Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-10-18
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 octobre 1869 18 octobre 1869
Description : 1869/10/18 (N153). 1869/10/18 (N153).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7529871s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
U* 153. -«* Lundi 18 octobre 1869. Le numéro : 15 o. — Départements : 20 o.
27 vendémiaire an 78. — N* 153.
RÉDACTION
S'adresser au SECRÉTAIRE DE LA RÊDAGTION
De 3 à 5 h. du eoir
10, rue du Faubourg-Montmartre, 10
Lu manuscrit non inséré* ne sont pas rmtllU.
ANNONCES
MM. CH. LAGRANGE, CERF
6, place de la Bourse, 6.
17-
ABimVISTRAnOIl
s
S'adresser à M. AUGUSTE PANIS
ABONNEMENTS
mus
On mot. < M
Trois moi. 13 50
DÉPAXTMSKST*
Un mois.. • i. i S lit
Trois mola. > Ml u
1
BUREAUX
13, rue du Faubourg-Montmartre, **•
DEUXIÈME AVERTISSEMENT
Qui donc prétendait que le régime des
avertissements était aboli?
Ce régime est plus que jamais en vi-
gueur.
Seulement ce n'est plus à la presse
qu'il est appliqué, c'est à la nation tout
entière.
Vous ne connaissez que trop ce méca-
nisme ingénieux, — véritable chef-d'œu-
vre du despotisme, — à l'aide duquel le
gouvernement impérial a mis pendant
seize ans la pensée française à la tor-
ture : au premier avertissement, le jour-
nal était atteint ; au second, il agonisait ;
au troisième, il était mort. Eh bien, la
France est présentement soumise à ce
système de terrorisme gradué. Toutefois
les avertissements qu'elle reçoit ne sont
plus, comme ceux que la presse recevait
naguère, de simples exploits, d'huissier ;
ce sont toujours des exploits, — mais de
soudard. Ils ne sont pas écrits avec de
l'encre, mais avec du sang.
Depuis quatre mois, le peuple a reçu
du pouvoir impérial deux avertisse-
ments :
Le premier avertissement, le 16 juin,
à la Ricamarie, près Saint-Etienne :
Vingt blessés, douze morts, parmi les-
quels une femme et un enfant de douze
ans.
Le second avertissement, le 7 octobre,
au Gua, près Aubin : Quarante blessés
et vingt-sept morts, parmi lesquels deux
femmes et un enfant.
En présence de ce crescendo terrible,
on se demande en frémissant ce que
voudrait être, ce que pourrait être le troi-
sième avertissement, l'avertissement dé-
finitif.
Je sais et je n'ai pas besoin de dire à
quel point le patriotisme et la loyauté de
l'armée française rendent invraisembla-
bles dans un grand centre de tels atten-
tats à l'humanité. Mais je m'inquiète
des intentions êi- des tendances du
« maître ».
La boucherie d'Aubin, succédant à la
boucherie de la Ricamarie nous rappelle
brusquement à quelle époque nous vi-
vons. Quand nous rêvions une démon-
stration du peuple de Paris escortant sans
armes jusqu'au palais législatif les élus
inviolables de la nation et faisant reculer
la force devant la majesté du droit, nous
croyions être dans un siècle de lumière
et de civilisation. Erreur. Le gouverne-
ment impérial nous fait rudement souve-
nir que nous sommes encore au temps
de la Saint-Barthélemy.
Il y a vingt-cinq ans, lorsque l'auguste
conspirateur de Strasbourg et de Boulo-
gne était enfermé. au fort de Ham, il ne
craignaitpas d'abuser de la liberté de la
presse. Le prince Louis Bonaparte reven-
diquait hautement, dans le Progrès du
Pas-de-Calais, la pleine indépendance de
la pensée. Il protestait contre les lois de
- septembre. C'était un irréconciliable. Il ,
trouvait trop molle l'opposition dynasti-
■j
d'avoir trompé la confiance delà nation.
Il lui reprochait d'être illibérale et cor-
rompue. Il lui opposait triomphalement
l'exemple de l'Amérique et de la Suisse.
Il tendait la main aux républicains, voire
aux socialistes. Il voulait impérieuse-
ment, — nous ne disons pas impériale-
ment, — résoudre la question économi-
que et la question politique.
A entendre le réformateur, la classe
ouvrière avait été-jusque là indignement
opprimée par la classe bourgeoise. Il
était temps que cette oppression cessât.
Le prince Louis prétendait faire du pro-
létariat /'association la plus riche du
monde. Il partageait généreusement en-
tre les travailleurs émancipés toutes les
terres incultes de la France. L'extinc-
tion du paupérisme était, dans la pensée
du prince, la tâche urgente, le devoir
suprême de tout gouvernement popu-
laire.
« Tous les hommes, disait-il, qui se
« sentent animés de l'amour de leurs
ci semblables réclament pour qu'on rende
« enfin justice, à la classe ouvrière «pft-
« semble déshéritée de tous les biens que
« procure la civilisation. Aujourd'hui, la
« rétribution du travail est abandonnée
« au hasard ou à la violence. C'est le
« maître qui opprime et l'ouvrier qui se
« révolte. La pauvreté ne sera plus sédi-
« tieuse, lorsque l'opulence ne sera plus
« oppressive. Dans l'avant-dernier siè-
« cle, La Fontaine émettait cette sentence
« trop souvent vraie et cependant si triste,
« si destructive de toute société, de tout
« ordre, de toute hiérarchie : Je vous le
« dis en bon français, notre ennemi c'est
« notre maître. Aujourd'hui, le but de
«. tout gouvernement habile, doit être de
« tendre, par ses efforts, à ce qu'on puisse
« dire bientôt : Le triomphe du christia-
« nisme a détruit l'esclavage ; le triomphe
« de la Révolution française a détruit le
« servage ; le triomphe de l'idée démo-
« cratique a détruit le paupérisme. »
L'homme qui écrivait ces lignes au
mois de mai 1844, est depuis 1851 le
maître du pays. Pendant dix-huit ans, il
a exereé, sans discussion et sans con-
trôle, un pouvoir illimité. Il a fait ce
qu'il a voulu. Il n'a pas été, comme un
roitelet constitutionnel, gêné par une
presse libre et par un libre parlement. Il
a régné et il a gouverné. Il a eu tout
crédit et toute puissance. Il a géré nos
finances à sa guise. Il a dépensé chaque
année, selon sa fantaisie, les deux mil-
liards que l'impôt extorque à la nation.
Par le budget, il a empoché l'or de la
France; par l'emprunt, l'or du monde
entier.
Eh bien, qu'a-t-il fait pour que « jus-
tice fût enfin rendue à la classe ouvrière
qui semble déshéritée de tous les biens
que procure la civilisation?'» Qu'a-t-il
fait pour que le maître cessât d'oppri-
mer et l'ouvrier de se révolter ? Qu'a-t-
il fait pour que l'opulence ne fût plus
oppressive et pour que la pauvreté ne
fût plus séditieuse? qu'a-t-il fait pour
empêcher que la rétribution du travail
fût désormais abandonnée au hasard et
à la violence? qu'a-t-il fait enfin pour
l'extinction du paupérisme ?
Il n'a rien fait.
Aujourd'hui la condition de l'ouvrier
est telle qu'elle était en 1844. Que dis-je!
elle s'est aggravée. Elle s'est aggravée
par cette raison toute simple, que le sa-
laire est resté fixe, tandis que le prix
de toutes les choses nécessaires à la vie
a sensiblement augmenté.
Avec des ressources invariables, l'ou-
vrier est obligé de faire face à des exi-
gences toujours croissantes, il est tenu
de se procurer, à des conditions de plus
en plus onéreuses, le boire, le manger,
le feu, le vêtement, le logement. La
plus-value de la propriété l'accable. Lui
qui ne possède rien, il est appauvri par
l'enrichissement de tous ceux qui pos-
sèdent. L'ouvrier est, sous le second
empire, la victime expiatoire de la pros-
périté publique,
Quand je disais que le pouvoir actuel
n'a rien fait pour amender la condition
du travailleur, j'étais coupable d'un ou-
bli. L'auteur de l'Extinction du paupé-
risme a. dicté à -ses- chambres la loi sfïr
les coalitions.
La loi du 27 mai 1864 fait pour le droit
de coalition exactement ce que la loi du
6 juin 1868 fait pour le droit de réunion :
elle le reconnaît, et elle le viole.
Que sont ces deux lois ?
Deux satisfactions données au peuple ?
Non.
Deux piéges tendus au peuple !
Le pouvoir impérial dit à tous les ci-
toyens : Je vous concède un droit que
vous ont contesté les gouvernements qui
m'ont précédé. Vous êtes désormais
libres de vous réunir et d'échanger vos
idées en toute indépendance — sous le ,
contrôle d'un commissaire de police et
sous la protection des casse-têtes.
De même il dit à tous les travailleurs :
Le Code pénal interdisait jusqu'ici les
grèves ; je réforme le Code pénal. Vous
serez désormais libres de vous coaliser
contre vos patrons, — sous la surveil-
lance de la gendarmerie et sous la me-
nace des chassepets.
La loi sur les réunions permet au gou-
vernement de connaître ses ennemis et
de les frapper. Elle invite l'opposition à
la franchise et le pouvoir à la brutalité.
Elle dénonce les irréconciliables aux si-
nistres rancunes du despotisme. Elle or-
ganise l'espionnage et simplifie la be-
sogne du mouchard. Elle dresse les
tables de proscription. Grâce à elle, le
gouvernement a pu, au mois de juin
dernier, faire main basse sur tous ceux
qui l'avaient combattu aux élections gé-
nérales. C'est elle, enfin, qui, dimanche
dernier, à la réunion de Belleville, auto-
risait la sanglante irruption de la police
et lançait les sergents de ville, l'épée à la
main, sur des hommes sans défense, sur
des enfants éperdus et sur des femmes
évanouies.
La loi sur les coalitions ne rend pas
moins de services. Efle signale à l'auto-
rité, gardienne jalouse du statu quo éco-
nomique, les moindres agitations et les
ressentiments les plus profonds du pro-
létariat. Elle permet à l'arbitraire d'in-
tervenir à sa guise dans les sombres
débats du capital et du travail. Au mé-
pris des promesses du captif de Ham,
elle envenime l'antagonisme entre l'ou-
vrier et le patron. Elle stimule la sédi-
tion d'un côté, l'oppression de l'autre.
Elle perpétue la guerre sociale, et, dans
cette guerre, elle prend contre le faible
le parti du fort. Elle fait épouser par les
préfets la querelle des patrons. Elle ap-
pelle les baïonnettes au secours de la
sottise ou de la mauvaise foi. Elle jus-
tifie la fusillade et le massacre.
Aux réclamations des mineurs exploi-
tés et lésés, aux plaintes de ces infatiga-
bles ouvriers humiliés par un contre-
maître imbécile ou éconduits par un in-
génieur vaniteux, aux justes griefs du
travail, aux sommations de l'équité, aux
réclamations de la pitié, aux conseils de
la prudence, aux supplications de la
faim, aux aspirations des familles, aux
cris des mères à genoux, aux prières des
enfants joignant les mains, elle répond
par une grêle de balles ! ï
Ainsi le veut l'auteur de Y Extinction
du Paupérisme.
Soit.
Il y a désormais entre le gouverne-
jmentcJtoapérial et le peuple des travail-
leurs tm abîme infranchissable : c'est la
fosse où les victimes d'Aubin et de la
Ricamarie dorment pour l'éternité.
François-Victor Hugo.
CE QU'ILS DISENT A L'ARMÉE
J'ai sous les yeux un placard de six co-
lonnes, non timbré, tiré sur mauvais pa-
pier, sorti des presses de H. Pion, « impri-
meur de l'empereur », signé Norbert-Bil-
lard, et intitulé
L'EMPEREUR ET LE SOLDAT.
On l'a distribué, dans les casernes, par
milliers d'exemplaires.
Il faudrait citer tout. Je dois me résou-
dre à résumer.
« Soldat, s'écrie le eoup d'Etat de Dé-
cembre, l'empereur t'aime; l'empereur
te donne ta paie; l'empereur te donne
ta soupe ; l'empereur te donne une as-
siette pour manger ton potage ; l'empe-
reur te donne une cravate bleue ; l'empe-
reur te donne une ceinture de flanelle;
l'empereur te donne des guêtres, des jam-
bières et des chaussettes ; l'empereur te fait
voyager en chemin de fer; l'empereur te
donne le luxe du café et du tabac ; l'empe-
reur loge, entretient et élève les enfants de
troupe ; l'empereur te paye ta solde ; l'em-
pereur te donne, à Paris, une haute-paye ;
l'empereur t'assure une pension; l'empé-
reur te distribue des rhédailles et des croix;
l'empereur t'accorde des secours via-
gers. »
Cinq cents lignes sur ce ton.
Il est inutile de faire ressortir l'inten-
tion d'un pareil document. Elle saute aux
yeux.
En bien, si j'étais l'armée, ce serait un
médiocre moyen d'obtenir ma reconnais-
sance que de me dire :
— « Je te paie : donc tu dois marcher
avec moi. »
C'est à nos soldats qu'on parle cette lan-
gue! Aux fils des vainqueurs de Fleurus
et de Zurich ! — aux héroïques bataillons
de Solférino et de Magenta 1 — à tous ces
hommes dont le nom signifie honneur,
courage et abnégation !
C'est l'armée française qu'on a l'audace
d'assimiler à je ne sais quelles hordes mer-
cenaires ! C'est à nos frères, à nos cousins,
à nos camarades d'enfance, à nos amis
qu'on fient dire :
- « Pour deux sous par jour, j'ai acheté
votre conscience, votre honneur et votre
dignité de citoyen ! M
Il faut voir cela pour le croire.
'Et nous le voyons.
C'est, du reste, l'éternel argument de la
monarchie.
Ainsi, on a dit et répété que la .Républi-
que supprimerait l'armée, et par suite bri-
serait la carrière de tous les officiers.
Il suffit de réfléchir deux minutes pour
voir l'ineptie de cette calomnie.
Le sentiment unanime de la démocra-
tie, et, on peut le dire, du monde entier,
est en effet pour la suppression des armées
permanentes.
Mais qui ne voit, qui ne comprend que
le corollaire nécessaire, obligatoire, de
cette suppression, est l'organisation, sur le
pied le plus large, des milices mobiles ?
Est-ce qu'il a jamais été, est-ce qu'il peut
être question de la suppression des cadres?
C'est le contraire qui est vrai.
Suppression de l'armée permanente si-
gnifie littéralement : Elargissement des ca-
dres, réduction de l'armée à ces cadres élargis
d'officiers et de sous-officiers.
D'où suit que l'adoption de cette mesure
c'est, pour les officiers et les sous-officiers,
la certitude d'un avancçment immédiat,
d'un avancement que le maintien des con-
ditions actuelles ne pourrait jamais leur
donner.
C'est-à-dire Félargissement et non pas la
rupture de leur carrière; c'est-à-dire la
possibilité de rémunérer dignement leurs
services, chose impossible avec quatre ou
cinq cent mille hommes sous les armes.
Pour le soldat, il sait fort bien lui, que
sa soupe et son tabac, ses guêtres et ses cu-
lottes, ce n'est pas l'empereur qui les lui
donne, mais la nation.
Il sait qu'il n'est pas l'esclave ou l'obligé
d'un homme, mais le défenseur de son
pays, — le défenseur de ses droits aussi
bien que de son indépendance.
Il sait qu'il n'a pas été enlevé à sa famille,
à son atelier, à son village, à sa fiancée
pour se mettre en travers de la volonté de
ses frères, le jour où cette volonté se mani-
festera.
Il sait qu'avant d'être soldat il est ci-
toyen, et qu'au-dessus de toutes les consi-
gnes il y a la conscience.
Allez, vos mensonges et vos provocations
n'abuseront pas l'armée.
Elle saura distinguer entre ceux qui l'ou-
tragent de leurs basses flatteries et ceux qui
lui crient : « Laisse-dire ces gens-là! Tu es
du peuple, comme nous ! ton intérêt est le
nôtre, et tout ce que tu as de bon et de
grand te vient de la Révolution ! »
- Paschal Grousset.
Félix Pyat, de retour de Vierzon, est
arrivé à Paris, qu'il habitera désormais.
Il ajourne à mardi, après la publica-
tion du manifeste de la gauche, son se-
cond article annoncé pour aujourd'hui.
Le premier était intitulé le Mal.
Le second a pour titre le Remède.
Nous n'avons pas dit que le Constitu-
tionnel, en publiant une double citation
signée de notre nom, avait commpjiU
nous avons dit qu'il l'avait reproiuit.Jll
donc clair que cette double c^tioiS;^! ;
été, comme il le dit, « empruntée ~a~ a
à un autre journal. \iSIIkM5
Nous l'avons vue dans les colom§i(^!nic|g^
Constitutionnel pour la première fois. Il y a
certains journaux auxquels nous ne répon-
dons pas, parce que nous ne les lisons pas.
Paul Menrice.
LES ON-DIT nu BOULEVARD
«
1
Funérailles de Sainte-Beuve.
lès neuf heures du matin, la rue Mont-
parnasse était encombrée d'une foule ve-
nue en partie pour voir un enterrement
civil, chose rare dans les deuils distinguée,
comme le disait un employé des pompes
funèbres,.
On entre dans la maison, et l'on parvient
à une chambre où des feuilles volantes re-
çoivent des signatures, dont grand nombre
sont des autographes.
Cette promenade dans la maison du dé-
funt vous cause une impression moins triste
qu'attristante. Ce ne sont pas des amis qui
viennent pleurer un mort ; ce sont des cu-
rieux qui visitent une maison intéressante.
Dans l'antichambre du libre-penseur, je
vois deux volumes qui traînent; j'en lis le
titre : la Vie de Bossuet.
*•
t. *
Dix heures sonnent. Levée du corps.
Pas de députations officielles du sénat ni
de l'académie. Une seule corporation élale
ses uniformes : celle des sergents de ville,
représentée par plus de quarante membres,
Je vois dans la foule : George Sand, Ras-
pail, Emile de Girardin, Alexandre Dumas,
Dumas fils, Henri Martin, M. et Mme Ra-
tazzi, Flaubert, Renan, Littré, Emile Au-
gier, Prévost-Paradol, Mme veuve Prou-
dhon, Régnier, Legouvé, Leconte de l'Isle,
Saint-Marc Girardin, Ernest Baroche, Ca-
mille Doucet, Gigoux, Guéroult, Isaac Pé-
reire, Asselineau, Mme Solange Clésinger,
Ch. Sauvestre, Arnaud (del'Ariége), Doré, ,
Paul Lacroix, toute la rédaction du Temps,
etc.
On remarque l'absence du prince Napo-
léon, qui avait été annoncé, et qui, il y a
quelques années, avait assisté aux funérail-
les de Bixio,
On disait qu'il avait voulu venir, mais
qu'une « auguste piété » n'avait pas per-
mis qu'une altesse impériale participât à
un enterrement sans prêtre.
Un certain nombre des assistants avaient
à leur boutonnière des immortelles d'un
jaune tirant sur le rouge.
Ces immortelles, sont, m'a-t-on dit, le
signe de ralliement d'une société de libres-
penseurs.
*
» *
Le cortège arrive au cimetière Montpar-
nasse, prend, à gauche, l'allée des tilleuls,
et s'arrête devant une simple pierre hori-
zontale qui porte cette inscription en let-
tres presque effacées : - Augustine Ceilliot,
veuve Sainte-Beuve.
C'était la mère du mort:
Cette tombe se trouve juste en face d'une
sorte de roc brut sur lequel on lit :
DOBNÈS,
Mort pour la République.
Pas de discours. M. Lacaussade seule-
ment dit ces simples paroles :
— Adieu, Sainte-Beuve ; adieu, notre
ami, adieu.
Et, se tournant vers les assistants :
— Messieurs, qui l'avez accompagné jus-
qu'ici, soyez remerciés en son nom. Mes-
sieurs, la cérémonie est terminée.
W F«vRf$l«teit du BA P Pli L
en 18 OCTOBRE 1869
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DU ROI
LIVRE SEPTIEME
LA TITANE
IV
Satan.
Tout à coup la dormeuse se réveilla.
Elle se dressa sur son séant avec une ma-
jesté brusque et harmonieuse; ses che-
veux de blonde soie floche se répandirent
avec un doux tumulte sur ses reins; sa
chemise tombante laissa voir son épaule
très bas ; elle toucha de sa main délicate
son orteil rose, et regarda quelques ins-
Beprodueiion interdite.
Voir les numéros du 3 mai au 5 Juin (1" volume);
du 30 juin au 14 août (2e volume); du 19 août au
30 septembre (3e volume); des 1er, 2, 4, 5, 6, 7, 8,
11, 12, 13 et 14 ocUfefli (4* volume).
tants son pied nu, digne d'être adoré
par Périclès et copié par Phidias ; puis
elle s'étira et bâilla comme une tigresse
au soleil levant.
Il est probable que Gwynplaine respi-
rait, comme lorsqu'on retient son souf-
fle, avec effort.
— Est-ce qu'il y a là quelqu'un? dit-
elle.
Elle dit cela tout en bâillant, et c'était
plein de grâce.
Gwynplaine entendit cette voix qu'il
ne connaissait pas ; voix de charmeuse ;
accent délicieusement hautain ; l'intona-
tion de la caresse tempérant l'habitude
du commandement.
En même temps, se dressant sur ses
genoux, il y a une statue antique ainsi
agenouillée dans mille plis transparents,
elle tira à elle la robe de chambre et se
jeta à bas du lit, nue et debout, le temps
de voir passer une flèche, et tout de
suite enveloppée. En un c]jn d'œil la
la robe de soie la couvrit. Les manches
très-longues, lui cachaient les mains. On
ne voyait plus que le bout des doigts de
ses pieds, blancs avec de petits ongles,
comme des pieds d'enfant.
Elle s'ôta du dos un flot de cheveux
qu'elle rejeta sur sa robe, puis elle cou-
rut derrière le lit, au fond de l'alcôve,
et appliqua son oreille au miroir peint
qui vraisemblablement recouvrait une
porte.
Elle frappa contre la glace avec le
petit coude que fait l'index replié.
— Y a-t-il quelqu'un? Lord David!
est-ce que ce serait déjà vous? Quelle
heure est-il donc? Est-ce toi, Barkilphe-
dro '?
Elle se retourna.
— Mais non. Ce n'est pas de ce côté-
ci. Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la
chambre de bain ? mais répondez donc !
Au fait, non, personne ne peut venir
par là.
Elle alla au rideau de toile d'argent,
l'ouvrit du bout de son pied, l'écarta
d'un mouvement d'épaule, et entra dans
la chambre de marbre.
Gwynplaine sentit comme un froid
d'agonie. Nul abri. Il était trop tard pour
fuir. D'ailleurs il n'en avait pas la force.
Il eût voulu que le pavé se fendît, et
tomber sous terre. Aucun moyen de ne
pas être vu.
Elle le vit.
Elle le regarda, prodigieusement éton-
née , mais sans aucun tressaillement,
avec une nuance de bonheur et de mé-
pris :
— Tiens, dit-elle, Gwynplaine !
Puis, subitement, d'un bond violent,
car cette chatte était une panthère, elle
se jeta à son cou.
Elle lui pressa la tête entre ses bras
nus dont les manches, dans cet empor-
tement, s'étaient relevées.
Et tout à coup le repoussant, abattant
sur les deux épaules de Gwynplaine ses
petites mains comme des serres, elle de-
bout devant lui, lui debout devant elle,
elle se mit à le regarder étrangement.
Elle le regarda, fatale, avec ses yeux
d'Aldébaran, rayon visuel mixte, ayant
on ne sait quoi débouche et de sidéral.
Gwynplaine contemplait cette prunelle
bleue et cette prunelle noire, éperdu sous
la double fixité de ce regard de ciel et de
ce regard d'enfer. Cette femme et cet
homme se renvoyaient l'éblouissement
sinistre. Ils se fascinaient l'un l'autre, lui
par la difformité, elle par la beauté, tous
deux par l'horreur.
Il se taisait, comme sous un poids im-
possible à soulever. Elle s'écria :
— Tu as de l'esprit. Tu es venu. Tu
as su que j'avais été forcée de partir
de Londres. Tu m'as suivie. Tu as bien
fait. Tu es extraordinaire d'être ici.
Une prise de possession réciproque,
cela jette une sorte d'éclair. Gwynplaine,
confusément averti par une vague crainte
sauvage et honnête, recula, mais les on-
gles roses crispés sur son épaule le te-
naient. Quelque chose d'inexorable s'é-
bauchait. Il était dans l'antre de la femme
fauve, homme fauve lui-même.
Elle reprit :
— Anne, cette sotte, — tu sais ? la
reine, — elle m~a fait venir de Windsor
sans savoir pourquoi. Quand je suis ar-
rivée, elle était enfermée avec son idiot
de chancelier. Mais comment as-tu fait
pour pénétrer jusqu'à moi ? Voilà ce que
j'appelle être un homme. Des obstacles.
Il n'y en a pas. On est appelé, on accourt.
Tu t es renseigné ? Mon nom, la duchesse
Josiane, je pense que tu le savais. Qui
est-ce qui t'a introduit ? C'est le mousse
sans doute. Il est intelligent. Je lui don-
nerai cent guinées. Comment t'y es-tu
pris? dis-moi cela. Non, ne me le dis pas.
Je ne veux pas le savoir. Expliquer ra-
petisse. Je t'aime mieux surprenant. Tu
es assez monstrueux pour être merveil-
leux. Tu tombes de l'empyrée, voilà, ou
tu montes du troisième dessous, à tra-
vers la trappe de l'Erèbe. Rien de plus
simple, le plafond s'est écarté ou le plan-
cher s'est ouvert. Une descente par les
nuées ou une ascension dans un flamboie-
ment de soufre, c'est ainsi que tu arrives.
Tu mérites d'entrer comme les dieux.
C'est dit, tu es mon amant,
Gwynplaine, égaré, écoutait, sentant.
de plus en plus sa pensée osciller. C'était
fini. Et impossible de douter. La lettre
de la nuit, cette femme la confirmait. Lui,
Gwynplaine, amant d'une duchesse,
amant aimé? l'immense orgueil aux
mille têtes sombres remua dans ce cœur
infortuné.
La vanité, force énorme en nous, con-
tre nous.
La duchesse continua :
— Puisque tu es là, c'est que c'est
voulu. Je n'en demande pas davantage.
Il y a quelqu'un en haut, ou en bas, qui
nous jette l'un à l'alltre. Fiançailles du
Styx et de l'Aurore. Fiançailles effré-
nées hors de toutes les lois! Le jour où
je t'ai vu, j'ai dit : — C'est lui. Je le re-
connais. C'est le monstrede mes rêves. Il
sera à moi.-Il faut aider ledestin. C'est
pourquoi je t'ai écrit. Une question,
Gwynplaine? crois-tu à la prédestination?
J'y crois, moi, depuis que j'ai Iule Songe
de Scipion dans Cicéron. Tiens, je ne
remarquais pas. Un habit de gentil-
homme. Tu t'es habillé en seigneur.
Pourquoi pas? Tu es saltimbanque. Rai-
son de plus. Un bateleur vaut un lord.
D'ailleurs, qu'est-ce que les lords? des
clowns. Tu as une noble taille, tu es bien
fait. C'est inouï que tu sois ici ! Quand
es-tu arrivé? Depuis combien de temps
es-tu là ? Est-ce que tu m'as vue nue ?
je suis belle, n'est-ce pas? j'allais pren-
dre mon bain. Oh ! je t aime. Tuas lu ma
lettre ! L'as-tu lue toi-même ? Te l'a-t-on
lue? Sais-tu lire? Tu dois être ignorant.
Je te fais des questions, mais n'y réponds
pas. Je n'aime pas ton son de voix. Il est
doux. Un être incomparable comme toi
ne devrait pas parler, mais grincer. Tu
chantes, c'est harmonieux. Je hais cela.
C'est la seule chose en toi qui me dé-
plaise. Tout le reste est formidable, tout
le reste est superbe. Dans l'Inde, tu se-
rais dieu. Est-ce que tu es né avec ce
rire épouvantable sur la face? Non,
n'est-ce pas? C'est sans doute une muti-
lation pénale. J'espère bien que* tu as
commis quelque crime. Viens dans mes
bras.
VICTOR HUGO.
(La suite à demain.)
27 vendémiaire an 78. — N* 153.
RÉDACTION
S'adresser au SECRÉTAIRE DE LA RÊDAGTION
De 3 à 5 h. du eoir
10, rue du Faubourg-Montmartre, 10
Lu manuscrit non inséré* ne sont pas rmtllU.
ANNONCES
MM. CH. LAGRANGE, CERF
6, place de la Bourse, 6.
17-
ABimVISTRAnOIl
s
S'adresser à M. AUGUSTE PANIS
ABONNEMENTS
mus
On mot. < M
Trois moi. 13 50
DÉPAXTMSKST*
Un mois.. • i. i S lit
Trois mola. > Ml u
1
BUREAUX
13, rue du Faubourg-Montmartre, **•
DEUXIÈME AVERTISSEMENT
Qui donc prétendait que le régime des
avertissements était aboli?
Ce régime est plus que jamais en vi-
gueur.
Seulement ce n'est plus à la presse
qu'il est appliqué, c'est à la nation tout
entière.
Vous ne connaissez que trop ce méca-
nisme ingénieux, — véritable chef-d'œu-
vre du despotisme, — à l'aide duquel le
gouvernement impérial a mis pendant
seize ans la pensée française à la tor-
ture : au premier avertissement, le jour-
nal était atteint ; au second, il agonisait ;
au troisième, il était mort. Eh bien, la
France est présentement soumise à ce
système de terrorisme gradué. Toutefois
les avertissements qu'elle reçoit ne sont
plus, comme ceux que la presse recevait
naguère, de simples exploits, d'huissier ;
ce sont toujours des exploits, — mais de
soudard. Ils ne sont pas écrits avec de
l'encre, mais avec du sang.
Depuis quatre mois, le peuple a reçu
du pouvoir impérial deux avertisse-
ments :
Le premier avertissement, le 16 juin,
à la Ricamarie, près Saint-Etienne :
Vingt blessés, douze morts, parmi les-
quels une femme et un enfant de douze
ans.
Le second avertissement, le 7 octobre,
au Gua, près Aubin : Quarante blessés
et vingt-sept morts, parmi lesquels deux
femmes et un enfant.
En présence de ce crescendo terrible,
on se demande en frémissant ce que
voudrait être, ce que pourrait être le troi-
sième avertissement, l'avertissement dé-
finitif.
Je sais et je n'ai pas besoin de dire à
quel point le patriotisme et la loyauté de
l'armée française rendent invraisembla-
bles dans un grand centre de tels atten-
tats à l'humanité. Mais je m'inquiète
des intentions êi- des tendances du
« maître ».
La boucherie d'Aubin, succédant à la
boucherie de la Ricamarie nous rappelle
brusquement à quelle époque nous vi-
vons. Quand nous rêvions une démon-
stration du peuple de Paris escortant sans
armes jusqu'au palais législatif les élus
inviolables de la nation et faisant reculer
la force devant la majesté du droit, nous
croyions être dans un siècle de lumière
et de civilisation. Erreur. Le gouverne-
ment impérial nous fait rudement souve-
nir que nous sommes encore au temps
de la Saint-Barthélemy.
Il y a vingt-cinq ans, lorsque l'auguste
conspirateur de Strasbourg et de Boulo-
gne était enfermé. au fort de Ham, il ne
craignaitpas d'abuser de la liberté de la
presse. Le prince Louis Bonaparte reven-
diquait hautement, dans le Progrès du
Pas-de-Calais, la pleine indépendance de
la pensée. Il protestait contre les lois de
- septembre. C'était un irréconciliable. Il ,
trouvait trop molle l'opposition dynasti-
■j
d'avoir trompé la confiance delà nation.
Il lui reprochait d'être illibérale et cor-
rompue. Il lui opposait triomphalement
l'exemple de l'Amérique et de la Suisse.
Il tendait la main aux républicains, voire
aux socialistes. Il voulait impérieuse-
ment, — nous ne disons pas impériale-
ment, — résoudre la question économi-
que et la question politique.
A entendre le réformateur, la classe
ouvrière avait été-jusque là indignement
opprimée par la classe bourgeoise. Il
était temps que cette oppression cessât.
Le prince Louis prétendait faire du pro-
létariat /'association la plus riche du
monde. Il partageait généreusement en-
tre les travailleurs émancipés toutes les
terres incultes de la France. L'extinc-
tion du paupérisme était, dans la pensée
du prince, la tâche urgente, le devoir
suprême de tout gouvernement popu-
laire.
« Tous les hommes, disait-il, qui se
« sentent animés de l'amour de leurs
ci semblables réclament pour qu'on rende
« enfin justice, à la classe ouvrière «pft-
« semble déshéritée de tous les biens que
« procure la civilisation. Aujourd'hui, la
« rétribution du travail est abandonnée
« au hasard ou à la violence. C'est le
« maître qui opprime et l'ouvrier qui se
« révolte. La pauvreté ne sera plus sédi-
« tieuse, lorsque l'opulence ne sera plus
« oppressive. Dans l'avant-dernier siè-
« cle, La Fontaine émettait cette sentence
« trop souvent vraie et cependant si triste,
« si destructive de toute société, de tout
« ordre, de toute hiérarchie : Je vous le
« dis en bon français, notre ennemi c'est
« notre maître. Aujourd'hui, le but de
«. tout gouvernement habile, doit être de
« tendre, par ses efforts, à ce qu'on puisse
« dire bientôt : Le triomphe du christia-
« nisme a détruit l'esclavage ; le triomphe
« de la Révolution française a détruit le
« servage ; le triomphe de l'idée démo-
« cratique a détruit le paupérisme. »
L'homme qui écrivait ces lignes au
mois de mai 1844, est depuis 1851 le
maître du pays. Pendant dix-huit ans, il
a exereé, sans discussion et sans con-
trôle, un pouvoir illimité. Il a fait ce
qu'il a voulu. Il n'a pas été, comme un
roitelet constitutionnel, gêné par une
presse libre et par un libre parlement. Il
a régné et il a gouverné. Il a eu tout
crédit et toute puissance. Il a géré nos
finances à sa guise. Il a dépensé chaque
année, selon sa fantaisie, les deux mil-
liards que l'impôt extorque à la nation.
Par le budget, il a empoché l'or de la
France; par l'emprunt, l'or du monde
entier.
Eh bien, qu'a-t-il fait pour que « jus-
tice fût enfin rendue à la classe ouvrière
qui semble déshéritée de tous les biens
que procure la civilisation?'» Qu'a-t-il
fait pour que le maître cessât d'oppri-
mer et l'ouvrier de se révolter ? Qu'a-t-
il fait pour que l'opulence ne fût plus
oppressive et pour que la pauvreté ne
fût plus séditieuse? qu'a-t-il fait pour
empêcher que la rétribution du travail
fût désormais abandonnée au hasard et
à la violence? qu'a-t-il fait enfin pour
l'extinction du paupérisme ?
Il n'a rien fait.
Aujourd'hui la condition de l'ouvrier
est telle qu'elle était en 1844. Que dis-je!
elle s'est aggravée. Elle s'est aggravée
par cette raison toute simple, que le sa-
laire est resté fixe, tandis que le prix
de toutes les choses nécessaires à la vie
a sensiblement augmenté.
Avec des ressources invariables, l'ou-
vrier est obligé de faire face à des exi-
gences toujours croissantes, il est tenu
de se procurer, à des conditions de plus
en plus onéreuses, le boire, le manger,
le feu, le vêtement, le logement. La
plus-value de la propriété l'accable. Lui
qui ne possède rien, il est appauvri par
l'enrichissement de tous ceux qui pos-
sèdent. L'ouvrier est, sous le second
empire, la victime expiatoire de la pros-
périté publique,
Quand je disais que le pouvoir actuel
n'a rien fait pour amender la condition
du travailleur, j'étais coupable d'un ou-
bli. L'auteur de l'Extinction du paupé-
risme a. dicté à -ses- chambres la loi sfïr
les coalitions.
La loi du 27 mai 1864 fait pour le droit
de coalition exactement ce que la loi du
6 juin 1868 fait pour le droit de réunion :
elle le reconnaît, et elle le viole.
Que sont ces deux lois ?
Deux satisfactions données au peuple ?
Non.
Deux piéges tendus au peuple !
Le pouvoir impérial dit à tous les ci-
toyens : Je vous concède un droit que
vous ont contesté les gouvernements qui
m'ont précédé. Vous êtes désormais
libres de vous réunir et d'échanger vos
idées en toute indépendance — sous le ,
contrôle d'un commissaire de police et
sous la protection des casse-têtes.
De même il dit à tous les travailleurs :
Le Code pénal interdisait jusqu'ici les
grèves ; je réforme le Code pénal. Vous
serez désormais libres de vous coaliser
contre vos patrons, — sous la surveil-
lance de la gendarmerie et sous la me-
nace des chassepets.
La loi sur les réunions permet au gou-
vernement de connaître ses ennemis et
de les frapper. Elle invite l'opposition à
la franchise et le pouvoir à la brutalité.
Elle dénonce les irréconciliables aux si-
nistres rancunes du despotisme. Elle or-
ganise l'espionnage et simplifie la be-
sogne du mouchard. Elle dresse les
tables de proscription. Grâce à elle, le
gouvernement a pu, au mois de juin
dernier, faire main basse sur tous ceux
qui l'avaient combattu aux élections gé-
nérales. C'est elle, enfin, qui, dimanche
dernier, à la réunion de Belleville, auto-
risait la sanglante irruption de la police
et lançait les sergents de ville, l'épée à la
main, sur des hommes sans défense, sur
des enfants éperdus et sur des femmes
évanouies.
La loi sur les coalitions ne rend pas
moins de services. Efle signale à l'auto-
rité, gardienne jalouse du statu quo éco-
nomique, les moindres agitations et les
ressentiments les plus profonds du pro-
létariat. Elle permet à l'arbitraire d'in-
tervenir à sa guise dans les sombres
débats du capital et du travail. Au mé-
pris des promesses du captif de Ham,
elle envenime l'antagonisme entre l'ou-
vrier et le patron. Elle stimule la sédi-
tion d'un côté, l'oppression de l'autre.
Elle perpétue la guerre sociale, et, dans
cette guerre, elle prend contre le faible
le parti du fort. Elle fait épouser par les
préfets la querelle des patrons. Elle ap-
pelle les baïonnettes au secours de la
sottise ou de la mauvaise foi. Elle jus-
tifie la fusillade et le massacre.
Aux réclamations des mineurs exploi-
tés et lésés, aux plaintes de ces infatiga-
bles ouvriers humiliés par un contre-
maître imbécile ou éconduits par un in-
génieur vaniteux, aux justes griefs du
travail, aux sommations de l'équité, aux
réclamations de la pitié, aux conseils de
la prudence, aux supplications de la
faim, aux aspirations des familles, aux
cris des mères à genoux, aux prières des
enfants joignant les mains, elle répond
par une grêle de balles ! ï
Ainsi le veut l'auteur de Y Extinction
du Paupérisme.
Soit.
Il y a désormais entre le gouverne-
jmentcJtoapérial et le peuple des travail-
leurs tm abîme infranchissable : c'est la
fosse où les victimes d'Aubin et de la
Ricamarie dorment pour l'éternité.
François-Victor Hugo.
CE QU'ILS DISENT A L'ARMÉE
J'ai sous les yeux un placard de six co-
lonnes, non timbré, tiré sur mauvais pa-
pier, sorti des presses de H. Pion, « impri-
meur de l'empereur », signé Norbert-Bil-
lard, et intitulé
L'EMPEREUR ET LE SOLDAT.
On l'a distribué, dans les casernes, par
milliers d'exemplaires.
Il faudrait citer tout. Je dois me résou-
dre à résumer.
« Soldat, s'écrie le eoup d'Etat de Dé-
cembre, l'empereur t'aime; l'empereur
te donne ta paie; l'empereur te donne
ta soupe ; l'empereur te donne une as-
siette pour manger ton potage ; l'empe-
reur te donne une cravate bleue ; l'empe-
reur te donne une ceinture de flanelle;
l'empereur te donne des guêtres, des jam-
bières et des chaussettes ; l'empereur te fait
voyager en chemin de fer; l'empereur te
donne le luxe du café et du tabac ; l'empe-
reur loge, entretient et élève les enfants de
troupe ; l'empereur te paye ta solde ; l'em-
pereur te donne, à Paris, une haute-paye ;
l'empereur t'assure une pension; l'empé-
reur te distribue des rhédailles et des croix;
l'empereur t'accorde des secours via-
gers. »
Cinq cents lignes sur ce ton.
Il est inutile de faire ressortir l'inten-
tion d'un pareil document. Elle saute aux
yeux.
En bien, si j'étais l'armée, ce serait un
médiocre moyen d'obtenir ma reconnais-
sance que de me dire :
— « Je te paie : donc tu dois marcher
avec moi. »
C'est à nos soldats qu'on parle cette lan-
gue! Aux fils des vainqueurs de Fleurus
et de Zurich ! — aux héroïques bataillons
de Solférino et de Magenta 1 — à tous ces
hommes dont le nom signifie honneur,
courage et abnégation !
C'est l'armée française qu'on a l'audace
d'assimiler à je ne sais quelles hordes mer-
cenaires ! C'est à nos frères, à nos cousins,
à nos camarades d'enfance, à nos amis
qu'on fient dire :
- « Pour deux sous par jour, j'ai acheté
votre conscience, votre honneur et votre
dignité de citoyen ! M
Il faut voir cela pour le croire.
'Et nous le voyons.
C'est, du reste, l'éternel argument de la
monarchie.
Ainsi, on a dit et répété que la .Républi-
que supprimerait l'armée, et par suite bri-
serait la carrière de tous les officiers.
Il suffit de réfléchir deux minutes pour
voir l'ineptie de cette calomnie.
Le sentiment unanime de la démocra-
tie, et, on peut le dire, du monde entier,
est en effet pour la suppression des armées
permanentes.
Mais qui ne voit, qui ne comprend que
le corollaire nécessaire, obligatoire, de
cette suppression, est l'organisation, sur le
pied le plus large, des milices mobiles ?
Est-ce qu'il a jamais été, est-ce qu'il peut
être question de la suppression des cadres?
C'est le contraire qui est vrai.
Suppression de l'armée permanente si-
gnifie littéralement : Elargissement des ca-
dres, réduction de l'armée à ces cadres élargis
d'officiers et de sous-officiers.
D'où suit que l'adoption de cette mesure
c'est, pour les officiers et les sous-officiers,
la certitude d'un avancçment immédiat,
d'un avancement que le maintien des con-
ditions actuelles ne pourrait jamais leur
donner.
C'est-à-dire Félargissement et non pas la
rupture de leur carrière; c'est-à-dire la
possibilité de rémunérer dignement leurs
services, chose impossible avec quatre ou
cinq cent mille hommes sous les armes.
Pour le soldat, il sait fort bien lui, que
sa soupe et son tabac, ses guêtres et ses cu-
lottes, ce n'est pas l'empereur qui les lui
donne, mais la nation.
Il sait qu'il n'est pas l'esclave ou l'obligé
d'un homme, mais le défenseur de son
pays, — le défenseur de ses droits aussi
bien que de son indépendance.
Il sait qu'il n'a pas été enlevé à sa famille,
à son atelier, à son village, à sa fiancée
pour se mettre en travers de la volonté de
ses frères, le jour où cette volonté se mani-
festera.
Il sait qu'avant d'être soldat il est ci-
toyen, et qu'au-dessus de toutes les consi-
gnes il y a la conscience.
Allez, vos mensonges et vos provocations
n'abuseront pas l'armée.
Elle saura distinguer entre ceux qui l'ou-
tragent de leurs basses flatteries et ceux qui
lui crient : « Laisse-dire ces gens-là! Tu es
du peuple, comme nous ! ton intérêt est le
nôtre, et tout ce que tu as de bon et de
grand te vient de la Révolution ! »
- Paschal Grousset.
Félix Pyat, de retour de Vierzon, est
arrivé à Paris, qu'il habitera désormais.
Il ajourne à mardi, après la publica-
tion du manifeste de la gauche, son se-
cond article annoncé pour aujourd'hui.
Le premier était intitulé le Mal.
Le second a pour titre le Remède.
Nous n'avons pas dit que le Constitu-
tionnel, en publiant une double citation
signée de notre nom, avait commpjiU
nous avons dit qu'il l'avait reproiuit.Jll
donc clair que cette double c^tioiS;^! ;
été, comme il le dit, « empruntée ~a~ a
à un autre journal. \iSIIkM5
Nous l'avons vue dans les colom§i(^!nic|g^
Constitutionnel pour la première fois. Il y a
certains journaux auxquels nous ne répon-
dons pas, parce que nous ne les lisons pas.
Paul Menrice.
LES ON-DIT nu BOULEVARD
«
1
Funérailles de Sainte-Beuve.
lès neuf heures du matin, la rue Mont-
parnasse était encombrée d'une foule ve-
nue en partie pour voir un enterrement
civil, chose rare dans les deuils distinguée,
comme le disait un employé des pompes
funèbres,.
On entre dans la maison, et l'on parvient
à une chambre où des feuilles volantes re-
çoivent des signatures, dont grand nombre
sont des autographes.
Cette promenade dans la maison du dé-
funt vous cause une impression moins triste
qu'attristante. Ce ne sont pas des amis qui
viennent pleurer un mort ; ce sont des cu-
rieux qui visitent une maison intéressante.
Dans l'antichambre du libre-penseur, je
vois deux volumes qui traînent; j'en lis le
titre : la Vie de Bossuet.
*•
t. *
Dix heures sonnent. Levée du corps.
Pas de députations officielles du sénat ni
de l'académie. Une seule corporation élale
ses uniformes : celle des sergents de ville,
représentée par plus de quarante membres,
Je vois dans la foule : George Sand, Ras-
pail, Emile de Girardin, Alexandre Dumas,
Dumas fils, Henri Martin, M. et Mme Ra-
tazzi, Flaubert, Renan, Littré, Emile Au-
gier, Prévost-Paradol, Mme veuve Prou-
dhon, Régnier, Legouvé, Leconte de l'Isle,
Saint-Marc Girardin, Ernest Baroche, Ca-
mille Doucet, Gigoux, Guéroult, Isaac Pé-
reire, Asselineau, Mme Solange Clésinger,
Ch. Sauvestre, Arnaud (del'Ariége), Doré, ,
Paul Lacroix, toute la rédaction du Temps,
etc.
On remarque l'absence du prince Napo-
léon, qui avait été annoncé, et qui, il y a
quelques années, avait assisté aux funérail-
les de Bixio,
On disait qu'il avait voulu venir, mais
qu'une « auguste piété » n'avait pas per-
mis qu'une altesse impériale participât à
un enterrement sans prêtre.
Un certain nombre des assistants avaient
à leur boutonnière des immortelles d'un
jaune tirant sur le rouge.
Ces immortelles, sont, m'a-t-on dit, le
signe de ralliement d'une société de libres-
penseurs.
*
» *
Le cortège arrive au cimetière Montpar-
nasse, prend, à gauche, l'allée des tilleuls,
et s'arrête devant une simple pierre hori-
zontale qui porte cette inscription en let-
tres presque effacées : - Augustine Ceilliot,
veuve Sainte-Beuve.
C'était la mère du mort:
Cette tombe se trouve juste en face d'une
sorte de roc brut sur lequel on lit :
DOBNÈS,
Mort pour la République.
Pas de discours. M. Lacaussade seule-
ment dit ces simples paroles :
— Adieu, Sainte-Beuve ; adieu, notre
ami, adieu.
Et, se tournant vers les assistants :
— Messieurs, qui l'avez accompagné jus-
qu'ici, soyez remerciés en son nom. Mes-
sieurs, la cérémonie est terminée.
W F«vRf$l«teit du BA P Pli L
en 18 OCTOBRE 1869
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DU ROI
LIVRE SEPTIEME
LA TITANE
IV
Satan.
Tout à coup la dormeuse se réveilla.
Elle se dressa sur son séant avec une ma-
jesté brusque et harmonieuse; ses che-
veux de blonde soie floche se répandirent
avec un doux tumulte sur ses reins; sa
chemise tombante laissa voir son épaule
très bas ; elle toucha de sa main délicate
son orteil rose, et regarda quelques ins-
Beprodueiion interdite.
Voir les numéros du 3 mai au 5 Juin (1" volume);
du 30 juin au 14 août (2e volume); du 19 août au
30 septembre (3e volume); des 1er, 2, 4, 5, 6, 7, 8,
11, 12, 13 et 14 ocUfefli (4* volume).
tants son pied nu, digne d'être adoré
par Périclès et copié par Phidias ; puis
elle s'étira et bâilla comme une tigresse
au soleil levant.
Il est probable que Gwynplaine respi-
rait, comme lorsqu'on retient son souf-
fle, avec effort.
— Est-ce qu'il y a là quelqu'un? dit-
elle.
Elle dit cela tout en bâillant, et c'était
plein de grâce.
Gwynplaine entendit cette voix qu'il
ne connaissait pas ; voix de charmeuse ;
accent délicieusement hautain ; l'intona-
tion de la caresse tempérant l'habitude
du commandement.
En même temps, se dressant sur ses
genoux, il y a une statue antique ainsi
agenouillée dans mille plis transparents,
elle tira à elle la robe de chambre et se
jeta à bas du lit, nue et debout, le temps
de voir passer une flèche, et tout de
suite enveloppée. En un c]jn d'œil la
la robe de soie la couvrit. Les manches
très-longues, lui cachaient les mains. On
ne voyait plus que le bout des doigts de
ses pieds, blancs avec de petits ongles,
comme des pieds d'enfant.
Elle s'ôta du dos un flot de cheveux
qu'elle rejeta sur sa robe, puis elle cou-
rut derrière le lit, au fond de l'alcôve,
et appliqua son oreille au miroir peint
qui vraisemblablement recouvrait une
porte.
Elle frappa contre la glace avec le
petit coude que fait l'index replié.
— Y a-t-il quelqu'un? Lord David!
est-ce que ce serait déjà vous? Quelle
heure est-il donc? Est-ce toi, Barkilphe-
dro '?
Elle se retourna.
— Mais non. Ce n'est pas de ce côté-
ci. Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la
chambre de bain ? mais répondez donc !
Au fait, non, personne ne peut venir
par là.
Elle alla au rideau de toile d'argent,
l'ouvrit du bout de son pied, l'écarta
d'un mouvement d'épaule, et entra dans
la chambre de marbre.
Gwynplaine sentit comme un froid
d'agonie. Nul abri. Il était trop tard pour
fuir. D'ailleurs il n'en avait pas la force.
Il eût voulu que le pavé se fendît, et
tomber sous terre. Aucun moyen de ne
pas être vu.
Elle le vit.
Elle le regarda, prodigieusement éton-
née , mais sans aucun tressaillement,
avec une nuance de bonheur et de mé-
pris :
— Tiens, dit-elle, Gwynplaine !
Puis, subitement, d'un bond violent,
car cette chatte était une panthère, elle
se jeta à son cou.
Elle lui pressa la tête entre ses bras
nus dont les manches, dans cet empor-
tement, s'étaient relevées.
Et tout à coup le repoussant, abattant
sur les deux épaules de Gwynplaine ses
petites mains comme des serres, elle de-
bout devant lui, lui debout devant elle,
elle se mit à le regarder étrangement.
Elle le regarda, fatale, avec ses yeux
d'Aldébaran, rayon visuel mixte, ayant
on ne sait quoi débouche et de sidéral.
Gwynplaine contemplait cette prunelle
bleue et cette prunelle noire, éperdu sous
la double fixité de ce regard de ciel et de
ce regard d'enfer. Cette femme et cet
homme se renvoyaient l'éblouissement
sinistre. Ils se fascinaient l'un l'autre, lui
par la difformité, elle par la beauté, tous
deux par l'horreur.
Il se taisait, comme sous un poids im-
possible à soulever. Elle s'écria :
— Tu as de l'esprit. Tu es venu. Tu
as su que j'avais été forcée de partir
de Londres. Tu m'as suivie. Tu as bien
fait. Tu es extraordinaire d'être ici.
Une prise de possession réciproque,
cela jette une sorte d'éclair. Gwynplaine,
confusément averti par une vague crainte
sauvage et honnête, recula, mais les on-
gles roses crispés sur son épaule le te-
naient. Quelque chose d'inexorable s'é-
bauchait. Il était dans l'antre de la femme
fauve, homme fauve lui-même.
Elle reprit :
— Anne, cette sotte, — tu sais ? la
reine, — elle m~a fait venir de Windsor
sans savoir pourquoi. Quand je suis ar-
rivée, elle était enfermée avec son idiot
de chancelier. Mais comment as-tu fait
pour pénétrer jusqu'à moi ? Voilà ce que
j'appelle être un homme. Des obstacles.
Il n'y en a pas. On est appelé, on accourt.
Tu t es renseigné ? Mon nom, la duchesse
Josiane, je pense que tu le savais. Qui
est-ce qui t'a introduit ? C'est le mousse
sans doute. Il est intelligent. Je lui don-
nerai cent guinées. Comment t'y es-tu
pris? dis-moi cela. Non, ne me le dis pas.
Je ne veux pas le savoir. Expliquer ra-
petisse. Je t'aime mieux surprenant. Tu
es assez monstrueux pour être merveil-
leux. Tu tombes de l'empyrée, voilà, ou
tu montes du troisième dessous, à tra-
vers la trappe de l'Erèbe. Rien de plus
simple, le plafond s'est écarté ou le plan-
cher s'est ouvert. Une descente par les
nuées ou une ascension dans un flamboie-
ment de soufre, c'est ainsi que tu arrives.
Tu mérites d'entrer comme les dieux.
C'est dit, tu es mon amant,
Gwynplaine, égaré, écoutait, sentant.
de plus en plus sa pensée osciller. C'était
fini. Et impossible de douter. La lettre
de la nuit, cette femme la confirmait. Lui,
Gwynplaine, amant d'une duchesse,
amant aimé? l'immense orgueil aux
mille têtes sombres remua dans ce cœur
infortuné.
La vanité, force énorme en nous, con-
tre nous.
La duchesse continua :
— Puisque tu es là, c'est que c'est
voulu. Je n'en demande pas davantage.
Il y a quelqu'un en haut, ou en bas, qui
nous jette l'un à l'alltre. Fiançailles du
Styx et de l'Aurore. Fiançailles effré-
nées hors de toutes les lois! Le jour où
je t'ai vu, j'ai dit : — C'est lui. Je le re-
connais. C'est le monstrede mes rêves. Il
sera à moi.-Il faut aider ledestin. C'est
pourquoi je t'ai écrit. Une question,
Gwynplaine? crois-tu à la prédestination?
J'y crois, moi, depuis que j'ai Iule Songe
de Scipion dans Cicéron. Tiens, je ne
remarquais pas. Un habit de gentil-
homme. Tu t'es habillé en seigneur.
Pourquoi pas? Tu es saltimbanque. Rai-
son de plus. Un bateleur vaut un lord.
D'ailleurs, qu'est-ce que les lords? des
clowns. Tu as une noble taille, tu es bien
fait. C'est inouï que tu sois ici ! Quand
es-tu arrivé? Depuis combien de temps
es-tu là ? Est-ce que tu m'as vue nue ?
je suis belle, n'est-ce pas? j'allais pren-
dre mon bain. Oh ! je t aime. Tuas lu ma
lettre ! L'as-tu lue toi-même ? Te l'a-t-on
lue? Sais-tu lire? Tu dois être ignorant.
Je te fais des questions, mais n'y réponds
pas. Je n'aime pas ton son de voix. Il est
doux. Un être incomparable comme toi
ne devrait pas parler, mais grincer. Tu
chantes, c'est harmonieux. Je hais cela.
C'est la seule chose en toi qui me dé-
plaise. Tout le reste est formidable, tout
le reste est superbe. Dans l'Inde, tu se-
rais dieu. Est-ce que tu es né avec ce
rire épouvantable sur la face? Non,
n'est-ce pas? C'est sans doute une muti-
lation pénale. J'espère bien que* tu as
commis quelque crime. Viens dans mes
bras.
VICTOR HUGO.
(La suite à demain.)
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