Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1877-01-05
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 79956 Nombre total de vues : 79956
Description : 05 janvier 1877 05 janvier 1877
Description : 1877/01/05 (N2492). 1877/01/05 (N2492).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75288094
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
Ho 2492 Vendredi 5 Janvier 1877
1
I.,e' iramm 1 t^f-c«icnis -s 15 c.
r
15 Nivôse an 85 — N» 21492
",. ■■ — —
, RÉDACTION
S'adresser au Secrctaire da la Rédaction
: De 4 à 6 heures du soir
18, nts DI! VALOIS, ta
tes manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
o. Ch. LAIUIANGI;, ŒUF et C'
6, Butirse, 6
LE RAPPEL
> ADMINISTRATION -
Il -a. M'UB DE VALOIS, il
0
1 «BoaxïncHTS
Finis
Trois mois. 10 »
S:x tflui. 20 »
DKPARTEMEXTI
Trois mois. 13 5V
Six mois 21 *
- : Adresser lettres et mandats i
1 A M. ERNEST LEFÈVRE
Anttl.StdTiUTliUJl-GKllA.NT
HUMILITÉ CHRÉTIENNE
Supposez que je vienne vous dire :
« Nous deux Jésus-Christ. », qu'est-ce
que vous penseriez? Vous penseriez évi-
demment que c'est une fière fatuité à
moi de m'assimiler a celui que des mil-
lions d'hommes croient Dieu. Eh bien,
ce que vous prendriez pour le comblo
< de l'orgueil serait le comble de l'humi-
lité chrétienne.
Je vais vous le prouver. Quel est le
représentant le plus incontestable et le
plus reconnu du christianisme, et par
conséquent le représentant suprême de
l'humilité chrétienne, puisque l'huiui-
lité est le fond du christianisme? C'est
le pape. Or, écoutez ce que le pape
vient de répondre à une députation de
la noblesse romaine qui est al'ée lui
souhaiter la bonne année.
., Le pape a commencé la modestie de
sa réponse en exprimant sa fierté de
voir Ja noblesse romaine « lui faire une
couronne glorieuse x. Il a rappelé que
dans sa jeunesse il aimait à « fréquen-
ter les réunions aristocratiques » et quo
c'était généralement dans les soirées où
l'on n'admet pas les petites gens qu' « il
admirait de bons exemples à imiter».
Une pieuse mélancolie l'a pris à ce sou-
venir, et il s'est plaint de no plus pou-
voir « fréquenter d'assemblées ». Deux
raisons l'en empêchent : sa papauté et
l'état du monde. La première do ces
raisons s'explique d'elle-même : on con-
çoit qu'un pape n'aille guère au bal, et le
saint-père valsant serait un spectacle
dont on parlerait. Mais l'état du monde?
Oui, l'état du monde. L'état du monde en
général et de Rome en particulier est
tel que, si le pape mettait le pied hors
du Vatican, il serait immédiatement
massacré. C'est, ici que Pie IX s'assi-
mile à Jésus-Christ :
« Jésus-Christ, se trouvant en Gali-
lée. poussé par quelques-uns de ses
parents à se rendre en Judée et à Jéru-
salem , répondait qu'il ne pouvait y
aller. Allez, lui disaient-ils, allez donc
là aussi montrer vos miracles, afin que
ces populations si nombreuses puissent
en être frappées et admirer à leur tour
la grandeur de vos œuvres. Mais Jésus-
Christ disait : Tempus meum nondum
advenit: mon temps n'est pas encore
venu; mais il viendra, selon qu'il a
été réglé par mon Père. Il disait cela
propter metum JudæOT'lJm, lesquels jus-
qu'alors cherchaient à le tuer: non enim
volebat ill Judœam ambulare, quia qiioe-
rebant eUtn Judæi interficere.
» A moi aussi il a été dit (et cela m'a
été dit encore ces jours-ci) : Pourquoi
ne sortez-vous pas du Vatican? Il faut
répondre : Tempus meum nondum adve-
nit; et quant à présent, je ne puis sor-
tir : Propter metum Judœorum. Ce lieu
où je me trouve est la petite Galilée
dont je ne dois pas franchir les limites,
- '- ..-
et certainement il ne m'est pag donné
de mettre le pied hors de cette enceinte
du V*Uny&W JUtdow-
rum. »
Je néglige ce qu'il y a de « charita-
blo » de la part du chef d'une religion
qui fait de la charité envers le prochain
une des trois grandes vertus, à traiter
les Italiens d'assassins qui n'attendent
pour l'égorger que III premier pas
dans la rue. Je ne \"h.lX voir que ce
qu'il y a d' « humble » à dire : Jésus-
Christ et moi. ,
Humble? Mais4* oui. Et vous éton-
neriez beaucoup le souverain-pontife
en lui disant que son homélie n'est pas
d'une humilité parfaite. La preuve,
c'est qu'immédiatement après les pa-
roles que j'ai textuellement reproduites,
il a dit à ses visiteurs : « Efforçons-nous
» surtout d'imiter l'Enfant divin dans
» la vertu d'humilité, puisque le vice
» opposé est la cause principale des
» maux qui affligent l'Eglise et nous-
.» même. » Un pape qui a cette con-
science du mal qu'il ferait à l'Eglise
et de celui qu'il se ferait à lui-même en
manquant à l'humilité n'y manquerait
certainement pas, et c'est donc, comme
je disais, le comble de l'humilité chré-
tienne que de se comparer à Jésus-
Christ.
Et de fait, n'y a-t-il pas des côtés par
lesquels le pape est bien supérieur a
celui auquel il a la modestie de s'égaler?
D'abord, Jésus, qui a dit beaucoup
de choses excellentes, en a dit d'autres
qu'on peut hésiter à croire. Quand, par
exemple, il propose aux hommes
l'exemple du lys qui, sans filer et sans
travailler, est cependant vêtu plus ma-
gnifiquement que Salomon dans toute
sa gloire, on peut, jusqu'à un certain
point, douter qu'il ait raison de con-
damner le travail et toute l'activité hu-
maine. Au lieu qu'il dépendrait du
pape, qui est infaillible, de faire croire
à tout ce qui n'est pas un affreux libre-
penseur que deux et deux font qua-
rante-huit et que le suffrage universel
a élu M. Buffet quatre fois le même
jour.
Et si, après l'autorité morale, on con-
sidère l'existence matérielle, quelle su-
périorité de Pie IX sur Jésus! Avec
quels yeux, du haut du denier de saint
Pierre, il doit regarder ce pauvre G al i-
léen dont les amis avaient besoin d'un
miracle pour pouvoir offrir à leurs invités
un verre de vin le jour de leur noce!
Comme il est mieux habillé ! Comme il
est autrement logé, et comme ce n'est
pas seulement lui qui n'accepterait pas
pour Vatican, comme le dernier des
évêques n'accepterait pas pour palais,
comme le dernier des curés do village
n'accepterait pas pour presbytère -
l'étable de Bethléem !
Avôuez que Jésus ne peut qu'être
flatté considérablement d'être l'égal
d'un pape si bien renté, si bien vêtu, si
bien logé, et infaillible pardessus le
marché.
AUGUSTE VACQUERIE.
x COULISSES DE VERSAILLES
Nous avions annoncé il y a quelques
jours que, suivant un usage constant, un
message du président de la République se-
rait lu aux Chambres li 9 janvier, à l'ou-
verture de la session ordinaire. Il paraît,
que le gouvernement incline maintenant à
ne pas faire de message.
On fait remarquer, en effet, qu'au point
de vue de la politique intérieure, le cabi-
net a exposé ses. vues par une manifesta-
tion trop récente pour qu'il y ait lieu de
renouveler à si peu d'intervalle une décla-
ration officielle. Quant à la politique ex-
térieure, qui se résume tout entière dans
les affaires d'Orient pour le moment, elle
n'a pas actuellement un caractère qui per-
mette d'en parler d'une manière explicite
dans un document ofiiciel.
Toutefois, rien de définitif n'est arrêté à
ce sujet: c'est seulement dans le prochain
conseil des ministres qu'on statuera..
—o—
On sait qu'aux termes de la Constitution,
les deux Chambres devront procéder au
renouvellement de leurs bureaux respec- f
t ifs, dont les pouvoirs sontexpirés avec
l'année 1876.
Au Sénat, l'éléction offrir* certain
intérêt. On sait qu'il y a un siège de vice-
président vacant, celui qu'a laissé M. Mar-
tel en entrant au ministère de la justice.
Le centre gauche réclame ce siège pour
l'un de ses membres, puisque M. Martel
était déjà au bureau le représentant du
groupe. Il propose la candidature du comte
Rampon.
La droite, enhardie par ses derniers suc-
ces : l'élection Chesnclong et le vote du
budget, veut, au contraire, résister à cette
légitime demande et tenter de s'emparer
de ce siège pour un de ses membres. On
va donc se compter de nouveau dans ce
scrutin.
Pour les autres membres du bureau,
il n'y aura pas lutte; la droite a re-
noncé à l'idée qu'elle avait eue primitive-
ment d'opposer M. Buffet au duc d'Au-
diffret-Pwsquier. Elle a compris que par
une telle entreprise elle s'exposait à un
échec certain. Il est peu probable, en effet,
que le centre droit veuille abandonner le
président actuel du Sénat, qui d'autre part
est à peu près assuré des suffrages de la
gauche.
A la Chambre des députés, il n'y aura de
compétition que pour les postes de ques-
teurs. L'Union républicaine, n'étant pas
représentée dans la questure, veut oppo-
ser un concurrent au colonel Denfert
qu'on représente à tort comme lui appar-
tenant et qui ne fait partie que de la gau-
che. Ott co dernier groupe a déjà M. Mar-
gaine pour représentant. Quant au centre
gauche, on sait qu'il est représenté par
M. Gailly.
Quelques-uns des secrétaires se propo-
sent, paraît-il, de suivre les usages parle-
mentaires, en donnant leur démission
pour permettre l'élection d'autres mem-
bres de la Chambre.
Quant à la présidence, elle ne sera pas
contestée à M. Jules Grévy, mais un cer-
tain nombre de députés se proposent de
ne pas voter pou" lui, et de déposer dans
l'urne un bulletin blanc. Ils veulent ainsi
marquer leur désapprobation pour le man-
que d'énergie dont M. Grévy a fait preuve,
depuis un an, dans un trop grand nom'. de circonstances.
Aux renseignements que nous avons
donnés il y a quelques jours sur le mouve-
ment préfectoral en préparation, nous
pouvons ajouter quelques détails complé-
mentaires. A MM. Poubelle, Audoy et
Amiard, que M. Jules Simon va faire ren-
trer dans l'administration préfectorale, il
faut joindre M. Emile Laurent, ancien
préfet de la Dordogne et ancien secrétaire
général de la préfecture de la Seine.
On annonce divers déplacements, no-
tamment celui de M. Glaize, qui quitterait
la préfecture de la Corrèze pour celle de
l'Aude, où il a été déjà secrétaire général.
- Ce mouvement a" été soumis hier au
jRons^, dÈ^ »»nistrès parj.& ministre do
l'intérieur ; il paraîtra (l i07*4 la fin d.è la
semaine au Journal officiels ,.
-O- ;
.u j. - ~.m-
18 MAM PARTI DES LACHEURS ».
Vous les connaissez, lecteur?' Depuis
un an, on ne voit qiw1. leurs ligures, on
n'entend quo leurs voix, on n'aperçoit
que les résultats de leurs prouesses. A la
-tribune, dans les couloirs dus Assem-
blées, dans la presse, quelque part que
Cfl soit, ils pullulent, ils tremblent, ils
dissertent. Si la Chambre s'est laissé
peu à peu annuler, si le scrutin de fé-
vrier n'a pas eu la moitié de ses effets
légilimes, si le parti de combat est plus
vivant que jamais, uous le leur de-
vons.
- Un enfant les reconnaîtrait. Ce sont
des gens craintifs et doctoraux, qui ont
-érigé leur frisson ordinaire en sagesse
et leur faiblesse eu système. Ils ont
l'effarement pédantesque, et leur im-
prévoyance gourmande gravement les
autres. Ils ont surtout le besoin do
triompher à -grand fripa-, chaque fois
qu'ils ohfrrfthporté celte hÜ:!J vic'.oire
sur eux-mêmes de signer une capitula-
tion do plus., La victoire est pourtant
médiocre, et ne leur a pas coûté de
grands efforts; car ils n'ont fait en cela
que suivre le penchant irrésistible de
leur nature.
Nous les avions perdus de vue depuis
près do deux jours : le jour ue l'an les
a mis en verve : i's ont voulu donner
un tableau d'ensemble de leur politi-
que ; le sénateur qui écrit de Versail-
les au journal le Temps s'en est chargé.
Il a éprouvé le besoin de se retourner
et de jeter un coup d'ceii sur l'année qui
vient de finir. Il a tenu à se rappeler
— avec quelle volupté intime. on le
devine - toutes L's défaillances com-
mises; il a osé regarder en face les ra-
res actes d Î fermage de l'année pour
leur dire leur fuit uns fois dc plnô.
Il y a, dans ce curieux examen, de
véritables mots de comédie : suivons
rapidement ce sénateur dans sa revue.
Quand oii examina faits et gestes
de la Chambre républicaine, une pre-
mière remarque s'impose : c'est qu'elle
n'a rien réformé ni voulu réformer ; au
contraire. En supposant que le Sénat
n'eût pas reformé les projets :'JI"': la
Chambre lui envoyait, notre législation
serait ce qu'elle était six mois après la
chute de M. Thiers : elle serait même
moins libérale.
Tous les projets de réforme ont été
ou écartés oj ajournés. Li pre^sj est
encore sous le régime de la loi Buff.-ît-
Dufaure. Les associations, les réunions
sont encore liées des méni i; entraves.
L'amnistie la plus restreint j, celio que
demandaient M. de Pressensé et quel-
ques-uns de ses collègue.» dll. contre
gauche, a vehoué miséiMb'^n vit. On
n'a voté sur la cessait )rt le poursuites
qu'une loi purement platonique. La
Chambre n'a abordé sérieusement que
trois questions : celte des aumôniers de
l'armée (à propos du budget), relie de
l'enseignement supérieur et celle des
maires, par voie l';-ô!'il.ttive,
Si elle les avait tranchées tontes les
trois dans Je sens le, plus absolu, c-lie
n'aurait x.iit.quo nous ramener à l'état il 3
chose&existant, au mois de janvier 1874,
après sept ou huit mois d'ordre moral:
époque où aucune des lois qu'on vou-
lait abroger n'existait encore. — Mais
on saitqu'elle ne l'a mémo pas fait., et
qu'elle a capitulé à demi sur la ques-
tion des maires. -
Telle fut l'œuvre de la Chambre.
Non-seulement elle s'est refusée à cor-
riger aucun des abus dont on réclamait
la réforme depuis longtemps, mais en-
core elle n'a pas ose revenir complète-
ment sur les derniers et les plus scan-
daleux excès législatifs du régime de
combat.
Je ne discute ni les motifs ni les ré-
sultats di sa conduite. Je no veux ni
l'accuser, ni la louer. Je constate le fa:.t,
et. je mets à côté l'appréciation du ré-
dacteur du Ton s:
« C'était sonner trop haut do latrom-
pette, prendre avec trop d'emphase le
rôle do réformateur, soulever trop de
difficultés, donner sur soi trop de prise.
Il était bon que la République s'annon-
çât comme décidée à réformer des abus,
il était intilile, et dangereux de se don-
ner des airs de Constituante appelée à
tout renouveler. »
Est-ce assez complet? Est-ce assez
beau? Quelle leçon! Voilh ce que la
Chambre a gagné à sacrifier toutes les
revendications do l'opiuioll. Elle n'a
touché à rien; élle cru mériter au
moins la réputation do Chambre
inoffensive et soucieuse de ne rien
déranger; elle a presque désarm? le
Sénat de conlbat"p:u* son hvniîiîé: elle
n'a pas désarmé l'organe autorisé des
« lâcheurs » de gauche, qui trouve en-
core qu'elle prend des airs de Consti-
tuante, et qui s'écrie, dans son trans-
port imagé : « Quelle trompette ! »'
Il e.st vrai qu'il loue après « l'excel-
lente tenue de la Chambre dans la ques-
tion d'amnistie ». Et ii ajoute : « La
majorité ne se laissa ni séduire par les
déclamations, ni intimider par les me-
naces. » Depuis qu'il a été nommé sé-
nateur à vie par des radicaux, ce cor-
respondant de Versailles aime terrible-
ment à calomnier ses ancien ; électeurs.
Si. à défaut de gratitude, ii avait des
.-ouv. nil'5l,1u; exacJs, il se rappellerait
que, dans, touto la discussion de l'am-
nistie, il n'y a pas eu l'ombre d'une me-
nace.
.°::;
Restent l'attitude de la Chambre du-
rant la crise ministérielle et sa récente
abdication devant le Sénat. On devine
l'opinion du sénateur à vie sur ces deux
points : bUme énergique sur le premier,
approbation sans réserve sur le se-
con d. - »
Sur la crise ministérielle, notre mo-
déré a un mot qui dit tout : « On a
mauvaise grâce à parler do prudence,
lorsque c'est la témérité qui a réussi. »
La témérité! ô l'homme admirable! Il
paraît qu'en réclamant — quoi? l'im-
possible? - non, l'exécution du ré-
gime parlementaire. comme dans une
monarchie libre, on « faisait courir de
grands périls à la République »). Ceux
qiet ne l'ont pas vu sont « des esprits
extrêmes, incapables d'embrasser plus
d'une idée à la fois ». Tandis que le
rédacteur du Temps embrasse tout un
régiment. On ne régente pas les autres
avec plus d'infatuation.
Que faut-il donc pour faire entrer
l'idée la plus claire dans l'esprit d'un
trembleur? Ici, la preuve a été faite,
comme elle l'est rarement on politique.
On courait des dangers énormes! cric
notre magister. Eh bien ! voici ce qui
s'est produit, au vu et au su do tout ie
monde : le président a appelé dans ses
conseils les hommes de combat, il leur
a demandé leur avis, et ce sont eux,
c'est M. de Drogic, ce sont ses pareils
et ses amis, qui ont dit a la présidence,
coLïime ils le disaient partout : « Le
temps n'est pas encore venu pour nous ;
nous nous sentons impuissants à l'heure
actuelle ; nous n'avons absolument au.
cune chance do succès. » Malgré toutei
leurs illusions, tout leur acharnement
toute leur impatience, toi fut leur lan-
gage. et cela ne suffit point pour* em-
pêcher notre sénateur de frissonner
comme un peuplier, en souvenir du
danger couru pendant cotte période!
le
4 d
Nous avons eu récemment à nom
expliquer sur l'abdication da la Cham-
bre en matière do budget. Cependant,
nos « modérés) tiennent un langag.j
trop surprenant pour qu'on ne le relève
point. De leur aveu, de l'aveu du Temps,
de l'aveu du sénateur qui écrit de Ver-
sailles, la Chambre a cédé son droit for-
mel, et laissé violer un article do la
Constitution. Elle a tout abandonné,
sans acquérir en retour même une ga-
rantie de repos pour l'avenir. Vous at-
tendez que ceux qui la défendent vonl
dire : « C'est fâcheux, mais c'était néces-
saire : l'intérêt. du pays l'exiocait. »
Point du tout, ils triomphent, ils em-
bauchent cette fameuse trompette qu'ils
prêtaient tout à l'heure à la Chambre,
ils s'écrient : « Quelle victoire !. Nous
ne saurions trop nous féliciter de cet
admirabl e résultat, etc., etc. » J'ai vu
des républicains se frotter les mai 1*.
après Ja séance du Sénat où M. Pouyer*
Quertier avait lu son bulletin do vic-
toire sur la Chambre : ils étaient ou-
chanta; de voir qu'on ne les mangeait
pas tout à fait !
Voilà où en sont venus certains es-
prits. Ou a besoin de sa rappeler la
iorce de la République d le bon sens
du pays, pour n'être pas inquiet, quand
ou songe aux lourdes fautes qu'ils peu-
vent commettre.
CAMILLE PET.L'iTAN.
————————— O
LE DESPOTISME PATERïSL :
Il importe de relever la théorie que M. le
ministre de l'intérieur vient d'exposer, à
propos de l'arrêté Welehe, à MM. Miilaudet
Guyot. Ce n'est pas la première fois qu'elle
se produit, et il en est peu do plus dange-
reuses. Nous sommes persuadé que M. le -
ministre s'en est servi sans se rendre
compte de sa portée. ;
On sait quelles critiques trop légitimes
ont accueilli l'arrête de l'inébranlable M. --
Welche. Nous les avons formulées ici mô-
me, pour notre part, avec une vivacité bien
naturelle devant une pareille déception.
Nous avons relevé article par article cette
réglementation qui étendait..i tous les en-
terrements ce que M. Ducros avait réservé
aux enterrements civils, et qui ne donnait
l'égalité qu'à là condition de la donner
dans la servitude; cette censure préalable
des discours, cette interdiction des quêtes
et des emblèmes, symboles, etc., etc. Evi-
demment, il n'y avait qu'à abroger cet ar-
rêté comme il avait lui-même abrogé l'ar-
rêté Ducros. Il fallait apprendre à l'indes-
tructible M. Weiche qu'on ne réglementa
pas sous la République constitutionnelle
comme souî l'ordre moral.
Au lieu de cela, que répond M. Jules Si-
mon aux réclamations des députés du
Rhône ? Que le règlement de l'indéracina-
ble M. Welche ne sera pas abrogé, mais
qu'on veillera à ce qu'il soit appliqué d'une
façon libérale. Il ne faut pas se payer do
mots : ce ne serait là qu'un des aspects da
la théorie du despotisme paternel.
Le despotisme paternel vous dit: —Sans
doute je suis le maître absolu et je peux
faire de mes sujets ce qu'il me plaira:* j'ai
tous les droits et tous les pouvoirs; mon
arsenal est rempli des armes les plus for-
midables, les unes aiguisées comme des
Feuilleton du RAPPEL
DU 5 JANVIER
20
LA BRESILIENNE
ROMAN PARISIEN
\*
'-'~a~MQ'~t!
Le frère et la sœur étaient fort inquiets,
ie lendemain, en attendant la venue de
Robert. Il voulait interroger de nouveau
Lucie sur les circonstances de la mort de
sa mère! dans quel but? et qu'est-ce qui
pouvait motiver, dix-huit mois après l'é-
vénement, cette sorte d'enquête?
M. de Sergy, qui croyait devoir à son
nom légitimiste d'être religieux, et à ses
opinions conservatrices çle donner au peu-
ple l'exemple du respect des « choses sa-
crées Il, était à la messe avec Balda et An-
gelina. Robert arriva, demanda Lucien, et
fut introduit auprès de son ami. Puis, les
domestiques écartés, Lucien alla chercher
sa sœur, qui occupait au second étage, on
se le rappelle, l'appartement contigu au
sien.
— Nous n'avons pas de temps à perdre,
Droits de reproduction et de traduction
réservés.
u Voir le Rappel du 16 décembre au '.mvier.
dit tout aussitôt Robert; veuillez donc,
mes amis, ne pas me questionner d'abord,
et bornez-vous, ma chère Lucie, à me ré-
pondre. Vous m'avez dit déjà, et plus d'une
fois, de quelle façon imprévue et doulou-
reuse vous aviez perdu votre mère; mais
j'ai besoin aujourd'hui de rassembler et de
coordonner dans mon esprit les détails de
cette mort subite; ayez donc la bonté de
-me les rappeler encore. C'est dans la soi-
rée, n'est-ce pas, que Mme de Sergy est
-morte? QueUe heure était-il?
— On ne l'a pas su au juste, dit Lucie;
ce devait être de dix heures à dix heures
trois quarts.
— Elle était seule ?
— Oui, depuis dix heures, heure à la-
quelle je l'avais quittée.
— Reprenons les choses dès le matin,
dit Robert. Si j'ai bonne mémoire, c'est ce
même jour — 13 octobre — que Mme de
Sergy avait reçu, par le courrier du matin,
la lettre dans laquelle Lucien lui annonçait
son retour? •
- C'est ce jour-là même, répondit Lu-
cie. Je me rappelle, comme si c'était hier,
que ma pauvre mère me fit appeler vers
huit heures et demie, pour me dire la
bonne nouvelle et me faire lire la lettre. Elle
était toute rayonnante de bonheur. Je lui
dis de prendre garde et de se calmer, car
elle était bien souffrante. Elle me répliqua
que la joie ne pouvait faire mal.
— Ta lettre, Lucien, annonçait-elle ton
retour pour une date fixe?
— Ma lettre, dit Lucien, était rartie par
le packet qui avait précédé celui qui m'a-
menait moi-même; et elle disait qu'au mo-
ment où elle parviendrait à son adresse,
je serais depuis trois jours on route, et que
j'arriverais à Paris huit ou neuf jours
après.
- Bien ! dit Robert, qui pesait toutes ces
réponses avec une attention et une ré-
flexion profondes. La journée s'est passée
sans incident notable, je crois ? Mme do
Sergy se sentait-elle plus mal ?
— Elle était très émue, dit Lucie, et elle
parlait avec plus d'animation que d'habi-
tude, mais elle n'était pas plus mal. Ce-
pendant elle avait essayé de dormir, mais
le sommeil n'était pas venu.
— Venons maintenant à la soirée, reprit'
Robert. Qui a-t-elle vu ce soir-là?
—D'abord Balda. je l'appelais de ce nom
dans ce temps-la.
— Mlle Balda venait elle donc habituel-
lement dans l'appartement de votre mère?
— Ifon, c'était très rare, au contraire;
je puis même dire qu'elle n'y entrait pres-
que jamais. Elle a insisté pour attendre
dans le salon maman, qui était encore
dans sa chambre. Elle a dit, le lendemain,
qu'elle avait tenu à la féliciter du retour
de Lucien.
- Personne n'a assisté à la conversation
entre Mme de Sergy et Mlle Balda?
- Personne; mais maman a dû s'irriter,
reu?porter même; car Balda en sortant,
est all& prier mon père d'entrer che.:
elle avant d'aller au cercle, pour la câl-
~eï'.
Robert'-demeura une .0.11 deux minutes
pensif, avant de reprendre :
- Et M. de Sergy est resté, en effet, et
vous-même, Lucie, vous êtes entrée après
lui chez votre mère?
— Oui, mon père est sorti près d'une
demi-heure avec maman; il a dit qu'il
l'avait trouvée très nerveuse et très agitée,
qu'il n'y avait pourtant pas eu entre eux
de querelle, mais seulement une discus-
laissée apaisée, et même attendrie, Quand,
sion assez vive, après laquelle il l'avait
à mon tour, avant de partir pour la soi-
rée de de Soianges. je suis entrée
Z) Baidi m'avait re-
commande de n'y pas manquer, mais sa
recoinmiaiîdation. était bien superflue.
- Ali i !Mlle lîûlda vous avait fait cette
recomftlrmdation? i-uterre;nipil Robert.
— Et ce n'était pas beaucoup la peine,
cèmme vo^pensezi». Quand je suis donc
entrée, j'ai trouve maman absorbée et
comme anéantie ; mats elle s'est animée
ensuite, et j'ni eu. depui-, le regret, et pres-
que le remords, de penser que je lui avais
dit, au sujet do L<:cien, des chose:, qui
âv'alenl tlù l'émouvoir plus que sans doute
il Ù';:it LJl¡¡.'
- C'étaient ia, de fait. bien dei émo-
tions coup sur coup !.. — Et, dites-moi,
M!!a Balda savait-olio-, le uratm.-que vous
deviez sVr'lir ce * soir-là?"
- Naturellement. L'i'r.'ii,at;on ds Mme
de Solàn^es remontait à une semaine, f:t
il avait é-.é déci.lé, la veille, que j'irais à
Robert, de nouveau, garda un instant le
silence, puis demanda :
— Après vous, personne n'a vu votre
mère?
— Seulement la femme de chambre, à
qui elle a recommandé de la laisser se re-
poser. Julie est descendue à l'office, où
elle est restée à souper et à causer avec
les autres domestiques. Elle est remontée
a dix heures trois quarts, elle est entrée
dans le salon tout doucement, et elle a cru
d'abord que maman était endormie. Elle
s'est approchée sur la pointe du pied ; elle
l'a vue blanche, droite, immobile, du sang
aux lèvres. Elle a couru; elle a appelé au
secours; on est venu. Maman était morte.
— M. de Sergy étant au cercle, vous à
votre soirée, il n'y avait alors à l'hôtel,
avec les domestiques, que Mlle Balda, —
qui, probablement, s'etait retirée dans sa
chambre?
- Oui; on est allé l'appeler; elle était
en train de lire. Quand nous sommes arri-
vé1, mon père et moi, nous l'avons trou-
vée bien désolée et bien pâle.
Après une nouvelle pause, Robert reprit:
— On a fait l'autopsie, n'est-ce pas?
— Oui, le surlendemain.
— Et on a constaté?..,
— Qac la mort avait été causée par la
rupture d'un anévrisme.
Robert se tut, cette fois, assez long-
temps. Lucien et Lucie le regardaient avec
anxiété. Il paraissait hésiter à poser une
dernière question.
enfin, si Mlle Balda était sortie ce jour-
là?
— Je ne sais trop. répondit Lucie. At-
tendez, que je me rappelle. Oui, je crois
bien qu'elle est sortie. le matin. avanl
le déjeuner.
— Et vous ne vous rappelez pas, pat
hasard, quelle toilette elle avait?
— Exactement, non ; — mais ce devait
être une toilette sombre.
Robert eut un tressaillement. Lucien lui
saisit le bras avec une violence inouïe, les
lèvres serrées, les yeux pleins de flamme.
— Que crois-tu? s'écria-t-il.
Puis il s'arrêta, et reprit d'une vois
sourde, avec un accent de menace si ef-
frayant, que Robert lui-même se sentil
frissonner.
— Ma mère a été empoisonnée!
Il y eut un moment de silence solennel.
Lucie, plus immobile qu'une statue, ne
quittait pas des yeux le visage de Robert.
Robert, qui avait tenu la tête baissée
pendant la demande de Lucien, se redres-
sa, regarda Lucie d'abord, Lucien ensuil8&
avec une expression étrange ; puis, faisant
le geste d'un homme qui prend une réso*
lution, il répondit d'une voix grave et
ferme :
— Tu te trompes. Je t'affirme que l'au-
topsie n'a pas fait erreur, et que Mme da
Sergy est morte de la rupture d'un ané"
vrisine 1 - „
* TRJV ABSENT.
( A suivre. )
1
I.,e' iramm 1 t^f-c«icnis -s 15 c.
r
15 Nivôse an 85 — N» 21492
",. ■■ — —
, RÉDACTION
S'adresser au Secrctaire da la Rédaction
: De 4 à 6 heures du soir
18, nts DI! VALOIS, ta
tes manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ANNONCES
o. Ch. LAIUIANGI;, ŒUF et C'
6, Butirse, 6
LE RAPPEL
> ADMINISTRATION -
Il -a. M'UB DE VALOIS, il
0
1 «BoaxïncHTS
Finis
Trois mois. 10 »
S:x tflui. 20 »
DKPARTEMEXTI
Trois mois. 13 5V
Six mois 21 *
- : Adresser lettres et mandats i
1 A M. ERNEST LEFÈVRE
Anttl.StdTiUTliUJl-GKllA.NT
HUMILITÉ CHRÉTIENNE
Supposez que je vienne vous dire :
« Nous deux Jésus-Christ. », qu'est-ce
que vous penseriez? Vous penseriez évi-
demment que c'est une fière fatuité à
moi de m'assimiler a celui que des mil-
lions d'hommes croient Dieu. Eh bien,
ce que vous prendriez pour le comblo
< de l'orgueil serait le comble de l'humi-
lité chrétienne.
Je vais vous le prouver. Quel est le
représentant le plus incontestable et le
plus reconnu du christianisme, et par
conséquent le représentant suprême de
l'humilité chrétienne, puisque l'huiui-
lité est le fond du christianisme? C'est
le pape. Or, écoutez ce que le pape
vient de répondre à une députation de
la noblesse romaine qui est al'ée lui
souhaiter la bonne année.
., Le pape a commencé la modestie de
sa réponse en exprimant sa fierté de
voir Ja noblesse romaine « lui faire une
couronne glorieuse x. Il a rappelé que
dans sa jeunesse il aimait à « fréquen-
ter les réunions aristocratiques » et quo
c'était généralement dans les soirées où
l'on n'admet pas les petites gens qu' « il
admirait de bons exemples à imiter».
Une pieuse mélancolie l'a pris à ce sou-
venir, et il s'est plaint de no plus pou-
voir « fréquenter d'assemblées ». Deux
raisons l'en empêchent : sa papauté et
l'état du monde. La première do ces
raisons s'explique d'elle-même : on con-
çoit qu'un pape n'aille guère au bal, et le
saint-père valsant serait un spectacle
dont on parlerait. Mais l'état du monde?
Oui, l'état du monde. L'état du monde en
général et de Rome en particulier est
tel que, si le pape mettait le pied hors
du Vatican, il serait immédiatement
massacré. C'est, ici que Pie IX s'assi-
mile à Jésus-Christ :
« Jésus-Christ, se trouvant en Gali-
lée. poussé par quelques-uns de ses
parents à se rendre en Judée et à Jéru-
salem , répondait qu'il ne pouvait y
aller. Allez, lui disaient-ils, allez donc
là aussi montrer vos miracles, afin que
ces populations si nombreuses puissent
en être frappées et admirer à leur tour
la grandeur de vos œuvres. Mais Jésus-
Christ disait : Tempus meum nondum
advenit: mon temps n'est pas encore
venu; mais il viendra, selon qu'il a
été réglé par mon Père. Il disait cela
propter metum JudæOT'lJm, lesquels jus-
qu'alors cherchaient à le tuer: non enim
volebat ill Judœam ambulare, quia qiioe-
rebant eUtn Judæi interficere.
» A moi aussi il a été dit (et cela m'a
été dit encore ces jours-ci) : Pourquoi
ne sortez-vous pas du Vatican? Il faut
répondre : Tempus meum nondum adve-
nit; et quant à présent, je ne puis sor-
tir : Propter metum Judœorum. Ce lieu
où je me trouve est la petite Galilée
dont je ne dois pas franchir les limites,
- '- ..-
et certainement il ne m'est pag donné
de mettre le pied hors de cette enceinte
du V*Uny&W JUtdow-
rum. »
Je néglige ce qu'il y a de « charita-
blo » de la part du chef d'une religion
qui fait de la charité envers le prochain
une des trois grandes vertus, à traiter
les Italiens d'assassins qui n'attendent
pour l'égorger que III premier pas
dans la rue. Je ne \"h.lX voir que ce
qu'il y a d' « humble » à dire : Jésus-
Christ et moi. ,
Humble? Mais4* oui. Et vous éton-
neriez beaucoup le souverain-pontife
en lui disant que son homélie n'est pas
d'une humilité parfaite. La preuve,
c'est qu'immédiatement après les pa-
roles que j'ai textuellement reproduites,
il a dit à ses visiteurs : « Efforçons-nous
» surtout d'imiter l'Enfant divin dans
» la vertu d'humilité, puisque le vice
» opposé est la cause principale des
» maux qui affligent l'Eglise et nous-
.» même. » Un pape qui a cette con-
science du mal qu'il ferait à l'Eglise
et de celui qu'il se ferait à lui-même en
manquant à l'humilité n'y manquerait
certainement pas, et c'est donc, comme
je disais, le comble de l'humilité chré-
tienne que de se comparer à Jésus-
Christ.
Et de fait, n'y a-t-il pas des côtés par
lesquels le pape est bien supérieur a
celui auquel il a la modestie de s'égaler?
D'abord, Jésus, qui a dit beaucoup
de choses excellentes, en a dit d'autres
qu'on peut hésiter à croire. Quand, par
exemple, il propose aux hommes
l'exemple du lys qui, sans filer et sans
travailler, est cependant vêtu plus ma-
gnifiquement que Salomon dans toute
sa gloire, on peut, jusqu'à un certain
point, douter qu'il ait raison de con-
damner le travail et toute l'activité hu-
maine. Au lieu qu'il dépendrait du
pape, qui est infaillible, de faire croire
à tout ce qui n'est pas un affreux libre-
penseur que deux et deux font qua-
rante-huit et que le suffrage universel
a élu M. Buffet quatre fois le même
jour.
Et si, après l'autorité morale, on con-
sidère l'existence matérielle, quelle su-
périorité de Pie IX sur Jésus! Avec
quels yeux, du haut du denier de saint
Pierre, il doit regarder ce pauvre G al i-
léen dont les amis avaient besoin d'un
miracle pour pouvoir offrir à leurs invités
un verre de vin le jour de leur noce!
Comme il est mieux habillé ! Comme il
est autrement logé, et comme ce n'est
pas seulement lui qui n'accepterait pas
pour Vatican, comme le dernier des
évêques n'accepterait pas pour palais,
comme le dernier des curés do village
n'accepterait pas pour presbytère -
l'étable de Bethléem !
Avôuez que Jésus ne peut qu'être
flatté considérablement d'être l'égal
d'un pape si bien renté, si bien vêtu, si
bien logé, et infaillible pardessus le
marché.
AUGUSTE VACQUERIE.
x COULISSES DE VERSAILLES
Nous avions annoncé il y a quelques
jours que, suivant un usage constant, un
message du président de la République se-
rait lu aux Chambres li 9 janvier, à l'ou-
verture de la session ordinaire. Il paraît,
que le gouvernement incline maintenant à
ne pas faire de message.
On fait remarquer, en effet, qu'au point
de vue de la politique intérieure, le cabi-
net a exposé ses. vues par une manifesta-
tion trop récente pour qu'il y ait lieu de
renouveler à si peu d'intervalle une décla-
ration officielle. Quant à la politique ex-
térieure, qui se résume tout entière dans
les affaires d'Orient pour le moment, elle
n'a pas actuellement un caractère qui per-
mette d'en parler d'une manière explicite
dans un document ofiiciel.
Toutefois, rien de définitif n'est arrêté à
ce sujet: c'est seulement dans le prochain
conseil des ministres qu'on statuera..
—o—
On sait qu'aux termes de la Constitution,
les deux Chambres devront procéder au
renouvellement de leurs bureaux respec- f
t ifs, dont les pouvoirs sontexpirés avec
l'année 1876.
Au Sénat, l'éléction offrir* certain
intérêt. On sait qu'il y a un siège de vice-
président vacant, celui qu'a laissé M. Mar-
tel en entrant au ministère de la justice.
Le centre gauche réclame ce siège pour
l'un de ses membres, puisque M. Martel
était déjà au bureau le représentant du
groupe. Il propose la candidature du comte
Rampon.
La droite, enhardie par ses derniers suc-
ces : l'élection Chesnclong et le vote du
budget, veut, au contraire, résister à cette
légitime demande et tenter de s'emparer
de ce siège pour un de ses membres. On
va donc se compter de nouveau dans ce
scrutin.
Pour les autres membres du bureau,
il n'y aura pas lutte; la droite a re-
noncé à l'idée qu'elle avait eue primitive-
ment d'opposer M. Buffet au duc d'Au-
diffret-Pwsquier. Elle a compris que par
une telle entreprise elle s'exposait à un
échec certain. Il est peu probable, en effet,
que le centre droit veuille abandonner le
président actuel du Sénat, qui d'autre part
est à peu près assuré des suffrages de la
gauche.
A la Chambre des députés, il n'y aura de
compétition que pour les postes de ques-
teurs. L'Union républicaine, n'étant pas
représentée dans la questure, veut oppo-
ser un concurrent au colonel Denfert
qu'on représente à tort comme lui appar-
tenant et qui ne fait partie que de la gau-
che. Ott co dernier groupe a déjà M. Mar-
gaine pour représentant. Quant au centre
gauche, on sait qu'il est représenté par
M. Gailly.
Quelques-uns des secrétaires se propo-
sent, paraît-il, de suivre les usages parle-
mentaires, en donnant leur démission
pour permettre l'élection d'autres mem-
bres de la Chambre.
Quant à la présidence, elle ne sera pas
contestée à M. Jules Grévy, mais un cer-
tain nombre de députés se proposent de
ne pas voter pou" lui, et de déposer dans
l'urne un bulletin blanc. Ils veulent ainsi
marquer leur désapprobation pour le man-
que d'énergie dont M. Grévy a fait preuve,
depuis un an, dans un trop grand nom'.
Aux renseignements que nous avons
donnés il y a quelques jours sur le mouve-
ment préfectoral en préparation, nous
pouvons ajouter quelques détails complé-
mentaires. A MM. Poubelle, Audoy et
Amiard, que M. Jules Simon va faire ren-
trer dans l'administration préfectorale, il
faut joindre M. Emile Laurent, ancien
préfet de la Dordogne et ancien secrétaire
général de la préfecture de la Seine.
On annonce divers déplacements, no-
tamment celui de M. Glaize, qui quitterait
la préfecture de la Corrèze pour celle de
l'Aude, où il a été déjà secrétaire général.
- Ce mouvement a" été soumis hier au
jRons^, dÈ^ »»nistrès parj.& ministre do
l'intérieur ; il paraîtra (l i07*4 la fin d.è la
semaine au Journal officiels ,.
-O- ;
.u j. - ~.m-
18 MAM PARTI DES LACHEURS ».
Vous les connaissez, lecteur?' Depuis
un an, on ne voit qiw1. leurs ligures, on
n'entend quo leurs voix, on n'aperçoit
que les résultats de leurs prouesses. A la
-tribune, dans les couloirs dus Assem-
blées, dans la presse, quelque part que
Cfl soit, ils pullulent, ils tremblent, ils
dissertent. Si la Chambre s'est laissé
peu à peu annuler, si le scrutin de fé-
vrier n'a pas eu la moitié de ses effets
légilimes, si le parti de combat est plus
vivant que jamais, uous le leur de-
vons.
- Un enfant les reconnaîtrait. Ce sont
des gens craintifs et doctoraux, qui ont
-érigé leur frisson ordinaire en sagesse
et leur faiblesse eu système. Ils ont
l'effarement pédantesque, et leur im-
prévoyance gourmande gravement les
autres. Ils ont surtout le besoin do
triompher à -grand fripa-, chaque fois
qu'ils ohfrrfthporté celte hÜ:!J vic'.oire
sur eux-mêmes de signer une capitula-
tion do plus., La victoire est pourtant
médiocre, et ne leur a pas coûté de
grands efforts; car ils n'ont fait en cela
que suivre le penchant irrésistible de
leur nature.
Nous les avions perdus de vue depuis
près do deux jours : le jour ue l'an les
a mis en verve : i's ont voulu donner
un tableau d'ensemble de leur politi-
que ; le sénateur qui écrit de Versail-
les au journal le Temps s'en est chargé.
Il a éprouvé le besoin de se retourner
et de jeter un coup d'ceii sur l'année qui
vient de finir. Il a tenu à se rappeler
— avec quelle volupté intime. on le
devine - toutes L's défaillances com-
mises; il a osé regarder en face les ra-
res actes d Î fermage de l'année pour
leur dire leur fuit uns fois dc plnô.
Il y a, dans ce curieux examen, de
véritables mots de comédie : suivons
rapidement ce sénateur dans sa revue.
Quand oii examina faits et gestes
de la Chambre républicaine, une pre-
mière remarque s'impose : c'est qu'elle
n'a rien réformé ni voulu réformer ; au
contraire. En supposant que le Sénat
n'eût pas reformé les projets :'JI"': la
Chambre lui envoyait, notre législation
serait ce qu'elle était six mois après la
chute de M. Thiers : elle serait même
moins libérale.
Tous les projets de réforme ont été
ou écartés oj ajournés. Li pre^sj est
encore sous le régime de la loi Buff.-ît-
Dufaure. Les associations, les réunions
sont encore liées des méni i; entraves.
L'amnistie la plus restreint j, celio que
demandaient M. de Pressensé et quel-
ques-uns de ses collègue.» dll. contre
gauche, a vehoué miséiMb'^n vit. On
n'a voté sur la cessait )rt le poursuites
qu'une loi purement platonique. La
Chambre n'a abordé sérieusement que
trois questions : celte des aumôniers de
l'armée (à propos du budget), relie de
l'enseignement supérieur et celle des
maires, par voie l';-ô!'il.ttive,
Si elle les avait tranchées tontes les
trois dans Je sens le, plus absolu, c-lie
n'aurait x.iit.quo nous ramener à l'état il 3
chose&existant, au mois de janvier 1874,
après sept ou huit mois d'ordre moral:
époque où aucune des lois qu'on vou-
lait abroger n'existait encore. — Mais
on saitqu'elle ne l'a mémo pas fait., et
qu'elle a capitulé à demi sur la ques-
tion des maires. -
Telle fut l'œuvre de la Chambre.
Non-seulement elle s'est refusée à cor-
riger aucun des abus dont on réclamait
la réforme depuis longtemps, mais en-
core elle n'a pas ose revenir complète-
ment sur les derniers et les plus scan-
daleux excès législatifs du régime de
combat.
Je ne discute ni les motifs ni les ré-
sultats di sa conduite. Je no veux ni
l'accuser, ni la louer. Je constate le fa:.t,
et. je mets à côté l'appréciation du ré-
dacteur du Ton s:
« C'était sonner trop haut do latrom-
pette, prendre avec trop d'emphase le
rôle do réformateur, soulever trop de
difficultés, donner sur soi trop de prise.
Il était bon que la République s'annon-
çât comme décidée à réformer des abus,
il était intilile, et dangereux de se don-
ner des airs de Constituante appelée à
tout renouveler. »
Est-ce assez complet? Est-ce assez
beau? Quelle leçon! Voilh ce que la
Chambre a gagné à sacrifier toutes les
revendications do l'opiuioll. Elle n'a
touché à rien; élle cru mériter au
moins la réputation do Chambre
inoffensive et soucieuse de ne rien
déranger; elle a presque désarm? le
Sénat de conlbat"p:u* son hvniîiîé: elle
n'a pas désarmé l'organe autorisé des
« lâcheurs » de gauche, qui trouve en-
core qu'elle prend des airs de Consti-
tuante, et qui s'écrie, dans son trans-
port imagé : « Quelle trompette ! »'
Il e.st vrai qu'il loue après « l'excel-
lente tenue de la Chambre dans la ques-
tion d'amnistie ». Et ii ajoute : « La
majorité ne se laissa ni séduire par les
déclamations, ni intimider par les me-
naces. » Depuis qu'il a été nommé sé-
nateur à vie par des radicaux, ce cor-
respondant de Versailles aime terrible-
ment à calomnier ses ancien ; électeurs.
Si. à défaut de gratitude, ii avait des
.-ouv. nil'5l,1u; exacJs, il se rappellerait
que, dans, touto la discussion de l'am-
nistie, il n'y a pas eu l'ombre d'une me-
nace.
.°::;
Restent l'attitude de la Chambre du-
rant la crise ministérielle et sa récente
abdication devant le Sénat. On devine
l'opinion du sénateur à vie sur ces deux
points : bUme énergique sur le premier,
approbation sans réserve sur le se-
con d. - »
Sur la crise ministérielle, notre mo-
déré a un mot qui dit tout : « On a
mauvaise grâce à parler do prudence,
lorsque c'est la témérité qui a réussi. »
La témérité! ô l'homme admirable! Il
paraît qu'en réclamant — quoi? l'im-
possible? - non, l'exécution du ré-
gime parlementaire. comme dans une
monarchie libre, on « faisait courir de
grands périls à la République »). Ceux
qiet ne l'ont pas vu sont « des esprits
extrêmes, incapables d'embrasser plus
d'une idée à la fois ». Tandis que le
rédacteur du Temps embrasse tout un
régiment. On ne régente pas les autres
avec plus d'infatuation.
Que faut-il donc pour faire entrer
l'idée la plus claire dans l'esprit d'un
trembleur? Ici, la preuve a été faite,
comme elle l'est rarement on politique.
On courait des dangers énormes! cric
notre magister. Eh bien ! voici ce qui
s'est produit, au vu et au su do tout ie
monde : le président a appelé dans ses
conseils les hommes de combat, il leur
a demandé leur avis, et ce sont eux,
c'est M. de Drogic, ce sont ses pareils
et ses amis, qui ont dit a la présidence,
coLïime ils le disaient partout : « Le
temps n'est pas encore venu pour nous ;
nous nous sentons impuissants à l'heure
actuelle ; nous n'avons absolument au.
cune chance do succès. » Malgré toutei
leurs illusions, tout leur acharnement
toute leur impatience, toi fut leur lan-
gage. et cela ne suffit point pour* em-
pêcher notre sénateur de frissonner
comme un peuplier, en souvenir du
danger couru pendant cotte période!
le
4 d
Nous avons eu récemment à nom
expliquer sur l'abdication da la Cham-
bre en matière do budget. Cependant,
nos « modérés) tiennent un langag.j
trop surprenant pour qu'on ne le relève
point. De leur aveu, de l'aveu du Temps,
de l'aveu du sénateur qui écrit de Ver-
sailles, la Chambre a cédé son droit for-
mel, et laissé violer un article do la
Constitution. Elle a tout abandonné,
sans acquérir en retour même une ga-
rantie de repos pour l'avenir. Vous at-
tendez que ceux qui la défendent vonl
dire : « C'est fâcheux, mais c'était néces-
saire : l'intérêt. du pays l'exiocait. »
Point du tout, ils triomphent, ils em-
bauchent cette fameuse trompette qu'ils
prêtaient tout à l'heure à la Chambre,
ils s'écrient : « Quelle victoire !. Nous
ne saurions trop nous féliciter de cet
admirabl e résultat, etc., etc. » J'ai vu
des républicains se frotter les mai 1*.
après Ja séance du Sénat où M. Pouyer*
Quertier avait lu son bulletin do vic-
toire sur la Chambre : ils étaient ou-
chanta; de voir qu'on ne les mangeait
pas tout à fait !
Voilà où en sont venus certains es-
prits. Ou a besoin de sa rappeler la
iorce de la République d le bon sens
du pays, pour n'être pas inquiet, quand
ou songe aux lourdes fautes qu'ils peu-
vent commettre.
CAMILLE PET.L'iTAN.
————————— O
LE DESPOTISME PATERïSL :
Il importe de relever la théorie que M. le
ministre de l'intérieur vient d'exposer, à
propos de l'arrêté Welehe, à MM. Miilaudet
Guyot. Ce n'est pas la première fois qu'elle
se produit, et il en est peu do plus dange-
reuses. Nous sommes persuadé que M. le -
ministre s'en est servi sans se rendre
compte de sa portée. ;
On sait quelles critiques trop légitimes
ont accueilli l'arrête de l'inébranlable M. --
Welche. Nous les avons formulées ici mô-
me, pour notre part, avec une vivacité bien
naturelle devant une pareille déception.
Nous avons relevé article par article cette
réglementation qui étendait..i tous les en-
terrements ce que M. Ducros avait réservé
aux enterrements civils, et qui ne donnait
l'égalité qu'à là condition de la donner
dans la servitude; cette censure préalable
des discours, cette interdiction des quêtes
et des emblèmes, symboles, etc., etc. Evi-
demment, il n'y avait qu'à abroger cet ar-
rêté comme il avait lui-même abrogé l'ar-
rêté Ducros. Il fallait apprendre à l'indes-
tructible M. Weiche qu'on ne réglementa
pas sous la République constitutionnelle
comme souî l'ordre moral.
Au lieu de cela, que répond M. Jules Si-
mon aux réclamations des députés du
Rhône ? Que le règlement de l'indéracina-
ble M. Welche ne sera pas abrogé, mais
qu'on veillera à ce qu'il soit appliqué d'une
façon libérale. Il ne faut pas se payer do
mots : ce ne serait là qu'un des aspects da
la théorie du despotisme paternel.
Le despotisme paternel vous dit: —Sans
doute je suis le maître absolu et je peux
faire de mes sujets ce qu'il me plaira:* j'ai
tous les droits et tous les pouvoirs; mon
arsenal est rempli des armes les plus for-
midables, les unes aiguisées comme des
Feuilleton du RAPPEL
DU 5 JANVIER
20
LA BRESILIENNE
ROMAN PARISIEN
\*
'-'~a~MQ'~t!
Le frère et la sœur étaient fort inquiets,
ie lendemain, en attendant la venue de
Robert. Il voulait interroger de nouveau
Lucie sur les circonstances de la mort de
sa mère! dans quel but? et qu'est-ce qui
pouvait motiver, dix-huit mois après l'é-
vénement, cette sorte d'enquête?
M. de Sergy, qui croyait devoir à son
nom légitimiste d'être religieux, et à ses
opinions conservatrices çle donner au peu-
ple l'exemple du respect des « choses sa-
crées Il, était à la messe avec Balda et An-
gelina. Robert arriva, demanda Lucien, et
fut introduit auprès de son ami. Puis, les
domestiques écartés, Lucien alla chercher
sa sœur, qui occupait au second étage, on
se le rappelle, l'appartement contigu au
sien.
— Nous n'avons pas de temps à perdre,
Droits de reproduction et de traduction
réservés.
u Voir le Rappel du 16 décembre au '.mvier.
dit tout aussitôt Robert; veuillez donc,
mes amis, ne pas me questionner d'abord,
et bornez-vous, ma chère Lucie, à me ré-
pondre. Vous m'avez dit déjà, et plus d'une
fois, de quelle façon imprévue et doulou-
reuse vous aviez perdu votre mère; mais
j'ai besoin aujourd'hui de rassembler et de
coordonner dans mon esprit les détails de
cette mort subite; ayez donc la bonté de
-me les rappeler encore. C'est dans la soi-
rée, n'est-ce pas, que Mme de Sergy est
-morte? QueUe heure était-il?
— On ne l'a pas su au juste, dit Lucie;
ce devait être de dix heures à dix heures
trois quarts.
— Elle était seule ?
— Oui, depuis dix heures, heure à la-
quelle je l'avais quittée.
— Reprenons les choses dès le matin,
dit Robert. Si j'ai bonne mémoire, c'est ce
même jour — 13 octobre — que Mme de
Sergy avait reçu, par le courrier du matin,
la lettre dans laquelle Lucien lui annonçait
son retour? •
- C'est ce jour-là même, répondit Lu-
cie. Je me rappelle, comme si c'était hier,
que ma pauvre mère me fit appeler vers
huit heures et demie, pour me dire la
bonne nouvelle et me faire lire la lettre. Elle
était toute rayonnante de bonheur. Je lui
dis de prendre garde et de se calmer, car
elle était bien souffrante. Elle me répliqua
que la joie ne pouvait faire mal.
— Ta lettre, Lucien, annonçait-elle ton
retour pour une date fixe?
— Ma lettre, dit Lucien, était rartie par
le packet qui avait précédé celui qui m'a-
menait moi-même; et elle disait qu'au mo-
ment où elle parviendrait à son adresse,
je serais depuis trois jours on route, et que
j'arriverais à Paris huit ou neuf jours
après.
- Bien ! dit Robert, qui pesait toutes ces
réponses avec une attention et une ré-
flexion profondes. La journée s'est passée
sans incident notable, je crois ? Mme do
Sergy se sentait-elle plus mal ?
— Elle était très émue, dit Lucie, et elle
parlait avec plus d'animation que d'habi-
tude, mais elle n'était pas plus mal. Ce-
pendant elle avait essayé de dormir, mais
le sommeil n'était pas venu.
— Venons maintenant à la soirée, reprit'
Robert. Qui a-t-elle vu ce soir-là?
—D'abord Balda. je l'appelais de ce nom
dans ce temps-la.
— Mlle Balda venait elle donc habituel-
lement dans l'appartement de votre mère?
— Ifon, c'était très rare, au contraire;
je puis même dire qu'elle n'y entrait pres-
que jamais. Elle a insisté pour attendre
dans le salon maman, qui était encore
dans sa chambre. Elle a dit, le lendemain,
qu'elle avait tenu à la féliciter du retour
de Lucien.
- Personne n'a assisté à la conversation
entre Mme de Sergy et Mlle Balda?
- Personne; mais maman a dû s'irriter,
reu?porter même; car Balda en sortant,
est all& prier mon père d'entrer che.:
elle avant d'aller au cercle, pour la câl-
~eï'.
Robert'-demeura une .0.11 deux minutes
pensif, avant de reprendre :
- Et M. de Sergy est resté, en effet, et
vous-même, Lucie, vous êtes entrée après
lui chez votre mère?
— Oui, mon père est sorti près d'une
demi-heure avec maman; il a dit qu'il
l'avait trouvée très nerveuse et très agitée,
qu'il n'y avait pourtant pas eu entre eux
de querelle, mais seulement une discus-
laissée apaisée, et même attendrie, Quand,
sion assez vive, après laquelle il l'avait
à mon tour, avant de partir pour la soi-
rée de de Soianges. je suis entrée
Z) Baidi m'avait re-
commande de n'y pas manquer, mais sa
recoinmiaiîdation. était bien superflue.
- Ali i !Mlle lîûlda vous avait fait cette
recomftlrmdation? i-uterre;nipil Robert.
— Et ce n'était pas beaucoup la peine,
cèmme vo^pensezi». Quand je suis donc
entrée, j'ai trouve maman absorbée et
comme anéantie ; mats elle s'est animée
ensuite, et j'ni eu. depui-, le regret, et pres-
que le remords, de penser que je lui avais
dit, au sujet do L<:cien, des chose:, qui
âv'alenl tlù l'émouvoir plus que sans doute
il Ù';:it LJl¡¡.'
- C'étaient ia, de fait. bien dei émo-
tions coup sur coup !.. — Et, dites-moi,
M!!a Balda savait-olio-, le uratm.-que vous
deviez sVr'lir ce * soir-là?"
- Naturellement. L'i'r.'ii,at;on ds Mme
de Solàn^es remontait à une semaine, f:t
il avait é-.é déci.lé, la veille, que j'irais à
Robert, de nouveau, garda un instant le
silence, puis demanda :
— Après vous, personne n'a vu votre
mère?
— Seulement la femme de chambre, à
qui elle a recommandé de la laisser se re-
poser. Julie est descendue à l'office, où
elle est restée à souper et à causer avec
les autres domestiques. Elle est remontée
a dix heures trois quarts, elle est entrée
dans le salon tout doucement, et elle a cru
d'abord que maman était endormie. Elle
s'est approchée sur la pointe du pied ; elle
l'a vue blanche, droite, immobile, du sang
aux lèvres. Elle a couru; elle a appelé au
secours; on est venu. Maman était morte.
— M. de Sergy étant au cercle, vous à
votre soirée, il n'y avait alors à l'hôtel,
avec les domestiques, que Mlle Balda, —
qui, probablement, s'etait retirée dans sa
chambre?
- Oui; on est allé l'appeler; elle était
en train de lire. Quand nous sommes arri-
vé1, mon père et moi, nous l'avons trou-
vée bien désolée et bien pâle.
Après une nouvelle pause, Robert reprit:
— On a fait l'autopsie, n'est-ce pas?
— Oui, le surlendemain.
— Et on a constaté?..,
— Qac la mort avait été causée par la
rupture d'un anévrisme.
Robert se tut, cette fois, assez long-
temps. Lucien et Lucie le regardaient avec
anxiété. Il paraissait hésiter à poser une
dernière question.
enfin, si Mlle Balda était sortie ce jour-
là?
— Je ne sais trop. répondit Lucie. At-
tendez, que je me rappelle. Oui, je crois
bien qu'elle est sortie. le matin. avanl
le déjeuner.
— Et vous ne vous rappelez pas, pat
hasard, quelle toilette elle avait?
— Exactement, non ; — mais ce devait
être une toilette sombre.
Robert eut un tressaillement. Lucien lui
saisit le bras avec une violence inouïe, les
lèvres serrées, les yeux pleins de flamme.
— Que crois-tu? s'écria-t-il.
Puis il s'arrêta, et reprit d'une vois
sourde, avec un accent de menace si ef-
frayant, que Robert lui-même se sentil
frissonner.
— Ma mère a été empoisonnée!
Il y eut un moment de silence solennel.
Lucie, plus immobile qu'une statue, ne
quittait pas des yeux le visage de Robert.
Robert, qui avait tenu la tête baissée
pendant la demande de Lucien, se redres-
sa, regarda Lucie d'abord, Lucien ensuil8&
avec une expression étrange ; puis, faisant
le geste d'un homme qui prend une réso*
lution, il répondit d'une voix grave et
ferme :
— Tu te trompes. Je t'affirme que l'au-
topsie n'a pas fait erreur, et que Mme da
Sergy est morte de la rupture d'un ané"
vrisine 1 - „
* TRJV ABSENT.
( A suivre. )
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires Polo François Polo François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Polo François" or dc.contributor adj "Polo François")Flan Alexandre Flan Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Flan Alexandre" or dc.contributor adj "Flan Alexandre")
- Auteurs similaires Polo François Polo François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Polo François" or dc.contributor adj "Polo François")Flan Alexandre Flan Alexandre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Flan Alexandre" or dc.contributor adj "Flan Alexandre")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75288094/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75288094/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75288094/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75288094/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75288094
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75288094
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75288094/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest