Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-01-08
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 janvier 1891 08 janvier 1891
Description : 1891/01/08 (N5010,A15). 1891/01/08 (N5010,A15).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/09/2012
-- La Lanterne
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JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
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QUINZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5010
d
^1 JEUDI 8 JANVIER 1891 CD
19 NIVÔSE - AN 99
La « IiAJUTERME » est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
LES MATIERES PREMIERES
C'est demain que la commission des
flouanes, devançant de quelques jours
la rentrée des Chambres, reprend le
cours de ses travaux.
Dès sa première réunion, la commis-
sion va se trouver en face de la grave
question qu'elle n'avait fait qu'effleurer
tau moment de sa séparation, la ques-
tion de savoir sous quel régime seront
placées les matières premières.
On se rappelle qu'en présence des
tendances du groupe protectionniste à
frapper de droits élevés les matières
premières à leur entrée en France, le
gouvernement avait, à l'une des derniè-
res séances de la commission, catégori-
quement déclaré qu'il s'opposerait de
toutes ses forces à la taxation de tout
ce qui constitue l'aliment premier de
nos industries.
Cette déclaration, inspirée par le
souci éclairé de notre prospérité indus-
trielle, a eu un certain retentissement
et a été partout accueillie avec une fa-
veur qui a, tout d'abord, déconcerté
l'audaoe des protectionnistes. i
Ceux-ci, toutefois, n'ont pas tardé à
retrouver leur aplomb.
Recourant à une feinte habile, ils ont
fait semblant de céder et se sont dit
prêts à accorder une apparente satis-
faction à l'une des principales réclama-
tions que soulève le projet d'établir des
droits de douane sur les matières pre-
roières, espérant par là éluder les au-
tres objections.
Ils ont dit : c'est surtout au nom des
intérêts de notre exportationlque l'on de-
mande l'entrée en franchise des matiè-
res premières.
Eh bien, il y a un moyen, de sauve-
garder ces intérêts : on n'établira des
droits que sur les matières devant ser-
vir à la fabrication des produits qui se
vendront en France : quant aux matiè
res destinées à être exportées après
avoir été transformées par nos fabri-
cants et manufacturiers, elles seront
exemptes de tout droit.
Et bien vite on a lancé dans la discus-
sion les grands mots d'admission tem-
poraire et de drawback, bons à jeter de
la poudre aux yeux des inconscients et
des naïfs.
Voyons donc un peu ce que cela si-
gnifie et rendons-nous compte du ré-
gime qui serait fait à notre industrie,
ainsi que des conséquences qui en ré-
sulteraient pour les consommateurs
français, si les systèmes exprimés par
ces mots étaient adoptés.
En réalité l'admission temporaire et
le drawback ne sont que les deux for-
mes d'un même et unique système.
Comme le mot l'indique, on entend
par admission temporaire, l'exemption
des droits de douane accordée aux ma-
tières premières venant de l'étranger
et destinées à y être réexpédiées après
avoir été transformées par nos indus-
triels en produits fabriqués. Exemple :
un manufacturier reçoit de la laine
brute de l'étranger; s'il déclare que
dans le délai de six mois il la réexpor-
tera convertie en tissu, la douane, sous
réserve des constatations à faire ulté-
rieurement, lalaisse entreren franchise.
Par le système du drawback, dans
l'exemple que nous avons cité, la douane
touche les droits à l'entrée et les rem-
bourse à la sortie.
Par l'un ou l'autre de ces moyens,
font remarquer les protectionnistes,
eotre industrie est sauvegardée en ce
qui touche l'exportation, puisque les
produits qu'elle destine à l'étranger sont
dégrevés des droits qui frappent les ma-
tières premières à leur entrée en France.
Enthéorie, ce systèmepeut se soutenir,
mais il en va bien autrement quand on
envisage les conséquences pratiques.
D'abord l'admission temporaire com-
me le remboursement des droits à la
sortie, sont une prime à la fraude.
Exemple : Un fabricant de papier re-
çoit de l'étranger de la pâte de bois
chimique, il la reçoit en- franchise, ou
sous condition de se faire rembourser
les droits, s'il la réexpédie sous forme
de papier. Que fait-il alors ou que peut-il
faire ? Il fabrique ce papier avec 20 0/0
seulement de pâte de bois chimique,
comblant la différence avec de la pâte
de bois ordinaire : et il bénéficie ainsi
de la franchise ou du remboursement
des droits sur la quantité de pâte de
bois chimique qu'il n'a pas employée. La
substitution est d'autant plus facile, que
la douane n'y voit que du feu; ses
agents, à moins d'être des hommes du
métier, ce qui reviendrait fort cher et
laisserait encore place à la fraude,
étant incapables de découvrir la super-
cherie.
Et ce que nous disons du papier peut
se dire de tous les produits fabriqués,
quels qu'ils soient. Cela est évident et
n'a pas besoin d'être démontré.
Donc la concession apparente faite
par les protectionnistes en vue d'obtenir
un tarif applicable aux matières pre-
mières, aboutirait, comme premier et
grave inconvénient, à une vaste fraude
pratiquée au détriment du Trésor, c'est-
à-dire du contribuable français.
Mais ce n'est pas tout.
On sait que la France ne produit qu'une
infime partie des matières premières
nécessaires à son industrie.
Ainsi, nous ne produisons que 45 mil-
lions de kilogrammes de laine sur les
175 millions dont nous avons besoin.
Nos fabricants de soieries consomment
de 10 à 11 millions de kilogrammes de
soie : la France n'en peut fournir qu'un
million. Il nous faut 86 millions de kilo-
grammes de lin et de chanvre : notre
sol n'en produit que 29 millions.
D'autre part, notre consommation in-
térieure se chiffre par vingt milliards
de produits de toute sorte, alors que
notre exportation ne porte que sur trois
ou quatre milliards.
Si donc, dans cette impossibilité où
se trouve la France de tirer d'elle-même
toutes les matières premières néces-
saires à sa consommation, on n'exempte
que les matières destinées à l'exporta-
tion, que deviendra notre consomma-
tion intérieure qui est cinq fois plus
considérable ?
Elle se trouvera écrasée par les droits
de douane dont les protectionnistes veu-
lent frapper l'aliment de nos industries.
De telle sorte que des produits manu-
facturés chez nous pourront être acquis
par l'étranger à des prix inférieurs,
alors que nous-mêmes nous devons les
payer beaucoup plus cher. Notre génie
industriel ne s'exercera donc qu'en fa-
veur de l'étranger, qui sera seul à bé-
néficier des produits français placés
hors de notre portée.
Voilà, en dehors des fraudes inévita-
bles que nous avons signalées, quelles
seraient les conséquences de l'établis-
sement de droits sur les matières pre-
mières, même mitigé par l'admission
temporaire ou le drawback.
La commission et le Parlement sur-
tout repousseront, nous en avons le
ferme espoir, ces ruineuses chinoise-
ries.
Notre industrie, qui est la principale
source de la prospérité nationale, ne
vit, ne peut vivre que des matières bru-
tes venant de l'étranger.
Le Parlement ne voudra pas lui cou-
per les vivres et amener par là à bref
délai la ruine de la France, en imposant
des droits à l'entrée des matières pre-
mières.
DANS LA HAUTE-MARNE
Les opportunistes. — Partout las
v mêmes !
Le procédé des opportunistes ne varie
pas. Que ce soit en Seine-et-Oise, en
Seine-et-Marne ou ailleurs, on les trouve
partout où il y a une alliance louche à
conclure, une trahison à commettre.
C'est de la Haute-Vienne que nous ar-
rive aujourd'hui le nouveau spécimen de
leurs manœuvres tortueuses et de leurs
compromissions avec les réactionnaires.
Gomme à Versailles, comme à Melun, c'est
dans l'élection sénatoriale qu'ils ont donné
carrière à leur goût pour l'action paral-
lèle.
En 1888, dans la Haute-Vienne, lors de
l'élection de M. Donnet, opportuniste, les
voix se répartirent comme suit :
Premier tour :
MM. Donnet, oppportuniste. 238 voix
Sciama, radical. 125 —
Brigueil, monarchiste. 227 —
Au second tour, M. Donnet passait avec
402 voix, grâce aux voix radicales.
Au scrutin de dimanche dernier, les ra-
dicaux conservent leurs positions de 1888,
les monarchistes descendent à 49 voix, les
opportunistes, M. Teisserenc de Bort en
tête passent avec une moyenne de 420
voix.
C'est l'arithmétique qui se charge de
tirer la moralité de ce rapprochement.
Les candidats opportunistes n'ont dû
leur triomphe qu'à l'appoint des monar-
chistes. Ceux-ci leur devaient bien cette
récompense. Ils n'eussent pas mieux ser-
vi les intérêts de la réaction que ne l'ont
fait nos sénateurs opportunistes.
Mais le parti radical, qui connaît le des-
sous des cartes, ne sera pas dupe deux
fois : le suffrage universel prendra sa re-
vanche des échecs, expliqués aujourd'hui,
de 1889 et de dimanche dernier.
UNE LETTRE DE M. ANDRIEUX
Protestation inutile
Hier encore, le suffrage universel avait
aux yeux de M. Andrieux tous les méri-
tes et toutes les vertus. Aujourd'hui, il
est devenu une sorte de tripot où les
grecs de la politique gagnent a coup sûr,
et le régime républicain une caverne de
brigands où fleurissent le vol, la fraude
et Poppression.
C'est qu'entre hier et aujourd'hui il y a
eu une élection — et que ce suffrage uni-
versel dont M. Andrieuy escomptait l'in-
dulgence. ou pour mieuxdire la naïveté,
qu'il espérait abuser à l'aide d'une de ces
transformations auxquelles ce candidat no-
made et caméléonesque nous a habitués a
flairé le piège et s'est gardé d'y tomber.
Inde iree ! d'où la bordée d'injures que
l'ancien préfet de police envoie aux 6,353
électeurs qui ne l'ont pas honoré de leur
confiance, dans sa lettre de remercîments
à la très peu imposante minorité qu'il a
été chercher au fond des sacristies.
M. Andrieux aura beau crier à la tri-
cherie. Le public ne s'y trompera pas plus
qu'il ne s'y est trompé lui-même. Si quel-
qu'un a essayé de piper les dés, c'est lui.
Evidemment les condamnés ont vingt-
quatre heures pour maudire leurs juges.
Mais ne trouvez-vous pas que c'est un
droit dont M. Andrieux abuse, en parlant
de liberté, lui qui aurait inventé l'arbi-
traire, s'il n'avait pas existé autrefois ?
LA ROSE D'OR
Un ajournement
On lit dans le Galignani's Messenger:
M. Carnot a reçu une lettre autographe du
pape Léon XIII, annonçant qu'il avait bien
eu l'intention d'offrir la Rose d'Or, cette an-
née, à Mme Carnot, en témoignage de son
appréciation bien profonde des vertus émi-
nemment chrétiennes dont l'auguste épouse
du président de la République a toujours fait
preuve. En présence, cependant, de l'affliction
que vient d'éprouver l'impératrice d'Autriche,
eu égard aussi à sa visita au Vatican, ce pro-
jet a dû être abandonné.
Le pape, en terminant, exprime l'espoir de
pouvoir, l'année prochaine, offrir pareillement
à Mme Carnot le témoignage de son amour
pour la France catholique.
INFORWATIOMS
M. G. Martin, candidat au Conseil
municipal
On annonce qu'un groupe d'électeurs du
quartier Montparnasse a offert à M. Georges
Martin, le sénateur non réélu de dimanche, le
siège de conseiller municipal devenu vacant
par le décès de M. Emile Richard.
Rendement des impôts
L'administration des finances vient de pu-
blier le rendement' des impôts et revenus in-
directs ab si que des monopoles de l'Etat pen-
dant le mois de décembre 1890.
Les résultats accusent une plus-value de
5,232,500 par rapport aux évaluations budgé-
taires et une augmentation de 14,771,700 sur
la période correspondante de 1889.
Par rapport aux évaluations budgétaires.
il y a plus-values sur : l'enregistrement
(1,298.000) ; les contributions indirectes
(2,314,000); les sels (156.000); les sucres
(479.700) : les postes (428,500) ; les télégraphes
(1,331,500).
Il y a moins-values sur: le timbre (210,000) ;
l'impôt de 3 0/0 sur les valeurs mobilières
(136,000); les douanes (246,000); les contribu-
tions indirectes-monopoles (180.000)
Par rapport au mois de décembre 1889, il y
a plus-values sur: l'enregistrement (1,262,000);
le timbre (464,000) ; l'impôt de 3 0/0 sur les va-
leurs mobilières (25,000) ; les douanes (1,240.000);
les sels (51,000) ; les sucres (8,174,000); les con-
tributions indirectes-monopoles (2,072,000) ; les
postes (738,200 ; les télégraphes (1,016,500).
Il y a moins-values sur les contributions
indirectes (271,000).
Nomination du colonel Lebel
Le Journal officiel publiera demain un mou-
vement dans le personnel des receveurs par-
ticuliers des finances.
M. Lebel (Nicolas), colonel d'infanterie en
retraite, est nommé receveur particulier des
finances de l'arrondissement, do Vitro (iuc-et-
Vilcûuu).
L'EMPRUNT
Souscriptions irréductibles. — Aux
abonnés de la « Lanterne ».
On sait que le ministre des finances a
décidé que toutes les souscriptions, quel
qu'en soit le chiffre, seraient soumises
à une réduction proportionnelle.
Pour avoir des rentes nouvelles, il
faut que les souscripteurs fassent la
queue pendant plusieurs heures devant
les guichets et souscrivent sans savoir
à quel chiffre sera réduite leur souscrip-
tion.
La Lanterne, toujours à la recherche
de ce qui peut être agréable à ses lec-
teurs, leur offre, à propos de la sous-
cription de l'emprunt, une prime d'un
nouveau genre.
La « Lanterne » met à la disposition de
tous les lecteurs qui s'abonneront du 5
au 10 janvier, le droit de souscrire à 3
ou 6 francs de rente Irréductibles.
Tout lecteur qui, du 5 au 10 janvier,
s'abonnera pour 6 mois à la Lanterne,
aura droit à une souscription irrédue-
tible de 3 francs de rente au prix
fixé par l'arrêté ministériel.
Tout abonnement d'un an nouveau ou
renouvelé du 5 au 10 janvier donne droit
à une souscription Irréductible de
8 frames de rente.
Il suffit de joindre au prix ordinaire
de l'abonnement qui est pour :
Paris : Départements :
6 mois. 9 fr. 6 mois., 11 fr.
1 an. 18 fr. 1 an. 20 fr.
le montant du premier versement à
effectuer sur la rente, soit :
15 fr. pour 3 fr. de rente,
30 fr. pour 6 fr. de rente.
Pour éviter un nouvel envoi de fonds,
on peut, si l'on veut, y joindre le
deuxième versement appelé à la répar-
tition, soit 15 fr. par 3 fr. de rente.
On souscrit soit aux guichets de la
Lanterne, 18, rue Richer, soit par cor-
respondance.
Les titres libérés des deux verse-
ments seront expédiés franco aux sous-
cripteurs, aussitôt qu'ils auront été
délivrés par le ministère des finances.
SCANDALEJDE TOULON
L'AFFAIRE FOUROUX
La physionomie des accusés. - M.
Alphonse Fouroux, ancien officier
de marine. — Femme de marin.
— Sage-femme et femme
P?u sage. — Questions
obscures.
Nous avons donné, hier, le résumé com-
plet de l'aftaire Fouroux en suivant, pour
ainsi dire, pas à pas, le système de l'ac-
cusation tel qu'il est formulé par M. le
procureur général Naquet.
Complétons aujourd'hui l'exposé du pro-
cès par des renseignements plus intimes,
plus colorés, sur la personnalité de chacun
des acteurs de ce drame.
M. Fouroux
M. Fouroux n'a que trente ans. Né de
petits bourgeois, il a suivi les cours de l'E-
cole navale, est devenu enseigne de vais-
seau et a donné sa démission pour rentrer
à Toulon, sa ville natale, et s'y livrer uni-
quement à la politique. Nommé maire de
Toulon, il y a deux ans, il a échoué aux
élections législatives en 1889. Il s'était
présenté dans la seconde circonscription
de Toulon, contre MM. Magnier et Cluse-
ret ; au second tour il se désista en faveur
de M. Magnier et M. Cluseret fut élu. Il
s'occupait activement de tenter de nouveau
les chances du scrutin à la première va-
cance gui se produirait dans le Var, et
songeait dans ce but à fonder un journal.
A la mairie, Fouroux s'intéressait sur-
tout aux grands travaux d'embellissement
et d'assainissement qui ont de tout temps
préoccupé la municipalité de cette ville
sans égouts, sans canalisations sérieuses.
iivrée à toutes les épidémies. Dans ce but,
il s'était abouché avec un architecte pa-
risien, M. Blondel, qui a dû liquider sa si-
tuation commerciale depuis l'arrestation
du maire. 11 s'agissait de percer des rues
nouvelles, de transformer progressive-
ment le vieux Toulon. Ce projet très an-
cien était à la veille d'aboutir.
Sous le rapport des moeurs, ses conci-
toyens donnent Fouroux comme un homme
volontiers adonné aux amours faciles et
manquant un peu de tenue. Ses aventures
galantes ne sont un mystère pour per-
sonne et on lui attribue couramment un
certain nombre d'enfants naturels. Au
physique, il a le visage attristé par une
tache lie-de-vin qui couvre presque en-
tièrement le profil droit. Le profil gauche
révèle un homme agréable et intelligent.
Mme de Jonquières
Jane Richard de Chicourt, épouse de
M. de Fauque de Jonquières, officier de
marine, est née à la Basse-Terre (Guade-
loupe) d'une famille nombreuse et sans
grande fortune. Les trois sœurs de Chi-
court se sont mariées convenablement.
L'aînée est femme d'un amiral encore au-
jourd'hui en activité de service à Roche-
fort. La seconde est veuve de M. de G.
Celle qui nous occupe a épousé en pre-
mières noces, à la Martinique, un officier
d'administration de la marine, M. C., que
son âge et une incurable maladie de poi-
trine condamnaient à une prompte mort.
M. C. emmena sa femme en Europe et
y décéda bientôt en lui laissant tous ses
biens. Eloignée de sa famille, aux prises
arco lca difrloultÓIJ d'une situation a liqui-
der et d'un héritage à recueillir, Mme
veuve C. s'adressa au bon vouloir d'un
ami de son défunt mari, M. Fauque de Jon-
quières, qui s'empressa de l'assister. Un
an environ après le commencement de son
veuvage, elle l'épousait. L'action en di-
vorce plaidée récemment à Toulon, a éta-
bli que, dès avant les délais qui permet-
taient une union légitime, elle avait con-
senti à devenir la maîtresse de son second
mari.
Devenue l'épouse de M. de Jonquières,
elle vint habiter Toulon où elle prit aus-
sitôt une situation hors de pair que nous
allons définir en quelques mots.
Il va de soi que dans un grand port de
guerre comme Toulon, les familles des
officiers supérieurs et généraux de la ma-
rine représentent ce qu'on est convenu
de nommer « le monde », et que les fa-
milles des amiraux y forment une classe
supérieure. Or, dans cette classe même,
il laut distinguer encore deux catégories
distinctes, bien distinctes sous le rapport
mondain : celle des amiraux de naissance
et celle des amiraux parvenus. Précisons.
Les amiraux de naissance sont ceux dont
les ascendants ont fourni constamment à
la marine des officiers @ généraux ou au
moins des officiers supérieurs. Les ami-
raux parvenus sont. tous les autres.
L'amiral Duperré, par exemple, dont le
père et le grand-père ont porté le titre
d'amiral, appartient à la première catégo-
rie. L'amiral Rieunier, préfet maritime de
l'arrondissement de Toulon, — le premier
de son nom dans le cadre des officiers gé-
néraux de la marine, — est un parvenu.
Ce sont là des désignations dont on se
sert couramment dans les salons de la so-
ciété toulonnaise, sans y attacher aucun
sens malveillant, mais simplement pour
indiquer une démarcation qui a existé de
tout temps.
Par son mariage, Mme de Jonquières se
trouvait appartenir au monde des amiraux
de naissance, à ce monde aussi supérieur
aux autres dans cette hiérarchie mondaine
que le Jockey-Club Test à un cercle de pe-
tits bourgeois. Elle sut s'en distinguer
bientôt par son charme, sa beauté et sa
très réelle distinction, par l'ensemble de
ces qualités qui font la vraie femme du
monde. Jusqu'au jour de sa rencontre avec
le maire de Toulon, elle y jouissait d'une
réputation sans tache.
Les comparses
Fille d'un professeur, Mme Audibert est
née à La Flèche et avait dix ans lorsque
son père, M. Viaut, nommé proviseur à
Toulon, l'y amena.
L'acte d'accusation la qualifie « une
femme de mœurs légères », et nous de-
vons dire qu'il exprime ainsi l'opinion
presque unanime des Toulonnais. Elle a
été l'héroïne d'aventures scandaleuses,
même longtemps avant les faits dont elle
a à répondre devant le jury.
Son mari, M. Audibert, vit loin d'elle en
Egypte, depuis plusieurs années.
Sans
E, gypte oe~ tre laide, elle est rude et antipa-
Egypte, être laide, elle est rude et antipa-
thique, nullement distinguée, et n'ayant
jamais occupé la moindre situation, même
dans la société bourgeoise à laquelle elle
appartient.
Les Toulonnais la donnent pour maî-
tresse à Fouroux, mais l'instruction n'y a
nullement insisté. Il est très probable qu'il
n'en est rien et que Mme Audibert a été
pour le maire de Toulon seulement « une
amie ». C'est le mot dont se sert l'acte
d'accusation.
Quant à Mme Laure, c'est une accou-
cheuse de faubourg qui n'avait pas encore
eu maille à partir avec la justice.
La défense de M. Fouroux
A l'instruction, Mme de Jonquières s'est
montrée particulièrement agressive con-
tre M. Fouroux. qu'elle n'a cessé de trai-
ter, même au cours d'une confrontation,
de misérable, de canaille et de lâche.
Les débats du procès ne se passeront
certainement pas sans qu'une altercation
se produise entre les deux anciens amants.
Contrairement à ses trois co-accusées
qui ont fait des aveux presque complets,
M. Fouroux plaide non coupable. De ses
multiples interrogatoires, nous extrayons
ces passages essentiels qui constituent
tout son système de défense :
Jamais je n'ai eu la moindre part dans les
deux avortements de Mme de Jonquières. Je
proteste contre la façon tout à fait extraordi-
naire dont on m'a arrêté. Je suis victime d'une
machination terrible. Dans sa haine féroce con-
tre moi, Mme de Jonquières n'a reculé devant
rien pour me noircir, ainsi qu'elle m'en mena-
çait. Etant à Paris, j'appris qu'un avocat de
Toulon ourdissait contre moi une machination
dans le but de me perdre.
M. de Sainte-Colombe m'a écrit une lettre
menaçante, qu'il a retirée en ce qui me tou-
chait: mais non en ce concernait Mme de Jon-
quières qui répétait partout : « Quoi qu'il
doive m'en coûter, au risque de la perte de
mou honneur, je-ferai tomber Fouroux de son
piédestal. » Je le répète, il y avait un complot
ourdi contre moi. J'en connais les auteurs prin-
cipaux. L'instigatrice principale était Mme de
Jonquières.
Pour se laver des accusations honteuses
dirigées contre lui, M. Fouroux a déclaré
qu'il n'hésiterait pas à révéler des faits qu'il -
aurait désiré tenir cachés.
Mme Audibert, a-t-il dit, était, en quelque
sorte, une maîtresse de la main gauche. Je la
considérais comme une femme aimable, et
c'était tout. A un moment, je me suis trouvé
placé entre Mme de Jonquières et Mme Audi-
bert, qui se haïssaient mortellement. Je subis
le contre-coup de leurs colères.
M. Fouroux affirme que c'est malgré lui
que Mme de Jonquières s'est fait avorter,
qu'il ne s'est pas aperçu, le jour de la fa-
meuse promenade en mer, qu'elle jetait
dans les flots le cadavre de son enfant.
Les débats
Un seul témoin sera particulièrement
intéressant au procès. C'est M. de Jon-
quières. Il serait, dit-on résolu à interve-
nir au procès comme partie civile. On ne
s'explique pas bien à quel titre, à moins
que ce ne soit pour assurer le succès de
son instance en divorce qui devra être ju-
gée à nouveau après le procès sur opposi-
tion de sa femme contre laquelle il a été
rendu jugement par défaut.
Les défenseurs des quatre accusés
sont :
Pour Fouroux, Me Masson., du barreau
d'Aix.
Pour Mme de Jonquières, Me Noël Bla-
che, du barreau de Toulon, ancien prési-
dent du Conseil général du Var.
Four Mmo Audibert, Me Danet, de Pa-
ris, et M* Victor Pietra, de Toulon.
Pour la fille Laure, Me Decori, du bar-
reau de Paris.
M. le
tiendra procureur général Naquet sou-
l'accusation.
La foule des curieux
Draguignan, 6 janvier. — Les débats du
procès Fouroux, qui commencent demain,
ont amené ici beaucoup de monde. Les
hôtels sont bondés.
On s'attend à des audiences mouvemen-
tées, l'une des accusées étant d'une ner-
vosité très grande.
(De notre correspondant particulier)
Draguignan, 6 janvier. — Un grand nom-
bre de notabilités sont arrivées. La sœur
de Mme de Jonquières est descendue à
l'hôtel de France.
L'opinion publique se manifeste sensi-
blement en faveur de Mme de Jonquières,
tandis qu'elle se montre très sévère à l'é-
gard de M. Fouroux. On s'attend à de vifs
incidents.
Un des collaborateurs de la Lanterne as-
sistera aux débats et nous en télégraphiera
chaque jour le compte-rendu complet.
INCENDIE RUE DE LA VERRERIE
Deux maisons brûlées. — Graves dan-
gers. — Deux pompiers blessés.
Un incendie qui aurait pu prendre des
proportions considérables s'est déclaré
hier soir, rue de la Verrerie.
Le feu a éclaté vers onze heures un
quart dans la maison qui porte sur cette
rue le n* 61, au premier étage, où demeure
un marchand de casquettes, M. Wurmser.
La proximité de la caserne de la Cité a
permis aux secours d'arriver et de s'orga-
niser rapidement.
Dix minutes après le commencement
de l'incendie deux pompes à bras étaient
en batterie rue de Rivoli, une autre, à
vapeur, prête à marcher rue de la Ver-
rerie.
Malheureusement, le feu avait déjà ga-
gné les étages supérieurs, et deux heures
après, vers 1 h. 112, avait consumé toute
la maison située au fond de la cour au n° 61
de la rue de la Verrerie et s'était commu-
niqué de là au n° 7 de la rue du Temple,
où les pompiers essayaient de le circons-
crire au moment où nous avons quitté le
lieu du sinistre.
On a pu craindre un moment que l'incen-
die ne prit des proportions plus graves,
par suite de la présence au rez-de-chaus-
sée de la maison de la rue de la Verrerie
d'un dépôt d'huile minérale.
On a pu, heureusement, déménager à
temps les bonbonnes de pétrole et de lu-
ciline déposées dans ce magasin.
Un pompier a eu un commencement
d'asphyxie en pénétrant dans une cham-
bre en flammes. Un autre a eu trois
ûûigts de pied écrasés par la Chute d'une
poutre.
Le service d'ordre, assuré par la garde
républicaine, était dirigé par l'officier de
paix du quatrième arrondissement.
GRAVE AFFAIRE
PLAINTE DÉPOSÉE CONTRE UN COM-
MISSAIRE DE POLICE
Une nouvelle & sensation. —Grave ac-
cusation. — Un fou. — Une fortune
convoitée. — Légalisation de
signature. — Enquête du
parquet. — Lettres im-
portantes
Il y a quelques jours le procureur de la
République du département de la Seina
recevait une plainte déposée contre un
commissaire de police de la ville de Parie
et plusieurs personnes. On accusait lë.
magistrat incriminé d'être l'amant d'une
femme mariée, dont le mari, atteint d'a-
liénation mentale, est actuellement in-
terné à l'hospice de Sainte-Anne. Ce com-
missaire aurait fait signer au mari de sa
maîtresse une autorisation pour opérer la
retrait d'une somme de cinquante mille
francs, ensuite, en sa qualité de commis-
saire de police, il aurait légalisé la signa-
ture du fou.
Le procureur de la République ému à
juste titre ordonna une enquête et char-
gea M. Atthalin, juge d'instruction de la.
diriger.
Il y a peu de jours, un commissaire de
police de la ville de Paris se présentait att
cabinet du préfet de police et demanda
à parler à M. Lozé. -
Ce magistrat était M. Santini, commis-
saire de police du quartier de la Goutte-
d'Or. Il lui parla d'une plainte déposéas
contre lui, donna de très complètes expli-
cations.
M. Lozé, en le quittant, lui dit: « Ne vous.
inquiétez pas. »
Avant-hier, M. Lozé recevait son per-
sonnel au sujet des fêtes du nouvel an.
M. Santini qui se trouvait parmi les com-
missaires venus pour présenter leurs de-
voirs à leur chef, parla de nouveau W,
celui-ci, de l'affaire dont il était accusé.
— C'est bien, lui fut-il répondu, ne vous
en inquiétez pas.
Le lendemain, c'est-à-dire hier, une note
paraissait dans plusieurs journaux, rédi-
gée de la même façon et où elle avait été
apportée par la même personne.
Notre enquête
Nous avons fait une enquête très sé-
rieuse dont nous livrons tous les détails
à nos lecteurs.
Mme Blanche Delmont paraissant âgée.
d'une quarantaine d'années, demeure ac-
tuellement 64, rue Letort. Elle a été pen-
dant de nombreuses années la maîtresse du
docteur Bergeron, médecin aliéniste, de-
meurant, 34, rue du Bac.
Cette dame était, prétend-elle, l'amia
d'enfance de M. le baron Lucien de Las-
saigne.
Mme Delmont était également l'amie de
M. Santini, commissaire de police qu'elle
traite avec une très grande familiarité.
M. de Lassaigne avait, avec le docteur
Bergeron, des relations d'amitié.
Bergeron, d'un caractère très vif, en proia
Il était
à des accès nerveux très violents.
En 1879, M. de Lassaigne, dans un acaàs
de folie furieuse, tira un coup de revolver
sur un ecclésiastique. Puis, deux jours
après, il essaya d'étrangler sa mère.
M. de Lassaigne fut arrêté et envoyé à
l'hospice Sainte-Anne comme aliéné. Deux
ans après, M. Bergeron l'en fit sortir.
M. de Lassaigne, convaincu que M. Ber-
geron avait été la cause de son interne-
ment dans une maison de fous, se rendit
une fois libre au domicile de ce dernier. Il
était dans un état de surexcitation extrê-
me, et, comme on ne voulait pas le laisser
pénétrer dans le cabinet du médecin alié-
niste, il sortit de son foureau l'épée d'une
canne armée et en frappa un des cliellts.
qui se trouvait dans le salon d'attente.
Le lendemain, M. de Lassaigne était re-
conduit à Sainte-Anne où il resta dix-huit.
mois.
Le 6 octobre 1889, M. de Lassaigne, qui
aimait beaucoup Mme Delmont, se rendit
chez elle, 99, rue du Ruisseau.
Il avait les traits contractés et parais-
sait très excité.
Mme Delmont envoya immédiatement
prévenir un inspecteur de M. Santini. Ella
l'informait que M. de Lassaigne s'était
présenté chez elle et qu'elle craignait da
sa part un accès de folie furieuse. Elle le
priait de dire au commissaire de venir
tout de suite.
Pendant ce temps, Mme Delmont faisait
préparer un lit dans la salle à manger et
montait dans sa chambre. Tout à coup,.
une détonation retentit.
Tentative de suicide
Mme Delmont descendit en toute hâte.
En entrant dans la pièce, elle vit M. da
Lassaigne, couvert de sang, étendu sur
le parquet et portant au visage une plaiQ
béante. A ce moment, M. Santini arrivait.
Comme il n'était pas le commissaire du
quartier, ce fut M. Cazalas, alors commis-
saire, mais actuellement retraité, qui vint
constater la tentative de suicide.
M. de Lassaigne était amoureux fou da
Mme Delmont et voulait se tuer parce
qu'elle ne voulait pas l'aimer. -
M. de Lassaigne n'était pas mort ; il di-
sait tout le temps : J'ai failli à l'hon-
neur.
M. Bergeron, qui avait été prévenu par
Mme Delmont, arriva en ce moment.
Lucien de Lassaigne avait sur lui qua-
torze cents francs en argent et cinquanta
mille francs en valeurs diverses.
M. Bergeron, en présence de M. Santini
et de M. Blanchet, architecte, 12 avenue
Trudaine, prit les valeurs et en donna uz
reçu.
Puis il fit transporter M. de Lassaigne
à l'hospice Dubois où on essaya vaine-
ment d extraire la balle.
Neuf jours après, M. de Lassaigne fut
envoyé à Sainte-Anne pour la troisième
fois.
Cet ordre fut signé par M. Collas, com-
missaire de police, et par M. Santini.
A Sainte-Anne
M. Bergeron recommanda M. de Lassai-
gne à son collègue de Sainte-Anne.
Mme Delmont, au mois d'août dernier,
alla voir à l'hospice M. de Lassaigne, et
lui fit part de la situation précaire dans
laquelle elle se trouvait. a
- Comment, lui dit M. dô Lassaigne, se
ADMINISTRATION. RÉDACTION ET ANNONCES
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Les articles non insérés ne seront pas rendus
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JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
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Le Numéro : ES centimes
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QUINZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5010
d
^1 JEUDI 8 JANVIER 1891 CD
19 NIVÔSE - AN 99
La « IiAJUTERME » est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
LES MATIERES PREMIERES
C'est demain que la commission des
flouanes, devançant de quelques jours
la rentrée des Chambres, reprend le
cours de ses travaux.
Dès sa première réunion, la commis-
sion va se trouver en face de la grave
question qu'elle n'avait fait qu'effleurer
tau moment de sa séparation, la ques-
tion de savoir sous quel régime seront
placées les matières premières.
On se rappelle qu'en présence des
tendances du groupe protectionniste à
frapper de droits élevés les matières
premières à leur entrée en France, le
gouvernement avait, à l'une des derniè-
res séances de la commission, catégori-
quement déclaré qu'il s'opposerait de
toutes ses forces à la taxation de tout
ce qui constitue l'aliment premier de
nos industries.
Cette déclaration, inspirée par le
souci éclairé de notre prospérité indus-
trielle, a eu un certain retentissement
et a été partout accueillie avec une fa-
veur qui a, tout d'abord, déconcerté
l'audaoe des protectionnistes. i
Ceux-ci, toutefois, n'ont pas tardé à
retrouver leur aplomb.
Recourant à une feinte habile, ils ont
fait semblant de céder et se sont dit
prêts à accorder une apparente satis-
faction à l'une des principales réclama-
tions que soulève le projet d'établir des
droits de douane sur les matières pre-
roières, espérant par là éluder les au-
tres objections.
Ils ont dit : c'est surtout au nom des
intérêts de notre exportationlque l'on de-
mande l'entrée en franchise des matiè-
res premières.
Eh bien, il y a un moyen, de sauve-
garder ces intérêts : on n'établira des
droits que sur les matières devant ser-
vir à la fabrication des produits qui se
vendront en France : quant aux matiè
res destinées à être exportées après
avoir été transformées par nos fabri-
cants et manufacturiers, elles seront
exemptes de tout droit.
Et bien vite on a lancé dans la discus-
sion les grands mots d'admission tem-
poraire et de drawback, bons à jeter de
la poudre aux yeux des inconscients et
des naïfs.
Voyons donc un peu ce que cela si-
gnifie et rendons-nous compte du ré-
gime qui serait fait à notre industrie,
ainsi que des conséquences qui en ré-
sulteraient pour les consommateurs
français, si les systèmes exprimés par
ces mots étaient adoptés.
En réalité l'admission temporaire et
le drawback ne sont que les deux for-
mes d'un même et unique système.
Comme le mot l'indique, on entend
par admission temporaire, l'exemption
des droits de douane accordée aux ma-
tières premières venant de l'étranger
et destinées à y être réexpédiées après
avoir été transformées par nos indus-
triels en produits fabriqués. Exemple :
un manufacturier reçoit de la laine
brute de l'étranger; s'il déclare que
dans le délai de six mois il la réexpor-
tera convertie en tissu, la douane, sous
réserve des constatations à faire ulté-
rieurement, lalaisse entreren franchise.
Par le système du drawback, dans
l'exemple que nous avons cité, la douane
touche les droits à l'entrée et les rem-
bourse à la sortie.
Par l'un ou l'autre de ces moyens,
font remarquer les protectionnistes,
eotre industrie est sauvegardée en ce
qui touche l'exportation, puisque les
produits qu'elle destine à l'étranger sont
dégrevés des droits qui frappent les ma-
tières premières à leur entrée en France.
Enthéorie, ce systèmepeut se soutenir,
mais il en va bien autrement quand on
envisage les conséquences pratiques.
D'abord l'admission temporaire com-
me le remboursement des droits à la
sortie, sont une prime à la fraude.
Exemple : Un fabricant de papier re-
çoit de l'étranger de la pâte de bois
chimique, il la reçoit en- franchise, ou
sous condition de se faire rembourser
les droits, s'il la réexpédie sous forme
de papier. Que fait-il alors ou que peut-il
faire ? Il fabrique ce papier avec 20 0/0
seulement de pâte de bois chimique,
comblant la différence avec de la pâte
de bois ordinaire : et il bénéficie ainsi
de la franchise ou du remboursement
des droits sur la quantité de pâte de
bois chimique qu'il n'a pas employée. La
substitution est d'autant plus facile, que
la douane n'y voit que du feu; ses
agents, à moins d'être des hommes du
métier, ce qui reviendrait fort cher et
laisserait encore place à la fraude,
étant incapables de découvrir la super-
cherie.
Et ce que nous disons du papier peut
se dire de tous les produits fabriqués,
quels qu'ils soient. Cela est évident et
n'a pas besoin d'être démontré.
Donc la concession apparente faite
par les protectionnistes en vue d'obtenir
un tarif applicable aux matières pre-
mières, aboutirait, comme premier et
grave inconvénient, à une vaste fraude
pratiquée au détriment du Trésor, c'est-
à-dire du contribuable français.
Mais ce n'est pas tout.
On sait que la France ne produit qu'une
infime partie des matières premières
nécessaires à son industrie.
Ainsi, nous ne produisons que 45 mil-
lions de kilogrammes de laine sur les
175 millions dont nous avons besoin.
Nos fabricants de soieries consomment
de 10 à 11 millions de kilogrammes de
soie : la France n'en peut fournir qu'un
million. Il nous faut 86 millions de kilo-
grammes de lin et de chanvre : notre
sol n'en produit que 29 millions.
D'autre part, notre consommation in-
térieure se chiffre par vingt milliards
de produits de toute sorte, alors que
notre exportation ne porte que sur trois
ou quatre milliards.
Si donc, dans cette impossibilité où
se trouve la France de tirer d'elle-même
toutes les matières premières néces-
saires à sa consommation, on n'exempte
que les matières destinées à l'exporta-
tion, que deviendra notre consomma-
tion intérieure qui est cinq fois plus
considérable ?
Elle se trouvera écrasée par les droits
de douane dont les protectionnistes veu-
lent frapper l'aliment de nos industries.
De telle sorte que des produits manu-
facturés chez nous pourront être acquis
par l'étranger à des prix inférieurs,
alors que nous-mêmes nous devons les
payer beaucoup plus cher. Notre génie
industriel ne s'exercera donc qu'en fa-
veur de l'étranger, qui sera seul à bé-
néficier des produits français placés
hors de notre portée.
Voilà, en dehors des fraudes inévita-
bles que nous avons signalées, quelles
seraient les conséquences de l'établis-
sement de droits sur les matières pre-
mières, même mitigé par l'admission
temporaire ou le drawback.
La commission et le Parlement sur-
tout repousseront, nous en avons le
ferme espoir, ces ruineuses chinoise-
ries.
Notre industrie, qui est la principale
source de la prospérité nationale, ne
vit, ne peut vivre que des matières bru-
tes venant de l'étranger.
Le Parlement ne voudra pas lui cou-
per les vivres et amener par là à bref
délai la ruine de la France, en imposant
des droits à l'entrée des matières pre-
mières.
DANS LA HAUTE-MARNE
Les opportunistes. — Partout las
v mêmes !
Le procédé des opportunistes ne varie
pas. Que ce soit en Seine-et-Oise, en
Seine-et-Marne ou ailleurs, on les trouve
partout où il y a une alliance louche à
conclure, une trahison à commettre.
C'est de la Haute-Vienne que nous ar-
rive aujourd'hui le nouveau spécimen de
leurs manœuvres tortueuses et de leurs
compromissions avec les réactionnaires.
Gomme à Versailles, comme à Melun, c'est
dans l'élection sénatoriale qu'ils ont donné
carrière à leur goût pour l'action paral-
lèle.
En 1888, dans la Haute-Vienne, lors de
l'élection de M. Donnet, opportuniste, les
voix se répartirent comme suit :
Premier tour :
MM. Donnet, oppportuniste. 238 voix
Sciama, radical. 125 —
Brigueil, monarchiste. 227 —
Au second tour, M. Donnet passait avec
402 voix, grâce aux voix radicales.
Au scrutin de dimanche dernier, les ra-
dicaux conservent leurs positions de 1888,
les monarchistes descendent à 49 voix, les
opportunistes, M. Teisserenc de Bort en
tête passent avec une moyenne de 420
voix.
C'est l'arithmétique qui se charge de
tirer la moralité de ce rapprochement.
Les candidats opportunistes n'ont dû
leur triomphe qu'à l'appoint des monar-
chistes. Ceux-ci leur devaient bien cette
récompense. Ils n'eussent pas mieux ser-
vi les intérêts de la réaction que ne l'ont
fait nos sénateurs opportunistes.
Mais le parti radical, qui connaît le des-
sous des cartes, ne sera pas dupe deux
fois : le suffrage universel prendra sa re-
vanche des échecs, expliqués aujourd'hui,
de 1889 et de dimanche dernier.
UNE LETTRE DE M. ANDRIEUX
Protestation inutile
Hier encore, le suffrage universel avait
aux yeux de M. Andrieux tous les méri-
tes et toutes les vertus. Aujourd'hui, il
est devenu une sorte de tripot où les
grecs de la politique gagnent a coup sûr,
et le régime républicain une caverne de
brigands où fleurissent le vol, la fraude
et Poppression.
C'est qu'entre hier et aujourd'hui il y a
eu une élection — et que ce suffrage uni-
versel dont M. Andrieuy escomptait l'in-
dulgence. ou pour mieuxdire la naïveté,
qu'il espérait abuser à l'aide d'une de ces
transformations auxquelles ce candidat no-
made et caméléonesque nous a habitués a
flairé le piège et s'est gardé d'y tomber.
Inde iree ! d'où la bordée d'injures que
l'ancien préfet de police envoie aux 6,353
électeurs qui ne l'ont pas honoré de leur
confiance, dans sa lettre de remercîments
à la très peu imposante minorité qu'il a
été chercher au fond des sacristies.
M. Andrieux aura beau crier à la tri-
cherie. Le public ne s'y trompera pas plus
qu'il ne s'y est trompé lui-même. Si quel-
qu'un a essayé de piper les dés, c'est lui.
Evidemment les condamnés ont vingt-
quatre heures pour maudire leurs juges.
Mais ne trouvez-vous pas que c'est un
droit dont M. Andrieux abuse, en parlant
de liberté, lui qui aurait inventé l'arbi-
traire, s'il n'avait pas existé autrefois ?
LA ROSE D'OR
Un ajournement
On lit dans le Galignani's Messenger:
M. Carnot a reçu une lettre autographe du
pape Léon XIII, annonçant qu'il avait bien
eu l'intention d'offrir la Rose d'Or, cette an-
née, à Mme Carnot, en témoignage de son
appréciation bien profonde des vertus émi-
nemment chrétiennes dont l'auguste épouse
du président de la République a toujours fait
preuve. En présence, cependant, de l'affliction
que vient d'éprouver l'impératrice d'Autriche,
eu égard aussi à sa visita au Vatican, ce pro-
jet a dû être abandonné.
Le pape, en terminant, exprime l'espoir de
pouvoir, l'année prochaine, offrir pareillement
à Mme Carnot le témoignage de son amour
pour la France catholique.
INFORWATIOMS
M. G. Martin, candidat au Conseil
municipal
On annonce qu'un groupe d'électeurs du
quartier Montparnasse a offert à M. Georges
Martin, le sénateur non réélu de dimanche, le
siège de conseiller municipal devenu vacant
par le décès de M. Emile Richard.
Rendement des impôts
L'administration des finances vient de pu-
blier le rendement' des impôts et revenus in-
directs ab si que des monopoles de l'Etat pen-
dant le mois de décembre 1890.
Les résultats accusent une plus-value de
5,232,500 par rapport aux évaluations budgé-
taires et une augmentation de 14,771,700 sur
la période correspondante de 1889.
Par rapport aux évaluations budgétaires.
il y a plus-values sur : l'enregistrement
(1,298.000) ; les contributions indirectes
(2,314,000); les sels (156.000); les sucres
(479.700) : les postes (428,500) ; les télégraphes
(1,331,500).
Il y a moins-values sur: le timbre (210,000) ;
l'impôt de 3 0/0 sur les valeurs mobilières
(136,000); les douanes (246,000); les contribu-
tions indirectes-monopoles (180.000)
Par rapport au mois de décembre 1889, il y
a plus-values sur: l'enregistrement (1,262,000);
le timbre (464,000) ; l'impôt de 3 0/0 sur les va-
leurs mobilières (25,000) ; les douanes (1,240.000);
les sels (51,000) ; les sucres (8,174,000); les con-
tributions indirectes-monopoles (2,072,000) ; les
postes (738,200 ; les télégraphes (1,016,500).
Il y a moins-values sur les contributions
indirectes (271,000).
Nomination du colonel Lebel
Le Journal officiel publiera demain un mou-
vement dans le personnel des receveurs par-
ticuliers des finances.
M. Lebel (Nicolas), colonel d'infanterie en
retraite, est nommé receveur particulier des
finances de l'arrondissement, do Vitro (iuc-et-
Vilcûuu).
L'EMPRUNT
Souscriptions irréductibles. — Aux
abonnés de la « Lanterne ».
On sait que le ministre des finances a
décidé que toutes les souscriptions, quel
qu'en soit le chiffre, seraient soumises
à une réduction proportionnelle.
Pour avoir des rentes nouvelles, il
faut que les souscripteurs fassent la
queue pendant plusieurs heures devant
les guichets et souscrivent sans savoir
à quel chiffre sera réduite leur souscrip-
tion.
La Lanterne, toujours à la recherche
de ce qui peut être agréable à ses lec-
teurs, leur offre, à propos de la sous-
cription de l'emprunt, une prime d'un
nouveau genre.
La « Lanterne » met à la disposition de
tous les lecteurs qui s'abonneront du 5
au 10 janvier, le droit de souscrire à 3
ou 6 francs de rente Irréductibles.
Tout lecteur qui, du 5 au 10 janvier,
s'abonnera pour 6 mois à la Lanterne,
aura droit à une souscription irrédue-
tible de 3 francs de rente au prix
fixé par l'arrêté ministériel.
Tout abonnement d'un an nouveau ou
renouvelé du 5 au 10 janvier donne droit
à une souscription Irréductible de
8 frames de rente.
Il suffit de joindre au prix ordinaire
de l'abonnement qui est pour :
Paris : Départements :
6 mois. 9 fr. 6 mois., 11 fr.
1 an. 18 fr. 1 an. 20 fr.
le montant du premier versement à
effectuer sur la rente, soit :
15 fr. pour 3 fr. de rente,
30 fr. pour 6 fr. de rente.
Pour éviter un nouvel envoi de fonds,
on peut, si l'on veut, y joindre le
deuxième versement appelé à la répar-
tition, soit 15 fr. par 3 fr. de rente.
On souscrit soit aux guichets de la
Lanterne, 18, rue Richer, soit par cor-
respondance.
Les titres libérés des deux verse-
ments seront expédiés franco aux sous-
cripteurs, aussitôt qu'ils auront été
délivrés par le ministère des finances.
SCANDALEJDE TOULON
L'AFFAIRE FOUROUX
La physionomie des accusés. - M.
Alphonse Fouroux, ancien officier
de marine. — Femme de marin.
— Sage-femme et femme
P?u sage. — Questions
obscures.
Nous avons donné, hier, le résumé com-
plet de l'aftaire Fouroux en suivant, pour
ainsi dire, pas à pas, le système de l'ac-
cusation tel qu'il est formulé par M. le
procureur général Naquet.
Complétons aujourd'hui l'exposé du pro-
cès par des renseignements plus intimes,
plus colorés, sur la personnalité de chacun
des acteurs de ce drame.
M. Fouroux
M. Fouroux n'a que trente ans. Né de
petits bourgeois, il a suivi les cours de l'E-
cole navale, est devenu enseigne de vais-
seau et a donné sa démission pour rentrer
à Toulon, sa ville natale, et s'y livrer uni-
quement à la politique. Nommé maire de
Toulon, il y a deux ans, il a échoué aux
élections législatives en 1889. Il s'était
présenté dans la seconde circonscription
de Toulon, contre MM. Magnier et Cluse-
ret ; au second tour il se désista en faveur
de M. Magnier et M. Cluseret fut élu. Il
s'occupait activement de tenter de nouveau
les chances du scrutin à la première va-
cance gui se produirait dans le Var, et
songeait dans ce but à fonder un journal.
A la mairie, Fouroux s'intéressait sur-
tout aux grands travaux d'embellissement
et d'assainissement qui ont de tout temps
préoccupé la municipalité de cette ville
sans égouts, sans canalisations sérieuses.
iivrée à toutes les épidémies. Dans ce but,
il s'était abouché avec un architecte pa-
risien, M. Blondel, qui a dû liquider sa si-
tuation commerciale depuis l'arrestation
du maire. 11 s'agissait de percer des rues
nouvelles, de transformer progressive-
ment le vieux Toulon. Ce projet très an-
cien était à la veille d'aboutir.
Sous le rapport des moeurs, ses conci-
toyens donnent Fouroux comme un homme
volontiers adonné aux amours faciles et
manquant un peu de tenue. Ses aventures
galantes ne sont un mystère pour per-
sonne et on lui attribue couramment un
certain nombre d'enfants naturels. Au
physique, il a le visage attristé par une
tache lie-de-vin qui couvre presque en-
tièrement le profil droit. Le profil gauche
révèle un homme agréable et intelligent.
Mme de Jonquières
Jane Richard de Chicourt, épouse de
M. de Fauque de Jonquières, officier de
marine, est née à la Basse-Terre (Guade-
loupe) d'une famille nombreuse et sans
grande fortune. Les trois sœurs de Chi-
court se sont mariées convenablement.
L'aînée est femme d'un amiral encore au-
jourd'hui en activité de service à Roche-
fort. La seconde est veuve de M. de G.
Celle qui nous occupe a épousé en pre-
mières noces, à la Martinique, un officier
d'administration de la marine, M. C., que
son âge et une incurable maladie de poi-
trine condamnaient à une prompte mort.
M. C. emmena sa femme en Europe et
y décéda bientôt en lui laissant tous ses
biens. Eloignée de sa famille, aux prises
arco lca difrloultÓIJ d'une situation a liqui-
der et d'un héritage à recueillir, Mme
veuve C. s'adressa au bon vouloir d'un
ami de son défunt mari, M. Fauque de Jon-
quières, qui s'empressa de l'assister. Un
an environ après le commencement de son
veuvage, elle l'épousait. L'action en di-
vorce plaidée récemment à Toulon, a éta-
bli que, dès avant les délais qui permet-
taient une union légitime, elle avait con-
senti à devenir la maîtresse de son second
mari.
Devenue l'épouse de M. de Jonquières,
elle vint habiter Toulon où elle prit aus-
sitôt une situation hors de pair que nous
allons définir en quelques mots.
Il va de soi que dans un grand port de
guerre comme Toulon, les familles des
officiers supérieurs et généraux de la ma-
rine représentent ce qu'on est convenu
de nommer « le monde », et que les fa-
milles des amiraux y forment une classe
supérieure. Or, dans cette classe même,
il laut distinguer encore deux catégories
distinctes, bien distinctes sous le rapport
mondain : celle des amiraux de naissance
et celle des amiraux parvenus. Précisons.
Les amiraux de naissance sont ceux dont
les ascendants ont fourni constamment à
la marine des officiers @ généraux ou au
moins des officiers supérieurs. Les ami-
raux parvenus sont. tous les autres.
L'amiral Duperré, par exemple, dont le
père et le grand-père ont porté le titre
d'amiral, appartient à la première catégo-
rie. L'amiral Rieunier, préfet maritime de
l'arrondissement de Toulon, — le premier
de son nom dans le cadre des officiers gé-
néraux de la marine, — est un parvenu.
Ce sont là des désignations dont on se
sert couramment dans les salons de la so-
ciété toulonnaise, sans y attacher aucun
sens malveillant, mais simplement pour
indiquer une démarcation qui a existé de
tout temps.
Par son mariage, Mme de Jonquières se
trouvait appartenir au monde des amiraux
de naissance, à ce monde aussi supérieur
aux autres dans cette hiérarchie mondaine
que le Jockey-Club Test à un cercle de pe-
tits bourgeois. Elle sut s'en distinguer
bientôt par son charme, sa beauté et sa
très réelle distinction, par l'ensemble de
ces qualités qui font la vraie femme du
monde. Jusqu'au jour de sa rencontre avec
le maire de Toulon, elle y jouissait d'une
réputation sans tache.
Les comparses
Fille d'un professeur, Mme Audibert est
née à La Flèche et avait dix ans lorsque
son père, M. Viaut, nommé proviseur à
Toulon, l'y amena.
L'acte d'accusation la qualifie « une
femme de mœurs légères », et nous de-
vons dire qu'il exprime ainsi l'opinion
presque unanime des Toulonnais. Elle a
été l'héroïne d'aventures scandaleuses,
même longtemps avant les faits dont elle
a à répondre devant le jury.
Son mari, M. Audibert, vit loin d'elle en
Egypte, depuis plusieurs années.
Sans
E, gypte oe~ tre laide, elle est rude et antipa-
Egypte, être laide, elle est rude et antipa-
thique, nullement distinguée, et n'ayant
jamais occupé la moindre situation, même
dans la société bourgeoise à laquelle elle
appartient.
Les Toulonnais la donnent pour maî-
tresse à Fouroux, mais l'instruction n'y a
nullement insisté. Il est très probable qu'il
n'en est rien et que Mme Audibert a été
pour le maire de Toulon seulement « une
amie ». C'est le mot dont se sert l'acte
d'accusation.
Quant à Mme Laure, c'est une accou-
cheuse de faubourg qui n'avait pas encore
eu maille à partir avec la justice.
La défense de M. Fouroux
A l'instruction, Mme de Jonquières s'est
montrée particulièrement agressive con-
tre M. Fouroux. qu'elle n'a cessé de trai-
ter, même au cours d'une confrontation,
de misérable, de canaille et de lâche.
Les débats du procès ne se passeront
certainement pas sans qu'une altercation
se produise entre les deux anciens amants.
Contrairement à ses trois co-accusées
qui ont fait des aveux presque complets,
M. Fouroux plaide non coupable. De ses
multiples interrogatoires, nous extrayons
ces passages essentiels qui constituent
tout son système de défense :
Jamais je n'ai eu la moindre part dans les
deux avortements de Mme de Jonquières. Je
proteste contre la façon tout à fait extraordi-
naire dont on m'a arrêté. Je suis victime d'une
machination terrible. Dans sa haine féroce con-
tre moi, Mme de Jonquières n'a reculé devant
rien pour me noircir, ainsi qu'elle m'en mena-
çait. Etant à Paris, j'appris qu'un avocat de
Toulon ourdissait contre moi une machination
dans le but de me perdre.
M. de Sainte-Colombe m'a écrit une lettre
menaçante, qu'il a retirée en ce qui me tou-
chait: mais non en ce concernait Mme de Jon-
quières qui répétait partout : « Quoi qu'il
doive m'en coûter, au risque de la perte de
mou honneur, je-ferai tomber Fouroux de son
piédestal. » Je le répète, il y avait un complot
ourdi contre moi. J'en connais les auteurs prin-
cipaux. L'instigatrice principale était Mme de
Jonquières.
Pour se laver des accusations honteuses
dirigées contre lui, M. Fouroux a déclaré
qu'il n'hésiterait pas à révéler des faits qu'il -
aurait désiré tenir cachés.
Mme Audibert, a-t-il dit, était, en quelque
sorte, une maîtresse de la main gauche. Je la
considérais comme une femme aimable, et
c'était tout. A un moment, je me suis trouvé
placé entre Mme de Jonquières et Mme Audi-
bert, qui se haïssaient mortellement. Je subis
le contre-coup de leurs colères.
M. Fouroux affirme que c'est malgré lui
que Mme de Jonquières s'est fait avorter,
qu'il ne s'est pas aperçu, le jour de la fa-
meuse promenade en mer, qu'elle jetait
dans les flots le cadavre de son enfant.
Les débats
Un seul témoin sera particulièrement
intéressant au procès. C'est M. de Jon-
quières. Il serait, dit-on résolu à interve-
nir au procès comme partie civile. On ne
s'explique pas bien à quel titre, à moins
que ce ne soit pour assurer le succès de
son instance en divorce qui devra être ju-
gée à nouveau après le procès sur opposi-
tion de sa femme contre laquelle il a été
rendu jugement par défaut.
Les défenseurs des quatre accusés
sont :
Pour Fouroux, Me Masson., du barreau
d'Aix.
Pour Mme de Jonquières, Me Noël Bla-
che, du barreau de Toulon, ancien prési-
dent du Conseil général du Var.
Four Mmo Audibert, Me Danet, de Pa-
ris, et M* Victor Pietra, de Toulon.
Pour la fille Laure, Me Decori, du bar-
reau de Paris.
M. le
tiendra procureur général Naquet sou-
l'accusation.
La foule des curieux
Draguignan, 6 janvier. — Les débats du
procès Fouroux, qui commencent demain,
ont amené ici beaucoup de monde. Les
hôtels sont bondés.
On s'attend à des audiences mouvemen-
tées, l'une des accusées étant d'une ner-
vosité très grande.
(De notre correspondant particulier)
Draguignan, 6 janvier. — Un grand nom-
bre de notabilités sont arrivées. La sœur
de Mme de Jonquières est descendue à
l'hôtel de France.
L'opinion publique se manifeste sensi-
blement en faveur de Mme de Jonquières,
tandis qu'elle se montre très sévère à l'é-
gard de M. Fouroux. On s'attend à de vifs
incidents.
Un des collaborateurs de la Lanterne as-
sistera aux débats et nous en télégraphiera
chaque jour le compte-rendu complet.
INCENDIE RUE DE LA VERRERIE
Deux maisons brûlées. — Graves dan-
gers. — Deux pompiers blessés.
Un incendie qui aurait pu prendre des
proportions considérables s'est déclaré
hier soir, rue de la Verrerie.
Le feu a éclaté vers onze heures un
quart dans la maison qui porte sur cette
rue le n* 61, au premier étage, où demeure
un marchand de casquettes, M. Wurmser.
La proximité de la caserne de la Cité a
permis aux secours d'arriver et de s'orga-
niser rapidement.
Dix minutes après le commencement
de l'incendie deux pompes à bras étaient
en batterie rue de Rivoli, une autre, à
vapeur, prête à marcher rue de la Ver-
rerie.
Malheureusement, le feu avait déjà ga-
gné les étages supérieurs, et deux heures
après, vers 1 h. 112, avait consumé toute
la maison située au fond de la cour au n° 61
de la rue de la Verrerie et s'était commu-
niqué de là au n° 7 de la rue du Temple,
où les pompiers essayaient de le circons-
crire au moment où nous avons quitté le
lieu du sinistre.
On a pu craindre un moment que l'incen-
die ne prit des proportions plus graves,
par suite de la présence au rez-de-chaus-
sée de la maison de la rue de la Verrerie
d'un dépôt d'huile minérale.
On a pu, heureusement, déménager à
temps les bonbonnes de pétrole et de lu-
ciline déposées dans ce magasin.
Un pompier a eu un commencement
d'asphyxie en pénétrant dans une cham-
bre en flammes. Un autre a eu trois
ûûigts de pied écrasés par la Chute d'une
poutre.
Le service d'ordre, assuré par la garde
républicaine, était dirigé par l'officier de
paix du quatrième arrondissement.
GRAVE AFFAIRE
PLAINTE DÉPOSÉE CONTRE UN COM-
MISSAIRE DE POLICE
Une nouvelle & sensation. —Grave ac-
cusation. — Un fou. — Une fortune
convoitée. — Légalisation de
signature. — Enquête du
parquet. — Lettres im-
portantes
Il y a quelques jours le procureur de la
République du département de la Seina
recevait une plainte déposée contre un
commissaire de police de la ville de Parie
et plusieurs personnes. On accusait lë.
magistrat incriminé d'être l'amant d'une
femme mariée, dont le mari, atteint d'a-
liénation mentale, est actuellement in-
terné à l'hospice de Sainte-Anne. Ce com-
missaire aurait fait signer au mari de sa
maîtresse une autorisation pour opérer la
retrait d'une somme de cinquante mille
francs, ensuite, en sa qualité de commis-
saire de police, il aurait légalisé la signa-
ture du fou.
Le procureur de la République ému à
juste titre ordonna une enquête et char-
gea M. Atthalin, juge d'instruction de la.
diriger.
Il y a peu de jours, un commissaire de
police de la ville de Paris se présentait att
cabinet du préfet de police et demanda
à parler à M. Lozé. -
Ce magistrat était M. Santini, commis-
saire de police du quartier de la Goutte-
d'Or. Il lui parla d'une plainte déposéas
contre lui, donna de très complètes expli-
cations.
M. Lozé, en le quittant, lui dit: « Ne vous.
inquiétez pas. »
Avant-hier, M. Lozé recevait son per-
sonnel au sujet des fêtes du nouvel an.
M. Santini qui se trouvait parmi les com-
missaires venus pour présenter leurs de-
voirs à leur chef, parla de nouveau W,
celui-ci, de l'affaire dont il était accusé.
— C'est bien, lui fut-il répondu, ne vous
en inquiétez pas.
Le lendemain, c'est-à-dire hier, une note
paraissait dans plusieurs journaux, rédi-
gée de la même façon et où elle avait été
apportée par la même personne.
Notre enquête
Nous avons fait une enquête très sé-
rieuse dont nous livrons tous les détails
à nos lecteurs.
Mme Blanche Delmont paraissant âgée.
d'une quarantaine d'années, demeure ac-
tuellement 64, rue Letort. Elle a été pen-
dant de nombreuses années la maîtresse du
docteur Bergeron, médecin aliéniste, de-
meurant, 34, rue du Bac.
Cette dame était, prétend-elle, l'amia
d'enfance de M. le baron Lucien de Las-
saigne.
Mme Delmont était également l'amie de
M. Santini, commissaire de police qu'elle
traite avec une très grande familiarité.
M. de Lassaigne avait, avec le docteur
Bergeron, des relations d'amitié.
Bergeron, d'un caractère très vif, en proia
Il était
à des accès nerveux très violents.
En 1879, M. de Lassaigne, dans un acaàs
de folie furieuse, tira un coup de revolver
sur un ecclésiastique. Puis, deux jours
après, il essaya d'étrangler sa mère.
M. de Lassaigne fut arrêté et envoyé à
l'hospice Sainte-Anne comme aliéné. Deux
ans après, M. Bergeron l'en fit sortir.
M. de Lassaigne, convaincu que M. Ber-
geron avait été la cause de son interne-
ment dans une maison de fous, se rendit
une fois libre au domicile de ce dernier. Il
était dans un état de surexcitation extrê-
me, et, comme on ne voulait pas le laisser
pénétrer dans le cabinet du médecin alié-
niste, il sortit de son foureau l'épée d'une
canne armée et en frappa un des cliellts.
qui se trouvait dans le salon d'attente.
Le lendemain, M. de Lassaigne était re-
conduit à Sainte-Anne où il resta dix-huit.
mois.
Le 6 octobre 1889, M. de Lassaigne, qui
aimait beaucoup Mme Delmont, se rendit
chez elle, 99, rue du Ruisseau.
Il avait les traits contractés et parais-
sait très excité.
Mme Delmont envoya immédiatement
prévenir un inspecteur de M. Santini. Ella
l'informait que M. de Lassaigne s'était
présenté chez elle et qu'elle craignait da
sa part un accès de folie furieuse. Elle le
priait de dire au commissaire de venir
tout de suite.
Pendant ce temps, Mme Delmont faisait
préparer un lit dans la salle à manger et
montait dans sa chambre. Tout à coup,.
une détonation retentit.
Tentative de suicide
Mme Delmont descendit en toute hâte.
En entrant dans la pièce, elle vit M. da
Lassaigne, couvert de sang, étendu sur
le parquet et portant au visage une plaiQ
béante. A ce moment, M. Santini arrivait.
Comme il n'était pas le commissaire du
quartier, ce fut M. Cazalas, alors commis-
saire, mais actuellement retraité, qui vint
constater la tentative de suicide.
M. de Lassaigne était amoureux fou da
Mme Delmont et voulait se tuer parce
qu'elle ne voulait pas l'aimer. -
M. de Lassaigne n'était pas mort ; il di-
sait tout le temps : J'ai failli à l'hon-
neur.
M. Bergeron, qui avait été prévenu par
Mme Delmont, arriva en ce moment.
Lucien de Lassaigne avait sur lui qua-
torze cents francs en argent et cinquanta
mille francs en valeurs diverses.
M. Bergeron, en présence de M. Santini
et de M. Blanchet, architecte, 12 avenue
Trudaine, prit les valeurs et en donna uz
reçu.
Puis il fit transporter M. de Lassaigne
à l'hospice Dubois où on essaya vaine-
ment d extraire la balle.
Neuf jours après, M. de Lassaigne fut
envoyé à Sainte-Anne pour la troisième
fois.
Cet ordre fut signé par M. Collas, com-
missaire de police, et par M. Santini.
A Sainte-Anne
M. Bergeron recommanda M. de Lassai-
gne à son collègue de Sainte-Anne.
Mme Delmont, au mois d'août dernier,
alla voir à l'hospice M. de Lassaigne, et
lui fit part de la situation précaire dans
laquelle elle se trouvait. a
- Comment, lui dit M. dô Lassaigne, se
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