Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1877-05-08
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 mai 1877 08 mai 1877
Description : 1877/05/08 (N2615). 1877/05/08 (N2615).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7528932q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
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N*Z019 - dlarâl f Mal 1877 - te numéro s ilO e. - Départements 1 15 -1-9 Ploréal an 85 —. M 2 -315
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Six moi* U0 Six mois 99 » jU
,.. Adresser leUrea. et.jnand&ts /1. 1J /If
A M. ERNEST LEF È VV
ADMINISTRATEUR-GENANT -il/
i /J) !.
LA PEAU Dii L'OURS
jim.
Ce sera donc toujours la peau de
l'ours. Il est vrai que, cette fois, la
peau qu'ils vendaient était la peau de
M. Jules Simon, qui n'est pas un ours,
ou qui est un ours tellement léché qu'il
n'est presque plus un ours. N'importe,
la Défense avait vendu sa peau. Et voici
que, comme dans la fable, l'ours vendu
est debout, et la Défense par terre.
La maladresse de la Défense est d'a-
voir vendu trop publiquement cette
peau de M. Jules Simon qui est le ma-
roquin de son portefeuille. Si la Dé-
fense avait vendu cette peau en secret
et tout bas, elle aurait peut-être réussi
à se l'approprier. L'ours, non mis sur
ses gardes, se livrait de lui-même.
Jeudi, M Jules Simon n'avait pas lu
l'article du journal de M. Dupanloup.
Alors, il s'est laissé aller à sa nature,
qui est douce et n'a rien d'anti-clérical.
Le cléricalisme commet de telles choses
qu'un journal qu'on ne soupçonne pas
de radicalisme échevelé, un journal mo-
dérément républicain, un journal qui
confond la politique avec l'homœopa-
thie et qui n'admet la République qu'à
dose infinitésimale, le Journal des Dé-
bats, aujourd'hui encore, imprime ceci :
« Les évêques français sont un corps
constitué dan§.l'Etat; il importait donc
que le gouvernement se dégageât de
toute solidarité dans les manifestations
factieuses et coupables dont nous avons
eu le spectacle, -qu'il leur infligeât non-
seulement un désaveu, mais une répro-
bation publique. Il appartient au gou-
vernement de donner l'exemple de la
sagesse et d'arrêter tous les citoyens
sur la pente de la guerre civile. Il ne
faut pas nous le dissimuler, c'est là que
nous mènent les incendiaires du parti.
Ils le savent. Ils espèrent et attendent les
secousses et le cataclysme, et ils le disent
tout haut. » Ce n'est pas seulement la
sécurité intérieure que compromet l'in-
surrection cléricale, c'est aussi « la sé-
curité extérieure », la Chambre des dé-
putés l'a dit en propres termes. Là-des-
sus, M. Jules Simon avait fait, jeudi,
un discours si tendre et si affectueux
pour le cléricalisme que les journaux
ministériels en étaient décontenancés,
et que l'ours avait semblé s'étaler lui-
même de son long et offrir sa peau aux
chasseurs de portefeuilles.
H n'y avait qu'à le laisser faire. Mais
le journal de M. Dupanloup ne s'était pas
contenté d'être chasseur, il avait voulu
être prophète. Connaissant M. Jules Si-
mon, il lui avait été facile de prévoir que
le président du conseil ne toucherait au
cléricalisme que d'une main caressante.
Prévoyant ces caresses, le journal de M.
Dupanloup avait vo ulu les exploiter. Il les
avait prédites, et il les avait attribuées,
non au caractère onctueux du président
du conseil, mais à un ordre du président
de la République. Le journal de M. Du-
panloup avait vu là un double avantage :
j\ faisait, à la fois, de M. Jules Simon un
simple domestique de l'Elysée, et du
maréchal de Mac-Mahon le complice des
sacristies. Le journal de M. Dupanloup
avait cru être très habile : il avait été
stupide.
On a vu ce que cela lui a attiré à lui
personnellement. Cela lui a attiré d'être
jeté avec dégoût du haut de la tribune ;
cela lui a attiré cette phrase : « Il faut
ignorer ce que c'est qu'un honnête
homme!. » Mais ce qui aura été bien
autrement sensible à la Défense que
cette injure et ce dégoût, c'est que l'in-
dignation a donné vendredi à M. Jules
Simon la décision qu'il aurait dû avoir la
veille, c'est qu'elle lui a fait accepter
l'ordre du jour de la majorité, c'est
qu'elle l'a remis d'accord avec les re-
présentants du pays, c'est qu'elle a
consolidé son ministère ébranlé par lui-
même, c'est que ce n'est pas encore
cette fois que M. de Broglie sera prési-
dent du conseil, M. Buffet ministre de
l'intérieur et M. Dupanloup ministre
de l'instruction publique, c'est que ce
n'est pas encore demain que les enne-
mis de la République se partageront
la peau de l'ours.
Dans le premier moment, M. Jules
Simon-a dû en vouloir à M. Dupanloup;
après réflexion, il lui sera reconnais-
sant. C'est à l'article de la Défense qu'il
doit l'énergie à laquelle il doit son main-
tien. Son discours de jeudi avait mis la
Chambre contre lui ; c'est l'article de la
Défensesjui l'a remis avec la Chambre.
Il serait de style vulgaire de dire que
M. Jules Simon doit à M. Dupanloup
une fière chandelle ; mais il est de style
épiscopal de dire qu'il lui doit un fier
cierge.
Quand je dis que les ennemis de la
République n'auront pas la peau de
l'ours, je n'entends pas par là qu'ils
n'auront pas d'ours. Ils en ont dès à pré-
sent, et depuis longtemps, et plusieurs.
Ils les offrent, sans succès. Prenez mon
ours ! On ne les prend pas. Leur ours
blanc attend depuis quarante-sept ans.
Je ne dois pas cacher à M. Dupanloup
que celui de tous ces ours qui a le
moins de chances d'être accepté, c'est
le sien. La France dit et dira de plus
en plus au cléricalisme ce que dit
Dorine à Tartuffe :
Moi, je vous verrais nu du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ae me tenterait pas.
AUGUSTE VÀCQUERIE.
- L'INTERPELLATION. DU SÉNAT
On prête à quelques sénateurs intel-
ligents et avisés l'intention d'inter-
peller le ministère sur les motifs qui
l'ont décidé à accepter un ordre du
jour motivé dans la séance du 4 mai »
et sur les termes de cet ordre du jour
« qui accuse les catholiques français de
se livrer à une agitation anti-patrio-
tique ».
Pour le coup, la chose est bien trou-
vée. Le pays se remet d'une agitation
profonde, due à M. Thomas-Casimir de
Nevers et à quelques-uns de ses col-
lègues. L'Europe commence à ne plus
s'inquiéter ; notre alliée l'Italie est sa-
tisfaite; la Chambre élue par le suf-
frage universel montre d'une manière
éclatante qu'elle est d'accord avec la
France pour vouloir le respect de la loi
au dedans et la paix au dehors, — et
alors, v'ian ! des hommes d'ordre, des
sénateurs, des représentants des classes
dirigeantes, des membres hauts de
la Chambre hante imaginent de re-
nouveler l'agitation, d'inquiéter l'Eu-
rope encore une fois, d'indisposer
l'Italie et de reprendre la suite des
affaires du très sage et très vénéré
Thomas-Casimir. C'est bien, c'est gen-
til, c'est habile. On ne pouvait pas faire
mieux. J'admire seulement le patrio-
tisme de ces sénateurs que la Constitu-
tion charge de tempérer les ardeurs des
députés et de veiller à la conservation
sociale et qui aspirent à détruire ce que
font de bien les représentants du peuple
et à troubler la tranquillité. Nous som-
mes dans la situation d'un malade à qui
son médecin administrerait un kilo de
strychnine tous les matins, pour le cal-
mer.
.On prévoit en effet le résultat produit
par l'interpellation des bons et habiles
sénateurs de la droite. Si habilement
qu'elle soit conduite, — et chacun sait
que le digne M. Chesnelong, qui pren-
dra la parole, s'entend mieux à la con-
fection des saucisses qu'à la confection
des discours, — si habilement, dis-je,
qu'elle soit conduite, elle sera la justi-
fication des discours, menées, manifes-
tations, mandements, articles de jour-
naux, etc., condamnés par la Chambre.
Or, comme ces articles, mandements.
discours, etc., avaient pour but de nous
entraîner à la guerre, si le Sénat s'asso-
ciait aux saucisses. pardon, aux vœux
de M. Chesnelong, il deviendrait évident
pour le pays et pour l'Europe que le
Sénat a l'intention de se croiser. Ce se-
rait un beau résultat et tout plein pa-
triotique. Et j'imagine que nos affaires
extérieures iraient bien mieux quand
on croirait voir M. Dupanloup disposé
à se déguiser en Pierre l'Hermite et
M. de Broglie prêt à mettre à la tête de
nos soldats autant de Bouillons que son
parti a dû en boire depuis deux ans.
Car il n'y aurait pas à s'y tromper, si
le Sénat blamait le ministère d'avoir
accepté l'ordre du jour de la Chambre,
c'est que le Sénat serait du même avis
que M. Manning, qui dit : « Ce qu'on
appelle la question d'Orient recevra la
solution que laProvidenealui a assignée,
l'indépendance du Saint-Siège. » Si le
Sénat blâmait le ministère d'avoir ac-
cepté l'ordre du jour de la Chambre,
c'est que le Sénat serait de l'avis du
journal de Mgr de Cambrai, qui a dit :
« Il vaut mieux avoir la guerre mainte-
nant que jamais. La guerre aurait un
caractère religieux. » Si le Sénat blâ-
mait l'ordre du jour accepté par le mi-
nistère, c'est que le Sénat serait de l'avis
du journal clérical du Finistère, qui a
dit: « La guerre est nécessaire. » Voilà
qui ferait une popularité au Sénat !
Eh bien ! que ces hommes d'ordre et
de conservation sociale interpellent
donc ! Qu'ils viennent donc, s'ils l'osent,
développer à la tribune les idées de
M. Thomas-Casimir et de ses collè-
gues ! Qu'ils réveillent les inquiétudes ;
endormies; qu'ils menacent l'Italie;
qu'ils mécontentent l'Europe tout en-
tière ! Quoique nous ne professions pas
pour le Sénat une admiration sans bor-
nes, nous espérons que le Sénat n'ap-
plaudira pas à leurs.pétarades. Et, si le
ministère comprend bien l'étendue du
danger que ces braves gens nous font
courir, s'il s'inquiète comme il le doit
du salut public, il saura les démas-
quer et les faire rentrer dans le devoir.
ÉDOUARD LOCKROY.
ÉLECTION LÉGISLATIVE
f DU 6 MAI
tLLE-ET-VIL AINE
(2e CIRCONSCRIPTION DE SAINT-MALO)
(Résultats connus à deux heures du matin)
Canton de Saint-Servan
Durand, républicain 1.422
Kerloguen, légitimiste 781
Canton de Combourg
Durand 2.286
Kerlognen 1.081
TOTAL GÉNÉRAL
(Deux cantons sur cinq)*
DURAND 3,708
KERLOGUEN 1,862
On annonce que M. de Franclieu a écrit
à M. Jules Simon pour l'avertir qu'il l'in-
terpellerait aujourd'hui sur les conséquen-
ces de l'ordre du jour accepté vendredi par
le gouvernement.
—o—
L'Union républicaine de la Chambre des
députés s'est réunie hier, à quatre heures,
dans la salle du Retiro, sous la présidence
de M. Laussedat.
Plusieurs députés ont rendu compte de
la situation de leurs départements, et ils
ont insisté sur la nécessité d'obtenir du
gouvernement le remplacement des fonc-,
tionnaires hostiles aux institutions répu-
blicaines, comme MM. de Nadailbac, Pou-
gny, Fournier-Sarlovèze et autres.
M. Gent. député de Vaucluse, a rappelé
qu'au lendemain de l'enquête votée par la
Chambre sur l'élection d'Avignon, qui avait
mis en lumière les faits si graves commis
par M. du Demaine et ses agents, M. Jules
Simon avait pris l'engagement de dissou-
dre le conseil municipal de Cavaillon et de
révoquer M. du Demaine, maire d'Avignon,
que cet engagement n'ayant pas été tenu
avait provoqué par là même, dans le dé-
partement de Vaucluse, une scission dans
le parti républicain.
L'Union républicaine a décidé que son
bureau se concerterait avec les bureaux du
centre gauche et de la gauche et ferait une
démarche auprès du ministre de l'intérieur
pour réclamer l'exécution de ses engage-
ments.
LA GUERRE
En Europe, on n'a à signaler que le
mouvement de plus en plus prononcé du
centre de l'armée russe vers le moyen et le
haut Danube. Des colonnes ont dû passer
aujourd'hui au nord de Bucarest pour
marcher sur Slatina. Ces marches s'opè-
rent lentement, dans les conditions climaté-
riquesles plus défavorables. Toutes les voies
qui vont des frontières russes au bas-Da-
nube sont inondées et les malheureux régi-
ments marchent dans l'eau. CZest tout au
plus s'il y a 100,000 Russes en Roumanie.
Il se passera encore plus d'un jour avant
qu'ils soient assez concentrés pour tenter
le passage du Danube, en amont ou en aval
de Giurgevo.
On signale une concentration de trou-
pes turques à Turtukaï, petite ville bul-
gare de 5,000 âmes, entre Routschouk et
Silistrie, en face de la ville roumaine d'Ol-
tenitza. C'est là qu'en i853, les Turcs, pro-
tégés par les batteries de Turtukaï: passè-
rent le Danube et battirent l'armée russe,
qui s'était avancée d'Oltenitza à leur ren-
contre. D'Oltenitza, on menace non-seule-
ment Bucarest, mais encore tout le che-
min de fer de Bucarest à Giurgewo. Les
Turcs veulent-ils refaire ce qu'ils ont fait
en 1853 ?
En Asie, il y a quelques nouvelles, mais
qui paraissent ne présenter aucun carac-
tère d'authenticité. On a affiché, à Saint-
Pétersbourg, une dépêche annonçant que
le bombardement de Kars était commencé
et que l'opinion du consul anglais à Erze-
roum était que la grande citadelle turque
se rendrait dans une semaine. Il est déjà
assez difficile d'admettre que les Russes
aient pu, en si peu de temps, investir
Kars, place de premier ordre, et faire les
travaux nécessaires pour établir leurs bat-
teries de siège. Mais, en le supposant,
conclure à une aussi prompte reddition
d'une forteresse bien armée et bien appro-
visionnée, c'est aller vite en besogne.
D'ailleurs, Mouktàr-Pacha est entre Erze-
roum et Kars à la tête d'une armée, et on
sait combien se prolongent les sièges
quand les assiégeants — ce qui nous a,
hélas ! manqué en 1870 à Paris — peu-
vent être inquiétés par une armée de se-
cours.
On signale aussi des engagements du
côté de Batoum. A ce propos, nous dési-
rons donner quelques notions sur la topo-
graphie de cette contrée mal connue, où
les armées ne peuvent se mouvoir qu'avec
les plus grandes difficultés.
Tandis que Poti est un port artificiel,
d'accès difficile à cause de sa barre, Ba-
toum est un port excellent, parfaitement
fermé et accessible aux plus grands navi-
res ; on conçoit le désir que les Russes ont
de s'en emparer. Mais jusqu'à présent ils
paraissent n'avoir pas avancé beaucoup
sur cette côte marécageuse. De plus, de
Batoum, ils poui^r^Htm^iaeer^AÎemen
Trébizonde et Erzeroum, mai encore
ils se heurteraient à de grosses difficultés.
Voudraient-ils marcher sur Trébizonde, le
port de ravitaillement des armées turques
en Arménie? Il leur faudrait suivre la route
littorale marécageuse renfermée entre la
mer et la chaîne côtière qui sépare la mer
Noire de la vallée du Tchorok-Sou.
Trébizonde elle-même , défendue du
côté de la mer par la flotte tarque et inac-
cessible aux grands navires (on n'y débar-
que qu'en caïqs), est entourée d'un cirque
de hautes montagnes. De Batoum, au con-
traire, voudraient-ils descendre sur Erze-
roum d'abord, par la vallée duTçhorok-Sou
et ensuite ptr celle de Thortoum, gu'ils
ont à traverser un pays coupé de profon-
des vallées, de ravins, de gorges où roulent
des torrents, de marécages.
Erzenoum même est une position aussi
difficile que Kars. M. Deyrolles a vu en
1869 ses fortifications à l'allemande, qu'il
déclare formidables, et qui ont été encore
augmentées depuis. Ces collines élevées
auxquelles est adossée la ville (.l'Oghlande-
rem et le Top-Dagh). ainsi que les hau-
teurs environnantes, ont, été munies de for-
tins et de redoutes, et, vers la route de
Perse, sur un pic isolé qui rappelle notre
Mont-Valérien, a été construit un fort con-
sidérable. Ce fort se trouve du côté où les
dernières ramifications du Bojun-Dagh sé-
parent les eaux du bassin de l'Euphrate des
eaux du bassin de l'Araxe. A quatre heures
d'Erzeroum se trouve la ville fortifiée de
Hassan-Kalé.
Enfin, d'Erzeroum à Trébizonde , la
route n'est rien moins que commode.
D'Erzeroum à Baïbourt (130 kilomètres) il
faut franchir le Khochapounar, à 2,500
mètres d'altitude et de Baïbourt à Trébi-
zonde, le vaste plateau boueux du Bala-
chor (1,610 mètres) et les passes du Ziga-
na (2,225 mètres), c'est du haut des mon-
tagnes de Baïbourt que les Dix-Mille saluè-
rent le Pont-Euxin.
Nous ne disons pas que les Russes ne
viendront pas à bout de ces obstacles, mais
nous avons tenu à donner une idée du dif-
ficile théâtre de leurs opérations. Ajoutons
qu'en Arménie, l'été est court (de la mi-
avril à la fin d'août), que le climat est brus-
quement variable (à Erzeroum, le thermo-
mètre s'abaisse à plus de 250 et monte à
plus de 40°), et ces considérations suffiront
à expliquer bien des lenteurs et à engager
les nouvellistes à mettre quelque faein à la
vélocité de leurs conceptions.
LOUIS ASSSUNK,
NOUVELLES DE LA DERNIÈRE HEURE
L'agence Maclean nous communique la
dépêche suivante :
Constantinople, 6 mai.
Les armes de Roumanie à la porte de l'a-
gence roumaine, à Constantinople, ont été en-
levées hier, la Roumanie étant considérée en.
état de rébellion par suite de sa "onvention
avec la Russie.
Le sultan a ordenné la déposition d'Ahmed-
Moukhtar-Pacha, le vali, gouverneur général
d'Erzeroum, par suite de fausses nouvelles de
prétendues victoires qu'il a annoncées à Cons-
tantinople.
Les Russes demandent la capitttlwctn 'de.
Kars.
Les Turcs ne traverseront pas le Danube-
( Dépêches de t agence Havas )
Constantinople, 4 mai.
(Arrivée seulement le 6.)
La question des sujets russes est réglée. La.
Porte admet la protection allemande excepté
pour les anciens fonctionnaires russes et se
réserve de procéder à leur expulsion indivi-
duelle si elle le juge utile. On n'a aucune nou-
velle de la guerre en Asie. On parle seulement
Feuilleton du RAPPEL
DP 9 HAÏ
56
LE COURRIER
DE CABINET
XXXVI*
L'ennemi remplace l'ami
Alba eut le sentiment du mal que lui
devait faire cette rencontre funeste.
- Ohl Dieu!,se disait-elle, j'ai osé me
croire la maîtresse de ma destinée, et zl
est encore vivant 1
Mais, pour le moment, une pensée do-
minait tout en elle : éloigner Phormion de
Pergus.
--- Yenez, ami, lui dit;-elle. L'homme
qui dort là m'a pris ïnon bonheur, il ne
çàô prendra pas mt>"a amour. Venez!
• — Soit! reptit-il ; et pourtant encore un
mot. Vous m'arrachez une juste revanche.
Voir le Rappel du i 1 mars au 7 mai.
Est-ce par amour pour moi, parce que vous
ne voulez point voir ce sang à mes mains ?
Ou est-ce par pitié pour lui?
— Mettez que ces deux sentiments me
fassent agir à la fois, répondit-elle. Je vous
aime comme je n'aurais jamais cru pouvoir
aimer ; voilà pour vous. Quant à lui, je le
regarde comme le premier et le pire de
mes ennemis. Cette fois, vous ai-je assez
clairement répondu ?
Un instant après, ils se mettaient en
selle et cheminaient sous le sombre cou-
vert de cette forêt qui avait été le premier
théâtre et peut-être aussi le dernier asile
de leur bonheur.
La nuit tombait.
Tandis qu'ils avançaient dans les pro-
fondeurs du feuillage, Phormion sortait peu
à peu de ce sommeil presque léthargique
où l'excès de la fatigue l'avait plongé. Il
éprouvait une sensation étrange, comme
d'un rêve palpable, réel. Il avait le senti-
ment d'avoir entendu une voix bien connue,
qui lui était à la fois odieuse et chère.
Et ce fut le nom d'Alba qui vint sur ses
lèvres.
Il vit briller une lumière dans la ca-
bane et se dirigea de ce côté. Le vent
qui soufflait sous les branches lui appor-
ta un bruit de galop au loin. Il entra dans
la maisonnette, y trouva la jeune paysan-
ne, regardant avec admiration les pièces
d'or laissées dans la sébile parErceldonne,
et se mit en devoir d'interroger cette en-
fant.
A l'aube, les fugitifs avaient gagné la
plage; les camp.niies*de Naples et le
front du Vésuve leur apparurent dans la
lumière naissante. Les chevaux épuisée
arrêtèrent à l'ombre d'une haute f^Valse ;
les teintes grises des oliviers et des vignes
sauvages en couronnaient le faîte ; la fa-
laise se creusait par endroits, offrant de
profonds et sûrs abris d'où l'on n'aperce-
vait que les flots.
Alba se laissa tomber à genoux sur le
sable.
— 0 mer, dit-elle, ô flot puissant, don-
ne-nous la liberté 1
Puis elle s'affaissa sur un débris de
roche minée, les yeux toujours fixés sur les
vagues.
- Voilà, reprit-elle, où je voudrais trou-
ver la fin, si nous devons mourir. La mer
est la meilleure des tombes, et il me sem-
ble que je la vois s'ouvrir devant moi.
— Que dites-vous? murmura Fergus.
— U me paraîtrait si doux de ne plus
vivre! répondit-elle.
— Comment et pourquoi dites-vous de
telles choses, Alba?
— Eh! mon ami, si j'étais à mon der-
nier moment, je pourrais vous dire le
grand, le terrible secret de ma destinée.
— Et maintenant vous ne le pouvez
donc pas?
— Non, je manquerais au plus solennel
de tous les serments. Je vous le demande,
à vous, puis-je faire cela?
Fergus hésita avant de répondre ; elle vit
bien qu'il était en proie à un grand com-
bat intérieur.
— Non, dit-il, au bout d'un moment s -
vous ne le devez pas. Ne faite.1. Vas pour
moi une chose dont vo1^ auriez à rougir.
Ce suprême désintéressement la trans-
porta dne admiration sincère 1
- De tous les grands cœurs, vous êtes
le plus grand! murmura-t-elle. Et quand
je songe à tout ce que vous pouvez croire
après ce que je vous ai déjà dit!
— Que puis-je croire ?
— Qui sait? que peut-être je n'ai pas été
seulement l'associée du dormeur de la fo-
rêt, mais sa complice.
— Oh! fit-il, en secouant la tête, j'ai
regardé dans vos yeux !
Elle ne répondit plus, et parut se bercer
avec ivresse du charme de ces dernières
paroles. La mer, comme pour accompa-
gner cette rêverie délicieuse, lui apportait
ses harmonies profondes. Ce lieu sauvage
n'avait que trop de majesté solitaire; car,
au loin, pas une voile ne pointait sur l'é-
tendue des flots.
— Les minutes sent des années pour
nous, reprit tout à coup Fergus qui s'était
levé et consultait l'espace avec inquiétude.
Une barque nous sauverait ; mais où est-
elle ? Il doit y avoir près d'ici un village.
— Il y en a un vers le nord. Quelques
huttes sous la falaise, une population de
pêcheurs. Vous pourriez vous y rendre.
— Quoi! dit-il, vous laisser seule?
— Restez ! fit-elle simplement ; nous
mourrons ensemble ; j'aime autant cela.
— Pourquoi ne pourrais-je vous emme-
ner avec moi ?
— Impossible! Le bruit de mon arres-
tation a rempli le pays et j'y suis con-
nue. Ces haillons de fête dont je suis cou-
verte attireraient l'attention. Vous, au con-
traire, sous votre habit de marin, vous
pourrez louer une barque, l'amener ici avec
le batelier. Si nous le trouvions récalci-
trant, la seule vue de vos pistolets le per-
suaderait de nous conduire où il nous plai-
ra. Allez! et laissez-moi seulement une de
vos armes. Si quelque danger survenait
pour moi, je ferais feu et vous seriez averti.
— Mais. dit Fergus.
— Allez ! Je voudrais vous suivre, que
je ne le pourrais pas. Je suis brisée.
Elle disait vrai, et ce n'était pas seule-
ment son corps qui succombait à la fati-
gue. Ce courage indomptable, qui lui avait
fait supporter naguère la pensée du plus
cruel et du plus humiliant supplice, plu-
tôt que celle de trahir ses amis, s'était su-
bitement éteint, depuis la rencontre de
Phormion, depuis qu'elle avait eu la certi-
tude de son crime.
Erceldonne cette fois se méprit sur les
sentiments qui l'agitaient, il crut seule-
ment à sa lassitude physique, accusa la
prison, le peu d'aliments qu'elle avait pris
dans cette longue course. Depuis deux
jours, il n'avait trouvé aucun moyen effi-
cace de la secourir, lui qui aurait cent fois
donné sa vie pour elle.
Se tordant les mains avec désespoir, il
lui dit qu'il allait suivre son conseil et se
rendre au village.
Bientôt il disparut, suivant les bandes
étroites de sable qui couraient au pied
des roches, et il ne tarda pas à découvrir
le hameau sous la falaise, avec ses mai-
sonnettes rondes qui ressemblaient à des
ruches d'abeilles.
Alba, demeurée seule, se disait :
— Pour son bonheur, il faudrait qu'il
disparût ainsi de ma vie à jamais. Ferais-
fe vraiment une lâcheté en l'abandonnant?
Est-ce que je ne commets pas, en m'atta-
chant à lui, un véritable crime?
Le soleil, filtrant à travers les fissures
des roches, vint lui brûler le visage ; elle
aurait voulu que le langage des poètes ne
fût point fait de simples figures, et que ces
« flèches d'or » eussent la puissance de lui
percer le cœur.
- Ainsi, murmurait-elle, son assassin
c'était bien lui, lui!
Désormais, elle comprenait les grandes
déceptions, les dégoûts sans fond qui peu-
plent les couvents, ou bien arment la main
des malheureux contre eux-mêmes.
Et quand elle songeait que tout la me-*
naçait de rentrer dans la ceil-ale d'une pri-
son de l'Eglise, elle envisageait ce cruel re-
pos sans terreur. Il lui semblait, en effet,
qu'elle était arrivée au terme de son aven-
tureux voyage, que là, près de Naples, les
sbires allaient retrouver aisément sa trace,
qu'elle allait être reprise, et cette fois bien
perdue.
C'était cette pensée qui lui avait surtout
inspiré le désir d'éloigner Erceldonne,
afin qu'il ne fût point perdu avec elle.
Cependant, rien n'indiquait encore le
péril. Aucun bruit que le murmure des
flots et le piétinement, étouffé par le sable,
des chevaux à demi-morts de fatigue et de
soif, cherchant une eau saumâtre au creux.
des rochers.
Mais alors Sulla, qui dormait aux pieds
de sa maîtresse, s'éveilla, se dressa. Enr
même temps, Alba vit à l'angle de la fa-,
laise une ombre se projeter sur le sable.
Elle ne s'y trompa point, ce n'était pas
un sbire. Les espions mêmes ont la démar-
che moins sinueuse et moins muette.
Conrad Phormion était devant elle.
OUlD A.
\A sukre.\
N*Z019 - dlarâl f Mal 1877 - te numéro s ilO e. - Départements 1 15 -1-9 Ploréal an 85 —. M 2 -315
RÉDACTION
S'iArester au Secrétaire de la Rédactios
De 4 à 6 heure» du soir
il, aux 01 VALOlt, 18
la manuscrits non insérés ne seront pas rendus
- ANNONCES - ,.:-:..:" v ;
MM. Ch. LAGRANGE/CEBF et
6, place de la Bourse, fi
ADMINISTRATION
II, aCB OB VALOIS, ta
A BON RI KM BUTS
MttM l' DÊPASTSatlKT»
Trois mois 10 » Trois, moi». 1S S#
Six moi* U0 Six mois 99 » jU
,.. Adresser leUrea. et.jnand&ts /1. 1J /If
A M. ERNEST LEF È VV
ADMINISTRATEUR-GENANT -il/
i /J) !.
LA PEAU Dii L'OURS
jim.
Ce sera donc toujours la peau de
l'ours. Il est vrai que, cette fois, la
peau qu'ils vendaient était la peau de
M. Jules Simon, qui n'est pas un ours,
ou qui est un ours tellement léché qu'il
n'est presque plus un ours. N'importe,
la Défense avait vendu sa peau. Et voici
que, comme dans la fable, l'ours vendu
est debout, et la Défense par terre.
La maladresse de la Défense est d'a-
voir vendu trop publiquement cette
peau de M. Jules Simon qui est le ma-
roquin de son portefeuille. Si la Dé-
fense avait vendu cette peau en secret
et tout bas, elle aurait peut-être réussi
à se l'approprier. L'ours, non mis sur
ses gardes, se livrait de lui-même.
Jeudi, M Jules Simon n'avait pas lu
l'article du journal de M. Dupanloup.
Alors, il s'est laissé aller à sa nature,
qui est douce et n'a rien d'anti-clérical.
Le cléricalisme commet de telles choses
qu'un journal qu'on ne soupçonne pas
de radicalisme échevelé, un journal mo-
dérément républicain, un journal qui
confond la politique avec l'homœopa-
thie et qui n'admet la République qu'à
dose infinitésimale, le Journal des Dé-
bats, aujourd'hui encore, imprime ceci :
« Les évêques français sont un corps
constitué dan§.l'Etat; il importait donc
que le gouvernement se dégageât de
toute solidarité dans les manifestations
factieuses et coupables dont nous avons
eu le spectacle, -qu'il leur infligeât non-
seulement un désaveu, mais une répro-
bation publique. Il appartient au gou-
vernement de donner l'exemple de la
sagesse et d'arrêter tous les citoyens
sur la pente de la guerre civile. Il ne
faut pas nous le dissimuler, c'est là que
nous mènent les incendiaires du parti.
Ils le savent. Ils espèrent et attendent les
secousses et le cataclysme, et ils le disent
tout haut. » Ce n'est pas seulement la
sécurité intérieure que compromet l'in-
surrection cléricale, c'est aussi « la sé-
curité extérieure », la Chambre des dé-
putés l'a dit en propres termes. Là-des-
sus, M. Jules Simon avait fait, jeudi,
un discours si tendre et si affectueux
pour le cléricalisme que les journaux
ministériels en étaient décontenancés,
et que l'ours avait semblé s'étaler lui-
même de son long et offrir sa peau aux
chasseurs de portefeuilles.
H n'y avait qu'à le laisser faire. Mais
le journal de M. Dupanloup ne s'était pas
contenté d'être chasseur, il avait voulu
être prophète. Connaissant M. Jules Si-
mon, il lui avait été facile de prévoir que
le président du conseil ne toucherait au
cléricalisme que d'une main caressante.
Prévoyant ces caresses, le journal de M.
Dupanloup avait vo ulu les exploiter. Il les
avait prédites, et il les avait attribuées,
non au caractère onctueux du président
du conseil, mais à un ordre du président
de la République. Le journal de M. Du-
panloup avait vu là un double avantage :
j\ faisait, à la fois, de M. Jules Simon un
simple domestique de l'Elysée, et du
maréchal de Mac-Mahon le complice des
sacristies. Le journal de M. Dupanloup
avait cru être très habile : il avait été
stupide.
On a vu ce que cela lui a attiré à lui
personnellement. Cela lui a attiré d'être
jeté avec dégoût du haut de la tribune ;
cela lui a attiré cette phrase : « Il faut
ignorer ce que c'est qu'un honnête
homme!. » Mais ce qui aura été bien
autrement sensible à la Défense que
cette injure et ce dégoût, c'est que l'in-
dignation a donné vendredi à M. Jules
Simon la décision qu'il aurait dû avoir la
veille, c'est qu'elle lui a fait accepter
l'ordre du jour de la majorité, c'est
qu'elle l'a remis d'accord avec les re-
présentants du pays, c'est qu'elle a
consolidé son ministère ébranlé par lui-
même, c'est que ce n'est pas encore
cette fois que M. de Broglie sera prési-
dent du conseil, M. Buffet ministre de
l'intérieur et M. Dupanloup ministre
de l'instruction publique, c'est que ce
n'est pas encore demain que les enne-
mis de la République se partageront
la peau de l'ours.
Dans le premier moment, M. Jules
Simon-a dû en vouloir à M. Dupanloup;
après réflexion, il lui sera reconnais-
sant. C'est à l'article de la Défense qu'il
doit l'énergie à laquelle il doit son main-
tien. Son discours de jeudi avait mis la
Chambre contre lui ; c'est l'article de la
Défensesjui l'a remis avec la Chambre.
Il serait de style vulgaire de dire que
M. Jules Simon doit à M. Dupanloup
une fière chandelle ; mais il est de style
épiscopal de dire qu'il lui doit un fier
cierge.
Quand je dis que les ennemis de la
République n'auront pas la peau de
l'ours, je n'entends pas par là qu'ils
n'auront pas d'ours. Ils en ont dès à pré-
sent, et depuis longtemps, et plusieurs.
Ils les offrent, sans succès. Prenez mon
ours ! On ne les prend pas. Leur ours
blanc attend depuis quarante-sept ans.
Je ne dois pas cacher à M. Dupanloup
que celui de tous ces ours qui a le
moins de chances d'être accepté, c'est
le sien. La France dit et dira de plus
en plus au cléricalisme ce que dit
Dorine à Tartuffe :
Moi, je vous verrais nu du haut jusques en bas,
Que toute votre peau ae me tenterait pas.
AUGUSTE VÀCQUERIE.
- L'INTERPELLATION. DU SÉNAT
On prête à quelques sénateurs intel-
ligents et avisés l'intention d'inter-
peller le ministère sur les motifs qui
l'ont décidé à accepter un ordre du
jour motivé dans la séance du 4 mai »
et sur les termes de cet ordre du jour
« qui accuse les catholiques français de
se livrer à une agitation anti-patrio-
tique ».
Pour le coup, la chose est bien trou-
vée. Le pays se remet d'une agitation
profonde, due à M. Thomas-Casimir de
Nevers et à quelques-uns de ses col-
lègues. L'Europe commence à ne plus
s'inquiéter ; notre alliée l'Italie est sa-
tisfaite; la Chambre élue par le suf-
frage universel montre d'une manière
éclatante qu'elle est d'accord avec la
France pour vouloir le respect de la loi
au dedans et la paix au dehors, — et
alors, v'ian ! des hommes d'ordre, des
sénateurs, des représentants des classes
dirigeantes, des membres hauts de
la Chambre hante imaginent de re-
nouveler l'agitation, d'inquiéter l'Eu-
rope encore une fois, d'indisposer
l'Italie et de reprendre la suite des
affaires du très sage et très vénéré
Thomas-Casimir. C'est bien, c'est gen-
til, c'est habile. On ne pouvait pas faire
mieux. J'admire seulement le patrio-
tisme de ces sénateurs que la Constitu-
tion charge de tempérer les ardeurs des
députés et de veiller à la conservation
sociale et qui aspirent à détruire ce que
font de bien les représentants du peuple
et à troubler la tranquillité. Nous som-
mes dans la situation d'un malade à qui
son médecin administrerait un kilo de
strychnine tous les matins, pour le cal-
mer.
.On prévoit en effet le résultat produit
par l'interpellation des bons et habiles
sénateurs de la droite. Si habilement
qu'elle soit conduite, — et chacun sait
que le digne M. Chesnelong, qui pren-
dra la parole, s'entend mieux à la con-
fection des saucisses qu'à la confection
des discours, — si habilement, dis-je,
qu'elle soit conduite, elle sera la justi-
fication des discours, menées, manifes-
tations, mandements, articles de jour-
naux, etc., condamnés par la Chambre.
Or, comme ces articles, mandements.
discours, etc., avaient pour but de nous
entraîner à la guerre, si le Sénat s'asso-
ciait aux saucisses. pardon, aux vœux
de M. Chesnelong, il deviendrait évident
pour le pays et pour l'Europe que le
Sénat a l'intention de se croiser. Ce se-
rait un beau résultat et tout plein pa-
triotique. Et j'imagine que nos affaires
extérieures iraient bien mieux quand
on croirait voir M. Dupanloup disposé
à se déguiser en Pierre l'Hermite et
M. de Broglie prêt à mettre à la tête de
nos soldats autant de Bouillons que son
parti a dû en boire depuis deux ans.
Car il n'y aurait pas à s'y tromper, si
le Sénat blamait le ministère d'avoir
accepté l'ordre du jour de la Chambre,
c'est que le Sénat serait du même avis
que M. Manning, qui dit : « Ce qu'on
appelle la question d'Orient recevra la
solution que laProvidenealui a assignée,
l'indépendance du Saint-Siège. » Si le
Sénat blâmait le ministère d'avoir ac-
cepté l'ordre du jour de la Chambre,
c'est que le Sénat serait de l'avis du
journal de Mgr de Cambrai, qui a dit :
« Il vaut mieux avoir la guerre mainte-
nant que jamais. La guerre aurait un
caractère religieux. » Si le Sénat blâ-
mait l'ordre du jour accepté par le mi-
nistère, c'est que le Sénat serait de l'avis
du journal clérical du Finistère, qui a
dit: « La guerre est nécessaire. » Voilà
qui ferait une popularité au Sénat !
Eh bien ! que ces hommes d'ordre et
de conservation sociale interpellent
donc ! Qu'ils viennent donc, s'ils l'osent,
développer à la tribune les idées de
M. Thomas-Casimir et de ses collè-
gues ! Qu'ils réveillent les inquiétudes ;
endormies; qu'ils menacent l'Italie;
qu'ils mécontentent l'Europe tout en-
tière ! Quoique nous ne professions pas
pour le Sénat une admiration sans bor-
nes, nous espérons que le Sénat n'ap-
plaudira pas à leurs.pétarades. Et, si le
ministère comprend bien l'étendue du
danger que ces braves gens nous font
courir, s'il s'inquiète comme il le doit
du salut public, il saura les démas-
quer et les faire rentrer dans le devoir.
ÉDOUARD LOCKROY.
ÉLECTION LÉGISLATIVE
f DU 6 MAI
tLLE-ET-VIL AINE
(2e CIRCONSCRIPTION DE SAINT-MALO)
(Résultats connus à deux heures du matin)
Canton de Saint-Servan
Durand, républicain 1.422
Kerloguen, légitimiste 781
Canton de Combourg
Durand 2.286
Kerlognen 1.081
TOTAL GÉNÉRAL
(Deux cantons sur cinq)*
DURAND 3,708
KERLOGUEN 1,862
On annonce que M. de Franclieu a écrit
à M. Jules Simon pour l'avertir qu'il l'in-
terpellerait aujourd'hui sur les conséquen-
ces de l'ordre du jour accepté vendredi par
le gouvernement.
—o—
L'Union républicaine de la Chambre des
députés s'est réunie hier, à quatre heures,
dans la salle du Retiro, sous la présidence
de M. Laussedat.
Plusieurs députés ont rendu compte de
la situation de leurs départements, et ils
ont insisté sur la nécessité d'obtenir du
gouvernement le remplacement des fonc-,
tionnaires hostiles aux institutions répu-
blicaines, comme MM. de Nadailbac, Pou-
gny, Fournier-Sarlovèze et autres.
M. Gent. député de Vaucluse, a rappelé
qu'au lendemain de l'enquête votée par la
Chambre sur l'élection d'Avignon, qui avait
mis en lumière les faits si graves commis
par M. du Demaine et ses agents, M. Jules
Simon avait pris l'engagement de dissou-
dre le conseil municipal de Cavaillon et de
révoquer M. du Demaine, maire d'Avignon,
que cet engagement n'ayant pas été tenu
avait provoqué par là même, dans le dé-
partement de Vaucluse, une scission dans
le parti républicain.
L'Union républicaine a décidé que son
bureau se concerterait avec les bureaux du
centre gauche et de la gauche et ferait une
démarche auprès du ministre de l'intérieur
pour réclamer l'exécution de ses engage-
ments.
LA GUERRE
En Europe, on n'a à signaler que le
mouvement de plus en plus prononcé du
centre de l'armée russe vers le moyen et le
haut Danube. Des colonnes ont dû passer
aujourd'hui au nord de Bucarest pour
marcher sur Slatina. Ces marches s'opè-
rent lentement, dans les conditions climaté-
riquesles plus défavorables. Toutes les voies
qui vont des frontières russes au bas-Da-
nube sont inondées et les malheureux régi-
ments marchent dans l'eau. CZest tout au
plus s'il y a 100,000 Russes en Roumanie.
Il se passera encore plus d'un jour avant
qu'ils soient assez concentrés pour tenter
le passage du Danube, en amont ou en aval
de Giurgevo.
On signale une concentration de trou-
pes turques à Turtukaï, petite ville bul-
gare de 5,000 âmes, entre Routschouk et
Silistrie, en face de la ville roumaine d'Ol-
tenitza. C'est là qu'en i853, les Turcs, pro-
tégés par les batteries de Turtukaï: passè-
rent le Danube et battirent l'armée russe,
qui s'était avancée d'Oltenitza à leur ren-
contre. D'Oltenitza, on menace non-seule-
ment Bucarest, mais encore tout le che-
min de fer de Bucarest à Giurgewo. Les
Turcs veulent-ils refaire ce qu'ils ont fait
en 1853 ?
En Asie, il y a quelques nouvelles, mais
qui paraissent ne présenter aucun carac-
tère d'authenticité. On a affiché, à Saint-
Pétersbourg, une dépêche annonçant que
le bombardement de Kars était commencé
et que l'opinion du consul anglais à Erze-
roum était que la grande citadelle turque
se rendrait dans une semaine. Il est déjà
assez difficile d'admettre que les Russes
aient pu, en si peu de temps, investir
Kars, place de premier ordre, et faire les
travaux nécessaires pour établir leurs bat-
teries de siège. Mais, en le supposant,
conclure à une aussi prompte reddition
d'une forteresse bien armée et bien appro-
visionnée, c'est aller vite en besogne.
D'ailleurs, Mouktàr-Pacha est entre Erze-
roum et Kars à la tête d'une armée, et on
sait combien se prolongent les sièges
quand les assiégeants — ce qui nous a,
hélas ! manqué en 1870 à Paris — peu-
vent être inquiétés par une armée de se-
cours.
On signale aussi des engagements du
côté de Batoum. A ce propos, nous dési-
rons donner quelques notions sur la topo-
graphie de cette contrée mal connue, où
les armées ne peuvent se mouvoir qu'avec
les plus grandes difficultés.
Tandis que Poti est un port artificiel,
d'accès difficile à cause de sa barre, Ba-
toum est un port excellent, parfaitement
fermé et accessible aux plus grands navi-
res ; on conçoit le désir que les Russes ont
de s'en emparer. Mais jusqu'à présent ils
paraissent n'avoir pas avancé beaucoup
sur cette côte marécageuse. De plus, de
Batoum, ils poui^r^Htm^iaeer^AÎemen
Trébizonde et Erzeroum, mai encore
ils se heurteraient à de grosses difficultés.
Voudraient-ils marcher sur Trébizonde, le
port de ravitaillement des armées turques
en Arménie? Il leur faudrait suivre la route
littorale marécageuse renfermée entre la
mer et la chaîne côtière qui sépare la mer
Noire de la vallée du Tchorok-Sou.
Trébizonde elle-même , défendue du
côté de la mer par la flotte tarque et inac-
cessible aux grands navires (on n'y débar-
que qu'en caïqs), est entourée d'un cirque
de hautes montagnes. De Batoum, au con-
traire, voudraient-ils descendre sur Erze-
roum d'abord, par la vallée duTçhorok-Sou
et ensuite ptr celle de Thortoum, gu'ils
ont à traverser un pays coupé de profon-
des vallées, de ravins, de gorges où roulent
des torrents, de marécages.
Erzenoum même est une position aussi
difficile que Kars. M. Deyrolles a vu en
1869 ses fortifications à l'allemande, qu'il
déclare formidables, et qui ont été encore
augmentées depuis. Ces collines élevées
auxquelles est adossée la ville (.l'Oghlande-
rem et le Top-Dagh). ainsi que les hau-
teurs environnantes, ont, été munies de for-
tins et de redoutes, et, vers la route de
Perse, sur un pic isolé qui rappelle notre
Mont-Valérien, a été construit un fort con-
sidérable. Ce fort se trouve du côté où les
dernières ramifications du Bojun-Dagh sé-
parent les eaux du bassin de l'Euphrate des
eaux du bassin de l'Araxe. A quatre heures
d'Erzeroum se trouve la ville fortifiée de
Hassan-Kalé.
Enfin, d'Erzeroum à Trébizonde , la
route n'est rien moins que commode.
D'Erzeroum à Baïbourt (130 kilomètres) il
faut franchir le Khochapounar, à 2,500
mètres d'altitude et de Baïbourt à Trébi-
zonde, le vaste plateau boueux du Bala-
chor (1,610 mètres) et les passes du Ziga-
na (2,225 mètres), c'est du haut des mon-
tagnes de Baïbourt que les Dix-Mille saluè-
rent le Pont-Euxin.
Nous ne disons pas que les Russes ne
viendront pas à bout de ces obstacles, mais
nous avons tenu à donner une idée du dif-
ficile théâtre de leurs opérations. Ajoutons
qu'en Arménie, l'été est court (de la mi-
avril à la fin d'août), que le climat est brus-
quement variable (à Erzeroum, le thermo-
mètre s'abaisse à plus de 250 et monte à
plus de 40°), et ces considérations suffiront
à expliquer bien des lenteurs et à engager
les nouvellistes à mettre quelque faein à la
vélocité de leurs conceptions.
LOUIS ASSSUNK,
NOUVELLES DE LA DERNIÈRE HEURE
L'agence Maclean nous communique la
dépêche suivante :
Constantinople, 6 mai.
Les armes de Roumanie à la porte de l'a-
gence roumaine, à Constantinople, ont été en-
levées hier, la Roumanie étant considérée en.
état de rébellion par suite de sa "onvention
avec la Russie.
Le sultan a ordenné la déposition d'Ahmed-
Moukhtar-Pacha, le vali, gouverneur général
d'Erzeroum, par suite de fausses nouvelles de
prétendues victoires qu'il a annoncées à Cons-
tantinople.
Les Russes demandent la capitttlwctn 'de.
Kars.
Les Turcs ne traverseront pas le Danube-
( Dépêches de t agence Havas )
Constantinople, 4 mai.
(Arrivée seulement le 6.)
La question des sujets russes est réglée. La.
Porte admet la protection allemande excepté
pour les anciens fonctionnaires russes et se
réserve de procéder à leur expulsion indivi-
duelle si elle le juge utile. On n'a aucune nou-
velle de la guerre en Asie. On parle seulement
Feuilleton du RAPPEL
DP 9 HAÏ
56
LE COURRIER
DE CABINET
XXXVI*
L'ennemi remplace l'ami
Alba eut le sentiment du mal que lui
devait faire cette rencontre funeste.
- Ohl Dieu!,se disait-elle, j'ai osé me
croire la maîtresse de ma destinée, et zl
est encore vivant 1
Mais, pour le moment, une pensée do-
minait tout en elle : éloigner Phormion de
Pergus.
--- Yenez, ami, lui dit;-elle. L'homme
qui dort là m'a pris ïnon bonheur, il ne
çàô prendra pas mt>"a amour. Venez!
• — Soit! reptit-il ; et pourtant encore un
mot. Vous m'arrachez une juste revanche.
Voir le Rappel du i 1 mars au 7 mai.
Est-ce par amour pour moi, parce que vous
ne voulez point voir ce sang à mes mains ?
Ou est-ce par pitié pour lui?
— Mettez que ces deux sentiments me
fassent agir à la fois, répondit-elle. Je vous
aime comme je n'aurais jamais cru pouvoir
aimer ; voilà pour vous. Quant à lui, je le
regarde comme le premier et le pire de
mes ennemis. Cette fois, vous ai-je assez
clairement répondu ?
Un instant après, ils se mettaient en
selle et cheminaient sous le sombre cou-
vert de cette forêt qui avait été le premier
théâtre et peut-être aussi le dernier asile
de leur bonheur.
La nuit tombait.
Tandis qu'ils avançaient dans les pro-
fondeurs du feuillage, Phormion sortait peu
à peu de ce sommeil presque léthargique
où l'excès de la fatigue l'avait plongé. Il
éprouvait une sensation étrange, comme
d'un rêve palpable, réel. Il avait le senti-
ment d'avoir entendu une voix bien connue,
qui lui était à la fois odieuse et chère.
Et ce fut le nom d'Alba qui vint sur ses
lèvres.
Il vit briller une lumière dans la ca-
bane et se dirigea de ce côté. Le vent
qui soufflait sous les branches lui appor-
ta un bruit de galop au loin. Il entra dans
la maisonnette, y trouva la jeune paysan-
ne, regardant avec admiration les pièces
d'or laissées dans la sébile parErceldonne,
et se mit en devoir d'interroger cette en-
fant.
A l'aube, les fugitifs avaient gagné la
plage; les camp.niies*de Naples et le
front du Vésuve leur apparurent dans la
lumière naissante. Les chevaux épuisée
arrêtèrent à l'ombre d'une haute f^Valse ;
les teintes grises des oliviers et des vignes
sauvages en couronnaient le faîte ; la fa-
laise se creusait par endroits, offrant de
profonds et sûrs abris d'où l'on n'aperce-
vait que les flots.
Alba se laissa tomber à genoux sur le
sable.
— 0 mer, dit-elle, ô flot puissant, don-
ne-nous la liberté 1
Puis elle s'affaissa sur un débris de
roche minée, les yeux toujours fixés sur les
vagues.
- Voilà, reprit-elle, où je voudrais trou-
ver la fin, si nous devons mourir. La mer
est la meilleure des tombes, et il me sem-
ble que je la vois s'ouvrir devant moi.
— Que dites-vous? murmura Fergus.
— U me paraîtrait si doux de ne plus
vivre! répondit-elle.
— Comment et pourquoi dites-vous de
telles choses, Alba?
— Eh! mon ami, si j'étais à mon der-
nier moment, je pourrais vous dire le
grand, le terrible secret de ma destinée.
— Et maintenant vous ne le pouvez
donc pas?
— Non, je manquerais au plus solennel
de tous les serments. Je vous le demande,
à vous, puis-je faire cela?
Fergus hésita avant de répondre ; elle vit
bien qu'il était en proie à un grand com-
bat intérieur.
— Non, dit-il, au bout d'un moment s -
vous ne le devez pas. Ne faite.1. Vas pour
moi une chose dont vo1^ auriez à rougir.
Ce suprême désintéressement la trans-
porta dne admiration sincère 1
- De tous les grands cœurs, vous êtes
le plus grand! murmura-t-elle. Et quand
je songe à tout ce que vous pouvez croire
après ce que je vous ai déjà dit!
— Que puis-je croire ?
— Qui sait? que peut-être je n'ai pas été
seulement l'associée du dormeur de la fo-
rêt, mais sa complice.
— Oh! fit-il, en secouant la tête, j'ai
regardé dans vos yeux !
Elle ne répondit plus, et parut se bercer
avec ivresse du charme de ces dernières
paroles. La mer, comme pour accompa-
gner cette rêverie délicieuse, lui apportait
ses harmonies profondes. Ce lieu sauvage
n'avait que trop de majesté solitaire; car,
au loin, pas une voile ne pointait sur l'é-
tendue des flots.
— Les minutes sent des années pour
nous, reprit tout à coup Fergus qui s'était
levé et consultait l'espace avec inquiétude.
Une barque nous sauverait ; mais où est-
elle ? Il doit y avoir près d'ici un village.
— Il y en a un vers le nord. Quelques
huttes sous la falaise, une population de
pêcheurs. Vous pourriez vous y rendre.
— Quoi! dit-il, vous laisser seule?
— Restez ! fit-elle simplement ; nous
mourrons ensemble ; j'aime autant cela.
— Pourquoi ne pourrais-je vous emme-
ner avec moi ?
— Impossible! Le bruit de mon arres-
tation a rempli le pays et j'y suis con-
nue. Ces haillons de fête dont je suis cou-
verte attireraient l'attention. Vous, au con-
traire, sous votre habit de marin, vous
pourrez louer une barque, l'amener ici avec
le batelier. Si nous le trouvions récalci-
trant, la seule vue de vos pistolets le per-
suaderait de nous conduire où il nous plai-
ra. Allez! et laissez-moi seulement une de
vos armes. Si quelque danger survenait
pour moi, je ferais feu et vous seriez averti.
— Mais. dit Fergus.
— Allez ! Je voudrais vous suivre, que
je ne le pourrais pas. Je suis brisée.
Elle disait vrai, et ce n'était pas seule-
ment son corps qui succombait à la fati-
gue. Ce courage indomptable, qui lui avait
fait supporter naguère la pensée du plus
cruel et du plus humiliant supplice, plu-
tôt que celle de trahir ses amis, s'était su-
bitement éteint, depuis la rencontre de
Phormion, depuis qu'elle avait eu la certi-
tude de son crime.
Erceldonne cette fois se méprit sur les
sentiments qui l'agitaient, il crut seule-
ment à sa lassitude physique, accusa la
prison, le peu d'aliments qu'elle avait pris
dans cette longue course. Depuis deux
jours, il n'avait trouvé aucun moyen effi-
cace de la secourir, lui qui aurait cent fois
donné sa vie pour elle.
Se tordant les mains avec désespoir, il
lui dit qu'il allait suivre son conseil et se
rendre au village.
Bientôt il disparut, suivant les bandes
étroites de sable qui couraient au pied
des roches, et il ne tarda pas à découvrir
le hameau sous la falaise, avec ses mai-
sonnettes rondes qui ressemblaient à des
ruches d'abeilles.
Alba, demeurée seule, se disait :
— Pour son bonheur, il faudrait qu'il
disparût ainsi de ma vie à jamais. Ferais-
fe vraiment une lâcheté en l'abandonnant?
Est-ce que je ne commets pas, en m'atta-
chant à lui, un véritable crime?
Le soleil, filtrant à travers les fissures
des roches, vint lui brûler le visage ; elle
aurait voulu que le langage des poètes ne
fût point fait de simples figures, et que ces
« flèches d'or » eussent la puissance de lui
percer le cœur.
- Ainsi, murmurait-elle, son assassin
c'était bien lui, lui!
Désormais, elle comprenait les grandes
déceptions, les dégoûts sans fond qui peu-
plent les couvents, ou bien arment la main
des malheureux contre eux-mêmes.
Et quand elle songeait que tout la me-*
naçait de rentrer dans la ceil-ale d'une pri-
son de l'Eglise, elle envisageait ce cruel re-
pos sans terreur. Il lui semblait, en effet,
qu'elle était arrivée au terme de son aven-
tureux voyage, que là, près de Naples, les
sbires allaient retrouver aisément sa trace,
qu'elle allait être reprise, et cette fois bien
perdue.
C'était cette pensée qui lui avait surtout
inspiré le désir d'éloigner Erceldonne,
afin qu'il ne fût point perdu avec elle.
Cependant, rien n'indiquait encore le
péril. Aucun bruit que le murmure des
flots et le piétinement, étouffé par le sable,
des chevaux à demi-morts de fatigue et de
soif, cherchant une eau saumâtre au creux.
des rochers.
Mais alors Sulla, qui dormait aux pieds
de sa maîtresse, s'éveilla, se dressa. Enr
même temps, Alba vit à l'angle de la fa-,
laise une ombre se projeter sur le sable.
Elle ne s'y trompa point, ce n'était pas
un sbire. Les espions mêmes ont la démar-
che moins sinueuse et moins muette.
Conrad Phormion était devant elle.
OUlD A.
\A sukre.\
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