est-à-
dire sa suprématie maritime.
La chute de Sébastopol a si peu porté
coup à l'influence des Russes dans
l'Orient, que c'est depuis là chute de
Sébastopol qu'ils ont subjugué la Circas-
sie, et jeté, par la conquête du Caucase,
les fondements de leur domination sur
la Perse, avançant ainsi l'heure où ils
pourront avec succès disputer aux An-
glais la possession des Indes.
La part de l'Angleterre dans les vic-
toires de l'Aima et d'Inkermann a si peu
profité à son influence morale, que lors-
qu'elle a voulu élever la voix en faveur
de la Pologne, le prince Gortschakoff lui
a répondu par le sourire du dédain, et
que, lorsqu'elle a protesté contre l'inva-
sion du Schleswig-Holstein, M. de Bis-
mark a passé outre en haussant les
épaules. -
Et notez bien que si, depuis rétablis-
sement de l'empire, l'Angleterre a dû
se saigner à blanc pour fortifier les côtes
du pays, renouveler son armée, fondre
des canons, inventer des machines de
mort; que si elle s'est vue forcée de
compter pour sa sécurité sur le mouve-
ment des volontaires; que si elle a été
mordue, cette « nation de boutiquiers »,
par ce que Cobden appelait la m fièvre de
la carabine (the rifle fever);, que si, depuis
tant d'années, elle a été réduite à se de-
mander, chaque soir, en s'endormant, si
elle ne se réveillerait pas au bruit du
canon, la raison en est dans le caractère
monstrueux du pouvoir à l'établisse-
ment duquel elle-même a si fort contri-
bué. Elle a eu peur, pendant dix-huit
ans, parce que, pendant dix-huit ans, il
a dépendu des caprices d'un homme de
mettre le feu au monde !
Némésis est une déesse boiteuse ;
c'est là son tort. Mais elle atteint tôt ou
tard ceux qui la provoquent : c'est là
son mérite !
LOUIS BLANC.
C'est aujourd'hui que Charles Hugo et
notre gérant Barbieux comparaissent de-
vant la sixième chambre, pour l'article
LES DEUX PARIAS, sous la double inculpa-
tion d'offense à.Ja personne de l'empereur
et de provocation ayant pour but de dé-
tourner les militaires de leurs devoirs.
Charles Hugo est arrivé avant-hier à
Paris et se présentera au tribunal.
Le Rappel sera défendu par Me Gambetta.
k'> "la- PETITE GtJERRE
Qu'est-ce que notre gracieuse souve-
raine* a donc rapporté d'Egypte? Voilà les
procès qui recommencent. Voilà les con-
damnations qui pleuvent. Qu'a-t-elie donc
rapporté d'Egypte, notre gracieuse souve-
raine? Les persécutions semblènt s'être
échappées de son sac de nuit.
Est-ce sur la terre des Pharaons qu'elle
a récolté cette longue série de condamna-
tions qui va se dérouler en police correc-
tionnelle? Est-ce sur les bords du Nil,dans
ses longues promenades, qu'elle à cueilli
ces fleurs assez communes, qu'on appelle
des « procès de presse a ? A-t-elle pris aux
grands palmiers chevelus - ces amendes
-dont la justice nous fera présent?
Qu'a-t-elle donc rapporté d'Egypte,notre
gracieuse souveraine?
Quand elle est absente, le gouvernement
prend ses ébats; les ministres dorment
sous leurs bancs ; la majorité fréquente la
maison Josseau; le centre droit rédige de
joyeux programmes; M. Ollivier se livre à
des exercices d'équilibre; le prince impé-
rial fume sa première cigarette. Le chef
de l'Etat danse la Boulangère à Compiè-
gne. Une douce gaieté règne dans les hau-
tes sphères. Mais l'impératrice revient, et
tout change. Le chef de l'Etat reprend sa
gravité, le prince impérial jette son tabac,
M. Ollivier écrit une lettre pour expliquer
sa conduite. Les ministres, tout penauds,
se réveillent. Ils s'excusent d'avoir dormi.
Ils affirment que; s'ils ronflaient, c'est une
preuve irréfutable qu'ils écoutaient le ba-
ron Jérôme David.
v Ces temples détruits lui ont-ils parlé?
Ces ruines l'ont-elles effrayée? les vieux
monarques égyptiens sont-ils sortis de
Jeurs pyramides, tenant d'une main le
sceptre, de l'autre un numéro du lfappl'l?
Je me la représente le soir au bord du
fleuve. Sa suite l'a abandonnée. Elle est
seule. Et alors tout ce qui l'entoure prend
une voix. Toutes les choses inertes qui
composent le paysage, muettes le jour,
l'entretiennent tout bas de l'avenir de la
France et de la destinée de son fils. La so-
litude se peuple de spectres.
UNE RUINE.
Majesté !.Majesté!. Je suis l'empiré.
Cette pierre qui s'est détachée de ma tête,
c'est le pouvoir personnel. Ce chapiteau
qui a roulé à mes pieds, c'est l'irresponsa-
bilité ministérielle. Ce lierre, pendu à mon
dos, c'est le lierre Ollivier, qui s'accroche
à tout. Voilà dix-huit ans que je me tiens
droite, et je sens que je vais m'asseoir. On
ne me respecte plus. Et les passants écri-
vent sur mon mur: Galimard se mouche!
Majesté! Majesté! sauvez l'empire!
UNE MOMIE.
Majesté ! Majesté !. Je suis le sénat. Le
gouvernement lui-même a ouvert ma boî-
te. Les journalistes m'ont ôté mes bande-
lettes; ils jouent aux osselets avec mes
yeux de verre et ils se mouchent dans ma
perruque. Et le peuple pense que je ne
suis plus bon qu'à mettre dans une chemi-
née pour chauffer ses pieds pendant l'hi-
ver. Et l'on veut faire de moi une « bûche
économique ». Majesté ! Majesté rIO. sauvez
le sénat !
UN CROCODILE.
Majesté! Majesté !. Je suis leparquet!
J'ai faim. Voilà six mois que je n'ai mangé
de journaliste. On me nourrit avec des vo-
leurs de lapins. Mes dents poussent. Mon
estomac est creux. Et je suis prêt à m'éva-
nouir. Majesté! Majesté! sauvez le flpr-
quet!.
N AMÉNOPHIS (sortant de la pyramide).
« Majesté! Majesté!. l'avenir est som-
bre! On a invalidé M. de Sainte-Hermine,
et Pinard adhère au programme Josseau!
Majesté! Majesté! sauvez l'ordre!
s,
SÉSOSTRIS (dans une autre pyramide).
Majesté! Majesté!. M. Gagne veut faire
régner l'Unitéide.el M. Rouher bat la bre-
loque. Les soldats lisent le Rappel, et M.
Dréolie va pouvoir défendre le gouverne-
ment à la tribune. Sauvez votre enfant, ô
Majesté!
RAMSÈS (troisième pyramide).
Majesté ! Majesté ! M. de la Roquette est
aplati. Il n'a plus que l'épaisseur d'une
feuille de papier à lettre.
Ses collègues l'ont emporté hier dans un
buvard. Majesté! Majesté!. sauvez la
caisse !
(Nuit affreuse. Coups de tonnerre dans
le lointain.) s
- s. M. L'IMPÉRATRICE (éperdue.)
Qu'on arrête Maroteau! Qu'on arrête
Maroteau!.
Edouard Lookroy;
.----'
LE CALENDRIER RÉPUBLICAIN
9
*
, Dans les variations qu'il a exécutées sur
l'air du maître : « L'ordre, j'en réponds! »,
M. de Forcade la Roquette a parlé des
journaux qui, « laissés à une liberté abso-
lue » (avec accompagnement de citations
devant la sixième chambre), « placent en
tête de leurs colonnes ces dates qui conti-
nuent le calendrier de la République, à peu
près comme, en 1814, le père Loriquet fai-
sait continuer la monarchie sans tenir compte
du rigne de Napoléon. »
Ces journaux, c'est le Rappel.
Nous répondrons au ministre des candi-
datures officielles deux choses :
La première, c'est que, s'il y a actuelle-
ment un père Loriquet, c'est lui, qui appelle
son maître : Napoléon III, — c'est-à-dire
qui veut nous faire croire qu'il y a eu un
Napoléon II, que le successeur de Napo-
léon a été le duc de Reichstadt, et que, par
conséquent, Louis XVIII, Charles X et
Louis-Philippe n'ont pas existé.
La seconde, c'est qu'en tête de nos co-
lonnes, à côté du calendrier républicain, -
nous plaçons le calendrier ordinaire, — ce
qui prouve que, tout en nous souvenant du
gouvernement de droit, nous n'oublions
pu la fouvernement de fait. Nous savons
parfaitement que l'empire a subcédé à la
'République, et comment; et le ministre
des élections est dans une erreur complète
en croyant que nous ne tenons pas compte
du Deux-Décembre.
Auguste Vacquerie.
AUTOUR DE LA CHAMBRE
On se promettait hier une séance dra-
matique au corps législatif. L'élection de
M. Chaix-d'Est-Ange, lui aussi, comme
M. Dréolie, protégé de M. de Bouville,
— devait être discutée. Les tribunes sont
combles. Plusieurs diplomates étrangers,
attirés par la circonstance, sont venus voir
comment avec une administration bien
enrégimentée, on discipline sans peine
— le suffrage universel.
Dans les couloirs, on raconte que le bu-
reau s'est partagé en deux moitiés égales
sur la question épineuse de la validation.
Il semblera aux gens naïfs qu'en pareil cas
le plus simple est de demander une en-
quête. Mais les enquêtes parlementaires
ne sont en faveur que sous les gouverne-
ments parlementaires. Et puis que devien-
draient les préfets, depuis M. de Bouville
jusqu'à M. Janvier, depuis M. Janvier jus-
qu'aux frères Chevreau, si l'on entrait dans
la voie des enquêtes? Que deviendraient
surtout M. le ministre de rintérieur, et ce
qu'on appelle, dans les régions officielles,
« le prestige du pouvoir n.
Il est deux heures. M. Terme, — le frère
du rédacteur du Peuple français, — le plus
gros des trois membres du parti-Mége, na-
sille le procès-verbal. Tout d'un coup les
lunettes se braquent sur la gauche. Après
quelques mots de M. Raspail, M. Henri Ro-
chefort s'est levé, au milieu du silence gé-
néral. Il se plaint justement, et en bons
termes, du dédain affecté avec lequel le
ministre de l'intérieur a qualifié un projet
de loi dû à l'initiative de deux députés; et
comme le président de la chambre inter-
rompt à chaque instant l'orateur, celui-ci
lui assène la riposte suivante :
M. le ministre a tenté de ridiculiser notre
projet de loi; je tiens à constater que cette
tactique de 1 ironie et du rire. ne fait que
continuer le système inauguré par le chef de
l'Etat à l'ouverture de la session. Le chef de
l'Eiat a cru devoir ricaner. J'ai été insulté
par lui; or,. c'est insulter le suffrage uni-
versel que de rire quand on appelle l'élu de la
1 re circonscription de Paris. Si ridicule que je
puisse être, je ne me suis jamais promené sur
une plage avec un aigle sur l'épaule et un
morceau de lard dans mon chapeau.
L'extrême droite bondit. La gauche ap-
prouve. Le centre gauche observe. Une ru-
meur confuse s'élève dans la chambre.
Mais le présiderft Schneider ne répond
rien ; — il est collé, — dit un habitué des
tribunes, et cela lui .arrive souvent.
Une autre fois, quand on appellera de-
vant les courtisans et devant leur maître,
un nom acclamé par le peuple de Paris,
ils ne se permettront plus de rire. Nous l'es-
pérons, du moins, dans leur propre inté-
rêt.
On valide au pas de course l'élection de
M. Alfred Le Roux, puis celle de M. Henri
Rochefort, qui prête serment. Les dames
qui ornent les tribunes s'attendaient à
quelque incident; elles paraissent désap-
pointées. Mais voilà M. de Bouteiller, le
député de la Moselle, qui monte à la tri-
bun©^ C'est lui qui est rapporteur dans
l'affaire Chaix-d'Est-Ange. Silence univer-
- sel. On ne cause même plus sur les bancs
du centre droit, - les plu
tous, — puisqu'ils préparent te J
Après le rapport, qui est u
des faits, et ait exposé mm
M. Ferry prend la parole. Il est moins bien
inspiré que la veille. Au lieu de concentrer
son argumentation, il l'éparpillé en une
multitude de détails. Il a merveilleusement
étudié les pièces de son dossier, mais il ne
veut en négliger aucune. Il semble écrasé
sous le poids des innombrables manœuvres
électorales qu'il a constatées, et le souci
qu'il a de toutes les passer en revue, de
les prouver toutes juridiquement, paralyse
son indignation.
Eh! morbleu, vous n'êtes pas à la barre
d'un tribunal, mon cher Ferry, vous êtes à la
tribune, à la tribune de la France; oubliez
vos habitudes d'avocat. Livrez-vous à vos
sentiments de légitime colère; tracez-nous
à grands traits le tableau de cette élection
pire encore, s'il est possible, que celle de
M. Dréolle. Vous essayez, on le voit trop,
de faire partager votre conviction juri-
dique au centre droit; peine perdue' II
s'agit bien de conviction juridique ! Le
centre droit a son siége fait; le centre
droit songe à la question des portefeuilles
en perspective; le centre droit ne"'veut pas
se brouiller avec le fils d'un sénateur; le
centre droit ne serait contre le gouverne-
ment personnel que, s'il en recevait com-
mission du gouvernement personnel lui-
même!
Ce n'est pas à dire que M. Ferry n'ait eu,
par instant, des éclairs. Quand le centre
droit paraissait ne plus l'écouter qu'en
dormant à demi, il le réveillait énergi-
quement par quelques-uns de ces mots -
amers dont il a le talent. Surtout il met
vigoureusement en relief la significative
contradiction de ce centre droit qui, dans ses
affiches, dans ses programmes, condamne
le système des candidatures officielles, et
qui ensuite ratifie les élections où ces can.
didatures ont été soutenues par les moyens
les plus illicites. « Si vous validez encore,
s'écrie-t-il, l'élection de M. Chaix-d'Est-
Ange, si vous faites un pas de plus dans la
voie de l'immoralité électorale, j'en éprou-
verai un sentiment de tristesse profonde,
mais j'aurai du moins une consolation: le
pays saura ce que valent certaines pro-
messes 1
M. Chaix-d'Est-Ange s'est défendu lui-
même. Sa voix était émue et tremblait, il
était visiblement embarrassé de. son rôle.
Aussi il a débuté par toutes les maladresses
imaginables. — « Il se coule, disait-on dans
les tribunes. » — Ah ! bien oui, plus le
protégé de M. de Bouville accumulait dans
son discours les contradictions choquantes
et les démentis solennels, suivis de demi-
aveux forcés, plus la majorité semblait
ravie.- Plusieurs sans doute se disaient
à eux-mêmes : Après tout, j'ai fait comme
lui, et sans cela je ne siégerais pas ici. —
On ne demandait qu'à applaudir.
La chose était pourtant difficile. Mr Fer-
ry avait raconté l'histoire édifiante de cette
commune où quatre-vingt-trois électeurs
attestent par écrit avoir voté pour le can-
didat de l'opposition (M. Decazes) et où
l'on n'a trouvé cependant au fond de l'urne
que vingt-trois bulletins au nom de ce
candidat. M. Chaix-d'Est-Ange déclare,
d'un ton superbe, que plusieurs de ces
quatre-vingt-trois électeurs - ont en-
suite reconnu qu'ils avaient donné leur
attestation à la légère. Il lit même trois
lettres. « Mais, s'écrie M. Ferry, j'ai des
raisons de croire que ces trois lettres sont
de la même personne. Lisez les noms du -
signataire!» Les tribunes soudent. On se
penche pour contempler le pauvre M.
Chaix-d'Est-Ange. « Lisez, lisez le nom, »
disent en riant plusieurs membres de la
gauche. — CI Il lira, il ne lira pas, » mur-
mure t-on dans les tribunes. Finalement,
M. Cbaix, décontenancé, ne lit rien du
tout, et passe à un autre sujet.
Un pareil incident, dans toute autre
chambre, aurait soulevé un orage, et celui
qui l'aurait provoqué n'aurait pas recruté
dix voix pour valider son élection. Mais le
corps législatif de .l'an de grâce 1809 n'a
pas de c es bégueuleries.
•
D'ailleurs, on se dit de bancs en baucs
que le matin même M. do Forcade a été
mandé et félicité par l'empereur sur son
discours cassant de la veille. M. Ollivier a
promis, dans une heure de fatuité, d'être
le Casimir Périer du second empire,
comme M. Liégeard en est le poète. Mais
si c'était M. de Forcade qui était chargé de
ce rôle — par l'impératrice -" et par l'em-
ptreur? S'il restait à l'intérieur, c'est-à-
dire le chef des préfets qui sont et seront
toujours, sous le régime actuef, les grands
électeurs des communes rurales? Ab ! ne
nous brouillons pas avec une puissance -
qui n'est tombée qu'à moitié — et qui
peut être va se relever, par le bon plaisir
du souverain !
Donc, 165 voix - contre 56 seulement,
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