Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1877-04-27
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 avril 1877 27 avril 1877
Description : 1877/04/27 (N2604). 1877/04/27 (N2604).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7528921x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
- fJe 2004 :.a:; Vendredi 27 Arril-1877
i te ùuinéro t IO c* - Départementa 1 la eJ - -
««Floréal an 85
«* W 2604 - -
, t RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Itédaètioa
De i ù 6 heures du soir
;.1 - 18, BUE D B VALOIS, 18
Lçs manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES •
- MN. Ch. LAGRANC.ls, CERF et C.
fi, piiicc de »u lîourso, 6 ;
:. ,'- ,- -, -
ADMINISTRATION ,
',.. M, son 06 rallois, le
.; - : t
ABORKKMENV0
PARIS J DÉPARTEMENT! •'
Trois mois. 10 » Trois ûMis. 13 tl
Six mois 20 » Six nioia. 81 M.
Six mois 27 »
Adresser lettres et mandata
A M. EIINEST LEFÈVBB
ADMlNISTRATEUR-GERANT
IE MOIS -1 M. CE IIOL TKE
Nous avons public hier l'analyse et
nom; publions aujourd'hui le texte du
discours prononcé au Reichstag par M.
de Moltke. Notre avis est qu'il n'y a
vas lieu de s'en effrayer, mais qu'il y a
lieu de s'en préoccuper.
Il faudrait être aveugle pour ne pas
voir ce qu'il y a de grave dans de telles
paroles prononcées dans un tel mo-
ment. Le grand chancelier de l'empire
allemand a dénoncé l'état militaire de
la rrance comme un danger pour l'Alle-
magne. Il a insinué que la France n'était
si armée que « dans un but prévu avec
certitude et qui n'est peut-être pas très
éloigné ». Il a affirmé « que, depuis la
conclusion de la paix, une partie ex-
traordinairement grande de l'armée
française était cantonnée entre Paris et
la frontière allemande » ; il a montré
notre cavalerie et notre infanterie sur-
tout « établies tout près de la fron-
tière » ; et il en a conclu que, ce qu'a-
vait fait la France, l'Allemagne devait
le faire. Ce n'est évidemment pas sans
intention que le maréchal de Moltke a
présenté la Fiance comme menaçant
^Allemagne.
.^ous n'aurons pas la puérilité de dis-
«Asr les affirmations du grand-chance-
He? de l'empire allemand. M. de Mollke
sait aussi bien que nous ce qu'il y a
x'exagéré dans ses paroles. Mais c'est
précisément parce qu'il le sait, que ses
paroles sont graves. C'est parce qu'il le
sait, qu'elles constituent ce qu'on ap-
pelle une querelle d'Allemand.
Ceux qui désirent ne s'inquiéter de
,;.;n relèvent le passage du discours de
M. de Moltke qui signale le besoin que
l'Allemagne a de la paix pour achever
ite s'unifier : « Nous avons des conci-
o toyens de- l'empire qui ne sont pas
1) d'origine allemande et dont les inté-
» rets ne sont pas les mêmes que les.
» nôtres. Dans cette situation, comment
» serions-nous assez fous pour nous af-
» faiblir par des agrandissements de
a territoire, au lieu de nous fortifier?
» Il me semble que les tendances paci-
0 fiques de l'Allemagne sont tellement
a évidentes et sont tellement comman-
» dées par la nécessité que le monde
a entier devrait en être convaincu. » Il
est, certes, impossible de parler un
langage plus pacifique, mais nous ne
pouvons pas oublier que, hier encore,
c'est en protestant de son amour pour
la paix que le czar a déclaré la guerre.
Les optimistes sont persuadés que le
maréchal n'a pas eu d'autre but que
d'obtenir du Reichstagle vote du crédit
pour la création de cent-cinq nouveaux
capitaines d'infanterie. Ils rappellent
quo cc que M. de Moltkc a dit avant-
hier au Rcichstag est ce qu'il lui a dit
déjà, notamment en 1874, toutes les
:. fois qu'il a eu besoin d'un vote de cré-
f dit militaire. Il a dit avant-hier qu'il y
a en ce moment « une défiance réci-
proque, et dans cette défiance un grand
-et permanent danger » : il avait dit
en 1874 que l'Allemagne « rencon-
trait de tous côtés la dénance H. Il
a dit avant-hier que « la France, avec
une population moindre de quelques
millions, entretient quatrevingt-sept
mille hommes de plus que l'Allema-
gne » ; il avait dit en 1874 « que la
France, après avoir perdu un million
et demi d'habitants, avait créé un nom-
bre considérable de nouvelles troupes».
Il a dit avant-hier qh' « en France tous
les partis sont d'accord sur ce point
qu'il faut accorder tout ce qui est de-
mandé pour l'armée » ; il avait dit en
1874 que « l'Assemblée nationale, sans
distinction de partis, s'était empressée
de consentir à tous les sacrifices de-
mandés pour la réorganisation et l'aug-
mentation des forces de la France ».
Le discours de 1877 n'est donc que la
répétition du discours de 1874. Or, le
discours de 1874 n'a été la préface
d'aucune guerre. Pourquoi donc le dis-
cours de 1877, qui est le même, serait-
il différent?
On pourrait répondre que le même
discours serait différent parce que les
circonstances sont différentes. L'Alle-
magne a pu, il y a trois ans, avoir la
velléité de la guerre sans en avoir l'oc-
casion. Il y a trois ans, l'Allemagne
n'avait pas la guerre tur-co-russe. Mais,
même dans les circonstances actuelles,
nous répétons qu'il faut se préoccuper,
mais qu'il ne faut pas s'effrayer.
Pour que la Prusse ait pu nous faire
la guerre de 1870, il lui a fallu la sou-
veraineté et l'imbécillité du dernier
Bonaparte. On ne fait pas la guerre
sans un prétexte. L'empire en a
donné un; la République n'en donnera
pas. Nous persistons donc à garder,
non pas la certitude, mais la conviction
que la France aura la paix.
Mais nous ne disons pas cela pour
qu'on s'endorme. Nous sommes, au
contraire, pour qu'on veille et pour
qu'on se prépare. Espérons qu'on nous
laissera tranquilles, mais arrangeons-
nous de façon à ce que, si l'on nous
cherchait une mauvaise chicane, ce fut
tant pis pour les agresseurs. La France
doit avoir cette attitude : résolue à ne
pas attaquer, prête à se défendre.
AUGUSTE VACQUERIB.
$; III—
LA GUERRE
Mardi matin l'ambassade turque à Saint-
Pétersbourg a reçu le document suivant qui
est la déclaration officielle de la guerre:
Note du chancelier de l'empire de Russie à Tev-
fik-Beif, chargé d'affaires de Turquie à Suint-
fetersbourg.
23 avril 1877.
Les graves discussions que le cabinet impé-
rial a eu à poursuivre avec la Porte ottomane
en vu»1, d'une pacification durable de l'Orient
n'ayant pas abouti à l'entente désirée, Sa Ma-
jesté l'empereur, mon auguste mai Ire, se voit
obligé de recourir à la force des armes. Veuil-
lez informer votre gouvernement que dès au-
jourd'hui la Russie se considère comme en
état de guerre avec la Turquie.
La première conséquence est la cessation
des relations diplomatiques entre les deux
pays. Je vous prie de vouloir bien nous indi-
quer le nombre et la qualité des personnes
dont se compose l'ambassade ottomane à
V
Saint-Pétersbourg, afin que nous puissions
vous envoyer les passeports nécessaires.
Ouant aux sujets ottomans résidant en Rus7
sic, ceux qui voudraient quitter le pays sont
libres de le faire ; ceux qui préféreraient res-
ter sont pleinement assurés de jouir de la
protection de nos lois.
Recevez, etc.
Signé : gortscuaeoff.
L'ambassade ottomané a répondu par une
note de la Porte exprimant « le regret que
la Russie prît l'initiative de la rupture des
relations que la Turquie s'efforçait de con-
server ». - '-
: En même temps que la Porte envoyait
cette note, elle prescrivait à l'ambassade
et aux consuls de quitter la Russie.
Le personnel de l'ambassade doit partir
aujourd'hui jeudi. Il emportera ses archives.
Au moment où elle a envoyé sa note,
la Porte n'avait pas encore décidé sous
quelle protection elle placerait ceux' de ses
sujets qui resteraient en Russie.
- Une dépêche de Gonstantinople annonce
que la réponse du gouvernement turc au
manifeste impérial russe est partie mardi
soir. Dans cette réponse, adressée à tous
les ambassadeurs de la Turquie auprès des
grandes puissances, tous les torts, natu-
rellement, sont rejetés sur la Russie. La
Porte déclare qu'elle a fait tous les efforts
possibles pour améliorer le sort des chré-
tiens et pour donner satisfaction aux de-
mandes des puissances. Elle finit par in-
voquer le traité de Paris et par « faire ap-
pel à la médiation des puissances ga-
rantes»
La Turquie semble s'apercevoir de l'im-
prudence qu'elle a commise en rejetant de
si haut le protocole. Il est malheureuse-
ment trop tard maintenant, et son appel à
l'Europe a peu de chances d'être entendu.
Le bruit courait hier à Constantinople
qu'une escarmouche avait eu lieu sur la
frontière d'Asie, vers Kars. Mais il ne
semble pas qu'aucun coup de fusil ait été
encore tiré. On télégraphie de Bucharest
que les Russes continuent à entrer en
grand nombre par Iassy, Bolgrad et Leo-
ra, et que le quartier-général russe va être
transféré à Iassy. 7
L'opinion s'était inquiétée de la note du
journal ofuciel de l'empire allemand an-
nonçant que les sujets russes résidant en
Turquie étaient placés sous la protection
de l'ambassade allemande. L'opinion" se
serait inquiétée à tortt à en croire la dé-
pêche suivante :
Berlin, 23 avril. 7
La Gazette de l'Allemagne du Nord, parlant
de la note publiée hier dans le journal officiel
de l'empire, dit que, dans les cercles compé-
tents, oil ne peut voir, dans la mission dont
l'Allemagne s'est chargée de protéger les sujets
russes dans l'empire ottoman, que la confir-
mation d'une entente ultérieure entre les
deux puissances. Cette entente est une garan-
tie de la localisation de la guerre. Le peuple
russe, ajoute la feuille officieuse de Berlin,
n'oubliera jamais le service que l'Allemagne,
en qualité de voisine bienveillante, vient de
lui rendre.
La solidité de l'alliance des trois empereurs,
qui tend à maintenir la paix sm' le continent,
n'est point ébranlée, et se manifestera surtout
aujourd'hui, par là localisation et la limitation
de la lutte qui sans cela aurait pu prendre le
caractère d'une guerre universelle. -.
Constantinople, 23 avril, midi 40.
On assure que les troupes ottomanes ont
reçu l'ordre d'occuper quelques points de la
Roumanie, près des frontières.
COULISSES DE VERSAILLES
Nous avons dit hier qu'il était à peu près
certain qu'une interpellation sur la ques-
tion cléricale aurait lieu à la rentrée de b
Chambre. Le gouvernement l'accepte en
principe et MM. Jules Simon et Martel
prendront la parole en cette circonstance.
On annonce que les ministres saisiront
cette occasion pour faire connaître à la
tribune les divers documents officiels, re-
latifs à l'agitation cléricale de ces derniers
temps, et qui n'ont pas encore reçu la pu-
lticitè du Journal cfficiel. De ce nombre
sont la lettre confidentielle de M. Jules Si-
mon à l'évêque de Nevers et la circulaire
aux préfets pour interdire le colportage de
la pétition des catholiques en faveur du
pape.
; C'est mardi prochain 1er mai que les
fGhambres reprennent leurs travaux. Voici
un aperçu des questions qu'elles auront à
examiner. ;
La Chambre des députés aura d'abord à
discuter le budget de 1878, la loi d'orga-
nisation municipale, la proposition Laisant
sur le volontariat et le service de trois ans,
le tarif général des douanes, lés lois sur
lés sous-officiers et sur l'administration de
l'armée, et la loi sur la presse.
En second ordre viendront ensuite :
La proposition Boysset sur la réforme de
la loi du, jury ;
Les projets du gouvernement et les pro-
positions Marion, Lacretelle, Paul Bert sur
l'instruction primaire ;
Les diverses propositions sur le droit
d'association, le droit de réunion; -
La proposition Lockroy sur la reconnais-
sance des chambres syndicales ouvrières ;
La proposition Lisbonne, tendant à res-
tituer aux conseils généraux le droit do
vérifier les pouvoirs de leurs membres ;
Le projet de loi sur la révision du ca-
dptstre*
La proposition Sansas sur l'abrogation
du décret de 1851, relatif à la police des
cafés et cabarets;
La proposition Millaud sur l'abrogation
de la loi de 1849, relative au colpor-
tage;
La proposition Barni sur la liberté des
cours et conférences ;
Le projet de loi portant règlement des
comptes de 1870-71.
Nous faisons abstraction de tous les inci-
dents qui peuvent se produire, tels que les
interpellations projetées sur la question
cléricale, sur l'attitude de la France dans
le conflit oriental, etc.
-0-
Au Sénat, la session sera moins chargée.
Au début, cette assemblée n'aura à exami-
ner que la loi sur la réorganisation du
corps d'état-major et les propositions rela-
tives à la suppression des sous-préfectures
de Sceaux et Saint-Denis et à l'autorisa-
tion, de tenir des réunions publiques pen-
dant la période électorale pour la nomina-
tions des conseillers généraux.
Le Sénat sera probablement tenu de s'a-
journer pendant quelques semaines pour
permettre à la Chambre de lui renvoyer le
budget de 1878. -
i —: e
THÉOLOGIE OU RÉDUCTION
La commission du budget avait deux
procédés vis-à-vis du budget des cultes :
faire de la théologie ou faire des amputa-
tions. Elle s'est décidée pour la théologie.
Je crois que l'immense majorité de l'opi-
nion républicaine se serait décidée pour
les amputations, j'ose même dire pour
l'amputation totale.
L'opinion républicaine, en effet, — elle
l'a suffisamment manifesté aux dernières
élections,—n'a aucune répugnance pour la
suppression du budget des cultes, et s'il
lui en était resté quelque peu, ce reste
aurait facilement disparu grâce aux ré-
cents exploits de l'aigle d'Angers et du lion
du Nevcrs. Mais en îd nottant même que,
par suite des sublimités de la politique,
c.tte amputation totale ne puisse être opé-
rée, on aurait vu avec satisfaction des am-
putations partielles. Une réduction dans
le traitement des évêques, dans ce traite-
ment dont M. Thomas-Casimir achète la
plume de Tolède et la bonne encre qu'il
emploie à écrire les lettres que vous savez,
aurait été accueillie avec acclamation.
C'eût été l'aurore d'une attitude qu'on au-
rait pu espérer voir s'accentuer de plus en
p'us..
Certes, l'appel comme d'abus est une
pénalité terrible. Un grand corps de l'Etat
se réunit solennellement, passe au crible
d'un examen intense l'écrit d'un évêque.
et, après l'avoir, comme dit Rabelais, « bc-
luté et tamisé », rend cette sentence îrerrt--
fique qu'il y a abus. Le prélat, en oyant
l'épouvantable arrêt, se sent glacé jusqu'à
la moelle la plus épiscopale de ses os. Mais
enfin cette peine, quelque accablante et
farouche qu'elle soit, n'a rien de temporel.
Un nombre considérable de damnés s'en
contenteraient au jugement dernier. J'o-
serai en dire autant de l'insertion d'une
lettre du garde des sceaux à VOfficiel, bien
qu'où ait reculé devant cette extrémité
atroce. Je qualifierai de même l'envoi ma-
jestueux et en personne d'un préfet à un
évêque pour lui confier que le gouverne-
ment n'était pas content. A coup sûr, sous
le rapport purement moral, ces châtiments
variés dépassent ce que peut rêver l'imagi-
nation la plus sanguinaire. Mais enfin ils
n'ont rien de temporel.
Je crains qu'on en dise autant des me-
sures auxquelles s'est arrêtée la commis-
sion du budget. Certes, l'épiscopat trem-
blera quand il verra imprimée toute vive,
non-seulement en français, mais encore —
comble de la cruauté! — en latin, dans les
annexes du rapport de M. Guichard, la dé-
claration de 1682, rédigée par le grand
Bossuet et établissant les libertés de l'E-
glise gallicane. Le coup sera rude. Mais à
nous autres, gens simples et terre-à-terre,
un vaste abattage dans les plantureuses
futaies du budget des cultes aurait bien
mieux fait notre affaire. J'imagine aussi
que nosseigneurs les évêques auraient été
infiniment plus sensibles à une réduction
de traitement qu'à la remise à neuf du mo-
nument sus-nommé du dix-septième siè-
cle. Cette réduction aurait été un com-
mencement de séparation de l'Eglise et
de l'Etat, tandis que la résurrection du
gallicanisme est un commencement de ma-
riage civil entre l'Etat et l'Eglise. Le be-
soin de ce renouvellement d'alliance ne se
faisait pas sentir, et ce sera certainement
une des surprises de l'avenir que d'appren-
dre que le grand mouvement scientifique.,
philosophique et révolutionnaire du dix-
neuvième siècle aboutit à l'étape installée
par Bossuet au siècle de Louis XIV !
On dira peut-être que c'est prendre les
questions par le petit bout. Je crois bien,
cependant, que, si la commission du bud-
get, au lieu de voter la réimpression des
œuvres de Bossuet, avait voté la réduc-
tion du traitement des évêques, lesdits
évêques auraient trouvé que c'était pren-
dre la question par un très grand bout,
par un bout tout à fait principal et capi-
tal. Et le public aurait été probablement
de l'avis des évêques.
LOUIS ASSELINE.
M. Decazes ne veut pas qu'on l'inter-
roge ; M. Decazcs ne veut pas que la Cham-
bre reste là pour le surveiller ; M. Decazes
ne peut pas se faire à cette idée qu'il lui
faudra s'expliquer devant le Parlement,
comme se sont expliqués ces jours-ci les
ministres anglais, italiens, etc. Quand on
parle d'interpellation, il s'écrie : « Quelle
maladresse! ) Quand on parle de garder
la fin du budget pour l'automne, il s'em-
porte.
Aussi que ne le laisse-t-on faire? — Ati-
rait-on oublié l'adresse et le zèle avec tes-
quels il a défendu nos intérêts en Egyple l
— Voyez-vous ce Parlement de la Hépu-
blique française qui prétend avoir sa part
dans la conduile des affaires, et qui ne
laisse pas un honnête ministre, un diplo-
mate de premier ordre, servi en dépêches
comme personne, disposer de la France,
comme le faisaient les ministres de l'em-
pire !
Nos représentants remettront sans doute
M. Decazes à sa place; ils trouveraient
môme que sa place est hors du ministère
que nous n'en prendrions pas le deuil. M.
Decazes est en mauvaise situation pour de-
mander une confiance sans limites aux
Chambres. T1 a déjà été renversé, une pre-
mière fois avec M. de Broglie, une seconde
fois avec M. de Chabaud-Latour, une troi-
sième fois arec M. Buffet, une (jnatrièmf
fois avec M. Dufaure ; c'est au nom de qua
tre votes de méfiance adressés aux nunls-
tères dont il a fait partie qu'il reste à ltête de nos relations extérieures. J1 est ar-
rivé au pouvoir porté par Je parti de l'ordre
moral, dont il est je dernier représ-cataiii
dans le cabinet; et précisément c'est le parti :
de l'ordre moral qui compromet aujour-,^
d'hui les intérêts pacifiques que le ministr&uaï
a mission de défendre.
Outre ces chutes collectives dont il s'est
relevé on ne sait ni pourquoi ni comment,
il a eu sur le dos la fameuse affaire de la dé-
pêche. On avouera que celle affaire n'est
pas un motif suffisant de le débarrasser du
contrôle de la Chambre.
Au milieu de la crise que nous traver-
sons, le devoir des représentants de la
France est tout tracé, ils doivent montrer
quelle différence il y a entre une Cham-
bre républicaine, soucieuse des seuls inté-
rêts du pays, et ce .tas de candidats offi-
ciels qu'on appelait en 1870 un Corps lé-
gislatif, et qui n'a pas su empêch;r la
guerre, cause de tous nos malheurs. Après
un pareil exemple, une Assemblée fran-
çaise ne peut ni abdiquer, ni laisser amoin-
drir son droit de haute main sur la con- -'
duite des affaires. Négliger la surveillance
qui lui incombe, serait de sa part une vé-
ritable désertion. Que si elle avait pu igno-
rer combien sa présence est indispensa-
ble, la faiblesse dont on a fait preuve, au
moment le plus critique, vis-à-vis des ul-
tramontains, suffirait à le lui apprendre.
Jusqu'ici, la Chambre a pu, sinon sans
inconvénient, au moins sans crime, se
montrer réservée, conciliante, timide
même, dans la revendication de ses pré-
rogatives. Peut-être, trop désireuse de
prouver sa modération, a-t-cllo été parfois
jusqu'à la faiblesse. Aujourd'hui, son de-
voir est tracé ; seule, par son origine, elle
représente l'opinion en France; c'est son
devoir de faire sentir son autorité et préva-
loir la volonté du pays.
CAMILLE PELLET AN.
AFFAIRES D'ORIENT
L'agence Havas nous communique les
dépêches suivantes ;
Gonstantinople, 2;J avril.
On a reçu ici l'avis que les troupes russes
étaient entrées hier sur Je territoire roumain
par trois points différents :
Par licstimak, dans le district de Cahul ;
Par Tabak, dans le district ùcHolgrad;
El par la voie dLJlIgheni.
On assure que les troupes russes dans la
Caucase bu sont également mises en marclle.
Bucharest, 24 avril, soir.
Les troupes russes occupent en force Rarbo-
che (le pont de Sereth) et le chemin de fer
près de (ialatz.
Trois inonitors, sous le commandement de
Holiart-Paclia croisent entre Galatr. et Bruïla.
Aujourd'hui, à une heure, ua régiment do
cosaques a occupé Gulaiz..
L'attitude du gouvernement est universelle-
ment appuyée.
On n'a ici aucune-crainte d'une marche des
Turcs sur Bncharcst.
Tassy, 24 avril.
Le général Walowsld, commandant le 12*
corps de l'armée russe, est arrivé ici aujour-
d'hui à fi heures.
Il est encore arrivé G,600 hommes.
Kicheneff, 24 avril.
Après la renie, l'évéque a lu le manifeste de
l'empereur en présence des troupes qu'il a bé-
nies.
L'empereur s'adressant aux officiers leur a
dit :
le vous engage à accomplir héroïquement
votre sainte mission. »
Lit cavalerie est partie immédiatement apràt
pour la frontière.
L'enthousiasme de toutes les troupes est in-
descriptible.
Le Journal français de Saint-Pélersbourg
adresse un chaleureux appel aux femmes rus-
ses, auxquelles il déclare que leur rôle va com-
mencer.
Feuilleton du RAPPEL
DU 27 AVRIL
46
LE COURRIER
DE CABINET
XXXIII
Combat dans la nuit
L'Ombrien ne tarda pas longtemps à re-
joindre Fergus dans sa cellule, portant
furtivement sous son froc les trésors em-
pruntés à l'office.
Erceldonne ne lui avait point fait de
vaines promesses ; sa gourde était pleine
d'un cognac ardent comme du feu, doux
comme du velours. Il prépara avec des li-
mons, du sucre et des épices, une boisson
enivrante dont le puissant arôme remplit
la petite chambre.
L'Ombrien assis sur le lit d'herbes sè-
ches, suivait ces préparatifs en les dévo-
rant des yeux.
—-Eh bien, dites, ceci ne vaut-il pas,
pMeux que votfç yin,, aigrç lui demanda
Voir le du H mars au 26 avriL
Fergus en remplissant la petite corne à
boire que le moine avait apportée.
L'Ombrien avala le breuvage ; il n'avait
plus besoin de rêver du paradis, il croyait
y être entré au moment où la délicieuse
boisson avait touché ses lèvres. Il tendit
subitement sa corne ; son hôte la remplit
encore, buvant fort peu lui-même.
Le moine devenait pourpre; sa langue
se délia ; il se balançait de l'air jovial et
satisfait de Sancho Pança, riant, bavar-
dant, oubliant tout, sauf le soin de faire
remplir sa corne.
Erceldonne naturellement amena l'en-
tretien sur la prisonnière.
L'Ombrien, d'abord, se récria sur sa
beauté ; il mit une si vive ardeur à la
dépeindre, que Fergus commença à ron-
ger ses ongles; cet enthousiasme de la
brute pour les yeux et la taille d'Alba lui
paraissait insupportable Mais il eût été
bien fou d'interrompre les divagations de
l'ivrogne, car la lumière en jaillissait à
tout moment. '-
Il est vrai que c'était une sinistre lumière.
— Je vous dirai tout, ajouta le moine
d'unevoix entrecoupée par les hoquets.
Monseigneur vient ici ce soir. U hous vi-
site souvent, vous, savez, ftôus. sommes
.tout.5pépalftmfijftt sto*pjk»tsw Et ; tela le.
1 met en bonne odeur de sainteté. Pensez
donc! un si grand homme, quitter le
monde pour une retraite si rigoureuse!
— Ce soir! s'écria Erceldonne en bon-
dissant sur ses pieds, car il s'était assis sur
l'herbe sèche à côté du buveur. -
- Oui, ce soir, dit le moine en riant, la
tête vacillant sur ses épaules, et les yeux
à demi clos, avec l'expression de malice
hébétée que donne l'ivresse; —oui, il vient
pour la dernière fois — vous comprenez
- pour la dernière fois !
L'imprécation qui fit retentir les pierres
de la cellule réveilla un moment la pensée
dans la cervelle épaissie de l'Ombrien.
— Qu'ai-je dit? murmura-t-il d'un ton
lamentable. Ah! Jésus!.. Monseigneur!
monseigneur!
En même temps il retombait sur le foin,
car il ne pouvait plus se tenir debout ; il
se mit à se dandiner et à sangloter comme
un enfant.
Erceldonne lui mit dans les mains la
cruche déjà presque vide :
- Bois! lui dit-il d'un ton farouche.
Le moine obéit, car cet ordre brutal
était conforme à son propre désir, il saisit
la cruche avidement, et but.
-' Fergus ne s'occupait plus même de lui;
il arpentait l'étroite cellule comme un lion
Îiarcourt sa cage, le visage sombre coçqh\&
a nuit.
La cruche enfin tomba, des mains
inertes du moine et se brisa sur les dalles.
L'Ombrien fit entendre une sorte de rire
stupide; ses yeux se fixèrent sur le disque
de la lune qu'il apercevait au-dessus de sa
tête; puis ses paupières s'appesantirent,
sa tête roula, dans le foin; il était ivre-
mort !
Fergus détacha le trousseau de grosses
clefs qui pendait à la ceinture du moine,
l'assujettit à la sienne de façon que
toute cette ferraille ne fit, point trop de
bruit, et examina l'état de ses pistolets.
C'étaient des revolvers à double canon,
d'où pouvait sortir une grêle meurtrière.
Alors, tirant son chien derrière lui, il
sortit, en poussant les verroux extérieurs.
L'Ombrien à son tour était prisonnier.
La route de Fergus s'ouvrait dans une
obscurité complète ; la lune ne pénétrait pas
dans le long corridor flanqué de cellules.
Mais il savait que plusieurs de ces logettes
étaient habitées; le bruit de ses pas pou-
vait faire sortir de leurs retraites les moi-
mes paresseux et réfractaires qui s'étaient
dispensés des offices. Aussi glissait-il avec
des précautions infinies sur les. dalles ; et
le chien le suivait, aussi muet que s'il eût
été dressé à chasser les contrebandiers
I\a côte. • - L. ;''-
» La première peràée- ^Erceldonne ut
de reconnaître le chemin à prendre pour
sortir du monastère; il l'avait bien obser-
vé le matin, il le retrouva sans peine.
Toute la maison était déserte; il joi-
gnit, sans avoir rencontré un seul obsta-
cle, le grand passage voûté. Là brûlait une
lampe dont la clarté vacillante lui fit voir
la lourde porte de chêne bardée de fer. Il
tira doucement les verroux, fit tourner la
clef dans la serrure. Maintenant il n'y au-
rait plus qu'à pousser pour que la porte
s'ouvrît.
Il y mit Sulla en sentinelle. Le chien se
coucha, immobile, gardien fidèle, celui-là!
Fergus retourna sur ses pas.
Point d'autres renseignements que les
indications incohérentes du moine. Tout
ce que savait Erceldonne, c'est que la nou-
velle cellule d'Alba était située dans la par-
tie occidentale du couvent.
Il se dirigea de ce côté et y parvint
sans peine.
Toujours et partout même silence. Cepen-
dant il approchait de la chapelle. Point de
clartés, point de lumières; elle était som-
bre et vide. Où donc étaient les moines,
ce soir là?
Tenant haut un de ses pistolets, il con-
tinua d'avancer dans les ténèbres, en tâ-
tonnant contre la jmuraille.humide. Le dé-
! touragement; un fnstanVle saYstilî son-
gea à retourner encore en arrière, pou.
aller chercher Sulla, dont l'instinct était
plus sûr que toutes les combinaisons de
l'intelligence humaine.
Mais, en ce moment, un rayon lumineui
lui apparut. à l'extrémité du corridor. Il
se glissa jusque là, redoublant de précau-
tions, rasant à peine les daltes du bout de
son pied, - retenant son souffle.
Alors une voix de femme au timbre
doux et impérieux arriva jusqu'à lui.
— Prenez garde, monseigneur ! si voua
aviez cette audace, c'en serait fait de votre
vie — ou de la mienne î
D'un bond, Fergus avait atteint déjà la
porte d'où partait le rayon de lumière.
11 essaya de la pousser. Mais les verroui
intérieurs en avaient été tirés.
Le géant rassembla toute sa force. L'é-
paule d'Hercule n'aurait pas donné un pas
reil coup contre les panneaux de chêne.
Ils plièrent et se rompirent soed ce pre-
mier et puissant effort.
S'arc-boutant alors contre la muraille;
Fergus, en quatre ou cinq coups de son
talon de fer, acheva do briser la porte,
qui, en moins d'une minute, vola en
éclats. ,
OUlBAj
i te ùuinéro t IO c* - Départementa 1 la eJ - -
««Floréal an 85
«* W 2604 - -
, t RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Itédaètioa
De i ù 6 heures du soir
;.1 - 18, BUE D B VALOIS, 18
Lçs manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES •
- MN. Ch. LAGRANC.ls, CERF et C.
fi, piiicc de »u lîourso, 6 ;
:. ,'- ,- -, -
ADMINISTRATION ,
',.. M, son 06 rallois, le
.; - : t
ABORKKMENV0
PARIS J DÉPARTEMENT! •'
Trois mois. 10 » Trois ûMis. 13 tl
Six mois 20 » Six nioia. 81 M.
Six mois 27 »
Adresser lettres et mandata
A M. EIINEST LEFÈVBB
ADMlNISTRATEUR-GERANT
IE MOIS -1 M. CE IIOL TKE
Nous avons public hier l'analyse et
nom; publions aujourd'hui le texte du
discours prononcé au Reichstag par M.
de Moltke. Notre avis est qu'il n'y a
vas lieu de s'en effrayer, mais qu'il y a
lieu de s'en préoccuper.
Il faudrait être aveugle pour ne pas
voir ce qu'il y a de grave dans de telles
paroles prononcées dans un tel mo-
ment. Le grand chancelier de l'empire
allemand a dénoncé l'état militaire de
la rrance comme un danger pour l'Alle-
magne. Il a insinué que la France n'était
si armée que « dans un but prévu avec
certitude et qui n'est peut-être pas très
éloigné ». Il a affirmé « que, depuis la
conclusion de la paix, une partie ex-
traordinairement grande de l'armée
française était cantonnée entre Paris et
la frontière allemande » ; il a montré
notre cavalerie et notre infanterie sur-
tout « établies tout près de la fron-
tière » ; et il en a conclu que, ce qu'a-
vait fait la France, l'Allemagne devait
le faire. Ce n'est évidemment pas sans
intention que le maréchal de Moltke a
présenté la Fiance comme menaçant
^Allemagne.
.^ous n'aurons pas la puérilité de dis-
«Asr les affirmations du grand-chance-
He? de l'empire allemand. M. de Mollke
sait aussi bien que nous ce qu'il y a
x'exagéré dans ses paroles. Mais c'est
précisément parce qu'il le sait, que ses
paroles sont graves. C'est parce qu'il le
sait, qu'elles constituent ce qu'on ap-
pelle une querelle d'Allemand.
Ceux qui désirent ne s'inquiéter de
,;.;n relèvent le passage du discours de
M. de Moltke qui signale le besoin que
l'Allemagne a de la paix pour achever
ite s'unifier : « Nous avons des conci-
o toyens de- l'empire qui ne sont pas
1) d'origine allemande et dont les inté-
» rets ne sont pas les mêmes que les.
» nôtres. Dans cette situation, comment
» serions-nous assez fous pour nous af-
» faiblir par des agrandissements de
a territoire, au lieu de nous fortifier?
» Il me semble que les tendances paci-
0 fiques de l'Allemagne sont tellement
a évidentes et sont tellement comman-
» dées par la nécessité que le monde
a entier devrait en être convaincu. » Il
est, certes, impossible de parler un
langage plus pacifique, mais nous ne
pouvons pas oublier que, hier encore,
c'est en protestant de son amour pour
la paix que le czar a déclaré la guerre.
Les optimistes sont persuadés que le
maréchal n'a pas eu d'autre but que
d'obtenir du Reichstagle vote du crédit
pour la création de cent-cinq nouveaux
capitaines d'infanterie. Ils rappellent
quo cc que M. de Moltkc a dit avant-
hier au Rcichstag est ce qu'il lui a dit
déjà, notamment en 1874, toutes les
:. fois qu'il a eu besoin d'un vote de cré-
f dit militaire. Il a dit avant-hier qu'il y
a en ce moment « une défiance réci-
proque, et dans cette défiance un grand
-et permanent danger » : il avait dit
en 1874 que l'Allemagne « rencon-
trait de tous côtés la dénance H. Il
a dit avant-hier que « la France, avec
une population moindre de quelques
millions, entretient quatrevingt-sept
mille hommes de plus que l'Allema-
gne » ; il avait dit en 1874 « que la
France, après avoir perdu un million
et demi d'habitants, avait créé un nom-
bre considérable de nouvelles troupes».
Il a dit avant-hier qh' « en France tous
les partis sont d'accord sur ce point
qu'il faut accorder tout ce qui est de-
mandé pour l'armée » ; il avait dit en
1874 que « l'Assemblée nationale, sans
distinction de partis, s'était empressée
de consentir à tous les sacrifices de-
mandés pour la réorganisation et l'aug-
mentation des forces de la France ».
Le discours de 1877 n'est donc que la
répétition du discours de 1874. Or, le
discours de 1874 n'a été la préface
d'aucune guerre. Pourquoi donc le dis-
cours de 1877, qui est le même, serait-
il différent?
On pourrait répondre que le même
discours serait différent parce que les
circonstances sont différentes. L'Alle-
magne a pu, il y a trois ans, avoir la
velléité de la guerre sans en avoir l'oc-
casion. Il y a trois ans, l'Allemagne
n'avait pas la guerre tur-co-russe. Mais,
même dans les circonstances actuelles,
nous répétons qu'il faut se préoccuper,
mais qu'il ne faut pas s'effrayer.
Pour que la Prusse ait pu nous faire
la guerre de 1870, il lui a fallu la sou-
veraineté et l'imbécillité du dernier
Bonaparte. On ne fait pas la guerre
sans un prétexte. L'empire en a
donné un; la République n'en donnera
pas. Nous persistons donc à garder,
non pas la certitude, mais la conviction
que la France aura la paix.
Mais nous ne disons pas cela pour
qu'on s'endorme. Nous sommes, au
contraire, pour qu'on veille et pour
qu'on se prépare. Espérons qu'on nous
laissera tranquilles, mais arrangeons-
nous de façon à ce que, si l'on nous
cherchait une mauvaise chicane, ce fut
tant pis pour les agresseurs. La France
doit avoir cette attitude : résolue à ne
pas attaquer, prête à se défendre.
AUGUSTE VACQUERIB.
$; III—
LA GUERRE
Mardi matin l'ambassade turque à Saint-
Pétersbourg a reçu le document suivant qui
est la déclaration officielle de la guerre:
Note du chancelier de l'empire de Russie à Tev-
fik-Beif, chargé d'affaires de Turquie à Suint-
fetersbourg.
23 avril 1877.
Les graves discussions que le cabinet impé-
rial a eu à poursuivre avec la Porte ottomane
en vu»1, d'une pacification durable de l'Orient
n'ayant pas abouti à l'entente désirée, Sa Ma-
jesté l'empereur, mon auguste mai Ire, se voit
obligé de recourir à la force des armes. Veuil-
lez informer votre gouvernement que dès au-
jourd'hui la Russie se considère comme en
état de guerre avec la Turquie.
La première conséquence est la cessation
des relations diplomatiques entre les deux
pays. Je vous prie de vouloir bien nous indi-
quer le nombre et la qualité des personnes
dont se compose l'ambassade ottomane à
V
Saint-Pétersbourg, afin que nous puissions
vous envoyer les passeports nécessaires.
Ouant aux sujets ottomans résidant en Rus7
sic, ceux qui voudraient quitter le pays sont
libres de le faire ; ceux qui préféreraient res-
ter sont pleinement assurés de jouir de la
protection de nos lois.
Recevez, etc.
Signé : gortscuaeoff.
L'ambassade ottomané a répondu par une
note de la Porte exprimant « le regret que
la Russie prît l'initiative de la rupture des
relations que la Turquie s'efforçait de con-
server ». - '-
: En même temps que la Porte envoyait
cette note, elle prescrivait à l'ambassade
et aux consuls de quitter la Russie.
Le personnel de l'ambassade doit partir
aujourd'hui jeudi. Il emportera ses archives.
Au moment où elle a envoyé sa note,
la Porte n'avait pas encore décidé sous
quelle protection elle placerait ceux' de ses
sujets qui resteraient en Russie.
- Une dépêche de Gonstantinople annonce
que la réponse du gouvernement turc au
manifeste impérial russe est partie mardi
soir. Dans cette réponse, adressée à tous
les ambassadeurs de la Turquie auprès des
grandes puissances, tous les torts, natu-
rellement, sont rejetés sur la Russie. La
Porte déclare qu'elle a fait tous les efforts
possibles pour améliorer le sort des chré-
tiens et pour donner satisfaction aux de-
mandes des puissances. Elle finit par in-
voquer le traité de Paris et par « faire ap-
pel à la médiation des puissances ga-
rantes»
La Turquie semble s'apercevoir de l'im-
prudence qu'elle a commise en rejetant de
si haut le protocole. Il est malheureuse-
ment trop tard maintenant, et son appel à
l'Europe a peu de chances d'être entendu.
Le bruit courait hier à Constantinople
qu'une escarmouche avait eu lieu sur la
frontière d'Asie, vers Kars. Mais il ne
semble pas qu'aucun coup de fusil ait été
encore tiré. On télégraphie de Bucharest
que les Russes continuent à entrer en
grand nombre par Iassy, Bolgrad et Leo-
ra, et que le quartier-général russe va être
transféré à Iassy. 7
L'opinion s'était inquiétée de la note du
journal ofuciel de l'empire allemand an-
nonçant que les sujets russes résidant en
Turquie étaient placés sous la protection
de l'ambassade allemande. L'opinion" se
serait inquiétée à tortt à en croire la dé-
pêche suivante :
Berlin, 23 avril. 7
La Gazette de l'Allemagne du Nord, parlant
de la note publiée hier dans le journal officiel
de l'empire, dit que, dans les cercles compé-
tents, oil ne peut voir, dans la mission dont
l'Allemagne s'est chargée de protéger les sujets
russes dans l'empire ottoman, que la confir-
mation d'une entente ultérieure entre les
deux puissances. Cette entente est une garan-
tie de la localisation de la guerre. Le peuple
russe, ajoute la feuille officieuse de Berlin,
n'oubliera jamais le service que l'Allemagne,
en qualité de voisine bienveillante, vient de
lui rendre.
La solidité de l'alliance des trois empereurs,
qui tend à maintenir la paix sm' le continent,
n'est point ébranlée, et se manifestera surtout
aujourd'hui, par là localisation et la limitation
de la lutte qui sans cela aurait pu prendre le
caractère d'une guerre universelle. -.
Constantinople, 23 avril, midi 40.
On assure que les troupes ottomanes ont
reçu l'ordre d'occuper quelques points de la
Roumanie, près des frontières.
COULISSES DE VERSAILLES
Nous avons dit hier qu'il était à peu près
certain qu'une interpellation sur la ques-
tion cléricale aurait lieu à la rentrée de b
Chambre. Le gouvernement l'accepte en
principe et MM. Jules Simon et Martel
prendront la parole en cette circonstance.
On annonce que les ministres saisiront
cette occasion pour faire connaître à la
tribune les divers documents officiels, re-
latifs à l'agitation cléricale de ces derniers
temps, et qui n'ont pas encore reçu la pu-
lticitè du Journal cfficiel. De ce nombre
sont la lettre confidentielle de M. Jules Si-
mon à l'évêque de Nevers et la circulaire
aux préfets pour interdire le colportage de
la pétition des catholiques en faveur du
pape.
; C'est mardi prochain 1er mai que les
fGhambres reprennent leurs travaux. Voici
un aperçu des questions qu'elles auront à
examiner. ;
La Chambre des députés aura d'abord à
discuter le budget de 1878, la loi d'orga-
nisation municipale, la proposition Laisant
sur le volontariat et le service de trois ans,
le tarif général des douanes, lés lois sur
lés sous-officiers et sur l'administration de
l'armée, et la loi sur la presse.
En second ordre viendront ensuite :
La proposition Boysset sur la réforme de
la loi du, jury ;
Les projets du gouvernement et les pro-
positions Marion, Lacretelle, Paul Bert sur
l'instruction primaire ;
Les diverses propositions sur le droit
d'association, le droit de réunion; -
La proposition Lockroy sur la reconnais-
sance des chambres syndicales ouvrières ;
La proposition Lisbonne, tendant à res-
tituer aux conseils généraux le droit do
vérifier les pouvoirs de leurs membres ;
Le projet de loi sur la révision du ca-
dptstre*
La proposition Sansas sur l'abrogation
du décret de 1851, relatif à la police des
cafés et cabarets;
La proposition Millaud sur l'abrogation
de la loi de 1849, relative au colpor-
tage;
La proposition Barni sur la liberté des
cours et conférences ;
Le projet de loi portant règlement des
comptes de 1870-71.
Nous faisons abstraction de tous les inci-
dents qui peuvent se produire, tels que les
interpellations projetées sur la question
cléricale, sur l'attitude de la France dans
le conflit oriental, etc.
-0-
Au Sénat, la session sera moins chargée.
Au début, cette assemblée n'aura à exami-
ner que la loi sur la réorganisation du
corps d'état-major et les propositions rela-
tives à la suppression des sous-préfectures
de Sceaux et Saint-Denis et à l'autorisa-
tion, de tenir des réunions publiques pen-
dant la période électorale pour la nomina-
tions des conseillers généraux.
Le Sénat sera probablement tenu de s'a-
journer pendant quelques semaines pour
permettre à la Chambre de lui renvoyer le
budget de 1878. -
i —: e
THÉOLOGIE OU RÉDUCTION
La commission du budget avait deux
procédés vis-à-vis du budget des cultes :
faire de la théologie ou faire des amputa-
tions. Elle s'est décidée pour la théologie.
Je crois que l'immense majorité de l'opi-
nion républicaine se serait décidée pour
les amputations, j'ose même dire pour
l'amputation totale.
L'opinion républicaine, en effet, — elle
l'a suffisamment manifesté aux dernières
élections,—n'a aucune répugnance pour la
suppression du budget des cultes, et s'il
lui en était resté quelque peu, ce reste
aurait facilement disparu grâce aux ré-
cents exploits de l'aigle d'Angers et du lion
du Nevcrs. Mais en îd nottant même que,
par suite des sublimités de la politique,
c.tte amputation totale ne puisse être opé-
rée, on aurait vu avec satisfaction des am-
putations partielles. Une réduction dans
le traitement des évêques, dans ce traite-
ment dont M. Thomas-Casimir achète la
plume de Tolède et la bonne encre qu'il
emploie à écrire les lettres que vous savez,
aurait été accueillie avec acclamation.
C'eût été l'aurore d'une attitude qu'on au-
rait pu espérer voir s'accentuer de plus en
p'us..
Certes, l'appel comme d'abus est une
pénalité terrible. Un grand corps de l'Etat
se réunit solennellement, passe au crible
d'un examen intense l'écrit d'un évêque.
et, après l'avoir, comme dit Rabelais, « bc-
luté et tamisé », rend cette sentence îrerrt--
fique qu'il y a abus. Le prélat, en oyant
l'épouvantable arrêt, se sent glacé jusqu'à
la moelle la plus épiscopale de ses os. Mais
enfin cette peine, quelque accablante et
farouche qu'elle soit, n'a rien de temporel.
Un nombre considérable de damnés s'en
contenteraient au jugement dernier. J'o-
serai en dire autant de l'insertion d'une
lettre du garde des sceaux à VOfficiel, bien
qu'où ait reculé devant cette extrémité
atroce. Je qualifierai de même l'envoi ma-
jestueux et en personne d'un préfet à un
évêque pour lui confier que le gouverne-
ment n'était pas content. A coup sûr, sous
le rapport purement moral, ces châtiments
variés dépassent ce que peut rêver l'imagi-
nation la plus sanguinaire. Mais enfin ils
n'ont rien de temporel.
Je crains qu'on en dise autant des me-
sures auxquelles s'est arrêtée la commis-
sion du budget. Certes, l'épiscopat trem-
blera quand il verra imprimée toute vive,
non-seulement en français, mais encore —
comble de la cruauté! — en latin, dans les
annexes du rapport de M. Guichard, la dé-
claration de 1682, rédigée par le grand
Bossuet et établissant les libertés de l'E-
glise gallicane. Le coup sera rude. Mais à
nous autres, gens simples et terre-à-terre,
un vaste abattage dans les plantureuses
futaies du budget des cultes aurait bien
mieux fait notre affaire. J'imagine aussi
que nosseigneurs les évêques auraient été
infiniment plus sensibles à une réduction
de traitement qu'à la remise à neuf du mo-
nument sus-nommé du dix-septième siè-
cle. Cette réduction aurait été un com-
mencement de séparation de l'Eglise et
de l'Etat, tandis que la résurrection du
gallicanisme est un commencement de ma-
riage civil entre l'Etat et l'Eglise. Le be-
soin de ce renouvellement d'alliance ne se
faisait pas sentir, et ce sera certainement
une des surprises de l'avenir que d'appren-
dre que le grand mouvement scientifique.,
philosophique et révolutionnaire du dix-
neuvième siècle aboutit à l'étape installée
par Bossuet au siècle de Louis XIV !
On dira peut-être que c'est prendre les
questions par le petit bout. Je crois bien,
cependant, que, si la commission du bud-
get, au lieu de voter la réimpression des
œuvres de Bossuet, avait voté la réduc-
tion du traitement des évêques, lesdits
évêques auraient trouvé que c'était pren-
dre la question par un très grand bout,
par un bout tout à fait principal et capi-
tal. Et le public aurait été probablement
de l'avis des évêques.
LOUIS ASSELINE.
M. Decazes ne veut pas qu'on l'inter-
roge ; M. Decazcs ne veut pas que la Cham-
bre reste là pour le surveiller ; M. Decazes
ne peut pas se faire à cette idée qu'il lui
faudra s'expliquer devant le Parlement,
comme se sont expliqués ces jours-ci les
ministres anglais, italiens, etc. Quand on
parle d'interpellation, il s'écrie : « Quelle
maladresse! ) Quand on parle de garder
la fin du budget pour l'automne, il s'em-
porte.
Aussi que ne le laisse-t-on faire? — Ati-
rait-on oublié l'adresse et le zèle avec tes-
quels il a défendu nos intérêts en Egyple l
— Voyez-vous ce Parlement de la Hépu-
blique française qui prétend avoir sa part
dans la conduile des affaires, et qui ne
laisse pas un honnête ministre, un diplo-
mate de premier ordre, servi en dépêches
comme personne, disposer de la France,
comme le faisaient les ministres de l'em-
pire !
Nos représentants remettront sans doute
M. Decazes à sa place; ils trouveraient
môme que sa place est hors du ministère
que nous n'en prendrions pas le deuil. M.
Decazes est en mauvaise situation pour de-
mander une confiance sans limites aux
Chambres. T1 a déjà été renversé, une pre-
mière fois avec M. de Broglie, une seconde
fois avec M. de Chabaud-Latour, une troi-
sième fois arec M. Buffet, une (jnatrièmf
fois avec M. Dufaure ; c'est au nom de qua
tre votes de méfiance adressés aux nunls-
tères dont il a fait partie qu'il reste à ltête de nos relations extérieures. J1 est ar-
rivé au pouvoir porté par Je parti de l'ordre
moral, dont il est je dernier représ-cataiii
dans le cabinet; et précisément c'est le parti :
de l'ordre moral qui compromet aujour-,^
d'hui les intérêts pacifiques que le ministr&uaï
a mission de défendre.
Outre ces chutes collectives dont il s'est
relevé on ne sait ni pourquoi ni comment,
il a eu sur le dos la fameuse affaire de la dé-
pêche. On avouera que celle affaire n'est
pas un motif suffisant de le débarrasser du
contrôle de la Chambre.
Au milieu de la crise que nous traver-
sons, le devoir des représentants de la
France est tout tracé, ils doivent montrer
quelle différence il y a entre une Cham-
bre républicaine, soucieuse des seuls inté-
rêts du pays, et ce .tas de candidats offi-
ciels qu'on appelait en 1870 un Corps lé-
gislatif, et qui n'a pas su empêch;r la
guerre, cause de tous nos malheurs. Après
un pareil exemple, une Assemblée fran-
çaise ne peut ni abdiquer, ni laisser amoin-
drir son droit de haute main sur la con- -'
duite des affaires. Négliger la surveillance
qui lui incombe, serait de sa part une vé-
ritable désertion. Que si elle avait pu igno-
rer combien sa présence est indispensa-
ble, la faiblesse dont on a fait preuve, au
moment le plus critique, vis-à-vis des ul-
tramontains, suffirait à le lui apprendre.
Jusqu'ici, la Chambre a pu, sinon sans
inconvénient, au moins sans crime, se
montrer réservée, conciliante, timide
même, dans la revendication de ses pré-
rogatives. Peut-être, trop désireuse de
prouver sa modération, a-t-cllo été parfois
jusqu'à la faiblesse. Aujourd'hui, son de-
voir est tracé ; seule, par son origine, elle
représente l'opinion en France; c'est son
devoir de faire sentir son autorité et préva-
loir la volonté du pays.
CAMILLE PELLET AN.
AFFAIRES D'ORIENT
L'agence Havas nous communique les
dépêches suivantes ;
Gonstantinople, 2;J avril.
On a reçu ici l'avis que les troupes russes
étaient entrées hier sur Je territoire roumain
par trois points différents :
Par licstimak, dans le district de Cahul ;
Par Tabak, dans le district ùcHolgrad;
El par la voie dLJlIgheni.
On assure que les troupes russes dans la
Caucase bu sont également mises en marclle.
Bucharest, 24 avril, soir.
Les troupes russes occupent en force Rarbo-
che (le pont de Sereth) et le chemin de fer
près de (ialatz.
Trois inonitors, sous le commandement de
Holiart-Paclia croisent entre Galatr. et Bruïla.
Aujourd'hui, à une heure, ua régiment do
cosaques a occupé Gulaiz..
L'attitude du gouvernement est universelle-
ment appuyée.
On n'a ici aucune-crainte d'une marche des
Turcs sur Bncharcst.
Tassy, 24 avril.
Le général Walowsld, commandant le 12*
corps de l'armée russe, est arrivé ici aujour-
d'hui à fi heures.
Il est encore arrivé G,600 hommes.
Kicheneff, 24 avril.
Après la renie, l'évéque a lu le manifeste de
l'empereur en présence des troupes qu'il a bé-
nies.
L'empereur s'adressant aux officiers leur a
dit :
le vous engage à accomplir héroïquement
votre sainte mission. »
Lit cavalerie est partie immédiatement apràt
pour la frontière.
L'enthousiasme de toutes les troupes est in-
descriptible.
Le Journal français de Saint-Pélersbourg
adresse un chaleureux appel aux femmes rus-
ses, auxquelles il déclare que leur rôle va com-
mencer.
Feuilleton du RAPPEL
DU 27 AVRIL
46
LE COURRIER
DE CABINET
XXXIII
Combat dans la nuit
L'Ombrien ne tarda pas longtemps à re-
joindre Fergus dans sa cellule, portant
furtivement sous son froc les trésors em-
pruntés à l'office.
Erceldonne ne lui avait point fait de
vaines promesses ; sa gourde était pleine
d'un cognac ardent comme du feu, doux
comme du velours. Il prépara avec des li-
mons, du sucre et des épices, une boisson
enivrante dont le puissant arôme remplit
la petite chambre.
L'Ombrien assis sur le lit d'herbes sè-
ches, suivait ces préparatifs en les dévo-
rant des yeux.
—-Eh bien, dites, ceci ne vaut-il pas,
pMeux que votfç yin,, aigrç lui demanda
Voir le du H mars au 26 avriL
Fergus en remplissant la petite corne à
boire que le moine avait apportée.
L'Ombrien avala le breuvage ; il n'avait
plus besoin de rêver du paradis, il croyait
y être entré au moment où la délicieuse
boisson avait touché ses lèvres. Il tendit
subitement sa corne ; son hôte la remplit
encore, buvant fort peu lui-même.
Le moine devenait pourpre; sa langue
se délia ; il se balançait de l'air jovial et
satisfait de Sancho Pança, riant, bavar-
dant, oubliant tout, sauf le soin de faire
remplir sa corne.
Erceldonne naturellement amena l'en-
tretien sur la prisonnière.
L'Ombrien, d'abord, se récria sur sa
beauté ; il mit une si vive ardeur à la
dépeindre, que Fergus commença à ron-
ger ses ongles; cet enthousiasme de la
brute pour les yeux et la taille d'Alba lui
paraissait insupportable Mais il eût été
bien fou d'interrompre les divagations de
l'ivrogne, car la lumière en jaillissait à
tout moment. '-
Il est vrai que c'était une sinistre lumière.
— Je vous dirai tout, ajouta le moine
d'unevoix entrecoupée par les hoquets.
Monseigneur vient ici ce soir. U hous vi-
site souvent, vous, savez, ftôus. sommes
.tout.5pépalftmfijftt sto*pjk»tsw Et ; tela le.
1 met en bonne odeur de sainteté. Pensez
donc! un si grand homme, quitter le
monde pour une retraite si rigoureuse!
— Ce soir! s'écria Erceldonne en bon-
dissant sur ses pieds, car il s'était assis sur
l'herbe sèche à côté du buveur. -
- Oui, ce soir, dit le moine en riant, la
tête vacillant sur ses épaules, et les yeux
à demi clos, avec l'expression de malice
hébétée que donne l'ivresse; —oui, il vient
pour la dernière fois — vous comprenez
- pour la dernière fois !
L'imprécation qui fit retentir les pierres
de la cellule réveilla un moment la pensée
dans la cervelle épaissie de l'Ombrien.
— Qu'ai-je dit? murmura-t-il d'un ton
lamentable. Ah! Jésus!.. Monseigneur!
monseigneur!
En même temps il retombait sur le foin,
car il ne pouvait plus se tenir debout ; il
se mit à se dandiner et à sangloter comme
un enfant.
Erceldonne lui mit dans les mains la
cruche déjà presque vide :
- Bois! lui dit-il d'un ton farouche.
Le moine obéit, car cet ordre brutal
était conforme à son propre désir, il saisit
la cruche avidement, et but.
-' Fergus ne s'occupait plus même de lui;
il arpentait l'étroite cellule comme un lion
Îiarcourt sa cage, le visage sombre coçqh\&
a nuit.
La cruche enfin tomba, des mains
inertes du moine et se brisa sur les dalles.
L'Ombrien fit entendre une sorte de rire
stupide; ses yeux se fixèrent sur le disque
de la lune qu'il apercevait au-dessus de sa
tête; puis ses paupières s'appesantirent,
sa tête roula, dans le foin; il était ivre-
mort !
Fergus détacha le trousseau de grosses
clefs qui pendait à la ceinture du moine,
l'assujettit à la sienne de façon que
toute cette ferraille ne fit, point trop de
bruit, et examina l'état de ses pistolets.
C'étaient des revolvers à double canon,
d'où pouvait sortir une grêle meurtrière.
Alors, tirant son chien derrière lui, il
sortit, en poussant les verroux extérieurs.
L'Ombrien à son tour était prisonnier.
La route de Fergus s'ouvrait dans une
obscurité complète ; la lune ne pénétrait pas
dans le long corridor flanqué de cellules.
Mais il savait que plusieurs de ces logettes
étaient habitées; le bruit de ses pas pou-
vait faire sortir de leurs retraites les moi-
mes paresseux et réfractaires qui s'étaient
dispensés des offices. Aussi glissait-il avec
des précautions infinies sur les. dalles ; et
le chien le suivait, aussi muet que s'il eût
été dressé à chasser les contrebandiers
I\a côte. • - L. ;''-
» La première peràée- ^Erceldonne ut
de reconnaître le chemin à prendre pour
sortir du monastère; il l'avait bien obser-
vé le matin, il le retrouva sans peine.
Toute la maison était déserte; il joi-
gnit, sans avoir rencontré un seul obsta-
cle, le grand passage voûté. Là brûlait une
lampe dont la clarté vacillante lui fit voir
la lourde porte de chêne bardée de fer. Il
tira doucement les verroux, fit tourner la
clef dans la serrure. Maintenant il n'y au-
rait plus qu'à pousser pour que la porte
s'ouvrît.
Il y mit Sulla en sentinelle. Le chien se
coucha, immobile, gardien fidèle, celui-là!
Fergus retourna sur ses pas.
Point d'autres renseignements que les
indications incohérentes du moine. Tout
ce que savait Erceldonne, c'est que la nou-
velle cellule d'Alba était située dans la par-
tie occidentale du couvent.
Il se dirigea de ce côté et y parvint
sans peine.
Toujours et partout même silence. Cepen-
dant il approchait de la chapelle. Point de
clartés, point de lumières; elle était som-
bre et vide. Où donc étaient les moines,
ce soir là?
Tenant haut un de ses pistolets, il con-
tinua d'avancer dans les ténèbres, en tâ-
tonnant contre la jmuraille.humide. Le dé-
! touragement; un fnstanVle saYstilî son-
gea à retourner encore en arrière, pou.
aller chercher Sulla, dont l'instinct était
plus sûr que toutes les combinaisons de
l'intelligence humaine.
Mais, en ce moment, un rayon lumineui
lui apparut. à l'extrémité du corridor. Il
se glissa jusque là, redoublant de précau-
tions, rasant à peine les daltes du bout de
son pied, - retenant son souffle.
Alors une voix de femme au timbre
doux et impérieux arriva jusqu'à lui.
— Prenez garde, monseigneur ! si voua
aviez cette audace, c'en serait fait de votre
vie — ou de la mienne î
D'un bond, Fergus avait atteint déjà la
porte d'où partait le rayon de lumière.
11 essaya de la pousser. Mais les verroui
intérieurs en avaient été tirés.
Le géant rassembla toute sa force. L'é-
paule d'Hercule n'aurait pas donné un pas
reil coup contre les panneaux de chêne.
Ils plièrent et se rompirent soed ce pre-
mier et puissant effort.
S'arc-boutant alors contre la muraille;
Fergus, en quatre ou cinq coups de son
talon de fer, acheva do briser la porte,
qui, en moins d'une minute, vola en
éclats. ,
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