Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1880-08-01
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 août 1880 01 août 1880
Description : 1880/08/01 (N257,A2). 1880/08/01 (N257,A2).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
^tïi DLAS. - Dim àtmi-ie it - Août it Algo
>■ Premier prix, M. Renard.
Premier accessit, MM. Tinarage et
pupuis.
Trombone
(Classe de M. Delisse.)
Morceau de concours, M. Delisse. ; *£
Lecture à vue, Paladilhe.
Premier prix, M. Cordelle.
Premier accessit, M. Flandrin.
.- J'ai le regret de devoir me borner
aujourd'hui à cette nomenclature et encore
celui de devoirconstater qu'aucune classe ne
s'est élevée au-dessus du niveau ordinaire.
Une note gaie pour terminer. Un orage
violent s'est déchaîné au moment du con-
cours de trompette. La scène était plongée
dans l'obscurité. Petite conversation entre
M. le directeur du Conservatoire dans la
loge du jury.
I M. Cerclier, professeur, en scène.
f M. Ambroise Thomas. — J'attends,
monsieur ; veuillez faire commencer l'é-
lève, monsieur Cerclier.
1 M. Cerclier. — L'accompagnateur n'y
voit pas. On est allé chercher des bougies.
ipetit entr'acte, hilarité et joyeusetés dans
la salle). On apporte des bougies au bout
de cinq minutes.
1 Le morceau de concours est joué. L'élève
pliait commencer celui de lecture à vue.
j — Arrêtez ! s'écrie M. le directeur, je
.vais vous denner le mouvement : un, deux,
jtrois; plus vite.
M. Cerclier. — Ah ! vraiment, je ne le
croyais pas dans un mouvement si vif !.
Jevous remercie, monsieur.
Ajoutez à ces incidents la série des
couacs, fausses notes à l'instar de ce qu'on
peut entendre dans les fêtes foraines, et
vous aurez, lecteurs, j'en suis certain, la
curiosité de donner l'année prochaine la
préférence au concours des instruments à
- vent, qui décidément est le plus varié.
D. Magnus.
y ■" ■* ——————————
JOURNAUX ET REVUES
: On sait qu'à la suite des désordres de
s'Aurès, un certain nombre de Kabyles, et
d'Arabes fureiit condamnés. L'Intransi-
geant s'est fait leur avocat. Il demande
qu'on leur applique l'amnistie. La France
répond à ce sujet :
Notre confrère se trompe-t-il ? Voit-il juste?
Nous pensons, pour noire part, que, sur ce
point, les habitants de l'Algérie et les hom-
mes politiques chargés de les représenter ici
ont seuls une compétence absolue.
S'ils croieut l'amnistie possible, assurément
il faut la faire, encore qu'elle ne doive avoir
d'autre effet que d'avancer de quelques jours
la mise en liberté des prisonniers, puisqu'elle
ne saurait leur rendre aucun droit politique.
Si ces arbitres souverains estiment au con
traire qu'il y aurait danger pour le repos de-
esprits, dans la masse des Arabes du sud es
de l'ouest, à effa,cer le crime, si récent encoret
ds insurgés ; s'ils croient que la population,
européenne qu'ils représentent en serait jus-
tement inquiétée : il faut alors faire le plus de
grâces qu on pourra, et s'en tenir là.
Les Arabes sont, non pas nos conci-
toyens, mais simplement nos sujets, ce qu'il
ne faut pas oublier, si l'on tient à garder
l'Algérie, ajoute prudemment la France.
! Un journal bonapartiste criant : A la
candidature officielle! cela vaut M. Sarcey
donnant des leçons de morale.
Nous avons dit, s'écrie l'Ordre, et nous
prouvons chaque jour par des exemples écra-
san's que la candidature officielle, sous toutes
ses formes, est pratiquée par les républicains
avec un cynisme éhonté, en vue des élections
départementales du 1er août.
Voici un échantillon des manoeuvres op-
portunistes qui nous paraît mériter une men-
tion à part.
Ces fameuses manœuvres consistent
tout bonnement dans le voyage de deux
sénateurs républicains, MM. Hébrard et
Camparan, dans la Haute-Garonne, où ils
vont soutenir les candidats républicains
au Conseil général.
- De quel droit les sénateurs seraient-ils
obligés de s'abstenir ?
Ils sont libres d'agir à leur guise, n'étant
point fonctionnaires.
, Du reste, nous sommes bien bon de ré-
pondre à un journal bonapartiste, à propos
de candidature officielle.
! Le Temps dit aujourd'hui qu'il voit sans
peine les hommes de la droite placer les
élections départementales sur le terrain
politique. Il ne doute point du succès des
républicains :
Les élections qui se préparent n'ont aucun
caractère plébiscitaire ; eHes ne porteront
pas davantage sur une question politique
circonscrite, déterminée, telle que la dicta-
ture ou la liberté, le cléricalisme ou la libre
pensée, la paix ou la guerre. Elles font partie
du jeu régulier de nos institutions : la seule
conclusion sensée, répétons-le, que l'on
pourra tirer de leur résultat, ce sera de con-
stater si la République continue à mériter,
par l'ensemble de sa conduite et de ses actes,
la faveur de l'opinion, source permanente de
son pouvoir et de sa légitimité. A ce point de
vue, la réponse des électeurs ne fait pas l'om-
bre d'un doute.
Jean Ciseaux.
LA FÊTE DE LA BOUCHE D'OR
Nous aurions pu croire hier que ce brave
naoab Jansoulet était revenu pour vingt-
quatre heures à Paris, tellement le jeune et
sympathique directeur du Châtelet, M. Emile
Rochard, a jeté l'or à pleines poignées pour
fêter la centième de la reprise des Pilules du
Diable.
Il avait invité à cette fête sans précédent
ses artistes, une partie dedu personnel de son
théâtre, les représentants de la presse pari-
sienne, quelques amis et une foule de jeunes
et jolies femmes appartenant à tous les autres
théâtres.
Voici, du reste, le programme de cette
partie de campagne tel qu'on le distribuait à
chaque invité; inutile de dire que ce pro-
gramme ainsi que les invitations et les me-
nus étaient ornes de charmants dessins faits
par Grévin pour la circonstance :
3 h. — Rendez-vous au Théâtre (façade).
3 h. 1/4. — Embarquement sur la Mouche
d'Or.
3 h. 1/2. — A toute vapeur !
4 h. 1/4. — Débarquement, Parc de Saint-
Cloud.
4 h. 1/2. - Apéritifs et perroquets.
5 h. — Ouverture des jeux (chevaux de
bois, tonneau, tirs, bascules et autres balan-
çoires).
6 h. — A table 1
6 h. 1/2. -7 h. -7h. 1/2. - 8h. - 8 h. 1/2.
- Symphonie des mâchoires.
9 h. — Grand feu d'artifice composé par
Morin, tiré par Henry Buguet.
10 h. — Bal, ballet, ballade.
12 h. —Retour à bord de la Mouche d'Or.
Orchest re enlevé par M. Alexandre Artus.
Une hirondelle frétée par M. Rochard et
qui, pour la circonstance, s'est trouvée chan-
gée en Mouche d'Or, stationnait depuis trois
heures au ponton des bateaux-omnibus du
Châtelet. On l'avait pavoisé entièrement de
drapeaux, de mouches d'or et de fleurs.
Les commissaires de la fête recevaient les
arrivants dans le péristyle du théâtre, qui
était changé en un vaste jardin d'hiver. A
trois heures et demie, l'ordre d'embarquer
ayant été donné, tout le monde se rendit sur
le quai, ayant à se faire jour à travers quatre
ou cinq mille badauds qui stationnaient tant
sur les quais que sur le pont.
Au moment du départ, une pluis d'orage se
met à tomber dru et force toutes les petites
voyageuses à se réfugier dans les cabines. Je
profite du bourlinguage [pour prendre au ha-
sard les noms des actrices présentes, en de-
hors, bien entendu, des pensionnaires, de la
maison.
Parmi elles je citerai Mlle Alice Giesz,
du Gymnase, dans une délicieuse toilette de
surah noir; Mlle Elvire Gilbert,des Variétés;
Mlle Marie Colombier; Mlle Wallo ; Mlle.Le-
riche ; Mlle Suzanne Pic ; Mlle Marie Hel-
mont; Mlle Dianie; Mlle Piccolo, très maigrie;
Mlle Doriani; Mlle Longhi, etc., etc. Que
celles que je ne cite pas me pardonnent; elles
étaient toutes jolies au possible dans leurs
toilettes d'été et pleines d'entrain et de
gaieté.
Le voyage a été fort amusant, grâce à l'ex-
cellent orchestre d'Artus, qui a joué les mor-
ceaux les plus entraînants de son répertoire,
et à M. Henri Buguet, qui a salué tous les
ponts sous lesquels nous passions en tirant
force bombes.
Les blanchisseuses et les habitués des bains
froids ont été bien surpris de voir passer toute
cette bande joyeuse qui' ne cherchait qu'une
occasion pour pousser les hourrahs les plus
frénétiques. Au débarquement à St-Cloud, car
c'est au parc de St-Cloud qu'avaient lieu ces
agapes, une foule au moins aussi nombreuse
qu'à Paris nous attendait. Nous avons re-
trouvé là quelques camarades que leurs af-
faires avaient empêchés d'être fidèles au ren-
dez-vous.
Des tables chargées d'apéritifs étaient dres*
sées sur la place même. Mais, hélas 1 à peine
la dernière lampée avalée, la pluie,qui mena-
çait depuis Paris, s'est mise à tomber, mais
à tomber comme si on l'avait commandée ex-
près. Il est bien malheureux que M. Rochard
n'ait pas envoyé quelques invitations aux
sous-secrétaires d'Etat du royaume d'en Haut.
ils nous auraient sans doute pris en pitié et
nous auraient moins accablés de leurs faveurs
diluviennes.
Malgré cela, quelques intrépides ont voulu
aller aux chevaux de bois, à Guignol, au tir
aux pigeons, mais mal leur en a pris, car un
orage épouvantable, accompagné d'éclairs, de
tonnerre et de trombes d'eau, n'a pas tirdé à
venir remplacer la simple pluie. En un ins-
tant la grande allée du parc s'est trouvée
changée en lac. Il a fallu procéder au sauve-
tagé et M. Rochard a envoyé des commis..
sionnaires chargés de ramener les dames ré-
fugiées sous les arbres du parc. De minute
en minutes el es faisaient leur entrée; mais
dans quel état, mon Dieu ! Quelques-unes ont
été forcées d'emprunter linge et vêtements
à la propriétaire du restaurant. Ajoutez à
cela que le couvert étaitdressé dans lejardin;
c'est assez dire qu'il n'a pas perdu une goutte
du déluge. Il a fallu démonter tout pour le
remonter dans la salle de danse. Grâce à un
vigoureux coup de main donné par quelques
soldats du 36° de ligne, à sept heures nous
étiens à table, ayant à apprécier un excellent
dîner dont voici le menu, qui, bien qu'espa-
gnol, n'en était pas moins des plus savou-
reux.
Melonès de Saragossa.
Stimulantina variata
POTAGIOS
Vuillcmot-Dumas (padro)
èonsommato. à là Ciudad-Rodrigo
POISSONÈS
Turbos Gibraltaros
Saumonèz Mançanarèz
ENTRADA
Filet Torrero, Salsa Canaria.
LEGUMOS
Sarbaeanos de la Huerta
Flageoletos Estudiantine
Musicantes
RÔ
Gros Poulos Baleares
Salada de Toledo
ENTREMETOS
Bomba Sierra-Nevada
ÊESSERTOS
Fromagetos de la Manchla
Meringuinas
Fraitos de todos los països'
VINOS
Maderos
Gravas
San Emiliano
Potnardo
Champana de la Moucha del Oro
Le champagne frappé aidant, une animation
extraordinaire n'a pas cessé de régner pen-
dant tout le repas.
M. Rochard présidait naturellement,
ayant à sa gauche Miss TEnea, la Mouche-
d'Or, et à sa droite Mlle Théol, la délicieuse
fée des Pilules, qui portait un bien joli cos.
tume de moinllion ; en face de lui était
Mlle Ghinassi, toujours boute-en-train en dia-
ble; elle portait sur ?la poitrine une grande
médaille d'or que l'orchestre du Châtelet lui
a offerte à l'occasion de la centième.
Au dessert, M. Rochard a remercié cha-
leureusement la presse d'abord, se3 artistes,
son orchestre et le 36° de ligne, dont les sol-
dats venaient de nous tirer d'un si mauvais
pas.
Le colonel, qui assistait au banquet, a ré-
pondu, le verre en main : que ceux qui
savaient vaincre par les armes, buvaient à la
santé de celles qui savaient vaincre par leur
charme.
On n'est pas plus galant.
L'excellent Artus nous a fait entendre alors
un jeune piston soliste de son orchestre qui
avait, remporté dans la journée un premier
accessit au Conservatoire.
Deux bombes sont venues annoncer le feu
d'artifice, qui a admirablement réussi, malgré
l'eau qui avaient inondé les pièces montées ;
il y en avait une dédiée à la presse et l'autre
à la Mouche d'Or.
T'AIT t. Saint.fîlnnrl assistait, à. R.A d^nlniftmpnt
j extraordinaire de fusées, feux de Bengale,
et l'on a fait une ovation prolongée à M. Henri
Buguet, notre confrère, qui s'était chargé
de cette partie de la fête et qui y a réussi de
manière à faire pâlir le prestige de M. Phi.
lippe Boussigneul.
Après le feu d'artifice les danses ont com-
mencé. La Mouche d'Or attend amarrée au
pont de Saint-Cloud, le bon vouloir des dan-
seuses; je crains bien que les lampions qu'on
y a allumé, ne soient inutiles pour le retour.
Cemme mot de la fin, je dirai que M. Ro-
chard pour ne pas surmener ses artistes avait
fait faire relâche à son théâtre, c'est-à-dire
abandonné une recette assurée de quatre mile
francs, comme je le disais au commençant
c'est en nabab que le jeune directeur du Châ-
telet nous a traités.
Scipion.
- ♦
« GIL BLAS » A CAUTERETS
Avant de vous décrire les plaisirs de Cau-
terets, permettez-moi de vous citer les prin-
cipaux établissements thermaux de cette ville.
Je commence tout d'abord par les Thermes
de César et des Espagnols, établissement
connu par son oonfort et son luxe. Viennent
ensuite les Thermes des Œufs, dont l'établis-
sement, au dire des voyageurs, est le mieux
aménagé de la ville ; la construction en est
monumentale. Mais le plus élégant et le plus
coqnet est, sans contredit, celui des Thermes
du Rocher-Kreumiset, situé en face du parc.
Les plaisirs sont nombreux et variés. Un
concert, un théâtre et les jeux se partagen
les faveurs des étrangers, dont le rendez-vous
habituel est la table d'hôte de l'hôtel d'An.J
gleterre, vaste palais monumental. Les chas-
ses à l'ours, à l'isard, à l'aigle oceupent les
pius vaillants, pendant que les malades vont
aux bains, où se passent parfois des aven-
tures qui ne manquent pas de gaieté;
aussi tous les dimanches le Journal de Cau-
tereis, que publie M. Cazaux, en fait une
chronique charmante.
Tous les jours, à deux heures, un excellent
orchestre se fut entendre sous la direction
de M. Charles Malo, et, à partir de sept heu-
res, la foule se porte sur l'esp anade où la
fashion éprouve le besoin de distraire ses re-
gards et de respirer un peu. A huit heures
s'ouvre le théâtre du Casino, où le public se
porte avec empressement, car M. Delporte,
l'intelligent directeur, a su réunir pour la sai-
son des artistes tels que MM. Delannoy, Gri-
vot,Tony Reine, assez connos pour qu'on n'ait
plus besoin de faire leur éloge: Les specta-
teurs paraissent goûter beaucoup aussi Mlle
Krause, qui chante avec beaucoup d'exprès-
sion et de finesse.
Gaston Lionnel.
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—i a.
M. E. Raymond vient de publier un tableau
synoptique des dividendes distribués par les
diverses Compagnies d'assurances contre
l'incendie et sur la vie depuis leur origine, et
un autre tableau des trente-deux primes
d'assurances applicables aux risques sim.
ples.
Ces deux tableaux sont d'un incontestable
intérêt pour toute personne qui s'occupe d'as-
surances ou de valeurs d'assurances.
Prix, franco pour chaque tableau : 2 fr.
Les demandes doivent être adressées à
l'auteur. M. E. Raymond, rue Vivienne, 47.
mmm DE imimi
AFFAIRE DU CAPITAINE VOYER; OUTRAGE
AUX MŒURS; COMPLICITÉ D'UN ARTILLEUR;
RÉBELLION.—AFFAIRE MENESCLOU, ARRÊT
DE MORT. — AFFAIRE DU NICARAGUA;
SENTENCE DE LA COUR DE CASSATION.
Lorsque la nouvelle s'est répandue qu'un
ancien capitaine de l'état-major de la place
de Paris avait été arrêté par des agents du
service des mœurs, sous un arbre du bois de
Vincennes où il s'était réfugié avec un artil-
leur, ce fut un événement parisien et un nou-
veau scandale. On se rappelait une affaire du
même genre dans laquelle un nom apparte-
nant à une famille des plus honorables et des
plus é evées, avait reçu, de faits à peu près
identiques, une souillure ineffaçable.
Ce n'est peut-être pas dans le fait même
qui a motivé, le 18 juin dernier, l'arrestation
de M. Voyer que réside le scandale de cette
affaire, mais dans l'ensemble des faits remon-
tant déjà loin et qui avaient déterminé comme
un renom fâcheux autour de ce personnage,
d'ailleurs très connu dans Paris.
Il résulte d'une lettre du général de Cissey,
lue par Me Edgard Demange, que ce serait
volontairement pour ne pas quitter Paris et
se livrer entièrement à ses études artistiques
que M. Voyer aurait renoncé à son grade et
se serait séparé de l'armée.
M. Voyer comparaît libre devant le tribunal
de police correctionnelle, présidé par M. Car-
tier; il porte le ruban de la Légion d'honneur.
Il y a quelques jours seulement que la liberté
sous caution lui a été accordée.
Deux préventions pèsent sur lui : la pre-
mière, celle d'outrages aux mœurs ; il a pour
complice, sur ce chef, l'artilleur Méguin, qui
est détenu. La seconde est celle de rébellion
contre les agents de l'autorité.
M. Voyer a 40 ans ; c'est un homme petit,
en peu gros, blond. Son attitude, sa tenue, sa
dêmarche ne rappellent en rien celles qui ap.
partiennent à un officier de l'armée Son re-
gard a quelque chose d'étrange, d'insaisissable,
qui tient peut-être à ce que ses yeux sont dis-
cordants. Sa parole est pâteuse, son langage
manque absolument de précision. Son sys-
tème de défense consiste à dire qu'il est en
butte à des haines secrètes, et victime d'un
concours inouï et fatal de circonstances.
On entend les agents du service des mœurs
qui ont rédigé le procès-verbal de constat.
Ces agents commencent par déclarer que le
prévenu était signalé pour ses habitudes fâ-
cheuses ; il habitait Vincennes et passait pour
débaucher les soldats.
Le 18 juin, ils le suivirent et le surprirent
arrivant, à neuf heures et demie du soir, au
rendez-vous donné précédemment à l'artil-
leur. C'était à la porte du Polygone ; Voyer
dit à Méguin : « Suivez-moi », et ils s'enfon-
cèrent dans le bois en longeant la rue du
Polygone. Il pleuvait à ce moment et, au lieu
d'entrer dans un café qui se trouvait ouveit
sur leur passage, ils allèrent plus loin, sous
un arbre — pas un chêne, par respect sans
doute pour celui (le "aint Louis ; — mais sous
le feuillage de l'arbre pénétraient les rayons
d'un bec de gaz, et ce serait à la faveur de ces
rayons qu'ils auraient vu certaines privautés
échangées entre M. Voyer et l'artilleur Mé-
guin. Ont-ils bien suivi le mouvement de la
main de Voyer? En tout cas, les agents re-
connaissent que rien n'était à nu, différence
à noter, si on compare le cas acfuel avec celui
de telle autre scène de ce genre qui se pas-
sait aux Champs-Elysées et est restée fa-
meuse dans les fastes de la débauche ada-
mique.
Lës agents, - dont nous croyons inutile de
reproduire les déclarations dans tous ses dé-
tails, — n'attendirent pas que les choses al-
lassent plus loin, et pensèrent que ce, qu'ils
avaient vu suffisait à constituer l'outrage aux
mœurs; s'approchant alors, ils mirent la main
sur le collet des deux cyniques et les condui-
sirent chez le commissnire de la localité.
Là, une scène assez compliquée se passa et
a donné lieu au second délit relevé par la pré-
vention, celui de rébellion envers les agents
de l'autorité.
Le prévenu Voyer insulta les agents, leur
reprocha de faire du chantage et, se servant
de sa canne, en frappa un agent sur la tête et
sur le dos.
En réponse à ces charges, que nous résu-
mons, voici les explications données par cha-
cun des deux prévenus.
M. le président à M.Voyer.— Expliquez-nous
comment vous vous trouviez vous promenant
dans le bois de Vincennes avec un homme
dont les habitudes et l'éducation se rappor-
taient si peu à vos habitudes de vie ?
Votler.-Je craiernais. non sans raison, d'être
« filé ». Le 21 juin, je me promenais avec le
directeur du théâtre de Clermont-Perrand et
sa femme, lorsqu'en regardant autour de moi
il me sembla voir des gens qui me suivaient;
je savais qu'on était venu ma demander à
l'hôtel où je demeurais, j'étais inquiet. En
rentrant de la promenade je me trouvai en
face d'un militaire que je crus reconnaître.
C'était un musicien que je recherchais pour
accorder mon piano; je lui dis : Vous êtes
musicien, n'est-ce pas ? De quel instrument
jouez-vous? Je me trompais. -Non, me dit-il,
je suis artilleur, mai* peut-être puis-je vous
donner des renseignements — Je lui donnai
le nom de mon musicien.. Il me promit de re-
chercher s'il était au fort ; puis il me demanda
si je voulais prendre une chopine. C'est vous
dire qu'il n'y avait pas d'affinité entre nous.
Ne voulant ni accepter son offre, ni le bles-
ser, je lui dis que nous nous reverrions. Il
m'avertit alors qu'il avait une permission le
mardi. — C'est bien, lui dis-je.
M. le président.— Ainsi vous vouliez.vous
,en débarrasser, et, ce qui est contradictoire,
vous venez à ce rendez-vous qui n'était, dites-
vous, qu'une échappatoire, et tout de suite
vous enfoncez dans le bois avec ce soldat pour
vousfaire une promenade.
Voyer. — Je ne pensais plus à ce rendez-
vous, lorsque je le rencontrai.
M. le président. — Lui ne l'avait pas ou-
blié et vous attendait ; vous étiez très exacts
l'un et l'autre.
Voyer. — Je me voyais encore filer et je
voulais être avec quelqu'un.
M. le président. — Mais, à supposer qu'on
vous suivît, il n'y avait qu'une chose à faire
pour n'importe qui et surtout Dour un ancien
capitaine, c'était d'aller droit aux gens qui
vous suivaient et de leur demander une ex-
plication. ,,'
Voyer. -'Je voulais me plaindre à la po-
lice et pour cela avoir un témoin.
M. le président. —Vous avez reconnu avoir
pris seulement la main du soldat.
Voyer. — Oui, parce qu'il avait peur.
D. — Peur de quoi ?.
Voyer. — Quatre agents nous suivaient.
M. le Président. — Et pour le rassurer, vous
lui teniez la main. Ce que vous nous dites là
est peu flatteur pour l'armée française. Enco-
re une fois, de quoi cet artilleur pouvait-il
avoir peur?..
Voyer. — Il ne savait pas ce que lui vou-
lais ; je lui avais bien dit que j'étais « filé »
mais peut-être ne comprenait-il pas ; et pour
le rassurer je lui ai serré la main.
M. le président. — Mais on ne prend pas la
main d'un homme pour le rassurer. Je dois
vous dire qu'il existe des rapports de police
remontant à 1876-1877 qui sont peu flatteurs
pour vous.
Ainsi, on trouve une lettre d'un individu
qui vous accuse réception de 20 francs et
vous demande l'envoi immédiat de 100 fr.
Voyer. — Je ne sais ce que c'est ; peut-être
une lettre fabriquéc.
D. — Vous aviez donc des ennemis bien
acharnés?
Voyer. — On a bien adressé sur moi des
lettres anonymes au duc de Sabran.
M. le président. — Que ne portiez-vous
plainte ?
Voyer. — C'est ce que j'ai fait; je suis allé
trouver M. Ansart, chef de la police munici-
pale qui m'a dit: Oui, il y a des rumeurs ~i
courent, ne vous en occupez pas autrement,
donnez des ordres sévères à votre concierge
pour ne pas recevoir le premier venu.
M. le président. — Il y a un individu nom-
mé Leblond ou Leclère, dit Tintamarre, qui
aurait eu des rapports avec vous et qui vous
écrit rue de Beaune.
Voyer, vivement. - Je n'y demeurais pas
M. le président.- Pardon, vous y aviez de.
meuré et il savait bien votre adresse; que M*
gnifiait cette correspondance ?
Voyer. — C'étaient des individus qui fai-
saient du chantage.
M. le président. -' Vous soutenez que te
n'est pas à raison de la renommée qui voùr
suivait que vous avez quitte l'armée?
Voyer.— Non, monsieur, c'est faux.
M. le président interroge le complice, l'ar-
tilleur Méguin.
D. — Comment avez-vous connu Voyer ?
Méguin. — Il m'a demandé comme ça si
j'étais musicien ou si je connaissais un musi-
cien dont il m'a donné le nom ?
D. •— Mais il vous a dit autre chose?. Il
vous a proposé de venir s'amuser dans le parc
et il vous a promis deux francs ?. Et vous,
vous avez compris ce que signifiaient ces mots :
« Venir s'amuser. »
Le prévenu. — C'est le commissaire qui,
après m'avoir traité de salop, de polisson, m'a
dit qu'il fallait déclarer cela.
D, — Je suppose cela pour un instant, mais
le lendemain, devant un magistrat honorable,
vous n'avez pas subi de contrainte et n'étiez
pas force de répondre une chose plutôt qu'une
autre.
Le prévenu: — Ayant menti une première
fois, je n'ai pas cru devoir revenir sur ce que
j'avais dit.
D. — Et alors vous avez dit que Voyer vous
avait fait des attouchements?
Le prévenu. — On m'avait dit que je pas-
serais en conseil si je ne déclarais pas cela.
D. Vous faites un faux témoignage et de-
vant le juge vous ne revenez pas à la vérité.
Pourquoi attendiez-vous Voyer à la porté du
fort ?
Le prévenu. - Pour aller boire avec lui.
D. Que vous a-t-il dit en vous abordant ?
Le prévenu. -Il m'a dit : Suivez-moi ! 1
M. le président à Voyer. - PourquQi dîtes-
vous à ce soldat : Suivez-moi ?
Le prévenu. — Parce que je venais de m'a-
percevoir que des agents nous filaient, et que
je voulais qu'il me servît de témoin.
M. le président. — Vous auriez pu choisir
un témoin plus intelligent ; mais vous ne
l'avez pas rencontré par hasard, puisque vous
lui avez donné rendez-vous ?
Voyer. — Je l'avais oublié.
M. le président. — En tout cas, lui ne l'a-
vait pas oublié. Encore une fois, on s'étonne
de ce rendez-vous avec un troupier qui avait
des habitudes si différentes des vôtres, qui ue
songe à rien qu'à boire chopine. Vous, ancisa
capitaine d'état-major, aller avec un soldat
qui avait eu plus de deux cent punitions.
Méguin. — C'est moi qui lui avais indiqué
ce jour-là.
M. le président. — Il l'avait accepté; cela
ne change pas la question. —A Voyer : — La
pluie vient à tomber, un café était là ; pour-
quoi n'y pas entrer ?
Voyer. — - Je ne voulais pas qu'on me vît
au cabaret avec un simple soldat.
D. — Vous avez préféré aller sous un arbre
et là vous convenez avoir serré la main de ce
troupier. C'est là un serrement de main lel4
extraordinaire, et c'est la première fois que
nous entendons parler de choses pareilles, ,
Me Léon. — L'artilleur était sans* permis-
sion et en uniforme, ce qui explique qu'il eût
peur. ",'
On arrive à la scène qui eut lieu chez le
commissaire de police ; cela se rapporte au
délit de rébellion.
Voyer prétend que l'un des agents lui dit :
« Te voilà, ma vieille branche l » et qu'alors,
indigné, il lui répondit: « Je vous défends de
m insulter*, et qu'il leva sa canne, mais il nie
avoir frappé l'agent.
D'après le prévenu, les agents se seraient
enfermés dans une pièce à côté avec l'artil-
leur, et là ils auraient organisé une tentative
de chantage.
D. - Vous avez insulté et eu recours à des
voies de fait. L'inspecteur Stefani le constate,
et ajoute que vous avez ensuite fait des ex-
cuses devant tout le monde.
Voyer, se redressant. — Je ne suis pas ua
homme à faire des excuses.
M. le président - C'est constaté et c'est à
tort que vous semblez le méconnaître.. Ces
hommes font leur devoir et méritent le res-
pect.
S'adressant à l'artilleur : - De quoi aviez
vous peur ?
Le prévenu. - De la patrouille, vu que
l'heure était passée etque j'étais en uniforme,
M. le substitut de Beaurepatre. - Je vou-
lais me borner à quelques observations, mais,
en présence de l'attitude de M. Voyer, qui le
prend de haut et se pose en victime, qui n'a
que des paroles de mépris pour ceux qui sont
chargés de protéger les mœurs publiques, je
me crois obligé de faire une démonstratioE
que je considérais comme inutile.
M. Voyer a un malheur, c'est d'avoir le pri-
vilège d être depuis longtemps connu de la
police et a filé » par elle. Oui, on savait qu'à
sa porte frappaient beaucoup de jeunes gens ;
qu'à Vincennes il racolait de jeunes militaires,
leur donnant rendez-voas dans un garni ou
dans le bois. Si l'autorité crut nécessaire de
surveiller cet homme, qui l'en blâmera? Ne
savait-on pas que M. Voyer était connu sous
le sobriquet du a beau séducteur. »
Nous ne défendrons pas ici les agents de
Feuilleton de GIL BMS
DU 1er AOUT 1880
51
; LE8 AMOURS
D'UNE FEMME HONNÊTE
TROISIÈME PARTIE
XVII
DEUX AMOURS AUX PRISES
(Suite)
r* Le regard de Blanche questionnait toujours,
pendant qu'elle disait encore
- J'ai bien envie de prendre à la lettre la
plaisanterie de M. Dambach.
J - Qui vous en empêche, ma chère mignon-
ne? répondit Mme Galbary avec un visage se-
rein et une voix si tranquille, que Blanche en
jfutgrandement étonnée.
[ Elle espérait, grâce à la réponse qu'allait
\lui faire sa tante, découvrir le secret de cette
rivale dont elle avait un instant, la veille, re-
connu la dangereuse beauté et redouté l'em-
pire.
Marthe fut impénétrable, et Mlle Mahlpert
crut un moment qu'elle pourrait bien s'être
trompée.
— Vous m'y autorisez donc, ma tante ? de-
manda la jeune fille.
— Comme remplaçant votre mère, parfaite-
ment, répondit Marthe. M. Dambach est trop
l'ami du logis pour que je n'aie pas en lui
toute la confiance qu'une mère désire avoir
dans le patito de sa fille.
— Je vais à ma toilette, s'il en est ainsi, dit
Blanche en jetant, à la dérobée, un regard
vainqueur et mutin à M. Dambach.
— Allez, dit Marthe, et faites-vous bien
belle; cela vous sera d'autant plus facile qu'il
tue vous reste vraiment rien à faire, J
- Vous êtes une méchante, ma chère Blan.
che ! dit André à la jeune fille ea l'accompa-
gnant jusqu'à la porte de l'antichambre qui
précédait le salon dans lequel se tenait sa
mère. Que voulez-vous que je devienne? vous
me laissez livré à moi-mêllie/quand toutes les
agaceries, tous les regards, toutes les grâces
sont pour Gérard.
— Vous, mon cher cousin ? reprit l'impi-
toyable jeune fille, mais vous donnerez le bras
à votre mère, vous l'accompagnerez, vous lui
porterez son'éventail, son bouquet, son flacon;
vous êtes encore en tutelle, mon ami, et je
me serais bien gardé de vous choisir : on
m'aurait accusée de détournement de mineur !
Je ne veux pas me mettre mal avec les grands
parents.
— Vous me blessez mortellement, Blanche,
dit le jeune homme en arrêtant sa cousine par
un de ses poignets mignons et blancs,qu'il em-
prisonna dàns sa main.
— Vraiment ! dit la superbe fille à laquelle
n'échappait point l'empire qu'elle prenait sur
André, et qui, en raison de la faiblesse du
jeune homme, devenait plus tyrannique cha-
que jour ; car André courbait toujours le
front devant l'arrogance et même devant ce
qu'il appelait : les grosses tempêtes de sa
reine.
Tout lui paraissait pardonnable, logique
même, quand, après l'avoir regardée, il se
disait : — Elle est si belle !
Aux yeux de beaucoup d'hommes, c'est une
irrésistible absolution que la beauté, et certes,
Blanche la possédait complètement.
— Oui ! dit André, vraiment oui ! et vous
semblez y prendre plaisir! C'est d'autant plus
mal, ajouta-t-il, que personne autant que moi
ne vous aime, ne vous veut heureuse, et que
jamais vous ne trouverez de patito qui soit
heureux et fier de son servage autant que
moi. Et puis, vous savez bien que je suis par-
faitement libre; que ma mère, moins que
tout autre, voudrait m'ôter mon libre arbi-
tre. Oh 1 méchante 1 méchante 1
— Mais, mon cher cousin, reprit Blanche en
souriant de la vive émotion et de l'admira-
tion qu'elle lisait dans les regards d'André, je
choisis M. Dambach parce qu'il est d'un âge
assez raisonnable pour qu'une jeune fille
puisse se permettre de plaisanter avec lui.
Avec vous le pourrais-je ? Ne le trouverait-
on pas un peu léger, si même on ne le trou-
vait pas ridicule ? Vous êtes r che, mon be -u
cousin, l'on ne manquerait pas de dire que je
me jette à votre tête à cause de vos écus; et,
dit-elle avec un mouvement de tête et d'é-
paules souverain, je ne suis pas femme à sup-
porter de pareils dires, moins encore à les
provoquer, ajoute-t-elle en lançant à André
un regard aussi chargé de caresses et de
promesses que ses paroles étaient nères et su-
perbes.
En disant ces derniers mots, elle s'élança,
légère, dans l'escalier, et disparut pendant
qu'André lui envoyait du bout des lèvres un
de ces baisers muets si éloquents, qu'on croi-
rait qu'un homme y met toute son âme, alors
que, le plus souvent, ce n'est qu'un fougueux
désir qui les fait éclore.
— Je vais me faire belle aussi, dit Marthe
à Gérard, aussitôt quela jeune fille l'eut quit-
tée. Si vous le voulez bien, nous irons tous
au Bois ; nous reviendrons dîner ici, puis de
là au théâtre ; j'ai réellement besoin d'enten-
dre un peu de musique pour effacer le sou-
venir de Mme Mahlpert, dont la voix déplai-
sante bourdonne encore tellement à mes
oreilles qui je ne suis pas sûre de ne pas en-
tendre faux, lors même que l'on chanterait
juste.
— Je le veux bien, dit Gérard ; on sent, en
effet, le besoin de prendre un bain d'harmo-
uie, quand on est délivré du supplice que
vous subissez depuis quelque temps.:
— Je vous renvoie donc, dit Marthe en ten-
dant sa main mignonne à Gérard.
— Avant que je parte, dites-moi, ma bonne
amie, ce que vous pensez du voyage de cette
dame ? Il me semble voir en vous une préoc-
cupation que je ne puis expliquer que par
elle.
— Mais que voulez-vous que je pense! Rien
autre chose que ce qu'eue m'a dit. Cela m'é-
vite tout travail d'imagination; et ce repos
tout nouveau, quand il s'agit d'elle, me platt
infiniment.
— Ne vous y fiez pas, madame 1 reprit vi-
vement Gérard. Cette femme et sa fille jouent
la comédie et la jouent bien c'est là ce qui
fait le danger. -- -..-,-,' - <. - ":',;
"-~
La mère est partie dans la crainte d'être
priée sous peu de quitter votre maison.
La fille, qui est restée sous votre sauve-
garde, est d'autant plus dangereuse qu'elle
est forte de sa feinte naïveté et de l'indul-
gence que vous devez avoir pour elle, du
moment où elle vous est confiée par sa mère,
I un peu lestement il est vrai, mais enfin, vous
en avez l'embarrassante charge. Et, croyez-en
mon expérience, elle ne vous la rendra pas
légère.
J'en conclus qu'il faut se méfier beaucoup
et surveiller un peu notre André, car il me
semble plus épris que mon affection pour lui
ne le voudrait, de cette belle fille qui me pa-
raît assez rouce pour user de tous les moyens
possibles afin d'arriver à son but.
— Mais enfin, quel est encore son but ? de-
manda Marthe, que son amour et sa jalousie
éclairaient mieux que ne le faisait tout l'es-
prit de Gérard, et qui n'avait pas douté un
instant que M. Dambach ne fût le but unique
de tout ce manège.
- Il ne me semble pas douteux, reprit Gé-
rard ; André est riche, il est jeune, beau gar-
çon, en train de se faire avec sa plume un
grand nom et une grande fortune, comme si
son père n'avait pas pris cette peine pour lui.
Je soupçonne les dames Mahlpert d'avoir
moins d'écus que de vanité : Ces femmes-là
sont de la famille des mangeuses.
Vous ignorez, chère madame, ajouta-t-il en
donnant à sa voix un accent tout particulier,
à quel ordre appartient cette famille peu clas-
sée dans la zoologie; mais je sais, moi, com-
bien cette race est grande. Je connais les di-
visions et les subdivisions qu'elle comporte,
et ces femmes en sont, à coup sûr., J'ajoute-
rai même qu'elles appartiennent à l'espèce la
plus dangereuse.
Croyez-vous que votre fils ne serait pas
pour elles une bonne proie et qu'elles recu-
leront devant un moyen, quel qu'il soit,
pour arriver à conclure un mariage aussi
avantageux ?
Non, non, tout leur paraîtra de bonne
guerre.
— Mais André n'est pas un enfant* reprit
Mme Galbary ; en l'éclairant un peu, il se
tiendra sur ses gardes. Les hommes, quelque
jeunes qu'ils soient, ne, sont pas flattés, ce
me semble, d'être pris pour leurs écus.
— Gardez-vous-en bien, madame, dit Gé-
rarJ, en souriant de l'adorable naïveté de
Marthe. Gardez-vous-en bien ! Prévenir An-
dré serait le faire courir plus vite encore vers
le danger. Que voulez-vous ? les hommes sont
ainsi faits : ils ne demandent qu'un fossé
pour s'y jeter, la tête la première, et si vous
prenez soin de le leur montrer, même pour
crier : casse-cou, vous verrez avec quelle ra-
pidité ils profiteront du renseignement pour
aller y faire la c ulbute.
— Pourtant, mon fils est intelligent, dit
Marthe doucement ; il a le jugement plus sûr
que ne l'ont en général les hommes de son
âge.
— Oui, chère madame, dit Gérard en bai-
sant les mains de Mme Marthe, mais il a
vingt ans et les désirs de son âge ; par con-
tre, il est tout prêt à faire les adorables fo-
lies, à commettre les jolies faiblesses qui ren.
dent si charmants et si pardonnables les hom-
mes tout jeunes; mais Mlle Mahipert. est trop
la fille de sa mère pour n'être pas fort habile,
ce qui", en général, laisse peu de pruderie
dans l'esprit des jeunes filles.
— Que dois-je faire ? demanda Marthe en
attachant sur Gérard ses grands yeux bleus,
au fond desquels il restait encore un peu de
crainte.
— Prendre le rôle que l'on vous force à
jouer très au sérieux ; ne pas quitter Mlle
Blanche que sa mère vous a donnée à garder,
quoiqu'elle la sache, j'en suis persuadé, très
fille à se garder ou à se perdre elle-même.
— Allons, dit Marthe en souriant avec quel-
que contrainte, me voilà passée à l'état de
duègne.
— Pas pour longtemps, je pense.
Gérard avait hâte, en effet, de voir Mme
Ga bary débarrassée de ces tracas, sans comp-
ter qu'il espérait bien mettre André à l'a-
bri de cette future exploitation ; son André
qu'il aimait d'autant plus, que tous les jours
il affectionnait davantage sa mère.
— Qui m'aurait jamais dit que cette femme,
que je ne connaissais pas il y a quelques
dft tracas, et pren-
drait, avec sa fille, une si grande place dans
ma vie?
— Patience, amie ; empêchons André de
faire une folie en épousant cette jeune fille
qui serait son tyran, et fort probablement sa
ruine; après, nous serons libres.
— Allez-vous-en toujours, dit Marthe en
faisant à Gérard un nouveau geste d'adieui
Nous causerons de cela une autre fois; main-
tenant la chose sérieuse pour moi, c'est de
faire ma toilette ; je ne puis pas mener Blan-
che au Bois et au théâtre, dans l'état où je
suis.
Avec un geste d'une coquetterie charman-
te, elle souleva d'un doigt fluet les plis de
son peignoir de mousseline, en répétant :
— Allez-vous enl.
La femme ne pensait plus qu'à garder l'affec-
tion de celui qu'elle aimait ; la mère avait
oublié ce que Gérard venait de lui dire : —
qu'André était menacé dans ses jeunes
croyances.
Marthe voulait être aimée comme elle ai-
mait, exclusivement, ardemment. Elle ne
laissait à sa pensée d'autre alternative que
l'abandon, de longues et tristes années de sol*
licitudes d'âme, si Gérard s'éprenait de Blan-
che, ou la vie de son bonheur complet, son
cher bonheur si saintement rêvé, s'il ressortait
de cette épreuv e qu'elle allait lui faire subir
sans qu'il s'en doutai.
« Je suis aimée, malgré bicc4 trente-six ans,
plus que cette jeune fille; toutes le? menées,
toutes les coquetteries, de Mlle Mahlpert
n'auront abouti qu'à me prouver la solidité
de cet édifice de bonheur dont mon cœur est
la clef de voûte. »
MIE D'AGHONNE, i
La suite à demain.
——————————— ♦ ———————————
Les receveurs des postes se chargent
de faire parvenir à Gil Blas les renou-
vellements d'abonnements sans frais
pour les abonnés* -:. -
>■ Premier prix, M. Renard.
Premier accessit, MM. Tinarage et
pupuis.
Trombone
(Classe de M. Delisse.)
Morceau de concours, M. Delisse. ; *£
Lecture à vue, Paladilhe.
Premier prix, M. Cordelle.
Premier accessit, M. Flandrin.
.- J'ai le regret de devoir me borner
aujourd'hui à cette nomenclature et encore
celui de devoirconstater qu'aucune classe ne
s'est élevée au-dessus du niveau ordinaire.
Une note gaie pour terminer. Un orage
violent s'est déchaîné au moment du con-
cours de trompette. La scène était plongée
dans l'obscurité. Petite conversation entre
M. le directeur du Conservatoire dans la
loge du jury.
I M. Cerclier, professeur, en scène.
f M. Ambroise Thomas. — J'attends,
monsieur ; veuillez faire commencer l'é-
lève, monsieur Cerclier.
1 M. Cerclier. — L'accompagnateur n'y
voit pas. On est allé chercher des bougies.
ipetit entr'acte, hilarité et joyeusetés dans
la salle). On apporte des bougies au bout
de cinq minutes.
1 Le morceau de concours est joué. L'élève
pliait commencer celui de lecture à vue.
j — Arrêtez ! s'écrie M. le directeur, je
.vais vous denner le mouvement : un, deux,
jtrois; plus vite.
M. Cerclier. — Ah ! vraiment, je ne le
croyais pas dans un mouvement si vif !.
Jevous remercie, monsieur.
Ajoutez à ces incidents la série des
couacs, fausses notes à l'instar de ce qu'on
peut entendre dans les fêtes foraines, et
vous aurez, lecteurs, j'en suis certain, la
curiosité de donner l'année prochaine la
préférence au concours des instruments à
- vent, qui décidément est le plus varié.
D. Magnus.
y ■" ■* ——————————
JOURNAUX ET REVUES
: On sait qu'à la suite des désordres de
s'Aurès, un certain nombre de Kabyles, et
d'Arabes fureiit condamnés. L'Intransi-
geant s'est fait leur avocat. Il demande
qu'on leur applique l'amnistie. La France
répond à ce sujet :
Notre confrère se trompe-t-il ? Voit-il juste?
Nous pensons, pour noire part, que, sur ce
point, les habitants de l'Algérie et les hom-
mes politiques chargés de les représenter ici
ont seuls une compétence absolue.
S'ils croieut l'amnistie possible, assurément
il faut la faire, encore qu'elle ne doive avoir
d'autre effet que d'avancer de quelques jours
la mise en liberté des prisonniers, puisqu'elle
ne saurait leur rendre aucun droit politique.
Si ces arbitres souverains estiment au con
traire qu'il y aurait danger pour le repos de-
esprits, dans la masse des Arabes du sud es
de l'ouest, à effa,cer le crime, si récent encoret
ds insurgés ; s'ils croient que la population,
européenne qu'ils représentent en serait jus-
tement inquiétée : il faut alors faire le plus de
grâces qu on pourra, et s'en tenir là.
Les Arabes sont, non pas nos conci-
toyens, mais simplement nos sujets, ce qu'il
ne faut pas oublier, si l'on tient à garder
l'Algérie, ajoute prudemment la France.
! Un journal bonapartiste criant : A la
candidature officielle! cela vaut M. Sarcey
donnant des leçons de morale.
Nous avons dit, s'écrie l'Ordre, et nous
prouvons chaque jour par des exemples écra-
san's que la candidature officielle, sous toutes
ses formes, est pratiquée par les républicains
avec un cynisme éhonté, en vue des élections
départementales du 1er août.
Voici un échantillon des manoeuvres op-
portunistes qui nous paraît mériter une men-
tion à part.
Ces fameuses manœuvres consistent
tout bonnement dans le voyage de deux
sénateurs républicains, MM. Hébrard et
Camparan, dans la Haute-Garonne, où ils
vont soutenir les candidats républicains
au Conseil général.
- De quel droit les sénateurs seraient-ils
obligés de s'abstenir ?
Ils sont libres d'agir à leur guise, n'étant
point fonctionnaires.
, Du reste, nous sommes bien bon de ré-
pondre à un journal bonapartiste, à propos
de candidature officielle.
! Le Temps dit aujourd'hui qu'il voit sans
peine les hommes de la droite placer les
élections départementales sur le terrain
politique. Il ne doute point du succès des
républicains :
Les élections qui se préparent n'ont aucun
caractère plébiscitaire ; eHes ne porteront
pas davantage sur une question politique
circonscrite, déterminée, telle que la dicta-
ture ou la liberté, le cléricalisme ou la libre
pensée, la paix ou la guerre. Elles font partie
du jeu régulier de nos institutions : la seule
conclusion sensée, répétons-le, que l'on
pourra tirer de leur résultat, ce sera de con-
stater si la République continue à mériter,
par l'ensemble de sa conduite et de ses actes,
la faveur de l'opinion, source permanente de
son pouvoir et de sa légitimité. A ce point de
vue, la réponse des électeurs ne fait pas l'om-
bre d'un doute.
Jean Ciseaux.
LA FÊTE DE LA BOUCHE D'OR
Nous aurions pu croire hier que ce brave
naoab Jansoulet était revenu pour vingt-
quatre heures à Paris, tellement le jeune et
sympathique directeur du Châtelet, M. Emile
Rochard, a jeté l'or à pleines poignées pour
fêter la centième de la reprise des Pilules du
Diable.
Il avait invité à cette fête sans précédent
ses artistes, une partie dedu personnel de son
théâtre, les représentants de la presse pari-
sienne, quelques amis et une foule de jeunes
et jolies femmes appartenant à tous les autres
théâtres.
Voici, du reste, le programme de cette
partie de campagne tel qu'on le distribuait à
chaque invité; inutile de dire que ce pro-
gramme ainsi que les invitations et les me-
nus étaient ornes de charmants dessins faits
par Grévin pour la circonstance :
3 h. — Rendez-vous au Théâtre (façade).
3 h. 1/4. — Embarquement sur la Mouche
d'Or.
3 h. 1/2. — A toute vapeur !
4 h. 1/4. — Débarquement, Parc de Saint-
Cloud.
4 h. 1/2. - Apéritifs et perroquets.
5 h. — Ouverture des jeux (chevaux de
bois, tonneau, tirs, bascules et autres balan-
çoires).
6 h. — A table 1
6 h. 1/2. -7 h. -7h. 1/2. - 8h. - 8 h. 1/2.
- Symphonie des mâchoires.
9 h. — Grand feu d'artifice composé par
Morin, tiré par Henry Buguet.
10 h. — Bal, ballet, ballade.
12 h. —Retour à bord de la Mouche d'Or.
Orchest re enlevé par M. Alexandre Artus.
Une hirondelle frétée par M. Rochard et
qui, pour la circonstance, s'est trouvée chan-
gée en Mouche d'Or, stationnait depuis trois
heures au ponton des bateaux-omnibus du
Châtelet. On l'avait pavoisé entièrement de
drapeaux, de mouches d'or et de fleurs.
Les commissaires de la fête recevaient les
arrivants dans le péristyle du théâtre, qui
était changé en un vaste jardin d'hiver. A
trois heures et demie, l'ordre d'embarquer
ayant été donné, tout le monde se rendit sur
le quai, ayant à se faire jour à travers quatre
ou cinq mille badauds qui stationnaient tant
sur les quais que sur le pont.
Au moment du départ, une pluis d'orage se
met à tomber dru et force toutes les petites
voyageuses à se réfugier dans les cabines. Je
profite du bourlinguage [pour prendre au ha-
sard les noms des actrices présentes, en de-
hors, bien entendu, des pensionnaires, de la
maison.
Parmi elles je citerai Mlle Alice Giesz,
du Gymnase, dans une délicieuse toilette de
surah noir; Mlle Elvire Gilbert,des Variétés;
Mlle Marie Colombier; Mlle Wallo ; Mlle.Le-
riche ; Mlle Suzanne Pic ; Mlle Marie Hel-
mont; Mlle Dianie; Mlle Piccolo, très maigrie;
Mlle Doriani; Mlle Longhi, etc., etc. Que
celles que je ne cite pas me pardonnent; elles
étaient toutes jolies au possible dans leurs
toilettes d'été et pleines d'entrain et de
gaieté.
Le voyage a été fort amusant, grâce à l'ex-
cellent orchestre d'Artus, qui a joué les mor-
ceaux les plus entraînants de son répertoire,
et à M. Henri Buguet, qui a salué tous les
ponts sous lesquels nous passions en tirant
force bombes.
Les blanchisseuses et les habitués des bains
froids ont été bien surpris de voir passer toute
cette bande joyeuse qui' ne cherchait qu'une
occasion pour pousser les hourrahs les plus
frénétiques. Au débarquement à St-Cloud, car
c'est au parc de St-Cloud qu'avaient lieu ces
agapes, une foule au moins aussi nombreuse
qu'à Paris nous attendait. Nous avons re-
trouvé là quelques camarades que leurs af-
faires avaient empêchés d'être fidèles au ren-
dez-vous.
Des tables chargées d'apéritifs étaient dres*
sées sur la place même. Mais, hélas 1 à peine
la dernière lampée avalée, la pluie,qui mena-
çait depuis Paris, s'est mise à tomber, mais
à tomber comme si on l'avait commandée ex-
près. Il est bien malheureux que M. Rochard
n'ait pas envoyé quelques invitations aux
sous-secrétaires d'Etat du royaume d'en Haut.
ils nous auraient sans doute pris en pitié et
nous auraient moins accablés de leurs faveurs
diluviennes.
Malgré cela, quelques intrépides ont voulu
aller aux chevaux de bois, à Guignol, au tir
aux pigeons, mais mal leur en a pris, car un
orage épouvantable, accompagné d'éclairs, de
tonnerre et de trombes d'eau, n'a pas tirdé à
venir remplacer la simple pluie. En un ins-
tant la grande allée du parc s'est trouvée
changée en lac. Il a fallu procéder au sauve-
tagé et M. Rochard a envoyé des commis..
sionnaires chargés de ramener les dames ré-
fugiées sous les arbres du parc. De minute
en minutes el es faisaient leur entrée; mais
dans quel état, mon Dieu ! Quelques-unes ont
été forcées d'emprunter linge et vêtements
à la propriétaire du restaurant. Ajoutez à
cela que le couvert étaitdressé dans lejardin;
c'est assez dire qu'il n'a pas perdu une goutte
du déluge. Il a fallu démonter tout pour le
remonter dans la salle de danse. Grâce à un
vigoureux coup de main donné par quelques
soldats du 36° de ligne, à sept heures nous
étiens à table, ayant à apprécier un excellent
dîner dont voici le menu, qui, bien qu'espa-
gnol, n'en était pas moins des plus savou-
reux.
Melonès de Saragossa.
Stimulantina variata
POTAGIOS
Vuillcmot-Dumas (padro)
èonsommato. à là Ciudad-Rodrigo
POISSONÈS
Turbos Gibraltaros
Saumonèz Mançanarèz
ENTRADA
Filet Torrero, Salsa Canaria.
LEGUMOS
Sarbaeanos de la Huerta
Flageoletos Estudiantine
Musicantes
RÔ
Gros Poulos Baleares
Salada de Toledo
ENTREMETOS
Bomba Sierra-Nevada
ÊESSERTOS
Fromagetos de la Manchla
Meringuinas
Fraitos de todos los països'
VINOS
Maderos
Gravas
San Emiliano
Potnardo
Champana de la Moucha del Oro
Le champagne frappé aidant, une animation
extraordinaire n'a pas cessé de régner pen-
dant tout le repas.
M. Rochard présidait naturellement,
ayant à sa gauche Miss TEnea, la Mouche-
d'Or, et à sa droite Mlle Théol, la délicieuse
fée des Pilules, qui portait un bien joli cos.
tume de moinllion ; en face de lui était
Mlle Ghinassi, toujours boute-en-train en dia-
ble; elle portait sur ?la poitrine une grande
médaille d'or que l'orchestre du Châtelet lui
a offerte à l'occasion de la centième.
Au dessert, M. Rochard a remercié cha-
leureusement la presse d'abord, se3 artistes,
son orchestre et le 36° de ligne, dont les sol-
dats venaient de nous tirer d'un si mauvais
pas.
Le colonel, qui assistait au banquet, a ré-
pondu, le verre en main : que ceux qui
savaient vaincre par les armes, buvaient à la
santé de celles qui savaient vaincre par leur
charme.
On n'est pas plus galant.
L'excellent Artus nous a fait entendre alors
un jeune piston soliste de son orchestre qui
avait, remporté dans la journée un premier
accessit au Conservatoire.
Deux bombes sont venues annoncer le feu
d'artifice, qui a admirablement réussi, malgré
l'eau qui avaient inondé les pièces montées ;
il y en avait une dédiée à la presse et l'autre
à la Mouche d'Or.
T'AIT t. Saint.fîlnnrl assistait, à. R.A d^nlniftmpnt
j extraordinaire de fusées, feux de Bengale,
et l'on a fait une ovation prolongée à M. Henri
Buguet, notre confrère, qui s'était chargé
de cette partie de la fête et qui y a réussi de
manière à faire pâlir le prestige de M. Phi.
lippe Boussigneul.
Après le feu d'artifice les danses ont com-
mencé. La Mouche d'Or attend amarrée au
pont de Saint-Cloud, le bon vouloir des dan-
seuses; je crains bien que les lampions qu'on
y a allumé, ne soient inutiles pour le retour.
Cemme mot de la fin, je dirai que M. Ro-
chard pour ne pas surmener ses artistes avait
fait faire relâche à son théâtre, c'est-à-dire
abandonné une recette assurée de quatre mile
francs, comme je le disais au commençant
c'est en nabab que le jeune directeur du Châ-
telet nous a traités.
Scipion.
- ♦
« GIL BLAS » A CAUTERETS
Avant de vous décrire les plaisirs de Cau-
terets, permettez-moi de vous citer les prin-
cipaux établissements thermaux de cette ville.
Je commence tout d'abord par les Thermes
de César et des Espagnols, établissement
connu par son oonfort et son luxe. Viennent
ensuite les Thermes des Œufs, dont l'établis-
sement, au dire des voyageurs, est le mieux
aménagé de la ville ; la construction en est
monumentale. Mais le plus élégant et le plus
coqnet est, sans contredit, celui des Thermes
du Rocher-Kreumiset, situé en face du parc.
Les plaisirs sont nombreux et variés. Un
concert, un théâtre et les jeux se partagen
les faveurs des étrangers, dont le rendez-vous
habituel est la table d'hôte de l'hôtel d'An.J
gleterre, vaste palais monumental. Les chas-
ses à l'ours, à l'isard, à l'aigle oceupent les
pius vaillants, pendant que les malades vont
aux bains, où se passent parfois des aven-
tures qui ne manquent pas de gaieté;
aussi tous les dimanches le Journal de Cau-
tereis, que publie M. Cazaux, en fait une
chronique charmante.
Tous les jours, à deux heures, un excellent
orchestre se fut entendre sous la direction
de M. Charles Malo, et, à partir de sept heu-
res, la foule se porte sur l'esp anade où la
fashion éprouve le besoin de distraire ses re-
gards et de respirer un peu. A huit heures
s'ouvre le théâtre du Casino, où le public se
porte avec empressement, car M. Delporte,
l'intelligent directeur, a su réunir pour la sai-
son des artistes tels que MM. Delannoy, Gri-
vot,Tony Reine, assez connos pour qu'on n'ait
plus besoin de faire leur éloge: Les specta-
teurs paraissent goûter beaucoup aussi Mlle
Krause, qui chante avec beaucoup d'exprès-
sion et de finesse.
Gaston Lionnel.
■ ♦ ————————
Vous pouvez avoir immédiatement de !
L'ARGENT |
SUR CHE VAXIX & VOITURES
tout en les gardant chez vous
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aux Obligations de la Compagnie de
ALAIS AU RHONE ~ET MÉDITERRANÉE
C'est aujourd'hui samedi 31 juillet, qu'à lieu,
à la Banque du Midi, 4, rue de Choiseul,
la souscription aux obligations d'Alais au
Rhône. Ces obligations rapportent plus de
5 0/0 et.sont très solidement gagées ; aussi
les demandes sont-elles nombreuses. Avis aux
retardataires.
Rasoir mécanique. 2, r. Taitbout, Paris.
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Mme BERTHE, somnambule, célèbre pr
RECHERCHES, MALADIES, 66, r. des Lombards
et par correspondance.
—i a.
M. E. Raymond vient de publier un tableau
synoptique des dividendes distribués par les
diverses Compagnies d'assurances contre
l'incendie et sur la vie depuis leur origine, et
un autre tableau des trente-deux primes
d'assurances applicables aux risques sim.
ples.
Ces deux tableaux sont d'un incontestable
intérêt pour toute personne qui s'occupe d'as-
surances ou de valeurs d'assurances.
Prix, franco pour chaque tableau : 2 fr.
Les demandes doivent être adressées à
l'auteur. M. E. Raymond, rue Vivienne, 47.
mmm DE imimi
AFFAIRE DU CAPITAINE VOYER; OUTRAGE
AUX MŒURS; COMPLICITÉ D'UN ARTILLEUR;
RÉBELLION.—AFFAIRE MENESCLOU, ARRÊT
DE MORT. — AFFAIRE DU NICARAGUA;
SENTENCE DE LA COUR DE CASSATION.
Lorsque la nouvelle s'est répandue qu'un
ancien capitaine de l'état-major de la place
de Paris avait été arrêté par des agents du
service des mœurs, sous un arbre du bois de
Vincennes où il s'était réfugié avec un artil-
leur, ce fut un événement parisien et un nou-
veau scandale. On se rappelait une affaire du
même genre dans laquelle un nom apparte-
nant à une famille des plus honorables et des
plus é evées, avait reçu, de faits à peu près
identiques, une souillure ineffaçable.
Ce n'est peut-être pas dans le fait même
qui a motivé, le 18 juin dernier, l'arrestation
de M. Voyer que réside le scandale de cette
affaire, mais dans l'ensemble des faits remon-
tant déjà loin et qui avaient déterminé comme
un renom fâcheux autour de ce personnage,
d'ailleurs très connu dans Paris.
Il résulte d'une lettre du général de Cissey,
lue par Me Edgard Demange, que ce serait
volontairement pour ne pas quitter Paris et
se livrer entièrement à ses études artistiques
que M. Voyer aurait renoncé à son grade et
se serait séparé de l'armée.
M. Voyer comparaît libre devant le tribunal
de police correctionnelle, présidé par M. Car-
tier; il porte le ruban de la Légion d'honneur.
Il y a quelques jours seulement que la liberté
sous caution lui a été accordée.
Deux préventions pèsent sur lui : la pre-
mière, celle d'outrages aux mœurs ; il a pour
complice, sur ce chef, l'artilleur Méguin, qui
est détenu. La seconde est celle de rébellion
contre les agents de l'autorité.
M. Voyer a 40 ans ; c'est un homme petit,
en peu gros, blond. Son attitude, sa tenue, sa
dêmarche ne rappellent en rien celles qui ap.
partiennent à un officier de l'armée Son re-
gard a quelque chose d'étrange, d'insaisissable,
qui tient peut-être à ce que ses yeux sont dis-
cordants. Sa parole est pâteuse, son langage
manque absolument de précision. Son sys-
tème de défense consiste à dire qu'il est en
butte à des haines secrètes, et victime d'un
concours inouï et fatal de circonstances.
On entend les agents du service des mœurs
qui ont rédigé le procès-verbal de constat.
Ces agents commencent par déclarer que le
prévenu était signalé pour ses habitudes fâ-
cheuses ; il habitait Vincennes et passait pour
débaucher les soldats.
Le 18 juin, ils le suivirent et le surprirent
arrivant, à neuf heures et demie du soir, au
rendez-vous donné précédemment à l'artil-
leur. C'était à la porte du Polygone ; Voyer
dit à Méguin : « Suivez-moi », et ils s'enfon-
cèrent dans le bois en longeant la rue du
Polygone. Il pleuvait à ce moment et, au lieu
d'entrer dans un café qui se trouvait ouveit
sur leur passage, ils allèrent plus loin, sous
un arbre — pas un chêne, par respect sans
doute pour celui (le "aint Louis ; — mais sous
le feuillage de l'arbre pénétraient les rayons
d'un bec de gaz, et ce serait à la faveur de ces
rayons qu'ils auraient vu certaines privautés
échangées entre M. Voyer et l'artilleur Mé-
guin. Ont-ils bien suivi le mouvement de la
main de Voyer? En tout cas, les agents re-
connaissent que rien n'était à nu, différence
à noter, si on compare le cas acfuel avec celui
de telle autre scène de ce genre qui se pas-
sait aux Champs-Elysées et est restée fa-
meuse dans les fastes de la débauche ada-
mique.
Lës agents, - dont nous croyons inutile de
reproduire les déclarations dans tous ses dé-
tails, — n'attendirent pas que les choses al-
lassent plus loin, et pensèrent que ce, qu'ils
avaient vu suffisait à constituer l'outrage aux
mœurs; s'approchant alors, ils mirent la main
sur le collet des deux cyniques et les condui-
sirent chez le commissnire de la localité.
Là, une scène assez compliquée se passa et
a donné lieu au second délit relevé par la pré-
vention, celui de rébellion envers les agents
de l'autorité.
Le prévenu Voyer insulta les agents, leur
reprocha de faire du chantage et, se servant
de sa canne, en frappa un agent sur la tête et
sur le dos.
En réponse à ces charges, que nous résu-
mons, voici les explications données par cha-
cun des deux prévenus.
M. le président à M.Voyer.— Expliquez-nous
comment vous vous trouviez vous promenant
dans le bois de Vincennes avec un homme
dont les habitudes et l'éducation se rappor-
taient si peu à vos habitudes de vie ?
Votler.-Je craiernais. non sans raison, d'être
« filé ». Le 21 juin, je me promenais avec le
directeur du théâtre de Clermont-Perrand et
sa femme, lorsqu'en regardant autour de moi
il me sembla voir des gens qui me suivaient;
je savais qu'on était venu ma demander à
l'hôtel où je demeurais, j'étais inquiet. En
rentrant de la promenade je me trouvai en
face d'un militaire que je crus reconnaître.
C'était un musicien que je recherchais pour
accorder mon piano; je lui dis : Vous êtes
musicien, n'est-ce pas ? De quel instrument
jouez-vous? Je me trompais. -Non, me dit-il,
je suis artilleur, mai* peut-être puis-je vous
donner des renseignements — Je lui donnai
le nom de mon musicien.. Il me promit de re-
chercher s'il était au fort ; puis il me demanda
si je voulais prendre une chopine. C'est vous
dire qu'il n'y avait pas d'affinité entre nous.
Ne voulant ni accepter son offre, ni le bles-
ser, je lui dis que nous nous reverrions. Il
m'avertit alors qu'il avait une permission le
mardi. — C'est bien, lui dis-je.
M. le président.— Ainsi vous vouliez.vous
,en débarrasser, et, ce qui est contradictoire,
vous venez à ce rendez-vous qui n'était, dites-
vous, qu'une échappatoire, et tout de suite
vous enfoncez dans le bois avec ce soldat pour
vousfaire une promenade.
Voyer. — Je ne pensais plus à ce rendez-
vous, lorsque je le rencontrai.
M. le président. — Lui ne l'avait pas ou-
blié et vous attendait ; vous étiez très exacts
l'un et l'autre.
Voyer. — Je me voyais encore filer et je
voulais être avec quelqu'un.
M. le président. — Mais, à supposer qu'on
vous suivît, il n'y avait qu'une chose à faire
pour n'importe qui et surtout Dour un ancien
capitaine, c'était d'aller droit aux gens qui
vous suivaient et de leur demander une ex-
plication. ,,'
Voyer. -'Je voulais me plaindre à la po-
lice et pour cela avoir un témoin.
M. le président. —Vous avez reconnu avoir
pris seulement la main du soldat.
Voyer. — Oui, parce qu'il avait peur.
D. — Peur de quoi ?.
Voyer. — Quatre agents nous suivaient.
M. le Président. — Et pour le rassurer, vous
lui teniez la main. Ce que vous nous dites là
est peu flatteur pour l'armée française. Enco-
re une fois, de quoi cet artilleur pouvait-il
avoir peur?..
Voyer. — Il ne savait pas ce que lui vou-
lais ; je lui avais bien dit que j'étais « filé »
mais peut-être ne comprenait-il pas ; et pour
le rassurer je lui ai serré la main.
M. le président. — Mais on ne prend pas la
main d'un homme pour le rassurer. Je dois
vous dire qu'il existe des rapports de police
remontant à 1876-1877 qui sont peu flatteurs
pour vous.
Ainsi, on trouve une lettre d'un individu
qui vous accuse réception de 20 francs et
vous demande l'envoi immédiat de 100 fr.
Voyer. — Je ne sais ce que c'est ; peut-être
une lettre fabriquéc.
D. — Vous aviez donc des ennemis bien
acharnés?
Voyer. — On a bien adressé sur moi des
lettres anonymes au duc de Sabran.
M. le président. — Que ne portiez-vous
plainte ?
Voyer. — C'est ce que j'ai fait; je suis allé
trouver M. Ansart, chef de la police munici-
pale qui m'a dit: Oui, il y a des rumeurs ~i
courent, ne vous en occupez pas autrement,
donnez des ordres sévères à votre concierge
pour ne pas recevoir le premier venu.
M. le président. — Il y a un individu nom-
mé Leblond ou Leclère, dit Tintamarre, qui
aurait eu des rapports avec vous et qui vous
écrit rue de Beaune.
Voyer, vivement. - Je n'y demeurais pas
M. le président.- Pardon, vous y aviez de.
meuré et il savait bien votre adresse; que M*
gnifiait cette correspondance ?
Voyer. — C'étaient des individus qui fai-
saient du chantage.
M. le président. -' Vous soutenez que te
n'est pas à raison de la renommée qui voùr
suivait que vous avez quitte l'armée?
Voyer.— Non, monsieur, c'est faux.
M. le président interroge le complice, l'ar-
tilleur Méguin.
D. — Comment avez-vous connu Voyer ?
Méguin. — Il m'a demandé comme ça si
j'étais musicien ou si je connaissais un musi-
cien dont il m'a donné le nom ?
D. •— Mais il vous a dit autre chose?. Il
vous a proposé de venir s'amuser dans le parc
et il vous a promis deux francs ?. Et vous,
vous avez compris ce que signifiaient ces mots :
« Venir s'amuser. »
Le prévenu. — C'est le commissaire qui,
après m'avoir traité de salop, de polisson, m'a
dit qu'il fallait déclarer cela.
D, — Je suppose cela pour un instant, mais
le lendemain, devant un magistrat honorable,
vous n'avez pas subi de contrainte et n'étiez
pas force de répondre une chose plutôt qu'une
autre.
Le prévenu: — Ayant menti une première
fois, je n'ai pas cru devoir revenir sur ce que
j'avais dit.
D. — Et alors vous avez dit que Voyer vous
avait fait des attouchements?
Le prévenu. — On m'avait dit que je pas-
serais en conseil si je ne déclarais pas cela.
D. Vous faites un faux témoignage et de-
vant le juge vous ne revenez pas à la vérité.
Pourquoi attendiez-vous Voyer à la porté du
fort ?
Le prévenu. - Pour aller boire avec lui.
D. Que vous a-t-il dit en vous abordant ?
Le prévenu. -Il m'a dit : Suivez-moi ! 1
M. le président à Voyer. - PourquQi dîtes-
vous à ce soldat : Suivez-moi ?
Le prévenu. — Parce que je venais de m'a-
percevoir que des agents nous filaient, et que
je voulais qu'il me servît de témoin.
M. le président. — Vous auriez pu choisir
un témoin plus intelligent ; mais vous ne
l'avez pas rencontré par hasard, puisque vous
lui avez donné rendez-vous ?
Voyer. — Je l'avais oublié.
M. le président. — En tout cas, lui ne l'a-
vait pas oublié. Encore une fois, on s'étonne
de ce rendez-vous avec un troupier qui avait
des habitudes si différentes des vôtres, qui ue
songe à rien qu'à boire chopine. Vous, ancisa
capitaine d'état-major, aller avec un soldat
qui avait eu plus de deux cent punitions.
Méguin. — C'est moi qui lui avais indiqué
ce jour-là.
M. le président. — Il l'avait accepté; cela
ne change pas la question. —A Voyer : — La
pluie vient à tomber, un café était là ; pour-
quoi n'y pas entrer ?
Voyer. — - Je ne voulais pas qu'on me vît
au cabaret avec un simple soldat.
D. — Vous avez préféré aller sous un arbre
et là vous convenez avoir serré la main de ce
troupier. C'est là un serrement de main lel4
extraordinaire, et c'est la première fois que
nous entendons parler de choses pareilles, ,
Me Léon. — L'artilleur était sans* permis-
sion et en uniforme, ce qui explique qu'il eût
peur. ",'
On arrive à la scène qui eut lieu chez le
commissaire de police ; cela se rapporte au
délit de rébellion.
Voyer prétend que l'un des agents lui dit :
« Te voilà, ma vieille branche l » et qu'alors,
indigné, il lui répondit: « Je vous défends de
m insulter*, et qu'il leva sa canne, mais il nie
avoir frappé l'agent.
D'après le prévenu, les agents se seraient
enfermés dans une pièce à côté avec l'artil-
leur, et là ils auraient organisé une tentative
de chantage.
D. - Vous avez insulté et eu recours à des
voies de fait. L'inspecteur Stefani le constate,
et ajoute que vous avez ensuite fait des ex-
cuses devant tout le monde.
Voyer, se redressant. — Je ne suis pas ua
homme à faire des excuses.
M. le président - C'est constaté et c'est à
tort que vous semblez le méconnaître.. Ces
hommes font leur devoir et méritent le res-
pect.
S'adressant à l'artilleur : - De quoi aviez
vous peur ?
Le prévenu. - De la patrouille, vu que
l'heure était passée etque j'étais en uniforme,
M. le substitut de Beaurepatre. - Je vou-
lais me borner à quelques observations, mais,
en présence de l'attitude de M. Voyer, qui le
prend de haut et se pose en victime, qui n'a
que des paroles de mépris pour ceux qui sont
chargés de protéger les mœurs publiques, je
me crois obligé de faire une démonstratioE
que je considérais comme inutile.
M. Voyer a un malheur, c'est d'avoir le pri-
vilège d être depuis longtemps connu de la
police et a filé » par elle. Oui, on savait qu'à
sa porte frappaient beaucoup de jeunes gens ;
qu'à Vincennes il racolait de jeunes militaires,
leur donnant rendez-voas dans un garni ou
dans le bois. Si l'autorité crut nécessaire de
surveiller cet homme, qui l'en blâmera? Ne
savait-on pas que M. Voyer était connu sous
le sobriquet du a beau séducteur. »
Nous ne défendrons pas ici les agents de
Feuilleton de GIL BMS
DU 1er AOUT 1880
51
; LE8 AMOURS
D'UNE FEMME HONNÊTE
TROISIÈME PARTIE
XVII
DEUX AMOURS AUX PRISES
(Suite)
r* Le regard de Blanche questionnait toujours,
pendant qu'elle disait encore
- J'ai bien envie de prendre à la lettre la
plaisanterie de M. Dambach.
J - Qui vous en empêche, ma chère mignon-
ne? répondit Mme Galbary avec un visage se-
rein et une voix si tranquille, que Blanche en
jfutgrandement étonnée.
[ Elle espérait, grâce à la réponse qu'allait
\lui faire sa tante, découvrir le secret de cette
rivale dont elle avait un instant, la veille, re-
connu la dangereuse beauté et redouté l'em-
pire.
Marthe fut impénétrable, et Mlle Mahlpert
crut un moment qu'elle pourrait bien s'être
trompée.
— Vous m'y autorisez donc, ma tante ? de-
manda la jeune fille.
— Comme remplaçant votre mère, parfaite-
ment, répondit Marthe. M. Dambach est trop
l'ami du logis pour que je n'aie pas en lui
toute la confiance qu'une mère désire avoir
dans le patito de sa fille.
— Je vais à ma toilette, s'il en est ainsi, dit
Blanche en jetant, à la dérobée, un regard
vainqueur et mutin à M. Dambach.
— Allez, dit Marthe, et faites-vous bien
belle; cela vous sera d'autant plus facile qu'il
tue vous reste vraiment rien à faire, J
- Vous êtes une méchante, ma chère Blan.
che ! dit André à la jeune fille ea l'accompa-
gnant jusqu'à la porte de l'antichambre qui
précédait le salon dans lequel se tenait sa
mère. Que voulez-vous que je devienne? vous
me laissez livré à moi-mêllie/quand toutes les
agaceries, tous les regards, toutes les grâces
sont pour Gérard.
— Vous, mon cher cousin ? reprit l'impi-
toyable jeune fille, mais vous donnerez le bras
à votre mère, vous l'accompagnerez, vous lui
porterez son'éventail, son bouquet, son flacon;
vous êtes encore en tutelle, mon ami, et je
me serais bien gardé de vous choisir : on
m'aurait accusée de détournement de mineur !
Je ne veux pas me mettre mal avec les grands
parents.
— Vous me blessez mortellement, Blanche,
dit le jeune homme en arrêtant sa cousine par
un de ses poignets mignons et blancs,qu'il em-
prisonna dàns sa main.
— Vraiment ! dit la superbe fille à laquelle
n'échappait point l'empire qu'elle prenait sur
André, et qui, en raison de la faiblesse du
jeune homme, devenait plus tyrannique cha-
que jour ; car André courbait toujours le
front devant l'arrogance et même devant ce
qu'il appelait : les grosses tempêtes de sa
reine.
Tout lui paraissait pardonnable, logique
même, quand, après l'avoir regardée, il se
disait : — Elle est si belle !
Aux yeux de beaucoup d'hommes, c'est une
irrésistible absolution que la beauté, et certes,
Blanche la possédait complètement.
— Oui ! dit André, vraiment oui ! et vous
semblez y prendre plaisir! C'est d'autant plus
mal, ajouta-t-il, que personne autant que moi
ne vous aime, ne vous veut heureuse, et que
jamais vous ne trouverez de patito qui soit
heureux et fier de son servage autant que
moi. Et puis, vous savez bien que je suis par-
faitement libre; que ma mère, moins que
tout autre, voudrait m'ôter mon libre arbi-
tre. Oh 1 méchante 1 méchante 1
— Mais, mon cher cousin, reprit Blanche en
souriant de la vive émotion et de l'admira-
tion qu'elle lisait dans les regards d'André, je
choisis M. Dambach parce qu'il est d'un âge
assez raisonnable pour qu'une jeune fille
puisse se permettre de plaisanter avec lui.
Avec vous le pourrais-je ? Ne le trouverait-
on pas un peu léger, si même on ne le trou-
vait pas ridicule ? Vous êtes r che, mon be -u
cousin, l'on ne manquerait pas de dire que je
me jette à votre tête à cause de vos écus; et,
dit-elle avec un mouvement de tête et d'é-
paules souverain, je ne suis pas femme à sup-
porter de pareils dires, moins encore à les
provoquer, ajoute-t-elle en lançant à André
un regard aussi chargé de caresses et de
promesses que ses paroles étaient nères et su-
perbes.
En disant ces derniers mots, elle s'élança,
légère, dans l'escalier, et disparut pendant
qu'André lui envoyait du bout des lèvres un
de ces baisers muets si éloquents, qu'on croi-
rait qu'un homme y met toute son âme, alors
que, le plus souvent, ce n'est qu'un fougueux
désir qui les fait éclore.
— Je vais me faire belle aussi, dit Marthe
à Gérard, aussitôt quela jeune fille l'eut quit-
tée. Si vous le voulez bien, nous irons tous
au Bois ; nous reviendrons dîner ici, puis de
là au théâtre ; j'ai réellement besoin d'enten-
dre un peu de musique pour effacer le sou-
venir de Mme Mahlpert, dont la voix déplai-
sante bourdonne encore tellement à mes
oreilles qui je ne suis pas sûre de ne pas en-
tendre faux, lors même que l'on chanterait
juste.
— Je le veux bien, dit Gérard ; on sent, en
effet, le besoin de prendre un bain d'harmo-
uie, quand on est délivré du supplice que
vous subissez depuis quelque temps.:
— Je vous renvoie donc, dit Marthe en ten-
dant sa main mignonne à Gérard.
— Avant que je parte, dites-moi, ma bonne
amie, ce que vous pensez du voyage de cette
dame ? Il me semble voir en vous une préoc-
cupation que je ne puis expliquer que par
elle.
— Mais que voulez-vous que je pense! Rien
autre chose que ce qu'eue m'a dit. Cela m'é-
vite tout travail d'imagination; et ce repos
tout nouveau, quand il s'agit d'elle, me platt
infiniment.
— Ne vous y fiez pas, madame 1 reprit vi-
vement Gérard. Cette femme et sa fille jouent
la comédie et la jouent bien c'est là ce qui
fait le danger. -- -..-,-,' - <. - ":',;
"-~
La mère est partie dans la crainte d'être
priée sous peu de quitter votre maison.
La fille, qui est restée sous votre sauve-
garde, est d'autant plus dangereuse qu'elle
est forte de sa feinte naïveté et de l'indul-
gence que vous devez avoir pour elle, du
moment où elle vous est confiée par sa mère,
I un peu lestement il est vrai, mais enfin, vous
en avez l'embarrassante charge. Et, croyez-en
mon expérience, elle ne vous la rendra pas
légère.
J'en conclus qu'il faut se méfier beaucoup
et surveiller un peu notre André, car il me
semble plus épris que mon affection pour lui
ne le voudrait, de cette belle fille qui me pa-
raît assez rouce pour user de tous les moyens
possibles afin d'arriver à son but.
— Mais enfin, quel est encore son but ? de-
manda Marthe, que son amour et sa jalousie
éclairaient mieux que ne le faisait tout l'es-
prit de Gérard, et qui n'avait pas douté un
instant que M. Dambach ne fût le but unique
de tout ce manège.
- Il ne me semble pas douteux, reprit Gé-
rard ; André est riche, il est jeune, beau gar-
çon, en train de se faire avec sa plume un
grand nom et une grande fortune, comme si
son père n'avait pas pris cette peine pour lui.
Je soupçonne les dames Mahlpert d'avoir
moins d'écus que de vanité : Ces femmes-là
sont de la famille des mangeuses.
Vous ignorez, chère madame, ajouta-t-il en
donnant à sa voix un accent tout particulier,
à quel ordre appartient cette famille peu clas-
sée dans la zoologie; mais je sais, moi, com-
bien cette race est grande. Je connais les di-
visions et les subdivisions qu'elle comporte,
et ces femmes en sont, à coup sûr., J'ajoute-
rai même qu'elles appartiennent à l'espèce la
plus dangereuse.
Croyez-vous que votre fils ne serait pas
pour elles une bonne proie et qu'elles recu-
leront devant un moyen, quel qu'il soit,
pour arriver à conclure un mariage aussi
avantageux ?
Non, non, tout leur paraîtra de bonne
guerre.
— Mais André n'est pas un enfant* reprit
Mme Galbary ; en l'éclairant un peu, il se
tiendra sur ses gardes. Les hommes, quelque
jeunes qu'ils soient, ne, sont pas flattés, ce
me semble, d'être pris pour leurs écus.
— Gardez-vous-en bien, madame, dit Gé-
rarJ, en souriant de l'adorable naïveté de
Marthe. Gardez-vous-en bien ! Prévenir An-
dré serait le faire courir plus vite encore vers
le danger. Que voulez-vous ? les hommes sont
ainsi faits : ils ne demandent qu'un fossé
pour s'y jeter, la tête la première, et si vous
prenez soin de le leur montrer, même pour
crier : casse-cou, vous verrez avec quelle ra-
pidité ils profiteront du renseignement pour
aller y faire la c ulbute.
— Pourtant, mon fils est intelligent, dit
Marthe doucement ; il a le jugement plus sûr
que ne l'ont en général les hommes de son
âge.
— Oui, chère madame, dit Gérard en bai-
sant les mains de Mme Marthe, mais il a
vingt ans et les désirs de son âge ; par con-
tre, il est tout prêt à faire les adorables fo-
lies, à commettre les jolies faiblesses qui ren.
dent si charmants et si pardonnables les hom-
mes tout jeunes; mais Mlle Mahipert. est trop
la fille de sa mère pour n'être pas fort habile,
ce qui", en général, laisse peu de pruderie
dans l'esprit des jeunes filles.
— Que dois-je faire ? demanda Marthe en
attachant sur Gérard ses grands yeux bleus,
au fond desquels il restait encore un peu de
crainte.
— Prendre le rôle que l'on vous force à
jouer très au sérieux ; ne pas quitter Mlle
Blanche que sa mère vous a donnée à garder,
quoiqu'elle la sache, j'en suis persuadé, très
fille à se garder ou à se perdre elle-même.
— Allons, dit Marthe en souriant avec quel-
que contrainte, me voilà passée à l'état de
duègne.
— Pas pour longtemps, je pense.
Gérard avait hâte, en effet, de voir Mme
Ga bary débarrassée de ces tracas, sans comp-
ter qu'il espérait bien mettre André à l'a-
bri de cette future exploitation ; son André
qu'il aimait d'autant plus, que tous les jours
il affectionnait davantage sa mère.
— Qui m'aurait jamais dit que cette femme,
que je ne connaissais pas il y a quelques
dft tracas, et pren-
drait, avec sa fille, une si grande place dans
ma vie?
— Patience, amie ; empêchons André de
faire une folie en épousant cette jeune fille
qui serait son tyran, et fort probablement sa
ruine; après, nous serons libres.
— Allez-vous-en toujours, dit Marthe en
faisant à Gérard un nouveau geste d'adieui
Nous causerons de cela une autre fois; main-
tenant la chose sérieuse pour moi, c'est de
faire ma toilette ; je ne puis pas mener Blan-
che au Bois et au théâtre, dans l'état où je
suis.
Avec un geste d'une coquetterie charman-
te, elle souleva d'un doigt fluet les plis de
son peignoir de mousseline, en répétant :
— Allez-vous enl.
La femme ne pensait plus qu'à garder l'affec-
tion de celui qu'elle aimait ; la mère avait
oublié ce que Gérard venait de lui dire : —
qu'André était menacé dans ses jeunes
croyances.
Marthe voulait être aimée comme elle ai-
mait, exclusivement, ardemment. Elle ne
laissait à sa pensée d'autre alternative que
l'abandon, de longues et tristes années de sol*
licitudes d'âme, si Gérard s'éprenait de Blan-
che, ou la vie de son bonheur complet, son
cher bonheur si saintement rêvé, s'il ressortait
de cette épreuv e qu'elle allait lui faire subir
sans qu'il s'en doutai.
« Je suis aimée, malgré bicc4 trente-six ans,
plus que cette jeune fille; toutes le? menées,
toutes les coquetteries, de Mlle Mahlpert
n'auront abouti qu'à me prouver la solidité
de cet édifice de bonheur dont mon cœur est
la clef de voûte. »
MIE D'AGHONNE, i
La suite à demain.
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