Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-07-10
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 juillet 1869 10 juillet 1869
Description : 1869/07/10 (N53). 1869/07/10 (N53).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7529771f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
N' 53 Samedi 10 juillet 1669.
Le numéro : 15 o. - Départements.: 20 o.
RÉDACTION
S'adresser au secrétaire de la rédaction
fe ALBERT BAUME
De 3 à 5 h. du soir
10, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus.
A..ONOD
MM CH. LAGRANGE, CERF et Cc(,
6, place de la Bourse, 6. [ -
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Mtâ. PAN IS ET a R A lM
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Montmartre, n° 13. -
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tuitement à tout ce qui a paru du feuille-
ton en cours de publication : L HOMME
QUi RIT, formant la valeur de quatre
volumes coûtant 30 fr. en librairie.
Les Pourparlers du Duel
La chambre ne s'est pas encore consti-
tuée hier, et la rencontre du pouvoir per-
sonnel f t du tiers-parti se voit ajournée
une fois de plus.
Nous devons à la vérité de reconnaître
que le plus pressé d'en venir aux mains
ne semble pas être le pouvoir.
Au premier moment, on aurait pu le
croire résolu. Ah 1 le suffrage universel
s'était exprimé ainsi sur son compte? Il
en aurait réparation. Aussitôt il avait pris
M. de Mackau pour témoin. Mais le len-
demain il n'était plus le même. Après avoir
menacé la chambre de M. Jérôme David,
il lui accordait M. Schneider. Il redeve-
nait tout belliqueux au camp de Châlons,
mais il ne tardait pas à donner des expli-
cations à M. Schneider. Les libéraux ont
rédigé chez M. Brame une note qu'ils vou-
laient lui faire signer : il a d'abord refusé
absolument d'en entendre parler, puis il
en a fait rédiger par M. du Miral une au-
tre à peu près pareille.
Les libéraux ayant repoussé l'interpel-
lation du Mirai, et ayant accentué la leur,
le duel est devenu nécessaire.
Alors, M. Rouher a consenti à se battre
- plus tard.
»
* *
Il y a un personnage de comédie qui,
amené sur le terrain malgré lui, demande
un mois « pour prendre des leçons » ; M.
Rouher en demande six.
„ Ceci est textuel. Le Public, qui est son
journal, supplie « qu'on n improvi-ie pas.»
Il faut d'abord une « longue » étude, un
débat qui soit « une très sage et très sé-
rieuse consultation donnée au gouverne-
ment. » Le gouvernement apprendra ce
qu'il doit faire et « donnera rendez-vous à
une époque déterminée. »
"'C'est leduellum î-emottim (le duel ajour-
né), en usage autrefois dans les pays du
Nord, et tel que le lieutenant d'Ahlefeld le
propose à Ordener dans Han d'Islande:
« Si vous voulez me fixer le lieu et les ar-
mes, ma fine lame de Tolède ou mon poi-
gnard de Mérida seront à la disposition de
votre hachoir sorti des forges d'Ashkreuth
ou de votre couteau de chasse trempé dans
le lac de Sparbo. » Les plus vaillants gen-
tilshommes proposaient et acceptaient le
) ,:;. '.,,,,-
^dfyêjliufti remotum. On le remettait à p'u-
sïBtrrâ-mois, quelquefois à plusieurs an-
nées.
Seulement, durant cet intervalle, les
adversaires étaient tenus de ne s'occuper,
ni en paroles ni en actions, de l'objet du
defi. On laissait loyalement les choses en
l'état dans les anciens tour-
nois, si les juges du camp, ayant un doute,
jetaient leur bâton dans l'arène, à l'ins-
tant les combattants s'arrêtaient, et, jus-
qu'à l'éclaircissement du doute, la gorge
du vaincu restait à la même distance de
l'épée du vainqueur.
M. Rouher, lui, en implorant un délai,
n'avait pas l'intention de laisser les choses
telles quelles, et de maintenir sa gorge
sous la pointe de l'épée parlementaire; il
comptait bien, au contraire, profiter du
temps pour se relever et peut-être pour
devenir, au moyen d'un adroit croc-en-
jambe, celui qui aurait l'épée sur la gorge
de l'autre.
Le tiers-parti n'a pas aspiré à ce chan-
gement de position et a refusé l'ajourne-
ment.
On n'est pas gouvernement pour rien.
Puisqu'on n'avait pas le consentement du
centre gauche, il n'y avait qu'à s'en pas-
ser. Le Temps a dénoncé une idée de
M. Rouher, qui aurait été de traîner la
vérification des pouvoirs jusqu'à la proro-
gation. De sorte que, quand la chambre,
enfin constituée, serait arrivée sur le ter-
rain avec son interpellation, elle y aurait
trouvé un commissaire du gouvernement
lui enjoignant de quitter la place.
On a craint que cette manière de se
battre ne fit un peu trop ressembler le
pouvoir à ces farouches duellistes qui pré-
viennent les gendarmes, et on y a renoncé.
*
* *
Dans ce moment, on en est aux pour-
parlers.
On s'adresse à ceux qu'on croit plus
modérés parmi les signataires de l'inter-
pellation. On leur dit qu'on l'acceptera, si
les signataires veulent en retrancher un
paragraphe.
M. de Talhotfët d'abord, et M. Buffet
ensuite, n'auraient pas même consenti à
transmettre la demande.
.Alors,, battons-nous 1 dit le pouvoir.
Mais le Constitutionnelle retient, aisé-
ment.
Le Constitutionnel a trouvé une façon
ingénieuse d'expliquer au pouvoir person-
nel que c'est un hommage que lui rend le
centre gauche en l'invitant à abdiquer.
N'est-ce pas l'empire qui, en nous initiant
à laliberté graduèllement et sans secousse,
nous a familiarisés avec elleyet alors la re-
vendication ne prouve-t-elle pas pour lui ?
Et tout doucement le Constitutionnel en
arrive à cette phrase : « La France, con-
fiante dans son gouvernement, demande
à rentrer en possession de tous ses droits.»
Nous doutons qu'on charmât prodigieu-
sement un caissier en lui disant : « J'ai
une telle foi en vous que je vous retire la
clé de ma caisse. » Nous sommes donc
modérément surpris de ne pas voir le gou-
vernement personnel se rendre aux éloges
du Constitutionnel..
M. Robert Mitchell ayant échoua c'est
le tour'de M. Clément Duvernois.
M. Duvernois vient de la part du pou-
voir avec des paroles de conciliation.
Voyons, le tiers paiti ne veut pas la mort
de l'empire; « les signataires de tinter-
pellatioii sont sincèrement at'acliés à la
dynastie; » l'empire, de son côté, « n'est
pas p-oré pir son tempérament à résister
-auxjifenifestations de 1 "ÇtihU-
que. » On peut donc s'entendre. Eh bien,
voici une cftose possible. On vt ut que les
mini-tres soient responsables, ils le seront,
— mais l'empereur aussi. L'empereur
donneia la responsabilité, et la gardera.
Ayant la responsabilité, il sera nécessaire-
ment maître de choisir ses agents. Quand
les ministres ne conviendront pas à la
chambre, elle aura le droit de demander
leur renvoi, et lui de Je refuser.
Le centre gauche répond nettement :
- Non.
Oh! bien, s'il répond non à tout, il faut
en finir. M. Rouher dû : —Je me bats!
— et ne se bat pas.
Tout à coup, il s'aperçoit qu'il y a une
Constitution. Il est sauvé. La Constitution
ne permet pas qu'on la discute, l'interpel-
lation contrevient à un texte formel, elle
n'a pas droit, elle n'existe pas.
Mais la Constitution ne paraît pas faire
peur au tiers-parti. Le Moniteur : « Si les
lois, les sénatus-consultes et les règlements
intérieurs s'y opposent, ilfautles èhanger.»
-La Liberté déclare qu' « au point où erisent
les cho es, » la quest:on de constitution-
nalité est « une question oiseuse, » et
qu'il y a de la « naïveté » à parler d'in-
constitutionnalité dans un pays qui a vu
se succéder, se chasser l'une l'autre, onze
Constitutions, et qui a justifié plus que tout
autre le mot célèbre de Car;yle : - La
meilleure des Constitutions ne vaut pas le
chiffon de papier sur lequel elle est écrite. »
Ceci est d'hier soir. Mais ce malin, le
centre gauche, si déterminé jusqu'ici, ne
l'est plus autant. Le Constitutionnel, qui,
l'autre semaine, proposait gaillardement
de livrer la Constitution à cinq Tarquins à
la fois, aujourd'hui se fait scrupule de
loucher seulement à sa robe. Il sollicite
assez piteusement, une « transaction. »
Que le gouvernement accorde quelque
chose, et l'interpellation libérale sera re-
tirée.
*
Voilà ce qui se passe depuis huif jours.
Les propositions se succèdent et se.
contredisent. Le pouvoir personnel hésite,
et d'heure en heure change son mot
d'ordre. Le matin c'est: Résistance; le
soir, c'est : Concession. M. Rouher avan-
ce, recule, dit oui, dit non, dit peut-
être," menace, fait des excuses, montre le
poing, tend la main. Au moins, jusqu'à
présent, le centre gauche avait eu de la
décision et de l'énergie. S'il se met à recu-
ler aussi, ce sera un duel bizarre.
Ceci finira-t-il par une rencontre sé-
rieuse? Une rencontre? peut-être; sé-
rieuse? non. Ce n'est pas sans une cer-
taine difficulté qu'on parviendrait à nous
convaincre que M. de Mackau, qui a
signé l'interpellation, tient tant que ça
au trépas du gouvernement personnel.
Quand même M. Rouher ne réussirait
pas à arranger l'affaire, ce ne serait ja-
mais qu'un duel au premier sang, et la
moindre égratignure produirait immédia-
tement la plus touchante réconciliation,
et un déjeuner — dont on nous présente-
rait Ja carte.
Auguste Vacquerie.
ç
LA PETITE GUERRE
';-, * -
Il y a cette différence entre M. Ollivier
et les girouettes, que les girouettes s'ar-
rêtent quelquefois et que M. Ollivier ne
s'arrête jamais. Mais que devons-nous
penser de M. du MiraI et des membres de
la majorité qui, il y a un mois, étaient au-
toritaires, et qui signent, aujourd'hui, des
demandes d'interpellation plus ou moins
libérales ? Oa les croyait fermes, immobiles
comme des morceaux de bois fichés en
terre. Ils indiquaient, depuis six ans, à la
France le chemiu de l'absolutisme. Je me
les représentais ayant sur la poitrine une
main peinte en noir, l'index tendu, avec
cette inscription au-dessous :
— C'est ici.
-Quel vent souffle donc, qui, non content
de faire valser les girouettes, fait encore
tourner les poteaux?
Ces conversions si rapides font ressem-
bler la vie politique à ces bals masqués où
l'on change plusieurs fois de costume. Il
me semble lipe dans le compte-rendu des
chambres
A minuit, M. du Mirai a fait son entrée
en Turc de la Restauration, avec un soleil
dafir'ft'tïos. ™
* A 3 heures du matin, M. du Mirai a re-
paru en chiffonnier Louis XV.
Én un mois de temps, M. du Mirai a
changé de peau. C'est un peu plus qu'il
n'en faut aux couleuvres et un peu moins
qu'il n'en faut aux homards. Eu quittant le
corps législatif, il a laissé sa vieile peau au
vestiaire. Je crains maintenant qu'ahandon-
née au milieu des parapluies, cette vieille
peau ne finisse par s'ennuyer considérable-
ment. Elle est capable de reparaître et
d'aller s'asseoir à son ancienne place. Vous
jugez du scandale! On la prendrait peut-
être pour un député.
Une scène terrible s'ensuivrait, et telle
qu'on n'en rencontre pas d'analogue dans
nos annales parlementaires. M. Du Mirai est
à la tribune.
M. DU MIRAL : Je viens, messieurs, récla-
mer l'initiative parlementaire.
UNE voix, interrompant : Vous anéanti-
riez la constitution !
M. DU MIRAL : J'admire l'empereur 1
LA voix : Mais vous ne voulez plus qu'il
soit le niattre.. - --
M. DU MIRAL : Je suis impérialiste!
LA VOIX. — As-tu fini !
M. DU MIRAL (agace). — Je prie l'inter-
rupteur de se faire connaître.
(Quelque chose se décroche d'unpatère et
s'avance. On reconnaît la vieille peau de M. du
Miral).
M. DU MIRAL (écrasé). - Ma vieille peau !
(Etonnement du tiers-parti. Joie de la ma-
jorité. Vengeance immédiate de la vieille peau;
elle accroche M. du Miral au vestiaire. Apa-
théose. )
Cette aventure pouvait arriver à un grand
nombre de candidats officiels.
Supposons maintenant que l'interpellation
Buffet, Segris, etc., réussisse. Devrons nous
compter beaucoup, pour soutenir un sys-
tème soi-disant libéral, sur la sincérité
d'une majorité qui aura passé dix-huit ans
de sa vie à déclarer ce système « absurde » ?
Il me semble qu'il faudrait, quand on aura
obtenu l'élection des maires, l'abolition des
candidatures officielles, la responsabilité
des ministres, prier le pays de renouveler
la chambre.
Pour une politique nouvelle il faut des
hommes nouveaux. Les électeurs en trou-
veront, soyez-en sûrs. Des gens qui ont été
autoritaires toute leur vie ne deviennent
pas libéraux du jour au lendemain.
- « L'autoritarisme » et' le libéralisme,
c'est l'eau et le feu. Or, permettez moi une
comparaison un peu vive et que je crois
juste. J'affirme qu'en la faisait je niai l'in-
tention d'offenser personne. Je serais même
désolé d'offenser que lqu'un. Je dis donc que,
quand on veut allumer son feu, on n'em-
ploie pas des clyso-pompes.
Edouard Lockroy.
LA SÉANCE
Débuts ternes ; on bâille quelque peu
dans les tribunes pendant la lecture des
premiers rapports.
M. Pelletan anime un instant la salle par
une vive interpellation sur les élections de
la Loire Inférieure : — Pourquoi la circon-
scription de Nantes compte-t elle 45,000
électeurs, tandis que le collége voisin n'en
a que 32,000, c'est-à-dire 3,000 de moins
que le nombre exigé par la constitution?
Pourquoi a-t-on accumulé autour de Nantes
des cantons ruraux, qui semblent destinés
à étouffer la voix de cette grande cité ?
Aux questions pressantes de M. Pelletan,
M. Genteur répond avec son assurance ha-
bituelle, mais assez peu adroitement pour
que le ministre de l'intérieur l'interrompe
d'un geste discret.
Nouvel incident : M. Raspail est à la tri-
bune. Chacun prête l'oreille. M. Raspail a
dit d'excellentes choses, entremêlées de
considérations élevées, philosophiques, qui
n'ont pas toutes paru da goût de la majo-
rité, sur les délits électoraux des fonction-
naires, et de ceriains ecc!ésiast:ques. Il a
déploré l'impuissance du citoyen à faire
respecter la loi par de hommes que met
au-dessus d'elle le funeste article 75 de la
constitution de l'an VIII. Et pourtant, il
faut une sanction à la loi. — Laquelle?
Pourquoi n'infligerait-on pas à ces fonc-
tionnaires des peines pécuniaires en arrê-
tant leur traitement pendant un temps
plus ou moins long. ',.
L'idée était originale. La majorité a es-
sayé d'en rire. Il n'y avait pas de quoi, car
cette idée est pratiquée dans plusieurs Etats
d'Amérique, qui s'en trouvent fort bien,
dit-on.
Un dernier mot de M. Raspail sur l'atti-
tude de la police parisienne à l'époque des
élections a paru sensible au gouvernement.
Le ministre de l'intérieur a répondu par
une courte et chaude apologie de la police
que la gauche a accueillie par des protesta-
tions non moins vives.
Le compte rendu officiel mentionnera
sans doute quelques paroles de M. Pelle-
tan que nous nous gardons de reproduire
ici, sachant combien le parquet aime peu
ces sortes de vérités à l'adresse de la police.
Voici venir une élection contestée, très
contestée, celle de M. de Guilloutet, dans
les Landes. Les protestations abondent;
Jules Ferry a le dossier et il demande l'a-
journement. Mais tels sont le trouble et le
désarroi mis dans le classement des élec-
tions par les derniers ordres du jour, que
cette réclamation si naturelle mécontente
la majorité. Elle veut qu'on discute tout de
suite. L'expérience de M. Justin Durdnd ne
l'a donc pas corrigée?
M. Jules Favre intervient énargiquement
et accuse le gouvernement, inspirateur de
cette tactique insolite, de vouloir retarder
indéfiniment la constitution de la cham-
bre.
« Vous voulez ajourner les comptes que
vous avez à rendre au pays et gagner les
quelques heures qui vous sont nécessaires
pour l'accomplissement de vos intrigues. »
A ces mots, M. Rouher reconnaît sans,
peine qu'irest directement interpellé. - ,
., Il se lève. Grand silence».. -
Croirié&>*Mf». bteâ- qu'lt *"a'a rjenUw&é
de mieux à évoquerpogr se défendre que.
devinez ? — Le spectre encore ? Oh! non! -
Eh bien, si ! le spectre! le spectre rouge lui-
même ! la Révolution qui. la Révolution
que, etc., etc.
Et, pour en finir, chaleureux appel à l'u-
nion de majorité.
On applaudit. — Comment! on applau-
dit! Et les 114? — Oh ! rassurez-vous, quel-
ques fidèles seulement battent des mains.
On a pu les compter : ils sont environ une
trentaine.
L'horloge tranche la question d'ajourne-
ment de l'élection des Landes. Le débat
n'aura. lieu qu'aujourd'hui. On s'attend à
un brillant et vigoureux début de M. Jules
Ferry, qui ouvrira le feu contre M. de Guil-
loutet.
Au moment de clore, M. Ernest Picard
fait un nouvel effort pour obtenir que l'é-
lection des secrétaires soit mise à l'ordre
du jour de la séance suivante. La majorité
tient bon. Elle ne veut pas se constituer,
elle veut attendre, avant d'ouvrir la campa-
gne des interpellations, ses fidèles encore
attaràlé* dans les limbes des élections con-
te tées.
Quant au règlement, voilà longtemps
qu'il n'attend plus!
E. Laferrière.
LE SURSIS
Les condamnés à mort croient avoir
beaucoup gagné lorsqu'ils ont reculé de
quelques jours la fatale échéance, en si-
gnant une demande de sursis.
En de si tristes conjonctures, tout répit
- est l'espoir, l'inconnu, 1a vie ! Le plus ré-
solu l'implore et s'y attache avec l'énergie
du désespoir. ,
Aussi, ne sommes-nous pas surpris des
efforts que les ministres déploient pour re-
tarder la constitution de la chambre et
ajourner l'exécution de l'arrêt dont la mi-
nute semble déjà préparée.
M. Rouher surtout lutte avec persistance.
Hier encore il intervenait dans une dis-
cussion de règlement, avec autant d'en-
train que s'il était membre de l'assemblée;
Il n'en avait nul droit, puisqu'il faut parler net.
Il est clair que le gouvernement n'a pas
mission de dire à la chambre quel jour elle
doit se constituer et quel sens elle doit
donner à tel article de son règlement. Mais
que voulez vous? L'instinct de ccnservation
est une loi fatale du cœur humain à laquelle
les vizirs eux-mêmes ne peuvent entière-
ment se soustraire, et nous ne devons pas
reprocher aux ministres d'avoir signé des
deux mains leur demande de sursis.
La chambre, de son côté, n'a pu se faire
sérieusement iilusion ni sur le sens de l'ar-
ticle 56, ni sur la valeur des raisons invo-
quées pour le combattre. Il est évident
qu'elle a moins statué sur une question de
règlement que sur une question d'huma-
nité.
Quoi de plus clair, en effet, que cet arti-
cle 56 :
« Après la vérification des pouvoirs, et
Feuiîieton du RAPPEL
31 DU 10 JUILLET 1869.
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DU ROI
LIVRE PREMIER
ÉTERNELLE PRÉSENCE DU PASSÉ;
LES HOMMES REFLÈTENT L'HOMME.
de
1
y
La reine Anne
1
Au-dessus de ce couple, il y avait Anne,
reiue d'Angleterre.
Reproduction interdite.
Voir lft» rmmtfros dn 3 mai au 5 juin, ceux du 30
JuiD, des 1er, 2 el 6 juillet.
La première femme venue, c'était la
reine Anne. Elle était gaie, bienveitlante,
auguste, à peu près. Aucune de ses quali-
tés n'atteignait à la vertu, aucune de ses
imperfections n'atteignait au mal. Son
embonpoint était boum, sa malice était
épaisse, sa bonté était bête. Elfe était te-
nace et molle. Epouse, elle était infidèle
et fidèle, ayant des favoris auxquels elle
livrait son cœur, et un consôrt auquel elle
gardait son lit. Chrétienne, elle était hé-
rétique et bigote. Elle avait une beauté,
le cou robuste d'une Niobé. Le reste de sa
personne était mal réussi. Elle était gau-
chement coquette, et honnêtement. Sa
peau était blanche et fine, elle la montrait
beaucoup. C'est d'elle que venait la mode
du collier de grosses perlés serré au cou.
Elle avait le front étroit, les lèvres sen-
suelles, les joues charnues, l'œil gros, la
vue basse. Sa myopie s'étendait à son es-
prit. A part çà et là un éclat de jovialité,
presque aussi pesante que sa colère, elle
vivait dans une sorte de gronderie taci-
turne et de silence grognon. Il lui échap-
pait des mots qu'il fallait deviner. C'était
un mé'ange de la bonne femme et de la
méchante diablesse. Elle aimait l'inat-
tendu, ce qui est profondément féminin.
Anne était un échantillon à peine dé-
grossi de l'Eve universelle. A cette ébau-
che était échu ce hasard, le trône. Elle
buvait. Son mari était un danois, de-
race.
Tory, elle gouvernait par les whighs.
En femme, en folle. Elle avait des rages.
Elle était casseuse. Pas de personne plus
maladroite pour manier les choses de l'E-
tat. Elle JaisSit tomber à terre les événe-
ments. Tottte sa politique était fêlée. Elfe
excejlait à faire de grosses catastrophes
avec de petites causes. Quand une fantai-
sie d'autorité lui prenait, elle appelait
cela : donner le coup de poker.
Elle disait avec un air de profonde rê-
verie des paroles telles que celles - ci :
« Aucun pair ne peut être couvert devant
le roi, excepté Courcy, baron Kinsale, pair
d'Irlande». Elle disait: «Ce serait une
injustice que mon mari ne fût pas lord-
amiral, puisque mon père l'a été ». — Et,
elle faisait George de Danemark haut-
amiral d'Angleterre (c and of ail Her Ma-
jesty's Plantations». Elle était perpétuel-
lement en transpiration de mauvaise hu-
meur; elle n'exprimait pas sa pensée,
elle l'exsudait. (11 y avait du sphirit dans
cette oie.
Elle ne haïssait point le fun, la farce ta-
quine et hostile. Si elle eût pu faire Apol-
lon bossu, c'eût été sa joie. Mais elle l'eût
laissé dieu. Bonne, elle avait pour idéal
de ne désespérer personne, et d'ennuyer
tout le monde. Elle avait souvent le
mot cru, et, un peu plus, elle eût juré,
comme Elisabeth. De temps en temps,
elle prenait dans une poche d'homme
qu'elle avait à sa jupe une petite boîte ronde
d'argent repoussé, sur laquelle était son
portrait de profil, entre les deux lettres Q.
A. 1, ouvrait cette boîte, et en tirait avec
le bout de son doigt un peu de pommade
dont elle se rougissait le3 lèvres. Alors,
(1) Qneen Ann.
ayant arrangé sa bouche, elle riait. Elle
était très friande des pains d'épice
plats de Zélande. Elle était fière d'être
grasse.
Puritaine plutôt qu'autre chose, elle
eût pourtant volontiers donné dans les
spectacles. Elle eut une velléité d'Acadé-
mie de musique, copiée sur celle de
France. En 1700, un français nommé
Forteroche voulut construire à Paris un
« Cirque Royal » coûtant quatre cent
mille livres, à quoi d'Argenson s'opposa ;
ce Forteroche passa en Angleterre, et pro-
posa à la reine Anne, qui en fut un mo-
ment séduite, l'idée de bâtir à Londres un
théâtre à machines, plus beau que celui
du roi de France, et ayant un quatrième
dessous. Comme Louis XIV, elle aimait
que son carrosse galopât. Ses attelages et
ses relais faisaient quelquefois en moins
de cinq quarts d'heure le trajet de Wind-
sor à Londres.
II
Du temps d'Anne, pas de réunion sans
l'autorisation de deux juges de paix. Douze
personnes assemblées, fût-ce pour manger
des huîtres et boire du porter, étaient en
félonie.
Sous ce règne, pourtant relativement
débonnaire, la presse pour la flotte se fit
avec une extrême violence; sombre preuve
que l'anglais est plutôt sujet que citoyen.
Depuis des siècles le roi d'Angleterre avait
là un procédé de tyran qui démentait tou-
tes les vieilles chartes de franchise, et dont
la France en particulier triomphait et s'in-
dignait. Ce qui diminue un peu ce triom-
phe, c'est que, en regard de la presse des
matelots en Angleterre, il y avait en
France la presse des soldats. Dans toutes
les grandes villes de France, tout homme
valide allant par les rues à ses affaires
était exposé à être poussé par les racoleurs,
dans une maison appelée four. Là on
l'enfermait pêle-mêle avec d'autres, on
triait ceux qui étaient propres au service,
et les recruteurs vendaient ces passants
aux officiers. En 1695, il y avait à Paris
trente fours.
Les lois contre l'Irlande, émanées de la
reine Anne, furent atroces.
Anne était née en 1664, deux ans avant
l'incendie de Londres, sur quoi les astro-
logues — (il y en avait encore, témoin
Louis XIV, qui naquit assisté d'un astro-
logue et emmail lotte dans un horoscope)
— avaient prédit qu'étant « la sœur aînée
du feu, » elle serait reine. Elle le fut,
grâce à l'astronomie et à la Révolution
de i688. Elle était humiliée de n'avoir
pour parrain que Gilbert, archevêque de
Cantorbéry. Etre filleule du pape n'était
plus possible en Angleterre. Un simple
primat est un parrain médiocre. Anne dut
s'en contenter. C'était sa faute. Pourquoi
était-elle protestante?
Le Danemark avait payé sa virginité,
virginitas empta, comme disent les vieilles
chartes, d'un douaire de six mille deux
cent cinquante livres sterling de rente,
pris sur le bailliage de Wardinbourg et
sur l'île de Fehmarn.
Anne suivait, sans conviction et par rou-
tine, les traditions de Guillaume. Les An-
glais, sous cette royauté née d'une révolu-
tion, avaient tout ce qui peut tenir de li-
berté entre la Tour de Londres où l'on
mettait l'orateur et le pilori où l'on met-
tait l'écrivain. Anne parlait un peu da-
nois, pour ses aparté avec son mari, et un
peu français pour ses aparté avec Boling-
broke. Pur baragouin ; mais c'était, à la
cour surtout, la grande mode anglaise de
parler français. Il n'y avait de bon mot
qu'en français. Anne se préoccupait des
monnaies, surtout des monnaies de cui-
vre, qui sont les basses et les populaires;
elle voulait y faire grande figure. Six far-
things furent frappés sous son règne. Au
revers d s trois premiers, elle fit mettre
simplement un trône ; au revers du qua-
trième, elle voulut un char de triomphe
et au revers du sixième une déesse tenant
d'une main l'épée et de l'autre l'olivier
avec l'exergue Bello et Pace. Fille de Jac-
ques II, qui était ingénu et féroce, elle
était brutale.
Et en même temps au fond elle était
douce. Contradiction qui n'est qu'appa-
rente. Une colère la métamorphosait.
Chauffez le sucre, il bouillonnera.
Anne était populaire. L'Angleterre
aime les femmes régnantes. Pourquoi? la
France les exclut. C'est déjà une raison.
Peut-être même n'y en a-t-il point d'autre.
Pour les historiens anglais, E;J.isabeth,
c'est la grandeur, Anne, c'est la bonté
Gomme on voudra. Soit. Mais rien de dé-
Le numéro : 15 o. - Départements.: 20 o.
RÉDACTION
S'adresser au secrétaire de la rédaction
fe ALBERT BAUME
De 3 à 5 h. du soir
10, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus.
A..ONOD
MM CH. LAGRANGE, CERF et Cc(,
6, place de la Bourse, 6. [ -
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Mtâ. PAN IS ET a R A lM
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Montmartre, n° 13. -
, ", ..,
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tuitement à tout ce qui a paru du feuille-
ton en cours de publication : L HOMME
QUi RIT, formant la valeur de quatre
volumes coûtant 30 fr. en librairie.
Les Pourparlers du Duel
La chambre ne s'est pas encore consti-
tuée hier, et la rencontre du pouvoir per-
sonnel f t du tiers-parti se voit ajournée
une fois de plus.
Nous devons à la vérité de reconnaître
que le plus pressé d'en venir aux mains
ne semble pas être le pouvoir.
Au premier moment, on aurait pu le
croire résolu. Ah 1 le suffrage universel
s'était exprimé ainsi sur son compte? Il
en aurait réparation. Aussitôt il avait pris
M. de Mackau pour témoin. Mais le len-
demain il n'était plus le même. Après avoir
menacé la chambre de M. Jérôme David,
il lui accordait M. Schneider. Il redeve-
nait tout belliqueux au camp de Châlons,
mais il ne tardait pas à donner des expli-
cations à M. Schneider. Les libéraux ont
rédigé chez M. Brame une note qu'ils vou-
laient lui faire signer : il a d'abord refusé
absolument d'en entendre parler, puis il
en a fait rédiger par M. du Miral une au-
tre à peu près pareille.
Les libéraux ayant repoussé l'interpel-
lation du Mirai, et ayant accentué la leur,
le duel est devenu nécessaire.
Alors, M. Rouher a consenti à se battre
- plus tard.
»
* *
Il y a un personnage de comédie qui,
amené sur le terrain malgré lui, demande
un mois « pour prendre des leçons » ; M.
Rouher en demande six.
„ Ceci est textuel. Le Public, qui est son
journal, supplie « qu'on n improvi-ie pas.»
Il faut d'abord une « longue » étude, un
débat qui soit « une très sage et très sé-
rieuse consultation donnée au gouverne-
ment. » Le gouvernement apprendra ce
qu'il doit faire et « donnera rendez-vous à
une époque déterminée. »
"'C'est leduellum î-emottim (le duel ajour-
né), en usage autrefois dans les pays du
Nord, et tel que le lieutenant d'Ahlefeld le
propose à Ordener dans Han d'Islande:
« Si vous voulez me fixer le lieu et les ar-
mes, ma fine lame de Tolède ou mon poi-
gnard de Mérida seront à la disposition de
votre hachoir sorti des forges d'Ashkreuth
ou de votre couteau de chasse trempé dans
le lac de Sparbo. » Les plus vaillants gen-
tilshommes proposaient et acceptaient le
) ,:;. '.,,,,-
^dfyêjliufti remotum. On le remettait à p'u-
sïBtrrâ-mois, quelquefois à plusieurs an-
nées.
Seulement, durant cet intervalle, les
adversaires étaient tenus de ne s'occuper,
ni en paroles ni en actions, de l'objet du
defi. On laissait loyalement les choses en
l'état dans les anciens tour-
nois, si les juges du camp, ayant un doute,
jetaient leur bâton dans l'arène, à l'ins-
tant les combattants s'arrêtaient, et, jus-
qu'à l'éclaircissement du doute, la gorge
du vaincu restait à la même distance de
l'épée du vainqueur.
M. Rouher, lui, en implorant un délai,
n'avait pas l'intention de laisser les choses
telles quelles, et de maintenir sa gorge
sous la pointe de l'épée parlementaire; il
comptait bien, au contraire, profiter du
temps pour se relever et peut-être pour
devenir, au moyen d'un adroit croc-en-
jambe, celui qui aurait l'épée sur la gorge
de l'autre.
Le tiers-parti n'a pas aspiré à ce chan-
gement de position et a refusé l'ajourne-
ment.
On n'est pas gouvernement pour rien.
Puisqu'on n'avait pas le consentement du
centre gauche, il n'y avait qu'à s'en pas-
ser. Le Temps a dénoncé une idée de
M. Rouher, qui aurait été de traîner la
vérification des pouvoirs jusqu'à la proro-
gation. De sorte que, quand la chambre,
enfin constituée, serait arrivée sur le ter-
rain avec son interpellation, elle y aurait
trouvé un commissaire du gouvernement
lui enjoignant de quitter la place.
On a craint que cette manière de se
battre ne fit un peu trop ressembler le
pouvoir à ces farouches duellistes qui pré-
viennent les gendarmes, et on y a renoncé.
*
* *
Dans ce moment, on en est aux pour-
parlers.
On s'adresse à ceux qu'on croit plus
modérés parmi les signataires de l'inter-
pellation. On leur dit qu'on l'acceptera, si
les signataires veulent en retrancher un
paragraphe.
M. de Talhotfët d'abord, et M. Buffet
ensuite, n'auraient pas même consenti à
transmettre la demande.
.Alors,, battons-nous 1 dit le pouvoir.
Mais le Constitutionnelle retient, aisé-
ment.
Le Constitutionnel a trouvé une façon
ingénieuse d'expliquer au pouvoir person-
nel que c'est un hommage que lui rend le
centre gauche en l'invitant à abdiquer.
N'est-ce pas l'empire qui, en nous initiant
à laliberté graduèllement et sans secousse,
nous a familiarisés avec elleyet alors la re-
vendication ne prouve-t-elle pas pour lui ?
Et tout doucement le Constitutionnel en
arrive à cette phrase : « La France, con-
fiante dans son gouvernement, demande
à rentrer en possession de tous ses droits.»
Nous doutons qu'on charmât prodigieu-
sement un caissier en lui disant : « J'ai
une telle foi en vous que je vous retire la
clé de ma caisse. » Nous sommes donc
modérément surpris de ne pas voir le gou-
vernement personnel se rendre aux éloges
du Constitutionnel..
M. Robert Mitchell ayant échoua c'est
le tour'de M. Clément Duvernois.
M. Duvernois vient de la part du pou-
voir avec des paroles de conciliation.
Voyons, le tiers paiti ne veut pas la mort
de l'empire; « les signataires de tinter-
pellatioii sont sincèrement at'acliés à la
dynastie; » l'empire, de son côté, « n'est
pas p-oré pir son tempérament à résister
-auxjifenifestations de 1 "ÇtihU-
que. » On peut donc s'entendre. Eh bien,
voici une cftose possible. On vt ut que les
mini-tres soient responsables, ils le seront,
— mais l'empereur aussi. L'empereur
donneia la responsabilité, et la gardera.
Ayant la responsabilité, il sera nécessaire-
ment maître de choisir ses agents. Quand
les ministres ne conviendront pas à la
chambre, elle aura le droit de demander
leur renvoi, et lui de Je refuser.
Le centre gauche répond nettement :
- Non.
Oh! bien, s'il répond non à tout, il faut
en finir. M. Rouher dû : —Je me bats!
— et ne se bat pas.
Tout à coup, il s'aperçoit qu'il y a une
Constitution. Il est sauvé. La Constitution
ne permet pas qu'on la discute, l'interpel-
lation contrevient à un texte formel, elle
n'a pas droit, elle n'existe pas.
Mais la Constitution ne paraît pas faire
peur au tiers-parti. Le Moniteur : « Si les
lois, les sénatus-consultes et les règlements
intérieurs s'y opposent, ilfautles èhanger.»
-La Liberté déclare qu' « au point où erisent
les cho es, » la quest:on de constitution-
nalité est « une question oiseuse, » et
qu'il y a de la « naïveté » à parler d'in-
constitutionnalité dans un pays qui a vu
se succéder, se chasser l'une l'autre, onze
Constitutions, et qui a justifié plus que tout
autre le mot célèbre de Car;yle : - La
meilleure des Constitutions ne vaut pas le
chiffon de papier sur lequel elle est écrite. »
Ceci est d'hier soir. Mais ce malin, le
centre gauche, si déterminé jusqu'ici, ne
l'est plus autant. Le Constitutionnel, qui,
l'autre semaine, proposait gaillardement
de livrer la Constitution à cinq Tarquins à
la fois, aujourd'hui se fait scrupule de
loucher seulement à sa robe. Il sollicite
assez piteusement, une « transaction. »
Que le gouvernement accorde quelque
chose, et l'interpellation libérale sera re-
tirée.
*
Voilà ce qui se passe depuis huif jours.
Les propositions se succèdent et se.
contredisent. Le pouvoir personnel hésite,
et d'heure en heure change son mot
d'ordre. Le matin c'est: Résistance; le
soir, c'est : Concession. M. Rouher avan-
ce, recule, dit oui, dit non, dit peut-
être," menace, fait des excuses, montre le
poing, tend la main. Au moins, jusqu'à
présent, le centre gauche avait eu de la
décision et de l'énergie. S'il se met à recu-
ler aussi, ce sera un duel bizarre.
Ceci finira-t-il par une rencontre sé-
rieuse? Une rencontre? peut-être; sé-
rieuse? non. Ce n'est pas sans une cer-
taine difficulté qu'on parviendrait à nous
convaincre que M. de Mackau, qui a
signé l'interpellation, tient tant que ça
au trépas du gouvernement personnel.
Quand même M. Rouher ne réussirait
pas à arranger l'affaire, ce ne serait ja-
mais qu'un duel au premier sang, et la
moindre égratignure produirait immédia-
tement la plus touchante réconciliation,
et un déjeuner — dont on nous présente-
rait Ja carte.
Auguste Vacquerie.
ç
LA PETITE GUERRE
';-, * -
Il y a cette différence entre M. Ollivier
et les girouettes, que les girouettes s'ar-
rêtent quelquefois et que M. Ollivier ne
s'arrête jamais. Mais que devons-nous
penser de M. du MiraI et des membres de
la majorité qui, il y a un mois, étaient au-
toritaires, et qui signent, aujourd'hui, des
demandes d'interpellation plus ou moins
libérales ? Oa les croyait fermes, immobiles
comme des morceaux de bois fichés en
terre. Ils indiquaient, depuis six ans, à la
France le chemiu de l'absolutisme. Je me
les représentais ayant sur la poitrine une
main peinte en noir, l'index tendu, avec
cette inscription au-dessous :
— C'est ici.
-Quel vent souffle donc, qui, non content
de faire valser les girouettes, fait encore
tourner les poteaux?
Ces conversions si rapides font ressem-
bler la vie politique à ces bals masqués où
l'on change plusieurs fois de costume. Il
me semble lipe dans le compte-rendu des
chambres
A minuit, M. du Mirai a fait son entrée
en Turc de la Restauration, avec un soleil
dafir'ft'tïos. ™
* A 3 heures du matin, M. du Mirai a re-
paru en chiffonnier Louis XV.
Én un mois de temps, M. du Mirai a
changé de peau. C'est un peu plus qu'il
n'en faut aux couleuvres et un peu moins
qu'il n'en faut aux homards. Eu quittant le
corps législatif, il a laissé sa vieile peau au
vestiaire. Je crains maintenant qu'ahandon-
née au milieu des parapluies, cette vieille
peau ne finisse par s'ennuyer considérable-
ment. Elle est capable de reparaître et
d'aller s'asseoir à son ancienne place. Vous
jugez du scandale! On la prendrait peut-
être pour un député.
Une scène terrible s'ensuivrait, et telle
qu'on n'en rencontre pas d'analogue dans
nos annales parlementaires. M. Du Mirai est
à la tribune.
M. DU MIRAL : Je viens, messieurs, récla-
mer l'initiative parlementaire.
UNE voix, interrompant : Vous anéanti-
riez la constitution !
M. DU MIRAL : J'admire l'empereur 1
LA voix : Mais vous ne voulez plus qu'il
soit le niattre.. - --
M. DU MIRAL : Je suis impérialiste!
LA VOIX. — As-tu fini !
M. DU MIRAL (agace). — Je prie l'inter-
rupteur de se faire connaître.
(Quelque chose se décroche d'unpatère et
s'avance. On reconnaît la vieille peau de M. du
Miral).
M. DU MIRAL (écrasé). - Ma vieille peau !
(Etonnement du tiers-parti. Joie de la ma-
jorité. Vengeance immédiate de la vieille peau;
elle accroche M. du Miral au vestiaire. Apa-
théose. )
Cette aventure pouvait arriver à un grand
nombre de candidats officiels.
Supposons maintenant que l'interpellation
Buffet, Segris, etc., réussisse. Devrons nous
compter beaucoup, pour soutenir un sys-
tème soi-disant libéral, sur la sincérité
d'une majorité qui aura passé dix-huit ans
de sa vie à déclarer ce système « absurde » ?
Il me semble qu'il faudrait, quand on aura
obtenu l'élection des maires, l'abolition des
candidatures officielles, la responsabilité
des ministres, prier le pays de renouveler
la chambre.
Pour une politique nouvelle il faut des
hommes nouveaux. Les électeurs en trou-
veront, soyez-en sûrs. Des gens qui ont été
autoritaires toute leur vie ne deviennent
pas libéraux du jour au lendemain.
- « L'autoritarisme » et' le libéralisme,
c'est l'eau et le feu. Or, permettez moi une
comparaison un peu vive et que je crois
juste. J'affirme qu'en la faisait je niai l'in-
tention d'offenser personne. Je serais même
désolé d'offenser que lqu'un. Je dis donc que,
quand on veut allumer son feu, on n'em-
ploie pas des clyso-pompes.
Edouard Lockroy.
LA SÉANCE
Débuts ternes ; on bâille quelque peu
dans les tribunes pendant la lecture des
premiers rapports.
M. Pelletan anime un instant la salle par
une vive interpellation sur les élections de
la Loire Inférieure : — Pourquoi la circon-
scription de Nantes compte-t elle 45,000
électeurs, tandis que le collége voisin n'en
a que 32,000, c'est-à-dire 3,000 de moins
que le nombre exigé par la constitution?
Pourquoi a-t-on accumulé autour de Nantes
des cantons ruraux, qui semblent destinés
à étouffer la voix de cette grande cité ?
Aux questions pressantes de M. Pelletan,
M. Genteur répond avec son assurance ha-
bituelle, mais assez peu adroitement pour
que le ministre de l'intérieur l'interrompe
d'un geste discret.
Nouvel incident : M. Raspail est à la tri-
bune. Chacun prête l'oreille. M. Raspail a
dit d'excellentes choses, entremêlées de
considérations élevées, philosophiques, qui
n'ont pas toutes paru da goût de la majo-
rité, sur les délits électoraux des fonction-
naires, et de ceriains ecc!ésiast:ques. Il a
déploré l'impuissance du citoyen à faire
respecter la loi par de hommes que met
au-dessus d'elle le funeste article 75 de la
constitution de l'an VIII. Et pourtant, il
faut une sanction à la loi. — Laquelle?
Pourquoi n'infligerait-on pas à ces fonc-
tionnaires des peines pécuniaires en arrê-
tant leur traitement pendant un temps
plus ou moins long. ',.
L'idée était originale. La majorité a es-
sayé d'en rire. Il n'y avait pas de quoi, car
cette idée est pratiquée dans plusieurs Etats
d'Amérique, qui s'en trouvent fort bien,
dit-on.
Un dernier mot de M. Raspail sur l'atti-
tude de la police parisienne à l'époque des
élections a paru sensible au gouvernement.
Le ministre de l'intérieur a répondu par
une courte et chaude apologie de la police
que la gauche a accueillie par des protesta-
tions non moins vives.
Le compte rendu officiel mentionnera
sans doute quelques paroles de M. Pelle-
tan que nous nous gardons de reproduire
ici, sachant combien le parquet aime peu
ces sortes de vérités à l'adresse de la police.
Voici venir une élection contestée, très
contestée, celle de M. de Guilloutet, dans
les Landes. Les protestations abondent;
Jules Ferry a le dossier et il demande l'a-
journement. Mais tels sont le trouble et le
désarroi mis dans le classement des élec-
tions par les derniers ordres du jour, que
cette réclamation si naturelle mécontente
la majorité. Elle veut qu'on discute tout de
suite. L'expérience de M. Justin Durdnd ne
l'a donc pas corrigée?
M. Jules Favre intervient énargiquement
et accuse le gouvernement, inspirateur de
cette tactique insolite, de vouloir retarder
indéfiniment la constitution de la cham-
bre.
« Vous voulez ajourner les comptes que
vous avez à rendre au pays et gagner les
quelques heures qui vous sont nécessaires
pour l'accomplissement de vos intrigues. »
A ces mots, M. Rouher reconnaît sans,
peine qu'irest directement interpellé. - ,
., Il se lève. Grand silence».. -
Croirié&>*Mf». bteâ- qu'lt *"a'a rjenUw&é
de mieux à évoquerpogr se défendre que.
devinez ? — Le spectre encore ? Oh! non! -
Eh bien, si ! le spectre! le spectre rouge lui-
même ! la Révolution qui. la Révolution
que, etc., etc.
Et, pour en finir, chaleureux appel à l'u-
nion de majorité.
On applaudit. — Comment! on applau-
dit! Et les 114? — Oh ! rassurez-vous, quel-
ques fidèles seulement battent des mains.
On a pu les compter : ils sont environ une
trentaine.
L'horloge tranche la question d'ajourne-
ment de l'élection des Landes. Le débat
n'aura. lieu qu'aujourd'hui. On s'attend à
un brillant et vigoureux début de M. Jules
Ferry, qui ouvrira le feu contre M. de Guil-
loutet.
Au moment de clore, M. Ernest Picard
fait un nouvel effort pour obtenir que l'é-
lection des secrétaires soit mise à l'ordre
du jour de la séance suivante. La majorité
tient bon. Elle ne veut pas se constituer,
elle veut attendre, avant d'ouvrir la campa-
gne des interpellations, ses fidèles encore
attaràlé* dans les limbes des élections con-
te tées.
Quant au règlement, voilà longtemps
qu'il n'attend plus!
E. Laferrière.
LE SURSIS
Les condamnés à mort croient avoir
beaucoup gagné lorsqu'ils ont reculé de
quelques jours la fatale échéance, en si-
gnant une demande de sursis.
En de si tristes conjonctures, tout répit
- est l'espoir, l'inconnu, 1a vie ! Le plus ré-
solu l'implore et s'y attache avec l'énergie
du désespoir. ,
Aussi, ne sommes-nous pas surpris des
efforts que les ministres déploient pour re-
tarder la constitution de la chambre et
ajourner l'exécution de l'arrêt dont la mi-
nute semble déjà préparée.
M. Rouher surtout lutte avec persistance.
Hier encore il intervenait dans une dis-
cussion de règlement, avec autant d'en-
train que s'il était membre de l'assemblée;
Il n'en avait nul droit, puisqu'il faut parler net.
Il est clair que le gouvernement n'a pas
mission de dire à la chambre quel jour elle
doit se constituer et quel sens elle doit
donner à tel article de son règlement. Mais
que voulez vous? L'instinct de ccnservation
est une loi fatale du cœur humain à laquelle
les vizirs eux-mêmes ne peuvent entière-
ment se soustraire, et nous ne devons pas
reprocher aux ministres d'avoir signé des
deux mains leur demande de sursis.
La chambre, de son côté, n'a pu se faire
sérieusement iilusion ni sur le sens de l'ar-
ticle 56, ni sur la valeur des raisons invo-
quées pour le combattre. Il est évident
qu'elle a moins statué sur une question de
règlement que sur une question d'huma-
nité.
Quoi de plus clair, en effet, que cet arti-
cle 56 :
« Après la vérification des pouvoirs, et
Feuiîieton du RAPPEL
31 DU 10 JUILLET 1869.
L'HOMME QUI RIT
DEUXIÈME PARTIE
PAR ORDRE DU ROI
LIVRE PREMIER
ÉTERNELLE PRÉSENCE DU PASSÉ;
LES HOMMES REFLÈTENT L'HOMME.
de
1
y
La reine Anne
1
Au-dessus de ce couple, il y avait Anne,
reiue d'Angleterre.
Reproduction interdite.
Voir lft» rmmtfros dn 3 mai au 5 juin, ceux du 30
JuiD, des 1er, 2 el 6 juillet.
La première femme venue, c'était la
reine Anne. Elle était gaie, bienveitlante,
auguste, à peu près. Aucune de ses quali-
tés n'atteignait à la vertu, aucune de ses
imperfections n'atteignait au mal. Son
embonpoint était boum, sa malice était
épaisse, sa bonté était bête. Elfe était te-
nace et molle. Epouse, elle était infidèle
et fidèle, ayant des favoris auxquels elle
livrait son cœur, et un consôrt auquel elle
gardait son lit. Chrétienne, elle était hé-
rétique et bigote. Elle avait une beauté,
le cou robuste d'une Niobé. Le reste de sa
personne était mal réussi. Elle était gau-
chement coquette, et honnêtement. Sa
peau était blanche et fine, elle la montrait
beaucoup. C'est d'elle que venait la mode
du collier de grosses perlés serré au cou.
Elle avait le front étroit, les lèvres sen-
suelles, les joues charnues, l'œil gros, la
vue basse. Sa myopie s'étendait à son es-
prit. A part çà et là un éclat de jovialité,
presque aussi pesante que sa colère, elle
vivait dans une sorte de gronderie taci-
turne et de silence grognon. Il lui échap-
pait des mots qu'il fallait deviner. C'était
un mé'ange de la bonne femme et de la
méchante diablesse. Elle aimait l'inat-
tendu, ce qui est profondément féminin.
Anne était un échantillon à peine dé-
grossi de l'Eve universelle. A cette ébau-
che était échu ce hasard, le trône. Elle
buvait. Son mari était un danois, de-
race.
Tory, elle gouvernait par les whighs.
En femme, en folle. Elle avait des rages.
Elle était casseuse. Pas de personne plus
maladroite pour manier les choses de l'E-
tat. Elle JaisSit tomber à terre les événe-
ments. Tottte sa politique était fêlée. Elfe
excejlait à faire de grosses catastrophes
avec de petites causes. Quand une fantai-
sie d'autorité lui prenait, elle appelait
cela : donner le coup de poker.
Elle disait avec un air de profonde rê-
verie des paroles telles que celles - ci :
« Aucun pair ne peut être couvert devant
le roi, excepté Courcy, baron Kinsale, pair
d'Irlande». Elle disait: «Ce serait une
injustice que mon mari ne fût pas lord-
amiral, puisque mon père l'a été ». — Et,
elle faisait George de Danemark haut-
amiral d'Angleterre (c and of ail Her Ma-
jesty's Plantations». Elle était perpétuel-
lement en transpiration de mauvaise hu-
meur; elle n'exprimait pas sa pensée,
elle l'exsudait. (11 y avait du sphirit dans
cette oie.
Elle ne haïssait point le fun, la farce ta-
quine et hostile. Si elle eût pu faire Apol-
lon bossu, c'eût été sa joie. Mais elle l'eût
laissé dieu. Bonne, elle avait pour idéal
de ne désespérer personne, et d'ennuyer
tout le monde. Elle avait souvent le
mot cru, et, un peu plus, elle eût juré,
comme Elisabeth. De temps en temps,
elle prenait dans une poche d'homme
qu'elle avait à sa jupe une petite boîte ronde
d'argent repoussé, sur laquelle était son
portrait de profil, entre les deux lettres Q.
A. 1, ouvrait cette boîte, et en tirait avec
le bout de son doigt un peu de pommade
dont elle se rougissait le3 lèvres. Alors,
(1) Qneen Ann.
ayant arrangé sa bouche, elle riait. Elle
était très friande des pains d'épice
plats de Zélande. Elle était fière d'être
grasse.
Puritaine plutôt qu'autre chose, elle
eût pourtant volontiers donné dans les
spectacles. Elle eut une velléité d'Acadé-
mie de musique, copiée sur celle de
France. En 1700, un français nommé
Forteroche voulut construire à Paris un
« Cirque Royal » coûtant quatre cent
mille livres, à quoi d'Argenson s'opposa ;
ce Forteroche passa en Angleterre, et pro-
posa à la reine Anne, qui en fut un mo-
ment séduite, l'idée de bâtir à Londres un
théâtre à machines, plus beau que celui
du roi de France, et ayant un quatrième
dessous. Comme Louis XIV, elle aimait
que son carrosse galopât. Ses attelages et
ses relais faisaient quelquefois en moins
de cinq quarts d'heure le trajet de Wind-
sor à Londres.
II
Du temps d'Anne, pas de réunion sans
l'autorisation de deux juges de paix. Douze
personnes assemblées, fût-ce pour manger
des huîtres et boire du porter, étaient en
félonie.
Sous ce règne, pourtant relativement
débonnaire, la presse pour la flotte se fit
avec une extrême violence; sombre preuve
que l'anglais est plutôt sujet que citoyen.
Depuis des siècles le roi d'Angleterre avait
là un procédé de tyran qui démentait tou-
tes les vieilles chartes de franchise, et dont
la France en particulier triomphait et s'in-
dignait. Ce qui diminue un peu ce triom-
phe, c'est que, en regard de la presse des
matelots en Angleterre, il y avait en
France la presse des soldats. Dans toutes
les grandes villes de France, tout homme
valide allant par les rues à ses affaires
était exposé à être poussé par les racoleurs,
dans une maison appelée four. Là on
l'enfermait pêle-mêle avec d'autres, on
triait ceux qui étaient propres au service,
et les recruteurs vendaient ces passants
aux officiers. En 1695, il y avait à Paris
trente fours.
Les lois contre l'Irlande, émanées de la
reine Anne, furent atroces.
Anne était née en 1664, deux ans avant
l'incendie de Londres, sur quoi les astro-
logues — (il y en avait encore, témoin
Louis XIV, qui naquit assisté d'un astro-
logue et emmail lotte dans un horoscope)
— avaient prédit qu'étant « la sœur aînée
du feu, » elle serait reine. Elle le fut,
grâce à l'astronomie et à la Révolution
de i688. Elle était humiliée de n'avoir
pour parrain que Gilbert, archevêque de
Cantorbéry. Etre filleule du pape n'était
plus possible en Angleterre. Un simple
primat est un parrain médiocre. Anne dut
s'en contenter. C'était sa faute. Pourquoi
était-elle protestante?
Le Danemark avait payé sa virginité,
virginitas empta, comme disent les vieilles
chartes, d'un douaire de six mille deux
cent cinquante livres sterling de rente,
pris sur le bailliage de Wardinbourg et
sur l'île de Fehmarn.
Anne suivait, sans conviction et par rou-
tine, les traditions de Guillaume. Les An-
glais, sous cette royauté née d'une révolu-
tion, avaient tout ce qui peut tenir de li-
berté entre la Tour de Londres où l'on
mettait l'orateur et le pilori où l'on met-
tait l'écrivain. Anne parlait un peu da-
nois, pour ses aparté avec son mari, et un
peu français pour ses aparté avec Boling-
broke. Pur baragouin ; mais c'était, à la
cour surtout, la grande mode anglaise de
parler français. Il n'y avait de bon mot
qu'en français. Anne se préoccupait des
monnaies, surtout des monnaies de cui-
vre, qui sont les basses et les populaires;
elle voulait y faire grande figure. Six far-
things furent frappés sous son règne. Au
revers d s trois premiers, elle fit mettre
simplement un trône ; au revers du qua-
trième, elle voulut un char de triomphe
et au revers du sixième une déesse tenant
d'une main l'épée et de l'autre l'olivier
avec l'exergue Bello et Pace. Fille de Jac-
ques II, qui était ingénu et féroce, elle
était brutale.
Et en même temps au fond elle était
douce. Contradiction qui n'est qu'appa-
rente. Une colère la métamorphosait.
Chauffez le sucre, il bouillonnera.
Anne était populaire. L'Angleterre
aime les femmes régnantes. Pourquoi? la
France les exclut. C'est déjà une raison.
Peut-être même n'y en a-t-il point d'autre.
Pour les historiens anglais, E;J.isabeth,
c'est la grandeur, Anne, c'est la bonté
Gomme on voudra. Soit. Mais rien de dé-
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