Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-11-29
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 novembre 1869 29 novembre 1869
Description : 1869/11/29 (N195). 1869/11/29 (N195).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7529913p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
N* 195. - Lundi 29 novembre 1999.
Le numéro i il o. - 0étWf4^Bcbto 1 20 g,
Il frhmin ni 79. ^1^ 1.1.
RÉDACTION
S'adresser au SECRÈTAIRE DE LA RÉDACTION
t.. ," De 3 à 5 h. du soir
10, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
lANNONCES
-'. < -) .:~ ~u ■ '• ; ; ; '}■. • o * i ~r i'. "• * "o f 1-
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S'adresser à M. AUGUSTÊ-PAM»
: - ■ i : :.; r } ;,.i
ABONNE^:&N;TS ! :
PARIS ,
Un mois. t~ 5 >»>
T/of HÎbi^ .4^)3 50
^J)ÉPARTEUPBWTS - -
Un mois. 6. ;,t<
Trois mois. 16 -»»!•
1 1
MM. CH. LAGRANGE, CERF ef v> i • ( :
- 6, placïe de la Bourse, 6..* •
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SbKÉJMWr'■***■"
iitie, tfM Ui^^aubourgï!#SRfffeârtre, 13..
L'HOMME QUI RIT
DE VICTOR HUGO
sera, sous peu de jours, achevé dans le
feuilleton du Rappel.
Les abonnés nouveaux de trois mois
au moins auront droit à recevoir gratui-
tement les feuilletons parus, la presque
totalité du roman de Victor Hugo, for-
mant la matière de quatre volumes ven-
dus en librairie 30 francs.
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1er décembre, seront les derniers qui
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vouloir bien le renouveler sans retard
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et le plus direct est l'envoi d'un manaat
à vue sur Paris, ou sur la poste, à l'ordre
de l'administrateur du journal, faubourg
Montmartre, n° 13.
Les réclamations, renouvellements ou
changements d'adresse devront toujours
être accompagnés de la dernière bande.
LA RÉPUBLIQUE A PARIS
Le vote du 21 et du 22 novembre a
montré la valeur des déclarations si
bruyamment répétées par la presse bo-
napartiste pendant la dernière campagne
électorale. A en croire les journaux de
l'office impérial, les démagogues, par la
violence de leur langage et l'exaltation
de leurs idées, faisaient merveilleuse-
ment les affaires de l'autorité ; ils alar-
maient les intérêts, ils effrayaient le
commerce, ils épouvantaient la bour-
geoisie, ils terrifiaient les propriétaires
et ils allaient forcer la civilisation éper-
due à se jeter dans les bras du gen-
darme.
Comme l'empereur se montrait fort
en laissant la parole à ses ennemis!
Quelle habileté! quel coup de génie!
Chaque jour, grâce aux extravagances
des énergumènes de la voyoucratie, le
pouvoir recrutait de nouveaux partisans.
Les libéraux, qui avaient voté pour l'op-
position au mois de juin dernier, allaient
cette fois, par dégoùt de la démagogie,
voter en masse pour le gouvernement.
M. Pouyer,Quertier, le candidat officiel
de 1863, rfllait arriver beau premier.
Arrière les bavards de la presse et du
barreau! place au négociant conserva-
teur! place à l'homme d'affaires sérieux,
indépendant, mais honnête ! Paris répu-
blicain, quelle plaisanterie! Paris révo-
tionnaire, quelle bonne farce ! Paris est
centre gauche, oui, Paris est centre gau-
che. Vous allez voir.
Eh bien, nous avons vu.
- *
* *
Dans la première circonscription, le
gouvernement qui en mai dernier, avait
obtenu 3,938 suffrages, répartis entre
MM. Terme et Balagny, en a obtenu cette
, .-.,--..---
fok ~~7$) concentrés sur- M. Terme.
Tojtél en moins : 1,260 voix.
Dans la troisième circonscription, le
gouvernement qui, en mai, avait rallié
12,148 suffrages sur la tète de M. Ollivier,
n'en a recueilli cette fois que 9,675 pour
M. Pouyer-Quertier. Total en moins :
2,473 voix.
Dans la quatrième circonscription et
dans la huitième, le gouvernement n'a
pas mèmeosé risquer l'humiliation d'une
défaite : il n'a pas eu de candidat.
En revanche, l'opposition triomphe
partout avec des majorités écrasantes.
L'auteur de la Lanterne est élu par la
première circonscription qui rejette le
rédacteur du Peuple français. Crémieux,
le ministre de la justice de Février, est
élu par la troisième circonscription. Em-
manuel Arago, le digne fils du glorieux
membre du gouvernement provisoire,
est élu par la huitième. Dans la qua-
trième, il y a ballottage. entre des dé-
mocrates.
Paris, qui devait se rallier à l'empire,
par peur de l'anarchie, réclame plus haut
que jamais un changement de régime.
Riches et pauvres, banquiers et gagne-
petit, négociants et commis, rentiers et
salariés, patrons et ouvriers, bourgeoisie
et peuple, tous sont unanimes pour de-
mander la chute de ce qui est. Au lieu
de crier : Vive l'empereur ! Paris — ce
sont des journaux « dévoués » qui le
disent - Paris crie : Vive la République!
Fait immense.
*
* *
Figurez-vous Saint-Pétersbourg se
prononçant contre le czar. Que pense-
riez-vous de la durée de la monarchie
russe ?
Imaginez-vous Londres votant la dé-
chéance de la reine. Que penseriez-vous
de la solidité du trône britannique?
Eh bien; Paris s'insurge à coups de
bulletins contre le dictateur de Décem-
bre. Que pensez-vous de la longévité de
l'aigle impériale ?
Notez que Paris a en France une pré-
pondérance que Londres n'a pas dans
les Iles britanniques, que Saint-Péters-
bourg est loin d'avoir dans les Etats
russes. Le sceptre des Romanoff, rejeté
de Saint-Pétersb.ourg, pourrait être re-
cueilli par Moscou. La couronne des
Brunswick-Hanovre renversée par Lon-
dres, pourrait se redresser à Edimbourg.
Mais quelle est en France la puissance
rivale qui pourrait indéfiniment imposer
à Paris un régime dont Paris ne veut
plus?
La province! s'écrient les bonapar-
tistes.
*
* *
Les bonapartistes, qui opposent si vo-
lontiers les départements à la capitale,
devraient bien commencer par démon-
trer qu'il y a un désaccord réel entre
Paris et la province. Je veux bien ad-
mettre que les villages et les bourgs, ré-
gis par les maires et confessés par les
curés, sont à la discrétion des préféren-
ces officielles. Mais peut-on dire que les
populations des villes sont en dissenti-
ment avec la métropole ? Est-ce que
Lyon n'a pas élu Raspail? Est-ce que
Marseille n'a pas élu Gambetta ? Est-ce
que Bordeaux n'a pas élu Jules Simon ?
Est-ce que Montpellier, en élisant M. Pi-
card, n'a pas cru élire un député radical?
Est-ce que la province n'a pas appuyé
le soulèvement électoral de Paris par
une arrière-garde de trois millions de
suffrages ?
*
**
Soit, reprennent ici les bonapartistes,
comptons-nous. Vous avez pour vous
trois millions cinq cent mille électeurs ;
il nous en reste quatre millions cinq ,,
cent mille, A vous l'élite; à nous le
nombre ! A vous la qualité, à nous la
quantité ! A vous les villes, à nous les
campagnes ! Nous vous abandonnons
trente sièges au corps législatif, mais
nous en gardons deux ceh t cinquante.
A vous les irréconciliables, à .nous les
Arcadums et les Cent-Seizô! Nous avons
la majorité, et nous vous Attendons de
pied ferme, derrière une hàie de baïon-
nettes.
Cet argument, répété aujourd'hui par
la presse ofiicieuse, manque de nou-
veauté. Si j'ai bonne mémoire, îî a"Sèr-yt;-
il y a vingt-deux ans, aux orléanistes.
Les a-t-il sauvés ?
Le 24 février 1848, la dynastie de
juillet s'appuyait sur la majorité factice
de la chambre des députés bien plus so-
lidement que la dynastie de Décembre
ne s'appuie aujourd'hui sur la majorité
factice du corps législatif. Cette majorité,
qui était censée représenter le pays
voulait la Régence. Mais Paris voulait
la Réforme, et la République a été pro-
clamée.
*
* *
Feu Morny a dit de la France : « Mau-
vaise tête et bon cœur. » Que le frater-
nel ministre du coup d'Etat ait appelé
Paris mauvaise tête, c'est fort simple.
Mais Paris n'est-il qu'une tête?
Paris est à la fois le cerveau et le bras
de la France. Métropole de l'idée, foyer
de l'action. La nation propose, le chef-
lieu dispose. Paris a eu de tout temps
l'initiative, des événements qui ont trans-
formé la France et remué le monde.
Qui donc a pris la Bastille? Paris.
Qui donc, au 6 octobre, a ramené Oe
Versailles aux Tuileries la royauté pri-
sonnière ? Paris.
Paris, en improvisant la cocarde tri-
colore, a fait porter ses couleurs, — le
bleu et le rouge, —à la France. Paris
a convié la France à la fédération du
20 juin. Paris a répondu au manifeste
de Brunswick par le 10 août. A ce cri :
« la patrie en danger ! » Paris a lancé
ses faubourgs jusqu'à Valmy. Paris, par
sa commune et par ses clubs, a do-
miné la Convention elle-même et fait
reculer l'Europe. C'est Paris qui, en
écrasant la Vendée, a empêché le dé-
membrement de la France. C'est Paris
qui, tenu en suspicion et désarmé
par Napoléon, a en 1814 élevé con-
tre les alliés une barricade de cada-
vres. C'est Paris qui, en 1830, malgré
les députés des provinces, a châtié par
une révolution le coup d'Etat de Char-
les X. C'est Paris qui, en 1848, a répli-
qué au refus de la réforme par l'insur-
rection triomphante d'où est sorti le suf-
frage universel. Tous les grands actes
politiques qui, depuis quatre-vingts ans,
ont étonné l'univers sont des faits-Paris.
;JIIf'.,.
,,,,, * •
* *
Mouvement français,, impulsion pari-
sienne. Pas une de nos dates nationales
qui ne soit une journée de Paris. Tous
les monuments de Paris sont des édifi-
ces nationaux. Paris a dédié à la France
son -Champ-de-Mars, son Panthéon, son
Louvre, son Hôtel-de-Ville. Paris s'est
réservé le combat et a partagé le butin,
Tous les progrès dont a profité la Fran-
ce ont été conquis par Paris. Paris s'est
battu quatre fois, il se battrait encore
pour les cahiers des Etats-Généraux.
Paris a lutté pour le progrès contre tou-
tes les réactions, pour le droit contre
toutes les tyrannies. Les revers ne l'ont
jamais découragé. Perfidies, trahisons,
impostures, parjures, guet-apens, tou-
tes les ressources du despotisme ont été
impuissantes contre Paris. Après la dé-
faite, l'infaillible revanche. Après la
fuite à Varennes, le 10 août. Après le
18 Brumaire, la sommatio.n de l'Elysée.
Après le pacte de la Sainte-Alliance,
- - , ," H' '.tMt!'th. -\' 'III
tGO. Ãpr@s- Transnonain, 184&.k Après
10 Deux-Décembre, 18..
*
* +
En ce moment, Paris est un champ de
bataille possible où l'empire et la Répu-
blique sont placés face à face.
L'empire occupe toutes les positions
stratégiques et politiques qu'occupaient
avant lui la Restauration et la monarchie
de Juillet. Il tient son conseil de guerre
aux Tuileries, il garde la Banque, il a la
Monnaie, il tient le Trésor, il puise à
même le budget, il possède les palais et
les ministères, il est maître de l'Hôtel-
de-Ville, de la préfecture de police, du
palais de justice, des prisons, des pos-
tes, des télégraphes, du Journal officiel ;
il a le sénat et les invalides ; il garde la
manutention de l'école militaire ; il a les
généraux et les maréchaux ; il a les ar-
senaux, les casernes, les forts; il a
Vincennes et Bicètre; il a les canons
rayés ; il a les chassepots.
r La République a des légions dissé-
minées partout. Elle a pour elle quinze
cent mille bras, et pas un fusil. Elle a
des partisans sous tous les toits, des ve-
dettes devant tous les foyers. Sur dix
passants qui traversent la rue, il y a
neuf républicains. Vous flânez sur le
boulevard. Celui qui vous coudoie est
républicain. Vous montez en omnibus.
Le conducteur est républicain. Vous
prenez un fiacre. Le cocher est républi-
cain. Vous entrez dans un café. Le gar-
çon est républicain. Vous rencontrez un
petit employé qui se rend à son bureau.
C'est un républicain. honteux.
Ce pauvre factionnaire qui, par un
froid glacial, doit rester immobile" de-
vant une porte que personne ne menace,
vous avouerait, s'il ne craignait tl'aller
rejoindre en Afrique le tambour Colette
— qu'il est républicain. Vous entrez
dans une boutique. Le boutiquier est
républicain. Vous rencontrez des lycéens
en promenade. Le maître est républi-
cain, les élèves sont républicains. Vous
vous aventurez au quartier latin. Les
étudiants sont républicains. Vous vous
risquez au Palais. Les avocats sont répu-
blicains. Vous vous égarez à la Bourse.
Les baissiers sont républicains. A l'ate-
t*
lier, air magasin, au salen, partout des
républicains. Le premier étage est répu-
blicain, comme le grenier et comme le
sous-sol.
La rue Mouffetard est républicaine,
comme la rue Auber. Le faubourg
Saint-Antoine est républicain, mais pas
plus que le boulevard Montmartre que
le coup d'Etat a si intelligemment mi-
traillé.
De tous les eôtés, dans Paris, la die-
.tature napoléonienne ne rencontre que
des visages hostiles, n'entend que des
voix ennemies. Partout elle se heurte à
une rancune, à un ressentiment, à une
amertune, à une douleur, à un grief, à
un deuil, à une fierté, à une indépen-
dance. Elle est investie de toutes parts
par la conjuration invisible d'un million
de volontés.
Formidable magnétisme ! L'empire a
sur lui l'immense regard fixe de Paris
républicain.
*
Voici donc la situation.
Deux gouvernements sont en pré-
sence.
L'un, le gouvernement de fait, le
gouvernement officiel et nominal, le
gouvernement personnel, sexagénaire
et caduc, nommant à tous les emplois et
à toutes les sinécures, promulguant les
lois, frappant les gros sous à son effigie,
marquant nos palais de ses initiales,
chassant à courre et à tir dans nos parcs,
dévorant annuellement plus de deux
milliards pris dans nos poches, em-
ployant notre argent à notre ruine et
notre armée à notre asservissement, —
servi à souhait par la magistrature, la-
quelle est inamovible de haut en bas,
mais non de bas en haut, — béni par le
clergé salarié, soutenu par cinq cent
mille fonctionnaires stipendiés, adulé
par la peur, encensé par la servilité,
préconisé par les organes influents de la
réaction des deux mondes, reconnu
humblement, en dépit des traités de
1815, par toutes les monarchies euro-
péennes, salué frafernellemant par tous
les despotismes, — et soumis au traite-
ment du docteur Ricord.
L'autre, le gouvernement de droit, le
gouvernement virtuel, le gouvernement
du peuple par le peuple, le gouverne-
ment impérissable et imprescriptible,
ayant pour lui les esprits éclairés, les
consciences droites, les talents honnêtes,
servi par le sacrifice, exalté par l'hé-
roïsme, glorifié par le génie, souhaité
par tous les opprimés, espéré par toutes
les souffrances, béni par toutes les mi-
sères, attendu d'heure en heure par
toutes les nations martyres, par la l o-
logne, par la Grèce, par l'Espagne et
par Rome, — messie de l'humanité pré-
dit par trois révolutions prophétiques.
*
* *
Pour que le gouvernement de droit
remplace le gouvernement de fait, que
faut-il ?
Ce qui a suffi en 1830.
Ce qui a suffi en i848.
Un régiment français refusant de ver-
ser le sang français.
YRANÇOIS-VICTOR HUGO.
LA PETITE CUFPP~~
L'empire a des principes ! c'est la France
qui le déclare. L'empire a des principes 1
Cela peut s'appeler une découverte. Où les
cache-t-il donc? Où les serre-t-il ? Je m'ima-
gine qu'il les fourre dans un placard. Il ne
s'en sert que le dimanché ou les jours de
fête, quand il s'agit d'aller dans le monde.
Ils composent sa grande tenue. Ce sont des
principes à collet brodé, à bande d'or et à
pont-levis. Je ne puis me les représenter
que sous la forme d'un pantalon. Et encore
faut-il convenir que comme le célèbre ami
de saint-Eioi, l'empire les met quelquefois
à l'envers. s - -,
Des principes!:.. Quel luxe! Mais ces
principes doivent exister, cependant, puis-
que la France s'y rattache. M. Masseras dé-
clare qu'il ne tient qu'aux principes. Il
fait boa marr.M ri p. s iMantfa rte ht droite
et des d.éRP..têi de la gauche. Il «Mi 4a»
le même sac M. Crémieux et M. Calvet-
Rogniat. Les électeurs de M. Calvet-Ro-
gniat, pas plus que ceux de M. Crémieux
n'ont a la force morale ». Qui diablé,* a
donc la « force morale » ? Peut-être bien
M. de la Guéronnière. Nous chercherons
autre part « la force intellectuelle H.
Mais à quels principes peut bien se rat-
tacher un journal impérialiste ? -
Est-ce au principe du suffrage uaiversol
qui fait que les maires, les préfets, les
sous préfets et les fonctionnaires de tout
grade sont choisis par l'empereur ?
Est-ce au principe du favoritisme (c'en
est un) qui fait que les députés, les con-
seillers généraux et municipaux sont élus
par le suffrage universel? -
Est-ce au principe libéral, qui fait que
nous avons subi pendant dix-huit ans la
tyrannie la plus odieuse?
Est-ce au principe autoritaire-qui fait
que ---gvs allons inaugurer l'empire li-
béral ?
Est-ce au prinô^O© du pouvoir personnel
qui fait que nous alloJ^s jouir du régime
parlementaire?
Est-ce au principe parlementaire c^ui fait
que depuis 1851 nous avons subi le pouvoir
personnel?
Est-ce au principe d'hérédité qui fait
que le souverain a été élu par la nation?
Est-ce au principe de la souveraineté
du peuple qui fait que le trône est bérédi.
taire?
Est-ce au principe du libre-échange qui
fait que nous avons, été protectionistes
pendant quinze ans? ."1
Est-ce au principe protectioniste qui
fait qu'aujourd'hui nous proclamons le -
libre-échange? *
Est-ce au principe de non-intervention
qui fait que nous sommes intervenus en
Italie, à Rome et au Mexique ?
Est-ce au principe d'intervention qui
fait que nous ne sommes pas intervenus
en Pologne et en Danemark ? „
Est-ce au principe de la paix à tout prix
qui fait que nous sommes toujours en
guerre?
Est-ce au principe de la guerre intermit-
tente qui fait que dans l'affaire du Luxem-
bourg et dans l'affaire des Etats-Unis nous
avons accepté la paix à tout prix?
Ah ! vous avez des principes ! Je voudrais
les voir, je vous assure. Je voudrais les
voir par simple curiosité. Je voudrais les -
voir comme on va voir la femme à barbe
ou le veau à deux têtes. Et encore ce veau
9t feaffleton du RAPPEL
DU 29 NOVEMBKB 1869.
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DU ROI
LIVRE NEUVIÈME
EN RUIPE
- 1
C'est à travers J'excès de grandeur
qu'on arrive à l'excès de misère.
Comme minuit sonnait à Saint-Paul,
- un homme, qui venait de traverser le
pont de Londres, entrait dans les ruelles
de Southwark. Il n'y avait point de ré-
verbères allumés, l'usage étant alors, à
Londres comme à Paris, d'éteindre l'é-
clairage public à onze heures, c'est-à-
- dire de supprimer les lanternes au mo-
ment où elles deviennent nécessaires.
Les rues, obscures, étaient désertes.
- Point de réverbères, cela fait peu de
passants. L'homme marchait à grands
: Reproduction interdite.
Voir le numéro du 27 nover&bçe..
pas. Il était étrangement vêtu pour aller
dans la rue à pareille heure. Il avait
un habit de soie brodé, l'épée au côté
et un chapeau à plumes blanches, et
point de manteau. Les watchmen qui le
voyaient passer disaient : « C'est un sei-
gneur qui a fait un pari ». Et ils s'écar-
taient avec le respect dû à un lord et à
une gageure.
Cet homme était Gwynplaine.
Il avait pris la fuite.
Où en était-il? il ne le savait pas.
L'âme, nous l'avons dit, a ses cyclones,
tournoiements épouvantables où td'ut se
mêle, le ciel, la mer, le jour, la nuit, la
vie, la mort, dans une sorte d'horreur
inintelligible. Le réel cesse d'être respi-
rable. On est écrasé par des choses aux-
quelles on ne croit pas. Le néant s'est
fait ouragan. Le firmament a blêmi.
L'infini est vide. o. est dans l'absence.
On se sent mourir. On désire un astre.
Qu'éprouvait Gwynplaine?une soif, voir
Dea.
Il ne sentait plus que cela. Regagner
la Green-Box, et l'inn Tadcaster, sono-
re, lumineux, plein de ce bon rire cor-
dial du peuple; retrouver Ursus et Ho-
mo, revoir Dea, rentrer dans la vie!
Les désillusions se détendent. comme
l'arc, avec une force sinistre, et jettent
l'homme, cette flèche, versle vrai. Gwyn-
plaine avait hâte. Il approchait du Tarrin-
zeau-field. Il ne marchait plus. Il cou-
rait. Ses yeux plongeaient dans l'obs-
curité en avant. Il se faisait précéder
par son regard : recherche avide du
port à l'horizon. Quel moment que ce-
lui où il allait apercevoir les fenê-
tres éclairées de l'inn Tadcaster !
Il déboucha sur le bowling-green. Il
tourna un coin de mur, et eut, en face
de lui, à l'autre bout du pré, à quelque
distance, l'inn, qui était, on s'en sou-
vient, la seule maison du champ de
foire.
Il regarda. Pas dé lumière. Une masse
noire.
Il frissonna. Puis il se dit qu'il était
tard, que la taverne était fermée, que
c'était tout simple, qu'on dormait, qu'il
n'y avait qu'à réveiller Nicless ou Govi-
cum, qu'il fallait aller à l'inn et frapper
à la porte. Et il y alla. Il n'y courut pas.
Il s'y précipita.
Il arriva à l'inn, ne respirant plus. On
e~t en pleine tourmente, on se débat
dans les invisibles convulsions de l'âme,
on ne sait plus si l'on est mort ou vivant,
et l'on a pour ceux qu'on aime toutes
sortes de délicatesses ; c'est à cela que
se reconnaissent les vrais cœurs. Dans
l'engloutissement de tout, la tendresse
surnage. Ne pas réveiller brusquement
Dea, ce fut tout de suite la préoccupa-
tion de Gwynplaine.
Il approcha de l'inn en faisant le
moins de bruit possible. Il connaissait le
réduit, ancienne niche de chien de gar-
de, où couchait Govicum; ce réduit,
contigu à la salle basse, avait une lu-
carne sur la place, Gwynplaine gratta
doucement ia vitre. Réveiller Govicum
suffisait.
Il ne se fit aucun mouvement dans le
bed-room de Govicum. A cet âge, se dit
Gwynplaine, on a le sommeil dur. Il
frappa du revers de sa main un petit
coup sur la lucarne. Rien ne remua.
« Il frappa plus vivement et deux coups.
On ne bougea pas dans le réduit. Alors,
avec quelque frémissement, il alla à la
patte de l'inn, et cogna.
Personne ne répondit.
Il pensa, non sans ressentir le com-
mencement d'un froid profond : — Maî-
tre Nicless est vieux, les enfants dor-
ment durement et les vieillards lourde-
ment. Allons ! plus fort !
Il avait gratté. Il avait frappé. Il avait
cogné. 11 heurta. Ceci lui rappela un
lointain souvenir, Weymouth, quand.il
avait, tout petit, Dea toute petite, dans
ses bras.
Il heurta violemment, oomme un lord,
qu'il était, hélas !
La maison demeura silencieuse.
Il senlit qu'il devenait éperdu.
Il ne garda plus de ménagement. Il
appela : Nicless ! Govicum !
En même temps il regardait aux fenê-
tres pour voir si quelque chandelle s'al-
lumait.
Rien dans l'inn. Pas une voix. Pas un
bruit. Pas une lueur.
Il alla à la porte cochère et la heurta,
et la poussa, et la secoua frénétique-
ment, en criant : Ursus ! Homo !
Le loup n'aboya pas.
Une sueur glacée perla sur son front.
Il jeta les yeux autour de lui. La nuit
était épaisse, mais il y avait assez d'étoi-
les pour que le champ de foire fùt dis-
tinct. Il vit une chose lugubre, l' éva-
nouissement de tout. Il n'y avait plus
une seule baraque sur le bowling-green.
Le circus n'y était plus. Pas une tente.
Pas un tréteau. Pas un chariot. Ce vaga-
bondage aux mille vacarmes qui avait
fourmillé là avait fait place à on ne sait
quelle farouche noirceur vide. Tout s'en
était allé.
La folie de l'anxiété le prit. Qu'est-ce
JJue cela voulait dire ? Qu'était-il donc
arrivé? Est-ce qu'il n'y avait plus per-
sonne? Est-ce que sa vie se serait écrou-
lée derrière lui? Qu'est-ce qu'on leur
avait fait, à tous ? Ah ! mon Dieu ! Il se
rua comme une tempête sur la maison.
Il frappa à la porte bâtarde, à la porte
cochère, aux fenêtres, aux volets, aux
murs, des poings et des pieds, furieux
d'effroi et d'angoisse. Il appela Nicless,
Govicum, Fibi, Vinos, Ursus, Homo.
TouteS les clameurs, tous les bruits, il
les jeta sur cette muraille. Par instants
il s'interrompait et écoutait, la maison
restait muette et morte. Alors, exaspéré,
il recommençait. Chocs, frappements,
cris, roulements de coups faisant écho
partout. On eût dit le tonnerre essayant
de réveiller le sépulcre.
A un certain degré d'épouvante, on
devient terrible. Qui craint tout, ne
craint plus-rien. On donne des coups de
pied au sphinx. On rudoie l'inconnu. Il
renouvela le tumulte sous toutes les for-
mes possibles, s'arrêtant, reprenant,
inépuisable en cris et en appels, don-
nant l'assaut à ce tragique silence.
Il appela cent fois tous ceux qui pou-
vaient être là, et cçia tous les noms, e.
cepté Dea. Précautidh, obscure pour lui
même, dont il avait encore J'instinc
dans son égarement.
Les cris et les appels épuisés, restait
l'escalade. Il se dit : Il faut entrer dans
la maison. Mais comment? Ilcaîssaune
vitre du réduit de Govicum, y fourra
son poing en se déehirant la chair, tira.
le verrou du châssis et ouvrit la lucarse.
Il s'aperçut que son épée allait le gêner :
il l'arracha avec colère, fourreau, lame
et ceinturon, et la jeta sur le pavé. Puis
il se hissa aux reliefs de la muraille, et,
bien que la lucarne fût étroite, il put y
passer. Il pénétra dans l'inn.
Le lit de Govicum, vaguement visible,
était dans le réduit, mais Govicum n'y
était pas. Pour que Govicum ne fût pas
dans son lit, il fallait évidemment que
Nicless ne fût pas dans le sien. Toute la
maison était noire. On sentait dans est
intérieur ténébreux l'immobilité mysté-
rieuse du vide, et cette vague horreur
qui signifie : Il n'y a personne. Gwyn-
plaine, convulsif, traversa la salle basse,
se cogna aux tables, piétina sur les vais-
selles, renversa les bancs, culbuta les
brocs, enjamba les meubles, alla à la
porte donnant sur la cour, et la défonça
d'un coup de genou qui fit sauter Je lo-
quet. La porte tourna sur ses gonds. Il
regarda dans la cour. La Green-Box n'y
était plus.
VICTOR HUGO.
(A suivre.)
Le numéro i il o. - 0étWf4^Bcbto 1 20 g,
Il frhmin ni 79. ^1^ 1.1.
RÉDACTION
S'adresser au SECRÈTAIRE DE LA RÉDACTION
t.. ," De 3 à 5 h. du soir
10, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
l
-'. < -) .:~ ~u ■ '• ; ; ; '}■. • o * i ~r i'. "• * "o f 1-
Il" r
\0
, AMUJWiniAfrty
S'adresser à M. AUGUSTÊ-PAM»
: - ■ i : :.; r } ;,.i
ABONNE^:&N;TS ! :
PARIS ,
Un mois. t~ 5 >»>
T/of HÎbi^ .4^)3 50
^J)ÉPARTEUPBWTS - -
Un mois. 6. ;,t<
Trois mois. 16 -»»!•
1 1
MM. CH. LAGRANGE, CERF ef v> i • ( :
- 6, placïe de la Bourse, 6..* •
r - ; —, ;.. -
SbKÉJMWr'■***■"
iitie, tfM Ui^^aubourgï!#SRfffeârtre, 13..
L'HOMME QUI RIT
DE VICTOR HUGO
sera, sous peu de jours, achevé dans le
feuilleton du Rappel.
Les abonnés nouveaux de trois mois
au moins auront droit à recevoir gratui-
tement les feuilletons parus, la presque
totalité du roman de Victor Hugo, for-
mant la matière de quatre volumes ven-
dus en librairie 30 francs.
Les abonnés nouveaux, à partir du
1er décembre, seront les derniers qui
jouiront de cet avantage.
Nous prions ceux de nos abonnés dont
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vouloir bien le renouveler sans retard
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réception du journal.
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et le plus direct est l'envoi d'un manaat
à vue sur Paris, ou sur la poste, à l'ordre
de l'administrateur du journal, faubourg
Montmartre, n° 13.
Les réclamations, renouvellements ou
changements d'adresse devront toujours
être accompagnés de la dernière bande.
LA RÉPUBLIQUE A PARIS
Le vote du 21 et du 22 novembre a
montré la valeur des déclarations si
bruyamment répétées par la presse bo-
napartiste pendant la dernière campagne
électorale. A en croire les journaux de
l'office impérial, les démagogues, par la
violence de leur langage et l'exaltation
de leurs idées, faisaient merveilleuse-
ment les affaires de l'autorité ; ils alar-
maient les intérêts, ils effrayaient le
commerce, ils épouvantaient la bour-
geoisie, ils terrifiaient les propriétaires
et ils allaient forcer la civilisation éper-
due à se jeter dans les bras du gen-
darme.
Comme l'empereur se montrait fort
en laissant la parole à ses ennemis!
Quelle habileté! quel coup de génie!
Chaque jour, grâce aux extravagances
des énergumènes de la voyoucratie, le
pouvoir recrutait de nouveaux partisans.
Les libéraux, qui avaient voté pour l'op-
position au mois de juin dernier, allaient
cette fois, par dégoùt de la démagogie,
voter en masse pour le gouvernement.
M. Pouyer,Quertier, le candidat officiel
de 1863, rfllait arriver beau premier.
Arrière les bavards de la presse et du
barreau! place au négociant conserva-
teur! place à l'homme d'affaires sérieux,
indépendant, mais honnête ! Paris répu-
blicain, quelle plaisanterie! Paris révo-
tionnaire, quelle bonne farce ! Paris est
centre gauche, oui, Paris est centre gau-
che. Vous allez voir.
Eh bien, nous avons vu.
- *
* *
Dans la première circonscription, le
gouvernement qui en mai dernier, avait
obtenu 3,938 suffrages, répartis entre
MM. Terme et Balagny, en a obtenu cette
, .-.,--..---
fok ~~7$) concentrés sur- M. Terme.
Tojtél en moins : 1,260 voix.
Dans la troisième circonscription, le
gouvernement qui, en mai, avait rallié
12,148 suffrages sur la tète de M. Ollivier,
n'en a recueilli cette fois que 9,675 pour
M. Pouyer-Quertier. Total en moins :
2,473 voix.
Dans la quatrième circonscription et
dans la huitième, le gouvernement n'a
pas mèmeosé risquer l'humiliation d'une
défaite : il n'a pas eu de candidat.
En revanche, l'opposition triomphe
partout avec des majorités écrasantes.
L'auteur de la Lanterne est élu par la
première circonscription qui rejette le
rédacteur du Peuple français. Crémieux,
le ministre de la justice de Février, est
élu par la troisième circonscription. Em-
manuel Arago, le digne fils du glorieux
membre du gouvernement provisoire,
est élu par la huitième. Dans la qua-
trième, il y a ballottage. entre des dé-
mocrates.
Paris, qui devait se rallier à l'empire,
par peur de l'anarchie, réclame plus haut
que jamais un changement de régime.
Riches et pauvres, banquiers et gagne-
petit, négociants et commis, rentiers et
salariés, patrons et ouvriers, bourgeoisie
et peuple, tous sont unanimes pour de-
mander la chute de ce qui est. Au lieu
de crier : Vive l'empereur ! Paris — ce
sont des journaux « dévoués » qui le
disent - Paris crie : Vive la République!
Fait immense.
*
* *
Figurez-vous Saint-Pétersbourg se
prononçant contre le czar. Que pense-
riez-vous de la durée de la monarchie
russe ?
Imaginez-vous Londres votant la dé-
chéance de la reine. Que penseriez-vous
de la solidité du trône britannique?
Eh bien; Paris s'insurge à coups de
bulletins contre le dictateur de Décem-
bre. Que pensez-vous de la longévité de
l'aigle impériale ?
Notez que Paris a en France une pré-
pondérance que Londres n'a pas dans
les Iles britanniques, que Saint-Péters-
bourg est loin d'avoir dans les Etats
russes. Le sceptre des Romanoff, rejeté
de Saint-Pétersb.ourg, pourrait être re-
cueilli par Moscou. La couronne des
Brunswick-Hanovre renversée par Lon-
dres, pourrait se redresser à Edimbourg.
Mais quelle est en France la puissance
rivale qui pourrait indéfiniment imposer
à Paris un régime dont Paris ne veut
plus?
La province! s'écrient les bonapar-
tistes.
*
* *
Les bonapartistes, qui opposent si vo-
lontiers les départements à la capitale,
devraient bien commencer par démon-
trer qu'il y a un désaccord réel entre
Paris et la province. Je veux bien ad-
mettre que les villages et les bourgs, ré-
gis par les maires et confessés par les
curés, sont à la discrétion des préféren-
ces officielles. Mais peut-on dire que les
populations des villes sont en dissenti-
ment avec la métropole ? Est-ce que
Lyon n'a pas élu Raspail? Est-ce que
Marseille n'a pas élu Gambetta ? Est-ce
que Bordeaux n'a pas élu Jules Simon ?
Est-ce que Montpellier, en élisant M. Pi-
card, n'a pas cru élire un député radical?
Est-ce que la province n'a pas appuyé
le soulèvement électoral de Paris par
une arrière-garde de trois millions de
suffrages ?
*
**
Soit, reprennent ici les bonapartistes,
comptons-nous. Vous avez pour vous
trois millions cinq cent mille électeurs ;
il nous en reste quatre millions cinq ,,
cent mille, A vous l'élite; à nous le
nombre ! A vous la qualité, à nous la
quantité ! A vous les villes, à nous les
campagnes ! Nous vous abandonnons
trente sièges au corps législatif, mais
nous en gardons deux ceh t cinquante.
A vous les irréconciliables, à .nous les
Arcadums et les Cent-Seizô! Nous avons
la majorité, et nous vous Attendons de
pied ferme, derrière une hàie de baïon-
nettes.
Cet argument, répété aujourd'hui par
la presse ofiicieuse, manque de nou-
veauté. Si j'ai bonne mémoire, îî a"Sèr-yt;-
il y a vingt-deux ans, aux orléanistes.
Les a-t-il sauvés ?
Le 24 février 1848, la dynastie de
juillet s'appuyait sur la majorité factice
de la chambre des députés bien plus so-
lidement que la dynastie de Décembre
ne s'appuie aujourd'hui sur la majorité
factice du corps législatif. Cette majorité,
qui était censée représenter le pays
voulait la Régence. Mais Paris voulait
la Réforme, et la République a été pro-
clamée.
*
* *
Feu Morny a dit de la France : « Mau-
vaise tête et bon cœur. » Que le frater-
nel ministre du coup d'Etat ait appelé
Paris mauvaise tête, c'est fort simple.
Mais Paris n'est-il qu'une tête?
Paris est à la fois le cerveau et le bras
de la France. Métropole de l'idée, foyer
de l'action. La nation propose, le chef-
lieu dispose. Paris a eu de tout temps
l'initiative, des événements qui ont trans-
formé la France et remué le monde.
Qui donc a pris la Bastille? Paris.
Qui donc, au 6 octobre, a ramené Oe
Versailles aux Tuileries la royauté pri-
sonnière ? Paris.
Paris, en improvisant la cocarde tri-
colore, a fait porter ses couleurs, — le
bleu et le rouge, —à la France. Paris
a convié la France à la fédération du
20 juin. Paris a répondu au manifeste
de Brunswick par le 10 août. A ce cri :
« la patrie en danger ! » Paris a lancé
ses faubourgs jusqu'à Valmy. Paris, par
sa commune et par ses clubs, a do-
miné la Convention elle-même et fait
reculer l'Europe. C'est Paris qui, en
écrasant la Vendée, a empêché le dé-
membrement de la France. C'est Paris
qui, tenu en suspicion et désarmé
par Napoléon, a en 1814 élevé con-
tre les alliés une barricade de cada-
vres. C'est Paris qui, en 1830, malgré
les députés des provinces, a châtié par
une révolution le coup d'Etat de Char-
les X. C'est Paris qui, en 1848, a répli-
qué au refus de la réforme par l'insur-
rection triomphante d'où est sorti le suf-
frage universel. Tous les grands actes
politiques qui, depuis quatre-vingts ans,
ont étonné l'univers sont des faits-Paris.
;JIIf'.,.
,,,,, * •
* *
Mouvement français,, impulsion pari-
sienne. Pas une de nos dates nationales
qui ne soit une journée de Paris. Tous
les monuments de Paris sont des édifi-
ces nationaux. Paris a dédié à la France
son -Champ-de-Mars, son Panthéon, son
Louvre, son Hôtel-de-Ville. Paris s'est
réservé le combat et a partagé le butin,
Tous les progrès dont a profité la Fran-
ce ont été conquis par Paris. Paris s'est
battu quatre fois, il se battrait encore
pour les cahiers des Etats-Généraux.
Paris a lutté pour le progrès contre tou-
tes les réactions, pour le droit contre
toutes les tyrannies. Les revers ne l'ont
jamais découragé. Perfidies, trahisons,
impostures, parjures, guet-apens, tou-
tes les ressources du despotisme ont été
impuissantes contre Paris. Après la dé-
faite, l'infaillible revanche. Après la
fuite à Varennes, le 10 août. Après le
18 Brumaire, la sommatio.n de l'Elysée.
Après le pacte de la Sainte-Alliance,
- - , ," H' '.tMt!'th. -\' 'III
tGO. Ãpr@s- Transnonain, 184&.k Après
10 Deux-Décembre, 18..
*
* +
En ce moment, Paris est un champ de
bataille possible où l'empire et la Répu-
blique sont placés face à face.
L'empire occupe toutes les positions
stratégiques et politiques qu'occupaient
avant lui la Restauration et la monarchie
de Juillet. Il tient son conseil de guerre
aux Tuileries, il garde la Banque, il a la
Monnaie, il tient le Trésor, il puise à
même le budget, il possède les palais et
les ministères, il est maître de l'Hôtel-
de-Ville, de la préfecture de police, du
palais de justice, des prisons, des pos-
tes, des télégraphes, du Journal officiel ;
il a le sénat et les invalides ; il garde la
manutention de l'école militaire ; il a les
généraux et les maréchaux ; il a les ar-
senaux, les casernes, les forts; il a
Vincennes et Bicètre; il a les canons
rayés ; il a les chassepots.
r La République a des légions dissé-
minées partout. Elle a pour elle quinze
cent mille bras, et pas un fusil. Elle a
des partisans sous tous les toits, des ve-
dettes devant tous les foyers. Sur dix
passants qui traversent la rue, il y a
neuf républicains. Vous flânez sur le
boulevard. Celui qui vous coudoie est
républicain. Vous montez en omnibus.
Le conducteur est républicain. Vous
prenez un fiacre. Le cocher est républi-
cain. Vous entrez dans un café. Le gar-
çon est républicain. Vous rencontrez un
petit employé qui se rend à son bureau.
C'est un républicain. honteux.
Ce pauvre factionnaire qui, par un
froid glacial, doit rester immobile" de-
vant une porte que personne ne menace,
vous avouerait, s'il ne craignait tl'aller
rejoindre en Afrique le tambour Colette
— qu'il est républicain. Vous entrez
dans une boutique. Le boutiquier est
républicain. Vous rencontrez des lycéens
en promenade. Le maître est républi-
cain, les élèves sont républicains. Vous
vous aventurez au quartier latin. Les
étudiants sont républicains. Vous vous
risquez au Palais. Les avocats sont répu-
blicains. Vous vous égarez à la Bourse.
Les baissiers sont républicains. A l'ate-
t*
lier, air magasin, au salen, partout des
républicains. Le premier étage est répu-
blicain, comme le grenier et comme le
sous-sol.
La rue Mouffetard est républicaine,
comme la rue Auber. Le faubourg
Saint-Antoine est républicain, mais pas
plus que le boulevard Montmartre que
le coup d'Etat a si intelligemment mi-
traillé.
De tous les eôtés, dans Paris, la die-
.tature napoléonienne ne rencontre que
des visages hostiles, n'entend que des
voix ennemies. Partout elle se heurte à
une rancune, à un ressentiment, à une
amertune, à une douleur, à un grief, à
un deuil, à une fierté, à une indépen-
dance. Elle est investie de toutes parts
par la conjuration invisible d'un million
de volontés.
Formidable magnétisme ! L'empire a
sur lui l'immense regard fixe de Paris
républicain.
*
Voici donc la situation.
Deux gouvernements sont en pré-
sence.
L'un, le gouvernement de fait, le
gouvernement officiel et nominal, le
gouvernement personnel, sexagénaire
et caduc, nommant à tous les emplois et
à toutes les sinécures, promulguant les
lois, frappant les gros sous à son effigie,
marquant nos palais de ses initiales,
chassant à courre et à tir dans nos parcs,
dévorant annuellement plus de deux
milliards pris dans nos poches, em-
ployant notre argent à notre ruine et
notre armée à notre asservissement, —
servi à souhait par la magistrature, la-
quelle est inamovible de haut en bas,
mais non de bas en haut, — béni par le
clergé salarié, soutenu par cinq cent
mille fonctionnaires stipendiés, adulé
par la peur, encensé par la servilité,
préconisé par les organes influents de la
réaction des deux mondes, reconnu
humblement, en dépit des traités de
1815, par toutes les monarchies euro-
péennes, salué frafernellemant par tous
les despotismes, — et soumis au traite-
ment du docteur Ricord.
L'autre, le gouvernement de droit, le
gouvernement virtuel, le gouvernement
du peuple par le peuple, le gouverne-
ment impérissable et imprescriptible,
ayant pour lui les esprits éclairés, les
consciences droites, les talents honnêtes,
servi par le sacrifice, exalté par l'hé-
roïsme, glorifié par le génie, souhaité
par tous les opprimés, espéré par toutes
les souffrances, béni par toutes les mi-
sères, attendu d'heure en heure par
toutes les nations martyres, par la l o-
logne, par la Grèce, par l'Espagne et
par Rome, — messie de l'humanité pré-
dit par trois révolutions prophétiques.
*
* *
Pour que le gouvernement de droit
remplace le gouvernement de fait, que
faut-il ?
Ce qui a suffi en 1830.
Ce qui a suffi en i848.
Un régiment français refusant de ver-
ser le sang français.
YRANÇOIS-VICTOR HUGO.
LA PETITE CUFPP~~
L'empire a des principes ! c'est la France
qui le déclare. L'empire a des principes 1
Cela peut s'appeler une découverte. Où les
cache-t-il donc? Où les serre-t-il ? Je m'ima-
gine qu'il les fourre dans un placard. Il ne
s'en sert que le dimanché ou les jours de
fête, quand il s'agit d'aller dans le monde.
Ils composent sa grande tenue. Ce sont des
principes à collet brodé, à bande d'or et à
pont-levis. Je ne puis me les représenter
que sous la forme d'un pantalon. Et encore
faut-il convenir que comme le célèbre ami
de saint-Eioi, l'empire les met quelquefois
à l'envers. s - -,
Des principes!:.. Quel luxe! Mais ces
principes doivent exister, cependant, puis-
que la France s'y rattache. M. Masseras dé-
clare qu'il ne tient qu'aux principes. Il
fait boa marr.M ri p. s iMantfa rte ht droite
et des d.éRP..têi de la gauche. Il «Mi 4a»
le même sac M. Crémieux et M. Calvet-
Rogniat. Les électeurs de M. Calvet-Ro-
gniat, pas plus que ceux de M. Crémieux
n'ont a la force morale ». Qui diablé,* a
donc la « force morale » ? Peut-être bien
M. de la Guéronnière. Nous chercherons
autre part « la force intellectuelle H.
Mais à quels principes peut bien se rat-
tacher un journal impérialiste ? -
Est-ce au principe du suffrage uaiversol
qui fait que les maires, les préfets, les
sous préfets et les fonctionnaires de tout
grade sont choisis par l'empereur ?
Est-ce au principe du favoritisme (c'en
est un) qui fait que les députés, les con-
seillers généraux et municipaux sont élus
par le suffrage universel? -
Est-ce au principe libéral, qui fait que
nous avons subi pendant dix-huit ans la
tyrannie la plus odieuse?
Est-ce au principe autoritaire-qui fait
que ---gvs allons inaugurer l'empire li-
béral ?
Est-ce au prinô^O© du pouvoir personnel
qui fait que nous alloJ^s jouir du régime
parlementaire?
Est-ce au principe parlementaire c^ui fait
que depuis 1851 nous avons subi le pouvoir
personnel?
Est-ce au principe d'hérédité qui fait
que le souverain a été élu par la nation?
Est-ce au principe de la souveraineté
du peuple qui fait que le trône est bérédi.
taire?
Est-ce au principe du libre-échange qui
fait que nous avons, été protectionistes
pendant quinze ans? ."1
Est-ce au principe protectioniste qui
fait qu'aujourd'hui nous proclamons le -
libre-échange? *
Est-ce au principe de non-intervention
qui fait que nous sommes intervenus en
Italie, à Rome et au Mexique ?
Est-ce au principe d'intervention qui
fait que nous ne sommes pas intervenus
en Pologne et en Danemark ? „
Est-ce au principe de la paix à tout prix
qui fait que nous sommes toujours en
guerre?
Est-ce au principe de la guerre intermit-
tente qui fait que dans l'affaire du Luxem-
bourg et dans l'affaire des Etats-Unis nous
avons accepté la paix à tout prix?
Ah ! vous avez des principes ! Je voudrais
les voir, je vous assure. Je voudrais les
voir par simple curiosité. Je voudrais les -
voir comme on va voir la femme à barbe
ou le veau à deux têtes. Et encore ce veau
9t feaffleton du RAPPEL
DU 29 NOVEMBKB 1869.
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DU ROI
LIVRE NEUVIÈME
EN RUIPE
- 1
C'est à travers J'excès de grandeur
qu'on arrive à l'excès de misère.
Comme minuit sonnait à Saint-Paul,
- un homme, qui venait de traverser le
pont de Londres, entrait dans les ruelles
de Southwark. Il n'y avait point de ré-
verbères allumés, l'usage étant alors, à
Londres comme à Paris, d'éteindre l'é-
clairage public à onze heures, c'est-à-
- dire de supprimer les lanternes au mo-
ment où elles deviennent nécessaires.
Les rues, obscures, étaient désertes.
- Point de réverbères, cela fait peu de
passants. L'homme marchait à grands
: Reproduction interdite.
Voir le numéro du 27 nover&bçe..
pas. Il était étrangement vêtu pour aller
dans la rue à pareille heure. Il avait
un habit de soie brodé, l'épée au côté
et un chapeau à plumes blanches, et
point de manteau. Les watchmen qui le
voyaient passer disaient : « C'est un sei-
gneur qui a fait un pari ». Et ils s'écar-
taient avec le respect dû à un lord et à
une gageure.
Cet homme était Gwynplaine.
Il avait pris la fuite.
Où en était-il? il ne le savait pas.
L'âme, nous l'avons dit, a ses cyclones,
tournoiements épouvantables où td'ut se
mêle, le ciel, la mer, le jour, la nuit, la
vie, la mort, dans une sorte d'horreur
inintelligible. Le réel cesse d'être respi-
rable. On est écrasé par des choses aux-
quelles on ne croit pas. Le néant s'est
fait ouragan. Le firmament a blêmi.
L'infini est vide. o. est dans l'absence.
On se sent mourir. On désire un astre.
Qu'éprouvait Gwynplaine?une soif, voir
Dea.
Il ne sentait plus que cela. Regagner
la Green-Box, et l'inn Tadcaster, sono-
re, lumineux, plein de ce bon rire cor-
dial du peuple; retrouver Ursus et Ho-
mo, revoir Dea, rentrer dans la vie!
Les désillusions se détendent. comme
l'arc, avec une force sinistre, et jettent
l'homme, cette flèche, versle vrai. Gwyn-
plaine avait hâte. Il approchait du Tarrin-
zeau-field. Il ne marchait plus. Il cou-
rait. Ses yeux plongeaient dans l'obs-
curité en avant. Il se faisait précéder
par son regard : recherche avide du
port à l'horizon. Quel moment que ce-
lui où il allait apercevoir les fenê-
tres éclairées de l'inn Tadcaster !
Il déboucha sur le bowling-green. Il
tourna un coin de mur, et eut, en face
de lui, à l'autre bout du pré, à quelque
distance, l'inn, qui était, on s'en sou-
vient, la seule maison du champ de
foire.
Il regarda. Pas dé lumière. Une masse
noire.
Il frissonna. Puis il se dit qu'il était
tard, que la taverne était fermée, que
c'était tout simple, qu'on dormait, qu'il
n'y avait qu'à réveiller Nicless ou Govi-
cum, qu'il fallait aller à l'inn et frapper
à la porte. Et il y alla. Il n'y courut pas.
Il s'y précipita.
Il arriva à l'inn, ne respirant plus. On
e~t en pleine tourmente, on se débat
dans les invisibles convulsions de l'âme,
on ne sait plus si l'on est mort ou vivant,
et l'on a pour ceux qu'on aime toutes
sortes de délicatesses ; c'est à cela que
se reconnaissent les vrais cœurs. Dans
l'engloutissement de tout, la tendresse
surnage. Ne pas réveiller brusquement
Dea, ce fut tout de suite la préoccupa-
tion de Gwynplaine.
Il approcha de l'inn en faisant le
moins de bruit possible. Il connaissait le
réduit, ancienne niche de chien de gar-
de, où couchait Govicum; ce réduit,
contigu à la salle basse, avait une lu-
carne sur la place, Gwynplaine gratta
doucement ia vitre. Réveiller Govicum
suffisait.
Il ne se fit aucun mouvement dans le
bed-room de Govicum. A cet âge, se dit
Gwynplaine, on a le sommeil dur. Il
frappa du revers de sa main un petit
coup sur la lucarne. Rien ne remua.
« Il frappa plus vivement et deux coups.
On ne bougea pas dans le réduit. Alors,
avec quelque frémissement, il alla à la
patte de l'inn, et cogna.
Personne ne répondit.
Il pensa, non sans ressentir le com-
mencement d'un froid profond : — Maî-
tre Nicless est vieux, les enfants dor-
ment durement et les vieillards lourde-
ment. Allons ! plus fort !
Il avait gratté. Il avait frappé. Il avait
cogné. 11 heurta. Ceci lui rappela un
lointain souvenir, Weymouth, quand.il
avait, tout petit, Dea toute petite, dans
ses bras.
Il heurta violemment, oomme un lord,
qu'il était, hélas !
La maison demeura silencieuse.
Il senlit qu'il devenait éperdu.
Il ne garda plus de ménagement. Il
appela : Nicless ! Govicum !
En même temps il regardait aux fenê-
tres pour voir si quelque chandelle s'al-
lumait.
Rien dans l'inn. Pas une voix. Pas un
bruit. Pas une lueur.
Il alla à la porte cochère et la heurta,
et la poussa, et la secoua frénétique-
ment, en criant : Ursus ! Homo !
Le loup n'aboya pas.
Une sueur glacée perla sur son front.
Il jeta les yeux autour de lui. La nuit
était épaisse, mais il y avait assez d'étoi-
les pour que le champ de foire fùt dis-
tinct. Il vit une chose lugubre, l' éva-
nouissement de tout. Il n'y avait plus
une seule baraque sur le bowling-green.
Le circus n'y était plus. Pas une tente.
Pas un tréteau. Pas un chariot. Ce vaga-
bondage aux mille vacarmes qui avait
fourmillé là avait fait place à on ne sait
quelle farouche noirceur vide. Tout s'en
était allé.
La folie de l'anxiété le prit. Qu'est-ce
JJue cela voulait dire ? Qu'était-il donc
arrivé? Est-ce qu'il n'y avait plus per-
sonne? Est-ce que sa vie se serait écrou-
lée derrière lui? Qu'est-ce qu'on leur
avait fait, à tous ? Ah ! mon Dieu ! Il se
rua comme une tempête sur la maison.
Il frappa à la porte bâtarde, à la porte
cochère, aux fenêtres, aux volets, aux
murs, des poings et des pieds, furieux
d'effroi et d'angoisse. Il appela Nicless,
Govicum, Fibi, Vinos, Ursus, Homo.
TouteS les clameurs, tous les bruits, il
les jeta sur cette muraille. Par instants
il s'interrompait et écoutait, la maison
restait muette et morte. Alors, exaspéré,
il recommençait. Chocs, frappements,
cris, roulements de coups faisant écho
partout. On eût dit le tonnerre essayant
de réveiller le sépulcre.
A un certain degré d'épouvante, on
devient terrible. Qui craint tout, ne
craint plus-rien. On donne des coups de
pied au sphinx. On rudoie l'inconnu. Il
renouvela le tumulte sous toutes les for-
mes possibles, s'arrêtant, reprenant,
inépuisable en cris et en appels, don-
nant l'assaut à ce tragique silence.
Il appela cent fois tous ceux qui pou-
vaient être là, et cçia tous les noms, e.
cepté Dea. Précautidh, obscure pour lui
même, dont il avait encore J'instinc
dans son égarement.
Les cris et les appels épuisés, restait
l'escalade. Il se dit : Il faut entrer dans
la maison. Mais comment? Ilcaîssaune
vitre du réduit de Govicum, y fourra
son poing en se déehirant la chair, tira.
le verrou du châssis et ouvrit la lucarse.
Il s'aperçut que son épée allait le gêner :
il l'arracha avec colère, fourreau, lame
et ceinturon, et la jeta sur le pavé. Puis
il se hissa aux reliefs de la muraille, et,
bien que la lucarne fût étroite, il put y
passer. Il pénétra dans l'inn.
Le lit de Govicum, vaguement visible,
était dans le réduit, mais Govicum n'y
était pas. Pour que Govicum ne fût pas
dans son lit, il fallait évidemment que
Nicless ne fût pas dans le sien. Toute la
maison était noire. On sentait dans est
intérieur ténébreux l'immobilité mysté-
rieuse du vide, et cette vague horreur
qui signifie : Il n'y a personne. Gwyn-
plaine, convulsif, traversa la salle basse,
se cogna aux tables, piétina sur les vais-
selles, renversa les bancs, culbuta les
brocs, enjamba les meubles, alla à la
porte donnant sur la cour, et la défonça
d'un coup de genou qui fit sauter Je lo-
quet. La porte tourna sur ses gonds. Il
regarda dans la cour. La Green-Box n'y
était plus.
VICTOR HUGO.
(A suivre.)
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