Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-07-17
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 juillet 1869 17 juillet 1869
Description : 1869/07/17 (N60). 1869/07/17 (N60).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7529778b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
N°60. — Samedi 17 Juillet 1663.
1
lié numéro : Il o. — Départements : 10 o.
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M. ALBERT BAUME
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du roman : L'HOMME QUI RIT,, dont les
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brairie. -
brairie
*
LA GAUCHE.
La fourmilière est en grand émoi, les
dépat-., les hommes d'État, les hauts
fonctionnaires, les grands dignitaires pas-
sés et futurs, vont, tiennent, se rencon-
trent, s'évitent, se cherchent ; des voitures
innombrables se succèdent, se croisent,
arrivent, partent et repartent devant les
marches de l'escaliër de Saint-Cloud; on ne
sait plus que faire et que* refaire, tout est
défaitl il n'y a plus de corps législatif, il
n'y a pas de sénat,il n'y a surtout pas de
ministres! lé gâchis règne et l'indécision
gouverne.
Dans ce démrroi, la grosse affaire et
la grande question, c'est ayant tout de
former un cabinet. Pour que le sénat
; '1' -
s'ouvie et pour que le corps législatif se
rouvre, il faut des ministres, et on n'en a
pas, ou on en a trop. C'est terrible 1 M. Sé-
gris hésite,M. de Talhouët se tient à l'érart,,!
M. Rouher bjude, M. Buffet recule,
M. Schneider frémit.Que faire? que ré-
Q iïe 'fair e? que r é
soudre? que devenir? :,
Nous, cependant, pauvre peuple orphe-
lin, ainsi privés de nos tuteurs et de nos
guidés, par on ne sait quel inconcevable
miracle, nous vivons tout de même, cha-4
cun fait ses affaires et les choses conti-
nuent d'aller comme si de rien n'était
nous n'avons pas l'air de nous apercevoir]
de ce qui se passe dans les hautes régions
sitrouMees. ",' .,' '- ,;
C'est qu'au fond tout cela ne nous in-
téresse pas, c'est que pour nous la ques-
tion n'est pas là, c'est que les nuances, les
connivences et les alliances du tiérs-partf
et centré gauche ne nous touchent
guère, c'est que.le pays et le pouvoir sont
deux. ; - 1
&e peuple souverain, dans sa récente et
imposant manifestation, a demandé haut
et ferme à faire lui-même ses affaires. QUEJ
lui importe aujourd'hui que M.* Ollivier
tâche de faire les siennes? : - i
M. Ollivier se réserve, le peuple peut
bien se réserver aussi. - "!
vr.r- •.•-.)<-
* *
Le peuple n'a donc pas trouvé très
étonnant que ses vrais représentants de
l'opposition démocratique fassent comme
lui, — qu'ils attendent. L'attitude froide
et hautaine de la gauche en présence de
tous ces petits évèuéments ne l'a pas sur-
pris et ne l'a pas mécontenté.
Il y a pourtant des impatients qui re-
prochent à la gauche de n'avoir pas en-
core agi. Nous avons de nombreuses let-
tre*! électeurs deoranéa** compté$t leurs
élus de leur silence. - Hier encore, un
groupe d'hommes généreux, qui ont d'au-
tant plus Je «Jrpit de parler pour la liberté,
qu'ils souffrent pour elle, voulait sommer
sévèrement par notre voix les députés de
la gauche, de sortir de leur inertie par un
acte éclatant. j
On blâme la gauche d'être trop habile
et trop politique. Elle manque, dit-on,
d'imprudence. Elle craint de se risquer,
et surtout de se compromettre. Elle a la
peur du danger français, le ridicule. Nos
pères de la Révolution ne l'ont pas con-
nue, et c'est pourquoi ils ont été grands.
- La gauche, dit-on encore, n'est pas as-
sez solidaire et assez unie. Pourquoi le
cri de Pelletan est-il resté isolé? Pour-
quoi ne se sont-ils pas levés tous et ne se
sont-ils pas fait tous rappeler à l'ordre
avec lui ? Pourquoi n'ont-ils pas soutenu
et comme sanctionné, par quelque résolu-
tion énergique, la protestation de Jules
Favre? La prorogation, légale an fond,
était irrégulière dans la forme. Du mo-
m el se donnait le
tort d'une faute de convenance, pourquoi
n'en ont-ils pas profité,' en répondant :
Nous ne sommes pas chez vous, nous
sommes chez nous !
Nous croyons, nous, et la nation croit
avec nous sins nul doute, que la gauche a
peut-être bien fait de ne rien précipiter,
et qu'en somme rien n'est perdu. La si-
tuation de la gauché est si forte que cette
situation seule a suffi pour faire reculer
le pouvoir : il y a eu, selon nous, dans le
fait de la prorogation, beaucoup plus de
peur que d'insolence. Ceux-là donc qui
voudraient demander, par exemple, aux
députés de Paris de donner leur sémis-
sion, leur conseilleraient d'abandonner
non seulement le champ de bataille,mais,
sur le champ de bataille, une position ad-
mirable, et qui, sans combat, combat pour
eux.,. ,.
*
4 #
Est-ce à dire pourtant que la gauche;
peut rester longtemps dans cette inac-
tion? Nonî nous lui avons rappelé déjà et
nous lui répétons qu'on attend beaucoup
d'elle et qu'elle doit donner beaucoup. —}
Le moment n'est-il pas venu pour elle de
s'affirmer et d'agir?-Elle n'a plus à enfon-
cer la porte de la constitution, cette porte
s'est ouverte toute seule sur ses gonds déjài
rouiilés. Le tiers-parti l a poussée d'un coup
d'épaule. Ce que Voyant, le pouvoir a lui-
mêmè tiré le verrou. Vous n'avez qu'à
entrer maintenant : la maison est à nous,
à vous. !
Mais ce n'est pas seulement l'extension
parlementaire qu'il faut y réclameriez
la restitution de là souveraineté natio-
nale.
Pas de compromis et de transaction.
On n'accepte pas de rabais sur le droit
et de' marchandage de la justice.
Nous hé nous permettrons pas de tracer
à la gauche un programme. Mais nous
pouvons lui indiquer, comme au hasard
et pêle-mêle, les revendications de nécessité
première qu'elle doit, qu'elle va exiger :
la sincérité du suffrage universel, la no-
mination des maires par les électeurs, les
franchises municipales, l'élection de leurs
conseils rendue àJ Paris et à Lyon, et, ce
qu'on oublie un peu trop, il nous semble,
ce qui, il y a treate-neyf ans tout à l'heure,
camsaît une-jôwlution, M 4f8Ï est le pain
quotidien de la liberté, la liberté de la
presse.
Le pouvoir réclame certaines préroga-
tives impériales, le tiers-parti réclame cer-
taines prérogatives parlementaires ; — !a
gauché, stipulant au nom du peuple, doit
purement et simplement exiger ce qui dit
tout, ce qui est tout : le droit.
Panl Maurice.
AUTOUR DE 1A CHAMBRE :
- On s'attendait à trouver hier soir dans le
Petit Journal officiel, ou an moins ce matin
dans le grand, le nouveau ministère que
l'empire enfante péniblement.
La Patrie, qui « a habitué ses lecteurs à
ne lire chez elle que des informations dont
l'événement ne tarde pas à justifier la soli-
dité » (c'est elle qui se rend cet hommage),
annonçait hier qu'il était plus que probable
que le ministère serait constitué dans la
soirée.
L'événement n'a pas just;fie la solidité
des informations de la Patrie.
Nous ouvrons le Journal officiel. Rien.
L'empereur continue à inaugurer Je gou-
vernement du pays par le pays—en gouver-
nant tout seul. .'-
Le mot de la situation a été dit par M.
Thiers.
Quelqu'un croyant pouvoir raconter de-
vant lui où les choses en étaient : :
- De quelle heure sont vos nouvelles?
-lui a demandé M. Thiers.
—- De huit heures. ■
- — Oh! bien, a répliqué M. Thiers, j'en
ai de dix heures, et je ne les dis pas, parce
qu'il est midi. , |
En effet, à chaque instant, les nouvelles
changent et se contredisent. Il y a une ad-
mirable raison pour que personne ne sache
ce que le gouvernement va faire : c'est que
le gouvernement ne le sait pas lui-même.
D'heure en heure- Il *a iftm extrême -à *
l'autre. * -' '-
—Tous savez? la chambre est convoquée
pour mardi ; le décret a été signé ce matin
par l'empereur. !
- Vous savez ? la chambre est dissoute;
on vient d'apporter le décret au Journal
officiel.
Le fait est que le cocher n'est pas très
sûr de son chemin. Le malheur est qu'il
n'aime pas à le demander. s
M. de Talhouët aurait refusé d'être mi-
nistre tant que M. Rouher ne serait pas
présrdentdu sénat. Il craindrait unè « fausse
sortie. »
Il est certain que l'ex(?) ministre d'Etat,
qu'on disait parti l'autre jour et en route
pour Carlsbad, était à Paris ce matin.
M. de Talhouët croira à l'abdication de
M. Rouher quand M. Rouher sera sénaeur;
moi, j'y croirai quand il sera mort.
M. Ronher, président du sénat, c'est
ce!a qui rassurerait. M. de Talhouët? C'est
ce qui nous inquiéterait à sa place.
Est-ce que ce n'ést pas le sénat qui va
discuter les modifications à faire au «pacte
fondamental? » Voyez-vous ces discussions
«dirigées» par le ministre dont elles ont
amené la démission?
Nous serions curieux de voir ce que de-
viendraient les promesses du message, si
M. Rouher les « tenait. » ,
v* ■ ,
M. de Talhouët n'entrerait au ministère
qu'avec qnatre au moins de ses amis. Mais
les ministres restants ne veulent pas être
en minorité.
Minorité, majorité, ou 'égalité, ça ferait
toujours un singulier ministère, et on se
demande quel ménage feraient les interpel-
lants ivèq les interpellés, et les revendica-
teurs du droit parlementaire avec-les sur-
vivants du pouvoir personnel. ;
: On n'a pas assez remarqué qué, dans au-
cun des remaniements ministériels annon-
cés, il n'a été question de la retraite du mi-
nistre de l'intérieur.
Si l'on avait voulu faire à la manifestation
électorale des concessions sérieuses, il est
évident que le premier congédié aurait dû
-être le ministre qui a « dirigé » les élections,
qei a imposé les candidatures officielles,
qui a àopné le mot d'ordre aux préfets, qui
a exercé sqr le suffrage universel cette jjres-
s:on contre laquelle la protestation a été
si énergique. On gyde M. de Forcade. La
première satisfaction donnée à la manifes-
tation de l'opinion est le maintien de celui
quv^ tout ùit pour iVmpftg liw.^,
Mi de Forcade conservant le portefeuil-
le de l'intérieur et M. 'Niel cpnservant le
portefeuiUe de la guerre, cela donne la
mesure de l'importance des changements
que le pays peut espérer à l'intérieur et à
l'extérieur.
; Bon ! voilà qu'au moment où nous Ache-
vons ù'é&rire les lignes qui précèdent, on
vient nous annoncer que M. de Forcade ne
resterait pas. ,
Il y a une telle indécision dans les « hau-
tes régions, » et l'auguste volonté qui plane
sur nous semble si peu savoir ce qu'elle
veut, que nous ne nions-absolument rien,
que'tout nous paraît possible, et que, si on
venait nous dire que l'empire va réelle-
ment devenir'libéral, nous sérions capables 1
de le croire -difficilement. j
•b - - •»:> [
Donc, M. de Forcade s'en irait. Il reste- ;
rait seulement (aïe!) jusqu'à la fin de la?
vérification des pouvoirs. On aurait trouvé
juste que l'accusé fût là pour se défendre.
Les nouveaux ministres ne se soucieraient
pas, nous le comprenons, de glorifier des 1
'~eet~OHs iaitel, costMuaBfrat Jtos.
amis. La majorité acquitterait son électeur,
cela va sans dire. Alors, on le « relâché- !
rait a. Il serait renvoyé de la plainte — et
du ministère.
Puisque ça ne doit arriver qu'après la
vérification, nous ne sommes pas fQrcés
d'y croire tout de suite, *
1
MM. Segris et Louvet ne paraissent plus
depuis trois jours aux réunions du tiers
parti: *
Déjà si ministres ?
-
M. de Richemond est parmi ceux qu'on
désigne pour le ministère des travaux pu-
blics. Sa nomination serait une concession
à M. de Persigny.
La direction des douanes serait distraite
des finances et jointe au commerce.
La direction des tabacs serait attribuée
du ministère de l'agriculture, pour lequel
M. de Talhouët aurait des préférences dans
le cas où il se résoudrait à un portefeuille.
M. Drouya de Lhuys est A Paris depuis
hier et annonce son départ pour lundi pro-
chain. Il aurait rencontré dans l'entourage
impérial des hostilités qu'il n'aurait pu sur-
monter.
M. --1"* - • ■ ■
M. Durny l
rieuse et qu'il est parmi les disgraciés. Nous
verrons bientôt s'il ne s'est pas vanté.
Hier soir, — du même au même, c'est-à-
dire lettre de l'empereur à M. Rouher; let-
tre pleine d'aflcction, de regrets, de tris-
tesse de se séparer. -
Ce matin : - un auguste personnage au-
rait parlé avec amertume de son ex (?)-mi.
nistre, et aurait dit qu'il ne pardonnerait
jamais à M. Rouher de l'avoir trompé trois
fois.
Rien que trois?
Saint-Cloud ne donnerait pas les signes
d'une folle gaieté. Deux choses l'empêchÿ-
raient d'être aussi joyeux que nous souhai-
terions.
D'abord, le peu de reconnaissante que
.la chambre a témoigné de sa prorogation,
Saint-Cloud s'attendait peu à se voir ap-
porter une protestation par son propre du
Mirai, le du Mirai de ia contre-interpella-
tion. M. du Mirai, lui, est revenu radieux :
Sa prière avait obtenu cette réponse : « Je
.verrai. » Ces réponses suffisent aux fidèles.
Ensuite, — Saiqt-Çloud a été aussi affli-
gé que surpris du peu d'effet produit en
France parle message. Le petit groupe parle-
mentaire qui espère des portefeuilles a bien
témoigné quelque satisfaction, mais on es-
pérait une explosion d'enthousiasme popu-
laire! Le peuple n'a pas paru s'apercevoir
qu'il y eût rien de changé.
A la réception de M. Schqeijler, il y avait
une soixantaine de députés. Le Journal de
Pan's trouve que c'est peu ; nous trouvons
que c'est beaucoup. -
Si nous étions député, nous, nous em-
presserions peu chez un président'qui nous
aurait fermé la porte au nez. ,,'
En voilà encore un qui zig-zague d'un
trottoir à l'autre ! L'antre jour, il avait de ;,
tendres caresses pour les députés, Don-seu-
lement pour la majorité, mais même pour
iè centre gauche, qu'il comblait de lampes
et d'huissiers; le lendemain, il les jette
dehors sans crier gare, à commencer par
les chambellans
Il aurait dit ce mot hier soir :
— Si ra chambre avait eu à nommer son
président, avant-hier, je n'aurais pas pbtenu
• vingt voutr* - , ■
Il croit donc qu'il en aurait vingt au-
jourd'hui ?
Je voudrais bien voir qu'il en eût une
seule !
'Non, je ne le voudrais pas, mais je le
verrai.
On disait hier que M. Schneider, voyant
le mauvais effet de sa prorogation, voulait
redonner sa démission de président du
corps législatif.
On disait en même temps que l'empe-
reur lui offrait le portefeuille de M. Magne.
Si l'empereur prenait pour ministre ce-
lui dont là chambre ne voudrait plus pour
président, ce serait une nouvelle indica-
tion de la façon dont l'empire entend le
régime parlementaire.
La gauche s'est réunie hier dans le pre-
mier bureau.
On a discuté la conduite à tenir et on a
fait le plan d'un manifeste.
Ce soir, la gauche se réuAit à un banquet,
chez Véfour.
Je lui propose très sincèrement ce
toast :
Au message impérial !
En dernier résultat, personne ne veut
être ministre. On -.i eu beau. fairè -tou !
être ministre. On a eu boau faire toutes
avances possibles aux membres du lier
parti, on n'a pas pu vaincre {env r^tgrumet
(c'est la Patrie qui dit le mot).
Il faut cependant an ministère; car l'ef-
fBt(Rst'strettx ~MM~~MtMtt~WWt~~t~Ctt~
décidé le gouvernement à se rétracter, et
M. Schneider n'a pas envie de reparaî-
tre sans escoite devant la chambre, dont il
a si lestement donné J
Alors, on se rabat sur un ministère a in*
térimaire » qui serait bon à rouvrir la
chambre, à balayer les vérifications de pou-
voirs, et qui, quand les vrais, ministres ar-
riveraient, retourneraient modestement
dans l'antichambre.
, La chambre devrait procéder uniquement
à la vérification des pouvoirs. « Tout débat
qui détournerait les députés de cet objet
serait expressément écarté», et le corps légis-
latif serait re-congédié.
Nous n'avons pas besoin de faire remar-
quer ànos lecteursque ce sont littéralement
les termes dans lesquels M. Rouher avait
ouvert la session. Le grand pas que nous a
fait faire jusqu'ici îé message impériale
est de nous avoir conduits — au point de
départ.
L" sHO'ttoirfï de la rèdactioni
Albert Bawae.
LA PETITE GUERRE.
- (
Tous les journaux constatent que_nou»
jouissons, en ce moment, d'une ab-
sence de gouvernement totale. L'ancien
ministère n'existe plus. Le nquveau minis-
tère n'existe pas encore. Le sénaj n'est
.point assemblé; le corps législatif est diS.
sous, prorogé, comme on voudra. Nous
n'avons plus, à notre tête, qu'uue feuille de
papier — très respectable, — mais dont on
doit rogner les ongles, et qui s'appelle la
Constitution.
Beaucoup de personnes et beaucoup de
journaux qu'un tel état de choses fait son-
ger, voyant que ce qui composait le gou-
vernement n'existe plus, ne craignent point
de dire tout haut :
- Ça va aller mieux.
Ces personnes obéissent à des passions-
subversives Le& gens, qui ne, se laissent -
point égarer, ceux qui pensent avec sagesse
et qui jugent avec modération les choses,
formulent leur opinion de la sorte :
- Ça va aussi mal. , -
Une telle situation me paraît devoir tour-
nir des réflexions profondes aux hommes
politiques comme aux écrivains; ,.
Il est évident que, depuis que Je minis-
tère n'existe plus, notre état est resté exac-
tement le même. Si la presse n'avait pris
soin de nous avertir, nous ne nous serions
aperçus de rien. Que les ministres soient en
place ou que les ministres n'y soient plus,
c'est exactpment la même chose. La ma-
chine fonctionne de la même manière.
Aussi les gens qui ne lisent pas le Journal
officiel demeurent plongés dans une igno-
rance honteuse. Quaiid, l'an dernier, nous
avions au ministère M. de Forcade La Ro-
quette, ces braves gens le prenaient de
bonne foi pour M. Pinard. Aujourd'hui, il
n'y a plus RIEN,--et ils croient que c'est
M. de Forcade La Roquette.
Il me semble qu'on devrait profiter de ces
dispositions du peuple et rester dans la
statu quo. J'entends par là proroger indéfi-
niment le corps législatif et ne réunir le
sénat qu'au jour du jugement dernier, «0
ce qui permettrait de le faire présider en*
81 Feuilleton du BAPPEL
t » :WILLBT l869tf *
1.J ■ - 1 * T "I - 1 JL * U1 F,,.. IJJ
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DIT ROI
-' LIVRE PREMIER
ÉTERNELLE PRÉSENCE DU PASSÉ;
vxn nomrm reflèteI*T L'HOMME.
•' «• -i - fit;
X
Flamboiements qu'on verrait si
l homm r étal t transpav«n^
Quoit cette femme, cette extravagante,
cette songeuse rubrique, vierge jusqu'à
roèfetfsion,^ ^morceau de chair n'ayant
ras encore fait sa livraison, cette effron-
Réproductioa interdite. ',"h',~ "7
VoitVbs numéros dn 3 mai an 3 liiin, ceux du 30
lato, des tlt, 2, 6 10, 13 et 14 juillet: ;
terie à couronne princière, cette Diane
par orgueil, pas encore prise par le pre-
mier venu, soit, peut-être, on-le dit, j'y
consens, faute d'un hasard, cette bâtarde
d'une canaille de roi qui n'avait pas eu
l'esprit de rester en place, cette duchesse
de raccroc, qui, grandedamp; jouait à la
dée^e, et qui, pauvre, eût été fiUe pu-
blique, cette lady A peu près, cette voleuse
des biens d'un prescrit, cette hautaine
gueuse, parce qu'un jour, lui Barkilphe-
dro, n'avait pas de. quoi dîner, et qu'il
était sans asile, avait eu l'impudence de
l'asseoir chez elle à un bout de table, et
de le nicher dans un trou quelconque de
son insupportable palais, où, ça? n'im-
porte où, peut-être au grenier, peut-être
à la cave, qu'est-ce que cela fait? un peu
mieux que les valets, un peu plus mal que
les chevaux! Elle avait abusé de sa dé-
tresse, à lui, Barki phedro, pour se dépêcher
de îni rendre traîtreusement service, ce que
font les riches afin d'humilier les pauvres, et
de se les attacher comme des bassets qu'on
mène en laisse ! Qu'est-ce que ce service
lui côûtait, d'ailleurs? Un service vaut ce
qu'il coûte. Elle avait des chambres de
trop dans sa maison. Venir en aide à Bar-
~kilphedrolle beleffort qu'elle avait fait là 1
avait-elle mangé une cuillerée de soupe à la
tortue de moins? s'était-elle privée de quel-
que chose dans le débordement haïssable de
son superflu? Non. Elle avait ajouté à ce
superflu une vanité, un objet de luxe, une
bonne action en bague au doigt, un
homme d'esprit secouru, un clergyman
patronné 1 Elle pouvait prendre des airs,
dire : je prodigue les bienfaits, je donne
la becquée à des gens de lettres, faire sa
protectrice! Est-il heureux de m'avoir
trouvée, ce misérable ! Quelle amie des
arts je suis! Le tout pour avoir dressé un
lit de sangle dans un méchant bouge sous
les combles ! Quant à la place à l'amirauté,
Barkilphedro la tenait de Josiane, par-
bleu! jolie fonction 1 Josiane avait fait
Barkilphedro ce qu'il était. Elle l'avait
créé, soit. Oui, créé rien. Moins que rien.
Car.il se sentait, dans cette charge ridi-
cule, ployé, ankylosé et contrefait. Que
devait-il à Josiane? La reconnaissance du
bossu pour sa mère qui l'a fait difforme.
Voilà ces privilégiés, ces gens comblés,
ces parvenus, ces préférés de la hideuse
marâtre fortune 1, Et l'homme à talents,
et Barkilphedro, était forcé de se ranger
dans les escaliers, de saluer des laquais,
de grimper lç soir sur un tas d'étages, et
d'être courtois, empressé, gracieux, défé-
rent, agréable, et d'avoir toujours sur le
museau une grimace respectueuse 1 S'il
n'y a pas de quoi grincer de rage ! Et
pendant ce temps-là elle se mettait des
perles au cou, et -elle prenait des poses
d'amoureuses avec son imbécile de lord
David Dirry-Moir, la drôlesse !
Ne vous laissez jamais rendre service.
On en abusera. Ne vous laissez pas pren-
.dre en flagrant délit d'inanition. 0 n vous
soulagerait. Parce qu'il était sans pain,
cette femme avait trouvé le prétexte suffi-
sant pour lui donner à manget t Désor-
mais il était son domestique t Une défail-
lance d'estomac, et vous voià à la chaîne
pour la vie? Etre obligé, c'est être ex-
ploité. Les heureux, les puissants, profi-
tent du moment où vous tendez la main
pour vous mettre un sou dedans, et de la
minute où vous êtes lâche pour vous faire
esclave, et esclave de la pire espèce, en-
clave d'une charité, esclave forcé d'ai-
mer 1 quelle infamie ! quelle indélicatesse!
quelle surprise à notre fierté! Et c'est
fini, vous voilà condamné, à perpétuité, à
trouver bon cet homme, à trouver belle
cette femme, à rester au second plan du
subalterne, à approuver, à applaudir, à
admirer, à encenser, à vous prosterner, à
mettre à vos rotules le calus de l'agenouil-
lement, à sucrer vos paroles, quand vous
êtes rongé de colère, quand vous mâchez
des crjs de fureur, et quand vous avez en
vous plus de soulèvement sauvage et plus
d'écume amère que l'Océan !
C'est ainsi que les riches font prison-
nier le pauvre.
Cette glu de la bonne action commise
sur vous vous barbouille et vous embourbe
pour toujours.
Une aumône est irrémédiable. Recon-
naissance, c'est paralysie.' Le bienfait a
une adhérence visqueuse et répugnante
qui vous ôte vos libres mouvements. Les
odieux êtres opulents et gavés dont la pitié
a sévi sur vous le savent. C'est dit. Vous
êtes leur chose. Ils vous ont acheté. Com-
bien ? un os, qu'ils ont retiré à leur chien
pour vous l'offrir. Ils vous ont lancé cet os
à la tête. Vous avez été lapidé aufant que
secouru. C'est égal. Avez-vous rongé l'os,
oui ou non ? Vous avez eu aussi votre part
de la niche. Donc remerciez. Remerciez à
jamais. Adorez vos maîtres. Génuflexion
indéfinie. Le bienfait implique un sous-
entendu d infériorité acceptée par vous.
Ils exigent que vous vous sentiez pauvre
diable et que vous les sentiez dieux. Votre
diminution les augmente. Votre courbure
les redresse. Il y a dans leur son de voix
une douce pointe impertinente. Leurs évé-
nements de famille, mariages, baptêmes,
la femelle pleine, les petits qu'on met bas,
cela vous regarde. Il leur naît un louve-
teau, bien, vous composerez un sonnet.
Vous êtes poëte pour être plat. Si ce n'est
pas à faire crouler les astres 1 Un peu plus,
ils vous feraient user leurs vieux souliers !
— Qu'est-ce que vous avez donc là chez
vous, ma chère? qu'il est laid 1 qu'est-ce
que c'est que cet homme ? - Je ne sais
pas, c'est un grimaud que je nourris. —
Ainsi dialoguent ces dindes. Sans même
baisser la voix. Vous entendez et vous
restez mécaniquement aimable. Du reste,
si vous êtes malade, vos maîtres vous en-
voient le médecin. Pas le leur. Dans l'oc-
casion, ils s'informent. N'étant pas de la
même espèce que vous, et l'inaccessible
étant de leur côté, ils sont affables. Leur
escarpement les fait abordables. Ils savent
que le plàin-pied est impossible. A force
de dédain, ils sont polis. A table, ils vous
font un petit signe de tête. Quelquefois ils
savent l'orthographe de votre nom. Ils ne
vous font pas sentir qu'ils sont vos proted.
teurs autrement qu'en marchant naïve-
ment sur tout ce que vous avez de suscep-
tible et de délicat. Ils vous traitent avec
bonté!
Est-ce assez abominable?
Certes, il était urgent de châtier la Joè
siane. Il fallait lui apprendre à qui elle
avait eu affaire ! Ah ! messieurs les fiches,
parce que vous ne pouvez pas tout cpn<
sommer, parce que l'opulence aboutirait 1
l'indigestion, vu la petitesse de vos esto-
macs égaux aux nôtres, après tout, parce
qu'il vaut mieux distribuer les restes que
les perdre, vous érigez cette pâtée jetée aux
pauvres en magnificence!Ah! vous nous
donnez du pain, vous nous donnez un asile;
vous nous donnez des vêtements, vous noua
donnez un emploi, et vous poussez 1 au-
dace, la folie, la cruauté, l'ineptie et l'ab-
surdité jusqu'à croire que nous sommes
vos obligés ! ce pain, c'est un pain de ser-
vitude, cet asile, c'est une chambre de
valet, ces vêtements, c'est une livrée, cet
emploi, c'est une dérision, payée, soity
mais abrutissante! Ah 1 vous vous croyez
le droit de nous flétrir avec du logement
et de la nourriture, vous vous Impgiùpz
que nous vous sommes redevables, et vous
comptez sur de la reconnaissance! Eh
bien, nous vous mangerons lë ventral
Eh bien 1 nous vous détripaillerons, belle
madame, et nous vous dévorerons toute
en vie, et nous vous couperons les atta-
ches du cœur avec nos dents ! :
Cette Josiane! n'était-ce pas mous-
1
lié numéro : Il o. — Départements : 10 o.
RÉDACTION »
S'adresser au secrétaire de la rédaction
M. ALBERT BAUME
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tion dans la réception du journal. Í
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du roman : L'HOMME QUI RIT,, dont les
quatre volumes coûtent 30 fr. en li-
brairie. -
brairie
*
LA GAUCHE.
La fourmilière est en grand émoi, les
dépat-., les hommes d'État, les hauts
fonctionnaires, les grands dignitaires pas-
sés et futurs, vont, tiennent, se rencon-
trent, s'évitent, se cherchent ; des voitures
innombrables se succèdent, se croisent,
arrivent, partent et repartent devant les
marches de l'escaliër de Saint-Cloud; on ne
sait plus que faire et que* refaire, tout est
défaitl il n'y a plus de corps législatif, il
n'y a pas de sénat,il n'y a surtout pas de
ministres! lé gâchis règne et l'indécision
gouverne.
Dans ce démrroi, la grosse affaire et
la grande question, c'est ayant tout de
former un cabinet. Pour que le sénat
; '1' -
s'ouvie et pour que le corps législatif se
rouvre, il faut des ministres, et on n'en a
pas, ou on en a trop. C'est terrible 1 M. Sé-
gris hésite,M. de Talhouët se tient à l'érart,,!
M. Rouher bjude, M. Buffet recule,
M. Schneider frémit.Que faire? que ré-
Q iïe 'fair e? que r é
soudre? que devenir? :,
Nous, cependant, pauvre peuple orphe-
lin, ainsi privés de nos tuteurs et de nos
guidés, par on ne sait quel inconcevable
miracle, nous vivons tout de même, cha-4
cun fait ses affaires et les choses conti-
nuent d'aller comme si de rien n'était
nous n'avons pas l'air de nous apercevoir]
de ce qui se passe dans les hautes régions
sitrouMees. ",' .,' '- ,;
C'est qu'au fond tout cela ne nous in-
téresse pas, c'est que pour nous la ques-
tion n'est pas là, c'est que les nuances, les
connivences et les alliances du tiérs-partf
et centré gauche ne nous touchent
guère, c'est que.le pays et le pouvoir sont
deux. ; - 1
&e peuple souverain, dans sa récente et
imposant manifestation, a demandé haut
et ferme à faire lui-même ses affaires. QUEJ
lui importe aujourd'hui que M.* Ollivier
tâche de faire les siennes? : - i
M. Ollivier se réserve, le peuple peut
bien se réserver aussi. - "!
vr.r- •.•-.)<-
* *
Le peuple n'a donc pas trouvé très
étonnant que ses vrais représentants de
l'opposition démocratique fassent comme
lui, — qu'ils attendent. L'attitude froide
et hautaine de la gauche en présence de
tous ces petits évèuéments ne l'a pas sur-
pris et ne l'a pas mécontenté.
Il y a pourtant des impatients qui re-
prochent à la gauche de n'avoir pas en-
core agi. Nous avons de nombreuses let-
tre*! électeurs deoranéa** compté$t leurs
élus de leur silence. - Hier encore, un
groupe d'hommes généreux, qui ont d'au-
tant plus Je «Jrpit de parler pour la liberté,
qu'ils souffrent pour elle, voulait sommer
sévèrement par notre voix les députés de
la gauche, de sortir de leur inertie par un
acte éclatant. j
On blâme la gauche d'être trop habile
et trop politique. Elle manque, dit-on,
d'imprudence. Elle craint de se risquer,
et surtout de se compromettre. Elle a la
peur du danger français, le ridicule. Nos
pères de la Révolution ne l'ont pas con-
nue, et c'est pourquoi ils ont été grands.
- La gauche, dit-on encore, n'est pas as-
sez solidaire et assez unie. Pourquoi le
cri de Pelletan est-il resté isolé? Pour-
quoi ne se sont-ils pas levés tous et ne se
sont-ils pas fait tous rappeler à l'ordre
avec lui ? Pourquoi n'ont-ils pas soutenu
et comme sanctionné, par quelque résolu-
tion énergique, la protestation de Jules
Favre? La prorogation, légale an fond,
était irrégulière dans la forme. Du mo-
m el se donnait le
tort d'une faute de convenance, pourquoi
n'en ont-ils pas profité,' en répondant :
Nous ne sommes pas chez vous, nous
sommes chez nous !
Nous croyons, nous, et la nation croit
avec nous sins nul doute, que la gauche a
peut-être bien fait de ne rien précipiter,
et qu'en somme rien n'est perdu. La si-
tuation de la gauché est si forte que cette
situation seule a suffi pour faire reculer
le pouvoir : il y a eu, selon nous, dans le
fait de la prorogation, beaucoup plus de
peur que d'insolence. Ceux-là donc qui
voudraient demander, par exemple, aux
députés de Paris de donner leur sémis-
sion, leur conseilleraient d'abandonner
non seulement le champ de bataille,mais,
sur le champ de bataille, une position ad-
mirable, et qui, sans combat, combat pour
eux.,. ,.
*
4 #
Est-ce à dire pourtant que la gauche;
peut rester longtemps dans cette inac-
tion? Nonî nous lui avons rappelé déjà et
nous lui répétons qu'on attend beaucoup
d'elle et qu'elle doit donner beaucoup. —}
Le moment n'est-il pas venu pour elle de
s'affirmer et d'agir?-Elle n'a plus à enfon-
cer la porte de la constitution, cette porte
s'est ouverte toute seule sur ses gonds déjài
rouiilés. Le tiers-parti l a poussée d'un coup
d'épaule. Ce que Voyant, le pouvoir a lui-
mêmè tiré le verrou. Vous n'avez qu'à
entrer maintenant : la maison est à nous,
à vous. !
Mais ce n'est pas seulement l'extension
parlementaire qu'il faut y réclameriez
la restitution de là souveraineté natio-
nale.
Pas de compromis et de transaction.
On n'accepte pas de rabais sur le droit
et de' marchandage de la justice.
Nous hé nous permettrons pas de tracer
à la gauche un programme. Mais nous
pouvons lui indiquer, comme au hasard
et pêle-mêle, les revendications de nécessité
première qu'elle doit, qu'elle va exiger :
la sincérité du suffrage universel, la no-
mination des maires par les électeurs, les
franchises municipales, l'élection de leurs
conseils rendue àJ Paris et à Lyon, et, ce
qu'on oublie un peu trop, il nous semble,
ce qui, il y a treate-neyf ans tout à l'heure,
camsaît une-jôwlution, M 4f8Ï est le pain
quotidien de la liberté, la liberté de la
presse.
Le pouvoir réclame certaines préroga-
tives impériales, le tiers-parti réclame cer-
taines prérogatives parlementaires ; — !a
gauché, stipulant au nom du peuple, doit
purement et simplement exiger ce qui dit
tout, ce qui est tout : le droit.
Panl Maurice.
AUTOUR DE 1A CHAMBRE :
- On s'attendait à trouver hier soir dans le
Petit Journal officiel, ou an moins ce matin
dans le grand, le nouveau ministère que
l'empire enfante péniblement.
La Patrie, qui « a habitué ses lecteurs à
ne lire chez elle que des informations dont
l'événement ne tarde pas à justifier la soli-
dité » (c'est elle qui se rend cet hommage),
annonçait hier qu'il était plus que probable
que le ministère serait constitué dans la
soirée.
L'événement n'a pas just;fie la solidité
des informations de la Patrie.
Nous ouvrons le Journal officiel. Rien.
L'empereur continue à inaugurer Je gou-
vernement du pays par le pays—en gouver-
nant tout seul. .'-
Le mot de la situation a été dit par M.
Thiers.
Quelqu'un croyant pouvoir raconter de-
vant lui où les choses en étaient : :
- De quelle heure sont vos nouvelles?
-lui a demandé M. Thiers.
—- De huit heures. ■
- — Oh! bien, a répliqué M. Thiers, j'en
ai de dix heures, et je ne les dis pas, parce
qu'il est midi. , |
En effet, à chaque instant, les nouvelles
changent et se contredisent. Il y a une ad-
mirable raison pour que personne ne sache
ce que le gouvernement va faire : c'est que
le gouvernement ne le sait pas lui-même.
D'heure en heure- Il *a iftm extrême -à *
l'autre. * -' '-
—Tous savez? la chambre est convoquée
pour mardi ; le décret a été signé ce matin
par l'empereur. !
- Vous savez ? la chambre est dissoute;
on vient d'apporter le décret au Journal
officiel.
Le fait est que le cocher n'est pas très
sûr de son chemin. Le malheur est qu'il
n'aime pas à le demander. s
M. de Talhouët aurait refusé d'être mi-
nistre tant que M. Rouher ne serait pas
présrdentdu sénat. Il craindrait unè « fausse
sortie. »
Il est certain que l'ex(?) ministre d'Etat,
qu'on disait parti l'autre jour et en route
pour Carlsbad, était à Paris ce matin.
M. de Talhouët croira à l'abdication de
M. Rouher quand M. Rouher sera sénaeur;
moi, j'y croirai quand il sera mort.
M. Ronher, président du sénat, c'est
ce!a qui rassurerait. M. de Talhouët? C'est
ce qui nous inquiéterait à sa place.
Est-ce que ce n'ést pas le sénat qui va
discuter les modifications à faire au «pacte
fondamental? » Voyez-vous ces discussions
«dirigées» par le ministre dont elles ont
amené la démission?
Nous serions curieux de voir ce que de-
viendraient les promesses du message, si
M. Rouher les « tenait. » ,
v* ■ ,
M. de Talhouët n'entrerait au ministère
qu'avec qnatre au moins de ses amis. Mais
les ministres restants ne veulent pas être
en minorité.
Minorité, majorité, ou 'égalité, ça ferait
toujours un singulier ministère, et on se
demande quel ménage feraient les interpel-
lants ivèq les interpellés, et les revendica-
teurs du droit parlementaire avec-les sur-
vivants du pouvoir personnel. ;
: On n'a pas assez remarqué qué, dans au-
cun des remaniements ministériels annon-
cés, il n'a été question de la retraite du mi-
nistre de l'intérieur.
Si l'on avait voulu faire à la manifestation
électorale des concessions sérieuses, il est
évident que le premier congédié aurait dû
-être le ministre qui a « dirigé » les élections,
qei a imposé les candidatures officielles,
qui a àopné le mot d'ordre aux préfets, qui
a exercé sqr le suffrage universel cette jjres-
s:on contre laquelle la protestation a été
si énergique. On gyde M. de Forcade. La
première satisfaction donnée à la manifes-
tation de l'opinion est le maintien de celui
quv^ tout ùit pour iVmpftg liw.^,
Mi de Forcade conservant le portefeuil-
le de l'intérieur et M. 'Niel cpnservant le
portefeuiUe de la guerre, cela donne la
mesure de l'importance des changements
que le pays peut espérer à l'intérieur et à
l'extérieur.
; Bon ! voilà qu'au moment où nous Ache-
vons ù'é&rire les lignes qui précèdent, on
vient nous annoncer que M. de Forcade ne
resterait pas. ,
Il y a une telle indécision dans les « hau-
tes régions, » et l'auguste volonté qui plane
sur nous semble si peu savoir ce qu'elle
veut, que nous ne nions-absolument rien,
que'tout nous paraît possible, et que, si on
venait nous dire que l'empire va réelle-
ment devenir'libéral, nous sérions capables 1
de le croire -difficilement. j
•b - - •»:> [
Donc, M. de Forcade s'en irait. Il reste- ;
rait seulement (aïe!) jusqu'à la fin de la?
vérification des pouvoirs. On aurait trouvé
juste que l'accusé fût là pour se défendre.
Les nouveaux ministres ne se soucieraient
pas, nous le comprenons, de glorifier des 1
'~eet~OHs iaitel, costMuaBfrat Jtos.
amis. La majorité acquitterait son électeur,
cela va sans dire. Alors, on le « relâché- !
rait a. Il serait renvoyé de la plainte — et
du ministère.
Puisque ça ne doit arriver qu'après la
vérification, nous ne sommes pas fQrcés
d'y croire tout de suite, *
1
MM. Segris et Louvet ne paraissent plus
depuis trois jours aux réunions du tiers
parti: *
Déjà si ministres ?
-
M. de Richemond est parmi ceux qu'on
désigne pour le ministère des travaux pu-
blics. Sa nomination serait une concession
à M. de Persigny.
La direction des douanes serait distraite
des finances et jointe au commerce.
La direction des tabacs serait attribuée
du ministère de l'agriculture, pour lequel
M. de Talhouët aurait des préférences dans
le cas où il se résoudrait à un portefeuille.
M. Drouya de Lhuys est A Paris depuis
hier et annonce son départ pour lundi pro-
chain. Il aurait rencontré dans l'entourage
impérial des hostilités qu'il n'aurait pu sur-
monter.
M. --1"* - • ■ ■
M. Durny l
rieuse et qu'il est parmi les disgraciés. Nous
verrons bientôt s'il ne s'est pas vanté.
Hier soir, — du même au même, c'est-à-
dire lettre de l'empereur à M. Rouher; let-
tre pleine d'aflcction, de regrets, de tris-
tesse de se séparer. -
Ce matin : - un auguste personnage au-
rait parlé avec amertume de son ex (?)-mi.
nistre, et aurait dit qu'il ne pardonnerait
jamais à M. Rouher de l'avoir trompé trois
fois.
Rien que trois?
Saint-Cloud ne donnerait pas les signes
d'une folle gaieté. Deux choses l'empêchÿ-
raient d'être aussi joyeux que nous souhai-
terions.
D'abord, le peu de reconnaissante que
.la chambre a témoigné de sa prorogation,
Saint-Cloud s'attendait peu à se voir ap-
porter une protestation par son propre du
Mirai, le du Mirai de ia contre-interpella-
tion. M. du Mirai, lui, est revenu radieux :
Sa prière avait obtenu cette réponse : « Je
.verrai. » Ces réponses suffisent aux fidèles.
Ensuite, — Saiqt-Çloud a été aussi affli-
gé que surpris du peu d'effet produit en
France parle message. Le petit groupe parle-
mentaire qui espère des portefeuilles a bien
témoigné quelque satisfaction, mais on es-
pérait une explosion d'enthousiasme popu-
laire! Le peuple n'a pas paru s'apercevoir
qu'il y eût rien de changé.
A la réception de M. Schqeijler, il y avait
une soixantaine de députés. Le Journal de
Pan's trouve que c'est peu ; nous trouvons
que c'est beaucoup. -
Si nous étions député, nous, nous em-
presserions peu chez un président'qui nous
aurait fermé la porte au nez. ,,'
En voilà encore un qui zig-zague d'un
trottoir à l'autre ! L'antre jour, il avait de ;,
tendres caresses pour les députés, Don-seu-
lement pour la majorité, mais même pour
iè centre gauche, qu'il comblait de lampes
et d'huissiers; le lendemain, il les jette
dehors sans crier gare, à commencer par
les chambellans
Il aurait dit ce mot hier soir :
— Si ra chambre avait eu à nommer son
président, avant-hier, je n'aurais pas pbtenu
• vingt voutr* - , ■
Il croit donc qu'il en aurait vingt au-
jourd'hui ?
Je voudrais bien voir qu'il en eût une
seule !
'Non, je ne le voudrais pas, mais je le
verrai.
On disait hier que M. Schneider, voyant
le mauvais effet de sa prorogation, voulait
redonner sa démission de président du
corps législatif.
On disait en même temps que l'empe-
reur lui offrait le portefeuille de M. Magne.
Si l'empereur prenait pour ministre ce-
lui dont là chambre ne voudrait plus pour
président, ce serait une nouvelle indica-
tion de la façon dont l'empire entend le
régime parlementaire.
La gauche s'est réunie hier dans le pre-
mier bureau.
On a discuté la conduite à tenir et on a
fait le plan d'un manifeste.
Ce soir, la gauche se réuAit à un banquet,
chez Véfour.
Je lui propose très sincèrement ce
toast :
Au message impérial !
En dernier résultat, personne ne veut
être ministre. On -.i eu beau. fairè -tou !
être ministre. On a eu boau faire toutes
avances possibles aux membres du lier
parti, on n'a pas pu vaincre {env r^tgrumet
(c'est la Patrie qui dit le mot).
Il faut cependant an ministère; car l'ef-
fBt(Rst'strettx ~MM~~MtMtt~WWt~~t~Ctt~
décidé le gouvernement à se rétracter, et
M. Schneider n'a pas envie de reparaî-
tre sans escoite devant la chambre, dont il
a si lestement donné J
Alors, on se rabat sur un ministère a in*
térimaire » qui serait bon à rouvrir la
chambre, à balayer les vérifications de pou-
voirs, et qui, quand les vrais, ministres ar-
riveraient, retourneraient modestement
dans l'antichambre.
, La chambre devrait procéder uniquement
à la vérification des pouvoirs. « Tout débat
qui détournerait les députés de cet objet
serait expressément écarté», et le corps légis-
latif serait re-congédié.
Nous n'avons pas besoin de faire remar-
quer ànos lecteursque ce sont littéralement
les termes dans lesquels M. Rouher avait
ouvert la session. Le grand pas que nous a
fait faire jusqu'ici îé message impériale
est de nous avoir conduits — au point de
départ.
L" sHO'ttoirfï de la rèdactioni
Albert Bawae.
LA PETITE GUERRE.
- (
Tous les journaux constatent que_nou»
jouissons, en ce moment, d'une ab-
sence de gouvernement totale. L'ancien
ministère n'existe plus. Le nquveau minis-
tère n'existe pas encore. Le sénaj n'est
.point assemblé; le corps législatif est diS.
sous, prorogé, comme on voudra. Nous
n'avons plus, à notre tête, qu'uue feuille de
papier — très respectable, — mais dont on
doit rogner les ongles, et qui s'appelle la
Constitution.
Beaucoup de personnes et beaucoup de
journaux qu'un tel état de choses fait son-
ger, voyant que ce qui composait le gou-
vernement n'existe plus, ne craignent point
de dire tout haut :
- Ça va aller mieux.
Ces personnes obéissent à des passions-
subversives Le& gens, qui ne, se laissent -
point égarer, ceux qui pensent avec sagesse
et qui jugent avec modération les choses,
formulent leur opinion de la sorte :
- Ça va aussi mal. , -
Une telle situation me paraît devoir tour-
nir des réflexions profondes aux hommes
politiques comme aux écrivains; ,.
Il est évident que, depuis que Je minis-
tère n'existe plus, notre état est resté exac-
tement le même. Si la presse n'avait pris
soin de nous avertir, nous ne nous serions
aperçus de rien. Que les ministres soient en
place ou que les ministres n'y soient plus,
c'est exactpment la même chose. La ma-
chine fonctionne de la même manière.
Aussi les gens qui ne lisent pas le Journal
officiel demeurent plongés dans une igno-
rance honteuse. Quaiid, l'an dernier, nous
avions au ministère M. de Forcade La Ro-
quette, ces braves gens le prenaient de
bonne foi pour M. Pinard. Aujourd'hui, il
n'y a plus RIEN,--et ils croient que c'est
M. de Forcade La Roquette.
Il me semble qu'on devrait profiter de ces
dispositions du peuple et rester dans la
statu quo. J'entends par là proroger indéfi-
niment le corps législatif et ne réunir le
sénat qu'au jour du jugement dernier, «0
ce qui permettrait de le faire présider en*
81 Feuilleton du BAPPEL
t » :WILLBT l869tf *
1.J ■ - 1 * T "I - 1 JL * U1 F,,.. IJJ
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DIT ROI
-' LIVRE PREMIER
ÉTERNELLE PRÉSENCE DU PASSÉ;
vxn nomrm reflèteI*T L'HOMME.
•' «• -i - fit;
X
Flamboiements qu'on verrait si
l homm r étal t transpav«n^
Quoit cette femme, cette extravagante,
cette songeuse rubrique, vierge jusqu'à
roèfetfsion,^ ^morceau de chair n'ayant
ras encore fait sa livraison, cette effron-
Réproductioa interdite. ',"h',~ "7
VoitVbs numéros dn 3 mai an 3 liiin, ceux du 30
lato, des tlt, 2, 6 10, 13 et 14 juillet: ;
terie à couronne princière, cette Diane
par orgueil, pas encore prise par le pre-
mier venu, soit, peut-être, on-le dit, j'y
consens, faute d'un hasard, cette bâtarde
d'une canaille de roi qui n'avait pas eu
l'esprit de rester en place, cette duchesse
de raccroc, qui, grandedamp; jouait à la
dée^e, et qui, pauvre, eût été fiUe pu-
blique, cette lady A peu près, cette voleuse
des biens d'un prescrit, cette hautaine
gueuse, parce qu'un jour, lui Barkilphe-
dro, n'avait pas de. quoi dîner, et qu'il
était sans asile, avait eu l'impudence de
l'asseoir chez elle à un bout de table, et
de le nicher dans un trou quelconque de
son insupportable palais, où, ça? n'im-
porte où, peut-être au grenier, peut-être
à la cave, qu'est-ce que cela fait? un peu
mieux que les valets, un peu plus mal que
les chevaux! Elle avait abusé de sa dé-
tresse, à lui, Barki phedro, pour se dépêcher
de îni rendre traîtreusement service, ce que
font les riches afin d'humilier les pauvres, et
de se les attacher comme des bassets qu'on
mène en laisse ! Qu'est-ce que ce service
lui côûtait, d'ailleurs? Un service vaut ce
qu'il coûte. Elle avait des chambres de
trop dans sa maison. Venir en aide à Bar-
~kilphedrolle beleffort qu'elle avait fait là 1
avait-elle mangé une cuillerée de soupe à la
tortue de moins? s'était-elle privée de quel-
que chose dans le débordement haïssable de
son superflu? Non. Elle avait ajouté à ce
superflu une vanité, un objet de luxe, une
bonne action en bague au doigt, un
homme d'esprit secouru, un clergyman
patronné 1 Elle pouvait prendre des airs,
dire : je prodigue les bienfaits, je donne
la becquée à des gens de lettres, faire sa
protectrice! Est-il heureux de m'avoir
trouvée, ce misérable ! Quelle amie des
arts je suis! Le tout pour avoir dressé un
lit de sangle dans un méchant bouge sous
les combles ! Quant à la place à l'amirauté,
Barkilphedro la tenait de Josiane, par-
bleu! jolie fonction 1 Josiane avait fait
Barkilphedro ce qu'il était. Elle l'avait
créé, soit. Oui, créé rien. Moins que rien.
Car.il se sentait, dans cette charge ridi-
cule, ployé, ankylosé et contrefait. Que
devait-il à Josiane? La reconnaissance du
bossu pour sa mère qui l'a fait difforme.
Voilà ces privilégiés, ces gens comblés,
ces parvenus, ces préférés de la hideuse
marâtre fortune 1, Et l'homme à talents,
et Barkilphedro, était forcé de se ranger
dans les escaliers, de saluer des laquais,
de grimper lç soir sur un tas d'étages, et
d'être courtois, empressé, gracieux, défé-
rent, agréable, et d'avoir toujours sur le
museau une grimace respectueuse 1 S'il
n'y a pas de quoi grincer de rage ! Et
pendant ce temps-là elle se mettait des
perles au cou, et -elle prenait des poses
d'amoureuses avec son imbécile de lord
David Dirry-Moir, la drôlesse !
Ne vous laissez jamais rendre service.
On en abusera. Ne vous laissez pas pren-
.dre en flagrant délit d'inanition. 0 n vous
soulagerait. Parce qu'il était sans pain,
cette femme avait trouvé le prétexte suffi-
sant pour lui donner à manget t Désor-
mais il était son domestique t Une défail-
lance d'estomac, et vous voià à la chaîne
pour la vie? Etre obligé, c'est être ex-
ploité. Les heureux, les puissants, profi-
tent du moment où vous tendez la main
pour vous mettre un sou dedans, et de la
minute où vous êtes lâche pour vous faire
esclave, et esclave de la pire espèce, en-
clave d'une charité, esclave forcé d'ai-
mer 1 quelle infamie ! quelle indélicatesse!
quelle surprise à notre fierté! Et c'est
fini, vous voilà condamné, à perpétuité, à
trouver bon cet homme, à trouver belle
cette femme, à rester au second plan du
subalterne, à approuver, à applaudir, à
admirer, à encenser, à vous prosterner, à
mettre à vos rotules le calus de l'agenouil-
lement, à sucrer vos paroles, quand vous
êtes rongé de colère, quand vous mâchez
des crjs de fureur, et quand vous avez en
vous plus de soulèvement sauvage et plus
d'écume amère que l'Océan !
C'est ainsi que les riches font prison-
nier le pauvre.
Cette glu de la bonne action commise
sur vous vous barbouille et vous embourbe
pour toujours.
Une aumône est irrémédiable. Recon-
naissance, c'est paralysie.' Le bienfait a
une adhérence visqueuse et répugnante
qui vous ôte vos libres mouvements. Les
odieux êtres opulents et gavés dont la pitié
a sévi sur vous le savent. C'est dit. Vous
êtes leur chose. Ils vous ont acheté. Com-
bien ? un os, qu'ils ont retiré à leur chien
pour vous l'offrir. Ils vous ont lancé cet os
à la tête. Vous avez été lapidé aufant que
secouru. C'est égal. Avez-vous rongé l'os,
oui ou non ? Vous avez eu aussi votre part
de la niche. Donc remerciez. Remerciez à
jamais. Adorez vos maîtres. Génuflexion
indéfinie. Le bienfait implique un sous-
entendu d infériorité acceptée par vous.
Ils exigent que vous vous sentiez pauvre
diable et que vous les sentiez dieux. Votre
diminution les augmente. Votre courbure
les redresse. Il y a dans leur son de voix
une douce pointe impertinente. Leurs évé-
nements de famille, mariages, baptêmes,
la femelle pleine, les petits qu'on met bas,
cela vous regarde. Il leur naît un louve-
teau, bien, vous composerez un sonnet.
Vous êtes poëte pour être plat. Si ce n'est
pas à faire crouler les astres 1 Un peu plus,
ils vous feraient user leurs vieux souliers !
— Qu'est-ce que vous avez donc là chez
vous, ma chère? qu'il est laid 1 qu'est-ce
que c'est que cet homme ? - Je ne sais
pas, c'est un grimaud que je nourris. —
Ainsi dialoguent ces dindes. Sans même
baisser la voix. Vous entendez et vous
restez mécaniquement aimable. Du reste,
si vous êtes malade, vos maîtres vous en-
voient le médecin. Pas le leur. Dans l'oc-
casion, ils s'informent. N'étant pas de la
même espèce que vous, et l'inaccessible
étant de leur côté, ils sont affables. Leur
escarpement les fait abordables. Ils savent
que le plàin-pied est impossible. A force
de dédain, ils sont polis. A table, ils vous
font un petit signe de tête. Quelquefois ils
savent l'orthographe de votre nom. Ils ne
vous font pas sentir qu'ils sont vos proted.
teurs autrement qu'en marchant naïve-
ment sur tout ce que vous avez de suscep-
tible et de délicat. Ils vous traitent avec
bonté!
Est-ce assez abominable?
Certes, il était urgent de châtier la Joè
siane. Il fallait lui apprendre à qui elle
avait eu affaire ! Ah ! messieurs les fiches,
parce que vous ne pouvez pas tout cpn<
sommer, parce que l'opulence aboutirait 1
l'indigestion, vu la petitesse de vos esto-
macs égaux aux nôtres, après tout, parce
qu'il vaut mieux distribuer les restes que
les perdre, vous érigez cette pâtée jetée aux
pauvres en magnificence!Ah! vous nous
donnez du pain, vous nous donnez un asile;
vous nous donnez des vêtements, vous noua
donnez un emploi, et vous poussez 1 au-
dace, la folie, la cruauté, l'ineptie et l'ab-
surdité jusqu'à croire que nous sommes
vos obligés ! ce pain, c'est un pain de ser-
vitude, cet asile, c'est une chambre de
valet, ces vêtements, c'est une livrée, cet
emploi, c'est une dérision, payée, soity
mais abrutissante! Ah 1 vous vous croyez
le droit de nous flétrir avec du logement
et de la nourriture, vous vous Impgiùpz
que nous vous sommes redevables, et vous
comptez sur de la reconnaissance! Eh
bien, nous vous mangerons lë ventral
Eh bien 1 nous vous détripaillerons, belle
madame, et nous vous dévorerons toute
en vie, et nous vous couperons les atta-
ches du cœur avec nos dents ! :
Cette Josiane! n'était-ce pas mous-
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