Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-01-09
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 janvier 1891 09 janvier 1891
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/09/2012
4. L MM~' '!!' T
ADMINISTRATION. RÉDACTION ET ANNONCES
K A PARIS
., < 18 - Kue Rici:ler.- 1S
Les ârticles non insérés ne seront pas rendus -
ABONNEMENTS.
PARIS
*
UN MOIS. 2 FR.
TROIS M-OIS 5 FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN. 18 FR.
- JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS - - -
- Le Numéro ; 6 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN. 20 FR.
QUINZIÈME ANNÉE - NUMÉRO 5011
fit VENDREDI 9 JANVIER 1891 8
20 NIVÔSE — AN 99
LA FIN D'UNE RACE
Les yankees sont un peuple pratique,
point sentimental et qui n'est pas des
plus tendres quand il s'agit d'affaires.
En ce moment par exemple, il est en
train d'exterminer radicalement ce qui
reste encore de Peaux-Rouges sur son
territoire.
Sans doute la disparition de la race
rouge était inévitable. Scientifiquement
le fait est démontré, disent les Améri-
cains. Nous le voulons bien quoiqu'il-
soit facile de citer des faits incontesta-
bles qui démentent absolument cette
thèse cruelle. Au Canada par exemple,
certaines tribus d'Iroquois et de Bois-
Brûlés se sont parfaitement accom-
modées à la civilisation agricole et ont
fini par se fondre et s'absorber presque
complètement dans la masse de la po-
pulation rurale.
Mais enfin, nous voulons bien admet-
tre que les Peaux-Rouges des Etats-
Unis, plus réfractaires à la vie civilisée,
se refusant absolument au travail régu-
lier, devaient forcément disparaître
avec le temps.
On peut admettre parfaitement que
c'était une « race inférieure » dont les
conditions d'existence étaient incompa-
tibles avec la présence d'une nation ci-
vilisée. Incapables de travail, voire
d'instruction, se refusant à vivre autre-
ment que de chasse ou de pillage, les
tribus indiennes avaient besoin de l'es-
pace sans bornes,. des forêts sans limi-
tes., de la prairie sans habitants.
L'homme civilisé peut vivre sur deux
hectares de bonne terre. Il faut au
moins deux cents hectares de désert,
de prairie, de forêts, de lacs, par tête
-d'Indien.
Aussi la race a fondu très vite. En
.moins de deux siècles et demi, les yan-
kees en auront vu la fin. Quand le May-
flower, en 1620, débarqua sur le terri-
toire américain lespuritains exilés d'An-
gleterre, les Peaux-Rouges tenaient l'A-
mérique tout entière, d'un océan à l'au-
tre et de l'équateur au pôle nord. Qui
donc aurait dit, à ce moment, que la
centaine de proscrits jetée sur ce rivage
exterminerait en si peu de temps et si
complètement la race rouge tout en-
tière ?
La chose, d'ailleurs, a commencé tout
de suite et n'a pas traîné. Pour quel-
ques gallons d'eau-de-vie — l'alcool est
encore aujourd'hui le grand extermina-
teur — les nouveaux venus achetèrent
un territoire. Et l'on vit tout de suite
que ces émigrés étaient d'un peuple de
marchand, et que l'Angleterre, c'était
Carthage. La même fraude légendaire
qui entacha la fondation de Carthage
entacha la fondation des Etats-Unis.
Les Delawares apprirent trop tard qu'ils
.avaient vendu tout ce qu'il plaisait aux
blancs de prendre.
Cinquante ans après l'arrivée des
Anglais, il y avait de la besogne de
taite. Les guerres, l'ivrognerie, la mi-
sère, la famine décimaient les Indiens
refoulés du bord de la mer vers l'inté-
rieur, vers les hautes terres froides,
vers les climats durs et les régions sté-
riles.
En échange, les Indiens eurent les
honneurs de la célébrité. Ce furent les
temps héroïques. On permit aux tribus
de se faire tuer pour leurs envahisseurs.
Les guerres du Canada, entre Anglais
tt Français, furent une occasion excel-
lente d'extermination réciproque. Les
Murons, les Iroquois, les Sioux, etc., y
fondirent comme neige au soleil. Il est
vrai que les romanciers chantèrent leur
gloire. Fenimore Cooper écrivait le
fermer des Mohicans et toute le série
des aventures de Bas-de-Cuir.
Puis, sont venus les temps durs. Re-
foulés de tous les côtés, même du côté
du Mexique, exterminés graduellement,
méthotiquement, ces malheureux, de-
puis plus d'un siècle, passent par tou-
tes les péripéties de l'agonie.
Parqués dans des réserves trop étroi-
tes, obligés de vendre ces réserves mê-
jnes au gouvernement américain en
échange d'un « rationnement de vivres »
qu'on ne leur fournit pas, écrasés quand
le désespoir les pousse à la révolte, ils
.¡:;ont aujourd'hui réduits de plusieurs
millions à quelques milliers.
Immuables, d'ailleurs, dans leurs
mœurs et leurs coutumes, ils périssent
tout entiers. Tels on les a vus à Paris
dans le cirque de Buffalo-Bill, tels ils se
battent dans leurs prairies envahies par
vies exterminateurs yankees.
* - C'est par la « danse de guerre » que la
Révolte a commencé.
J C'est avec la lance, le tomahawk, le
ir^| uteau à scalper qu'ils combattent, lit
si d'aventure tel ou tel « agent territo-
rial » qui les a pressurés, leur tombe
entre les mains, c'est au « poteau du
supplice » qu'il mourra, déchiqueté sa-
vamment en de longues heures de tor-
ture.
Il est vrai que la dureté froide de
leurs ennemis, si elle ne justifie pas,
excuse ou tout au moins compense ces
:ferocités. Il n'est pas possible de nier,
en effet, que l'extermination est voulue,
préméditée, systématique. Nous avons
connu, nous aussi, en France, des « co-
loiiisateurs. » qui ne concevaient pas
autrement la a civilisation de l'Algé-
rie ». Le colonel de Montagnac, le co-
lonel Beauprêtre et tant d'autres di-
saient, eux aussi : « La race arabe est
une race inférieure. Il faut l'extermi-
ner ».
Les yankees ne se bornent pas à le
dire, ils le font. Ils ne prennent même
pas la peine de sauver les apparences.
A Porcupine, non seulement c'est par
surprise et dans un guet-apens qu'on a
massacré tout un parti de Sioux;
mais on en a massacré pour exterminer,
pour supprimer définitivement la tribu.
Femmes, enfants, on a tout tué. C'est
fini. Voilà des gens qui ne gêneront
plus les settlers, les pionniers envahis-
seurs.
Et l'origine même de cette boucherie
— car cela ne peut pas s'appeler une
guerre — accuse la préméditation.
C'est violemment, à main armée, que
l'an dernier, avec la tolérance sinon la
complicité du gouvernement, tout une
population d'émigrantsa occupé et s'est
approprié la réserve d'Oklahoma. C'est
la spoliation qui a provoqué la révolte.
Oui, certes, c'était une race infé-
rieure que celle des Peaux-Rouges.
Mais est-ce bien une « race supérieure »
moralement parlant, que celle dont la
supériorité-s'affirme par d'aussi abomi-
nables exterminations?
lesIŒKs
---
Les Pères Salésiens
Les républicains de Dinan sont sous le
coup d'une vive émotion.
Des congréganistes, inconnus dans la
région, sont arrivés depuis quelques jours
dans cette ville et se sont installés dans
les bâtiments du Cercle catholique.
On leur prête l'intention d'y établir des
ateliers d'apprentissage.
Ces congréganistes s'intitulent les Pères
Salésiens. Leur ordre a été fondé à Turin,
par Dom Bosco. Ils possèdent un établis-
sement à Marseille.
Les républicains de Dinan se demandent
comment il se fait qu'un ordre d'origine
étrangère puisse ainsi multiplier en
France ses établissements.
Cet ordre est-il autorisé ?
S'il ne l'est pas, comment se fait-il que
les décrets de 1880, toujours en vigueur,
ne leur soient pas appliqués ? r; ,
L'inertie des autorités en présence des
empiétements, chaque jour plus auda-
cieux des moines et des calotins. décou-
rage les populations qui s'irritent de-se
voir ainsi livrées à leurs pires ennemis
par le gouvernement.
UN MODÉRE RADICAL
Discours anticlérical de M. Méline
Les menées cléricales s'affirment avec
une telle audace qu'elles commencent à
inquiéter même les esprits les plus mo-
dérés.
C'est ainsi que, dans un discours qu'il
vient de prononcer à Remiremont, à l'oc-
casion de la reconstitution d'un groupe
d'Alliance républicaine, M. Méline, le
doux Méline, comme il aime à s'entendre
appeler, n'a pu disssimuler les appréhen-
sions que causent à son modérantisme
les tentatives du cléricalisme pour s'em-
parer, de gré ou de force, de la Républi-
que.
Nous voyons recommencer, a-t-il dit, une
campagne de violences et d'insultes, qui rap-
pelle les plus beaux jours de la période élec-
torale.
Je suis obligé de constater, parce que ce
n'est un mystère pour personne, que cette
campagne est entretenue et encouragée par
le parti clérical, ou au moins par une portion
importante du parti clérical, qui se flatte d'a-
battre le parti républicain dans notre arron-
dissement.
S'autorisant de sa modération @ trop
connue, M. Méline dit son fait au clérica-
lisme dont il se déclare prêt à réprimer
les empiétements :
C'est précisément parce que j'ai la préten-
tion d'apporter dans toutes ces questions
beaucoup de modération et un grand esprit
d'équité que je suis peut-être plus sévère
qu'un autre pour les empiétements du clergé
dans le domaine politique. Quand le prêtre
sort de son vrai rôle, clans lequel il est pro-
tégé par l'Etat, quand il dépouille sa soutane
pour descendre dans l'arène des partis et re-
tourner contre l'Etat l'autorité qu'il tient de
lui, je ne vois plus en lui qu'un fonctionnaire
ordinaire qui manque à son devoir, qui ne
mérite aucun ménagement.
Avec une netteté qui a lieu d'étonner de
sa part, M. Méline fait remonter la res-
ponsabilité de cet état de choses au gou-
vernement dont il accuse l'inertie :
Ce qu'on peut reprocher au gouvernement
républicain, c'est peut-être d'avoir été quel-
quefois trop faible de ce côté et d'avoir toléré
des abus, des attaques, qu'aucun gouverne-
ment monarcbique n'aurait certainement sup-
portés.
Parlant de certaines adhésions épisco-
pales ou cardinalesques, dont les journaux
modérés, le Temps entre autres, font tant
de bruit, M. Méline en prend acte tout en
les déclarant sujettes à caution :
Nous avons le droit et même le devoir d'être
circonspects et méfiants tant que les actes ne
suivront pas les paroles pour prouver leur
sincérité, et ce n'est pas moi qui proposerai
jamais. de. livrer imprudemment les clefs de la
aaitpn. -
En tout cas, nous sommes bien, à l'aise
pour prendre un parti dans notre arrondisse-
ment. Les membres du clergé qui nous com-
battaient ne paraissent pas près de faire
Chanter la Marseillaise et nous forcent à res-
ter sur le pied de guerre.
C'est pour cela que nous sommes réunis
ici., et il faut nous occuper maintenant de for-
tifier nos positions de façon à les rendre inex-
pugnables. Nos adversaires ne se rendront
que le jour où ils seront bien convaincus de
leur impuissance.
C'est un modéré, qui parle ainsi et qui
lance ce cri de guerre contre le clérica-
lisme !
En voilà encore un que le Temps qui per-
siste à proposer de livrer imprudemment
les clés de la maison, va rayer de ses pa-
piers.
Libre à ce journal de répéter que le ra-
dicalisme a été vaincu aux élections de
dimanche dernier.
L'attitude, que ces élections bien signi-
ficatives font prendre à certains modérés
bien avisés et clairvoyants est une preuve
que, suivant un mot célèbre, le radica-
lisme aujourd'hui coule à pleins bords.
Vous verrez qu'avant peu tout le monde
se dira radical.
LE DINER OFFERT A M. RANC
LE DINER OFFERT A H. BANC
La date du banquet
L'hôtel Continental n'ayant pas de sa-
lons libres avant le mardi 13 janvier, le.'*
dîner offert à M. Ranc, président de l'As-
sociation. professionnelle des journalistes
républicains, à l'occasion de son élection
au Sénat, d'abord fixé au samedi 10, est
renvoyé au mardi 13 janvier, à 8 heures
précises.
Le prix du dîner est fixé à 12 fr. 50.
Les cartes peuvent être retirées à par-
tir d'aujourd'hui et jusqu'au lundi soir
12 janvier, soit au bureau de la Lan-
terne18, rue Richer, soit au siège de
l'A ssociation de s j ournalistes républicains,
16 bis, cité Trévise.
AUTOUR DES CHAlBBES
La rentrée
La Chambre rentre mardi prochain.
La formation du bureau prendra peut-être
deux séances. C'est M. Pierre Blanc, député de
la Savoie, qui présidera en qualité de doyen
d'âge, jusqu'à la nomination du bureau défi-
nitif. M. Pierre Blanc aura bientôt quatre-
vingt-cinq ans.
M. Floquet sera certainement réélu comme
président. Quant aux vice-présidents, il pour-
rait bien y avoir quelques changements, MM.
de Mahy èt Spuller ayant donné à diverses re-
prises des preuves d'incapacité notoire.
La réélection des questeurs, MM. Royer,
Guillaumou et Bizarelli est assurée.
La commission des douanes
La commission des douanes reprend ses
travaux aujourd'hui jeudi ; elle examinera
dans sa première séance le tarif des bois,
dans sa seconde réunion qui aura lieu ven-
dredi, elle discutera deux importantes ques-
tions. la dénonciation des traités de commerce
et les dra-vibacks. Elle examinera aussi le ta-
rif des peaux et des laines.
Une question
M. Falliéres vient de prévenir M. Engerand
député du Calvados, qu'il était disposé à ré-
pondre à la question que ce dernier avait l'in-
tention de lui adresser sur l'attitude prise
par certains magistrats dans les affaires sur
lesquelles ils ont eu récemment à statuer.
Le débat aura lieu dans le* imuniars jours
de la rentrée cies Chambres.
(BSSBagaaBHBMgB
L'EMPRUNT
Souscriptions irréductibles. - Aux
abonnés de la « Lanterne ».
On sait que le ministre des finances a
décidé que toutes les souscriptions, quel
qu'en soit le chiffre, seraient soumises
à une réduction proportionnelle.
Pour avoir des rentes nouvelles, il
faut que les souscripteurs fassent la
queue pendant plusieurs heures devant
les guichets et souscrivent sans savoir
à quel chiffre sera réduite leur souscrip-
tion.
La Lanterne, toujours à la recherche
de ce qui peut être agréable à ses lec-
teurs, leur offre, à propos de la sous-
cription de l'emprunt, une prime d'un
nouveau genre.
La « Lanterne » met à la disposition de
tous les lecteurs qui s'abonneront du 5
au 10 janvier, le droit de souscrire à 3
ou 6 francs de rente irréduetlbles.
Tout lecteur qui, du 5 au 10 janvier,
s'abonnera pour 6 7riois à la Lanterne,
aura droit à une souscription irréduc-
tible de 3 francs de rente au prix
fixé par l'arrêté ministériel.
Tout abonnement d'un an nouveau ou
renouvelé du 5 au 10 janvier donne droit
à une souscription irréductible de
G franesde rente.
Il suffit de joindre au prix ordinaire
de l'abonnement qui est pour :
Paris :
6 mois. 9 fr.
1 an. 18 fr.
Départements :
6 mois. 11 fr,.
1 an. 20 fr.
le* montant du premier versement à
effectuer sur la rente, soit :
15 fr. pour 3 fr. de rente,
30 fr. pour 6 fr. de rente.
Pour éviter un nouvel envoi de fonds,
on peut, si l'on veut, y joindre le
deuxième versement appelé à la répar-
tition, soit 15 fr. par 3 fr. de rente.
On souscrit soit aux guichets de la
Lanterne, 18, rue Richer, soit par cor-
respondance.
Les titres libérés des deux verse-
ments seront expédiés franco aux sous-
cripteurs, aussitôt qu'ils auront été
délivrés par le ministère des finances.
SCANDALE DE TOULON
L'AFFAIRE FOUROUX
Première audience. — L'entrée des
accusés. — M. de Jonquiéres par-
tie civile. — Interrogatoire de
Mme de Jonquières.
(De notre correspondant particulier)
- Draguignan, 7 janvier.
Tout Draguignan assiégeait ce matin
le Palais de Justice. Mais la sallè des as-
sises contient tout au plus trois cents pla-
ces ; aussi étaient-ils bien rares les élus
qui parvenaient jusqu'à l'intérieur du Pa-
lais.
C'est cependant au milieu d'un calme
parfait que M. le président Pontier ouvre
l'audience à neuf heures, assisté de MM.
Béguet et Goin.
Les accusés
Tous les regards du public se tournent
avidement vers les accusés quand ils font
leur entrée. Mme Audibert marche en
tête, la taille fine, élancée, le teint mat,
les yeux largement fendus, les lèvres min-
ces, avec quelque chose de provocant. Le
nez droit, d'un dessin irréprochable, le
profil d'une aristocratique distinction.
Mme Audibert l'appelle, par certains
côtés, Jane Hading, dans la marquise du
Député Leveau. Elle a, dans son costume
noir sorti de ehez la bonne faiseuse, sous
sa petite capote à l'aigrette de jais et sa
voilette noire, une allure souple qui dé-
note l'assurance. Mais Mme Audibert est,
en même temps, très nerveuse, manifes-
tement, car, à peine est-elle assise et a-t-
elle parcouru du regard le prétoire, que
sa figure se contracte et que des larmes,
d'ailleurs rapidement essuyées, coulentde
ses yeux. - --
Mme de Jonquieres, encore jolie en dé-
pit de l'âge qui commence à venir, a de
beaux yeux noirs très brillants, qui ani-
ment singulièrement son visage plein,
empreint d'une sorte de placidité formant
contraste avec la mobile physionomie de
sa voisine.
La femme Laure, la sage-femme, a tout
a fait l'aspect de la matrone complaisante
que le parquet lui reproche d'avoir été.
Elle pleure sans cesse, le mouchoir sur
le visage.
Quant a M. Fouroux, il est d'assez
grande taille, le visage pâle, d'une pâleur
que fait encore davantage ressortir sa
courte barbe noire et drue.
Le blanc de ses prunelles, très déve-
loppé, est accentué par la tache lie de vin
qui part de sa paupière inférieure droite
et envahit la plus grande partie de son
nez.
On le dit viol, ent, mais en ce moment, il
paraît impassible dans son paletot noir
hermétiquement boutonné. Il a l'air plus
âgé qu'il n'est.
Incident
Au moment où l'huissier audiencier fait
l'appel des témoins, Me Roche, du bareau
de Toulon, déclare que M. de Jonquières
ne comparaîtra pas comme témoin, car il
se porte partie civile.
Il donne lecture de conclusions en ce
sens et demande au nom de son client un
franc de dommages-intérêts.
Le procureur de la République dit que
cette décision tardive de M. de Jonauières
ne peut avoir d'enet rétroactif et ne peut
le dispenser de témoigner.
Me iilacbe s'associe aux observations du
procureur de la République, mais Me Ro-
che demande à la Cour d'adopter ses con-
clusions. ,
M. de Jonquières, s'écrie-t-il, ne viendra
pas ici, je vous l'assure; le traînerez-vous par
la force? Ne trouvez-vous donc pas le scan-
dale assez grand ?
Après un échange d'observations entre
la Cour et les défenseurs, le procureur de
la République dit qu'il repousse d'une fa-
çon absolue cette espèce de dédoublement
de personne de M. de Jonquières.
C'est moi, dit-il, qui l'ai fait citer comme
témoin. Je considérais son témoignage comme
indispensable et je le crois encore utile; tou-
tefois, je laisse à la Cour le soin de décider si
M. de Jonquières sera ou non entendu à titre
de renseignement.
La Cour décide que M. de Jonquières ne
sera pas entendu et accueille sa demande
d'autorisation à se porter partie civile.
L'interrogatoire
C'est par Mme de Jonquières que le pré-
sident commence l'interrogatoire. Dans
une pose mélancolique et résignée, l'ac-
cusée fixe toujours les jurés et n'a pas
l'air d'être fort affectée des détails sca-
breux sur lesquels il lui faut parfois in-
sister.
— M. Fouroux est un menteur, voilà sa
principale réponse qui fait hausser à plu-
sieurs reprises les épaules de l'ancien
maire de Toulon.
Mme de Jonquières dit ne se souvenir
que vaguement des incidents qui ont pu se
produire à l'époque où elle épousa M. de
Jonquières, Elle ne fit connaissance de M.
Fouroux qu'en septembre 1888, un jour ou
elle eut besoin d'aller à la mairie deman-
der un renseignement.
Le lendemain, M. Fouroux se présentait
chez elle, était reçu et les relations com-
mencèrent.
Le premier mois, ajoute Mme de Jon-
quières, une première grossesse se mani-
festa.
Fouroux, pour la tranquilliser, luiassura
qu'un médecin ami remettrait les choses
en l'état, mais on n'eut nul besoin de cette
intervention, car quelques jours après une
fausse couche naturelle survint.
L'avorte ment
L'interrogatoire arrive à la seconde gros.
sesse, celle qui provoqua l'avortement.
— De quand date votre seconde grossesse?
— Du commcecement de 1890; Fouroux m'a
dit encore que je ne m'en occupe pas, qu'un
médecin de ses amis s'en occuperait. Cepen-
dant, en juin, il m'a dit qu'il avait vu une sa-
ge-femme.
Le cas était urgent ; on était en juin, mon
mari devait revenir en juillet et j'étais en-
cejnte de trois mois.
— Qui a eu la première pensée de l'avorte-
ment ?
— Ce n'est pas moi, j'ai un caractère assez
décidé. J'aurais avoué la vérité tout entière à
mon mari, espérant mon pardon ou alors !!!
— Fouroux avait-il dit que l'enfant serait à
sa charge ?
- Il a répondu qu'il aç pouvait pas s'en
charger. -
M. Fouroux interrompt.
- C'est vous, dit-il à Mme de Jonquières,
qui avez eu la première idée du crime.,
— Il n'a jamais dit la vérité, s'écrie Mme de
Jonquières; moi, j'ai tout avoué. -
Mme de Jonquières raconte alors que
sous prétexte d'une promenade en voi-
ture, Fouroux lui -a montré la maison de
la rue du Champ-de-Mars, où logeait l'ac-
coucheuse.
Il a fait préparer une valise, que le soir,
à dix heures, il a fait porter, et il l'a ac-
compagnée en voiture chez la sage-
femme.
L'accusée parle posément, d'une voix
claire et sympathique. Son attitude très
franche inspire la compassion.
Au sentiment général, il paraît qu'elle
sera acquittée.
Elle continue en expliquant le traite-
ment qu'elle a subi. — Mme Audibert ve-
nait prendre de ses nouvelles et lui ap-
portait des fleurs.
Au bout de six jours, elle ne voulait
plus rester chez l'accoucheuse.
L'accusée explique comment, après être
allée rejoindre Fouroux à Paris et après
avoir vu avec lui un médecin qui lui a
donné l'assurance qu'elle était grosse, elle
a fini par se décider à retourner à Toulon
chez la femme Laure.
— Pourquoi étiez-vous retournée chez la
sage femme, si vous ne vouliez pas vous lais-
ser faire !
- — Mais je consentais à tout, sauf aux moyens
violents. Je prenais les bains, les breuvages
qu'on m'ordonnait, mais je refusais de me
laisser piquer.
- Mme Audibert n'a-t-ellepas alors demandé
à vous visiter ?
— Oui, monsieur, Mme Audibert ayant pré-
tendu qu'elle avait appris le métier de sage-
femme, je lui permis de m'examiner. Elle
trouva que l'opération était très simple et elle
demanda la sonde ; mais j'ai de nouveau re-
fusé, craignant d'inutiles douleurs, et je suis
retournée chez moi, pensant que M. Fouroux
pourrait bien se débrouiller à sa manière et
lui-même avec mon mari, M. de Jonquières.
— Que s'est-il passé quand votre amant est
rentré à Toulon ?
— Il était furieux et très monté contre moi.
Il ne me trouvait pas assez courageuse ; il
voulait me faire partir chez une autre sage-
femme de Paris. J'ai répondu que je préférais
retourner chez Laure. J y suis allée et lui ai
dit : « Finissez-en, coûte que coûte ; tuez-moi
s'il le faut. »
Aussitôt on m'a fait une nouvelle piqûre.
Je ne ressentis aucun mal, mais une hémor-
ragie se produisit. Je retournai chez Fouroux
et lui dis :
— Je crois que c'est fait.
Il me répliqua : — Avez-vous fait les eaux?
(Rires dans l'auditoire.)
L'avocat Blache interrompt : « Tout
cela, c'est du scandale et de l'imbécillité.»
(Nouveaux rires.)
Mme Jonquières continue :
Fouroux a répliqué : — Rien n'est fait.
Je suis retournée chez la sage-femme. J'ai
souffert beaucoup. Après quelques jours, les
eaux sont venues. C'est alors que j'ai averti
Fouroux par une dépêche que j'ai signée :
« Jeanne ».
Mme de Jonquières raconte ensuite com-
ment le fœtus fut jeté à la mer par M.
Fouroux, le paiement des honoraires de
la sage-femme er le retour de son mari.
Nous avons déjà fait connaître à nos
lecteurs l'histoire de la lettre anonyme
adressée au mari, de l'ignoble tentative
de chantage exercée sur Mme de Jon-
quières par son amant sous le prétexte
d'Une -somme dO 5,000 francs recla-mée Pap
les francs-maçons, et de la révélation faite
à M. de Jonquières par Mme Audibert.
L'accusée raconte longuement tous ces
faits.
— Rentré à la maison dit-elle, mon mari
me raconta ce qui venait de se passer. Je ne
pouvais croire à une pareille infamie. Enfin,
accompagnée de M. de Sainte-Colombe, un
ami sincère et dévoué, je me rendis à la mai-
rie où je souffletais M. Fouroux.
L'audience est suspendue.
Après la suspension d'audience, on pro-
cède à l'interrogatoire de la sage-femme.
Mme Laure
Sourde comme un pot, la sage-femme
répond à tort et à travers aux questions
qu'on lui pose. Elle prétend n'avoir agi
que pour « sauver l'honneur du maire et
de Mme de Jonquières », tout en soute-
nant qu'elle n'a pratiqué qu'un simulacre
d'opération chirurgicale..
-- Qui est-ce qui vous a parlé pour la pre-
mière fois de Mme de Jonquières?
— C'est Mme Audibert.
— C'est vous qui avez parlé de Mme Audi-
bert â Mme de Jonquières?
— Parfaitement. Elle fut désespérée en ap-
prenant que cette dame était mêlée à l'affaire.
Quant a Mme Audibert. lorsqu'elle apprit
que son nom était connu de Mme de Jonquiè-
res, elle me dit : « C'est ennuyeux, tout est
perdu; elle ne voudra plus se laisser faire. »
Mme Audibert
On passe à l'interrogatoire de Mme Au-
dibert.
Celle-ci déclare avoir été l'amie d'en-
fance de M. Fouroux qu'elle retrouvait
plus tard maire à Toulon.
Elle nie avoir jamais été sa maîtresse ;
elle se contentait d'être son amie.
Elle avoue avoir été intermédiaire entre
M. Fouroux et la femme Laure, sur la sol-
licitation expresse de Fouroux auquel,
vainement, elle tenta de présenter quel-
ques objections.
* Mme Audibert parle avec un aplomb
imperturbable, s'exprimant avec beaucoup
d'élégance et avec des périodes de phra-
ses évidemment étudiées.
Elle est innocente, prétend-elle avec in-
sistance, et elle n'a connu les événements
que par les confidences de M. Fouroux,
lequel sollicita son aide pour rompre avec
Mme de Jonquières.
M. Fouroux, dit-elle, voulait faire quitter
ter Toulon aux époux, immédiatement. Il
était décidé à tout dire au mari. Il était sur-
tout inquiet à la pensée que Mlle Laguerre,
une institutrice avec laquelle il a eu trois en-
fants, allait remettre au parquet, comme elle
l'en menaçait, le billet par lequel Mme de
Jonquières lui annonçait sa délivrance.
La lettre anonyme
^Nous arrivons à la fameuse lettre ano-
nyme. M. le président donne lecture du
brouillon de la lettre suivante qui fut Wé-
digée par Mme Audibert, sur les indica-
tions de M. Fouroux, et dont les mots
soulignés ont été écrits de la main même
du maire de Toulon.
Pour des raisons d'intérêt personnel, la pré-
sence de Mme deJ. à Toulon m'est devenue
odieuse et préjudiciable ; j'avais espéré que
votre retour ferait cesser cet 6~ de çhgzep.
Du moment où il n'en est rien, je vous pré.
viens que si vous n'avez pas éloigné Mme deh
J. de Toulon d'ici huit jours et pour DIU-
sieurs mois, je dépose au parquet les preuvèsa
irréfutables du dernier avortement de Mme
de J., qui a eu lieu dans le courant du moisi
de juillet înïiiôt1 dernier, avortement provoqué avec
l'aide d'une sage-femme de Toulon, dont j'aÏ!
le nom et l'adresse, dont vous avez dû consi-
dérer les suites, si vous n'êtes pas absolument
aveugle, et je mets entre les mains de M. la
procureur de la République tous les détails
qui pourront l'intéresser et lui permettre der
rétablir immédiatement ce qui s'est passti
dans cette affaire.
Je vous prie de constater, monsieur, qu'it
n'y a aucune animosité contre vous de ma
part; je n'ai rien fait jusqu'à ce jour, espérant;
que vous quitteriez Toulon avec votre famille.
Dès votre retour, et voyant que vous ne
remuez pas, je me décide à faire une démar-
che qui, je vous le répète, doit sauvegarder
mes intérêts dans la mesure du possible.
Je crois devoir faire cette démarche avant
d agir, et vous laisser le délai de huit jours st.
cause de vos enfants, que je ne tiens pas æ.
mêler, malgré eux, à cette triste affaire, et
dont j'ai le devoir de prévenir le père.
Vous comprendrez, monsieur, combien iL
est inutile que je vous dise qui je suis pour
que des démarches soient tentées auprès de
moi. Vous apprendrez qui je suis, si vous
n agissez pas d'ici huit jours, par M. le prO;
Cureur de la République.
Cette lettre qui était destinée à M. Iô
lieutenant de vaisseau de Jonquières nÊ):
fut pas envoyée, au dernier moment.
- Je n'aime pas les lettres anonymes. en
général, dit Mme Audibert, et celle-ci en par*
ticulier. J'ai trouvé le procédé si odieux que
j'ai renoncé à l'employer.
Les aveux du mari
Mme Audibert parle alors de la lettre
anonyme fixant un rendez-vous à M. de
Jonquières, à l'Observatoire, puis des ré-
vélations qu'elle-même fit à M. de Jon-
quières à la mairie.
Le président : Que dit M. de Jonquières.
— Il dit qu'il ne restait plus à M. Fouroux
qu'à se brûler la cervelle.
Mais M. Fouroux qui ne l'entendait pas
ainsi, répondit, quand je lui rapportai ce pro-
pos : Bah! s'il fallait se suicider pour touteS:,
les femmes qui ont été plus ou moins votr©*
maîtresse !
M. Fouroux
Au tour de M. Fouroux d'être interrogée
C'est avec certaines réticences qu'il ré^
pond aux questions du président ; il dé-
clare que Mme de Jonquières, en lui an-
nonçant sa grossesse, lui manifesta l'in.,
tention de se faire avorter. « Autrement;
disait-elle, je me suiciderais ».
— C'est Mme de Jonquières qui a voulu l'a-
vortement, dit-il. Sa situation était plus cri-,
tiqué que la mienne. Car, moi, qu'avais-je et
craindre ? un coup d'épée ou. un coup de pis- 5
tolet?
Le président. — Eh ! c'est bien quelque ch<2*r>
se cela.
— Certainement, mais quand on occupe la'
situation que j'avais, on se tire d'un mauvais
pas comme on le peut.
D. Il y avait certainement pour vous la,
préoccupation du scandale qui allait se pro-
duire et qui pouvait vous faire perdre vôtres
situation officielle ; Mme de Jonquières, aut
contraire, était défendue auprès de son mart,
par la présence de ses enfants.
R. Je n'ai fait aucun calcul.!
- Incident
Le président. — Vous avez dit au juge d'ins-
truction que Mme Audibert avait été votre;
maîtresse autant que Mme de Jonquières ? -
M. Fouroux.— Je n'ai rien a ajouter à ce qu'à -
dit tout à l'heure Mme Audibert là-dessus.
Le président. — Cependant vous avez dit i
l'instruction qu'elle était votre maîtresse ? -
M. Fouroux (vivement). - J'ai été trompd
par le juge.
Le président. - Prenez garde à ce que vous
dites là, c'est très grave.
M. Fouroux. — C'est possible, mais quoj^
qu'il doive m'en coûter, puisque c'est la vérr
rite, je la dis. (Mouvement.)
Les mœurs de M. le maire
Le président reproche à M. Fouroux
d'avoir fait des salons de la mairie de
Toulon le lieu de ses rendez-vous gar-
lants.
C'étaient des allées et venues qui n'étaient
pas convenables- Bien que certaines choses
de la vie privée doivent quelquefois être lais-
sées à l'écart, je considère que c'était un de*
voir de ma charge de rappeler ces faits.
Le fœtus à la mer
Après avoir parlé des sommes d'argent
remises à la sage-femme, M. Fouroux fait
de nouveau le récit relatif au fœtus et an
voyage en mer. Il nie avoir eu-en dépôt le
bocal renfermant le fœtus. Il conteste éga-'
lement l'affirmation de Mme de Jonquic-
res qui a déclaré que la partie de peche --
n'était qu'un leurre, mais que le motii
véritable était de jeter le fœtus à 1»
mer.
C'était, dit-il, une véritable partie de plai-
sir que nous faisions. J'ai amorcé des ligne.
et Mme de Jonquières a elle-même péché aves,
moi.
Ce n'est que plus tard que j'ai su qu'elle
avait jeté le cadavre à la mer, ce dont je M
m'étais même pas aperçu.
Etrange explication
En ce qui concerne les lettres écrites
par lui, M. Fouroux dit que son but était
de rompre complètement avec Mme de*
Jonquières, car il craignait que le mari ne
soupçonnat leurs rapports.
Le président. — C'est pour cela que vous?
lui écrivez des lettres dans lesquelles vous la
menacez du procureur de la République?
— C'était pour la faire lever de bonne heures
son habitude étant de ne quitter le lit qu'a
midi.
Le président fait observer que ce pré*
texte est bien étrange, puis il renveie
l'audience à demain matin pour la fin de
l'interrogatoire.
L'audience est levée à 7 heures, au mi..
lieu de la plus vive agitation.
TROP DE ZÈLE
Un enfant terrible
Nous avions été -choqués, comme tout
le monde l'a été, du ton discourtois et per-
fidement acerbe du discours prononcé pas
l'orateur qui s'est fait, sans mandat, l'in-
terprète des regrets des amis personnels
de Gambetta, lors du pèlerinage annuel du
1er janvier au Jardies. Nous n'y avions, du.
reste, attaché qu'une importance en rap-
port avec celle du personnage qui avait
porté la parole en cette occasion, c'est-à
dire une importance nulle.
Les amis de Gambetta, ceux qui l'ont
connu personnellement, ceux qui ont
d'autres droits qu'un désir de réclame a sa
dire les gaftUft&s de sa mémoire çrçfôsfe
ADMINISTRATION. RÉDACTION ET ANNONCES
K A PARIS
., < 18 - Kue Rici:ler.- 1S
Les ârticles non insérés ne seront pas rendus -
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UN MOIS. 2 FR.
TROIS M-OIS 5 FR.
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- JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
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- Le Numéro ; 6 centimes
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UN AN. 20 FR.
QUINZIÈME ANNÉE - NUMÉRO 5011
fit VENDREDI 9 JANVIER 1891 8
20 NIVÔSE — AN 99
LA FIN D'UNE RACE
Les yankees sont un peuple pratique,
point sentimental et qui n'est pas des
plus tendres quand il s'agit d'affaires.
En ce moment par exemple, il est en
train d'exterminer radicalement ce qui
reste encore de Peaux-Rouges sur son
territoire.
Sans doute la disparition de la race
rouge était inévitable. Scientifiquement
le fait est démontré, disent les Améri-
cains. Nous le voulons bien quoiqu'il-
soit facile de citer des faits incontesta-
bles qui démentent absolument cette
thèse cruelle. Au Canada par exemple,
certaines tribus d'Iroquois et de Bois-
Brûlés se sont parfaitement accom-
modées à la civilisation agricole et ont
fini par se fondre et s'absorber presque
complètement dans la masse de la po-
pulation rurale.
Mais enfin, nous voulons bien admet-
tre que les Peaux-Rouges des Etats-
Unis, plus réfractaires à la vie civilisée,
se refusant absolument au travail régu-
lier, devaient forcément disparaître
avec le temps.
On peut admettre parfaitement que
c'était une « race inférieure » dont les
conditions d'existence étaient incompa-
tibles avec la présence d'une nation ci-
vilisée. Incapables de travail, voire
d'instruction, se refusant à vivre autre-
ment que de chasse ou de pillage, les
tribus indiennes avaient besoin de l'es-
pace sans bornes,. des forêts sans limi-
tes., de la prairie sans habitants.
L'homme civilisé peut vivre sur deux
hectares de bonne terre. Il faut au
moins deux cents hectares de désert,
de prairie, de forêts, de lacs, par tête
-d'Indien.
Aussi la race a fondu très vite. En
.moins de deux siècles et demi, les yan-
kees en auront vu la fin. Quand le May-
flower, en 1620, débarqua sur le terri-
toire américain lespuritains exilés d'An-
gleterre, les Peaux-Rouges tenaient l'A-
mérique tout entière, d'un océan à l'au-
tre et de l'équateur au pôle nord. Qui
donc aurait dit, à ce moment, que la
centaine de proscrits jetée sur ce rivage
exterminerait en si peu de temps et si
complètement la race rouge tout en-
tière ?
La chose, d'ailleurs, a commencé tout
de suite et n'a pas traîné. Pour quel-
ques gallons d'eau-de-vie — l'alcool est
encore aujourd'hui le grand extermina-
teur — les nouveaux venus achetèrent
un territoire. Et l'on vit tout de suite
que ces émigrés étaient d'un peuple de
marchand, et que l'Angleterre, c'était
Carthage. La même fraude légendaire
qui entacha la fondation de Carthage
entacha la fondation des Etats-Unis.
Les Delawares apprirent trop tard qu'ils
.avaient vendu tout ce qu'il plaisait aux
blancs de prendre.
Cinquante ans après l'arrivée des
Anglais, il y avait de la besogne de
taite. Les guerres, l'ivrognerie, la mi-
sère, la famine décimaient les Indiens
refoulés du bord de la mer vers l'inté-
rieur, vers les hautes terres froides,
vers les climats durs et les régions sté-
riles.
En échange, les Indiens eurent les
honneurs de la célébrité. Ce furent les
temps héroïques. On permit aux tribus
de se faire tuer pour leurs envahisseurs.
Les guerres du Canada, entre Anglais
tt Français, furent une occasion excel-
lente d'extermination réciproque. Les
Murons, les Iroquois, les Sioux, etc., y
fondirent comme neige au soleil. Il est
vrai que les romanciers chantèrent leur
gloire. Fenimore Cooper écrivait le
fermer des Mohicans et toute le série
des aventures de Bas-de-Cuir.
Puis, sont venus les temps durs. Re-
foulés de tous les côtés, même du côté
du Mexique, exterminés graduellement,
méthotiquement, ces malheureux, de-
puis plus d'un siècle, passent par tou-
tes les péripéties de l'agonie.
Parqués dans des réserves trop étroi-
tes, obligés de vendre ces réserves mê-
jnes au gouvernement américain en
échange d'un « rationnement de vivres »
qu'on ne leur fournit pas, écrasés quand
le désespoir les pousse à la révolte, ils
.¡:;ont aujourd'hui réduits de plusieurs
millions à quelques milliers.
Immuables, d'ailleurs, dans leurs
mœurs et leurs coutumes, ils périssent
tout entiers. Tels on les a vus à Paris
dans le cirque de Buffalo-Bill, tels ils se
battent dans leurs prairies envahies par
vies exterminateurs yankees.
* - C'est par la « danse de guerre » que la
Révolte a commencé.
J C'est avec la lance, le tomahawk, le
ir^| uteau à scalper qu'ils combattent, lit
si d'aventure tel ou tel « agent territo-
rial » qui les a pressurés, leur tombe
entre les mains, c'est au « poteau du
supplice » qu'il mourra, déchiqueté sa-
vamment en de longues heures de tor-
ture.
Il est vrai que la dureté froide de
leurs ennemis, si elle ne justifie pas,
excuse ou tout au moins compense ces
:ferocités. Il n'est pas possible de nier,
en effet, que l'extermination est voulue,
préméditée, systématique. Nous avons
connu, nous aussi, en France, des « co-
loiiisateurs. » qui ne concevaient pas
autrement la a civilisation de l'Algé-
rie ». Le colonel de Montagnac, le co-
lonel Beauprêtre et tant d'autres di-
saient, eux aussi : « La race arabe est
une race inférieure. Il faut l'extermi-
ner ».
Les yankees ne se bornent pas à le
dire, ils le font. Ils ne prennent même
pas la peine de sauver les apparences.
A Porcupine, non seulement c'est par
surprise et dans un guet-apens qu'on a
massacré tout un parti de Sioux;
mais on en a massacré pour exterminer,
pour supprimer définitivement la tribu.
Femmes, enfants, on a tout tué. C'est
fini. Voilà des gens qui ne gêneront
plus les settlers, les pionniers envahis-
seurs.
Et l'origine même de cette boucherie
— car cela ne peut pas s'appeler une
guerre — accuse la préméditation.
C'est violemment, à main armée, que
l'an dernier, avec la tolérance sinon la
complicité du gouvernement, tout une
population d'émigrantsa occupé et s'est
approprié la réserve d'Oklahoma. C'est
la spoliation qui a provoqué la révolte.
Oui, certes, c'était une race infé-
rieure que celle des Peaux-Rouges.
Mais est-ce bien une « race supérieure »
moralement parlant, que celle dont la
supériorité-s'affirme par d'aussi abomi-
nables exterminations?
lesIŒKs
---
Les Pères Salésiens
Les républicains de Dinan sont sous le
coup d'une vive émotion.
Des congréganistes, inconnus dans la
région, sont arrivés depuis quelques jours
dans cette ville et se sont installés dans
les bâtiments du Cercle catholique.
On leur prête l'intention d'y établir des
ateliers d'apprentissage.
Ces congréganistes s'intitulent les Pères
Salésiens. Leur ordre a été fondé à Turin,
par Dom Bosco. Ils possèdent un établis-
sement à Marseille.
Les républicains de Dinan se demandent
comment il se fait qu'un ordre d'origine
étrangère puisse ainsi multiplier en
France ses établissements.
Cet ordre est-il autorisé ?
S'il ne l'est pas, comment se fait-il que
les décrets de 1880, toujours en vigueur,
ne leur soient pas appliqués ? r; ,
L'inertie des autorités en présence des
empiétements, chaque jour plus auda-
cieux des moines et des calotins. décou-
rage les populations qui s'irritent de-se
voir ainsi livrées à leurs pires ennemis
par le gouvernement.
UN MODÉRE RADICAL
Discours anticlérical de M. Méline
Les menées cléricales s'affirment avec
une telle audace qu'elles commencent à
inquiéter même les esprits les plus mo-
dérés.
C'est ainsi que, dans un discours qu'il
vient de prononcer à Remiremont, à l'oc-
casion de la reconstitution d'un groupe
d'Alliance républicaine, M. Méline, le
doux Méline, comme il aime à s'entendre
appeler, n'a pu disssimuler les appréhen-
sions que causent à son modérantisme
les tentatives du cléricalisme pour s'em-
parer, de gré ou de force, de la Républi-
que.
Nous voyons recommencer, a-t-il dit, une
campagne de violences et d'insultes, qui rap-
pelle les plus beaux jours de la période élec-
torale.
Je suis obligé de constater, parce que ce
n'est un mystère pour personne, que cette
campagne est entretenue et encouragée par
le parti clérical, ou au moins par une portion
importante du parti clérical, qui se flatte d'a-
battre le parti républicain dans notre arron-
dissement.
S'autorisant de sa modération @ trop
connue, M. Méline dit son fait au clérica-
lisme dont il se déclare prêt à réprimer
les empiétements :
C'est précisément parce que j'ai la préten-
tion d'apporter dans toutes ces questions
beaucoup de modération et un grand esprit
d'équité que je suis peut-être plus sévère
qu'un autre pour les empiétements du clergé
dans le domaine politique. Quand le prêtre
sort de son vrai rôle, clans lequel il est pro-
tégé par l'Etat, quand il dépouille sa soutane
pour descendre dans l'arène des partis et re-
tourner contre l'Etat l'autorité qu'il tient de
lui, je ne vois plus en lui qu'un fonctionnaire
ordinaire qui manque à son devoir, qui ne
mérite aucun ménagement.
Avec une netteté qui a lieu d'étonner de
sa part, M. Méline fait remonter la res-
ponsabilité de cet état de choses au gou-
vernement dont il accuse l'inertie :
Ce qu'on peut reprocher au gouvernement
républicain, c'est peut-être d'avoir été quel-
quefois trop faible de ce côté et d'avoir toléré
des abus, des attaques, qu'aucun gouverne-
ment monarcbique n'aurait certainement sup-
portés.
Parlant de certaines adhésions épisco-
pales ou cardinalesques, dont les journaux
modérés, le Temps entre autres, font tant
de bruit, M. Méline en prend acte tout en
les déclarant sujettes à caution :
Nous avons le droit et même le devoir d'être
circonspects et méfiants tant que les actes ne
suivront pas les paroles pour prouver leur
sincérité, et ce n'est pas moi qui proposerai
jamais. de. livrer imprudemment les clefs de la
aaitpn. -
En tout cas, nous sommes bien, à l'aise
pour prendre un parti dans notre arrondisse-
ment. Les membres du clergé qui nous com-
battaient ne paraissent pas près de faire
Chanter la Marseillaise et nous forcent à res-
ter sur le pied de guerre.
C'est pour cela que nous sommes réunis
ici., et il faut nous occuper maintenant de for-
tifier nos positions de façon à les rendre inex-
pugnables. Nos adversaires ne se rendront
que le jour où ils seront bien convaincus de
leur impuissance.
C'est un modéré, qui parle ainsi et qui
lance ce cri de guerre contre le clérica-
lisme !
En voilà encore un que le Temps qui per-
siste à proposer de livrer imprudemment
les clés de la maison, va rayer de ses pa-
piers.
Libre à ce journal de répéter que le ra-
dicalisme a été vaincu aux élections de
dimanche dernier.
L'attitude, que ces élections bien signi-
ficatives font prendre à certains modérés
bien avisés et clairvoyants est une preuve
que, suivant un mot célèbre, le radica-
lisme aujourd'hui coule à pleins bords.
Vous verrez qu'avant peu tout le monde
se dira radical.
LE DINER OFFERT A M. RANC
LE DINER OFFERT A H. BANC
La date du banquet
L'hôtel Continental n'ayant pas de sa-
lons libres avant le mardi 13 janvier, le.'*
dîner offert à M. Ranc, président de l'As-
sociation. professionnelle des journalistes
républicains, à l'occasion de son élection
au Sénat, d'abord fixé au samedi 10, est
renvoyé au mardi 13 janvier, à 8 heures
précises.
Le prix du dîner est fixé à 12 fr. 50.
Les cartes peuvent être retirées à par-
tir d'aujourd'hui et jusqu'au lundi soir
12 janvier, soit au bureau de la Lan-
terne18, rue Richer, soit au siège de
l'A ssociation de s j ournalistes républicains,
16 bis, cité Trévise.
AUTOUR DES CHAlBBES
La rentrée
La Chambre rentre mardi prochain.
La formation du bureau prendra peut-être
deux séances. C'est M. Pierre Blanc, député de
la Savoie, qui présidera en qualité de doyen
d'âge, jusqu'à la nomination du bureau défi-
nitif. M. Pierre Blanc aura bientôt quatre-
vingt-cinq ans.
M. Floquet sera certainement réélu comme
président. Quant aux vice-présidents, il pour-
rait bien y avoir quelques changements, MM.
de Mahy èt Spuller ayant donné à diverses re-
prises des preuves d'incapacité notoire.
La réélection des questeurs, MM. Royer,
Guillaumou et Bizarelli est assurée.
La commission des douanes
La commission des douanes reprend ses
travaux aujourd'hui jeudi ; elle examinera
dans sa première séance le tarif des bois,
dans sa seconde réunion qui aura lieu ven-
dredi, elle discutera deux importantes ques-
tions. la dénonciation des traités de commerce
et les dra-vibacks. Elle examinera aussi le ta-
rif des peaux et des laines.
Une question
M. Falliéres vient de prévenir M. Engerand
député du Calvados, qu'il était disposé à ré-
pondre à la question que ce dernier avait l'in-
tention de lui adresser sur l'attitude prise
par certains magistrats dans les affaires sur
lesquelles ils ont eu récemment à statuer.
Le débat aura lieu dans le* imuniars jours
de la rentrée cies Chambres.
(BSSBagaaBHBMgB
L'EMPRUNT
Souscriptions irréductibles. - Aux
abonnés de la « Lanterne ».
On sait que le ministre des finances a
décidé que toutes les souscriptions, quel
qu'en soit le chiffre, seraient soumises
à une réduction proportionnelle.
Pour avoir des rentes nouvelles, il
faut que les souscripteurs fassent la
queue pendant plusieurs heures devant
les guichets et souscrivent sans savoir
à quel chiffre sera réduite leur souscrip-
tion.
La Lanterne, toujours à la recherche
de ce qui peut être agréable à ses lec-
teurs, leur offre, à propos de la sous-
cription de l'emprunt, une prime d'un
nouveau genre.
La « Lanterne » met à la disposition de
tous les lecteurs qui s'abonneront du 5
au 10 janvier, le droit de souscrire à 3
ou 6 francs de rente irréduetlbles.
Tout lecteur qui, du 5 au 10 janvier,
s'abonnera pour 6 7riois à la Lanterne,
aura droit à une souscription irréduc-
tible de 3 francs de rente au prix
fixé par l'arrêté ministériel.
Tout abonnement d'un an nouveau ou
renouvelé du 5 au 10 janvier donne droit
à une souscription irréductible de
G franesde rente.
Il suffit de joindre au prix ordinaire
de l'abonnement qui est pour :
Paris :
6 mois. 9 fr.
1 an. 18 fr.
Départements :
6 mois. 11 fr,.
1 an. 20 fr.
le* montant du premier versement à
effectuer sur la rente, soit :
15 fr. pour 3 fr. de rente,
30 fr. pour 6 fr. de rente.
Pour éviter un nouvel envoi de fonds,
on peut, si l'on veut, y joindre le
deuxième versement appelé à la répar-
tition, soit 15 fr. par 3 fr. de rente.
On souscrit soit aux guichets de la
Lanterne, 18, rue Richer, soit par cor-
respondance.
Les titres libérés des deux verse-
ments seront expédiés franco aux sous-
cripteurs, aussitôt qu'ils auront été
délivrés par le ministère des finances.
SCANDALE DE TOULON
L'AFFAIRE FOUROUX
Première audience. — L'entrée des
accusés. — M. de Jonquiéres par-
tie civile. — Interrogatoire de
Mme de Jonquières.
(De notre correspondant particulier)
- Draguignan, 7 janvier.
Tout Draguignan assiégeait ce matin
le Palais de Justice. Mais la sallè des as-
sises contient tout au plus trois cents pla-
ces ; aussi étaient-ils bien rares les élus
qui parvenaient jusqu'à l'intérieur du Pa-
lais.
C'est cependant au milieu d'un calme
parfait que M. le président Pontier ouvre
l'audience à neuf heures, assisté de MM.
Béguet et Goin.
Les accusés
Tous les regards du public se tournent
avidement vers les accusés quand ils font
leur entrée. Mme Audibert marche en
tête, la taille fine, élancée, le teint mat,
les yeux largement fendus, les lèvres min-
ces, avec quelque chose de provocant. Le
nez droit, d'un dessin irréprochable, le
profil d'une aristocratique distinction.
Mme Audibert l'appelle, par certains
côtés, Jane Hading, dans la marquise du
Député Leveau. Elle a, dans son costume
noir sorti de ehez la bonne faiseuse, sous
sa petite capote à l'aigrette de jais et sa
voilette noire, une allure souple qui dé-
note l'assurance. Mais Mme Audibert est,
en même temps, très nerveuse, manifes-
tement, car, à peine est-elle assise et a-t-
elle parcouru du regard le prétoire, que
sa figure se contracte et que des larmes,
d'ailleurs rapidement essuyées, coulentde
ses yeux. - --
Mme de Jonquieres, encore jolie en dé-
pit de l'âge qui commence à venir, a de
beaux yeux noirs très brillants, qui ani-
ment singulièrement son visage plein,
empreint d'une sorte de placidité formant
contraste avec la mobile physionomie de
sa voisine.
La femme Laure, la sage-femme, a tout
a fait l'aspect de la matrone complaisante
que le parquet lui reproche d'avoir été.
Elle pleure sans cesse, le mouchoir sur
le visage.
Quant a M. Fouroux, il est d'assez
grande taille, le visage pâle, d'une pâleur
que fait encore davantage ressortir sa
courte barbe noire et drue.
Le blanc de ses prunelles, très déve-
loppé, est accentué par la tache lie de vin
qui part de sa paupière inférieure droite
et envahit la plus grande partie de son
nez.
On le dit viol, ent, mais en ce moment, il
paraît impassible dans son paletot noir
hermétiquement boutonné. Il a l'air plus
âgé qu'il n'est.
Incident
Au moment où l'huissier audiencier fait
l'appel des témoins, Me Roche, du bareau
de Toulon, déclare que M. de Jonquières
ne comparaîtra pas comme témoin, car il
se porte partie civile.
Il donne lecture de conclusions en ce
sens et demande au nom de son client un
franc de dommages-intérêts.
Le procureur de la République dit que
cette décision tardive de M. de Jonauières
ne peut avoir d'enet rétroactif et ne peut
le dispenser de témoigner.
Me iilacbe s'associe aux observations du
procureur de la République, mais Me Ro-
che demande à la Cour d'adopter ses con-
clusions. ,
M. de Jonquières, s'écrie-t-il, ne viendra
pas ici, je vous l'assure; le traînerez-vous par
la force? Ne trouvez-vous donc pas le scan-
dale assez grand ?
Après un échange d'observations entre
la Cour et les défenseurs, le procureur de
la République dit qu'il repousse d'une fa-
çon absolue cette espèce de dédoublement
de personne de M. de Jonquières.
C'est moi, dit-il, qui l'ai fait citer comme
témoin. Je considérais son témoignage comme
indispensable et je le crois encore utile; tou-
tefois, je laisse à la Cour le soin de décider si
M. de Jonquières sera ou non entendu à titre
de renseignement.
La Cour décide que M. de Jonquières ne
sera pas entendu et accueille sa demande
d'autorisation à se porter partie civile.
L'interrogatoire
C'est par Mme de Jonquières que le pré-
sident commence l'interrogatoire. Dans
une pose mélancolique et résignée, l'ac-
cusée fixe toujours les jurés et n'a pas
l'air d'être fort affectée des détails sca-
breux sur lesquels il lui faut parfois in-
sister.
— M. Fouroux est un menteur, voilà sa
principale réponse qui fait hausser à plu-
sieurs reprises les épaules de l'ancien
maire de Toulon.
Mme de Jonquières dit ne se souvenir
que vaguement des incidents qui ont pu se
produire à l'époque où elle épousa M. de
Jonquières, Elle ne fit connaissance de M.
Fouroux qu'en septembre 1888, un jour ou
elle eut besoin d'aller à la mairie deman-
der un renseignement.
Le lendemain, M. Fouroux se présentait
chez elle, était reçu et les relations com-
mencèrent.
Le premier mois, ajoute Mme de Jon-
quières, une première grossesse se mani-
festa.
Fouroux, pour la tranquilliser, luiassura
qu'un médecin ami remettrait les choses
en l'état, mais on n'eut nul besoin de cette
intervention, car quelques jours après une
fausse couche naturelle survint.
L'avorte ment
L'interrogatoire arrive à la seconde gros.
sesse, celle qui provoqua l'avortement.
— De quand date votre seconde grossesse?
— Du commcecement de 1890; Fouroux m'a
dit encore que je ne m'en occupe pas, qu'un
médecin de ses amis s'en occuperait. Cepen-
dant, en juin, il m'a dit qu'il avait vu une sa-
ge-femme.
Le cas était urgent ; on était en juin, mon
mari devait revenir en juillet et j'étais en-
cejnte de trois mois.
— Qui a eu la première pensée de l'avorte-
ment ?
— Ce n'est pas moi, j'ai un caractère assez
décidé. J'aurais avoué la vérité tout entière à
mon mari, espérant mon pardon ou alors !!!
— Fouroux avait-il dit que l'enfant serait à
sa charge ?
- Il a répondu qu'il aç pouvait pas s'en
charger. -
M. Fouroux interrompt.
- C'est vous, dit-il à Mme de Jonquières,
qui avez eu la première idée du crime.,
— Il n'a jamais dit la vérité, s'écrie Mme de
Jonquières; moi, j'ai tout avoué. -
Mme de Jonquières raconte alors que
sous prétexte d'une promenade en voi-
ture, Fouroux lui -a montré la maison de
la rue du Champ-de-Mars, où logeait l'ac-
coucheuse.
Il a fait préparer une valise, que le soir,
à dix heures, il a fait porter, et il l'a ac-
compagnée en voiture chez la sage-
femme.
L'accusée parle posément, d'une voix
claire et sympathique. Son attitude très
franche inspire la compassion.
Au sentiment général, il paraît qu'elle
sera acquittée.
Elle continue en expliquant le traite-
ment qu'elle a subi. — Mme Audibert ve-
nait prendre de ses nouvelles et lui ap-
portait des fleurs.
Au bout de six jours, elle ne voulait
plus rester chez l'accoucheuse.
L'accusée explique comment, après être
allée rejoindre Fouroux à Paris et après
avoir vu avec lui un médecin qui lui a
donné l'assurance qu'elle était grosse, elle
a fini par se décider à retourner à Toulon
chez la femme Laure.
— Pourquoi étiez-vous retournée chez la
sage femme, si vous ne vouliez pas vous lais-
ser faire !
- — Mais je consentais à tout, sauf aux moyens
violents. Je prenais les bains, les breuvages
qu'on m'ordonnait, mais je refusais de me
laisser piquer.
- Mme Audibert n'a-t-ellepas alors demandé
à vous visiter ?
— Oui, monsieur, Mme Audibert ayant pré-
tendu qu'elle avait appris le métier de sage-
femme, je lui permis de m'examiner. Elle
trouva que l'opération était très simple et elle
demanda la sonde ; mais j'ai de nouveau re-
fusé, craignant d'inutiles douleurs, et je suis
retournée chez moi, pensant que M. Fouroux
pourrait bien se débrouiller à sa manière et
lui-même avec mon mari, M. de Jonquières.
— Que s'est-il passé quand votre amant est
rentré à Toulon ?
— Il était furieux et très monté contre moi.
Il ne me trouvait pas assez courageuse ; il
voulait me faire partir chez une autre sage-
femme de Paris. J'ai répondu que je préférais
retourner chez Laure. J y suis allée et lui ai
dit : « Finissez-en, coûte que coûte ; tuez-moi
s'il le faut. »
Aussitôt on m'a fait une nouvelle piqûre.
Je ne ressentis aucun mal, mais une hémor-
ragie se produisit. Je retournai chez Fouroux
et lui dis :
— Je crois que c'est fait.
Il me répliqua : — Avez-vous fait les eaux?
(Rires dans l'auditoire.)
L'avocat Blache interrompt : « Tout
cela, c'est du scandale et de l'imbécillité.»
(Nouveaux rires.)
Mme Jonquières continue :
Fouroux a répliqué : — Rien n'est fait.
Je suis retournée chez la sage-femme. J'ai
souffert beaucoup. Après quelques jours, les
eaux sont venues. C'est alors que j'ai averti
Fouroux par une dépêche que j'ai signée :
« Jeanne ».
Mme de Jonquières raconte ensuite com-
ment le fœtus fut jeté à la mer par M.
Fouroux, le paiement des honoraires de
la sage-femme er le retour de son mari.
Nous avons déjà fait connaître à nos
lecteurs l'histoire de la lettre anonyme
adressée au mari, de l'ignoble tentative
de chantage exercée sur Mme de Jon-
quières par son amant sous le prétexte
d'Une -somme dO 5,000 francs recla-mée Pap
les francs-maçons, et de la révélation faite
à M. de Jonquières par Mme Audibert.
L'accusée raconte longuement tous ces
faits.
— Rentré à la maison dit-elle, mon mari
me raconta ce qui venait de se passer. Je ne
pouvais croire à une pareille infamie. Enfin,
accompagnée de M. de Sainte-Colombe, un
ami sincère et dévoué, je me rendis à la mai-
rie où je souffletais M. Fouroux.
L'audience est suspendue.
Après la suspension d'audience, on pro-
cède à l'interrogatoire de la sage-femme.
Mme Laure
Sourde comme un pot, la sage-femme
répond à tort et à travers aux questions
qu'on lui pose. Elle prétend n'avoir agi
que pour « sauver l'honneur du maire et
de Mme de Jonquières », tout en soute-
nant qu'elle n'a pratiqué qu'un simulacre
d'opération chirurgicale..
-- Qui est-ce qui vous a parlé pour la pre-
mière fois de Mme de Jonquières?
— C'est Mme Audibert.
— C'est vous qui avez parlé de Mme Audi-
bert â Mme de Jonquières?
— Parfaitement. Elle fut désespérée en ap-
prenant que cette dame était mêlée à l'affaire.
Quant a Mme Audibert. lorsqu'elle apprit
que son nom était connu de Mme de Jonquiè-
res, elle me dit : « C'est ennuyeux, tout est
perdu; elle ne voudra plus se laisser faire. »
Mme Audibert
On passe à l'interrogatoire de Mme Au-
dibert.
Celle-ci déclare avoir été l'amie d'en-
fance de M. Fouroux qu'elle retrouvait
plus tard maire à Toulon.
Elle nie avoir jamais été sa maîtresse ;
elle se contentait d'être son amie.
Elle avoue avoir été intermédiaire entre
M. Fouroux et la femme Laure, sur la sol-
licitation expresse de Fouroux auquel,
vainement, elle tenta de présenter quel-
ques objections.
* Mme Audibert parle avec un aplomb
imperturbable, s'exprimant avec beaucoup
d'élégance et avec des périodes de phra-
ses évidemment étudiées.
Elle est innocente, prétend-elle avec in-
sistance, et elle n'a connu les événements
que par les confidences de M. Fouroux,
lequel sollicita son aide pour rompre avec
Mme de Jonquières.
M. Fouroux, dit-elle, voulait faire quitter
ter Toulon aux époux, immédiatement. Il
était décidé à tout dire au mari. Il était sur-
tout inquiet à la pensée que Mlle Laguerre,
une institutrice avec laquelle il a eu trois en-
fants, allait remettre au parquet, comme elle
l'en menaçait, le billet par lequel Mme de
Jonquières lui annonçait sa délivrance.
La lettre anonyme
^Nous arrivons à la fameuse lettre ano-
nyme. M. le président donne lecture du
brouillon de la lettre suivante qui fut Wé-
digée par Mme Audibert, sur les indica-
tions de M. Fouroux, et dont les mots
soulignés ont été écrits de la main même
du maire de Toulon.
Pour des raisons d'intérêt personnel, la pré-
sence de Mme deJ. à Toulon m'est devenue
odieuse et préjudiciable ; j'avais espéré que
votre retour ferait cesser cet 6~ de çhgzep.
Du moment où il n'en est rien, je vous pré.
viens que si vous n'avez pas éloigné Mme deh
J. de Toulon d'ici huit jours et pour DIU-
sieurs mois, je dépose au parquet les preuvèsa
irréfutables du dernier avortement de Mme
de J., qui a eu lieu dans le courant du moisi
de juillet înïiiôt1 dernier, avortement provoqué avec
l'aide d'une sage-femme de Toulon, dont j'aÏ!
le nom et l'adresse, dont vous avez dû consi-
dérer les suites, si vous n'êtes pas absolument
aveugle, et je mets entre les mains de M. la
procureur de la République tous les détails
qui pourront l'intéresser et lui permettre der
rétablir immédiatement ce qui s'est passti
dans cette affaire.
Je vous prie de constater, monsieur, qu'it
n'y a aucune animosité contre vous de ma
part; je n'ai rien fait jusqu'à ce jour, espérant;
que vous quitteriez Toulon avec votre famille.
Dès votre retour, et voyant que vous ne
remuez pas, je me décide à faire une démar-
che qui, je vous le répète, doit sauvegarder
mes intérêts dans la mesure du possible.
Je crois devoir faire cette démarche avant
d agir, et vous laisser le délai de huit jours st.
cause de vos enfants, que je ne tiens pas æ.
mêler, malgré eux, à cette triste affaire, et
dont j'ai le devoir de prévenir le père.
Vous comprendrez, monsieur, combien iL
est inutile que je vous dise qui je suis pour
que des démarches soient tentées auprès de
moi. Vous apprendrez qui je suis, si vous
n agissez pas d'ici huit jours, par M. le prO;
Cureur de la République.
Cette lettre qui était destinée à M. Iô
lieutenant de vaisseau de Jonquières nÊ):
fut pas envoyée, au dernier moment.
- Je n'aime pas les lettres anonymes. en
général, dit Mme Audibert, et celle-ci en par*
ticulier. J'ai trouvé le procédé si odieux que
j'ai renoncé à l'employer.
Les aveux du mari
Mme Audibert parle alors de la lettre
anonyme fixant un rendez-vous à M. de
Jonquières, à l'Observatoire, puis des ré-
vélations qu'elle-même fit à M. de Jon-
quières à la mairie.
Le président : Que dit M. de Jonquières.
— Il dit qu'il ne restait plus à M. Fouroux
qu'à se brûler la cervelle.
Mais M. Fouroux qui ne l'entendait pas
ainsi, répondit, quand je lui rapportai ce pro-
pos : Bah! s'il fallait se suicider pour touteS:,
les femmes qui ont été plus ou moins votr©*
maîtresse !
M. Fouroux
Au tour de M. Fouroux d'être interrogée
C'est avec certaines réticences qu'il ré^
pond aux questions du président ; il dé-
clare que Mme de Jonquières, en lui an-
nonçant sa grossesse, lui manifesta l'in.,
tention de se faire avorter. « Autrement;
disait-elle, je me suiciderais ».
— C'est Mme de Jonquières qui a voulu l'a-
vortement, dit-il. Sa situation était plus cri-,
tiqué que la mienne. Car, moi, qu'avais-je et
craindre ? un coup d'épée ou. un coup de pis- 5
tolet?
Le président. — Eh ! c'est bien quelque ch<2*r>
se cela.
— Certainement, mais quand on occupe la'
situation que j'avais, on se tire d'un mauvais
pas comme on le peut.
D. Il y avait certainement pour vous la,
préoccupation du scandale qui allait se pro-
duire et qui pouvait vous faire perdre vôtres
situation officielle ; Mme de Jonquières, aut
contraire, était défendue auprès de son mart,
par la présence de ses enfants.
R. Je n'ai fait aucun calcul.!
- Incident
Le président. — Vous avez dit au juge d'ins-
truction que Mme Audibert avait été votre;
maîtresse autant que Mme de Jonquières ? -
M. Fouroux.— Je n'ai rien a ajouter à ce qu'à -
dit tout à l'heure Mme Audibert là-dessus.
Le président. — Cependant vous avez dit i
l'instruction qu'elle était votre maîtresse ? -
M. Fouroux (vivement). - J'ai été trompd
par le juge.
Le président. - Prenez garde à ce que vous
dites là, c'est très grave.
M. Fouroux. — C'est possible, mais quoj^
qu'il doive m'en coûter, puisque c'est la vérr
rite, je la dis. (Mouvement.)
Les mœurs de M. le maire
Le président reproche à M. Fouroux
d'avoir fait des salons de la mairie de
Toulon le lieu de ses rendez-vous gar-
lants.
C'étaient des allées et venues qui n'étaient
pas convenables- Bien que certaines choses
de la vie privée doivent quelquefois être lais-
sées à l'écart, je considère que c'était un de*
voir de ma charge de rappeler ces faits.
Le fœtus à la mer
Après avoir parlé des sommes d'argent
remises à la sage-femme, M. Fouroux fait
de nouveau le récit relatif au fœtus et an
voyage en mer. Il nie avoir eu-en dépôt le
bocal renfermant le fœtus. Il conteste éga-'
lement l'affirmation de Mme de Jonquic-
res qui a déclaré que la partie de peche --
n'était qu'un leurre, mais que le motii
véritable était de jeter le fœtus à 1»
mer.
C'était, dit-il, une véritable partie de plai-
sir que nous faisions. J'ai amorcé des ligne.
et Mme de Jonquières a elle-même péché aves,
moi.
Ce n'est que plus tard que j'ai su qu'elle
avait jeté le cadavre à la mer, ce dont je M
m'étais même pas aperçu.
Etrange explication
En ce qui concerne les lettres écrites
par lui, M. Fouroux dit que son but était
de rompre complètement avec Mme de*
Jonquières, car il craignait que le mari ne
soupçonnat leurs rapports.
Le président. — C'est pour cela que vous?
lui écrivez des lettres dans lesquelles vous la
menacez du procureur de la République?
— C'était pour la faire lever de bonne heures
son habitude étant de ne quitter le lit qu'a
midi.
Le président fait observer que ce pré*
texte est bien étrange, puis il renveie
l'audience à demain matin pour la fin de
l'interrogatoire.
L'audience est levée à 7 heures, au mi..
lieu de la plus vive agitation.
TROP DE ZÈLE
Un enfant terrible
Nous avions été -choqués, comme tout
le monde l'a été, du ton discourtois et per-
fidement acerbe du discours prononcé pas
l'orateur qui s'est fait, sans mandat, l'in-
terprète des regrets des amis personnels
de Gambetta, lors du pèlerinage annuel du
1er janvier au Jardies. Nous n'y avions, du.
reste, attaché qu'une importance en rap-
port avec celle du personnage qui avait
porté la parole en cette occasion, c'est-à
dire une importance nulle.
Les amis de Gambetta, ceux qui l'ont
connu personnellement, ceux qui ont
d'autres droits qu'un désir de réclame a sa
dire les gaftUft&s de sa mémoire çrçfôsfe
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