Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-05-23
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 mai 1892 23 mai 1892
Description : 1892/05/23 (N4570,A14). 1892/05/23 (N4570,A14).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75250170
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
1
QUATORZIÈME ANNÉE-NUMERO 4570 Un Numéro : Paris, 15 cent. — Départexnents, 20 cent. LUNDI 23 MAI 1892
A. DUMONT. Fondateur
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le lendemain. — J. janin, préface de GilBlas.
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SOMMAIRE
IL MARCHESE. — Hugues Le Bouz.
LE CANARD SAUVAGE.— Maurice Bollinat.
LE CAPITAINE SCHOUM. — Marcel EHeureux.
LA FUMISTERIE DE M. ROULEZ. — Edmond Le
Roy.
COULISSES DE LA FINANCE. — Don Caprice.
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS. — Léon Bernard-
Derosne.
LA SOIRÉE PARISIENNE. — Richard O'Monroy.
PROPOS DE COULISSES. — Gaultier-Garguille.
FEUILLETON : CLAUDINE LAMOUR : Camille Le-
monnier.
IL MBCHESE
Sûrement c'était un beau cocher.
Son feutre mou et gris lui couvrait
les yeux d'ombre, soulevé sur les oreil-
les par la masse frisée des cheveux.
Quand il l'ôtait, pour saluer, avec une
grâce fière, ces cheveux italiens, noirs,
embroussaillés, luisants d'huile d'olive,
apparaissaient divisés au milieu du front
par une raie profonde, poussiéreuse
vers la nuque ; ses yeux étaient bruns,
pleins d'or, amoureux comme une séré-
nade ; les pointes de ses sourcils collées
et relevées à la Méphisto, ainsi que les
crocs de ses moustaches. Il riait volon-
tiers en montrant des dents blanches. Sa
cravate bleu-pâle retenait un col un peu
gras, sans bouton. Et, comme il prenait
du ventre, sa chemise flottait par-dessus
ga ceinture de couleur, entre les deux
pans du gilet déboutonné.
Sa victoria était attelée d'un cheval
gris. Il le coiffait à la mode du pays,
d'un chapeau de paille bordé de rouge,
troué sur le côté pour le passage des
oreilles. Les guides étaient de lin tissé,
trempé dans le safran. Et quand l'homme
se levait sur le siège pour appeler la
pratique, avec son chapeau gris, sa cra-
vate bleue, ses guides jaunes, son bedon
bombant sous la ceinture rouge, il sem-
blait quelque oiseau des Iles, un ara ja-
casseur, éblouissant dans le soleil.
Quand, de loin, sur la route de Vinti-
mille, il avait aperçu notre voiture de
poste, toute chargée de malles, il avait
sauté lestement au bas de son siège, et
il était venu guetter a la grille de la
villa pour ouvrir la portière, tendre la
main aux dames. Je fouillais déjà dans
mon gousset pour lui donner un pour-
boire, mais il eut un geste de refus, si
élégant, si noble, que je fus tout mor-
tifié de mon erreur. Les gentlemen de
chez nous montent bien sur les mail-
coachs pour jouer aux cochers de dili-
gence, il n'était pas impossible qu'un
gentilhomme ligure amusât ses loisirs à
conduire un fiacre.
Le galant cocher mit le comble à mon
embarras en disant :
— Si Votre Excellence désire visiter
les environs, je suis tout à son ser-
vice.
Il saluait le chapeau au bout du bras,
le ventre subitement disparu dans sa
révérence.
— Et qui demanderai-je, s'il vous
plaît?
Un sourire illumina tout ensemble les
dents et les yeux du beau brun. Il pro-
nonça sur un ton d'égalité et de confi-
dence :
— Vous demanderez il Marchese,- le
marquis.
A partir de ce jour, tous les matins,
quand je sortais pour marcher sur la
route de Rome jusqu'à la chapelle de
Santo Ampelio, je trouvais mon cocher
en sentinelle devant la grille. Il m'in-
terpellait de sa voix joyeuse :
— Eh bien, Votre Excellence, où vais-
je vous conduire aujourd'hui? A San-
Remo? A Valle-Crosia? Au Soburgo?
A Ospedaletti ?
— J'ai vu tout cela.
— Votre Excellence n'a pas visité le
Château.
- Quel Château ?
—. Le Château!
Il faisait un geste dans la direction de
Vintimille.
— J'aimerais mieux conduire Votre
Excellence au Château pour rien que de
la laisser partir, avant cette visite.
Il insista tant qu'un matin de soleil,
je me décidai a l'excursion.
Comme à l'ordinaire, il attendait ma
sortie devant la porte; seulement, il s'é-
tait un peu endormi sur son siège, et
tout un essaim de mouches se prome-
nait sur son visage d'or, attiré par la
graisse de ses cheveux. Je lui touchai
la cuisse, et il se réveilla en sursaut.
* — Eh bien ! nous allons au Château.
— Au Castell'Doria ?
Il secoua si vigoureusement ses gui-
des jaunes que le vieux cheval gris bon-
dit entre les brancards, dressant plus
haut que le siège sa tête fantomatique,
coiffée d'un yokohama.
Ah ! il la connaissait la route, le che-
val gris ! Chaque pierre, chaque olivier
du chemin ! Après qu'on a dépassé la
tannerie et le port, on tourne à droite,
on s'enfonce dans une gorge monta-
gneuse, le chemin, sans parapet, suit le
lit de la Nerva. En cette saison, le tor-
rent presque vide, roule entre des
champs de pierre et des bancs de sable,
rageur tout de même, rompu de casca-
des, de déchirures d'écume. Sur les pla-
ges de petit galet, des bandes de fem-
mes lavent, la croupe en l'air, brunes
dans le soleil, coiffées de foulards tapa-
geurs. Encaissant la route, les monta-
gnes s'élèvent sous des chevelures d'o-
rangers, d'oliviers pâles. Et les neiges
éternelles des Alpes, montent dans le
fond, au-dessus des nuages, dans le ciel
pur.
Soudain, à un tournant, un village
parut, groupé autour d'une église. Je
voulais mettre pied à terre, mais le
Marchese secoua la tête d'un air de mé-
pris.
— Non, non ! ça c'est Campo-Rosso,
Il vous faut pousser jusqu'à dolce Ac-
qua.
Il enveloppa sa bête d'un triomphant
coup de fouet. Et encore une fois le yo-
kohama m'apparut plus haut que le
siège.
Nous continuâmes de rouler lente-
ment, car la pente devient plus rude.
La route tourne avec le torrent, plonge
plus profondément dans la gorge. Et
tout à coup, derrière un profil de roc
écroulé : Dolce Acqua.
Joli nom! si frais dans l'ardeur du so-
leil, frissonnant comme ces eaux de
neiges fondues qui reflètent ici l'archi-
tecture du village. Un pont d'une seule
ogive, hardi comme un saut de chamois,
franchit la course effrénée de la Nerva.
Tout le bourg est derrière, une ruche
de maisons couvertes de tuiles rousses,
blotties au pied du Castello 'Doria, com-
me ces suppliants antiques qui venaient
chercher refnte contre les statues des
Dieux. Au-dessus de toutes ces terras-
ses lépreuses, étagées, la ruine lève ses
deux tours vers le ciel ainsi que des
bras qui demandent grâce. Les fenêtres
vides continuent de regarder la mer
lointaine. Elles épient la vallée. L'herbe
a poussé sur les tours ; les pointes des
cactus sortent par les meurtrières, où
se montraient jadis les canons des
mousquets. Il y a des ruines qui sont
des gueuses. Celle-ci est une princesse
désolée, figée dans sa gloire défunte,
une dame de grande route -qui continue
de surveiller l'horizon avec des yeux
clairs.
Le Marchese avait soigneusement
abrité son cheval à l'ombre du pont.
Sous le coussin de la voiture, il avait
pris une clef énorme. Et maintenant, il
montait devant nous une ruelle pleine
de nuit et de marches. Tout en haut, il
poussa une porte ; un potager parut cul-
tivé dans l'ancien rempart.
Je demandai au cocher :
— C'est vous qui avez la garde de la
ruine?
Il sourit et dit :
— Dame! je suis un peu chez moi,
ici.
— Votre famille a autrefois servi les
Doria ?
Il eut un geste plein de noblesse.
— Non. Mais 'j'ai épousé la marquise
Doria, une de leurs filles, la dernière du
nom.
Et comme je ne pouvais retenir un
mouvement de surprise, il fit d'un air
étonné :
— On ne vous a pas conté la chose, à
Bordighère ? Voilà : Elle et moi nous
nous aimions : Ses parents avaient perdu
toute leur fortune. Elle devait hériter
d'un oncle, qui a laissé tous ses biens
aux curés. Alors je l'ai conduite à l'é-
glise et depuis ce temps-là les gens d'ici
m'appellent le marquis.
Nous foulions les dalles de marbre
d'une merveilleuse galerie qui reliait la
salle d'honneur à la chapelle. Autrefois
des cuirs de Cordoue, des brocards, des
voiles de Gênes, de précieuses étoffes,
rapportées d'Orient, volées aux mar-
chands, pillées en mer sur des galères,
décoraient ce nid de vautours. Le reflet
des trophées d'armes et des aiguières
d'argent resplendissait entre ces piliers.
Et quand les pages soulevaient les lour-
des portières de tapisserie, à l'heure de
l'angelus, les vitraux de la galerie re-
gardaient de leurs yeux fulgurants pas-
ser la fière châtelaine, une Doria coiffée
du voile blanc des patriciennes de Gê-
nes — la farouche aïeule de cette petite
bâtarde, qui se consolait des gloires dé-
funtes dans les bras ronds de son beau
cocher.
Et mes yeux, malgré moi, étaient re-
venus se fixer sur le Marchese. Ilavait ôté
son feutre gris, la sueur et l'huile cou-
laient sur son front mêlées à un peu de
poussière. Lui aussi, il me guettait. Et,
sans doute, avec sa finesse italienne de
beau garçon à bonnes fortunes, il devina
mes pensées, car il dit d'une voix grave,
presque respectueuse :
— Ma femme est une vraie dame,
Votre Excellence, elle a une servante et
un chapeau.
HUGUES LE ROUX
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Nouvelles et Echos
AUJOURD'HUI
A i heure 30, courses à Chantilly. Pro-
nostics du Gil Blas :
Prix de la Reine-Blanche ; Congrès.
Prix du Gros-Chêne : Réveillé.
Prix des Ecuries : Sahel.
Prix de Diane : Fantasia.
Prix Hédouville : Gouverneur.
Prix de Royaumont : Cordoba.
Nouvelles mondaines :
Les comédies actuellement en répétition
prennent une très bonne tournure.
Chez la baronne Morio de l'Isle il y aura
deux représentations les 28 et 30 mai ; chez
madame Delamare-Didot, la Chercheuse
d'esprit sera représentée le 5 juin. Made-
moiselle Muller est aujourd'hui tout à fait
rétablie.
x
La duchesse douairière de Lu y nés, bien 1
que complètement rétablie de sa longue
indisposition de cet hiver, prolonge son sé-
jour dans sa villa de Cannes. Elle n'en re-
viendra qu'en juin pour assister aux fêtes
du mariage de sa sœur, mademoiselle Ma-
rie de la Rochefoucault avec le marquis
d'Harcourt.
X
La princesse Gortschakoff, née princesse
Stourdza, qui vient d'arriver à Bucarest, ne
restera que quelques jours en Roumanie.
Elle sera très prochainement de retour à
Paris, car on espère qn'elle donnera un
grand garden party dans son hôtel de la
rue de Varenne.
Le Bois de Boulogne semble depuis quel-
que temps un peu délaissé par les amou-
reux. Cela se comprend de reste, car on ne
peut pas faire dix pas sans rencontrer quel-
qu'un de connaissance. Aussi, c'est dans le
Bois de Vincennes maintenant que les cou-
ples libertins et adultères vont promener
leurs amours. Ces jours derniers — si nous
ne précisons pas davantage, c'est pour ne
pas être conspué — nous avons rencontré
en plein Bois, dans un petit coupé de l'Ur-
baine — cocher Paul — une grande et hon-
neste dame, demeurant du côté de l'Elysée,
en conversation très, mais très animée, avec
le comte de X., bien connu dans le monde
des amateurs et chez le Comte de Paris.
Toujours beaucoup de monde à l'Expo-
sition canine qui est décidément fort belle
cette année.
Rencontré hier autour des meutes de
MM. de Montsaulnin, de Rogatien-Leves-
que, de Talhouet, etc. MM. de Maulde,
Henri Desbordes, le vicomte R. de Ville-
bois-MareuiI, comte de Beauregard, le ba-
ron de Bizé, Maxime Champigny, de la
Borde, le comte de Céral, le comte et la
comtesse de Sombreuil, Dupuytrem, le
vicomte de Corberon, le prince de Join-
ville, la duchesse d'Uzès, la comtesse Jean
de Ganay, le marquis d'Imbleval, le comte
de Lambertye, le comte de Lastic Saint-
Jal, la marquise de Castellane, la comtesse
de Montsaulnin, le comte d'Arbouse, etc.
La fanfare des cors, qui était sous la di-
rection du comte de la Porte, a joué la
Rallye-Vendée, la Pendray, La Loge de
Raboué, etc.
INSTANTANÉS
MARIE-LOUISE MARSY
Semble avec ses cheveux comme orfèvrés,
sa rayonnante beauté, sa bouche épanouie,
savoureuse, ses coquetteries subtiles une de
ces blondes patriciennes qui se cambrent or-
gueilleusement dans les somptueux plafonds
de Véronèse. Débuta à la Comédie-Française
dans le rôle de Célimène où elle fut adorable
et femme jusqu'au bout des ongles avec une
pointe d'artificiel et de mignardise qui plut
aux raffinés. Abandonna ensuite un peu le
théâtre et se contenta d'être une des plus jo-
lies entre les Œ prôfessionnal beauties » qui
mènent la mode. Pensa même aller jusqu au
bout du roman, se marier et renoncer aux
planches, mais manqua le train et reprit sa
place dans la maison de Molière. D'une mo-
dernité aiguë, experte en toutes les élégances
et ne se contentant pas de jouer à fleur de
peau surtout les pièces qui sentent l'amour,
s'est révélée dans la « Mégère apprivoisée »
et dans la mélancolisante Froufrou comme
la grande sœur de Croizette. — R. M.
Bien amusante scène de rupture hier en-
tre deux amoureux que je vais essayer de
vous portraicturer, car vous devez les con-
naître.
Elle ? — Belle comme Vénus et coquette
comme une vraie Parisienne. Dix-huit ans
tout au plus, deux grands yeux bleus ado-
rables, une taille svelte et frêle, presque une
plume. Un petit air artiste et heureux de
femme qui voit les têtes se tourner sur son
passage.
Lui ? — Correct et très simple dans une
tenue de deuil très sévère; la physionomie
est expressive, le regard est clair et mali-
cieux, aux lèvres un sourire d'une morti-
fiante raillerie, le sourire d'un homme qui
connaît les femmes et les tient pour ce qu'el-
les valent.
Et devinez la cause de la rupture qui,
commencée rue Montorgueil, s'est terminée-
boulevard Saint-Germain; je vous la donne
en cent, je vous la donne en mille, vous ne
trouverez pas! Car elle n'est pas banale
cette cause, et les échos de Cythère ne l'en-
tendent pas souvent.
Aussi bien, la voilà : Il était trop beau,
trop gentil, trop aimable! Il satisfaisait trop
à ses moindres caprices.
Eh bien! qu'en dites-vous?
Plusieurs journaux, en parlant de la mort
de notre regretté ami Alexis Bouvier, le
font naître à Lyon. C'est une erreur, Bou-
vier était Parisien, il était né rue Moret. Ce
qui a donné lieu sans doute à cette méprise,
c'est que Bouvier a écrit la grande partie
de ses romans dans le Petit Lyonnais qui
avait alors pour directeur notre excellent
ami et collaborateur Adrien Durand.
La saison de Spa continue à être fort bril-
lante ; la liste des étrangers va chaque jour
en s'allongeant.
Parmi les derniers arrivés, citons : le
comte de Beaufort, le baron et la baronne
de Lassy, le baron de Richthofen, le prince
de Saxe-Cobourg, le comte de Thun-
Hohenstein, gouverneur de Salzboorg,
Sir Harrisson, S. A. le prince Dolgorouki,
Morton, Keith Anderson, le baron Van
Pridag etc., etc.
Le premier concert vocal au Parc aura
lieu dimanche 5 juin. La direction des fêtes
a engagé pour ce concert mademoiselle Ga-
brielle Lejeune du Théâtre royal de la Mon-
naie qui a obtenu cet hiver de si éclatants
succès.
C'est le 24 juin que s'ouvre le tir aux pi-
geons.
Le prix d'ouverture aura lieu le same-
di 25.
Une foule d'artistes et d'hommes de lettres
accompagnaient hier, au petit cimetière de
Chatillon, celle qui fut la compagne ai-
mante et le vrai collaborateur du grand ar-
tiste céramiste Lachenal.
Parmi les assistants, MM. Gungl, Henri
Second, Chizat (Dancourt), Gillé, repré-
sentant de M. Georges Petit, Firmin Javel,
etc.
Sur la tombe, le maire de Chatillon a re-
tracé, en termes émus, la vie toute de dé-
vouement de la charmante artiste défunte.
Nous recommandons à nos lecteurs et jo-
lies lectrices de ne pas oublier la fête artis-
tique du 23 mai au ministère des travaux
publics (concert et bal), non seulement ils
feront une bonne action en aidant une œuvre
nouvelle bien intéressante (sans jeu de
mots..), mais ils entendront aussi nos meil-
leurs artistes, Sarah Bernhardt en tête.
Prix du billet : 10 francs. On en trouve
au ministère des travaux publics.
On annonce l'arrivée à Aix, du duc et de
la duchesse de Mouchy, qui sont descendus
au grand hôtel de l'Europe.
Il résulte d'une statistique très intéres-
sante dont les chiffres seront prochainement
publiés, que depuis l'assainissement des
égoûts, , l'élargissement des rues, l'établisse-
ment de squares et de jardins publics et
l'habitude prise par une grande partie de la
population de consommer d'excellentes
préparations comme par exemple le Purga-
tif Géraudel, la moyenne de la durée de la
vie a augmenté d'une notable façon. N'est-ce
pas le plus bel èloge qu'on puisse faire de la
réclame surtout lorsqu'elle sert à propager
un produit aussi utile, accessible à tous par
son bon marché : i fr. 50 la boîte dans toutes
les pharmacies. On peut également s'adres-
ser à l'inventeur Géraudel, pharmacien, à
Sainte-Ménehould (Marne).
NOUVELLES A LA MAIN
Sur le boulevard :
Une dame d'une rotondité extraordinaire
s'arrête devant un kiosque pour lire les affi-
ches de théâtre, un gavroche guigne la
grosse dame et tourne autour avec curio-
sité.
— Dites donc, galopin, dit la femme co-
losse d'un air méprisant, quand vous aurez
fini de faire le tour du monde l
LE DIABLE BOITEUX.
——. -0
PETIT BILLET DU MATIN
A M. RANC
Le matamore Boulez, ce héros de quarante-
huit heures, a fait une victime, Monsieur, et
cette victime, c'est vous. Malgré votre expé-
rience sénatoriale et votre autorité d'arbitre
pour duels, malgré votrf coup d'œil d'ancien
préfet de police et votre esprit subtil d'émi-
nence grise retraitée, vous êtes tombé dans
un panneau si grossier, qu'il eut été éventé,
même par les gendarmes à qui jadis, vous fî-
tes faux bond. Nous aussi, avouons-le, nous
avons mordu à l'attrape-nigauds et exalté
avec trop d'empressement une bravoure qui,
même chez autrui, chatouille notre amour-
propre. Toutefois, je dirai pour notre excuse
que peut - être eussions - nous été plus
prudents dans l'admiration, si vous-même
aviez ménagé davantage vos louanges à une
amitié qui flattait votre vieille passion pour
l'escrime. Vous êtes un dévot de l'épée, et
bien que les exploits de M. Boulez vous aient
paru peu catholiques, vous n'avez pas cru
devoir mettre en doute le miracle des quatre
coups droits. Aussi, Monsieur, vous nous
couvririez contre le ridicule, si des rieurs,
par hasard, se déclaraient pour leLafaugère
des téléphones. — uipzac.
..,
DERNIERS COURS DE LA BOURSE
3 0/0, 98 10 1 Tharsis, 125 62
Extérieure, 64 3/4 Hongrois, 94 5/8
Turc, 20 57 1/2 Portugais, 30 3/16
Rio, 43O6 ttom1/. 2 686 25 1 Portugais, 30 3/16
Banq. Ottom. 586 25 Alpines, 150
Rio, 436 87 Egypte, 487 50
»
le CANARD mime
Sa blessure était trop profonde !
Il ne pourra jamais voler.
C'est dur ! — mais pour le consoler
11 lui reste la terre et l'onde.
Inapte à changer de pays,
Il a fixé son domicile
Sur une rivière-taillis
D'un abord sombre et difficile.
Là, trouvant en sécurité
Son plaisir et sa subsistance,
Il se compose une existence
D'une entière tranquillité.
Sa condition d'amphibie
Lui suffit en ces lieux déserts,
Bien qu'il ait encor la lubie
De vouloir monter dans les airs.
Car, malgré sa pauvre aile gauche,
Inerte et morte, — bien souvent,
Herbe et feuille sentent le vent
De son aile droite qui fauche.
Il n'a jamais vu jusqu'ici
Sa rivière gelée ou oasse ;
Le vilain froid noir lui fait grâce,
L'affreuse canicule aussi.
Passant, qu'une cane ait l'idée
De s'arrêter là, par hasard,
Elle est bien reçue, et repart
Toujours saillie et fécondée.
Il a gardé, quoique invalide,
Bon aspect, fort tempérament :
Il est encor vif ; et vraiment
La vieillesse le consolidé.
Quelques plombs, sans les dépalmer,
Avaient meurtri ses pattes vertes :
Elles n'en sont que plus alertes
Et toujours prêtes à ramer.
Son petit œil rond sur l'eau bleue
Est toujours un fidèle espion ;
A leur gré, son col, son croupion
Manœuvrent sa tête et sa queue.
Entre le roc et la verdure,
Son bec en museau de brochet
Pioche aussi bien qu'il les piochait
L'onde molle et la terre dure.
<
Qu'il glisse sur sa grande nappe,
Ou boite sur le gravier plat,
Il est superbe, et quel éclat
Si peu que le soleil le frappe !
Son vieux plumage lisse et fauve,
Resté ferme et dru, montre encor
Des luisants verts-noirs—jaunes d'or,
Fondus dans sa teinte gris-mauve.
Là, les mêmes rumeurs moroses,
Les mêmes murmures anciens ;
A ces bruits, il mêle les siens ;
Parfois se tait avec les choses.
Si muet dans son indolence
Il se laisse aller sur les bords
Que tout le ravin goûte alors
La perfection du silence.
Tel il vit : de l'aube à la nuit,
Il pêche ou rôdaille. - Auj ourd'hui,
Ayant peiné pour ne rien prendre,
Il dort dans un petit îlot,
Entre ces deux flâneurs de l'eau :
Le serpent et la salamandre.
MAURICE ROLLINAT.
4 »
LE
CAPITAINE SCHOUM
1
Le capitaine Schoum habitait rue
Dauphine, au cinquième étage, dans une
très vieille maison. C'était la que depuis
sa retraite, il vivait, solitaire, au milieu
de livres, qu'il n'ouvrait jamais et de
souvenirs qu'il feuilletait quelquefois.
Un oncle — vieux savant — lui avait
légué jadis toute sa bibliothèque, cinq à
six mille volumes, qui, pour le cerveau
émerveillé de Schoum représentaient :
LA SCIENCE, c'est-à-dire quelque chose
de très haut, de très loin, d'infiniment
respectable.
Les murs de l'appartement n'avaient
point de rayons et les livres s'entas-
saient par piles, juxtaposées et correc-
tementj^lignées, qui sillonnaient le sol
des trois pièces, un peu en tous sens,
comme des rues percées par des ingé-
nieurs modernes dans une ville ré-
cente.
Tel était le décor, au milieu duquel se
détachaient la haute et maigre silhouet-
te, le profil saillant et comme taillé à
coups de serpe du capitaine. Schoum
était laid d'ailleurs avec son front carré
d'Alsacien d'où se hérissait un poil rude
et grisonnant, son nez busqué, son teint
rubicond, sa grosse moustache de chat
en colère et sa barbiche taillée en poin-
te : mais une balafre, qui décrivait une
i arche de pont renversée depuis l'oreille
droite jusqu'au coin de l'œil, rendait
cette laideur héroïque, et il portait
beau, droit comme un I, toujours san-
glé dans une longue redingote à la De-
roulède.
Par les soirs d'été, avant de descen-
dre vers le médiocre prix-fixe, où il pre-
nait ses repas, Schoum glissait une
chaise sur son balcon, bourrait une pipe,
et humait à vingt mètres d'altitude les
senteurs lourdes et les brouhahas fré-
missants de la rue. Son œil s'enfonçait
jusqu'au Pont-Neuf, franchissait la sta-
tue de Henri IV, s'accrochait à la mai-
son, qui n'est pas au coin du quai; des
brumes flottaient au-dessus de la Seine ;
la fumée d'un remorqueur montait dans
l'air ; de lourds omnibus zigzaguaient
sur la chaussée au milieu des victorias
et des voitures commerçantes. Il suivait
les remous de la foule, les formes svel-
tes, les tailles souples qui se faufilaient
le long des trottoirs étroits, et de brèves
angoisses l'oppressaient, car, de cette
hauteur, il lui semblait à chaque instant
que, parmi tant de heurts et tant de
cahots, elles allaient — les formes svel-
tes, les tailles souples — se briser en
mille miettes comme de fragiles porce-
laines.
II
Comme s'il éprouvait à l'amertume
quelque jouissance secrète, le capitaine
tirait alors de son portefeuille un papier
i jauni; il relisait la lettre brève, la lettre
méchante par laquelle madame Schoum
lui avait révélé l'étendue de son infortune
conjugale et fait part d'un abandon,
sans esprit de retour. Ses paupières se
mettaient à battre des ailes, impercep-
tiblement, et de petites convulsions agi-
taient ses doigts longs et secs.
Un soir, après cette navrante lecture,
il relevait les yeux, et soudain, secoué
jusqu'au fond de lui-même par on ne
sait quelle imprécise mais subtile émo-
tion, il vit, de l'autre côté de la rue,
! dans l'appartement d'en face, derrière
les croisées sans rideaux, un spectacle
de gens qui s'aimaient. L'homme, un
blondin frêle, et la femme, une brunette
au teint mat et doré, dans une insou-
ciance de vrais amoureux pour qui c'est
une joie de plus d'étaler leur passion
-eu plein jour, étaient assis côte à côte,
mangeaient dans le même verre, et les
lèvres, entre chaque bouchée, entre
chaque gorgée, se rejoignaient et s'u-
nissaient.
Un flot de sang empourpra les joues
du capitaine : ce fut dans son vieux
corps affroiduré comme la sensation
d'une flambée chaude et joyeuse, par
une triste soirée automnale. Tout son
i cœur tendait vers les amoureux, et il
contemplait la petite, s'émerveillait de
ses chatteries et de ses grâces, sentait à
distance l'attouchement de ses caresses,
humait le parfum lointain de son ha-
leine. Ses jeunes ans lui montaient à la
tête dans une griserie de renouveau : il
lui semblait que tes baisers d'autrefois
flottaient à l'entour, que des bras blancs
et lisses — toute la soie d'une chair de
femme — frôlaient ses épaules, effleu-
raient son cou.
III
A partir de ce jour, le capitaine ne fut
plus seul. Il était avec EUX, installé, en
i tiers invisible et toujours présent, dans
l'intimité de leur bonheur. Dès le matin,
il courait à sa fenêtre pour les voir. Il
s'intéressait à leurs moindres actes, aux
plus infimes détails de leur existence.
Pour ne point les effaroucher, il usait
de ruses, les observait avec l'aide d'une
lorgnette, derrière un rideau légère-
ment soulevé. Il vivait dans le rayonne-
ment de leur amour, s'imprégnait de
leurs tendresses, se grisait de leurs vo-
luptés. L'écho de leurs baisers se reper-
cutait dans tout son être. Lorsqu'ils sor-
taient ensemble, bras dessus bras des-
sous, il descendait bien vite, les suivait
mêlé à la foule, en s'efforçant de
ne pas être vu. Lorsque dans les
sentiers verts-de-gris des banlieues
poussiéreuses, leurs fronts venaient à
se toucher et leurs démarches à mollir,
lorsque tout à coup ils s'arrêtaient pout
une étreinte rapide, pour une caresse
furtive, un grand frisson le clouait au
sol, et le soir, il rentrait quelques minu-
tes avant eux, grimpait à son poste d'ob.
servation, épiait leur retour. Du plue
loin qu'il les apercevait, son cœur bat-
tait comme un ressort d'horloge.
La nuit, il ne dormait plus, il rêvait
d'eux, il s'hallucinait jusqu'à les voir.
L'érotisme des tableaux, que lui suggé-
rait son imagination, secouait sa vieille
cervelle, et dans son affolement, il son-
geait : « Ah ! les petits bougres, comme
ils s'aiment ! »
Absorbé peu à peu par les amoureux
qui le hantaient, Schoum perdait la no*
tion de la vie matérielle, oubliait les
heures de repas, abandonnait — lui, si
méthodique — son appartement au dé-
sordre, — lui, si soigneux,-ses livres à
la crasse. Des piles de bouquins s'étaient
écroulées, des taches macéraient les re-
liures, et il ne restait plus que la trace
lointaine des rues de volumes, dont les
ruines jonchaient le parquet, écrasées
sans respect pour la SCIENCE par le pied
du capitaine, trop pressé de courir à sa
fenêtre.
IV
Schoum connut la jalousie.
La brunette se dérangeait. Pendant les
absences de l'amant, elle sortait seule,
trottinant par les rues d'un pas léger el
furtif. Il la fila à plusieurs reprises; elle
entrait chaque fois dans la même mai-
son de la rue des Ecoles, d'où elle sor<
tait le teint rose sous la voilette rabat-
tue. Le capitaine attendait sur le trot-
toir, torturé par l'angoisse du doute :
une rage lui montait au cerveau ; il avait
parfois envie de sauter sur elle, de la
prendre par le bras, de lui arracher des
aveux, de la frapper publiquement.
Rentré chez lui, il se prenait en pitié et
passait par tous les raisonnements qui
mènent un cœur tourmenté de la dou-
leur la plus vive à l'espoir le plus bête.
Non ! elle n'était pas coupable, elle ne
pouvait pas être coupable. Mais il assis-
tait aussitôt à l'effritement d'un amour
dont chaque minute élargissait les lé-
zardes. C'était à présent, dans l'apparte-
ment d'en face, des scènes continuelles,
des bouderies, des colères, de rares bai-
sers entre deux gifles. Et Schoum se
désespérait, eût voulu se précipiter en-
tre eux pour les réconcilier, les jeter
dans les bras l'un de l'autre, repentants
et plus amoureux que jamais. Hélas! les
petits bougres ne s'aimaient plus. Il était
forcé de le constater.
Enfin, le capitaine vit un jour la pe-
tite déposer une lettre sur la table, bien
en évidence, et il eut la sensation du
dénouement brutal. Le souvenir de ma-
dame Schoum, de l'adieu définitif en
quatre lignes, se présenta à son esprit.
« Ah ! ces sacrées femelles, toutes pa-
reilles », songea-t-il atrocement.
Lorsque le blondin frêle rentra au lo-
gis, elle n'était pas de retour : le jeune
homme prit la lettre, la parcourut. Sa
physionomie marqua plus de dépit que
de chagrin ; il froissa le papier, en fit
une boulette qu'il lança par la fenêtre,
et haussant les épaules, sortit avec
beaucoup de calme.
Mais de l'autre côté de larue, Schoum,
aux aguets, ne prenait pas les choses
aussi philosophiquement. Il venait de
ramasser la boulette, tombée par hasard
sur son balcon, et il l'avait dépliée. Dès
les premières lignes: « Mon coco, j'aime
mieux te planter là que d'être lâchée.»,
il avait senti un grand froid dans tous
les membres, et il s'était écroulé, pâle
et grelottant de fièvre, sur son fauteuiL
La nuit s'était faite dans son cerveau,
et une solitude immense s'était creusée
dans son cœur, dans sa vie.
V
Et ce fut pour lui le coup de grâce.
En un seul jour, il vécut dix an-
nées. Lorsqu'il se releva, il était voûté
comme un vieillard très vieux ; ses
joues s'étaient vidées, et son regard avait
de fixités effrayantes.
« Sapristi, fit la concierge, la première
fois qu'il passa devant la loge, le père
Schoum file un mauvais coton. »
Trois matins plus tard, la femme de
ménage, en ouvrant la porte du salon,
recula, terrifiée. Au milieu de la pièce,
au-dessus d'un marche-pied de volumes
à moitié écroulés, le cadavre déjà raidi
du capitaine se balançait, accroché à
l'anneau du lustre. Sur le bureau, près
d'une bougie qui brûlait encore, un Ber-
nardin de Saint-Pierre illustré s'étalait,
grand ouvert. Schoum avait passé la
nuit à lire Paul et Virginie, et s'était
pendu au petit jour.
MARCEL L'HEUREUX
(Reproduction interdite.)
LA FUMISTERIE
DE M. ROULEZ
M. Hébrard, directeur du Temps, a
reçu hier, à quatre heures du soir, la
lettre suivante :
21 mai 1892.
Monsieur,
Voilà quarante-huit heures que @ je m'a-
muse aux dépens de la presse.
Toutes les histoires de ce fameux duA
pour lequel on s'est tant remué, sont imagi-
naires.
J'ai lancé ces canards pour voir jusqu'oïl
irait la rage du reportage, et combien, par
ce siècle de téléphones et télégraphes, les in*
formations sont exactes.
Je vous ai fait vous emballer sur des pisteJ
qui n'ont jamais existé. La plaisanterie est
terminée. Il ne faut pas abuser des meilleur
res choses.
Votre journal a été plus malin que les aM*
tres, et, si vos confrères le désirent, je suis
tout à leur disposition pour leur montrer
que je suis encore vigoureux.
L'incident est donc clos.
Veuillez agréer, monsieur, l'assurance d.
ma considération très distinguie.
ROULEZ.
P.-S. Lesrieurs sont pour moi.
La lecture de cette lettre ne nous a
QUATORZIÈME ANNÉE-NUMERO 4570 Un Numéro : Paris, 15 cent. — Départexnents, 20 cent. LUNDI 23 MAI 1892
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SOMMAIRE
IL MARCHESE. — Hugues Le Bouz.
LE CANARD SAUVAGE.— Maurice Bollinat.
LE CAPITAINE SCHOUM. — Marcel EHeureux.
LA FUMISTERIE DE M. ROULEZ. — Edmond Le
Roy.
COULISSES DE LA FINANCE. — Don Caprice.
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS. — Léon Bernard-
Derosne.
LA SOIRÉE PARISIENNE. — Richard O'Monroy.
PROPOS DE COULISSES. — Gaultier-Garguille.
FEUILLETON : CLAUDINE LAMOUR : Camille Le-
monnier.
IL MBCHESE
Sûrement c'était un beau cocher.
Son feutre mou et gris lui couvrait
les yeux d'ombre, soulevé sur les oreil-
les par la masse frisée des cheveux.
Quand il l'ôtait, pour saluer, avec une
grâce fière, ces cheveux italiens, noirs,
embroussaillés, luisants d'huile d'olive,
apparaissaient divisés au milieu du front
par une raie profonde, poussiéreuse
vers la nuque ; ses yeux étaient bruns,
pleins d'or, amoureux comme une séré-
nade ; les pointes de ses sourcils collées
et relevées à la Méphisto, ainsi que les
crocs de ses moustaches. Il riait volon-
tiers en montrant des dents blanches. Sa
cravate bleu-pâle retenait un col un peu
gras, sans bouton. Et, comme il prenait
du ventre, sa chemise flottait par-dessus
ga ceinture de couleur, entre les deux
pans du gilet déboutonné.
Sa victoria était attelée d'un cheval
gris. Il le coiffait à la mode du pays,
d'un chapeau de paille bordé de rouge,
troué sur le côté pour le passage des
oreilles. Les guides étaient de lin tissé,
trempé dans le safran. Et quand l'homme
se levait sur le siège pour appeler la
pratique, avec son chapeau gris, sa cra-
vate bleue, ses guides jaunes, son bedon
bombant sous la ceinture rouge, il sem-
blait quelque oiseau des Iles, un ara ja-
casseur, éblouissant dans le soleil.
Quand, de loin, sur la route de Vinti-
mille, il avait aperçu notre voiture de
poste, toute chargée de malles, il avait
sauté lestement au bas de son siège, et
il était venu guetter a la grille de la
villa pour ouvrir la portière, tendre la
main aux dames. Je fouillais déjà dans
mon gousset pour lui donner un pour-
boire, mais il eut un geste de refus, si
élégant, si noble, que je fus tout mor-
tifié de mon erreur. Les gentlemen de
chez nous montent bien sur les mail-
coachs pour jouer aux cochers de dili-
gence, il n'était pas impossible qu'un
gentilhomme ligure amusât ses loisirs à
conduire un fiacre.
Le galant cocher mit le comble à mon
embarras en disant :
— Si Votre Excellence désire visiter
les environs, je suis tout à son ser-
vice.
Il saluait le chapeau au bout du bras,
le ventre subitement disparu dans sa
révérence.
— Et qui demanderai-je, s'il vous
plaît?
Un sourire illumina tout ensemble les
dents et les yeux du beau brun. Il pro-
nonça sur un ton d'égalité et de confi-
dence :
— Vous demanderez il Marchese,- le
marquis.
A partir de ce jour, tous les matins,
quand je sortais pour marcher sur la
route de Rome jusqu'à la chapelle de
Santo Ampelio, je trouvais mon cocher
en sentinelle devant la grille. Il m'in-
terpellait de sa voix joyeuse :
— Eh bien, Votre Excellence, où vais-
je vous conduire aujourd'hui? A San-
Remo? A Valle-Crosia? Au Soburgo?
A Ospedaletti ?
— J'ai vu tout cela.
— Votre Excellence n'a pas visité le
Château.
- Quel Château ?
—. Le Château!
Il faisait un geste dans la direction de
Vintimille.
— J'aimerais mieux conduire Votre
Excellence au Château pour rien que de
la laisser partir, avant cette visite.
Il insista tant qu'un matin de soleil,
je me décidai a l'excursion.
Comme à l'ordinaire, il attendait ma
sortie devant la porte; seulement, il s'é-
tait un peu endormi sur son siège, et
tout un essaim de mouches se prome-
nait sur son visage d'or, attiré par la
graisse de ses cheveux. Je lui touchai
la cuisse, et il se réveilla en sursaut.
* — Eh bien ! nous allons au Château.
— Au Castell'Doria ?
Il secoua si vigoureusement ses gui-
des jaunes que le vieux cheval gris bon-
dit entre les brancards, dressant plus
haut que le siège sa tête fantomatique,
coiffée d'un yokohama.
Ah ! il la connaissait la route, le che-
val gris ! Chaque pierre, chaque olivier
du chemin ! Après qu'on a dépassé la
tannerie et le port, on tourne à droite,
on s'enfonce dans une gorge monta-
gneuse, le chemin, sans parapet, suit le
lit de la Nerva. En cette saison, le tor-
rent presque vide, roule entre des
champs de pierre et des bancs de sable,
rageur tout de même, rompu de casca-
des, de déchirures d'écume. Sur les pla-
ges de petit galet, des bandes de fem-
mes lavent, la croupe en l'air, brunes
dans le soleil, coiffées de foulards tapa-
geurs. Encaissant la route, les monta-
gnes s'élèvent sous des chevelures d'o-
rangers, d'oliviers pâles. Et les neiges
éternelles des Alpes, montent dans le
fond, au-dessus des nuages, dans le ciel
pur.
Soudain, à un tournant, un village
parut, groupé autour d'une église. Je
voulais mettre pied à terre, mais le
Marchese secoua la tête d'un air de mé-
pris.
— Non, non ! ça c'est Campo-Rosso,
Il vous faut pousser jusqu'à dolce Ac-
qua.
Il enveloppa sa bête d'un triomphant
coup de fouet. Et encore une fois le yo-
kohama m'apparut plus haut que le
siège.
Nous continuâmes de rouler lente-
ment, car la pente devient plus rude.
La route tourne avec le torrent, plonge
plus profondément dans la gorge. Et
tout à coup, derrière un profil de roc
écroulé : Dolce Acqua.
Joli nom! si frais dans l'ardeur du so-
leil, frissonnant comme ces eaux de
neiges fondues qui reflètent ici l'archi-
tecture du village. Un pont d'une seule
ogive, hardi comme un saut de chamois,
franchit la course effrénée de la Nerva.
Tout le bourg est derrière, une ruche
de maisons couvertes de tuiles rousses,
blotties au pied du Castello 'Doria, com-
me ces suppliants antiques qui venaient
chercher refnte contre les statues des
Dieux. Au-dessus de toutes ces terras-
ses lépreuses, étagées, la ruine lève ses
deux tours vers le ciel ainsi que des
bras qui demandent grâce. Les fenêtres
vides continuent de regarder la mer
lointaine. Elles épient la vallée. L'herbe
a poussé sur les tours ; les pointes des
cactus sortent par les meurtrières, où
se montraient jadis les canons des
mousquets. Il y a des ruines qui sont
des gueuses. Celle-ci est une princesse
désolée, figée dans sa gloire défunte,
une dame de grande route -qui continue
de surveiller l'horizon avec des yeux
clairs.
Le Marchese avait soigneusement
abrité son cheval à l'ombre du pont.
Sous le coussin de la voiture, il avait
pris une clef énorme. Et maintenant, il
montait devant nous une ruelle pleine
de nuit et de marches. Tout en haut, il
poussa une porte ; un potager parut cul-
tivé dans l'ancien rempart.
Je demandai au cocher :
— C'est vous qui avez la garde de la
ruine?
Il sourit et dit :
— Dame! je suis un peu chez moi,
ici.
— Votre famille a autrefois servi les
Doria ?
Il eut un geste plein de noblesse.
— Non. Mais 'j'ai épousé la marquise
Doria, une de leurs filles, la dernière du
nom.
Et comme je ne pouvais retenir un
mouvement de surprise, il fit d'un air
étonné :
— On ne vous a pas conté la chose, à
Bordighère ? Voilà : Elle et moi nous
nous aimions : Ses parents avaient perdu
toute leur fortune. Elle devait hériter
d'un oncle, qui a laissé tous ses biens
aux curés. Alors je l'ai conduite à l'é-
glise et depuis ce temps-là les gens d'ici
m'appellent le marquis.
Nous foulions les dalles de marbre
d'une merveilleuse galerie qui reliait la
salle d'honneur à la chapelle. Autrefois
des cuirs de Cordoue, des brocards, des
voiles de Gênes, de précieuses étoffes,
rapportées d'Orient, volées aux mar-
chands, pillées en mer sur des galères,
décoraient ce nid de vautours. Le reflet
des trophées d'armes et des aiguières
d'argent resplendissait entre ces piliers.
Et quand les pages soulevaient les lour-
des portières de tapisserie, à l'heure de
l'angelus, les vitraux de la galerie re-
gardaient de leurs yeux fulgurants pas-
ser la fière châtelaine, une Doria coiffée
du voile blanc des patriciennes de Gê-
nes — la farouche aïeule de cette petite
bâtarde, qui se consolait des gloires dé-
funtes dans les bras ronds de son beau
cocher.
Et mes yeux, malgré moi, étaient re-
venus se fixer sur le Marchese. Ilavait ôté
son feutre gris, la sueur et l'huile cou-
laient sur son front mêlées à un peu de
poussière. Lui aussi, il me guettait. Et,
sans doute, avec sa finesse italienne de
beau garçon à bonnes fortunes, il devina
mes pensées, car il dit d'une voix grave,
presque respectueuse :
— Ma femme est une vraie dame,
Votre Excellence, elle a une servante et
un chapeau.
HUGUES LE ROUX
-- ----
Nouvelles et Echos
AUJOURD'HUI
A i heure 30, courses à Chantilly. Pro-
nostics du Gil Blas :
Prix de la Reine-Blanche ; Congrès.
Prix du Gros-Chêne : Réveillé.
Prix des Ecuries : Sahel.
Prix de Diane : Fantasia.
Prix Hédouville : Gouverneur.
Prix de Royaumont : Cordoba.
Nouvelles mondaines :
Les comédies actuellement en répétition
prennent une très bonne tournure.
Chez la baronne Morio de l'Isle il y aura
deux représentations les 28 et 30 mai ; chez
madame Delamare-Didot, la Chercheuse
d'esprit sera représentée le 5 juin. Made-
moiselle Muller est aujourd'hui tout à fait
rétablie.
x
La duchesse douairière de Lu y nés, bien 1
que complètement rétablie de sa longue
indisposition de cet hiver, prolonge son sé-
jour dans sa villa de Cannes. Elle n'en re-
viendra qu'en juin pour assister aux fêtes
du mariage de sa sœur, mademoiselle Ma-
rie de la Rochefoucault avec le marquis
d'Harcourt.
X
La princesse Gortschakoff, née princesse
Stourdza, qui vient d'arriver à Bucarest, ne
restera que quelques jours en Roumanie.
Elle sera très prochainement de retour à
Paris, car on espère qn'elle donnera un
grand garden party dans son hôtel de la
rue de Varenne.
Le Bois de Boulogne semble depuis quel-
que temps un peu délaissé par les amou-
reux. Cela se comprend de reste, car on ne
peut pas faire dix pas sans rencontrer quel-
qu'un de connaissance. Aussi, c'est dans le
Bois de Vincennes maintenant que les cou-
ples libertins et adultères vont promener
leurs amours. Ces jours derniers — si nous
ne précisons pas davantage, c'est pour ne
pas être conspué — nous avons rencontré
en plein Bois, dans un petit coupé de l'Ur-
baine — cocher Paul — une grande et hon-
neste dame, demeurant du côté de l'Elysée,
en conversation très, mais très animée, avec
le comte de X., bien connu dans le monde
des amateurs et chez le Comte de Paris.
Toujours beaucoup de monde à l'Expo-
sition canine qui est décidément fort belle
cette année.
Rencontré hier autour des meutes de
MM. de Montsaulnin, de Rogatien-Leves-
que, de Talhouet, etc. MM. de Maulde,
Henri Desbordes, le vicomte R. de Ville-
bois-MareuiI, comte de Beauregard, le ba-
ron de Bizé, Maxime Champigny, de la
Borde, le comte de Céral, le comte et la
comtesse de Sombreuil, Dupuytrem, le
vicomte de Corberon, le prince de Join-
ville, la duchesse d'Uzès, la comtesse Jean
de Ganay, le marquis d'Imbleval, le comte
de Lambertye, le comte de Lastic Saint-
Jal, la marquise de Castellane, la comtesse
de Montsaulnin, le comte d'Arbouse, etc.
La fanfare des cors, qui était sous la di-
rection du comte de la Porte, a joué la
Rallye-Vendée, la Pendray, La Loge de
Raboué, etc.
INSTANTANÉS
MARIE-LOUISE MARSY
Semble avec ses cheveux comme orfèvrés,
sa rayonnante beauté, sa bouche épanouie,
savoureuse, ses coquetteries subtiles une de
ces blondes patriciennes qui se cambrent or-
gueilleusement dans les somptueux plafonds
de Véronèse. Débuta à la Comédie-Française
dans le rôle de Célimène où elle fut adorable
et femme jusqu'au bout des ongles avec une
pointe d'artificiel et de mignardise qui plut
aux raffinés. Abandonna ensuite un peu le
théâtre et se contenta d'être une des plus jo-
lies entre les Œ prôfessionnal beauties » qui
mènent la mode. Pensa même aller jusqu au
bout du roman, se marier et renoncer aux
planches, mais manqua le train et reprit sa
place dans la maison de Molière. D'une mo-
dernité aiguë, experte en toutes les élégances
et ne se contentant pas de jouer à fleur de
peau surtout les pièces qui sentent l'amour,
s'est révélée dans la « Mégère apprivoisée »
et dans la mélancolisante Froufrou comme
la grande sœur de Croizette. — R. M.
Bien amusante scène de rupture hier en-
tre deux amoureux que je vais essayer de
vous portraicturer, car vous devez les con-
naître.
Elle ? — Belle comme Vénus et coquette
comme une vraie Parisienne. Dix-huit ans
tout au plus, deux grands yeux bleus ado-
rables, une taille svelte et frêle, presque une
plume. Un petit air artiste et heureux de
femme qui voit les têtes se tourner sur son
passage.
Lui ? — Correct et très simple dans une
tenue de deuil très sévère; la physionomie
est expressive, le regard est clair et mali-
cieux, aux lèvres un sourire d'une morti-
fiante raillerie, le sourire d'un homme qui
connaît les femmes et les tient pour ce qu'el-
les valent.
Et devinez la cause de la rupture qui,
commencée rue Montorgueil, s'est terminée-
boulevard Saint-Germain; je vous la donne
en cent, je vous la donne en mille, vous ne
trouverez pas! Car elle n'est pas banale
cette cause, et les échos de Cythère ne l'en-
tendent pas souvent.
Aussi bien, la voilà : Il était trop beau,
trop gentil, trop aimable! Il satisfaisait trop
à ses moindres caprices.
Eh bien! qu'en dites-vous?
Plusieurs journaux, en parlant de la mort
de notre regretté ami Alexis Bouvier, le
font naître à Lyon. C'est une erreur, Bou-
vier était Parisien, il était né rue Moret. Ce
qui a donné lieu sans doute à cette méprise,
c'est que Bouvier a écrit la grande partie
de ses romans dans le Petit Lyonnais qui
avait alors pour directeur notre excellent
ami et collaborateur Adrien Durand.
La saison de Spa continue à être fort bril-
lante ; la liste des étrangers va chaque jour
en s'allongeant.
Parmi les derniers arrivés, citons : le
comte de Beaufort, le baron et la baronne
de Lassy, le baron de Richthofen, le prince
de Saxe-Cobourg, le comte de Thun-
Hohenstein, gouverneur de Salzboorg,
Sir Harrisson, S. A. le prince Dolgorouki,
Morton, Keith Anderson, le baron Van
Pridag etc., etc.
Le premier concert vocal au Parc aura
lieu dimanche 5 juin. La direction des fêtes
a engagé pour ce concert mademoiselle Ga-
brielle Lejeune du Théâtre royal de la Mon-
naie qui a obtenu cet hiver de si éclatants
succès.
C'est le 24 juin que s'ouvre le tir aux pi-
geons.
Le prix d'ouverture aura lieu le same-
di 25.
Une foule d'artistes et d'hommes de lettres
accompagnaient hier, au petit cimetière de
Chatillon, celle qui fut la compagne ai-
mante et le vrai collaborateur du grand ar-
tiste céramiste Lachenal.
Parmi les assistants, MM. Gungl, Henri
Second, Chizat (Dancourt), Gillé, repré-
sentant de M. Georges Petit, Firmin Javel,
etc.
Sur la tombe, le maire de Chatillon a re-
tracé, en termes émus, la vie toute de dé-
vouement de la charmante artiste défunte.
Nous recommandons à nos lecteurs et jo-
lies lectrices de ne pas oublier la fête artis-
tique du 23 mai au ministère des travaux
publics (concert et bal), non seulement ils
feront une bonne action en aidant une œuvre
nouvelle bien intéressante (sans jeu de
mots..), mais ils entendront aussi nos meil-
leurs artistes, Sarah Bernhardt en tête.
Prix du billet : 10 francs. On en trouve
au ministère des travaux publics.
On annonce l'arrivée à Aix, du duc et de
la duchesse de Mouchy, qui sont descendus
au grand hôtel de l'Europe.
Il résulte d'une statistique très intéres-
sante dont les chiffres seront prochainement
publiés, que depuis l'assainissement des
égoûts, , l'élargissement des rues, l'établisse-
ment de squares et de jardins publics et
l'habitude prise par une grande partie de la
population de consommer d'excellentes
préparations comme par exemple le Purga-
tif Géraudel, la moyenne de la durée de la
vie a augmenté d'une notable façon. N'est-ce
pas le plus bel èloge qu'on puisse faire de la
réclame surtout lorsqu'elle sert à propager
un produit aussi utile, accessible à tous par
son bon marché : i fr. 50 la boîte dans toutes
les pharmacies. On peut également s'adres-
ser à l'inventeur Géraudel, pharmacien, à
Sainte-Ménehould (Marne).
NOUVELLES A LA MAIN
Sur le boulevard :
Une dame d'une rotondité extraordinaire
s'arrête devant un kiosque pour lire les affi-
ches de théâtre, un gavroche guigne la
grosse dame et tourne autour avec curio-
sité.
— Dites donc, galopin, dit la femme co-
losse d'un air méprisant, quand vous aurez
fini de faire le tour du monde l
LE DIABLE BOITEUX.
——. -0
PETIT BILLET DU MATIN
A M. RANC
Le matamore Boulez, ce héros de quarante-
huit heures, a fait une victime, Monsieur, et
cette victime, c'est vous. Malgré votre expé-
rience sénatoriale et votre autorité d'arbitre
pour duels, malgré votrf coup d'œil d'ancien
préfet de police et votre esprit subtil d'émi-
nence grise retraitée, vous êtes tombé dans
un panneau si grossier, qu'il eut été éventé,
même par les gendarmes à qui jadis, vous fî-
tes faux bond. Nous aussi, avouons-le, nous
avons mordu à l'attrape-nigauds et exalté
avec trop d'empressement une bravoure qui,
même chez autrui, chatouille notre amour-
propre. Toutefois, je dirai pour notre excuse
que peut - être eussions - nous été plus
prudents dans l'admiration, si vous-même
aviez ménagé davantage vos louanges à une
amitié qui flattait votre vieille passion pour
l'escrime. Vous êtes un dévot de l'épée, et
bien que les exploits de M. Boulez vous aient
paru peu catholiques, vous n'avez pas cru
devoir mettre en doute le miracle des quatre
coups droits. Aussi, Monsieur, vous nous
couvririez contre le ridicule, si des rieurs,
par hasard, se déclaraient pour leLafaugère
des téléphones. — uipzac.
..,
DERNIERS COURS DE LA BOURSE
3 0/0, 98 10 1 Tharsis, 125 62
Extérieure, 64 3/4 Hongrois, 94 5/8
Turc, 20 57 1/2 Portugais, 30 3/16
Rio, 43O6 ttom1/. 2 686 25 1 Portugais, 30 3/16
Banq. Ottom. 586 25 Alpines, 150
Rio, 436 87 Egypte, 487 50
»
le CANARD mime
Sa blessure était trop profonde !
Il ne pourra jamais voler.
C'est dur ! — mais pour le consoler
11 lui reste la terre et l'onde.
Inapte à changer de pays,
Il a fixé son domicile
Sur une rivière-taillis
D'un abord sombre et difficile.
Là, trouvant en sécurité
Son plaisir et sa subsistance,
Il se compose une existence
D'une entière tranquillité.
Sa condition d'amphibie
Lui suffit en ces lieux déserts,
Bien qu'il ait encor la lubie
De vouloir monter dans les airs.
Car, malgré sa pauvre aile gauche,
Inerte et morte, — bien souvent,
Herbe et feuille sentent le vent
De son aile droite qui fauche.
Il n'a jamais vu jusqu'ici
Sa rivière gelée ou oasse ;
Le vilain froid noir lui fait grâce,
L'affreuse canicule aussi.
Passant, qu'une cane ait l'idée
De s'arrêter là, par hasard,
Elle est bien reçue, et repart
Toujours saillie et fécondée.
Il a gardé, quoique invalide,
Bon aspect, fort tempérament :
Il est encor vif ; et vraiment
La vieillesse le consolidé.
Quelques plombs, sans les dépalmer,
Avaient meurtri ses pattes vertes :
Elles n'en sont que plus alertes
Et toujours prêtes à ramer.
Son petit œil rond sur l'eau bleue
Est toujours un fidèle espion ;
A leur gré, son col, son croupion
Manœuvrent sa tête et sa queue.
Entre le roc et la verdure,
Son bec en museau de brochet
Pioche aussi bien qu'il les piochait
L'onde molle et la terre dure.
<
Qu'il glisse sur sa grande nappe,
Ou boite sur le gravier plat,
Il est superbe, et quel éclat
Si peu que le soleil le frappe !
Son vieux plumage lisse et fauve,
Resté ferme et dru, montre encor
Des luisants verts-noirs—jaunes d'or,
Fondus dans sa teinte gris-mauve.
Là, les mêmes rumeurs moroses,
Les mêmes murmures anciens ;
A ces bruits, il mêle les siens ;
Parfois se tait avec les choses.
Si muet dans son indolence
Il se laisse aller sur les bords
Que tout le ravin goûte alors
La perfection du silence.
Tel il vit : de l'aube à la nuit,
Il pêche ou rôdaille. - Auj ourd'hui,
Ayant peiné pour ne rien prendre,
Il dort dans un petit îlot,
Entre ces deux flâneurs de l'eau :
Le serpent et la salamandre.
MAURICE ROLLINAT.
4 »
LE
CAPITAINE SCHOUM
1
Le capitaine Schoum habitait rue
Dauphine, au cinquième étage, dans une
très vieille maison. C'était la que depuis
sa retraite, il vivait, solitaire, au milieu
de livres, qu'il n'ouvrait jamais et de
souvenirs qu'il feuilletait quelquefois.
Un oncle — vieux savant — lui avait
légué jadis toute sa bibliothèque, cinq à
six mille volumes, qui, pour le cerveau
émerveillé de Schoum représentaient :
LA SCIENCE, c'est-à-dire quelque chose
de très haut, de très loin, d'infiniment
respectable.
Les murs de l'appartement n'avaient
point de rayons et les livres s'entas-
saient par piles, juxtaposées et correc-
tementj^lignées, qui sillonnaient le sol
des trois pièces, un peu en tous sens,
comme des rues percées par des ingé-
nieurs modernes dans une ville ré-
cente.
Tel était le décor, au milieu duquel se
détachaient la haute et maigre silhouet-
te, le profil saillant et comme taillé à
coups de serpe du capitaine. Schoum
était laid d'ailleurs avec son front carré
d'Alsacien d'où se hérissait un poil rude
et grisonnant, son nez busqué, son teint
rubicond, sa grosse moustache de chat
en colère et sa barbiche taillée en poin-
te : mais une balafre, qui décrivait une
i arche de pont renversée depuis l'oreille
droite jusqu'au coin de l'œil, rendait
cette laideur héroïque, et il portait
beau, droit comme un I, toujours san-
glé dans une longue redingote à la De-
roulède.
Par les soirs d'été, avant de descen-
dre vers le médiocre prix-fixe, où il pre-
nait ses repas, Schoum glissait une
chaise sur son balcon, bourrait une pipe,
et humait à vingt mètres d'altitude les
senteurs lourdes et les brouhahas fré-
missants de la rue. Son œil s'enfonçait
jusqu'au Pont-Neuf, franchissait la sta-
tue de Henri IV, s'accrochait à la mai-
son, qui n'est pas au coin du quai; des
brumes flottaient au-dessus de la Seine ;
la fumée d'un remorqueur montait dans
l'air ; de lourds omnibus zigzaguaient
sur la chaussée au milieu des victorias
et des voitures commerçantes. Il suivait
les remous de la foule, les formes svel-
tes, les tailles souples qui se faufilaient
le long des trottoirs étroits, et de brèves
angoisses l'oppressaient, car, de cette
hauteur, il lui semblait à chaque instant
que, parmi tant de heurts et tant de
cahots, elles allaient — les formes svel-
tes, les tailles souples — se briser en
mille miettes comme de fragiles porce-
laines.
II
Comme s'il éprouvait à l'amertume
quelque jouissance secrète, le capitaine
tirait alors de son portefeuille un papier
i jauni; il relisait la lettre brève, la lettre
méchante par laquelle madame Schoum
lui avait révélé l'étendue de son infortune
conjugale et fait part d'un abandon,
sans esprit de retour. Ses paupières se
mettaient à battre des ailes, impercep-
tiblement, et de petites convulsions agi-
taient ses doigts longs et secs.
Un soir, après cette navrante lecture,
il relevait les yeux, et soudain, secoué
jusqu'au fond de lui-même par on ne
sait quelle imprécise mais subtile émo-
tion, il vit, de l'autre côté de la rue,
! dans l'appartement d'en face, derrière
les croisées sans rideaux, un spectacle
de gens qui s'aimaient. L'homme, un
blondin frêle, et la femme, une brunette
au teint mat et doré, dans une insou-
ciance de vrais amoureux pour qui c'est
une joie de plus d'étaler leur passion
-eu plein jour, étaient assis côte à côte,
mangeaient dans le même verre, et les
lèvres, entre chaque bouchée, entre
chaque gorgée, se rejoignaient et s'u-
nissaient.
Un flot de sang empourpra les joues
du capitaine : ce fut dans son vieux
corps affroiduré comme la sensation
d'une flambée chaude et joyeuse, par
une triste soirée automnale. Tout son
i cœur tendait vers les amoureux, et il
contemplait la petite, s'émerveillait de
ses chatteries et de ses grâces, sentait à
distance l'attouchement de ses caresses,
humait le parfum lointain de son ha-
leine. Ses jeunes ans lui montaient à la
tête dans une griserie de renouveau : il
lui semblait que tes baisers d'autrefois
flottaient à l'entour, que des bras blancs
et lisses — toute la soie d'une chair de
femme — frôlaient ses épaules, effleu-
raient son cou.
III
A partir de ce jour, le capitaine ne fut
plus seul. Il était avec EUX, installé, en
i tiers invisible et toujours présent, dans
l'intimité de leur bonheur. Dès le matin,
il courait à sa fenêtre pour les voir. Il
s'intéressait à leurs moindres actes, aux
plus infimes détails de leur existence.
Pour ne point les effaroucher, il usait
de ruses, les observait avec l'aide d'une
lorgnette, derrière un rideau légère-
ment soulevé. Il vivait dans le rayonne-
ment de leur amour, s'imprégnait de
leurs tendresses, se grisait de leurs vo-
luptés. L'écho de leurs baisers se reper-
cutait dans tout son être. Lorsqu'ils sor-
taient ensemble, bras dessus bras des-
sous, il descendait bien vite, les suivait
mêlé à la foule, en s'efforçant de
ne pas être vu. Lorsque dans les
sentiers verts-de-gris des banlieues
poussiéreuses, leurs fronts venaient à
se toucher et leurs démarches à mollir,
lorsque tout à coup ils s'arrêtaient pout
une étreinte rapide, pour une caresse
furtive, un grand frisson le clouait au
sol, et le soir, il rentrait quelques minu-
tes avant eux, grimpait à son poste d'ob.
servation, épiait leur retour. Du plue
loin qu'il les apercevait, son cœur bat-
tait comme un ressort d'horloge.
La nuit, il ne dormait plus, il rêvait
d'eux, il s'hallucinait jusqu'à les voir.
L'érotisme des tableaux, que lui suggé-
rait son imagination, secouait sa vieille
cervelle, et dans son affolement, il son-
geait : « Ah ! les petits bougres, comme
ils s'aiment ! »
Absorbé peu à peu par les amoureux
qui le hantaient, Schoum perdait la no*
tion de la vie matérielle, oubliait les
heures de repas, abandonnait — lui, si
méthodique — son appartement au dé-
sordre, — lui, si soigneux,-ses livres à
la crasse. Des piles de bouquins s'étaient
écroulées, des taches macéraient les re-
liures, et il ne restait plus que la trace
lointaine des rues de volumes, dont les
ruines jonchaient le parquet, écrasées
sans respect pour la SCIENCE par le pied
du capitaine, trop pressé de courir à sa
fenêtre.
IV
Schoum connut la jalousie.
La brunette se dérangeait. Pendant les
absences de l'amant, elle sortait seule,
trottinant par les rues d'un pas léger el
furtif. Il la fila à plusieurs reprises; elle
entrait chaque fois dans la même mai-
son de la rue des Ecoles, d'où elle sor<
tait le teint rose sous la voilette rabat-
tue. Le capitaine attendait sur le trot-
toir, torturé par l'angoisse du doute :
une rage lui montait au cerveau ; il avait
parfois envie de sauter sur elle, de la
prendre par le bras, de lui arracher des
aveux, de la frapper publiquement.
Rentré chez lui, il se prenait en pitié et
passait par tous les raisonnements qui
mènent un cœur tourmenté de la dou-
leur la plus vive à l'espoir le plus bête.
Non ! elle n'était pas coupable, elle ne
pouvait pas être coupable. Mais il assis-
tait aussitôt à l'effritement d'un amour
dont chaque minute élargissait les lé-
zardes. C'était à présent, dans l'apparte-
ment d'en face, des scènes continuelles,
des bouderies, des colères, de rares bai-
sers entre deux gifles. Et Schoum se
désespérait, eût voulu se précipiter en-
tre eux pour les réconcilier, les jeter
dans les bras l'un de l'autre, repentants
et plus amoureux que jamais. Hélas! les
petits bougres ne s'aimaient plus. Il était
forcé de le constater.
Enfin, le capitaine vit un jour la pe-
tite déposer une lettre sur la table, bien
en évidence, et il eut la sensation du
dénouement brutal. Le souvenir de ma-
dame Schoum, de l'adieu définitif en
quatre lignes, se présenta à son esprit.
« Ah ! ces sacrées femelles, toutes pa-
reilles », songea-t-il atrocement.
Lorsque le blondin frêle rentra au lo-
gis, elle n'était pas de retour : le jeune
homme prit la lettre, la parcourut. Sa
physionomie marqua plus de dépit que
de chagrin ; il froissa le papier, en fit
une boulette qu'il lança par la fenêtre,
et haussant les épaules, sortit avec
beaucoup de calme.
Mais de l'autre côté de larue, Schoum,
aux aguets, ne prenait pas les choses
aussi philosophiquement. Il venait de
ramasser la boulette, tombée par hasard
sur son balcon, et il l'avait dépliée. Dès
les premières lignes: « Mon coco, j'aime
mieux te planter là que d'être lâchée.»,
il avait senti un grand froid dans tous
les membres, et il s'était écroulé, pâle
et grelottant de fièvre, sur son fauteuiL
La nuit s'était faite dans son cerveau,
et une solitude immense s'était creusée
dans son cœur, dans sa vie.
V
Et ce fut pour lui le coup de grâce.
En un seul jour, il vécut dix an-
nées. Lorsqu'il se releva, il était voûté
comme un vieillard très vieux ; ses
joues s'étaient vidées, et son regard avait
de fixités effrayantes.
« Sapristi, fit la concierge, la première
fois qu'il passa devant la loge, le père
Schoum file un mauvais coton. »
Trois matins plus tard, la femme de
ménage, en ouvrant la porte du salon,
recula, terrifiée. Au milieu de la pièce,
au-dessus d'un marche-pied de volumes
à moitié écroulés, le cadavre déjà raidi
du capitaine se balançait, accroché à
l'anneau du lustre. Sur le bureau, près
d'une bougie qui brûlait encore, un Ber-
nardin de Saint-Pierre illustré s'étalait,
grand ouvert. Schoum avait passé la
nuit à lire Paul et Virginie, et s'était
pendu au petit jour.
MARCEL L'HEUREUX
(Reproduction interdite.)
LA FUMISTERIE
DE M. ROULEZ
M. Hébrard, directeur du Temps, a
reçu hier, à quatre heures du soir, la
lettre suivante :
21 mai 1892.
Monsieur,
Voilà quarante-huit heures que @ je m'a-
muse aux dépens de la presse.
Toutes les histoires de ce fameux duA
pour lequel on s'est tant remué, sont imagi-
naires.
J'ai lancé ces canards pour voir jusqu'oïl
irait la rage du reportage, et combien, par
ce siècle de téléphones et télégraphes, les in*
formations sont exactes.
Je vous ai fait vous emballer sur des pisteJ
qui n'ont jamais existé. La plaisanterie est
terminée. Il ne faut pas abuser des meilleur
res choses.
Votre journal a été plus malin que les aM*
tres, et, si vos confrères le désirent, je suis
tout à leur disposition pour leur montrer
que je suis encore vigoureux.
L'incident est donc clos.
Veuillez agréer, monsieur, l'assurance d.
ma considération très distinguie.
ROULEZ.
P.-S. Lesrieurs sont pour moi.
La lecture de cette lettre ne nous a
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