Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1877-05-02
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 mai 1877 02 mai 1877
Description : 1877/05/02 (N2609). 1877/05/02 (N2609).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/08/2012
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S'adresser au Secrétaire de la RédaetioV
■■ 'f' ", ■;■ Delàl heure» 4u t
Il, fil VALOIS, 13
Lttmanuscritj non insérés ne sorontpas rendus
ANNONCES ..:.
HJtt. Ch. LAGRANGE, CERF et c-
f, place de la Bourse, 1 Î
-, ADMINISTRATION A
13, ROI « TALOli, il
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ABONNEMENTS
t'roi. moi. 19 » I Trois mois. 13 H
Six nois 88 • I Six
Adresser lettres et nr*ndîts
A M. ERNEST LE EK>VII
ADMINISTRATEUR-GERANT '0
L.A RENTRÉE
C'est aujourd'hui que les sénateurs
et les députés reviennent de leurs va-
-. ran-ces. En leur absence, deux choses
principales se sont produitesau de-
hors, la guerre; au dedans, l'agitation
T cléricale. ,';,'
? Ces deux choses vont se présenler
Ii la tribune aujourd'hui même. ,.'
- Ls ministre des affaires étrangères a
prévenu la réunion des trois gauches
qu'il était prêt à une déclaration spon-
tanée. Ildéclarera que le gouvernement
français a fait ce qu'il a pu pour empê-
cher la guerre turco-russe; que, la guerre
n'ayant pas pu être empêchée, il reste à
la localiser, et que le gouvernement fran-
çais, quant à lui, a la ferme détermination
de maintenir sa neutralité et de rester
an paix avec toutes les puissances. Nous
ivons dit hier que les paroles du gou-
vernement pourraient appeler en tér
moignago un fait : l'Exposition de
Paris. *
r La seconde question qui s'impose
non moins immédiatement et non
moins impérieusement aux représen-
- tants du pays, c'est la question cléri-
cale.
Des Français qui auraient entendu le
patriotisme autrement que les cléri-
caux auraient pensé que le moment où
il y a des grondements d'artillerie à
l'horizon, et où la guerre recommence
dans des conditions dont personne no
sait la dessous, n'était pas le moment
de mécontenter les peuples avec les-
quels nous sommes en relations d'ami-
, tié. Les cléricaux ont pensé différem-
1 ment. Tls se sont dit que, la France
- pouvant être 0 alt c'était l'heure
de lui aliéner ses alliés possibles. Ils
< ont saisi, cette occasion de-provoquer;
l'Italie, de lui faire ce qu'on nous fe-
rait si l'on venait nous chicaner - Paris,
do lui signifier que. Rome ne lui appar-
- tenait; p.as-.et qu'elle eut à ôter sa tète
ou que M. de Charette irait la lui
coupfcr!
Ils ont mis cela en pétitions et en
semions, ils l'ont imprimé dans leurs
journaux, ils l'ont débité en chaire, la
croisade a été pcèchée par M. Thomas-
Casimir et par M. Veuillot, le Journal
du Mans a crié : Tue! et l'évêque do
Nimes a crié : Assomme! Si bien que
l'Italie a fini par s'en émouvoir, et
qu'une dépêche de Rome a annoncé que
le gouvernement allait être interpellé à
ce sujet. Il importe qu'avant qu'il y ait
une interpellation au parlement ita-
0' lien, il y en ait une au parlement fran-
rais.
<7; Une partie des cléricaux a senti co
tju'allait leur attirer l'audace des péti-
tionnaires et des évêques. Quelques
journaux de sacristie ont opéré une re-
traite prudente. Ils ont atténué les pé-
titions en avouant que la plupart des si-
gnataires étaient des enfants de dix à
douze ans. Ils ont innocejité l'album
des volontaires de M. de Charette en ré-
vélant que ces volontaires étaient gér
néraîement des femmes. Ils ont renie
les mandements et traité leurs auteurs
d'imprudents et d'imbécilles. Mais tous
les" journaux cléricaux n'ont pas eu
cette faiblesse. Le journal de M. Dupan-
loup ayant balbutié que tous les catho-
liques rejetaient bien loin l'idée d'une
guerre de religion, le Journal du Mans
lui a répondu: Parlez pour vous! Et la
Gazette du Languedoc déclare que « ce cri
prophétique : rendez Rome au pape!
ne fait que traduire la pensée et l'es-
pérance de tous les catholiques. » Et
le gouvernement a eu beau interdire
la circulation de la pétition des croisés
syllabusons. Y Univers refuse do tenir
aucun compte de l'interdiction, affirme
que le pétitionnement contre l'Italie
est le droit des catholiques, et les invite
énergiquement à « l'exercer quand
même ».
On voit s'il est nécessaire que le
gouvernement, non-seulement dégage
sa responsabilité , de l'agitation cléri-
cale, mais y coupe court. Puisque les
sacristies ignorent ce que commandent
les circonstances actuelles et ce que
c'est que le patriotisme, il faut qu'on lo
leur apprenne. Elles ont besoin d'une
leçon. La Chambre va la leur donner.
Nous rendons compte plus bas d'une
réunion des trois gauches qui a eu lieu
hier. Une des résolutions qui y ont été
prises a été do déposer, dès aujour-
d'hui, une demande d'interpellation,
signée des présidents des trois groupes,
et qui, par conséquent, assure d'avance
une majorité considérable à l'ordre du
jour motivé, qu'elle provoquera. Nous
ne pouvons que répéter co que nous
avons dit plus d'une fois. Il est temps
quo le ministère soit mis en demeure
de se prononcer et d'agir. Le premier
acte de la Chambre doit être de faire
parler le gouvernement et do faire taire
l'épi scopat.
AUGUSTE v.\cQUlmm..
— ■ — i ■■ -i o
COULISSES DE VERSAILLES
En prévision de la reprise de la session
qui a lieu aujourd'hui, les bureaux des
trois groupes de la gauche se sont réunis,
hier à trois heures, chez M. Leblond pour
conférer sur la ligne de conduite à suivre.
Etaient présents : pour FUnion répnbli-
caine, MM. Floquet, Henri Brisson, Dréo et
Lclièvre ; pour la gauche : MM. Leblond,
Pascal Duprat, Jules Ferry, Albert Grévy,
Cochery, Devoucoux; pour le centre gau-
che, MM. de Marcère, Franck-Chauveau et
Philippoteaux. -.-
On s'est occupé de la situation politique
au double point de vue de l'extérieur et
de l'intérieur.
Pour l'extérieur, il a été annoncé que le
ministre des affaires étrangères devait lire
aujourd'hui même, au début de la séance,
une déclaration dont les termes ont reçu
l'approbation du conseil des ministres.
Cette déclaration, sorte de résumé de la
circulaire adressée à tous les. agents .diplo-
matiques de la République, rappelle que
la France a fait les plus grands efforts en
faveur du maintien do. la paix ; que, ces
efforts n'ayant eu aucun résultat, la France
gardera la plus stricte neutralité dans la
guerre d'Orient, résol.ue qu'elle est à rester
en bons rapports avec toutes les puis-
sances.. ,;,.,;' >
M. Decazes, qui a eu hier matin une en-
trevue avec la sous-commission du budget
des affaires étrangères, a donné tous ces
renseignements. Il a même ajouté qu'il
lirait sa déclaration spontanément, sans y
être provoqué par une interpellation. En
même temps, il déposera sur le bureau de
la Chambre le Livre jaune, qui contient IQ
recueil de toutes les pièces relatives à la
politique extérieure de la France.
En cet état, la réunion des bureaux des
gauches n'a pas jugé qu'il fut opportun de
soulever un débat sur la politique exté-
rieure. Elle s'en tiendra, à moins d'inci-
dents imprévus, à la déclaration du gou-
vernement.
Pour ce qui concerne la politique inté-
rieure, il a été décidé, après débat, qu'une
demande d'interpellation sur la question
cléricale serait présentée aujourd'hui même
par les présidents des trois gauches, MM.
Laussedat, Leblond et de Marcère. -
La. formule qui sera déposée portera
que « les soussignés demandent à inter-
peller le gouvernement sur les menées ul-
tramonlaines dont la recrudescence in-
quiète le pays ».
C'est M. Leblond qui, en sa qualité de
président de la gauche, groupe intermé-
diaire, a été chargé de développer l'inter-
pellation.
On a arrêté les termes d'un ordre du
jour motivé, très énergique, qui devra ser-
vir de conclusion au débat et qui sera
également présenté par les présidents des
trois gauches.
Nous croyons savoir que MM. Jules Si-
mon et Martel acceptent l'interpellation et
qu'ils prendront la parole pour faire d'im-
portantes déclarations. ;
On doit demander que la discussion de
l'interpellation soit fixée à jeudi prochain, -
la Chambre ne siégeant pas/demain mer-
credi, en vertu de son t'èg!e-U'lCnL v
La séance d'aujourd'hui sera donc occu-
pée d'abord par le tirage au sort des bu-
reaux, puis par la lecture de la déclaration
du ministre des affaires étrangères et enfin
par le dépôt de la demande d'interpella-
tion dont nous venons de parler.
Quant à la fixation de l'ordre du jour,
elle ne paraît devoir présenter aucune dif-
Hcnllé. Les rapports du budget n'étant pas
tous déposés, la discussion du budget ne
pourra pas commencer avant quelques
jours. La Chambre discutera alors le projet
qui vient en tète de son ordre du jour et
qui provient de la session dernière; c'est
le projet d'abrogation de laloiDufaure sur
la presse. On se rappelle que cette abroga-
tion a été votée il y a deux mois en pre-
mière délibération. Le rapporteur, M. AI-
bert Grévy, doit demander qu'on passe
immédiatement à la deuxième et dernière
délibération et qu'on puisse ainsi rendre
bientôt au jury la connaissance des délits
de presse. -
On ne pense pas que le gouvernement
s'oppose à cette demande.
> U.A GUERRE
En Europe, le seul fait important est le
transport sur les bords du Danube et la
mise à l'eau de quatre canonnières russes.
Ces canonnières ont sans doute pour dou-
ble objectif de protéger l'embouchure du
Seret contre les tentatives que les moni-
tors turcs pourraient diriger contre le
pônt de Barboehe et, Plus tard, de protéger
le passage de l'armée russe de la rive rou-
maine à la rive turque. Faisons observer
d'ailleurs que cette. d'invasion
de la Dobroudja par les., Russes est encore
dans le pur domaine des hypothèses : ils
ne pouvaient faire autrement que de sé
concentrer à Barboehe et dans les ports du
Bas-Danube, même dans l'intention d'al-
ler passer le Danube à Guirgevo ou sur
quelque alltr0 point du Ilaut-Danube. C'é-
tait là leur étape forcée; leur point obligé
de rassemblement avant de pénétrer dans
la Valachie. La seule raison sérieaje qui
appuie en ce moment l'hypothèse de l'in-
vasion de la Dobroudja, c'est le désir qu'on
peut raisonnablement prêter aux Russes
d'éloigner la guerre des frontières austro-
hongroises. C'est le même désir qui a
fait renoncer les Turcs à occuper les ports
serbes.
On plaisante la Roumanie sur la labo-
rieuse comédie do neutralité qu'elle joue
en ce moment. La position de ce petit pays
parfaitement sympathique à la France, et
qui résiste énergiquement à la germanisa-
tion, est assez difficile pour qu'on lui épar-
gne ces critiques injustes. La Turquie, en
la voulant garder vassale et tributaire;
l'Austro-Hongrie, en lui imposant une
convention commerciale ruineuse, et en
tenant sous le joug translcithan trois mil-
lions de Roumains, lui sont également fu-
nestes. Le traité de Paris, en augmentant
son territoire, lui a cependant refusé de
porter sa frontière à la seule branche navi-
gable du delta du Danube, celle de Soulinà.
Dans ces conditions, la Roumanie étouffe,
de tous les côtés et cherche à compléter son
développement national. Pourquoi lui faire
un crime de se réserver en vue des éven-
tualités?
En Asie, tout en faisant la part des exa-
gérations d'une dépêche du Daily Te!e-
yraph, qui représente le combat en avant
de Ba ton m comme une grande défaite des
Russes, il paraît certain que les troupes
du ezar ont éprouvé sur les bords du Tcho-
rok-Sou une résistance qui les a arrêlps
net dans leur marche soit sur Trébizonde,
soit sur Erzeroum, car il est difficile de sa-
voir laquelle de ces deux directions elles se
proposaient de prendre. Le silence des
dépêches russes est d'aiiieurs passablement
>
Les autres colonnes russes parties de Ti-
flis et d'Eriwan paraissent s'avancer d'une
façon continue vers Kars. Tourneront-elles
la forteresse de Kars pour aller envahir Er-
zeroum? Ce qui semblerait l'indiquer, c'est
qu'un autre corps russe paraît marcher sur
Erzeroum par Ardahan, ville turque qui est
à peu près à moitié chemin de Tiflis à Er-
zeroum. La tentative de tourner Kars peut
être dangereuse, et Erzeroum est bien au-
trement armée qu'en 1854. Un voyageur
français, M. Deyroiles, qui a visité l'Armé-
nie et le Lazzistan avec une mission de no-
tre ministère de l'instruction publique, ra-
conte avec quels prodigieux efforts les
Tares ont transporté des canons du plus
fort calibre, de Trébizonde à Erzeroum, en
franchissant des cols de 2,225 mètres. C'est
le même voyageur qui signale les effroya-
bles boues de la plaine d'Erzeroum. Du
reste, chaque pas entre la frontière russe
et les villes turques est semé d'obstacles :
torrents, montagnes, vallées profondes,
abîmes. C'est dans cet enchevêtrement de
pics que l'Euphrate prend sa source. Et,
à ce propos, il est permis de poser une
hypothèse. Qui dit que les armées russes
n'ont pas pour but de descendre la vallée
de l'Euphrate et de menacer Mossul, Bag-
dad et Bassora? Dans ce cas, il serait diffi-
cile à l'Angleterre de garder cette neutra-
lité dont le Times annonce la déclara-
tion pour cette semaine, ce qui concorde
mal avec les obscures négociations que
l'Angleterre conduit en ce moment à propos
du canal de Suez.
C'est Muktar-Pacha qui commande en
Asie. La dépêche russe annonçant la prise
du camp de Moukchcr ne voulait-elle pas
simplement dire que les Russes avaient pris
le camp de ce général et n'a-t-on pas une
fois de plus confondu un nom d'homme
avec un nom de lieu?
LOUIS ASSELINR.
—— C
NOUVELLES DE LA DERNIÈRE HEURE
( Dépêches de l'agence Havas )
Erzeroum, 30 avril.
Les Russes concentrent leurs forces et se.
préparent à attaquer les Turcs.devant Kars.
Les Russes avancent leur train de siège.
Une bataille est imminente.
Londres, 30 avril, soir.
Un supplément de la Gazette officielle du
30 avril publie la proclamation suivante de S.
M. la reine Victoria.
« Windsor, 30 avril.
tt Etant en paix avec tous les souverains,
>> toutes les puissances, tous les Etats ; ,
» Considérant la guerre qui existe entre le
» czar et le sultan, malgré nos efforts extrêmes
» pour l'écarter;
» Considérant notre amitié avec ces deux
Il souverains;
M Nous sommes déterminée à maintenir une.
n neutralité stricte et impartiale.
» Nous ordonnons à nos sujets d'observer
cette stricte neutralité. a ; •
Tiflis, 30 avril.
L'administration russe a été introduite dans
le district de Schuraguel, près de Kars. La ca-
valerie irrégulière turque a abandonné Akbal-
tsik le 20 avril. "'-, .',
Les Russes occupent Dgwin, ville de la Géor-
gie turque. Les habitants de cette contrée re-
çoivent l'armée russe en amis et rendent leurs
armes et leurs munitions.
, Galatz, 29 avril.
Tous les navires neutres ont quitté Galatz
et Draïla.
Londres, 30 avril, 5 h. 50.
Chambre des Commtmes.-M. Bourke, répon-
dant à M. Campbell, dit que la Porte a de-
mandé des secours au khédive, qui a promis
de venir en aide au sultan et de placer le con-
tingent des troupes épyptiennes sous le com-
mandement du prince Hassan.
Le khédive a déclaré en même temps qu'il
ne serait rien distrait des recettes actuelle-
ment engagées pour le payement des créan-
ciers du gouvernement égyptien.
Le khédive veut remplir tous ses engage-
ments, ajoute M. Bourke; en conséquence, les
secours qu'il enverra à la Porte dépendront
des contributions qu'il recevra pour cet objet.
M. Dilke demande s'il n'y a pas déjà un grand
nombre de troupes égyptiennes sur les bords
du Danube.
M. Bourke pense que oui.
Lord Northcote, répondant aie marqub
Hartington, dit que te gouvernement publiera
une proclamation de neutralis me t.An
et que la reine signera cette proclamation a
jourd'hui. r \1
L'agence Maclean nous communiquie
dépêches suivantes : \)
Londres, 30 anilr-
Le ministre de la guerre anglais a termir*^
les dispositions nécessaires à l'envoi, au îMt"
mier jour, en Egypte, de 50,000 hommes. \Vj
25,000 hommes seraient envoyés d'Angle.
terre, et les autres 25,009 seraient pris dauS^
l'armée de l'rnde.
Londres, 30 avril, matin.
Bucharest, dimanche 20 avril. — Les auto-
rités russes ont informé aujourd'hui les com-
mandants des vaisseaux étrangers, à Galatz et
dans d'autres ports à l'embouchure du Danu-
be, qu'aprcs le 7 mai la navigation du bas
Danube sera interrompue. Cette mesure indi-
que certainement une entente avec l'Autriche,
car il est très peu probable qu'elle ail été prise
contrairementauvvues du cabinet de Vienne.
- Times.
Londres, 30 avril, 7 h. soir.
Chambre des communes. — M. Gladstone an-
nonce qu'il présente un amendement décla-
rant que la Turquie a perdu tous ses droits à
l'appui de l'Angleterre, et proposant qu'une
adresse soit présentée à la reine en vue de
favoriser le concert européen pour obtenir les
libertés locales des provinces turques.
L'orateur déclare en outre qu'il présente sa
motion sous sa responsabilité individuelle, et
non comme organe du parti libéral.
-- ■ ■
~EL. :
DIALOGUES DE LA RUE
LE CLÉRICALISME ;
(JN CLÉRICAL. — UN SOLDAT
( Voir le R ippel d'hier. )
LE CtÉiUCAL. — Malheureusement,
aujourd'hui la situation est devenue in-
tenable. Nous sommes à court de catas-
trophes. Pas la moindre inondation,
pas la plus petite trombe. C'est à croire
que les cours d'eau se sont mis en
grève. Le choléra lui-même, qui est à
Bagdad, refuse de travailler en France.
La récolte s'auuoncc bien, l'industrie
prospère, le commerce ne se plaint pas
et l'Exposition universelle se prépare.
Vous comprenez que, dans ces condir
tions-là, il est bien difficile de persua-
der aux populations que Dieu les punit.
LE SOLDAT. - Votre parti ne peut
pas, cependant, se mettre à confection-
ner des trombes. Cela ne se fabrique
pas dans les couvents. -
LE CLÉRICAL. — Aussi avons-nous
pensé à quelque chose de mieux et de
plus facile à obtenir. Nous avons pensé
à la guerre. La guerre, si elle était
malheureuse, nous permettrait de dire
quo Dieu punit la France républicaino.
la conquête, ce serait notre règne qui
arriverait.
LE SOLDAT. — Et alors, parce que
vous avez intérêt à ce que la République
no s'établisse pas en France; parce que
vous avez fait des prédictions absurdes ;
parceque vous n'avez pas de patrie, il
faudra que moi et mes frères nous al-
lions mourir sur les champs de ba-
tailles; il faudra que la France soit
exposée à de nouveaux désastres? Et si
Feuilleton du RAPPEL
DU 12 MAI
51 -
LE COURRIER
DE CABINET
XXXV
Aveux
Alba se tenait devant Fergus, la tête
inclinée, timide, et tremblante presque.
Etait-ce bien la même femme qui avait
bravé Giulio Villaflor? la même qui, si
- longtemps, n'avait eu que des sourires de
dédain devant les menaces de ses ennemis
et les prières de ses esclaves? la même qui
avait été sans crainte dans l'épreuve, sans
pitié dans le triomphe? Maintenant, hum-
ble et le cœur brisé, elle priait presque à
son tour, elle demandait grâce.
-Je ne sais rien de votre vie, lui répondit
Fërgus; ai-je bésoin d'en rien savoir? Qu'elle
ne fasse plus qu'un avec la mienne, et vous
m'aurez donné un présent divin dans ce
monde!- Après cela, viennent les calom-
nies, puisque voussemblez craindre qu'elles
ne vous poursuivent 1 je ne crois pas avoir
jamais autant d'ennemis à combattre à la
fois pour vous que j'en ai vu devant moi la
1 nuit dernière ; et pourtant, comme il s'agis-
sait de vous, j'ai été le plus fort ! Vous ne
comprenez donc pas que ce que je vous
demande, c'est un titre, un nom, un droit,
pour vous défendre.
Voir le Rappel du U mars au fer Mai.
— Je vous entendst dit-elle avec un
sourire douloureux, la femme de Fergus
Erceldonnc sera comme celle de César et
no pourra être soupçonnée. Vous êtes un
cœur de lion, et vous avez la confiance d'un
héros ou d'un enfant. Ecoutez-moi donc.
Oui, je vous aime, et c'est pour cela que je
vous dis : Alba Vassalis ne mérite peut-
êlra pas la foi généreuse que vous avez en
elle. Je crois vous prouver ainsi ma loyau-
té. Mais je désespère de vous persuader
d'écouter votre raison. Elle devrait vous
conseiller de me fuir, puisque je vous jure
librement, sincèrement que ce serait le
mieux. Nous devrions nous séparer à
jamais. Oh! pas en ce moment, puisque
vous me protégez contre un péril de mort.
Mais, ce péril passé, je vous conjurerai
d'oublier que vous m'étiez devenu cher.
Quel quo soit le moyen qui serve à vous
guérir, je le trouverai bon et juste. Si de
l'amour vous passez envers moi à la haine,
je ne me plaindrai pas. Dussiez-vous mô-
me en venir au mépris, j'inclinerai la
tête. Tout ce que je veux, tout ce que, je
désire, de toute la force, de toute l'ardeur
de mon âme, c'est votre guérison, précisé-
ment parce que je vous aime. Je ne suis
point la seule femme qui soit belle et faite
pour vous plaire. Vous en chercherez une
qui puisse OUVril\SOn cœur et sa vie com-
me un livre devant vous. Celle-là sera la
bonne gardienne de votre honneur. Celle-
là ne peut pas' être moi.
Il l'écoutait en silence, mais non pas de
la même façon ni dans le même trouble
qu'autrefois, dans l'île de Capri, lorsqu'elle
lui avait ordonné de s'éloigner d'elle ;
il savait maintenant qu'elle l'aimait, et il
refusait désormais d'accepter la sentence
de divorce qui tombait de ses lèvres. Il
leva les épaules, quand elle ajouta :
- Qui sait si la plus grande cruauté que
je pourrais commettre envers vous ne se-
rait pas d'unir votre vie à la mienne, com-
me vous me le demandez?
— Je suis le seul juge en ceci, dit-il. Si
je préfère le plus mauvais sort avec vous
au paradis avec une autre, je suis le maî-
tre apparemment de me rendre heureux
ou malheureux à mon choix.
— Et moi, dit-elle, j'ai le devoir de vous
défendre contre votre propre folie. Vou-
lez-vous que d'un mot je vous fasse voir
comme elle est grande? Sachez donc ce
que j'ai pensé souvent: — que si les bour-
reaux auxquels vous m'avez arrachée m'a-
vaient infligé leurs plus cruelles tortures,
ils m'auraient à peine rendu le mal que
j'ai fait aux autres. Tous ceux qui sont
morts par moi n'auraient été qu'à demi
vengés.
- Soit encore, répondit Fergus d'une
voix étouffée ; mais alors faites-moi vrai-
ment juge. Dites-moi votre vie.
— Ma vie ! murmura-t-clle. Avant tout,
c'est un long regret, parfois un dur re-
mords !
— Il y a des regrets sublimes, dit-il, et
des remords qui grandissent l
Alba eut un triste sourire.
— Sir Fergus, demanda-t-elle, ne m'a-
vez-vous pas dit plusieurs fois qu'un nom
sans tache était votre seul héritage?.
Erceldonne poussa un rugissement
étouffé. 11 avait refusé jusqu'alors de croire
au témoignage d'Alba contre elle-même. Il
n'avait jamais cessé de voir qu'une cruelle
habitude d'angoisse se cachait sous l'éclat
de son esprit et de sa beauté; la source en
demeurait pour lui si obscure qu'il ne s'était
jamais sérieusement demandé si son devoir
et son honneur lui conseillaient de la dé-
couvrir. Mais il se méprit à ces dernières
paroles. Elles n'avaient qu'un sens à ses
yeux. Il saisit la jeune femme par - le bras :
— Répondez! répondez! dit-il. Cette
fois, je l'exige, je le veux. Y a-t-il donc
dans votre passé quelque chose qui soii
une souillure pour la pureté d'une femme?
Alba se tut.
Tout bas, elle se jurait même deso taire
jusqu'au bout. Ce serait le meilleur moyen
de l'amener à rompre violemment, elle
n'en avait pas d'autre. Ce serait un der-
nier et abominable sacrifice. Et, pendant
un moment, elle se sentit capable de cette
abnégation héroïque qui le guérirait,
qui le sauverait, qui provoquerait son
mépris et son aversion. Mais elle le re-
garda.
Eh bien! non! elle avait trop présumé
de ses forces. Ce mépris serait trop cruel,
cette avèrsion serait un châtiment trop
rude.
- S'il y a dans mon passé quelque chose
qui soit une souillure, répéta-t-elle lente-
ment, non, comme vous l'entendez, il n'y
a rien dont j'aie à rougir. Mais la pureté
d'une femme n'est point faite uniquement
de chasteté.
- Epargnez-vous désormais de vous ac-
cuser vous-même! s'écria-t-il. Quelque
lutte que vous me donniez à soutenir con-
tre le monde ou contre la destinée, que
m'importe! Nul ne peut dire que vous
avez été à un autre. Rien n'empêchera
que vous soyez à moi!
Il la serra plus fortement contre son
cœur, noyant son front encore brûlant de
fièvre dans le flot d'or de pa chevelure,
couvrant ses lèvres de nouveaux baisers.
— Je le savais bien I mnrmnrnît-it T.o
déshonneur sur vous! est-ce que cela était
possible? Vous qui auriez mieux aimé la
mort que de vous laisser effleurer par ce
misérable!
Alba, enfin, échappa à son étreinte.
— Ecoutez encore, dit-elle, et ne cher-
chez pas à vous tromper vous-mêiîïe.
Suivant la lettre des lois du monde, il n'y
a rien entre nous, c'est vrai, qui doive
nons séparer. Mais vous ne connaissez
point ma conscience. Vous ne savez pas que
tous ces braves gens tombés naguère à An-
tina étaient là par ma faute. Cette horrible
unit, c'est mon ouvrage. Vous ne savez pas
L nonfe de ceux qui, à cause de moi,
ont servi par leur mort la cause que je
défends. Vous seriez effrayé de tant de deuils
et de ruines! Et si vous me demandiez:
N'êtes-vous pas satisfaite? bornerez-vous là
la tâche libératrice et sanglante? si alors je
vous répondais : Je ne sais, je n'en suis
point la maîtresse ; si la liberté demande
d'autres martyrs, ce n'est pas moi qui les
dissuaderai de marcher aux bourreaux; si
celui qui a mon serment, si celui-là com-
mande, j'obéirai encore, j'obéirai toujoursl
Si je vous répondais cela, que feriez-vous ?
Sans doute, vous vous éloigneriez d'une
femme que vous aimez, qui vous aime,
mais qui vous semblerait si peu faite pour
l'amour?
— Non ! répondit-il. Je vous le disais
bien tout à l'heure qu'il y avait des re-
mords qui grandissent! T)ut ce que vous
venez de m'apprendre vous rend plus belle
à mes yeux, s'il est possible que vous soyez
plus belle. Si ces remords vous pèsent,
c'est à moi de les adoucir. - Au reste, je
ne vous demande point vos secrets, je vous
demande votre amour. Vous me l'avez
donné. Vous n'être plus libre de me le re-
prendre. Votre destinée est à moi comme
la mienne est à vous. Agissez. comme il
vous plaira et comme votre devoir vous y
oblige. J'ai foi dans votre loyauté.
— Vous êtes le plus fort! - dit Alba vain-
cue en se jetant dans ses bras. Que votre
volonté soit faite.
« Mon âme pour l'éternité 1 Que je souf-
fre tous les châtiments, tous les tourments,
pourvu que cette femme soit à moi ! n
Ainsi parlait le docteur Faust. Fergus
Erceldonne pensait comme lui.
- Mon amour! dit-il en se levant brus-
quement, nous allions, je crois, oublier le
dangerl
- Cela aurait mieux valu, dit Alba avec
sa mélancolie insouciante. Pourquoi nous
réveiller tous les deux de notre rêve ? La.
meilleure sagesse, c'est quelquefois de dé-,
fier la destinée.
— Il n'y a point de destinée! dit Fergus,
Il y a les forts qui créent leur vie et les
faibles qui la gâtent.
— Ne parlez pas ainsi, fil-elle. Votre
destinée, c'est moi !. Vous avez voulu l'a.
mour fatal. Vous l'avez.
Fergus plissa le front.
— Que craignez-vous pour moi? deman-
da-t-il.
— Je me crains moi-même.
— Et moi, dit-il avec une gaîté forcée,
je crains davantage la revanche de Monsi-
gnor Giulio. Nous avons perdu trop de
temps. Ce pays tout entier est un filet
tendu autour de nous.
— Eh bien! répondit Alba d'un air dis-
trait, quittons-le.
— Oui, mais il faut d'abord que nous
prenions un peu de nourriture. Cer-
tes, l'hospitalité d'un paysan ou d'un
charbonnier de la forêt est dangereuse;
mais la faim l'est bien plus. Demeurez ici,
tandis que je vais explorer les alentours.
- Vous n'y songez pas! fit Alba, m<
quiète.. Votre blessure, votre faiblesse.
— Et vous, dit-il en riant franchement
pour cette fois, vous ne me connaisses
pas. Vous m'avez donné la force des liou&
dont vous dites que j'ai le cœur.
Il la quitta, gravit un monticule, sonda
du regard l'épaisseur de la forêt et revinl
presque aussitôt.
— Ou je me trompe, dit-il, ou j'ai dépisté
une créature humaine à moins de cent pat
d'ici. Je vais recharger ce pistolet. Si vous
avez besoin de moi, tirez ; à l'instant, ie
serai près de vous.
Il s'éloigna de nouveau; et, quelques txfc
nutes après, la fumée d'une hutte lui aife
parut à travers le feuillage. Il s'avança
sans trop de crainte, connaissant le peuple.
de l'Italie méridionale, qui, sauf dansleiM
les Calabres, est doux, facile et bon.
OUIDA.
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Sao ïinméro't f © e/. « O^UTteaiMiii « fl& &| ^Floréal an 85 3 1|^B09
S'adresser au Secrétaire de la RédaetioV
■■ 'f' ", ■;■ Delàl heure» 4u t
Il, fil VALOIS, 13
Lttmanuscritj non insérés ne sorontpas rendus
ANNONCES ..:.
HJtt. Ch. LAGRANGE, CERF et c-
f, place de la Bourse, 1 Î
-, ADMINISTRATION A
13, ROI « TALOli, il
- .- 'A~~HNBMBBK~ Y - \-
ABONNEMENTS
t'roi. moi. 19 » I Trois mois. 13 H
Six nois 88 • I Six
Adresser lettres et nr*ndîts
A M. ERNEST LE EK>VII
ADMINISTRATEUR-GERANT '0
L.A RENTRÉE
C'est aujourd'hui que les sénateurs
et les députés reviennent de leurs va-
-. ran-ces. En leur absence, deux choses
principales se sont produitesau de-
hors, la guerre; au dedans, l'agitation
T cléricale. ,';,'
? Ces deux choses vont se présenler
Ii la tribune aujourd'hui même. ,.'
- Ls ministre des affaires étrangères a
prévenu la réunion des trois gauches
qu'il était prêt à une déclaration spon-
tanée. Ildéclarera que le gouvernement
français a fait ce qu'il a pu pour empê-
cher la guerre turco-russe; que, la guerre
n'ayant pas pu être empêchée, il reste à
la localiser, et que le gouvernement fran-
çais, quant à lui, a la ferme détermination
de maintenir sa neutralité et de rester
an paix avec toutes les puissances. Nous
ivons dit hier que les paroles du gou-
vernement pourraient appeler en tér
moignago un fait : l'Exposition de
Paris. *
r La seconde question qui s'impose
non moins immédiatement et non
moins impérieusement aux représen-
- tants du pays, c'est la question cléri-
cale.
Des Français qui auraient entendu le
patriotisme autrement que les cléri-
caux auraient pensé que le moment où
il y a des grondements d'artillerie à
l'horizon, et où la guerre recommence
dans des conditions dont personne no
sait la dessous, n'était pas le moment
de mécontenter les peuples avec les-
quels nous sommes en relations d'ami-
, tié. Les cléricaux ont pensé différem-
1 ment. Tls se sont dit que, la France
- pouvant être 0 alt c'était l'heure
de lui aliéner ses alliés possibles. Ils
< ont saisi, cette occasion de-provoquer;
l'Italie, de lui faire ce qu'on nous fe-
rait si l'on venait nous chicaner - Paris,
do lui signifier que. Rome ne lui appar-
- tenait; p.as-.et qu'elle eut à ôter sa tète
ou que M. de Charette irait la lui
coupfcr!
Ils ont mis cela en pétitions et en
semions, ils l'ont imprimé dans leurs
journaux, ils l'ont débité en chaire, la
croisade a été pcèchée par M. Thomas-
Casimir et par M. Veuillot, le Journal
du Mans a crié : Tue! et l'évêque do
Nimes a crié : Assomme! Si bien que
l'Italie a fini par s'en émouvoir, et
qu'une dépêche de Rome a annoncé que
le gouvernement allait être interpellé à
ce sujet. Il importe qu'avant qu'il y ait
une interpellation au parlement ita-
0' lien, il y en ait une au parlement fran-
rais.
<7; Une partie des cléricaux a senti co
tju'allait leur attirer l'audace des péti-
tionnaires et des évêques. Quelques
journaux de sacristie ont opéré une re-
traite prudente. Ils ont atténué les pé-
titions en avouant que la plupart des si-
gnataires étaient des enfants de dix à
douze ans. Ils ont innocejité l'album
des volontaires de M. de Charette en ré-
vélant que ces volontaires étaient gér
néraîement des femmes. Ils ont renie
les mandements et traité leurs auteurs
d'imprudents et d'imbécilles. Mais tous
les" journaux cléricaux n'ont pas eu
cette faiblesse. Le journal de M. Dupan-
loup ayant balbutié que tous les catho-
liques rejetaient bien loin l'idée d'une
guerre de religion, le Journal du Mans
lui a répondu: Parlez pour vous! Et la
Gazette du Languedoc déclare que « ce cri
prophétique : rendez Rome au pape!
ne fait que traduire la pensée et l'es-
pérance de tous les catholiques. » Et
le gouvernement a eu beau interdire
la circulation de la pétition des croisés
syllabusons. Y Univers refuse do tenir
aucun compte de l'interdiction, affirme
que le pétitionnement contre l'Italie
est le droit des catholiques, et les invite
énergiquement à « l'exercer quand
même ».
On voit s'il est nécessaire que le
gouvernement, non-seulement dégage
sa responsabilité , de l'agitation cléri-
cale, mais y coupe court. Puisque les
sacristies ignorent ce que commandent
les circonstances actuelles et ce que
c'est que le patriotisme, il faut qu'on lo
leur apprenne. Elles ont besoin d'une
leçon. La Chambre va la leur donner.
Nous rendons compte plus bas d'une
réunion des trois gauches qui a eu lieu
hier. Une des résolutions qui y ont été
prises a été do déposer, dès aujour-
d'hui, une demande d'interpellation,
signée des présidents des trois groupes,
et qui, par conséquent, assure d'avance
une majorité considérable à l'ordre du
jour motivé, qu'elle provoquera. Nous
ne pouvons que répéter co que nous
avons dit plus d'une fois. Il est temps
quo le ministère soit mis en demeure
de se prononcer et d'agir. Le premier
acte de la Chambre doit être de faire
parler le gouvernement et do faire taire
l'épi scopat.
AUGUSTE v.\cQUlmm..
— ■ — i ■■ -i o
COULISSES DE VERSAILLES
En prévision de la reprise de la session
qui a lieu aujourd'hui, les bureaux des
trois groupes de la gauche se sont réunis,
hier à trois heures, chez M. Leblond pour
conférer sur la ligne de conduite à suivre.
Etaient présents : pour FUnion répnbli-
caine, MM. Floquet, Henri Brisson, Dréo et
Lclièvre ; pour la gauche : MM. Leblond,
Pascal Duprat, Jules Ferry, Albert Grévy,
Cochery, Devoucoux; pour le centre gau-
che, MM. de Marcère, Franck-Chauveau et
Philippoteaux. -.-
On s'est occupé de la situation politique
au double point de vue de l'extérieur et
de l'intérieur.
Pour l'extérieur, il a été annoncé que le
ministre des affaires étrangères devait lire
aujourd'hui même, au début de la séance,
une déclaration dont les termes ont reçu
l'approbation du conseil des ministres.
Cette déclaration, sorte de résumé de la
circulaire adressée à tous les. agents .diplo-
matiques de la République, rappelle que
la France a fait les plus grands efforts en
faveur du maintien do. la paix ; que, ces
efforts n'ayant eu aucun résultat, la France
gardera la plus stricte neutralité dans la
guerre d'Orient, résol.ue qu'elle est à rester
en bons rapports avec toutes les puis-
sances.. ,;,.,;' >
M. Decazes, qui a eu hier matin une en-
trevue avec la sous-commission du budget
des affaires étrangères, a donné tous ces
renseignements. Il a même ajouté qu'il
lirait sa déclaration spontanément, sans y
être provoqué par une interpellation. En
même temps, il déposera sur le bureau de
la Chambre le Livre jaune, qui contient IQ
recueil de toutes les pièces relatives à la
politique extérieure de la France.
En cet état, la réunion des bureaux des
gauches n'a pas jugé qu'il fut opportun de
soulever un débat sur la politique exté-
rieure. Elle s'en tiendra, à moins d'inci-
dents imprévus, à la déclaration du gou-
vernement.
Pour ce qui concerne la politique inté-
rieure, il a été décidé, après débat, qu'une
demande d'interpellation sur la question
cléricale serait présentée aujourd'hui même
par les présidents des trois gauches, MM.
Laussedat, Leblond et de Marcère. -
La. formule qui sera déposée portera
que « les soussignés demandent à inter-
peller le gouvernement sur les menées ul-
tramonlaines dont la recrudescence in-
quiète le pays ».
C'est M. Leblond qui, en sa qualité de
président de la gauche, groupe intermé-
diaire, a été chargé de développer l'inter-
pellation.
On a arrêté les termes d'un ordre du
jour motivé, très énergique, qui devra ser-
vir de conclusion au débat et qui sera
également présenté par les présidents des
trois gauches.
Nous croyons savoir que MM. Jules Si-
mon et Martel acceptent l'interpellation et
qu'ils prendront la parole pour faire d'im-
portantes déclarations. ;
On doit demander que la discussion de
l'interpellation soit fixée à jeudi prochain, -
la Chambre ne siégeant pas/demain mer-
credi, en vertu de son t'èg!e-U'lCnL v
La séance d'aujourd'hui sera donc occu-
pée d'abord par le tirage au sort des bu-
reaux, puis par la lecture de la déclaration
du ministre des affaires étrangères et enfin
par le dépôt de la demande d'interpella-
tion dont nous venons de parler.
Quant à la fixation de l'ordre du jour,
elle ne paraît devoir présenter aucune dif-
Hcnllé. Les rapports du budget n'étant pas
tous déposés, la discussion du budget ne
pourra pas commencer avant quelques
jours. La Chambre discutera alors le projet
qui vient en tète de son ordre du jour et
qui provient de la session dernière; c'est
le projet d'abrogation de laloiDufaure sur
la presse. On se rappelle que cette abroga-
tion a été votée il y a deux mois en pre-
mière délibération. Le rapporteur, M. AI-
bert Grévy, doit demander qu'on passe
immédiatement à la deuxième et dernière
délibération et qu'on puisse ainsi rendre
bientôt au jury la connaissance des délits
de presse. -
On ne pense pas que le gouvernement
s'oppose à cette demande.
> U.A GUERRE
En Europe, le seul fait important est le
transport sur les bords du Danube et la
mise à l'eau de quatre canonnières russes.
Ces canonnières ont sans doute pour dou-
ble objectif de protéger l'embouchure du
Seret contre les tentatives que les moni-
tors turcs pourraient diriger contre le
pônt de Barboehe et, Plus tard, de protéger
le passage de l'armée russe de la rive rou-
maine à la rive turque. Faisons observer
d'ailleurs que cette. d'invasion
de la Dobroudja par les., Russes est encore
dans le pur domaine des hypothèses : ils
ne pouvaient faire autrement que de sé
concentrer à Barboehe et dans les ports du
Bas-Danube, même dans l'intention d'al-
ler passer le Danube à Guirgevo ou sur
quelque alltr0 point du Ilaut-Danube. C'é-
tait là leur étape forcée; leur point obligé
de rassemblement avant de pénétrer dans
la Valachie. La seule raison sérieaje qui
appuie en ce moment l'hypothèse de l'in-
vasion de la Dobroudja, c'est le désir qu'on
peut raisonnablement prêter aux Russes
d'éloigner la guerre des frontières austro-
hongroises. C'est le même désir qui a
fait renoncer les Turcs à occuper les ports
serbes.
On plaisante la Roumanie sur la labo-
rieuse comédie do neutralité qu'elle joue
en ce moment. La position de ce petit pays
parfaitement sympathique à la France, et
qui résiste énergiquement à la germanisa-
tion, est assez difficile pour qu'on lui épar-
gne ces critiques injustes. La Turquie, en
la voulant garder vassale et tributaire;
l'Austro-Hongrie, en lui imposant une
convention commerciale ruineuse, et en
tenant sous le joug translcithan trois mil-
lions de Roumains, lui sont également fu-
nestes. Le traité de Paris, en augmentant
son territoire, lui a cependant refusé de
porter sa frontière à la seule branche navi-
gable du delta du Danube, celle de Soulinà.
Dans ces conditions, la Roumanie étouffe,
de tous les côtés et cherche à compléter son
développement national. Pourquoi lui faire
un crime de se réserver en vue des éven-
tualités?
En Asie, tout en faisant la part des exa-
gérations d'une dépêche du Daily Te!e-
yraph, qui représente le combat en avant
de Ba ton m comme une grande défaite des
Russes, il paraît certain que les troupes
du ezar ont éprouvé sur les bords du Tcho-
rok-Sou une résistance qui les a arrêlps
net dans leur marche soit sur Trébizonde,
soit sur Erzeroum, car il est difficile de sa-
voir laquelle de ces deux directions elles se
proposaient de prendre. Le silence des
dépêches russes est d'aiiieurs passablement
>
Les autres colonnes russes parties de Ti-
flis et d'Eriwan paraissent s'avancer d'une
façon continue vers Kars. Tourneront-elles
la forteresse de Kars pour aller envahir Er-
zeroum? Ce qui semblerait l'indiquer, c'est
qu'un autre corps russe paraît marcher sur
Erzeroum par Ardahan, ville turque qui est
à peu près à moitié chemin de Tiflis à Er-
zeroum. La tentative de tourner Kars peut
être dangereuse, et Erzeroum est bien au-
trement armée qu'en 1854. Un voyageur
français, M. Deyroiles, qui a visité l'Armé-
nie et le Lazzistan avec une mission de no-
tre ministère de l'instruction publique, ra-
conte avec quels prodigieux efforts les
Tares ont transporté des canons du plus
fort calibre, de Trébizonde à Erzeroum, en
franchissant des cols de 2,225 mètres. C'est
le même voyageur qui signale les effroya-
bles boues de la plaine d'Erzeroum. Du
reste, chaque pas entre la frontière russe
et les villes turques est semé d'obstacles :
torrents, montagnes, vallées profondes,
abîmes. C'est dans cet enchevêtrement de
pics que l'Euphrate prend sa source. Et,
à ce propos, il est permis de poser une
hypothèse. Qui dit que les armées russes
n'ont pas pour but de descendre la vallée
de l'Euphrate et de menacer Mossul, Bag-
dad et Bassora? Dans ce cas, il serait diffi-
cile à l'Angleterre de garder cette neutra-
lité dont le Times annonce la déclara-
tion pour cette semaine, ce qui concorde
mal avec les obscures négociations que
l'Angleterre conduit en ce moment à propos
du canal de Suez.
C'est Muktar-Pacha qui commande en
Asie. La dépêche russe annonçant la prise
du camp de Moukchcr ne voulait-elle pas
simplement dire que les Russes avaient pris
le camp de ce général et n'a-t-on pas une
fois de plus confondu un nom d'homme
avec un nom de lieu?
LOUIS ASSELINR.
—— C
NOUVELLES DE LA DERNIÈRE HEURE
( Dépêches de l'agence Havas )
Erzeroum, 30 avril.
Les Russes concentrent leurs forces et se.
préparent à attaquer les Turcs.devant Kars.
Les Russes avancent leur train de siège.
Une bataille est imminente.
Londres, 30 avril, soir.
Un supplément de la Gazette officielle du
30 avril publie la proclamation suivante de S.
M. la reine Victoria.
« Windsor, 30 avril.
tt Etant en paix avec tous les souverains,
>> toutes les puissances, tous les Etats ; ,
» Considérant la guerre qui existe entre le
» czar et le sultan, malgré nos efforts extrêmes
» pour l'écarter;
» Considérant notre amitié avec ces deux
Il souverains;
M Nous sommes déterminée à maintenir une.
n neutralité stricte et impartiale.
» Nous ordonnons à nos sujets d'observer
cette stricte neutralité. a ; •
Tiflis, 30 avril.
L'administration russe a été introduite dans
le district de Schuraguel, près de Kars. La ca-
valerie irrégulière turque a abandonné Akbal-
tsik le 20 avril. "'-, .',
Les Russes occupent Dgwin, ville de la Géor-
gie turque. Les habitants de cette contrée re-
çoivent l'armée russe en amis et rendent leurs
armes et leurs munitions.
, Galatz, 29 avril.
Tous les navires neutres ont quitté Galatz
et Draïla.
Londres, 30 avril, 5 h. 50.
Chambre des Commtmes.-M. Bourke, répon-
dant à M. Campbell, dit que la Porte a de-
mandé des secours au khédive, qui a promis
de venir en aide au sultan et de placer le con-
tingent des troupes épyptiennes sous le com-
mandement du prince Hassan.
Le khédive a déclaré en même temps qu'il
ne serait rien distrait des recettes actuelle-
ment engagées pour le payement des créan-
ciers du gouvernement égyptien.
Le khédive veut remplir tous ses engage-
ments, ajoute M. Bourke; en conséquence, les
secours qu'il enverra à la Porte dépendront
des contributions qu'il recevra pour cet objet.
M. Dilke demande s'il n'y a pas déjà un grand
nombre de troupes égyptiennes sur les bords
du Danube.
M. Bourke pense que oui.
Lord Northcote, répondant aie marqub
Hartington, dit que te gouvernement publiera
une proclamation de neutralis me t.An
et que la reine signera cette proclamation a
jourd'hui. r \1
L'agence Maclean nous communiquie
dépêches suivantes : \)
Londres, 30 anilr-
Le ministre de la guerre anglais a termir*^
les dispositions nécessaires à l'envoi, au îMt"
mier jour, en Egypte, de 50,000 hommes. \Vj
25,000 hommes seraient envoyés d'Angle.
terre, et les autres 25,009 seraient pris dauS^
l'armée de l'rnde.
Londres, 30 avril, matin.
Bucharest, dimanche 20 avril. — Les auto-
rités russes ont informé aujourd'hui les com-
mandants des vaisseaux étrangers, à Galatz et
dans d'autres ports à l'embouchure du Danu-
be, qu'aprcs le 7 mai la navigation du bas
Danube sera interrompue. Cette mesure indi-
que certainement une entente avec l'Autriche,
car il est très peu probable qu'elle ail été prise
contrairementauvvues du cabinet de Vienne.
- Times.
Londres, 30 avril, 7 h. soir.
Chambre des communes. — M. Gladstone an-
nonce qu'il présente un amendement décla-
rant que la Turquie a perdu tous ses droits à
l'appui de l'Angleterre, et proposant qu'une
adresse soit présentée à la reine en vue de
favoriser le concert européen pour obtenir les
libertés locales des provinces turques.
L'orateur déclare en outre qu'il présente sa
motion sous sa responsabilité individuelle, et
non comme organe du parti libéral.
-- ■ ■
~EL. :
DIALOGUES DE LA RUE
LE CLÉRICALISME ;
(JN CLÉRICAL. — UN SOLDAT
( Voir le R ippel d'hier. )
LE CtÉiUCAL. — Malheureusement,
aujourd'hui la situation est devenue in-
tenable. Nous sommes à court de catas-
trophes. Pas la moindre inondation,
pas la plus petite trombe. C'est à croire
que les cours d'eau se sont mis en
grève. Le choléra lui-même, qui est à
Bagdad, refuse de travailler en France.
La récolte s'auuoncc bien, l'industrie
prospère, le commerce ne se plaint pas
et l'Exposition universelle se prépare.
Vous comprenez que, dans ces condir
tions-là, il est bien difficile de persua-
der aux populations que Dieu les punit.
LE SOLDAT. - Votre parti ne peut
pas, cependant, se mettre à confection-
ner des trombes. Cela ne se fabrique
pas dans les couvents. -
LE CLÉRICAL. — Aussi avons-nous
pensé à quelque chose de mieux et de
plus facile à obtenir. Nous avons pensé
à la guerre. La guerre, si elle était
malheureuse, nous permettrait de dire
quo Dieu punit la France républicaino.
la conquête, ce serait notre règne qui
arriverait.
LE SOLDAT. — Et alors, parce que
vous avez intérêt à ce que la République
no s'établisse pas en France; parce que
vous avez fait des prédictions absurdes ;
parceque vous n'avez pas de patrie, il
faudra que moi et mes frères nous al-
lions mourir sur les champs de ba-
tailles; il faudra que la France soit
exposée à de nouveaux désastres? Et si
Feuilleton du RAPPEL
DU 12 MAI
51 -
LE COURRIER
DE CABINET
XXXV
Aveux
Alba se tenait devant Fergus, la tête
inclinée, timide, et tremblante presque.
Etait-ce bien la même femme qui avait
bravé Giulio Villaflor? la même qui, si
- longtemps, n'avait eu que des sourires de
dédain devant les menaces de ses ennemis
et les prières de ses esclaves? la même qui
avait été sans crainte dans l'épreuve, sans
pitié dans le triomphe? Maintenant, hum-
ble et le cœur brisé, elle priait presque à
son tour, elle demandait grâce.
-Je ne sais rien de votre vie, lui répondit
Fërgus; ai-je bésoin d'en rien savoir? Qu'elle
ne fasse plus qu'un avec la mienne, et vous
m'aurez donné un présent divin dans ce
monde!- Après cela, viennent les calom-
nies, puisque voussemblez craindre qu'elles
ne vous poursuivent 1 je ne crois pas avoir
jamais autant d'ennemis à combattre à la
fois pour vous que j'en ai vu devant moi la
1 nuit dernière ; et pourtant, comme il s'agis-
sait de vous, j'ai été le plus fort ! Vous ne
comprenez donc pas que ce que je vous
demande, c'est un titre, un nom, un droit,
pour vous défendre.
Voir le Rappel du U mars au fer Mai.
— Je vous entendst dit-elle avec un
sourire douloureux, la femme de Fergus
Erceldonnc sera comme celle de César et
no pourra être soupçonnée. Vous êtes un
cœur de lion, et vous avez la confiance d'un
héros ou d'un enfant. Ecoutez-moi donc.
Oui, je vous aime, et c'est pour cela que je
vous dis : Alba Vassalis ne mérite peut-
êlra pas la foi généreuse que vous avez en
elle. Je crois vous prouver ainsi ma loyau-
té. Mais je désespère de vous persuader
d'écouter votre raison. Elle devrait vous
conseiller de me fuir, puisque je vous jure
librement, sincèrement que ce serait le
mieux. Nous devrions nous séparer à
jamais. Oh! pas en ce moment, puisque
vous me protégez contre un péril de mort.
Mais, ce péril passé, je vous conjurerai
d'oublier que vous m'étiez devenu cher.
Quel quo soit le moyen qui serve à vous
guérir, je le trouverai bon et juste. Si de
l'amour vous passez envers moi à la haine,
je ne me plaindrai pas. Dussiez-vous mô-
me en venir au mépris, j'inclinerai la
tête. Tout ce que je veux, tout ce que, je
désire, de toute la force, de toute l'ardeur
de mon âme, c'est votre guérison, précisé-
ment parce que je vous aime. Je ne suis
point la seule femme qui soit belle et faite
pour vous plaire. Vous en chercherez une
qui puisse OUVril\SOn cœur et sa vie com-
me un livre devant vous. Celle-là sera la
bonne gardienne de votre honneur. Celle-
là ne peut pas' être moi.
Il l'écoutait en silence, mais non pas de
la même façon ni dans le même trouble
qu'autrefois, dans l'île de Capri, lorsqu'elle
lui avait ordonné de s'éloigner d'elle ;
il savait maintenant qu'elle l'aimait, et il
refusait désormais d'accepter la sentence
de divorce qui tombait de ses lèvres. Il
leva les épaules, quand elle ajouta :
- Qui sait si la plus grande cruauté que
je pourrais commettre envers vous ne se-
rait pas d'unir votre vie à la mienne, com-
me vous me le demandez?
— Je suis le seul juge en ceci, dit-il. Si
je préfère le plus mauvais sort avec vous
au paradis avec une autre, je suis le maî-
tre apparemment de me rendre heureux
ou malheureux à mon choix.
— Et moi, dit-elle, j'ai le devoir de vous
défendre contre votre propre folie. Vou-
lez-vous que d'un mot je vous fasse voir
comme elle est grande? Sachez donc ce
que j'ai pensé souvent: — que si les bour-
reaux auxquels vous m'avez arrachée m'a-
vaient infligé leurs plus cruelles tortures,
ils m'auraient à peine rendu le mal que
j'ai fait aux autres. Tous ceux qui sont
morts par moi n'auraient été qu'à demi
vengés.
- Soit encore, répondit Fergus d'une
voix étouffée ; mais alors faites-moi vrai-
ment juge. Dites-moi votre vie.
— Ma vie ! murmura-t-clle. Avant tout,
c'est un long regret, parfois un dur re-
mords !
— Il y a des regrets sublimes, dit-il, et
des remords qui grandissent l
Alba eut un triste sourire.
— Sir Fergus, demanda-t-elle, ne m'a-
vez-vous pas dit plusieurs fois qu'un nom
sans tache était votre seul héritage?.
Erceldonne poussa un rugissement
étouffé. 11 avait refusé jusqu'alors de croire
au témoignage d'Alba contre elle-même. Il
n'avait jamais cessé de voir qu'une cruelle
habitude d'angoisse se cachait sous l'éclat
de son esprit et de sa beauté; la source en
demeurait pour lui si obscure qu'il ne s'était
jamais sérieusement demandé si son devoir
et son honneur lui conseillaient de la dé-
couvrir. Mais il se méprit à ces dernières
paroles. Elles n'avaient qu'un sens à ses
yeux. Il saisit la jeune femme par - le bras :
— Répondez! répondez! dit-il. Cette
fois, je l'exige, je le veux. Y a-t-il donc
dans votre passé quelque chose qui soii
une souillure pour la pureté d'une femme?
Alba se tut.
Tout bas, elle se jurait même deso taire
jusqu'au bout. Ce serait le meilleur moyen
de l'amener à rompre violemment, elle
n'en avait pas d'autre. Ce serait un der-
nier et abominable sacrifice. Et, pendant
un moment, elle se sentit capable de cette
abnégation héroïque qui le guérirait,
qui le sauverait, qui provoquerait son
mépris et son aversion. Mais elle le re-
garda.
Eh bien! non! elle avait trop présumé
de ses forces. Ce mépris serait trop cruel,
cette avèrsion serait un châtiment trop
rude.
- S'il y a dans mon passé quelque chose
qui soit une souillure, répéta-t-elle lente-
ment, non, comme vous l'entendez, il n'y
a rien dont j'aie à rougir. Mais la pureté
d'une femme n'est point faite uniquement
de chasteté.
- Epargnez-vous désormais de vous ac-
cuser vous-même! s'écria-t-il. Quelque
lutte que vous me donniez à soutenir con-
tre le monde ou contre la destinée, que
m'importe! Nul ne peut dire que vous
avez été à un autre. Rien n'empêchera
que vous soyez à moi!
Il la serra plus fortement contre son
cœur, noyant son front encore brûlant de
fièvre dans le flot d'or de pa chevelure,
couvrant ses lèvres de nouveaux baisers.
— Je le savais bien I mnrmnrnît-it T.o
déshonneur sur vous! est-ce que cela était
possible? Vous qui auriez mieux aimé la
mort que de vous laisser effleurer par ce
misérable!
Alba, enfin, échappa à son étreinte.
— Ecoutez encore, dit-elle, et ne cher-
chez pas à vous tromper vous-mêiîïe.
Suivant la lettre des lois du monde, il n'y
a rien entre nous, c'est vrai, qui doive
nons séparer. Mais vous ne connaissez
point ma conscience. Vous ne savez pas que
tous ces braves gens tombés naguère à An-
tina étaient là par ma faute. Cette horrible
unit, c'est mon ouvrage. Vous ne savez pas
L nonfe de ceux qui, à cause de moi,
ont servi par leur mort la cause que je
défends. Vous seriez effrayé de tant de deuils
et de ruines! Et si vous me demandiez:
N'êtes-vous pas satisfaite? bornerez-vous là
la tâche libératrice et sanglante? si alors je
vous répondais : Je ne sais, je n'en suis
point la maîtresse ; si la liberté demande
d'autres martyrs, ce n'est pas moi qui les
dissuaderai de marcher aux bourreaux; si
celui qui a mon serment, si celui-là com-
mande, j'obéirai encore, j'obéirai toujoursl
Si je vous répondais cela, que feriez-vous ?
Sans doute, vous vous éloigneriez d'une
femme que vous aimez, qui vous aime,
mais qui vous semblerait si peu faite pour
l'amour?
— Non ! répondit-il. Je vous le disais
bien tout à l'heure qu'il y avait des re-
mords qui grandissent! T)ut ce que vous
venez de m'apprendre vous rend plus belle
à mes yeux, s'il est possible que vous soyez
plus belle. Si ces remords vous pèsent,
c'est à moi de les adoucir. - Au reste, je
ne vous demande point vos secrets, je vous
demande votre amour. Vous me l'avez
donné. Vous n'être plus libre de me le re-
prendre. Votre destinée est à moi comme
la mienne est à vous. Agissez. comme il
vous plaira et comme votre devoir vous y
oblige. J'ai foi dans votre loyauté.
— Vous êtes le plus fort! - dit Alba vain-
cue en se jetant dans ses bras. Que votre
volonté soit faite.
« Mon âme pour l'éternité 1 Que je souf-
fre tous les châtiments, tous les tourments,
pourvu que cette femme soit à moi ! n
Ainsi parlait le docteur Faust. Fergus
Erceldonne pensait comme lui.
- Mon amour! dit-il en se levant brus-
quement, nous allions, je crois, oublier le
dangerl
- Cela aurait mieux valu, dit Alba avec
sa mélancolie insouciante. Pourquoi nous
réveiller tous les deux de notre rêve ? La.
meilleure sagesse, c'est quelquefois de dé-,
fier la destinée.
— Il n'y a point de destinée! dit Fergus,
Il y a les forts qui créent leur vie et les
faibles qui la gâtent.
— Ne parlez pas ainsi, fil-elle. Votre
destinée, c'est moi !. Vous avez voulu l'a.
mour fatal. Vous l'avez.
Fergus plissa le front.
— Que craignez-vous pour moi? deman-
da-t-il.
— Je me crains moi-même.
— Et moi, dit-il avec une gaîté forcée,
je crains davantage la revanche de Monsi-
gnor Giulio. Nous avons perdu trop de
temps. Ce pays tout entier est un filet
tendu autour de nous.
— Eh bien! répondit Alba d'un air dis-
trait, quittons-le.
— Oui, mais il faut d'abord que nous
prenions un peu de nourriture. Cer-
tes, l'hospitalité d'un paysan ou d'un
charbonnier de la forêt est dangereuse;
mais la faim l'est bien plus. Demeurez ici,
tandis que je vais explorer les alentours.
- Vous n'y songez pas! fit Alba, m<
quiète.. Votre blessure, votre faiblesse.
— Et vous, dit-il en riant franchement
pour cette fois, vous ne me connaisses
pas. Vous m'avez donné la force des liou&
dont vous dites que j'ai le cœur.
Il la quitta, gravit un monticule, sonda
du regard l'épaisseur de la forêt et revinl
presque aussitôt.
— Ou je me trompe, dit-il, ou j'ai dépisté
une créature humaine à moins de cent pat
d'ici. Je vais recharger ce pistolet. Si vous
avez besoin de moi, tirez ; à l'instant, ie
serai près de vous.
Il s'éloigna de nouveau; et, quelques txfc
nutes après, la fumée d'une hutte lui aife
parut à travers le feuillage. Il s'avança
sans trop de crainte, connaissant le peuple.
de l'Italie méridionale, qui, sauf dansleiM
les Calabres, est doux, facile et bon.
OUIDA.
(A lutVl'tJ
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