Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-10-09
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 octobre 1880 09 octobre 1880
Description : 1880/10/09 (N326,A2). 1880/10/09 (N326,A2).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
GIL BLA8. - Samedi 9 Octobre I880
— On prend la personne et on l'em-
mène, tout simplement.
— Alors, cela n'est pas difficile.
— Tu emprunteras un cheval au père
Jérôme, et je monterai en croupe derrière
toi.
— Et si l'on nous rattrape ?
— On nous pardonnera ; on pardonne
toujours.
- Alors, je veux bien. Quand partons-
nous?
— Demain, de bonne heure. Tu frappe-
ras trois coups dans ta main. Je descen-
drai et tu m'enlèveras.
— C'est entendu.
Notre fermier Jérôme, à qui je contai
je ne sais quelle histoire, me prêta volon-
tiers son grand oheval blanc, qui n'avait
pas de méchanceté. Nous passâmes la nuit
sans dormir,ma tante et moi, tout préoc-
cupés de notre enlèvement. Au lever du
soleil, je frappai dans mes mains ; Amélie
descendit, et nous voilà partis sur Co-
cotte.
Le début du voyage fut charmant. Amé-
lie, peu habituée aux promenades à cheval,
s'extasiait sur cette façon de courir la
monde. Elle s'amusait du paysage, des
passants, du matin, de tout ce qu'elle
voyait. Nous avions choisi une route à
nous inconnue, dans laquelle les aventures
les plus étranges ne pouvaient nous faire
défaut.
Rien ne nous arriva pourtant qu'une
assez grande fatigue — locale — qui nous
décida à quitter le trot pour une plus mo-
deste allure.
— Jean, me dit ma tante, est-ce que
tu t'amuses à m'enlever ?
— Oui, ma tante, mais pas trop.
— Je crois bien ; tu ne me dis rien.
Dans le livre, le noble chevalier fait tout le
temps la cour à la princesse.
— Et comment ?
— Il lui dit de jolies choses, jqu'il l'aime
par exemple.
- Tu sais bien que je t'aime; il n'y a
pas besoin de le dire, ma petite tante ; si
tu étais devant moi, je t'embrasserais.
— Oui, mais je suis derrière. Et à pro-
pos de derrière, j'ai joliment mal quelque
part.
— Ma tante ! fis-je en rougissant
— Comment font les princesses qui res-
tent huit jours à cheval ? Ah î je les plains !
Tiens, je veux descendre.
— Précisément, voilà une auberge au
tournant du chemin.
— Quel bonheur ! je meurs de soif. Tu
ne pouvais pas emporter une gourde?
Quand on enlève une femme, il faut pen-
ser à la nourrir.
— Ma tante, c'est que c'est la première
fois. Je ne suis pas bien au courant. Enfin
voici l'auberge.
*
En effet, devant une grande maison gaie,
au bord du chemin, une enseigne se balan-
çait sous une tringle rouillée. Une hôtesse
avenante nous accueillit avec une révé-
rence, retroussa son tablier et demanda ce
qu'il fallait nous servir.
- Tout ce que vous aurez, dit ma tante.
Ce fut un repas joyeux, mêlé de taqui-
neries, de rires, de bonnes paroles et de
longs repos, car nous étions bien fatigués.
Un petit vin blanc, doux et clair, nous fit
oublier les privations de la journée. Le
soleil tombait sous l'horizon.
Au dessert, ma tante Amélie dormait
debout. Nous étions dans une grande
chambre à deux lits où nous avait conduits
l'hôtesse.
— Ah f me dit Amélie en tombant sur
un fauteuil, je n'ai pas la force de me
déshabiller.
Je me chargeai de ce soin, et déchaussai
ma petite tante, dont je baisai les jolis
pieds blancs. Elle se laissa faire, mais
quand je dégrafai son corsage, elle parut
se réveiller, se défit en un clin d'œil avec
une adresse de fée, — et se fourra — ce
fut une éclipse — dans les draps d'un de
ces grands lits à colonnes torses, qui
n'avait jamais mieux mérité que ce jour-
là son nom de « lit à l'ange. »
— Ma tante, dis-je en tremblant et en
regardant au plafond si le tonnerre de
Dieu n'allait pas me tomber sur la tête, je
vous assure que dans les enlèvements- le
chevalier et la princesse couchent tou-
jours ensemble.
Se peut-il qu'un simple vin blanc d'au-
berge souffle tant d'audace à un cœur de
dix-sept ans ?
— Comme tu voudras, me dit Amélie,
mais laisse-moi dormir.
Je fus bientôt auprès d'elle, et voulus la
prendre dans mes bras. C'est elle qui me
prit dans les siens. Chloé n'enlaçait pas
Daphnis d'une façon plus chaste.
- Je veux bien coucher avec toi, dit-
o elle, mais à condition que tu sois bien
tranquille; ne bouge pas; je veux dormir.
Oui, vous allez vous moquer de moi.
Cela m'est égal.
Oubliez-vous que je n'avais jamais
désobéi à ma tante, que ses caprices
étaient des lois pour moi, et que je m'en-
dormais presque autant qu'elle ? La chère
créature s'était assoupie tout de suite, la
tête sur ma poitrine , blanche et pure
comme un lis, m'emprisonnant dans ses
bras. Trahir cette confiance : jamais !
Et puis je songeais au réveil du lende-
main. Et c'est bercé par les plus doux
songes que je perdis la conscience de la
réalité.
Hélas! le réveil ne fut pas ce que j'es-
pérais. Je me sentis tout à coup jeté à bas
du grand lit, planté sur mes jambes et
souffleté par mon grand-père, qui cher-
chait à se dégager le cœur.
On nous cherchait depuis le matin. Ma
grand'mère secouait Amélie, qui ne com-
prenait rien aux histoires qu on lui fai-
sait.
— Ah ! disait-elle, si une tante ne peut
plus coucher avec son neveu, à présent !
La pauvre chérie n'avait aucune idée
du forfait qu'on nous reprochait. Le fait
est que nous avions couché plus de vingt
fois ensemble —une dizaine d'années au-
paravant.
Il fut un instant question de nous ma-
rier ; mais, après nous avoir fait subir un
interrogatoire, on revint sur ce projet.
De son côté, mon grand-père déclara que
j'étais un brave et digne garçon, ce qui ne
l'empêchait pas de pouffer de rire en me
regardant, quand il ) faisait allusion à cette
histoire. Si bien qu'un jour, le cœur m'en
creva, et que je dis à ma tante Amélie
qu'elle m'avait déshonoré.
Elle voulut savoir comment, et je lui
avouai tout, ajoutant que je l'aimais com-
me un fou et que je voulais être son mari.
Ah ! si vous aviez vu se soulever son
corsage, en écoutant tout ce que je lui dis
de tendre et de passionné! Trop lourd
pour me mettre sur ses genoux, je l'avais
prise sur les miens. Elle me consola, tout
en me faisant comprendre qu'une tante ne
pouvait pas épouser son neveu, parce que
les femmes obéissent à leur mari, et qu au
contraire, les neveux obéissent à leur
tante.
Ma tante Amélie restera toujours ma
meilleure amie. Elle s'est mariée depuis ce
temps-là. Moi, je ne me marierai jamais.
Il me suffit qu'elle me console.
Stradivarius.
-————————— + ——————————
L'ACTUALITÉ
OBSÈQUES D'OFFENBACH
Il s'est produit cette bizarrerie, aux obsè-
ques d'Offen bach,qu'après avoir travaillé toute
sa vie pour le public, c'est encore pour le pu-
blic, le public seul, qu'il a eu cet admirable
service funèbre que nous avons annoncé.
Par suite d'un regrettable malentendu, tan-
dis que la Madeleine contenait ce matin cinq
ou six mille indifférents, ses amis, ses colla-
borateurs même, ont été écartés de sa messe
mortuaire.
A tous ceux qui se présentaient à partir de
dix heures, les gardiens de la paix ont barré
le passage en disant que l'église était pleine.
Je crois bien ! Dès huit heures, elle avait
été librement envahie par des colonies d'An-
glais, conduites par d'intelligents cornacs,
qui avaient su leur persuader que l'entrée
coûtait très cher. (Historique.) Joignez à cela
les amateurs parisiens de bonne musique à
bon marché, désireux d'entendre Faure et les
airs inédits des Contes d'Hoffmann, et vous
vous rendrez compte de la foule qui était
massée dans la grande nef lorsque, à dix
heures dix minutes, est arrivé le char.
***
Vous allez dire qu'il eût été bien simple de
distribuer des cartes, et de ne laisser entrer
que les porteurs de ces cartes, ainsi que cela
s'était passé lors du service funèbre de
Déjazet.
Certainement que c'était bien simple. Seu-
lement, on n'y a pas pensé, et c'est avec une
difficulté véritable que le cortège a pu se
frayer un passage sur le perron de la Made-
leine. Quant à la place de l'église, elle était
remplie de plus de vingt mille curieux.
* *
Le char était des plus simples, mais sur-
chargé de couronnes. — De toutes ces cou-
ronnes, la plus belle était incontestablement
celle qu'avait offerte le théâtre des Galeries-
Saint-Hubert (tout en roses et en lilas, avec
un large ruban aux couleurs de Belgique.)
Les autres avaient été envoyées par l'Opéra,
l'Opéra-Comique, les Folies-Dramatiques, les
Bouffes, la Renaissance, les Variétés, etc.
L'une d'elles portait la liste de toutes les
principales œuvres du maestro.
Le deuil était conduit par MM. Jacques
Offenbach fils, Tournai, Comte, Gaston et
Robert Mitchell. De la maison mortuaire à
l'église, MM. Perrin, Halanzier, Sardou et de
Najac ont tenu les cordons du poêle.
m1*#
A l'intérieur de l'église, les tentures noires
ne montaient qu'à mi-hauteur des murs, et
n'occupaient que la moitié de la nef. Le cata-
falque n'était exhaussé que de trois ou quatre
marches, et une seule rangée de sièges
étaient tendus de deuil.
L'Introït a été chanté par M. Furst, le Pie
Jesu par M. Faure, VAgnus Dei par M. Tala-
zac, et le Miserere, adapté à l'une des mélo-
dies des Contes d'Hoffmann, par M. Taskin.
Pendant l'Offertoire, le grand orgue a joué
la Chanson de Fortunio. Il est impossible de
se figurer, sans l'avoir entendu, l'effet pro-
duit par ces quelques mesures mélancoliques,
pleurées par l'orgue qui semblait exhaler des
sanglots.
L'absoute a été donnée par le curé de la
Madeleine.
* *
Pendant cette messe, qui a duré une heure
environ, et au cours de laquelle cinq ou six
personnes se sont trouvéus mal, tant la foule
était tassée dans la nef et les bas côtés, le
perron de la Madeleine présentait le plus cu-
rieux coup d'œil.
Faute d'avoir pu entrer dans l'église, tout
ce que Paris compte de célébrités était resté
dehors. Artistes, hommes de lettres, peintres,
musiciens, personnages politiques, il y avait
de tout pêle-mêle : MM. Crémieux, Mortier,
Vanloo,Duru,Chivot, Millaud, Leterrier et une
demi-douzaine d'autres collaborateurs du dé-
funt, risquaient de temps en temps une ten-
tative inutile pour se frayer un passage, tan-
dis que toutes sortes de jolies personnes, or-
dinairement peu graves, se tenaient modeste-
ment sous le péristyle, en toilettes noires. A
côté de comédiens au menton bleu, des séna-
teurs pestant et s'abritant sous leurs para-
pluies. Et tous, acteurs, députés, reporters,
directeurs, ténors ou peintres célèbres, acca-
blaient de reproches, avec une même énergie,
un maître des cérémonies des pompes funè-
bres, — lequel, d'ailleurs, paraissait s'a-
muser beaucoup.
A quoi bon citer des noms ? Ce serait trop
long. Il suffit de se figurer le public d'une
salle de première représentation.
A onze heures un quart, le cercueil a été
replacé sur le char, et le cortège a pris le
chemin du cimetière Montmartre, par les
grands boulevards et le faubourg Poisson-
nière. Malgré la pluie, plus de 3,000 person-
nes ont suivi jusqu'au bout.
Les cordons du poêle avaient été tenus par
MM. Sardou, Joncières, de Najac et Armand
Gouzien.
Le char funèbre s'est avancé jusqu'à l'en-
trée de l'allée des Gardiens, où se trouve le
caveau de la famille Alkain, dans lequel
Offenbach devait être inhumé. Ce tombeau
affecte la forme d'une petite chapelle.
M. Victorin Joncières, en qualité de délé-
gué de l'Association des auteurs et composi-
teurs de musique, avait préparé un discours.
M. Maquet, président de la Société des au.
teurs dramatiques, ayant été prié de pronon-
cer le premier quelques paroles, s'est retiré
un instant, pour les écrire, chez le conser-
vateur du cimetière.
Il s'est borné à cinq ou six phrases pleines
d'émotion.
M. Joncières a brièvement passé en revue
la carrière musicale, si remplie, d'Offenbach,
et a rendu hommage, non-seulement à son
talent, mais à son caractère. Il a rappelé
dans quelles circonstances il avait accepté de
partir en Amérique, afin de faire honneur à
ses engagements, et il a terminé en s'asso-
ciant à la profonde douleur de sa veuve,
« celle qui savait si bien, aux heures diffi-
» ciles, relever le courage de son mari. »
A
A une heure et demie, tout était fini, et
après sa vie de travail sans relâche, Offenbach
entrait définitivement dans la paix de son
tombeau.
Gaston Vassy.
— ■—— i
Les souscripteurs dont l'abonnemeni
expire le 15 octobre sont priés de le
renouveler, s'ils ne veulent pas éprou-
ver de retard dans Venvoi du journal.
»
A TRAVERS LA POLITIQUE
Je n'aime pas à prendre le ton grave,
et mes lecteurs me rendront cette justice
que je cherche sincèrement le bon côté des
choses ; mais enfin, il y a des moments où
le sérieux s'impose. Eh bien, franche-
ment, le ton que prend la Turquie ne me
plaît pas.
Non pas que je blâme cette nation indé-
pendante de défendre son honneur et son
indépendance. Je n'ai aucun préjugé là-
dessus, et il m'importe peu qu'on bran-
disse l'oriflamme de saint Denis ou l'éten-
dard du Prophète, si on le brandit d'une
main ferme et avec un cœur courageux.
Donc, ce n'est pas l'attitude un peu hau-
taine, certainement fière, de la Turquie
que je blâme; c'est la finesse diplomatique
avec laquelle elle a attendu l'heure de se
montrer fière et hautaine. La fierté qui
vient du cœur, parfait; la hauteur qu'ins-
pire le sentiment de la dignité, admira-
ble ! Mais la hauteur et la fierté qui sor-
tent — au moment voulu — du magasin
des accessoires, comme l'armet de Mam-
brin ou l'épée de Roland dans les drames
romantiques, moins d'admiration, beau-
coup moins !
Je reconnais d'ailleurs, cette réserve
faite, que les Turcs sont de remarquables
diplomates. J'espère qu'après toutes ces
concessions, la Sublime-Porte me per-
mettra de la laisser à ses vertus guerrières
et patriotiques, à ses études pratiques de
la science des Machiavel, des Metternich
et des Talleyrand, et de parler un peu
français.
Nous aussi, nous avons nos côtés fiers
et hautains, parfois même nous emprun-
tons à feu Don Quichotte des inspirations
malencontreuses ; mais aussi, nous avons
eu — il y a longtemps, par exemple —
— quelque renom diplomatique ; mais il
y a une qualité ou un défaut, comme on
voudra, qui nous manque absolument :
c'est l'égoïsme.
Ah! si nous étions égoïstes, si nous
songions à nous d'abord, et puis ensuite à
nous, et puis encore et toujours à nous,
quel peuple nous serions ! Si nous n'avions
pas couru, pour servir je ne sais quelles
causes fantaisistes, pour fournir je ne sais
quels sujets de pendules ou de devants de
cheminées, les aventures les plus héroï-
ques et les plus ridicules ; si nous n'avions
pas, comme des conscrits qui ont à faire
leurs preuves, la tête près du bonnet ; si
nous ne nous posions pas en défenseurs de
la veuve et de l'orphelin, allant tantôt dé-
fendre des gens en fustanelle de toile
blanche qui se moquent de nous, ou des
gens à fez rouge qui nous méprisent ; si
nous n'avions pas fait et si nous ne fai-
sions pas encore cela, quel peuple nous
serions ! quelle puissance de fortune et
quelle autorité morale ! La France égoïs-
te ! quel rêve !
Et notez, s'il vous plaît, que je ne parle
pas de cet égoïsme sot et brutal qui con-
siste à rester étranger à tout ce qui se
passe, à retourner la devise du poète latin :
Nil huma.ni; non, je parle de ce senti-
ment intime et profond de sa valeur, de
son autorité, de sa dignité, qui fait qu'on
ne se galvaude pas en de maladroites en-
treprises et qu'on ne contresigne pas des
actes qui peuvent compromettre leurs au-
teurs.
J'ai parfois rudement parlé aux puis-
sants du jour et j'ai en réserve de rudes
apostrophes à leur lancer. Ils ont commis
des fautes et ils se sont surtout fait de
leur valeur une idée exagérée. Il est pos-
sible — je le crois - que, dans les cir-
constances actuelles, ils aient légèrement
engagé la France. Ce qui est fait est fait.
Les événements prennent une tournure
grave; que nos gouvernants délibèrent
gravement,bien entendu,avant d'agir, mais
que, surtout, ils délibèrent, ce que je leur
reproche de n'avoir pas encore fait.
S'ils veulent agir en bons citoyens — et
je ne doute pas que telle soit leur in-
tention — ils doivent se bien - rendre
compte de l'état des esprits en France.
Or, cet état des esprits, je crois le for-
muler exactement ainsi :
La France est prête à donner tout son
sang et tout son or pour défendre son
honneur et l'intégrité do son territoire.
Elle ne pardonnera pas à celui qui lui
coûtera un louis et une goutte de sang
pour une aventure politique.
La grande abandonnée a payé assez
cher le droit d'être une fois dans sa vie de
dix siècles la grande égoïste.
Le Sage.
—————————— +
INFORMATIONS
--- Le Journal officiel publie sous ce titre:
Etude des causes de l'infection de Paris, 1° le
rapport d'une commission prise dans son sein,
et chargée d'étudier les causes de l'infec-
tion de Paris pendant le mois d'août dernier
et les premiers jours de septembre ; 20 un ex-
trait du procès-verbal de la séance dans la-
quelle le conseil a approuvé les conclusions
du rapport présenté par sa commission.
Nous avons donné dernièrement le résumé
et les conclusions de ce rapport, qui a été pu-
blié conformément au voeu exprimé par le
conseil d'hygiène publique et de salubrité de
la Seine.
- M. Louis (Georges), secrétaire du co-
mité de législation étrangère au ministère de
la justice, est nommé chef du cabinet du
sous-secrétaire d Etat au ministère des affai-
res étrangères.
--Demain aura lieu un important conseil
des ministres dans lequel on réglera défini-
tivement la question de l'exécution des dé-
crets du 29 mars.- On assure que M. Grévy
présidera la séance.
- M. le ministre de l'intérieur est arrivé
hier matin à Paris et a repris immédiatement
possession de son ministère.
Dans la journée, il a conféré longuement
avec M. Fallières, sous-secrétaire d'Etat, et
avec M. Hérold, préfet de la Seine.
M. Constans va immédiatement s'occuper
du mouvement préfectoral, qui est rendu né-
cessaire par la vacance d'un certain nombre
de postes importants.
- La France annonce la nomination de
M. Francis Charmes, rédacteur aux Débats,
aux fonctions de sous-directeur du service
politique au ministère des affaires étran-
gères
-- L'Agence Havas dément la nouvelle
donnée ce matin par un journal et d'après la-
quelle il serait question d'annuler la nomina-
tion de M. Lefebvre de Béhaine, envoyé
récemment à La Haye par M. de Freycinet
en qualité de ministre plénipotentiaire.
- Le ministre de l'instruction publique,
dit le Temps, va déposer à la rentrée sur le
bureau de la Chambre un très important pro-
jet de loi relativement au rétablissement du
certificat d'études.
Le but du projet est d'assurer à l'Etat des
garanties sérieuses pour le recrutement du
personnel destiné aux fonctions publiques et
aux carrières libérales.
Voici en quoi il consiste :
« Désormais les grades universitaires, tels
que ceux de bachelier et de licencié, qui ou-
vrent à ceux qui en sont pourvus l'accès des
fonctions publiques ou celui des carrières libé-
rales, ne seront accordés qu'aux jeunes gens
munis d'un certificat constatant qu'ils ont reçu
l'instruction secondaire soit dans les établis.
sements de l'Etat, soit dans les établissements
libres soumis à des conditions déterminées.
» Ces établissements libres, placés sur le
même rang que ceux de l'Etat pour la valeur
du certificat d'études, devraient avoir pour
directeurs des personnes munies des diplômes
universitaires supérieurs.
» Les professeurs principaux devraient de
même posséder ces grades supérieurs. Quant
aux professeurs secondaires ou maîtres d'étu-
des, ils devront tous possé 1er au moins le
grade de bachelier. »
- Le ministre des travaux publics vient
d'adresser aux préfets une circulaire fixant
les époques pendant lesquelles la pêche doit
être interdite, en vue de protéger ia reproduc-
tion du poisson.
- Demain s'ouvrira à Paris, au ministère
des affaires étrangères, une nouvelle confé-
rence postale, sous la présidence de M. Ad.
Cochery, ministre des postes et des télégra-
phes de France.
Tous les Etats d'Europe, sans exception, y
seront représentés. Les grandes Compagnies
françaises de chemins de fer et les Compa-
gnies des services maritimes subventionnés y
assisteront également.
Il s'agit d'examiner s'il est possible, par une
convention internationale, d'établir le service
des petits colis dans toute l'Europe à un prix
fixé par l'Etat quelle que soit la distance à
parcourir dans chaque pays. C'est l'appli-
cation à la petite messagerie des principes
qui régissent le service postal. Le public tout
entier, et surtout les commerçants, doivent
vivement souhaiter que la conférence arrive
à un résultat favorable.
Les représentants des grandes Compagnies
de chemins de fer et de services subvention-
nés ont été convoqués par M. Cochery à une
séance préparatoire, qui se réunira aujourd'hui,
à deux heures.
On y examinera ce qu'il est possible à la
France de faire pour concourir à l'œuvre com-
mune, et on y arrêtera l'attitude que sa délé-
gation prendra au cours des débats de la con-
férence.
- A la demande du ministre du commer-
ce, M. Feray va réunir, avant la reprise de la
session, la commission sénatoriale des tarifs
de douane.
Il importe, en effet, que le gouvernement
soit promptement fixé sur les décisions de
cette commission, afin d'assurer à notre régi-
me économique la stabilité indispensable au
développement des affaires.
On sait, en eflet, que les Chambres ont voté
une loi autorisant le gouvernement à proro-
ger les traités de commerce actuellement
existants pour une période de six mois à
partir de la promulgation du nouveau tarif
général des douanes.
Or, l'Angleterre a accepté la prorogation
dans des conditions indéterminées. Les au-
tres puissances , auxquelles nous sommes
encore liés par des traités, n'ont accepté
qu'une prorogation ferme, avec faculté de
dénonciation à tout instant, et cessation
dans les six mois qui suivront la dénoncia-
tion.
Nous sommes donc exposés à tout instant à
voir dénoncer ces traités avant le vote de
notre nouveau tarif général des douanes.
C'sst pour écarter cette éventualité que le
ministre du commerce désire la prompte réu-
nion de la commission sénatoriale, afin qu'elle
puisse hâter le dépôt de ses rapports et met-
tre le Sénat en état de se prononcer le plus
tôt possible.
-- Une dépêche de Scutari annonce que
le consul autrichien a reçu de son gouverne-
ment l'ordre de se tenir prêt à partir.
-- L'amiral Seymour a ordonné au
contre-amiral russe Kremer de se tenir prêt
à partir.
Le prince héréditaire du Monténégro et les
ministres monténégrins Radonich et Plame-
naz sont repartis hier pour Cettigne.
-- On assure, dans les cercles diplomati-
ques, que le gouvernement anglais aurait
déjà formulé ses propositions sur les mesures
à prendre en vue de vaincre l'obstination du
sultan.
Les puissances délibéreraient actuellement
sur ces propositions.
La presse anglaise compte sur une action
rapide et énergique des puissances. La Daily
Neivs pense qu'une action commune de l'Eu.
rope peut sans grande difficulté régler les
questions en suspens.
Le Times croit également le moment venu
de prouver que l'entente des cabinets euro.
péens est une réalité et non une fiction.
LES ODEURS DE PARIS
Séance du Conseil municipal
Hier, à trois heures, a eu lieu une séance du
conseil municipal de Paris.
Cette session étant extraordinaire, il n'y
avait pas lieu de renouveler le bureau.
C'est donc sous la présidence de M. Cer-
nesson que la séance a été ouverte.
Ainsi que nous l'avions annoncé, M. Roche
a demandé au préfet de police quelle mesure
il a prise et quelle mesure il compte prendre
pour prévenir le retour des odeurs dont se
sont plaints les habitants de Paris.
M. le préfet de police a répondu que, sans
méconnaître la gravité et les inconvénients
des odeurs de Paris, dont la population souf-
fre, les conséquences en ont été singulière-
ment exagérées dans les discussions de la
presse et d'une façon regrettable pour les in-
térêts de lq Ville. En province et à l'étranger,
on a pu croire que la peste allait éclater à
Paris.
Cependant, le rapport de la commission
d'hygiène, publié le jour même à l'Offi.
ciel, constate que les odeurs ont été sans re-
lation avec l'état sanitaire de Pari 3 et que la
mortalité n'a pas été accrue.
On a attribué à diverses causes l'état at.
mosphérique dont on se plaignait avec tant
de raison; on a parlé des égouts.des systèmes
de vidanges, du balayage des cimetières.
M. le préfet de police tient à faire remar-
quer que le balayage, la vidange, les égouts,
les cimetières, enfin ce qui concerne la voirie,
est exclusivement dans les attributions de la
préfecture de la Seine.
Il ne peut donc s'expliquer que sur les éta-
blissements classés qui sont de son ressort
et pour lesquels il délivre des autorisations.
Le préfet actuel n'a accordé qu'une fois ce
droit pour un établissement qui n'a soulevé
aucune plainte.
Mais aussi longtemps que la ville de Paris
et le conseil municipal maintiendront les
fosses fixes, il faudra des dépotoirs. Le préfet
de police a dû se borner à faire inspecter les
établissements classés par son service, et
faire relever et poursuivre en simple police
toutes les contraventions, sauf à n'obtenir
que la répression illusoire des peines de sim-
ple police.
- Il a appelé à son aide, par une circulaire,
les maires des communes suburbaines, in-
terprètes naturels des populations, pour qu'ils
relevassent eux-mêmes les contraventions,
ainsi qu'il est en leur pouvoir.
Le préfet de police a enfin cherché les cau-
ses des mauvais riS odeurs de Paris, et a con-
voqué, à cet effet, le conseil d'hygiène. Cette
voqué, a déposé le savant rapport paru à
assemblée a déposé le savant rapport pdru à
l'Officiel.
M. Jules Roche a demandé au préfet de po-
lice ce qu'il a fait, ce qu'il compte faire. Le
préfet de police l'a dit, tout en regrettant
l'insuffisance de ses moyens d'action et de ses
moyens légaux ; mais si quelqu'un, dans le
conseil municipal, pense que le préfet da po-
lice pouvait ou peut encore faire autre chose,
l'orateur conclut en disant qu'il sera heu-
reux d'entendre les consei's qu'on voudra
bien lui donner et qu'il s'empressera d'en
profiter.
M. Delattre a répondu par un discours qui
n'est que le résumé adouci de la conférence
qu'il a faite sur le même sujet au théâtre du
Château-d'Eau,
Après une protestation de M. Alphand con-
tre les allégations erronées de M. Delattre, le
conseil municipal a renvoyé la suite de la dis-
cussion à la prochaine séance.
Georges Duprey.
— * ;
LES COULISSES DE LA FINANCE
Je n'avais pas tort d'être morose hier; af-
faire de pressentiment. Voilà le 5 0/0 qui dé-
croche et qui perd vingt centimes à 119 80;
voilà toutes les valeurs qui baissent, même le
Crédit foncier, avec un entrain qui rappelle
Philippart et sa liquidation d'octobre de l'an-
née dernière.
Oh ! ce mois d'octobre ; quel mois néfaste !
Il amène toujours avec lui quelque anicro-
che, ne serait-ce que le départ de Soubeyran
pour l'Italie, Rome, Florence et Gênes, où il
va s'entendre avec Garibaldi pour le perce-
ment. de la prison de Canrio, avec em-
branchement sur la France, par un meeting
aux flambeaux.
Etonnez-vous après cela que la Rente baisse
de vingt centimes !
« C'était écrit, dirait le fils dégénéré du
Prophète, qui répond au nom euphémique
d'Ebstein.La Bourse sans Soubeyran, ou sans
moi, c'est comme un clyso-pompe sans réfri-
gérant. Elle se relâche toute seule. »
***
C'est peut-être idiot, ce que je dis-là, mais
comme c'est Obstein qui m'inspire,je ne puis
guère m'élever plus haut que mon modèle.
Très fort, cependant, ce manipulateur au
rabais de Bulletins financiers; et l'on me
narre sur son compte une histoire qui prou-
verait que s'il n'a pas inventé le biberon Dar-
leo, il aurait pu très bien, s'il l'avait voulu,
lui créer une concurrence.
Il s'agit du Propagateur de l'Aube et de sa
plus brillante période ; mais comme cela fe-
rait longueur, je remets l'anecdote à plus
tard.
Il me serait pénible, du reste, de m'égayer
un jour de baisse, et je redeviens sérieux
comme un des bronzes « et un font douze » qui
continuent à menacer sans résultat Dulcigno,
et causent tous nos malheurs actuels.
***
En effet, nos financiers les plus retors,
comprenant enfin qu'ils n'y comprennent rien
et qu'il ne pourront ja.mais rien y compren-
dre, opèrent ce mouvement tournant que je
prévoyais hier et commencent à lâcher pied.
Il est de fait que la lecture des dépêches
politiques est de nature à abrutir le spécu-
lateur le plus endurci.
Il n'y a guère que Farcy qui pourrait arri-
ver à en saisir le sens, s'il y en a un ; aussi
s'est-il empressé de partir pour la Roumanie,
en quête d'un chemin de fer à pêcher en eau
trouble, pour n'avoir pas la corvée de débrouil-
ler cette énigme.
Reste bien Ebstein, avec sa science acquise
dans la lecture assidue du National ; mais
Soubeyran n'étant plus là, il est là comme un
navire qui a perdu sa boussole, ahuri au point
qu'on n'en peut rien tirer.
e-*e
Donc, le marché est légèrement mauvais,
ce qui fait que je n'ose plus, pour aujour-
d'hui du moins, critiquer personne.
Cependant il y aurait une étude curieuse
à faire sur le nez des financiers.
Cslui de Werbrouck se redresse comme
s'il voulait menacer le ciel; celui du Philoso-
phe s'effondre dans sa cravate à la recherche
d'une inspiration qui ne vient pas ; celui de
Bouvier plonge dans un bock dont il ne sort
plus.
C'est lugubre. Qu'y faire? Envisager les
choses de sang-froid et se dire que tous les
temps sont dans la nature, toutes les varia-
tions dans la Bourse ; que la température ne
dure pas toujours et qu'après l'orage vient le
soleil.
Suis-je assez philosophe !
C'est que j'ai déjeuné en aimable compa-
gnie, où les vertus de la haute banque ont
été loyalement reconnues, et judicieusement
appréciées; c'est que j'ai bon estomac et di-
gestion facile ; tellement que je parle presque
latin, comme vous allez le voir.
***
Non licet omnibus ad ire Corinthum. —
Traduction libre : Tout le monde ne peut pas
créer des Compagnies d'omnibus à Corinthe.
C'est pour cela que les malins créent des
Compagnies de voitures.
Ne croyez pas pour cela que je veuille faire
une réclame ; ohl non ; seulement, je trouve
l'assimilation drôle.
Puis il y a dans ces affaires exclusivement
parisiennes des côtés humoristiques fort in-
téressants.
Ainsi, vous ou moi, si nous avions songé à
créer une Compagnie de ce genre, nous au-
rions simplement habillé nos voitures et nos
cochers, comme tous les autres.
Alors nous faisions un four fantastique, tan-
dis qu'en coloriant les voitures en jaune, et
en mettant un chapeau blanc sur la tête du
cocher, cela suffisait pour obtenir un vrai
succès.
C'est très drôle ! — Mais savez vous ce que
cela prouve ?
C'est que, pour faire un bon banquier, un
banquier qui réussit, il faut être un peu.
Barnum.
Ainsi Barnum, Werbrouck, avec ses boni-
ments de parade qui finissent par empoigner
le public.
Barnum aussi Dodolphe Berthier qui, pour
traiter une affaire, endosse son costume de
directeur de l'Hippodrome.
Barnum enfin de Lamonta, qui a toujours
l'air de diriger les bals masqués de l'Opéra-
Comique.
Mais Barnums très habiles, attirant quand
même dans leur baraque une foule qui, cer-
tes, paye plus de 15 centimes, même en sor-
tant.
Don Fabrice.
FAITS DIVERS
1MI IVI1DV1 Lt nouvelle dépression
TEMPERATURE qui abordait hier la Bre-
tagne s'est très peu déplacée ; son centre est aux
îles Scilly et une violente tempête règne sur les
côtes de Bretagne, de Cornouailles et jusqu'en
Irlande.
Le vent est toujours fort dans le golfe du Lion,
mais la pression s'égalise sur la Méditerranée, et
les mauvais temps vont y diminuer.
En France, le vent continue à souffler des ré-
gions sud, la température reste douce. De nou-
velles pluies sont probables.
Le thermomètre marquait hier :
A 7 heures du matin 15° au-dessus de zéro
A il — 20"
A 1 heure après-midi 22° -
- Probabilités pour aujourd'hui t
Temps pluvieux.
AUJOURD'HUI :
A huit heures et demie du soir, à l'hôtel des
Chambres syndicales, rue de Lancry, conte-ence
par M. Meunier sur « le prix du gaz ».
A la même heure, à la salle du boulevard des
Capucines, conférence par Mlle Olympe Audouard
sur l'« Amour J).
Tout Paris s'est profondément ému, il y a
quelques jours, de la situation, vraiment di-
gne en effet d'intérêt et de pitié, de ce mal-
heureux enfant qui, pour rester honnête, s'é-
tait enfui de chez ses parents et n'avait eu
d'autre ressource que de se faire arrêter com-
me vagabond.
C'est à ce moment que le projet généreux
de M. Bonjean trouva, dans la presse, un ap-
pui unanime. Sa tentative s'imposait : il al.
lait de soi qu'il était nécessaire, indispensa-
ble, de créer quelque hospitalière maison,
refuge protecteur de l'enfance abandonnée.
Voici encore un fait navrant qui prouve,
plus éloquemment que tout autre plaidoyer,
l'opportunité de la fondation de cet homme
de cœur.
Il a bien fallu arrêter, hier, une malheu.
reuse petite fille de treize ans, Louise Van-
derburg, qui, sans asile, perdue dans Pans,
réduite à mendier, s'était sauvée de chez sa
mère. Pourquoi ? Parce que la misérable
femme voulait livrer sa propre fille à son
amant !
C'est une chose lamentable que de des-
cendre dans ces bas-fonds, mais la révélation
de ces actes horribles est utile. Pour une
enfant qui so révolte, combien, par peur ou
par faiblesse, cèdent à d'ignobles obsessions ?
Il y a d'incroyables turpitudes ignorées, et
c est un devoir de les rechercher et de les
prévenir.
Les sociétés de protection de l'enfance ont
beaucoup fait déjà; mais, par timidité, par
manque d'organisation, elles sont le plus
souvent impuissantes. Nous ne parlons, bien
entendu, que des associations sérieuses, car,
sous leur titre philanthropique, nous en savons
qui ne sont que de ridicules réunions, servant
à parer leurs membres de titres vains et de
médailles qu'ils se décernent entre eux.
Il y a là des questions graves à étudier, des
problèmes urgents à résoudre, et le premier
est qu'une enfant qui parvient à échapper à
une tentative odieuse puisse trouver dans la
loi une efficace protection.
Un petit scandale parisien :
Il y a quelques mois, un jeune étranger,
très élégant et ayant fort bon air, parvenait,
grâce à ses relations dans le monde israélite,
à s'introduire dans la famille d'un membre du
Consistoire.
Le mariage qu'il venait de contracter lui
assurait une très belle fortune.
Que s'est.il passé ? A-t-il été pris tout à
coup de la nostalgie de l'air d'outre. Rhin ? Sa
femme a-t-elle eu des torts envers lui ? Tou-
jours est-il qu'il a disparu ces jours derniers,
emportant, en homme pratique, la dot qu'il
venait de recevoir.
On parle beaucoup de l'aventure, en ce mo-
ment, dans le monde des affaires.
Nous avons raconté brièvement, hier, le
regrettable incident qui venait de se pro-
duire à la séance de l'Académie de médecine,
et qui portait une singulière atteinte à la di-
gnité du docte corps.
Voici les circonstances qui ont amené la
vive explication que l'on sait :
Depuis deux ans environ, M. Pasteur s'oc-
cupe d'expériences sur le choléra des poules.
L'illustre chimiste refuse d'ailleurs de faire
connaître encore — entrons dans des détails
techniques — le remède prophylactique qu'il
a découvert.
M. Guérin, qui lui avait déjà demandé plu-
sieurs fois de divulguer son secret à l'Acadé-
mie, renouvela hier, courtoisement, son in-
vitation.
M. Pasteur refusa de répondre, et, s'ani-
mant par degrés, changea la discusiion en
accusations contre M. Guérin.
C'est alors qu'intervint, en sa qualité de
président, M. le baron Larrey. Au milieu du
tumulte — bien rare dans un pareil sanc-
tuaire — il demanda à l'assemblée de passer
à l'ordre du jour.
M. Guérin, élevant la voix, et très véhé-
ment encore malgré son grand âge, ne put
s'empêcher de protester. Le président se cou-
vrit, suspendant ainsi la séance.
Le bruit redoublait. M. Guérin, se levant
très vivement, en dépit de. la claudication pé-
nible dont il est affligé, — infirmité à laquelle
son adversaire venait de faire allusion en
termes blessants - se dirigea alors vers M.
Pasteur Il fallut se jeter entre les deux sa-
vants, pour éviter des voies de fait Le soir,
M. Guérin; oubliant ses quatre-vingt-deux
ans, parlait d'envoyer des témoins à M. Pas-
teur, et on a eu toutes les peines du monde à,
le faire renoncer à cette détermination.
Ce sont donc, en réalité, des motifs tout
personnels qui ont amené cette scène scan-
daleuse, dont l'ombre d'Hippocrate a dû tres-
saillir.
On nous dit que des amis communs s'atta.
chent, en ce moment, à réconcilier les deux
farouches collègues.
On racontait un jour une histoire de chasse
au lion devant Offenbach, que ce récit inté-
ressait médiocrement.
— Mais il n'y a pas que les lions qui soient
terribles, fit-il à la fin, impatienté. Le lièvre.
lui-même peut être dangereux.
— Comment ?
— Oui, quand. on en a trop mangé!
Paul Ginisly..
Petites Nouvelles
La nuit dernière, vers une heure, un cocher de
fiacre, nommé Charles Frisch, reconduisait sa
voiture au dépôt du boulevard de Belleville,
quand il fut arrêté dans la rue Morand par qua-
tre individus qui se jetèrent sur lui, le renversè1-
rent et s'enfuirent en emportent sa montre et son
porte-monnaie contenant la recette de la journée.
Frisch poussa des cris désespérés qui furent.
entendus par des gardiens de la paix qui pas-
saient près de là. Mais, en dépit de la rapidité
avec laquelle ils accoururent, ils ne réussirent
qu'à s'emparer d'un seul des malfaiteurs, qu'ils
conduisirent au poste du boulevard Richard-Le-
noir.
— Un employé de commerce, nommé Louis Va-
lentin, a été attaqué cette nuit, vers deux heu-
res, par trois individus cachés derrière le mar-
ché Saint-Pierre, à Montmartre.
Les voleurs se sont emparés d'une somme de
soixante francs et d'une montre en or.
Valentin a été relevé une heure après par des
gardiens de la paix, qui l'ont conduit à son do-
micile, rue Bachelet. Il n'a pas pu donner lee
signalement de ses agresseurs.
— L'administration du journal la Journée pari-
sienne nous prie d'annoncer qu'elle n'a rien de
commun avec le journal la Journée.
— Une discussion s'est engagée hier dans une
crémerie de la rue Lafayette entre un agent d'af-
faires, M. Guiot, et un de ses anciens employés'
nommé Dessaux.
M. Guiot a reçu deux coups de couteau, et le
crémier, qui avait voulu s'interposer, a été frappé
également.
Le meurtrier a été arrêté.
— Le soldat Egelot, du 978 de ligne, a retrouvé
les six cent vingt-cinq mille francs perdus par M.
Pagès à la gare du Norct
Il a droit aux vingt-cinq mille francs promis.
comme récompense.
— Notre collaborateur Fulbert Dumonteil
vient de publier, à la Bibliothèque républicaine,.
les deux premiers volumes de ses Bêtes curieuses
C'est, en effet, une merveille de curiosité que
cette galerie savante et originale, vivante comme
un cirque, où l'on voit surgir les animaux les
moins connus, les plus étranges et les plus
mystérieux.
Par la forme comme par le fond, c'est 1^ tm
livre nouveau qu'il faut lire. Au lieu df';S des-
criptions et des récits des anciens naturalistes
ce sont des portraits pleins d'humour et de cou-
leur, dessinés de main de maître. On connaît la
manière concise, saisissante et imagée de Ful-
bert Dumonteil ; il ne se borne pas à raconter
il peint ; on voit, on entend, on connaît, on ad.
mire, on redoute, on plaint, on aime la bête
merveilleuse ou terrible, formidable ou char-
mante qu'anime son crayon.
— L'ANTI-BOLBOS supprime les points noirs
du nez. Parr. exotique, 35, rue du 4-Septembre.
— L'hiver de 1881 va consacrer le succès du
Tailleur-Chemisier moclorne qui, par le soin avec
lequel il a choisi ses coupeurs, par le stock im-
mense de ses draperies et de ses hautes nou-
veautés de saison, par son bon marché sans rival
a fait une maison de premier ordre. Complets en
cheviot d'Ecosse, sur mesure, depuis 40 francs
Rayon spécial de chemises riches 167 * rue
Montmartre.
— On prend la personne et on l'em-
mène, tout simplement.
— Alors, cela n'est pas difficile.
— Tu emprunteras un cheval au père
Jérôme, et je monterai en croupe derrière
toi.
— Et si l'on nous rattrape ?
— On nous pardonnera ; on pardonne
toujours.
- Alors, je veux bien. Quand partons-
nous?
— Demain, de bonne heure. Tu frappe-
ras trois coups dans ta main. Je descen-
drai et tu m'enlèveras.
— C'est entendu.
Notre fermier Jérôme, à qui je contai
je ne sais quelle histoire, me prêta volon-
tiers son grand oheval blanc, qui n'avait
pas de méchanceté. Nous passâmes la nuit
sans dormir,ma tante et moi, tout préoc-
cupés de notre enlèvement. Au lever du
soleil, je frappai dans mes mains ; Amélie
descendit, et nous voilà partis sur Co-
cotte.
Le début du voyage fut charmant. Amé-
lie, peu habituée aux promenades à cheval,
s'extasiait sur cette façon de courir la
monde. Elle s'amusait du paysage, des
passants, du matin, de tout ce qu'elle
voyait. Nous avions choisi une route à
nous inconnue, dans laquelle les aventures
les plus étranges ne pouvaient nous faire
défaut.
Rien ne nous arriva pourtant qu'une
assez grande fatigue — locale — qui nous
décida à quitter le trot pour une plus mo-
deste allure.
— Jean, me dit ma tante, est-ce que
tu t'amuses à m'enlever ?
— Oui, ma tante, mais pas trop.
— Je crois bien ; tu ne me dis rien.
Dans le livre, le noble chevalier fait tout le
temps la cour à la princesse.
— Et comment ?
— Il lui dit de jolies choses, jqu'il l'aime
par exemple.
- Tu sais bien que je t'aime; il n'y a
pas besoin de le dire, ma petite tante ; si
tu étais devant moi, je t'embrasserais.
— Oui, mais je suis derrière. Et à pro-
pos de derrière, j'ai joliment mal quelque
part.
— Ma tante ! fis-je en rougissant
— Comment font les princesses qui res-
tent huit jours à cheval ? Ah î je les plains !
Tiens, je veux descendre.
— Précisément, voilà une auberge au
tournant du chemin.
— Quel bonheur ! je meurs de soif. Tu
ne pouvais pas emporter une gourde?
Quand on enlève une femme, il faut pen-
ser à la nourrir.
— Ma tante, c'est que c'est la première
fois. Je ne suis pas bien au courant. Enfin
voici l'auberge.
*
En effet, devant une grande maison gaie,
au bord du chemin, une enseigne se balan-
çait sous une tringle rouillée. Une hôtesse
avenante nous accueillit avec une révé-
rence, retroussa son tablier et demanda ce
qu'il fallait nous servir.
- Tout ce que vous aurez, dit ma tante.
Ce fut un repas joyeux, mêlé de taqui-
neries, de rires, de bonnes paroles et de
longs repos, car nous étions bien fatigués.
Un petit vin blanc, doux et clair, nous fit
oublier les privations de la journée. Le
soleil tombait sous l'horizon.
Au dessert, ma tante Amélie dormait
debout. Nous étions dans une grande
chambre à deux lits où nous avait conduits
l'hôtesse.
— Ah f me dit Amélie en tombant sur
un fauteuil, je n'ai pas la force de me
déshabiller.
Je me chargeai de ce soin, et déchaussai
ma petite tante, dont je baisai les jolis
pieds blancs. Elle se laissa faire, mais
quand je dégrafai son corsage, elle parut
se réveiller, se défit en un clin d'œil avec
une adresse de fée, — et se fourra — ce
fut une éclipse — dans les draps d'un de
ces grands lits à colonnes torses, qui
n'avait jamais mieux mérité que ce jour-
là son nom de « lit à l'ange. »
— Ma tante, dis-je en tremblant et en
regardant au plafond si le tonnerre de
Dieu n'allait pas me tomber sur la tête, je
vous assure que dans les enlèvements- le
chevalier et la princesse couchent tou-
jours ensemble.
Se peut-il qu'un simple vin blanc d'au-
berge souffle tant d'audace à un cœur de
dix-sept ans ?
— Comme tu voudras, me dit Amélie,
mais laisse-moi dormir.
Je fus bientôt auprès d'elle, et voulus la
prendre dans mes bras. C'est elle qui me
prit dans les siens. Chloé n'enlaçait pas
Daphnis d'une façon plus chaste.
- Je veux bien coucher avec toi, dit-
o elle, mais à condition que tu sois bien
tranquille; ne bouge pas; je veux dormir.
Oui, vous allez vous moquer de moi.
Cela m'est égal.
Oubliez-vous que je n'avais jamais
désobéi à ma tante, que ses caprices
étaient des lois pour moi, et que je m'en-
dormais presque autant qu'elle ? La chère
créature s'était assoupie tout de suite, la
tête sur ma poitrine , blanche et pure
comme un lis, m'emprisonnant dans ses
bras. Trahir cette confiance : jamais !
Et puis je songeais au réveil du lende-
main. Et c'est bercé par les plus doux
songes que je perdis la conscience de la
réalité.
Hélas! le réveil ne fut pas ce que j'es-
pérais. Je me sentis tout à coup jeté à bas
du grand lit, planté sur mes jambes et
souffleté par mon grand-père, qui cher-
chait à se dégager le cœur.
On nous cherchait depuis le matin. Ma
grand'mère secouait Amélie, qui ne com-
prenait rien aux histoires qu on lui fai-
sait.
— Ah ! disait-elle, si une tante ne peut
plus coucher avec son neveu, à présent !
La pauvre chérie n'avait aucune idée
du forfait qu'on nous reprochait. Le fait
est que nous avions couché plus de vingt
fois ensemble —une dizaine d'années au-
paravant.
Il fut un instant question de nous ma-
rier ; mais, après nous avoir fait subir un
interrogatoire, on revint sur ce projet.
De son côté, mon grand-père déclara que
j'étais un brave et digne garçon, ce qui ne
l'empêchait pas de pouffer de rire en me
regardant, quand il ) faisait allusion à cette
histoire. Si bien qu'un jour, le cœur m'en
creva, et que je dis à ma tante Amélie
qu'elle m'avait déshonoré.
Elle voulut savoir comment, et je lui
avouai tout, ajoutant que je l'aimais com-
me un fou et que je voulais être son mari.
Ah ! si vous aviez vu se soulever son
corsage, en écoutant tout ce que je lui dis
de tendre et de passionné! Trop lourd
pour me mettre sur ses genoux, je l'avais
prise sur les miens. Elle me consola, tout
en me faisant comprendre qu'une tante ne
pouvait pas épouser son neveu, parce que
les femmes obéissent à leur mari, et qu au
contraire, les neveux obéissent à leur
tante.
Ma tante Amélie restera toujours ma
meilleure amie. Elle s'est mariée depuis ce
temps-là. Moi, je ne me marierai jamais.
Il me suffit qu'elle me console.
Stradivarius.
-————————— + ——————————
L'ACTUALITÉ
OBSÈQUES D'OFFENBACH
Il s'est produit cette bizarrerie, aux obsè-
ques d'Offen bach,qu'après avoir travaillé toute
sa vie pour le public, c'est encore pour le pu-
blic, le public seul, qu'il a eu cet admirable
service funèbre que nous avons annoncé.
Par suite d'un regrettable malentendu, tan-
dis que la Madeleine contenait ce matin cinq
ou six mille indifférents, ses amis, ses colla-
borateurs même, ont été écartés de sa messe
mortuaire.
A tous ceux qui se présentaient à partir de
dix heures, les gardiens de la paix ont barré
le passage en disant que l'église était pleine.
Je crois bien ! Dès huit heures, elle avait
été librement envahie par des colonies d'An-
glais, conduites par d'intelligents cornacs,
qui avaient su leur persuader que l'entrée
coûtait très cher. (Historique.) Joignez à cela
les amateurs parisiens de bonne musique à
bon marché, désireux d'entendre Faure et les
airs inédits des Contes d'Hoffmann, et vous
vous rendrez compte de la foule qui était
massée dans la grande nef lorsque, à dix
heures dix minutes, est arrivé le char.
***
Vous allez dire qu'il eût été bien simple de
distribuer des cartes, et de ne laisser entrer
que les porteurs de ces cartes, ainsi que cela
s'était passé lors du service funèbre de
Déjazet.
Certainement que c'était bien simple. Seu-
lement, on n'y a pas pensé, et c'est avec une
difficulté véritable que le cortège a pu se
frayer un passage sur le perron de la Made-
leine. Quant à la place de l'église, elle était
remplie de plus de vingt mille curieux.
* *
Le char était des plus simples, mais sur-
chargé de couronnes. — De toutes ces cou-
ronnes, la plus belle était incontestablement
celle qu'avait offerte le théâtre des Galeries-
Saint-Hubert (tout en roses et en lilas, avec
un large ruban aux couleurs de Belgique.)
Les autres avaient été envoyées par l'Opéra,
l'Opéra-Comique, les Folies-Dramatiques, les
Bouffes, la Renaissance, les Variétés, etc.
L'une d'elles portait la liste de toutes les
principales œuvres du maestro.
Le deuil était conduit par MM. Jacques
Offenbach fils, Tournai, Comte, Gaston et
Robert Mitchell. De la maison mortuaire à
l'église, MM. Perrin, Halanzier, Sardou et de
Najac ont tenu les cordons du poêle.
m1*#
A l'intérieur de l'église, les tentures noires
ne montaient qu'à mi-hauteur des murs, et
n'occupaient que la moitié de la nef. Le cata-
falque n'était exhaussé que de trois ou quatre
marches, et une seule rangée de sièges
étaient tendus de deuil.
L'Introït a été chanté par M. Furst, le Pie
Jesu par M. Faure, VAgnus Dei par M. Tala-
zac, et le Miserere, adapté à l'une des mélo-
dies des Contes d'Hoffmann, par M. Taskin.
Pendant l'Offertoire, le grand orgue a joué
la Chanson de Fortunio. Il est impossible de
se figurer, sans l'avoir entendu, l'effet pro-
duit par ces quelques mesures mélancoliques,
pleurées par l'orgue qui semblait exhaler des
sanglots.
L'absoute a été donnée par le curé de la
Madeleine.
* *
Pendant cette messe, qui a duré une heure
environ, et au cours de laquelle cinq ou six
personnes se sont trouvéus mal, tant la foule
était tassée dans la nef et les bas côtés, le
perron de la Madeleine présentait le plus cu-
rieux coup d'œil.
Faute d'avoir pu entrer dans l'église, tout
ce que Paris compte de célébrités était resté
dehors. Artistes, hommes de lettres, peintres,
musiciens, personnages politiques, il y avait
de tout pêle-mêle : MM. Crémieux, Mortier,
Vanloo,Duru,Chivot, Millaud, Leterrier et une
demi-douzaine d'autres collaborateurs du dé-
funt, risquaient de temps en temps une ten-
tative inutile pour se frayer un passage, tan-
dis que toutes sortes de jolies personnes, or-
dinairement peu graves, se tenaient modeste-
ment sous le péristyle, en toilettes noires. A
côté de comédiens au menton bleu, des séna-
teurs pestant et s'abritant sous leurs para-
pluies. Et tous, acteurs, députés, reporters,
directeurs, ténors ou peintres célèbres, acca-
blaient de reproches, avec une même énergie,
un maître des cérémonies des pompes funè-
bres, — lequel, d'ailleurs, paraissait s'a-
muser beaucoup.
A quoi bon citer des noms ? Ce serait trop
long. Il suffit de se figurer le public d'une
salle de première représentation.
A onze heures un quart, le cercueil a été
replacé sur le char, et le cortège a pris le
chemin du cimetière Montmartre, par les
grands boulevards et le faubourg Poisson-
nière. Malgré la pluie, plus de 3,000 person-
nes ont suivi jusqu'au bout.
Les cordons du poêle avaient été tenus par
MM. Sardou, Joncières, de Najac et Armand
Gouzien.
Le char funèbre s'est avancé jusqu'à l'en-
trée de l'allée des Gardiens, où se trouve le
caveau de la famille Alkain, dans lequel
Offenbach devait être inhumé. Ce tombeau
affecte la forme d'une petite chapelle.
M. Victorin Joncières, en qualité de délé-
gué de l'Association des auteurs et composi-
teurs de musique, avait préparé un discours.
M. Maquet, président de la Société des au.
teurs dramatiques, ayant été prié de pronon-
cer le premier quelques paroles, s'est retiré
un instant, pour les écrire, chez le conser-
vateur du cimetière.
Il s'est borné à cinq ou six phrases pleines
d'émotion.
M. Joncières a brièvement passé en revue
la carrière musicale, si remplie, d'Offenbach,
et a rendu hommage, non-seulement à son
talent, mais à son caractère. Il a rappelé
dans quelles circonstances il avait accepté de
partir en Amérique, afin de faire honneur à
ses engagements, et il a terminé en s'asso-
ciant à la profonde douleur de sa veuve,
« celle qui savait si bien, aux heures diffi-
» ciles, relever le courage de son mari. »
A
A une heure et demie, tout était fini, et
après sa vie de travail sans relâche, Offenbach
entrait définitivement dans la paix de son
tombeau.
Gaston Vassy.
— ■—— i
Les souscripteurs dont l'abonnemeni
expire le 15 octobre sont priés de le
renouveler, s'ils ne veulent pas éprou-
ver de retard dans Venvoi du journal.
»
A TRAVERS LA POLITIQUE
Je n'aime pas à prendre le ton grave,
et mes lecteurs me rendront cette justice
que je cherche sincèrement le bon côté des
choses ; mais enfin, il y a des moments où
le sérieux s'impose. Eh bien, franche-
ment, le ton que prend la Turquie ne me
plaît pas.
Non pas que je blâme cette nation indé-
pendante de défendre son honneur et son
indépendance. Je n'ai aucun préjugé là-
dessus, et il m'importe peu qu'on bran-
disse l'oriflamme de saint Denis ou l'éten-
dard du Prophète, si on le brandit d'une
main ferme et avec un cœur courageux.
Donc, ce n'est pas l'attitude un peu hau-
taine, certainement fière, de la Turquie
que je blâme; c'est la finesse diplomatique
avec laquelle elle a attendu l'heure de se
montrer fière et hautaine. La fierté qui
vient du cœur, parfait; la hauteur qu'ins-
pire le sentiment de la dignité, admira-
ble ! Mais la hauteur et la fierté qui sor-
tent — au moment voulu — du magasin
des accessoires, comme l'armet de Mam-
brin ou l'épée de Roland dans les drames
romantiques, moins d'admiration, beau-
coup moins !
Je reconnais d'ailleurs, cette réserve
faite, que les Turcs sont de remarquables
diplomates. J'espère qu'après toutes ces
concessions, la Sublime-Porte me per-
mettra de la laisser à ses vertus guerrières
et patriotiques, à ses études pratiques de
la science des Machiavel, des Metternich
et des Talleyrand, et de parler un peu
français.
Nous aussi, nous avons nos côtés fiers
et hautains, parfois même nous emprun-
tons à feu Don Quichotte des inspirations
malencontreuses ; mais aussi, nous avons
eu — il y a longtemps, par exemple —
— quelque renom diplomatique ; mais il
y a une qualité ou un défaut, comme on
voudra, qui nous manque absolument :
c'est l'égoïsme.
Ah! si nous étions égoïstes, si nous
songions à nous d'abord, et puis ensuite à
nous, et puis encore et toujours à nous,
quel peuple nous serions ! Si nous n'avions
pas couru, pour servir je ne sais quelles
causes fantaisistes, pour fournir je ne sais
quels sujets de pendules ou de devants de
cheminées, les aventures les plus héroï-
ques et les plus ridicules ; si nous n'avions
pas, comme des conscrits qui ont à faire
leurs preuves, la tête près du bonnet ; si
nous ne nous posions pas en défenseurs de
la veuve et de l'orphelin, allant tantôt dé-
fendre des gens en fustanelle de toile
blanche qui se moquent de nous, ou des
gens à fez rouge qui nous méprisent ; si
nous n'avions pas fait et si nous ne fai-
sions pas encore cela, quel peuple nous
serions ! quelle puissance de fortune et
quelle autorité morale ! La France égoïs-
te ! quel rêve !
Et notez, s'il vous plaît, que je ne parle
pas de cet égoïsme sot et brutal qui con-
siste à rester étranger à tout ce qui se
passe, à retourner la devise du poète latin :
Nil huma.ni; non, je parle de ce senti-
ment intime et profond de sa valeur, de
son autorité, de sa dignité, qui fait qu'on
ne se galvaude pas en de maladroites en-
treprises et qu'on ne contresigne pas des
actes qui peuvent compromettre leurs au-
teurs.
J'ai parfois rudement parlé aux puis-
sants du jour et j'ai en réserve de rudes
apostrophes à leur lancer. Ils ont commis
des fautes et ils se sont surtout fait de
leur valeur une idée exagérée. Il est pos-
sible — je le crois - que, dans les cir-
constances actuelles, ils aient légèrement
engagé la France. Ce qui est fait est fait.
Les événements prennent une tournure
grave; que nos gouvernants délibèrent
gravement,bien entendu,avant d'agir, mais
que, surtout, ils délibèrent, ce que je leur
reproche de n'avoir pas encore fait.
S'ils veulent agir en bons citoyens — et
je ne doute pas que telle soit leur in-
tention — ils doivent se bien - rendre
compte de l'état des esprits en France.
Or, cet état des esprits, je crois le for-
muler exactement ainsi :
La France est prête à donner tout son
sang et tout son or pour défendre son
honneur et l'intégrité do son territoire.
Elle ne pardonnera pas à celui qui lui
coûtera un louis et une goutte de sang
pour une aventure politique.
La grande abandonnée a payé assez
cher le droit d'être une fois dans sa vie de
dix siècles la grande égoïste.
Le Sage.
—————————— +
INFORMATIONS
--- Le Journal officiel publie sous ce titre:
Etude des causes de l'infection de Paris, 1° le
rapport d'une commission prise dans son sein,
et chargée d'étudier les causes de l'infec-
tion de Paris pendant le mois d'août dernier
et les premiers jours de septembre ; 20 un ex-
trait du procès-verbal de la séance dans la-
quelle le conseil a approuvé les conclusions
du rapport présenté par sa commission.
Nous avons donné dernièrement le résumé
et les conclusions de ce rapport, qui a été pu-
blié conformément au voeu exprimé par le
conseil d'hygiène publique et de salubrité de
la Seine.
- M. Louis (Georges), secrétaire du co-
mité de législation étrangère au ministère de
la justice, est nommé chef du cabinet du
sous-secrétaire d Etat au ministère des affai-
res étrangères.
--Demain aura lieu un important conseil
des ministres dans lequel on réglera défini-
tivement la question de l'exécution des dé-
crets du 29 mars.- On assure que M. Grévy
présidera la séance.
- M. le ministre de l'intérieur est arrivé
hier matin à Paris et a repris immédiatement
possession de son ministère.
Dans la journée, il a conféré longuement
avec M. Fallières, sous-secrétaire d'Etat, et
avec M. Hérold, préfet de la Seine.
M. Constans va immédiatement s'occuper
du mouvement préfectoral, qui est rendu né-
cessaire par la vacance d'un certain nombre
de postes importants.
- La France annonce la nomination de
M. Francis Charmes, rédacteur aux Débats,
aux fonctions de sous-directeur du service
politique au ministère des affaires étran-
gères
-- L'Agence Havas dément la nouvelle
donnée ce matin par un journal et d'après la-
quelle il serait question d'annuler la nomina-
tion de M. Lefebvre de Béhaine, envoyé
récemment à La Haye par M. de Freycinet
en qualité de ministre plénipotentiaire.
- Le ministre de l'instruction publique,
dit le Temps, va déposer à la rentrée sur le
bureau de la Chambre un très important pro-
jet de loi relativement au rétablissement du
certificat d'études.
Le but du projet est d'assurer à l'Etat des
garanties sérieuses pour le recrutement du
personnel destiné aux fonctions publiques et
aux carrières libérales.
Voici en quoi il consiste :
« Désormais les grades universitaires, tels
que ceux de bachelier et de licencié, qui ou-
vrent à ceux qui en sont pourvus l'accès des
fonctions publiques ou celui des carrières libé-
rales, ne seront accordés qu'aux jeunes gens
munis d'un certificat constatant qu'ils ont reçu
l'instruction secondaire soit dans les établis.
sements de l'Etat, soit dans les établissements
libres soumis à des conditions déterminées.
» Ces établissements libres, placés sur le
même rang que ceux de l'Etat pour la valeur
du certificat d'études, devraient avoir pour
directeurs des personnes munies des diplômes
universitaires supérieurs.
» Les professeurs principaux devraient de
même posséder ces grades supérieurs. Quant
aux professeurs secondaires ou maîtres d'étu-
des, ils devront tous possé 1er au moins le
grade de bachelier. »
- Le ministre des travaux publics vient
d'adresser aux préfets une circulaire fixant
les époques pendant lesquelles la pêche doit
être interdite, en vue de protéger ia reproduc-
tion du poisson.
- Demain s'ouvrira à Paris, au ministère
des affaires étrangères, une nouvelle confé-
rence postale, sous la présidence de M. Ad.
Cochery, ministre des postes et des télégra-
phes de France.
Tous les Etats d'Europe, sans exception, y
seront représentés. Les grandes Compagnies
françaises de chemins de fer et les Compa-
gnies des services maritimes subventionnés y
assisteront également.
Il s'agit d'examiner s'il est possible, par une
convention internationale, d'établir le service
des petits colis dans toute l'Europe à un prix
fixé par l'Etat quelle que soit la distance à
parcourir dans chaque pays. C'est l'appli-
cation à la petite messagerie des principes
qui régissent le service postal. Le public tout
entier, et surtout les commerçants, doivent
vivement souhaiter que la conférence arrive
à un résultat favorable.
Les représentants des grandes Compagnies
de chemins de fer et de services subvention-
nés ont été convoqués par M. Cochery à une
séance préparatoire, qui se réunira aujourd'hui,
à deux heures.
On y examinera ce qu'il est possible à la
France de faire pour concourir à l'œuvre com-
mune, et on y arrêtera l'attitude que sa délé-
gation prendra au cours des débats de la con-
férence.
- A la demande du ministre du commer-
ce, M. Feray va réunir, avant la reprise de la
session, la commission sénatoriale des tarifs
de douane.
Il importe, en effet, que le gouvernement
soit promptement fixé sur les décisions de
cette commission, afin d'assurer à notre régi-
me économique la stabilité indispensable au
développement des affaires.
On sait, en eflet, que les Chambres ont voté
une loi autorisant le gouvernement à proro-
ger les traités de commerce actuellement
existants pour une période de six mois à
partir de la promulgation du nouveau tarif
général des douanes.
Or, l'Angleterre a accepté la prorogation
dans des conditions indéterminées. Les au-
tres puissances , auxquelles nous sommes
encore liés par des traités, n'ont accepté
qu'une prorogation ferme, avec faculté de
dénonciation à tout instant, et cessation
dans les six mois qui suivront la dénoncia-
tion.
Nous sommes donc exposés à tout instant à
voir dénoncer ces traités avant le vote de
notre nouveau tarif général des douanes.
C'sst pour écarter cette éventualité que le
ministre du commerce désire la prompte réu-
nion de la commission sénatoriale, afin qu'elle
puisse hâter le dépôt de ses rapports et met-
tre le Sénat en état de se prononcer le plus
tôt possible.
-- Une dépêche de Scutari annonce que
le consul autrichien a reçu de son gouverne-
ment l'ordre de se tenir prêt à partir.
-- L'amiral Seymour a ordonné au
contre-amiral russe Kremer de se tenir prêt
à partir.
Le prince héréditaire du Monténégro et les
ministres monténégrins Radonich et Plame-
naz sont repartis hier pour Cettigne.
-- On assure, dans les cercles diplomati-
ques, que le gouvernement anglais aurait
déjà formulé ses propositions sur les mesures
à prendre en vue de vaincre l'obstination du
sultan.
Les puissances délibéreraient actuellement
sur ces propositions.
La presse anglaise compte sur une action
rapide et énergique des puissances. La Daily
Neivs pense qu'une action commune de l'Eu.
rope peut sans grande difficulté régler les
questions en suspens.
Le Times croit également le moment venu
de prouver que l'entente des cabinets euro.
péens est une réalité et non une fiction.
LES ODEURS DE PARIS
Séance du Conseil municipal
Hier, à trois heures, a eu lieu une séance du
conseil municipal de Paris.
Cette session étant extraordinaire, il n'y
avait pas lieu de renouveler le bureau.
C'est donc sous la présidence de M. Cer-
nesson que la séance a été ouverte.
Ainsi que nous l'avions annoncé, M. Roche
a demandé au préfet de police quelle mesure
il a prise et quelle mesure il compte prendre
pour prévenir le retour des odeurs dont se
sont plaints les habitants de Paris.
M. le préfet de police a répondu que, sans
méconnaître la gravité et les inconvénients
des odeurs de Paris, dont la population souf-
fre, les conséquences en ont été singulière-
ment exagérées dans les discussions de la
presse et d'une façon regrettable pour les in-
térêts de lq Ville. En province et à l'étranger,
on a pu croire que la peste allait éclater à
Paris.
Cependant, le rapport de la commission
d'hygiène, publié le jour même à l'Offi.
ciel, constate que les odeurs ont été sans re-
lation avec l'état sanitaire de Pari 3 et que la
mortalité n'a pas été accrue.
On a attribué à diverses causes l'état at.
mosphérique dont on se plaignait avec tant
de raison; on a parlé des égouts.des systèmes
de vidanges, du balayage des cimetières.
M. le préfet de police tient à faire remar-
quer que le balayage, la vidange, les égouts,
les cimetières, enfin ce qui concerne la voirie,
est exclusivement dans les attributions de la
préfecture de la Seine.
Il ne peut donc s'expliquer que sur les éta-
blissements classés qui sont de son ressort
et pour lesquels il délivre des autorisations.
Le préfet actuel n'a accordé qu'une fois ce
droit pour un établissement qui n'a soulevé
aucune plainte.
Mais aussi longtemps que la ville de Paris
et le conseil municipal maintiendront les
fosses fixes, il faudra des dépotoirs. Le préfet
de police a dû se borner à faire inspecter les
établissements classés par son service, et
faire relever et poursuivre en simple police
toutes les contraventions, sauf à n'obtenir
que la répression illusoire des peines de sim-
ple police.
- Il a appelé à son aide, par une circulaire,
les maires des communes suburbaines, in-
terprètes naturels des populations, pour qu'ils
relevassent eux-mêmes les contraventions,
ainsi qu'il est en leur pouvoir.
Le préfet de police a enfin cherché les cau-
ses des mauvais riS odeurs de Paris, et a con-
voqué, à cet effet, le conseil d'hygiène. Cette
voqué, a déposé le savant rapport paru à
assemblée a déposé le savant rapport pdru à
l'Officiel.
M. Jules Roche a demandé au préfet de po-
lice ce qu'il a fait, ce qu'il compte faire. Le
préfet de police l'a dit, tout en regrettant
l'insuffisance de ses moyens d'action et de ses
moyens légaux ; mais si quelqu'un, dans le
conseil municipal, pense que le préfet da po-
lice pouvait ou peut encore faire autre chose,
l'orateur conclut en disant qu'il sera heu-
reux d'entendre les consei's qu'on voudra
bien lui donner et qu'il s'empressera d'en
profiter.
M. Delattre a répondu par un discours qui
n'est que le résumé adouci de la conférence
qu'il a faite sur le même sujet au théâtre du
Château-d'Eau,
Après une protestation de M. Alphand con-
tre les allégations erronées de M. Delattre, le
conseil municipal a renvoyé la suite de la dis-
cussion à la prochaine séance.
Georges Duprey.
— * ;
LES COULISSES DE LA FINANCE
Je n'avais pas tort d'être morose hier; af-
faire de pressentiment. Voilà le 5 0/0 qui dé-
croche et qui perd vingt centimes à 119 80;
voilà toutes les valeurs qui baissent, même le
Crédit foncier, avec un entrain qui rappelle
Philippart et sa liquidation d'octobre de l'an-
née dernière.
Oh ! ce mois d'octobre ; quel mois néfaste !
Il amène toujours avec lui quelque anicro-
che, ne serait-ce que le départ de Soubeyran
pour l'Italie, Rome, Florence et Gênes, où il
va s'entendre avec Garibaldi pour le perce-
ment. de la prison de Canrio, avec em-
branchement sur la France, par un meeting
aux flambeaux.
Etonnez-vous après cela que la Rente baisse
de vingt centimes !
« C'était écrit, dirait le fils dégénéré du
Prophète, qui répond au nom euphémique
d'Ebstein.La Bourse sans Soubeyran, ou sans
moi, c'est comme un clyso-pompe sans réfri-
gérant. Elle se relâche toute seule. »
***
C'est peut-être idiot, ce que je dis-là, mais
comme c'est Obstein qui m'inspire,je ne puis
guère m'élever plus haut que mon modèle.
Très fort, cependant, ce manipulateur au
rabais de Bulletins financiers; et l'on me
narre sur son compte une histoire qui prou-
verait que s'il n'a pas inventé le biberon Dar-
leo, il aurait pu très bien, s'il l'avait voulu,
lui créer une concurrence.
Il s'agit du Propagateur de l'Aube et de sa
plus brillante période ; mais comme cela fe-
rait longueur, je remets l'anecdote à plus
tard.
Il me serait pénible, du reste, de m'égayer
un jour de baisse, et je redeviens sérieux
comme un des bronzes « et un font douze » qui
continuent à menacer sans résultat Dulcigno,
et causent tous nos malheurs actuels.
***
En effet, nos financiers les plus retors,
comprenant enfin qu'ils n'y comprennent rien
et qu'il ne pourront ja.mais rien y compren-
dre, opèrent ce mouvement tournant que je
prévoyais hier et commencent à lâcher pied.
Il est de fait que la lecture des dépêches
politiques est de nature à abrutir le spécu-
lateur le plus endurci.
Il n'y a guère que Farcy qui pourrait arri-
ver à en saisir le sens, s'il y en a un ; aussi
s'est-il empressé de partir pour la Roumanie,
en quête d'un chemin de fer à pêcher en eau
trouble, pour n'avoir pas la corvée de débrouil-
ler cette énigme.
Reste bien Ebstein, avec sa science acquise
dans la lecture assidue du National ; mais
Soubeyran n'étant plus là, il est là comme un
navire qui a perdu sa boussole, ahuri au point
qu'on n'en peut rien tirer.
e-*e
Donc, le marché est légèrement mauvais,
ce qui fait que je n'ose plus, pour aujour-
d'hui du moins, critiquer personne.
Cependant il y aurait une étude curieuse
à faire sur le nez des financiers.
Cslui de Werbrouck se redresse comme
s'il voulait menacer le ciel; celui du Philoso-
phe s'effondre dans sa cravate à la recherche
d'une inspiration qui ne vient pas ; celui de
Bouvier plonge dans un bock dont il ne sort
plus.
C'est lugubre. Qu'y faire? Envisager les
choses de sang-froid et se dire que tous les
temps sont dans la nature, toutes les varia-
tions dans la Bourse ; que la température ne
dure pas toujours et qu'après l'orage vient le
soleil.
Suis-je assez philosophe !
C'est que j'ai déjeuné en aimable compa-
gnie, où les vertus de la haute banque ont
été loyalement reconnues, et judicieusement
appréciées; c'est que j'ai bon estomac et di-
gestion facile ; tellement que je parle presque
latin, comme vous allez le voir.
***
Non licet omnibus ad ire Corinthum. —
Traduction libre : Tout le monde ne peut pas
créer des Compagnies d'omnibus à Corinthe.
C'est pour cela que les malins créent des
Compagnies de voitures.
Ne croyez pas pour cela que je veuille faire
une réclame ; ohl non ; seulement, je trouve
l'assimilation drôle.
Puis il y a dans ces affaires exclusivement
parisiennes des côtés humoristiques fort in-
téressants.
Ainsi, vous ou moi, si nous avions songé à
créer une Compagnie de ce genre, nous au-
rions simplement habillé nos voitures et nos
cochers, comme tous les autres.
Alors nous faisions un four fantastique, tan-
dis qu'en coloriant les voitures en jaune, et
en mettant un chapeau blanc sur la tête du
cocher, cela suffisait pour obtenir un vrai
succès.
C'est très drôle ! — Mais savez vous ce que
cela prouve ?
C'est que, pour faire un bon banquier, un
banquier qui réussit, il faut être un peu.
Barnum.
Ainsi Barnum, Werbrouck, avec ses boni-
ments de parade qui finissent par empoigner
le public.
Barnum aussi Dodolphe Berthier qui, pour
traiter une affaire, endosse son costume de
directeur de l'Hippodrome.
Barnum enfin de Lamonta, qui a toujours
l'air de diriger les bals masqués de l'Opéra-
Comique.
Mais Barnums très habiles, attirant quand
même dans leur baraque une foule qui, cer-
tes, paye plus de 15 centimes, même en sor-
tant.
Don Fabrice.
FAITS DIVERS
1MI IVI1DV1 Lt nouvelle dépression
TEMPERATURE qui abordait hier la Bre-
tagne s'est très peu déplacée ; son centre est aux
îles Scilly et une violente tempête règne sur les
côtes de Bretagne, de Cornouailles et jusqu'en
Irlande.
Le vent est toujours fort dans le golfe du Lion,
mais la pression s'égalise sur la Méditerranée, et
les mauvais temps vont y diminuer.
En France, le vent continue à souffler des ré-
gions sud, la température reste douce. De nou-
velles pluies sont probables.
Le thermomètre marquait hier :
A 7 heures du matin 15° au-dessus de zéro
A il — 20"
A 1 heure après-midi 22° -
- Probabilités pour aujourd'hui t
Temps pluvieux.
AUJOURD'HUI :
A huit heures et demie du soir, à l'hôtel des
Chambres syndicales, rue de Lancry, conte-ence
par M. Meunier sur « le prix du gaz ».
A la même heure, à la salle du boulevard des
Capucines, conférence par Mlle Olympe Audouard
sur l'« Amour J).
Tout Paris s'est profondément ému, il y a
quelques jours, de la situation, vraiment di-
gne en effet d'intérêt et de pitié, de ce mal-
heureux enfant qui, pour rester honnête, s'é-
tait enfui de chez ses parents et n'avait eu
d'autre ressource que de se faire arrêter com-
me vagabond.
C'est à ce moment que le projet généreux
de M. Bonjean trouva, dans la presse, un ap-
pui unanime. Sa tentative s'imposait : il al.
lait de soi qu'il était nécessaire, indispensa-
ble, de créer quelque hospitalière maison,
refuge protecteur de l'enfance abandonnée.
Voici encore un fait navrant qui prouve,
plus éloquemment que tout autre plaidoyer,
l'opportunité de la fondation de cet homme
de cœur.
Il a bien fallu arrêter, hier, une malheu.
reuse petite fille de treize ans, Louise Van-
derburg, qui, sans asile, perdue dans Pans,
réduite à mendier, s'était sauvée de chez sa
mère. Pourquoi ? Parce que la misérable
femme voulait livrer sa propre fille à son
amant !
C'est une chose lamentable que de des-
cendre dans ces bas-fonds, mais la révélation
de ces actes horribles est utile. Pour une
enfant qui so révolte, combien, par peur ou
par faiblesse, cèdent à d'ignobles obsessions ?
Il y a d'incroyables turpitudes ignorées, et
c est un devoir de les rechercher et de les
prévenir.
Les sociétés de protection de l'enfance ont
beaucoup fait déjà; mais, par timidité, par
manque d'organisation, elles sont le plus
souvent impuissantes. Nous ne parlons, bien
entendu, que des associations sérieuses, car,
sous leur titre philanthropique, nous en savons
qui ne sont que de ridicules réunions, servant
à parer leurs membres de titres vains et de
médailles qu'ils se décernent entre eux.
Il y a là des questions graves à étudier, des
problèmes urgents à résoudre, et le premier
est qu'une enfant qui parvient à échapper à
une tentative odieuse puisse trouver dans la
loi une efficace protection.
Un petit scandale parisien :
Il y a quelques mois, un jeune étranger,
très élégant et ayant fort bon air, parvenait,
grâce à ses relations dans le monde israélite,
à s'introduire dans la famille d'un membre du
Consistoire.
Le mariage qu'il venait de contracter lui
assurait une très belle fortune.
Que s'est.il passé ? A-t-il été pris tout à
coup de la nostalgie de l'air d'outre. Rhin ? Sa
femme a-t-elle eu des torts envers lui ? Tou-
jours est-il qu'il a disparu ces jours derniers,
emportant, en homme pratique, la dot qu'il
venait de recevoir.
On parle beaucoup de l'aventure, en ce mo-
ment, dans le monde des affaires.
Nous avons raconté brièvement, hier, le
regrettable incident qui venait de se pro-
duire à la séance de l'Académie de médecine,
et qui portait une singulière atteinte à la di-
gnité du docte corps.
Voici les circonstances qui ont amené la
vive explication que l'on sait :
Depuis deux ans environ, M. Pasteur s'oc-
cupe d'expériences sur le choléra des poules.
L'illustre chimiste refuse d'ailleurs de faire
connaître encore — entrons dans des détails
techniques — le remède prophylactique qu'il
a découvert.
M. Guérin, qui lui avait déjà demandé plu-
sieurs fois de divulguer son secret à l'Acadé-
mie, renouvela hier, courtoisement, son in-
vitation.
M. Pasteur refusa de répondre, et, s'ani-
mant par degrés, changea la discusiion en
accusations contre M. Guérin.
C'est alors qu'intervint, en sa qualité de
président, M. le baron Larrey. Au milieu du
tumulte — bien rare dans un pareil sanc-
tuaire — il demanda à l'assemblée de passer
à l'ordre du jour.
M. Guérin, élevant la voix, et très véhé-
ment encore malgré son grand âge, ne put
s'empêcher de protester. Le président se cou-
vrit, suspendant ainsi la séance.
Le bruit redoublait. M. Guérin, se levant
très vivement, en dépit de. la claudication pé-
nible dont il est affligé, — infirmité à laquelle
son adversaire venait de faire allusion en
termes blessants - se dirigea alors vers M.
Pasteur Il fallut se jeter entre les deux sa-
vants, pour éviter des voies de fait Le soir,
M. Guérin; oubliant ses quatre-vingt-deux
ans, parlait d'envoyer des témoins à M. Pas-
teur, et on a eu toutes les peines du monde à,
le faire renoncer à cette détermination.
Ce sont donc, en réalité, des motifs tout
personnels qui ont amené cette scène scan-
daleuse, dont l'ombre d'Hippocrate a dû tres-
saillir.
On nous dit que des amis communs s'atta.
chent, en ce moment, à réconcilier les deux
farouches collègues.
On racontait un jour une histoire de chasse
au lion devant Offenbach, que ce récit inté-
ressait médiocrement.
— Mais il n'y a pas que les lions qui soient
terribles, fit-il à la fin, impatienté. Le lièvre.
lui-même peut être dangereux.
— Comment ?
— Oui, quand. on en a trop mangé!
Paul Ginisly..
Petites Nouvelles
La nuit dernière, vers une heure, un cocher de
fiacre, nommé Charles Frisch, reconduisait sa
voiture au dépôt du boulevard de Belleville,
quand il fut arrêté dans la rue Morand par qua-
tre individus qui se jetèrent sur lui, le renversè1-
rent et s'enfuirent en emportent sa montre et son
porte-monnaie contenant la recette de la journée.
Frisch poussa des cris désespérés qui furent.
entendus par des gardiens de la paix qui pas-
saient près de là. Mais, en dépit de la rapidité
avec laquelle ils accoururent, ils ne réussirent
qu'à s'emparer d'un seul des malfaiteurs, qu'ils
conduisirent au poste du boulevard Richard-Le-
noir.
— Un employé de commerce, nommé Louis Va-
lentin, a été attaqué cette nuit, vers deux heu-
res, par trois individus cachés derrière le mar-
ché Saint-Pierre, à Montmartre.
Les voleurs se sont emparés d'une somme de
soixante francs et d'une montre en or.
Valentin a été relevé une heure après par des
gardiens de la paix, qui l'ont conduit à son do-
micile, rue Bachelet. Il n'a pas pu donner lee
signalement de ses agresseurs.
— L'administration du journal la Journée pari-
sienne nous prie d'annoncer qu'elle n'a rien de
commun avec le journal la Journée.
— Une discussion s'est engagée hier dans une
crémerie de la rue Lafayette entre un agent d'af-
faires, M. Guiot, et un de ses anciens employés'
nommé Dessaux.
M. Guiot a reçu deux coups de couteau, et le
crémier, qui avait voulu s'interposer, a été frappé
également.
Le meurtrier a été arrêté.
— Le soldat Egelot, du 978 de ligne, a retrouvé
les six cent vingt-cinq mille francs perdus par M.
Pagès à la gare du Norct
Il a droit aux vingt-cinq mille francs promis.
comme récompense.
— Notre collaborateur Fulbert Dumonteil
vient de publier, à la Bibliothèque républicaine,.
les deux premiers volumes de ses Bêtes curieuses
C'est, en effet, une merveille de curiosité que
cette galerie savante et originale, vivante comme
un cirque, où l'on voit surgir les animaux les
moins connus, les plus étranges et les plus
mystérieux.
Par la forme comme par le fond, c'est 1^ tm
livre nouveau qu'il faut lire. Au lieu df';S des-
criptions et des récits des anciens naturalistes
ce sont des portraits pleins d'humour et de cou-
leur, dessinés de main de maître. On connaît la
manière concise, saisissante et imagée de Ful-
bert Dumonteil ; il ne se borne pas à raconter
il peint ; on voit, on entend, on connaît, on ad.
mire, on redoute, on plaint, on aime la bête
merveilleuse ou terrible, formidable ou char-
mante qu'anime son crayon.
— L'ANTI-BOLBOS supprime les points noirs
du nez. Parr. exotique, 35, rue du 4-Septembre.
— L'hiver de 1881 va consacrer le succès du
Tailleur-Chemisier moclorne qui, par le soin avec
lequel il a choisi ses coupeurs, par le stock im-
mense de ses draperies et de ses hautes nou-
veautés de saison, par son bon marché sans rival
a fait une maison de premier ordre. Complets en
cheviot d'Ecosse, sur mesure, depuis 40 francs
Rayon spécial de chemises riches 167 * rue
Montmartre.
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