Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1893-10-11
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 octobre 1893 11 octobre 1893
Description : 1893/10/11 (A17,N6017). 1893/10/11 (A17,N6017).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
La Lanterne
ADMINISTRATION, RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
18 — Rue Richer — 18
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PARIS
UN MOIS. 2 FR.
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UN AN 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le Numérp ; E3 centimes
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TROIS MOIS. 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN. 20 FR.
DIX-SEPTIÈME ANNÉE - NUMÉRO 6017
MERCREDI 11 OCTOBRE 1893
☸ 21 VENDÉMIAIRE — AN 102 0
APRÈS - DEMAIN JEUDI
(Numéro daté du 13 octobre)
La Lanterne
COMMENCERA LA PUBLICATION
D'UN
NOUVEAU GRAND ROMAN
LA CHAINE
PAR
RENÉ MAIZEROY
l'auteur de tant de romans parisiens et féminins
dont les noms sont présents à toutes les
mémoires
Nos lecteurs ont sûrement conservé
le souvenir de f publié dans nos colonnes et qui a rem-
porté par la suite un si vif succès de
librairie.
LA CHAINE
est l'histoire d'une femme qui, étant
jeune fille, s'est donnée à un homme qui
n'était pas de son rang. Plus tard elle
$e marie et croit avoir retrouvé le droit
d'être toute à son mari. Mais l'amant
reparaît et elle succombe à nouveau.
Rien ne peut rompre sa chaîne si ce
n'est le coup de fusil du mari qui abat
le rival et défigure la femme pour tou-
jours.
Ce roman sera un véritable régal
pour nos lecteurs et surtout nos lec-
trices. René Maizeroy y a * déployé
toutes ses brillantes qualités de roman-
cier amoureux de la femme. Les mora-
listes les plus sévères ne sauraient du
reste y trouver rien à reprendre, car si
l'héroïne, victime des ardeurs de son
tempérament, se livre avec une fougue
furieuse aux caresses de son amant,
elle ne tarde pas à regretter sa faute.
Punie dans son orgueil d'épouse, dans
son amour maternel, elle termine sa
malheureuse existence de la façon la
plus pitoyable et la plus lamentable.
LES OFFICIERS DE RESERVE
M. le ministre de la guerre a bien
voulu s'apercevoir, à la fin, de l'émo-
tion pénible qu'a produite dans le pu-
blie et chez les officiers de réserve, la
sortie, véridique peut-être, mais peu
mesurée et tout à fait inopportune, de
M. le général de Cools.
Une note officieuse a paru qui, sous
des formes raides et autoritaires, donne
quelques explications dont M. le géné-
ral de Cools sera probablement plus
satisfait que ne le seront les officiers
auxquels il a été fait injure.
Nous n'avions pas espéré mieux. L'au-
torité, surtout l'autorité militaire, étant
infaillible, il n'y a qu'une formule qui
serve : « brigadier, vous avez raison. »
Donc nous l'attendions ; d'autant que
Vous n'ignorons pas les préjugés fâ-
cheux çt les déplorables tendances qui,
depuis quelques années, tendent à jeter
dans l'armée la division, les jalousies,
îe mauvais vouloir.
Ce n'est pas impunément que nous
avons substitué au système des « ar-
mées professionnelles » le principe de
« la nation armée ». Il était bien clair
que les professionnels n'accueilleraient
pas sans quelque mépris les accidentels.
L'homme de métier, évidemment, du
haut de sa supériorité pratique, dédai-
gne tout naturellement son collègue de
passage et s'indigne à la pensée qu'un
officier d'occasion puisse être son
égal.
Mais il y a plus — non pas mieux, car
rien n'est plus dangereux et, parmi les
professionnels eux-mêmes, une cause
nouvelle de division s'est produite. Les
oficiers brevetés éprouvent-et souvent
manifestent — le même dédain pour
les non brevetés. L'armée, ou plutôt le
cadre, tend à se diviser en castes hos-
tiles les unes aux autres, celles d'en
haut méprisant celles d'en bas, celles
d'en bas jalousant celles d'en haut. Les
rivalités entre les armes diverses
complètent cette désagrégation morale
dont le danger n'est que trop évident.
Ce qui rend les choses graves, c'est
qu'il y a des raisons plausibles, voire
des causes justes à ces rivalités.
Dans le cas de M. le général de Cools,
par exemple, on ne saurait dire que ses
reproches aux officiers de réserve soient
des calomnies. Personne n'a douté de
la véracité de ces critiques. Oui, très
certainement, la plupart des officiers
de réserve « ne savent pas leur mé-
tier ». Nous nous ferions, en effet, une
Ulusion QïmUe é nous en doutions,
Mais il n'en est pas moins vrai que
M. le général de Cools a deux fois tort,
d'abord parce que ses justes critiques
ne devaient pas se produire sous cette
forme offensante ; puis parce qu'il n'est
pas juste de reprocher aux officiers de
réserve ce qui n'est en réalité que la
faute du commandement.
Les officiers de réserve sont ce qu'on
les a faits. La faute de leur ignorance
est imputaMe aux procédés de recrute-
ment. d'abord, puis à l'indifférence
complète et à la complète négligence
qu'on apporte à leur instruction. Il est
facile de leur reprocher et leur inexpé-
rience et leur ignorance. Mais ceux qui
leur adressent ces reproches sont pré-
cisément ceux sur qui le reproche doit
retomber.
Les professionnels — les bureaux du
ministère tout les premiers — tiennent
les réservistes et les territoriaux en
trop grand mépris pour s'occuper d'eux.
On les convoque le moins possible.
Les trois cinquièmes au moins des
lieutenants de réserve qui devraient
être appelés tous les deux ans au moins
n'ont pas été convoqués depuis quatre
ans. Et quand on les appelle, considé-
rés comme des « propre-à-rien », ils ne
peuvent pas obtenir qu'on les prenne
au sérieux et qu'on les exerce utile-
ment.
A plus forte raison s'abstient-on de
leur rien apprendre en dehors des pé-
riodes de manœuvres. Il ne se passe
pas de mois que des circulaires minis-
térielles nouvelles ne changent quelque
chose aux règlements militaires.
Or, ces circulaires qui ne sont point
publiées, on ne les leur communique
pas. Puis, quand ils viennent au régi-
ment, on leur fait un crime de les igno-
rer.
On a donc tort et grand tort de faire
injure à des hommes de bonne volonté
dont l'inexpérience et l'ignorance sont
imputables à ceux-la même qui les cri-
tiquent. Les paroles violentes de M. le
général de Cools, quoi qu'en dise la note
officieuse, n'étaient point méritées. Ce
qu'elles condamnaient, en réalité, be
n'est pas les officiers, c'est le système
même delà réserve.
Si l'on veut n'avoir que des hommes
rompus au service, rien que des offi-
ciers expérimentés et toujours au cou-
rant des choses militaires, il faut se
résigner à supprimer les réserves et à
n'avoir plus que des professionnels.
Si l'on veut maintenir les officiers
de réserve, il faut d'abord s'occuper
(Feux, ne pas les traiter avec la hauteur
dédaigneuse, avec le mépris profession-
nel que M. le général de Cools s'est
donné le tort grave d'afficher. Il faut
les recruter le plus possible parmi les
sous officiers instruits et capables. Les
cadres ne sont déjà pas si largement
ouverts aux officiers sortis du rang pour
qu'on ne trouve pas des sujets en nom-
: bre suffisant.
On en trouvera; mais c'est à la con-
dition qu'on ne continue pas à les hu-
milier, à les décourager, à les traiter
comme des intrus.
Il faut voter des crédits pour équiper
les sous-officiers pauvres ; qu'on les
demande aux Chambres, elles ne les
refuseront pas. Mais qu'après avoir
tenu les officiers de réserve en vérita-
ble quarantaine, on ne vienne pas nous
dire : « Ces gens-là, nous ne voulons
rien leur apprendre », pour pouvoir
ensuite leur reprocher de ne rien sa-
voir.
Voici la note officieuse à laquelle il est fait
allusion dans l'article que l'on vient de lire :
Dans le but de mettre fin aux commen-
taires auxquels ont donné lieu les obser-
vations que M. le général de Cools a adres-
sées aux officiers généraux et supérieurs
réunis autour de lui à l'issue des manœu-
vres du 5e corps d'armée, le ministre de la
guerre fait connaître que ces observations
ont eu pour objet : 1° de faire ressortir
l'importance qui s'attache à l'organisation
des régiments de réserve et la part consi-
dérable de responsabilité incombant, de
ce chef, aux régiments actifs corres-
pondants, en présence des sacrifices con-
sentis par le pays, pour assurer le com-
mandement des unités.
2° De signaler l'insuffisance d'un certain
nombre des officiers de réserve destinés à
seconder les capitaines, ainsi que la néces-
sité d'imposer des obligations nouvelles à
ceux de ces officiers dont l'instruction pra-
tique laisserait encore à désirer, ou qui
manqueraient de zèle.
3° D indiquer la préparation des sous-
officiers au rôle d'adjudants de réserve
comme un moyen de remédier, le cas
échant, aux insuffisances qui se révéle-
raient.
Ces observations ne sauraient être con-
sidérées que comme la preuve de l'intérêt
que le haut commandement porte au per-
fectionnement des cadres de nos forma-
tions de réserve.
Loin de les envisager comme des élé-
ments inutiles à écarter des rangs de l'ar-
mée, il entend profiter largement du con-
cours de toutes les bonnes volontés ; mais
ce concours ne peut être efficace qu'au
prix d'efforts incessants, et le devoir des
chefs est non seulement de poursuivre ac-1
tivement tout ce qui est entrepris à cet
effet, mais encore de ne pas laisser se
propager des illusions qui ne pourraient
amener que de cruels mecomptes.
EN ITALtE
PRÉPARATIFS DE GUERRE
Manœuvres de la Triplice. — Misère
et provocation. — Protestations
de l'opinion. — La crise finan-
cière. - La crise monétaire
(De notre correspondant particulier)
Rome, 7 octobre.
Est ce la guerre, cette fois? Voici ce
qu'on se demande d'un bout à l'autre de
fltalie, quand on a le temps de penser à
autre chose qu'à la pénurie de travail et
d'argent. Jamais on a poussé les prépara-
tifs aussi loin. Non seulement ce qu'on a
dit des armements fébriles est exact, non
seulement on bourre de troupes les moin-
dres coins de la frontière des Alpes, mais
on inspire à la presse une campagne de
dénigrements, de provocations, de faus-
ses nouvelles incroyables, contre notre
pays.
Bien entendu, à lire et à entendre les
Italiens, c'est la France qui provoque. La
guerre, selon MM. Giolitti et Pelloux va
éclater par surprise, à la suite d'une pointe
à l'improviste tentée par l'armée française
dans la vallée du Pô.
Voyons, bons Français, mes amis, qui
êtes tout à la réception 4es marins russes
est-ce que l'idée vous. est venue que le
placide M. Develle et le non moins patient
M. - Dupuy étaient des gens à envahir l'I-
talie ? Cela fait rire chez vous, mais en
Italie ça mord, et je ne nous engage pas,
ô Français, mes amis, à venir passer vo-
tre hiver dans la Péninsule. Au premier
emballement, vous seriez insultés, frap-
pés et. pis. Heureusement que pour se
battre il faut être deux, et l'Italie reste
seule avec ses vantardises de tranche-
montagnes aux abois.
Dans les cercles intimes du ministère de
la guerre, on paraît croire à une guerre
immédiate. On en donne comme raison la
nécessité pour la Triple alliance de faire
pièce à la Russie, et d'empêcher sa con-
centration par une campagne d'hiver.
Bonnes gens, il y a longtemps que 800,000
Russes sont échelonnés sur les frontières
de la Gallicie. C'est même, croyez-le bien,
ce qui arrêtera longtemps l'élan du jeune
et bouillant Guillaume. Quant à François-
Joseph, pour le décider à sortir l'épée du
fourreau, il faudra autre chose qu'une
incartade du roi Humbert. Voilà pourquoi
il ne faut pas s'émotionner outre mesure
du ton agressif des journaux et du gou.
vernement italien.
Crise insoluble
La vérité est qu'on est acculé. La crise
financière, commerciale, économique ne
se résoud pas. De là l'idée, jadis émise
par un organe crispinien, le Piccolo, de
donner l'assaut à la Banque de France.
Ce qu'un journal a écrit il y a trois ans,
tous les gallophobes le crient maintenant:
« Sus à la Banque de France ! » Hélas! il
y a loin de Rome à la rue de la Vrillère,
et si nos voisins ne comptent que sur ces
sous-là pour payer leurs dettes, ils peu-
vent fouiller longtemps leurs haillons.
Y a-t-il beaucoup de gallophobes, en
Italie ? Oui et non. On peut ranger parmi
ceux-ci tout le clan gouvernemental, mal-
gré ses sourires faux comme les billets de
la Banque romaine; l'armée, qu'on a dressé
à la haine contre la France, le Napolitain,
qui appelle encore « Francese », avec le
sens d' « ennemi » tout ce qui wn'est pas
napolitain, aussi bien, du reste, le Pié-
montais et le Vénitien que le Parisien.
Il y a aussi la Sicile, chez laquelle Crispi
entretient les souvenirs des Vêpres infer-
nales.
Résistance de l'opinion
A part cela, ni le centre, ni la Lombar-
die, ni la Vénitie ne nous sont hostiles
et beaucoup d'esprits sains déplorent en
Piémont la tournure des événements.
Malgré toutes les excitations officieuses,
ce ne sera qu'avec le plus grand trouble
que 1 Italie pourra opérer une diversion
guerrière contre la France, pour masquer
les erreurs de la politique royale et excu-
ser sa banqueroute.
L'Italie est acculée à une impasse ; ou
bien les banquiers allemands vont lui ap-
porter 5 ou bOO,fJOu,OJO pour radouber un
navire qui fait eau de toutes parts, ou
bien elle se trouve en nécessité de faire
la guerre pour tenter d'éviter la Révolu-
tion. Je dis tenter parce que l'état révolu-
tionnaire existe déjà.
La monarchie Ge Savoie commence à
être discutée. -- - - -.
Certes, la presse est prudente et reflète
peu cet ordre d'idées. Mais dans les fa-
milles, dans les cafés, on cause, et la mo-
narchie, sa bande n'est plus l'idole, ni
1 idéal. On le sent à certaines déclarations
émanant de ci, de là, des anciens, de ceux
qui ont combattu sous Garibaldi, pour l'in-
dépendance.
Mécontentement général
Dire qu'on est mécontent d'un bout à
l'autre du royaume, c'est une superfé-
tation. Le mécontentement se traduit par
d'amères réflexions, par des espérances a
peine entrevues. Et 1 on pense, tout bas,
bien bas, que sous l'Autriche on parlait
peu, mais on payait moins, et bien des
Vénitiens regrettent l'Autriche. En Sicile
l'état révolutionnaire n'est pas même la-
tent. La question des Fasci di Laval'atori,
associations de travailleurs qui englobent
et organisent 3 à 400,1)00 ouvriers, est brû-
lante.
Ces gens-là sont des autonomistes. Ils
veulent du travail et la liberté. Le gou-
vernement va leur répondre par des coups
de fusil. On les dissoudra une fois peut-
être. Ils n'en seront que plus redoutables,
car de cette dissolution, accompagnée de
sang et de bagne, surgira un nouveau car-
bonarisme.' Quel rôle joue Crispi en
cette affaire? Crispi, c'est l'inconnu.
Le roi ne paraît pas vouloir de lui,
comme premier ministre ! Gare au roi 1
Rien n'est donc plus sérieuxet plus grave
que la condition actuelle de l'Italie. Tout
incident de détail, peut-être intéressant,
ne doit pas éloigner l'esprit du spectateur
de ce gâchis, prodrome d'événements ex-
ceptionnels,
La situation ministérielle
Ces incidents, pour l'instant, sont le
banquet de Dronero. M. Giolitti risquait
de s'y présenter seul ou à peu près. Il est
allé faire sa soumission à Zanardelli, qui
a engagé mollement ses amis à y adhérer.
On compte environ 230 hommes politiques
ayant répondu à M. Giolitti. On ne peut
pas dire que ce soit là de la popularité.
Rudini et Crispi comptaient les adhésions
par 5, 6 et 700 !
La
par 5, difficulté de remplacer Giolitti écar-
tera, peut-être, des premières séances de
rentrée, la chute bruyante du ministère,
mais non les discussions tumultueuses.
Le désordre parlementaire est au com-
ble depuis l'élargissement des scandales
financiers et l'impuissance démontrée du
gouvernement a rendre au commerce et
aux finances la sécurité, l'élasticité né-
cessaire.
Le cabinet se tient. Aucun membre ne
veut se sacrifier. Il se représentera tel
quel devant le Parlement, mais celui-ci
auquel on va demander de mentir solen-
nellement à son programme électoral et
de voter 100 ou 134 millions d'impôts, a
condamné le cabinet qui l'accule ainsi.
Celui-ci disparaîtra un beau jour dans une
bourrasque.
Plus de monnaie
On ne voit plus du tout d'argent. Le bil-
lon disparaît aussi. Les billets d'un franc
sont annoncés pour le 21 octobre, on at-
tend pour les lancer l'autorisation de la
ligue monétaire. Celle-ci la donnera-t-
elle ? Il est à croire que non.
La Ligue monétaire a accepté la mon-
naie d'argent pour une valeur déterminée
malgré la dépréciation plus ou moins forte
de l'argent. Si elle se refuse à accepter
qu'un Etat crée des monnaies division-
naires d'argent en plus grande proportion
qu'il n'a été fixé, ce n est pas pour autori-
ser une création d'assignats.
Le comble des combles, c'est que l'Italie
en est réduite à ce point, par suite de sa
pénurie, à expliquer le maintien des sol-
dats des classes anciennes sous les dra-
peaux, par ce fait que le Trésor n'a pas pu
délivrer assez d'argent et de sous aux in-
tendances pour les payer. On a chargé les
capitaines et les fourriers d'en acheter
chez les changeurs, ceux-ci en manquaient.
Ce n'est pas croyable, n'est-ce pas? Eh
bien cela résulte d'une dépêche et d une
information confirmée et contrôlée par un
journal de Gênes :
» Dans les casernes on n'a plus de
pièces de bronze pour payer les soldats.
On a été obligé de garder même des sol-
dats licenciés 1 »
Après celle-là, il faut tirer l'échelle. Le
mouvement contre le fisc s'élargit. Les
Turinais, c'est-à-dire lapopulation la plus
dévouée à la monarchie, et la plus gou-
vernementale, puisque le cabinet est
presque entièrement piémontais, ont dé-
cidé de résister comme les Génois aux
agents du fisc. A Terance, Caserte, Bari,
Florence, Venise, etc., ce n'est qu'un
chœur de protestation et de révolte.
L'avocat Desiano, qui s'était présenté
au Trésor pour échanger 8,000 francs de
billets contre 8,000 d'espèces, et qui, après
cinq jours de perte de temps au guichet,
n'avait pu obtenir que 1,UUO francs, pour-
suit l'administration. De son côté, le mi-
nistère poursuit l'avocat pour diffamation
contre le crédit de l'Italie. Au milieu de
tout cela, que devient la visite de la flotte
anglaise? On n'en parle presque pas. Au
lieu de 18, les navires anglais ne seront,
paraît-il, plus que neuf.
Au lieu d'une promenade triomphale de
Tarente à Gênes, on ne croit pas qu'ils s'ar-
rêtent à Naples, à peine à la bpezia, et
peut-être à Gênes, où le roi irait saluer
l'amiral Seymour, retour de Monza. Un
bruit singulier même circule sur cette vi-
site. Elle ne se ferait pas! L'Angleterre,
vu l'état des finances italiennes, vu la
mesquinerie forcée des préparatifs de ré-
ception, y renoncerait. Vu aussi, proba-
blement, le choléra qui vient de faire
quatre cents victimes à bord d'un paque-
bot, qui tue une cinquantaine de person-
nes par jour à Palerme, et Dieu sait com-
bien dans le Midi et le Latium.
LA MESSE BOUSE
La suppression décidée
Enfin 1 cette vieille coutume va dispa-
raître ! On annonce, en effet, que M. le
président Périvier aurait décidé de ne
plus convoquer les magistrats à cette
cérémonie d'un autre âge. La décision
aurait été prise après, dit la chronique,
« une discrète enquête ».
A-t-on voulu éviter les critiques trop
motivées que suscite chaque année la
messe dite du Saint-Esprit?
A-t-on voulu affirmer 1 indépendance
confessionnelle de la magistrature ?
A-t-on voulu tout simplement se sous-
traire à une cérémonie ridicule ?
Nous ne savons.
On prétend que même les magistrats
cléricaux auraient émis un avis favorable
à la suppression. Nous voulons bien le
croire, et ce n'est pas nous qui les en
blâmeront. :
On va jeter de beaux cris dans le monde
clérical. Pour consoler ceux que la déci-
sion prise par M. le Premier, va certaine-
ment affliger, nous nous perm ettrons de
leur faire observer que la plupart des
cours en France ont, depuis longtemps,
supprimé la messe rouge.
Ce n'est donc pas une innovation que
crée M. Périvier, c'est un exemple qu'il
suit.
Tous les partisans de la liberté de cons-
cience seront avec lui en cette circons-
tance.
M. TRARIEUX ET MuIAYIIAL
Le programme des modérés
Les modérés ont, comme chacun sait à
force de le leur entendre répéter, la ma-
jorité dans la future Chambre. Il ne leur
manquait plus qu'un programme.
Cette lacune est comblée, depuis avant-
hier, grâce à M. Trarieux et à M. Raynal.
Rendons-leur justice.
La liste des-réformes énumérées dans les
discours qu'ils ont prononcés à Bordeaux
est de nature à satisfaire les plus ambi-
tieux en matière de réformes.
On y voit figurer en effet :
La revision de la Constitution;
La séparation des Eglises et de l'Etat;
Le rétablissement du scrutin de liste; ,
La réforme de l'impôt;
La liberté des syndicats ouvriers ;
La suppression des tarifs protection-
nistes; -
La suppression du privilège de la Ban-
que de France ;
La nationalisation des mines et des
chemins de fer.
Nous en passons et non des moins im-
portantes.
Seulement les deux orateurs opportu-
nistes ne les ont énumérées que pour dé-
clarer qu'ils les combattraient de toutes
leurs forces. En résumé, leur programme
se résume finalement par un zéro avec,
autour, de vagues généralités sur la con-
centration dont ces messieurs ne veulent
plus entendre parler à aucun prix, tout en
consentant d'ailleurs parfaitement à se
concentrer avec les ralliés en vue d'une
politique de piétinement sur place, voire,
à l'occasion, de réaction.
M. Trarieux, M. Raynal et leurs émules
en modérantisme ont encore un peu plus
d'un mois pour jouir de leurs illusions.
Ils font bien d'en profiter pour chanter à
pleine voix leur air de victoire.
Mais gare à la rentrée ? C'est alors qu'il
faudra déchanter.
LE CAS DE m. ALYPE
Le bureau de la Chambre
Le bureau de la Chambre s'est réuni
hier et a cru devoir délibérer sur l'élec-
tion de M. Alype.
Il a décidé d'émettre à ce sujet un avis
consultatif qu'il transmettra au bureau de
la Chambre nouvelle.
Nous ne pouvons que répéter que le
bureau de la Chambre actuelle, dont les
pouvoirs expirent dans quatre jours, n'a,
par suite, pas le droit d émettre même un
avis consultatif sur quoi que ce soit con-
cernant la nouvelle Chambre.
La dernière manifestation du bureau
que préside M. Casimir-Perier, sera consi-
dérée comme nulle et non avenue par le
nouveau bureau.
Il ne restera de cet incident que le sou-
avenir de la tentative in extremis de M. Ca-
simir-Perier pour faire annuler une élec-
tion qui se présente avec tous les carac-
tères de la validité.
SIMPLE QUESTION
Le supérieur des dominicains
On nous assure que le supérieur général
des dominicains (congrégation non auto-
risée) est un Allemand.
Nous voudrions bien savoir si cette in-
formation est exacte, après quoi nous po-
serons d'autres questions.
UNE IDÉE DE M. REINACH
« Union gouvernementale »
M. Joseph Reinach qui depuis longtemps
n'avait pas fait parler de lui, se prépare,
assure-t-on, à faire une rentrée sensation-
nelle dans la politique active. Il aurait
l'intention de provoquer, avant la rentrée
des Chambres, une réunion de ses amis
politiques en vue de la constitution d'un
groupe de gauche qui prendrait le nom
d'Union gouvernementale.
La précaution qu'on prend de nous in-
diquer qu'il s agit d'un groupe de gauche
n'était pas superflue, après toutes les
avances faites depuis deux ans aux ralliés
par M. Reinach et ses amis. Rien ne nous
dit, au surplus, qu'on compte les exclure
de la future Union, et qu'on ne profitera
pas de l'occasion pour les admettre défi-
nitivement et officiellement en quelque
sorte, dans une majorité qui ne sera ré-
publicaine que d'étiquette. 11 semble plu-
tôt que ce soit bien là le but qu'on se pro-
pose et qui est de former un groupe où
s'incarne l'esprit de gouvernement.
Chacun sait, en eilet, que les ralliés
disputent aux modérés et aux opportunis-
tes l'honneur de représenter les vrais
principes gouvernementaux ; et leur pré-
tention ne laisse pas que d'être fondée,
étant donné que ce que les uns et les au-
tres entendent par cette formule consiste
principalement dans la résistance systé-
matique à toute politique de progrès et de
réformes.
Les ralliés ont donc leur place toute
marquée à côté des opportunistes et des
modérés dans la future « Union gouver-
nementale ».
Sous le bénéfice de cette définition né-
cessaire, nous ne voyons, quant à nous,
aucun inconvénient à ce que la coalition
des éléments réactionnaires de la future
Chambre se pare de cette étiquette pré-
tentieuse.
Nous nous demandons seulement ce qui
arriverait au cas où un ministère radical
serait appelé aux affaires. « M. Reinach
et ses amis » ne craindraient-ils pas que le
titre d Union gouvernementale n'enga-
geât leur groupe au-delà de leurs désirs,
et n'agiraient-ils pas avec prudence en
l'appelant d'ores et déjà « Union gouver-
nementale et, au besoin, antigouverne-
mentale ? »
LE MARECHAL DE MAC-MAHON
Situation inquiétante
Une dépêche arrivée hier matin à Paris
du château de la Forest, annonçait que le
maréchal de Mac-Mahon se trouvait dans
un état fort grave. La dépêche suivante a
confirmé cette nouvelle :
Montcresson, 9 octobre, 7 h. soir.
Voici le bulletin de la santé du maréchal de
Mac-Mahon ce soir :
Situation grave; un peu d'amélioration ce-
pendant s'est produite dans l'état du malade.
M. FERDINAND DE tËSSEPS
Etat grave
Vatan, 9 octobre. — On assure que
M. Ferdinand de Lesseps est à toute ex-
trémité.
Les membres de la famille absents ont
été mandés par dépêche télégraphique.
Le mois prochain M. Ferdinand de Les-
seps entrera dans sa quatre-vingt-neu-
vième année.
A PARU HIER LUNDI
le Supplément Littéraire Illustré de La Lanterne
Le Numéro a 1 Centimes
CHRONIQUE
- A PROPOS DE PÊCHE
Cette année, comme les précédentes, le
préfet de la Seine vient de prendre, en
attendant la fermeture de la pêche, un ar-
rèté interdisant la capture et le trans-
port de certains poissons. L'administra-
tion préfectorale prend sous son égide
toute la famille des truites et les sau-
mons, leurs cousins par alliance, sans
oublier l'ombre -chevalier.
Défense est faite à tous gourmands et
gastronomes, gourmets et friands, de se
nourrir pendant quelques semaines de ces
chairs délicates, ni d en faire trafic.
Cette sage mesure assure la reproduc-
tion de l'espèce, car, sans elle, nous ver-
rions disparaître bientôt ces races aquati-
ques si estimées,et les dévots se verraient
bien à regret, contraints de manger par
abstinence le faisan et la pou larde truf-
fée, baptisée carpe, selon le procédé du
moine Gorenflot de sainte et joyeuse mé-
moire.
C'est que la goinfrerie des hommes n'a,
en effet, d'égale que leur cruauté, et lors-
qu'il s'agit de « la science de la gueule »
comme disait le grand Montaigne, occir
semble être leur plus agréable passe-
temps.
*
Voyez, par exemple, ces bourgeois à l'air.
doux et pateiiae, qui s'en vont errer le di-
manche le long du fleuve, quelques ro-
seaux sous le bras, ils ont l'air doux et
bienveillants sous leurs chapeaux à larges
bords ; ils sourient aux passants, la joie
s'épand sur leurs visages, tout semble in-
diquer chez eux le calme d'une conscience
pure, les sympathies leur sont acquises,
on voudrait s'en faire des amis.
Eh bien, nul, sauf le poisson, l'inno-
cente mouche, ou l'humble vermisseau
peut-être, ne pourra savoir quels abîmes
insondables de cruauté se cachent au
fond de ces âmes perverses. La terre et
les airs ne suffisant plus à l'assouvisse-
ment de leurs fureurs, ils vont chercher
des victimes jusqu'au fond des ondes, fai-
sant une guerre, aussi injuste que la plu-
part des guerres, d'ailleurs, à de paisioles
poissons qui ne demandent qu'à croître et
à multiplier suivant les lois de la nature,
et les préceptes du créateur.
Ah 1 comme ils connaissent bien le côté
faible de leurs victimes 1 Comme ils sa-
vent bien, par leur propre expérience, à
quelle somme d'imprudence peut entraî-
ner la gourmandise! avec quel art ils
jettent l appât que les pauvres goulus
viendront inconsidérément happer, sans
souci de l'hameçon meurtrier qui les at-
tend.
Enfin le petit bouchon rouge tressaille,
non moins fort que le cœur du cruel 1 Toc
un coup sec et ça y est 1
Avec quel orgueil le meurtrier élève
alors sa viciime hors des eaux, avec
quelle joie féroce il la voit palpiter au
bout de sa ligne, quelle vanité il tire de
son indigne et facile triomphe 1 Sa vic-
toire, il est vrai, ne tient qu à un fil, mais
il est victorieux! En vérité, de tels plai-
sirs sont-ils donc aussi innocents qu'on
voudrait nous le persuader ? On se prend
à regretter que les délinquants à l'arrêté
ichthyophile ne puissent être menacés
que des rigueurs de la loi du 15 avril
1829, et on souhaite in petto que la misé-
ricorde du doux Bérenger ne s'étende pas
jusqu'à eux.
* ♦
Mais, d'un autre côté, ne convient-il pas
avant de prononcer ainsi condamnation
contre les pêcheurs, de plaider un peu en
leur faveur les circonstances atténuantes?
La sagesse des nations qui s'exprime en
proverbes, veut qu'à tout pécheur il soit
fait miséricorde ; et ellle n'excepte pas
les pêcheurs à la ligne. Sachons donc
éloigner une ridicule sensibilité qui nous
conduirait à de cruels mécomptes.
D'abord, ils sont si bons ces poissons,
ils ont une chair si fine, si délicate, et nos
cordons bleus en savent tirer un si bon
parti; puis, en second lieu, qui les obli-
geait ces habitants des eaux, à venir glou-
tonnement avaler l'appât tendu ? Il me
semble que cette fois, c'est la carpe, cette
moitié incestueuse du lapin qui a com-
mencé. Le poisson gogo se laisse prendre,
tant pis pour lui, « fallait pas qu'y aille a.
C'est ainsi que jugent généralement nos
cours et tribunaux dans les affaires où les
gogos humains se sont, eux aussi, laissés
prendre aux amorces tendues par les ai-
gre fins.G'est donc un prêté pour un rendu.
Il n'est pas une carpe assez sotte et assez
ignorante, pour ne pas savoir que nos
magistrats ne se trompent jamais.
*
* w
Les pêcheurs, d'un autre côté, en dimi-
nuant le nombre des habitants des eaux,
leur rendent un véritable service. Les
poissons, en effet, s'ils nous sont bien su-
périeurs sous le rapport de la reproduc-
tion, ne valent pas mieux que nous sous
le rapport de la sociabilité. Ils se chassent
et se pourchassent, se combattent et s'en-
tredévorent.
Le struggle for life existe au fond des
ondes, comme sur la terre, et les gros
pour subsister, sont obligés de dévorer
les petits, toujours comme chez les hu-
mains. Cruelle mais fatale nécessité. Com-
bien elle serait simplifiée cette terrible
question sociale, objet de tous nos soucis
et de toutes nos préoccupations, s'il était
ainsi permis à la moitié de l'humanité de,
dévorer l'autre, sauce au beurre ou sauce
à l'huile, suivant le tempérament des
vainqueurs?
Etre mangés pour être mangés, puisque
telle est l'inéluctable destin des poissons,
n'est-il pas infiniment plus avantageux
pour eux de finir glorieusement sur nos
tables, que de périr obscurément dans les
lits des rivières, ils ont au moins la sauce
en plus.
* 9
Quelle gloire de recevoir des éloges fu-
nèbres, à l'égal d'un illustre personnage,
lorsqu'ils apparaissent dans nos banquets
reposant sur un plat de verdure, et maintes
fois beaucoup plus savamment assaison-
nés, que le discours de M. le maire ou de
M. le député. x
Le saumon lamé d'argent, n'a-t-il pas
souvent recueilli plus d'approbations,
ADMINISTRATION, RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
18 — Rue Richer — 18
Les articles non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
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JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le Numérp ; E3 centimes
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DIX-SEPTIÈME ANNÉE - NUMÉRO 6017
MERCREDI 11 OCTOBRE 1893
☸ 21 VENDÉMIAIRE — AN 102 0
APRÈS - DEMAIN JEUDI
(Numéro daté du 13 octobre)
La Lanterne
COMMENCERA LA PUBLICATION
D'UN
NOUVEAU GRAND ROMAN
LA CHAINE
PAR
RENÉ MAIZEROY
l'auteur de tant de romans parisiens et féminins
dont les noms sont présents à toutes les
mémoires
Nos lecteurs ont sûrement conservé
le souvenir de f
porté par la suite un si vif succès de
librairie.
LA CHAINE
est l'histoire d'une femme qui, étant
jeune fille, s'est donnée à un homme qui
n'était pas de son rang. Plus tard elle
$e marie et croit avoir retrouvé le droit
d'être toute à son mari. Mais l'amant
reparaît et elle succombe à nouveau.
Rien ne peut rompre sa chaîne si ce
n'est le coup de fusil du mari qui abat
le rival et défigure la femme pour tou-
jours.
Ce roman sera un véritable régal
pour nos lecteurs et surtout nos lec-
trices. René Maizeroy y a * déployé
toutes ses brillantes qualités de roman-
cier amoureux de la femme. Les mora-
listes les plus sévères ne sauraient du
reste y trouver rien à reprendre, car si
l'héroïne, victime des ardeurs de son
tempérament, se livre avec une fougue
furieuse aux caresses de son amant,
elle ne tarde pas à regretter sa faute.
Punie dans son orgueil d'épouse, dans
son amour maternel, elle termine sa
malheureuse existence de la façon la
plus pitoyable et la plus lamentable.
LES OFFICIERS DE RESERVE
M. le ministre de la guerre a bien
voulu s'apercevoir, à la fin, de l'émo-
tion pénible qu'a produite dans le pu-
blie et chez les officiers de réserve, la
sortie, véridique peut-être, mais peu
mesurée et tout à fait inopportune, de
M. le général de Cools.
Une note officieuse a paru qui, sous
des formes raides et autoritaires, donne
quelques explications dont M. le géné-
ral de Cools sera probablement plus
satisfait que ne le seront les officiers
auxquels il a été fait injure.
Nous n'avions pas espéré mieux. L'au-
torité, surtout l'autorité militaire, étant
infaillible, il n'y a qu'une formule qui
serve : « brigadier, vous avez raison. »
Donc nous l'attendions ; d'autant que
Vous n'ignorons pas les préjugés fâ-
cheux çt les déplorables tendances qui,
depuis quelques années, tendent à jeter
dans l'armée la division, les jalousies,
îe mauvais vouloir.
Ce n'est pas impunément que nous
avons substitué au système des « ar-
mées professionnelles » le principe de
« la nation armée ». Il était bien clair
que les professionnels n'accueilleraient
pas sans quelque mépris les accidentels.
L'homme de métier, évidemment, du
haut de sa supériorité pratique, dédai-
gne tout naturellement son collègue de
passage et s'indigne à la pensée qu'un
officier d'occasion puisse être son
égal.
Mais il y a plus — non pas mieux, car
rien n'est plus dangereux et, parmi les
professionnels eux-mêmes, une cause
nouvelle de division s'est produite. Les
oficiers brevetés éprouvent-et souvent
manifestent — le même dédain pour
les non brevetés. L'armée, ou plutôt le
cadre, tend à se diviser en castes hos-
tiles les unes aux autres, celles d'en
haut méprisant celles d'en bas, celles
d'en bas jalousant celles d'en haut. Les
rivalités entre les armes diverses
complètent cette désagrégation morale
dont le danger n'est que trop évident.
Ce qui rend les choses graves, c'est
qu'il y a des raisons plausibles, voire
des causes justes à ces rivalités.
Dans le cas de M. le général de Cools,
par exemple, on ne saurait dire que ses
reproches aux officiers de réserve soient
des calomnies. Personne n'a douté de
la véracité de ces critiques. Oui, très
certainement, la plupart des officiers
de réserve « ne savent pas leur mé-
tier ». Nous nous ferions, en effet, une
Ulusion QïmUe é nous en doutions,
Mais il n'en est pas moins vrai que
M. le général de Cools a deux fois tort,
d'abord parce que ses justes critiques
ne devaient pas se produire sous cette
forme offensante ; puis parce qu'il n'est
pas juste de reprocher aux officiers de
réserve ce qui n'est en réalité que la
faute du commandement.
Les officiers de réserve sont ce qu'on
les a faits. La faute de leur ignorance
est imputaMe aux procédés de recrute-
ment. d'abord, puis à l'indifférence
complète et à la complète négligence
qu'on apporte à leur instruction. Il est
facile de leur reprocher et leur inexpé-
rience et leur ignorance. Mais ceux qui
leur adressent ces reproches sont pré-
cisément ceux sur qui le reproche doit
retomber.
Les professionnels — les bureaux du
ministère tout les premiers — tiennent
les réservistes et les territoriaux en
trop grand mépris pour s'occuper d'eux.
On les convoque le moins possible.
Les trois cinquièmes au moins des
lieutenants de réserve qui devraient
être appelés tous les deux ans au moins
n'ont pas été convoqués depuis quatre
ans. Et quand on les appelle, considé-
rés comme des « propre-à-rien », ils ne
peuvent pas obtenir qu'on les prenne
au sérieux et qu'on les exerce utile-
ment.
A plus forte raison s'abstient-on de
leur rien apprendre en dehors des pé-
riodes de manœuvres. Il ne se passe
pas de mois que des circulaires minis-
térielles nouvelles ne changent quelque
chose aux règlements militaires.
Or, ces circulaires qui ne sont point
publiées, on ne les leur communique
pas. Puis, quand ils viennent au régi-
ment, on leur fait un crime de les igno-
rer.
On a donc tort et grand tort de faire
injure à des hommes de bonne volonté
dont l'inexpérience et l'ignorance sont
imputables à ceux-la même qui les cri-
tiquent. Les paroles violentes de M. le
général de Cools, quoi qu'en dise la note
officieuse, n'étaient point méritées. Ce
qu'elles condamnaient, en réalité, be
n'est pas les officiers, c'est le système
même delà réserve.
Si l'on veut n'avoir que des hommes
rompus au service, rien que des offi-
ciers expérimentés et toujours au cou-
rant des choses militaires, il faut se
résigner à supprimer les réserves et à
n'avoir plus que des professionnels.
Si l'on veut maintenir les officiers
de réserve, il faut d'abord s'occuper
(Feux, ne pas les traiter avec la hauteur
dédaigneuse, avec le mépris profession-
nel que M. le général de Cools s'est
donné le tort grave d'afficher. Il faut
les recruter le plus possible parmi les
sous officiers instruits et capables. Les
cadres ne sont déjà pas si largement
ouverts aux officiers sortis du rang pour
qu'on ne trouve pas des sujets en nom-
: bre suffisant.
On en trouvera; mais c'est à la con-
dition qu'on ne continue pas à les hu-
milier, à les décourager, à les traiter
comme des intrus.
Il faut voter des crédits pour équiper
les sous-officiers pauvres ; qu'on les
demande aux Chambres, elles ne les
refuseront pas. Mais qu'après avoir
tenu les officiers de réserve en vérita-
ble quarantaine, on ne vienne pas nous
dire : « Ces gens-là, nous ne voulons
rien leur apprendre », pour pouvoir
ensuite leur reprocher de ne rien sa-
voir.
Voici la note officieuse à laquelle il est fait
allusion dans l'article que l'on vient de lire :
Dans le but de mettre fin aux commen-
taires auxquels ont donné lieu les obser-
vations que M. le général de Cools a adres-
sées aux officiers généraux et supérieurs
réunis autour de lui à l'issue des manœu-
vres du 5e corps d'armée, le ministre de la
guerre fait connaître que ces observations
ont eu pour objet : 1° de faire ressortir
l'importance qui s'attache à l'organisation
des régiments de réserve et la part consi-
dérable de responsabilité incombant, de
ce chef, aux régiments actifs corres-
pondants, en présence des sacrifices con-
sentis par le pays, pour assurer le com-
mandement des unités.
2° De signaler l'insuffisance d'un certain
nombre des officiers de réserve destinés à
seconder les capitaines, ainsi que la néces-
sité d'imposer des obligations nouvelles à
ceux de ces officiers dont l'instruction pra-
tique laisserait encore à désirer, ou qui
manqueraient de zèle.
3° D indiquer la préparation des sous-
officiers au rôle d'adjudants de réserve
comme un moyen de remédier, le cas
échant, aux insuffisances qui se révéle-
raient.
Ces observations ne sauraient être con-
sidérées que comme la preuve de l'intérêt
que le haut commandement porte au per-
fectionnement des cadres de nos forma-
tions de réserve.
Loin de les envisager comme des élé-
ments inutiles à écarter des rangs de l'ar-
mée, il entend profiter largement du con-
cours de toutes les bonnes volontés ; mais
ce concours ne peut être efficace qu'au
prix d'efforts incessants, et le devoir des
chefs est non seulement de poursuivre ac-1
tivement tout ce qui est entrepris à cet
effet, mais encore de ne pas laisser se
propager des illusions qui ne pourraient
amener que de cruels mecomptes.
EN ITALtE
PRÉPARATIFS DE GUERRE
Manœuvres de la Triplice. — Misère
et provocation. — Protestations
de l'opinion. — La crise finan-
cière. - La crise monétaire
(De notre correspondant particulier)
Rome, 7 octobre.
Est ce la guerre, cette fois? Voici ce
qu'on se demande d'un bout à l'autre de
fltalie, quand on a le temps de penser à
autre chose qu'à la pénurie de travail et
d'argent. Jamais on a poussé les prépara-
tifs aussi loin. Non seulement ce qu'on a
dit des armements fébriles est exact, non
seulement on bourre de troupes les moin-
dres coins de la frontière des Alpes, mais
on inspire à la presse une campagne de
dénigrements, de provocations, de faus-
ses nouvelles incroyables, contre notre
pays.
Bien entendu, à lire et à entendre les
Italiens, c'est la France qui provoque. La
guerre, selon MM. Giolitti et Pelloux va
éclater par surprise, à la suite d'une pointe
à l'improviste tentée par l'armée française
dans la vallée du Pô.
Voyons, bons Français, mes amis, qui
êtes tout à la réception 4es marins russes
est-ce que l'idée vous. est venue que le
placide M. Develle et le non moins patient
M. - Dupuy étaient des gens à envahir l'I-
talie ? Cela fait rire chez vous, mais en
Italie ça mord, et je ne nous engage pas,
ô Français, mes amis, à venir passer vo-
tre hiver dans la Péninsule. Au premier
emballement, vous seriez insultés, frap-
pés et. pis. Heureusement que pour se
battre il faut être deux, et l'Italie reste
seule avec ses vantardises de tranche-
montagnes aux abois.
Dans les cercles intimes du ministère de
la guerre, on paraît croire à une guerre
immédiate. On en donne comme raison la
nécessité pour la Triple alliance de faire
pièce à la Russie, et d'empêcher sa con-
centration par une campagne d'hiver.
Bonnes gens, il y a longtemps que 800,000
Russes sont échelonnés sur les frontières
de la Gallicie. C'est même, croyez-le bien,
ce qui arrêtera longtemps l'élan du jeune
et bouillant Guillaume. Quant à François-
Joseph, pour le décider à sortir l'épée du
fourreau, il faudra autre chose qu'une
incartade du roi Humbert. Voilà pourquoi
il ne faut pas s'émotionner outre mesure
du ton agressif des journaux et du gou.
vernement italien.
Crise insoluble
La vérité est qu'on est acculé. La crise
financière, commerciale, économique ne
se résoud pas. De là l'idée, jadis émise
par un organe crispinien, le Piccolo, de
donner l'assaut à la Banque de France.
Ce qu'un journal a écrit il y a trois ans,
tous les gallophobes le crient maintenant:
« Sus à la Banque de France ! » Hélas! il
y a loin de Rome à la rue de la Vrillère,
et si nos voisins ne comptent que sur ces
sous-là pour payer leurs dettes, ils peu-
vent fouiller longtemps leurs haillons.
Y a-t-il beaucoup de gallophobes, en
Italie ? Oui et non. On peut ranger parmi
ceux-ci tout le clan gouvernemental, mal-
gré ses sourires faux comme les billets de
la Banque romaine; l'armée, qu'on a dressé
à la haine contre la France, le Napolitain,
qui appelle encore « Francese », avec le
sens d' « ennemi » tout ce qui wn'est pas
napolitain, aussi bien, du reste, le Pié-
montais et le Vénitien que le Parisien.
Il y a aussi la Sicile, chez laquelle Crispi
entretient les souvenirs des Vêpres infer-
nales.
Résistance de l'opinion
A part cela, ni le centre, ni la Lombar-
die, ni la Vénitie ne nous sont hostiles
et beaucoup d'esprits sains déplorent en
Piémont la tournure des événements.
Malgré toutes les excitations officieuses,
ce ne sera qu'avec le plus grand trouble
que 1 Italie pourra opérer une diversion
guerrière contre la France, pour masquer
les erreurs de la politique royale et excu-
ser sa banqueroute.
L'Italie est acculée à une impasse ; ou
bien les banquiers allemands vont lui ap-
porter 5 ou bOO,fJOu,OJO pour radouber un
navire qui fait eau de toutes parts, ou
bien elle se trouve en nécessité de faire
la guerre pour tenter d'éviter la Révolu-
tion. Je dis tenter parce que l'état révolu-
tionnaire existe déjà.
La monarchie Ge Savoie commence à
être discutée. -- - - -.
Certes, la presse est prudente et reflète
peu cet ordre d'idées. Mais dans les fa-
milles, dans les cafés, on cause, et la mo-
narchie, sa bande n'est plus l'idole, ni
1 idéal. On le sent à certaines déclarations
émanant de ci, de là, des anciens, de ceux
qui ont combattu sous Garibaldi, pour l'in-
dépendance.
Mécontentement général
Dire qu'on est mécontent d'un bout à
l'autre du royaume, c'est une superfé-
tation. Le mécontentement se traduit par
d'amères réflexions, par des espérances a
peine entrevues. Et 1 on pense, tout bas,
bien bas, que sous l'Autriche on parlait
peu, mais on payait moins, et bien des
Vénitiens regrettent l'Autriche. En Sicile
l'état révolutionnaire n'est pas même la-
tent. La question des Fasci di Laval'atori,
associations de travailleurs qui englobent
et organisent 3 à 400,1)00 ouvriers, est brû-
lante.
Ces gens-là sont des autonomistes. Ils
veulent du travail et la liberté. Le gou-
vernement va leur répondre par des coups
de fusil. On les dissoudra une fois peut-
être. Ils n'en seront que plus redoutables,
car de cette dissolution, accompagnée de
sang et de bagne, surgira un nouveau car-
bonarisme.' Quel rôle joue Crispi en
cette affaire? Crispi, c'est l'inconnu.
Le roi ne paraît pas vouloir de lui,
comme premier ministre ! Gare au roi 1
Rien n'est donc plus sérieuxet plus grave
que la condition actuelle de l'Italie. Tout
incident de détail, peut-être intéressant,
ne doit pas éloigner l'esprit du spectateur
de ce gâchis, prodrome d'événements ex-
ceptionnels,
La situation ministérielle
Ces incidents, pour l'instant, sont le
banquet de Dronero. M. Giolitti risquait
de s'y présenter seul ou à peu près. Il est
allé faire sa soumission à Zanardelli, qui
a engagé mollement ses amis à y adhérer.
On compte environ 230 hommes politiques
ayant répondu à M. Giolitti. On ne peut
pas dire que ce soit là de la popularité.
Rudini et Crispi comptaient les adhésions
par 5, 6 et 700 !
La
par 5, difficulté de remplacer Giolitti écar-
tera, peut-être, des premières séances de
rentrée, la chute bruyante du ministère,
mais non les discussions tumultueuses.
Le désordre parlementaire est au com-
ble depuis l'élargissement des scandales
financiers et l'impuissance démontrée du
gouvernement a rendre au commerce et
aux finances la sécurité, l'élasticité né-
cessaire.
Le cabinet se tient. Aucun membre ne
veut se sacrifier. Il se représentera tel
quel devant le Parlement, mais celui-ci
auquel on va demander de mentir solen-
nellement à son programme électoral et
de voter 100 ou 134 millions d'impôts, a
condamné le cabinet qui l'accule ainsi.
Celui-ci disparaîtra un beau jour dans une
bourrasque.
Plus de monnaie
On ne voit plus du tout d'argent. Le bil-
lon disparaît aussi. Les billets d'un franc
sont annoncés pour le 21 octobre, on at-
tend pour les lancer l'autorisation de la
ligue monétaire. Celle-ci la donnera-t-
elle ? Il est à croire que non.
La Ligue monétaire a accepté la mon-
naie d'argent pour une valeur déterminée
malgré la dépréciation plus ou moins forte
de l'argent. Si elle se refuse à accepter
qu'un Etat crée des monnaies division-
naires d'argent en plus grande proportion
qu'il n'a été fixé, ce n est pas pour autori-
ser une création d'assignats.
Le comble des combles, c'est que l'Italie
en est réduite à ce point, par suite de sa
pénurie, à expliquer le maintien des sol-
dats des classes anciennes sous les dra-
peaux, par ce fait que le Trésor n'a pas pu
délivrer assez d'argent et de sous aux in-
tendances pour les payer. On a chargé les
capitaines et les fourriers d'en acheter
chez les changeurs, ceux-ci en manquaient.
Ce n'est pas croyable, n'est-ce pas? Eh
bien cela résulte d'une dépêche et d une
information confirmée et contrôlée par un
journal de Gênes :
» Dans les casernes on n'a plus de
pièces de bronze pour payer les soldats.
On a été obligé de garder même des sol-
dats licenciés 1 »
Après celle-là, il faut tirer l'échelle. Le
mouvement contre le fisc s'élargit. Les
Turinais, c'est-à-dire lapopulation la plus
dévouée à la monarchie, et la plus gou-
vernementale, puisque le cabinet est
presque entièrement piémontais, ont dé-
cidé de résister comme les Génois aux
agents du fisc. A Terance, Caserte, Bari,
Florence, Venise, etc., ce n'est qu'un
chœur de protestation et de révolte.
L'avocat Desiano, qui s'était présenté
au Trésor pour échanger 8,000 francs de
billets contre 8,000 d'espèces, et qui, après
cinq jours de perte de temps au guichet,
n'avait pu obtenir que 1,UUO francs, pour-
suit l'administration. De son côté, le mi-
nistère poursuit l'avocat pour diffamation
contre le crédit de l'Italie. Au milieu de
tout cela, que devient la visite de la flotte
anglaise? On n'en parle presque pas. Au
lieu de 18, les navires anglais ne seront,
paraît-il, plus que neuf.
Au lieu d'une promenade triomphale de
Tarente à Gênes, on ne croit pas qu'ils s'ar-
rêtent à Naples, à peine à la bpezia, et
peut-être à Gênes, où le roi irait saluer
l'amiral Seymour, retour de Monza. Un
bruit singulier même circule sur cette vi-
site. Elle ne se ferait pas! L'Angleterre,
vu l'état des finances italiennes, vu la
mesquinerie forcée des préparatifs de ré-
ception, y renoncerait. Vu aussi, proba-
blement, le choléra qui vient de faire
quatre cents victimes à bord d'un paque-
bot, qui tue une cinquantaine de person-
nes par jour à Palerme, et Dieu sait com-
bien dans le Midi et le Latium.
LA MESSE BOUSE
La suppression décidée
Enfin 1 cette vieille coutume va dispa-
raître ! On annonce, en effet, que M. le
président Périvier aurait décidé de ne
plus convoquer les magistrats à cette
cérémonie d'un autre âge. La décision
aurait été prise après, dit la chronique,
« une discrète enquête ».
A-t-on voulu éviter les critiques trop
motivées que suscite chaque année la
messe dite du Saint-Esprit?
A-t-on voulu affirmer 1 indépendance
confessionnelle de la magistrature ?
A-t-on voulu tout simplement se sous-
traire à une cérémonie ridicule ?
Nous ne savons.
On prétend que même les magistrats
cléricaux auraient émis un avis favorable
à la suppression. Nous voulons bien le
croire, et ce n'est pas nous qui les en
blâmeront. :
On va jeter de beaux cris dans le monde
clérical. Pour consoler ceux que la déci-
sion prise par M. le Premier, va certaine-
ment affliger, nous nous perm ettrons de
leur faire observer que la plupart des
cours en France ont, depuis longtemps,
supprimé la messe rouge.
Ce n'est donc pas une innovation que
crée M. Périvier, c'est un exemple qu'il
suit.
Tous les partisans de la liberté de cons-
cience seront avec lui en cette circons-
tance.
M. TRARIEUX ET MuIAYIIAL
Le programme des modérés
Les modérés ont, comme chacun sait à
force de le leur entendre répéter, la ma-
jorité dans la future Chambre. Il ne leur
manquait plus qu'un programme.
Cette lacune est comblée, depuis avant-
hier, grâce à M. Trarieux et à M. Raynal.
Rendons-leur justice.
La liste des-réformes énumérées dans les
discours qu'ils ont prononcés à Bordeaux
est de nature à satisfaire les plus ambi-
tieux en matière de réformes.
On y voit figurer en effet :
La revision de la Constitution;
La séparation des Eglises et de l'Etat;
Le rétablissement du scrutin de liste; ,
La réforme de l'impôt;
La liberté des syndicats ouvriers ;
La suppression des tarifs protection-
nistes; -
La suppression du privilège de la Ban-
que de France ;
La nationalisation des mines et des
chemins de fer.
Nous en passons et non des moins im-
portantes.
Seulement les deux orateurs opportu-
nistes ne les ont énumérées que pour dé-
clarer qu'ils les combattraient de toutes
leurs forces. En résumé, leur programme
se résume finalement par un zéro avec,
autour, de vagues généralités sur la con-
centration dont ces messieurs ne veulent
plus entendre parler à aucun prix, tout en
consentant d'ailleurs parfaitement à se
concentrer avec les ralliés en vue d'une
politique de piétinement sur place, voire,
à l'occasion, de réaction.
M. Trarieux, M. Raynal et leurs émules
en modérantisme ont encore un peu plus
d'un mois pour jouir de leurs illusions.
Ils font bien d'en profiter pour chanter à
pleine voix leur air de victoire.
Mais gare à la rentrée ? C'est alors qu'il
faudra déchanter.
LE CAS DE m. ALYPE
Le bureau de la Chambre
Le bureau de la Chambre s'est réuni
hier et a cru devoir délibérer sur l'élec-
tion de M. Alype.
Il a décidé d'émettre à ce sujet un avis
consultatif qu'il transmettra au bureau de
la Chambre nouvelle.
Nous ne pouvons que répéter que le
bureau de la Chambre actuelle, dont les
pouvoirs expirent dans quatre jours, n'a,
par suite, pas le droit d émettre même un
avis consultatif sur quoi que ce soit con-
cernant la nouvelle Chambre.
La dernière manifestation du bureau
que préside M. Casimir-Perier, sera consi-
dérée comme nulle et non avenue par le
nouveau bureau.
Il ne restera de cet incident que le sou-
avenir de la tentative in extremis de M. Ca-
simir-Perier pour faire annuler une élec-
tion qui se présente avec tous les carac-
tères de la validité.
SIMPLE QUESTION
Le supérieur des dominicains
On nous assure que le supérieur général
des dominicains (congrégation non auto-
risée) est un Allemand.
Nous voudrions bien savoir si cette in-
formation est exacte, après quoi nous po-
serons d'autres questions.
UNE IDÉE DE M. REINACH
« Union gouvernementale »
M. Joseph Reinach qui depuis longtemps
n'avait pas fait parler de lui, se prépare,
assure-t-on, à faire une rentrée sensation-
nelle dans la politique active. Il aurait
l'intention de provoquer, avant la rentrée
des Chambres, une réunion de ses amis
politiques en vue de la constitution d'un
groupe de gauche qui prendrait le nom
d'Union gouvernementale.
La précaution qu'on prend de nous in-
diquer qu'il s agit d'un groupe de gauche
n'était pas superflue, après toutes les
avances faites depuis deux ans aux ralliés
par M. Reinach et ses amis. Rien ne nous
dit, au surplus, qu'on compte les exclure
de la future Union, et qu'on ne profitera
pas de l'occasion pour les admettre défi-
nitivement et officiellement en quelque
sorte, dans une majorité qui ne sera ré-
publicaine que d'étiquette. 11 semble plu-
tôt que ce soit bien là le but qu'on se pro-
pose et qui est de former un groupe où
s'incarne l'esprit de gouvernement.
Chacun sait, en eilet, que les ralliés
disputent aux modérés et aux opportunis-
tes l'honneur de représenter les vrais
principes gouvernementaux ; et leur pré-
tention ne laisse pas que d'être fondée,
étant donné que ce que les uns et les au-
tres entendent par cette formule consiste
principalement dans la résistance systé-
matique à toute politique de progrès et de
réformes.
Les ralliés ont donc leur place toute
marquée à côté des opportunistes et des
modérés dans la future « Union gouver-
nementale ».
Sous le bénéfice de cette définition né-
cessaire, nous ne voyons, quant à nous,
aucun inconvénient à ce que la coalition
des éléments réactionnaires de la future
Chambre se pare de cette étiquette pré-
tentieuse.
Nous nous demandons seulement ce qui
arriverait au cas où un ministère radical
serait appelé aux affaires. « M. Reinach
et ses amis » ne craindraient-ils pas que le
titre d Union gouvernementale n'enga-
geât leur groupe au-delà de leurs désirs,
et n'agiraient-ils pas avec prudence en
l'appelant d'ores et déjà « Union gouver-
nementale et, au besoin, antigouverne-
mentale ? »
LE MARECHAL DE MAC-MAHON
Situation inquiétante
Une dépêche arrivée hier matin à Paris
du château de la Forest, annonçait que le
maréchal de Mac-Mahon se trouvait dans
un état fort grave. La dépêche suivante a
confirmé cette nouvelle :
Montcresson, 9 octobre, 7 h. soir.
Voici le bulletin de la santé du maréchal de
Mac-Mahon ce soir :
Situation grave; un peu d'amélioration ce-
pendant s'est produite dans l'état du malade.
M. FERDINAND DE tËSSEPS
Etat grave
Vatan, 9 octobre. — On assure que
M. Ferdinand de Lesseps est à toute ex-
trémité.
Les membres de la famille absents ont
été mandés par dépêche télégraphique.
Le mois prochain M. Ferdinand de Les-
seps entrera dans sa quatre-vingt-neu-
vième année.
A PARU HIER LUNDI
le Supplément Littéraire Illustré de La Lanterne
Le Numéro a 1 Centimes
CHRONIQUE
- A PROPOS DE PÊCHE
Cette année, comme les précédentes, le
préfet de la Seine vient de prendre, en
attendant la fermeture de la pêche, un ar-
rèté interdisant la capture et le trans-
port de certains poissons. L'administra-
tion préfectorale prend sous son égide
toute la famille des truites et les sau-
mons, leurs cousins par alliance, sans
oublier l'ombre -chevalier.
Défense est faite à tous gourmands et
gastronomes, gourmets et friands, de se
nourrir pendant quelques semaines de ces
chairs délicates, ni d en faire trafic.
Cette sage mesure assure la reproduc-
tion de l'espèce, car, sans elle, nous ver-
rions disparaître bientôt ces races aquati-
ques si estimées,et les dévots se verraient
bien à regret, contraints de manger par
abstinence le faisan et la pou larde truf-
fée, baptisée carpe, selon le procédé du
moine Gorenflot de sainte et joyeuse mé-
moire.
C'est que la goinfrerie des hommes n'a,
en effet, d'égale que leur cruauté, et lors-
qu'il s'agit de « la science de la gueule »
comme disait le grand Montaigne, occir
semble être leur plus agréable passe-
temps.
*
Voyez, par exemple, ces bourgeois à l'air.
doux et pateiiae, qui s'en vont errer le di-
manche le long du fleuve, quelques ro-
seaux sous le bras, ils ont l'air doux et
bienveillants sous leurs chapeaux à larges
bords ; ils sourient aux passants, la joie
s'épand sur leurs visages, tout semble in-
diquer chez eux le calme d'une conscience
pure, les sympathies leur sont acquises,
on voudrait s'en faire des amis.
Eh bien, nul, sauf le poisson, l'inno-
cente mouche, ou l'humble vermisseau
peut-être, ne pourra savoir quels abîmes
insondables de cruauté se cachent au
fond de ces âmes perverses. La terre et
les airs ne suffisant plus à l'assouvisse-
ment de leurs fureurs, ils vont chercher
des victimes jusqu'au fond des ondes, fai-
sant une guerre, aussi injuste que la plu-
part des guerres, d'ailleurs, à de paisioles
poissons qui ne demandent qu'à croître et
à multiplier suivant les lois de la nature,
et les préceptes du créateur.
Ah 1 comme ils connaissent bien le côté
faible de leurs victimes 1 Comme ils sa-
vent bien, par leur propre expérience, à
quelle somme d'imprudence peut entraî-
ner la gourmandise! avec quel art ils
jettent l appât que les pauvres goulus
viendront inconsidérément happer, sans
souci de l'hameçon meurtrier qui les at-
tend.
Enfin le petit bouchon rouge tressaille,
non moins fort que le cœur du cruel 1 Toc
un coup sec et ça y est 1
Avec quel orgueil le meurtrier élève
alors sa viciime hors des eaux, avec
quelle joie féroce il la voit palpiter au
bout de sa ligne, quelle vanité il tire de
son indigne et facile triomphe 1 Sa vic-
toire, il est vrai, ne tient qu à un fil, mais
il est victorieux! En vérité, de tels plai-
sirs sont-ils donc aussi innocents qu'on
voudrait nous le persuader ? On se prend
à regretter que les délinquants à l'arrêté
ichthyophile ne puissent être menacés
que des rigueurs de la loi du 15 avril
1829, et on souhaite in petto que la misé-
ricorde du doux Bérenger ne s'étende pas
jusqu'à eux.
* ♦
Mais, d'un autre côté, ne convient-il pas
avant de prononcer ainsi condamnation
contre les pêcheurs, de plaider un peu en
leur faveur les circonstances atténuantes?
La sagesse des nations qui s'exprime en
proverbes, veut qu'à tout pécheur il soit
fait miséricorde ; et ellle n'excepte pas
les pêcheurs à la ligne. Sachons donc
éloigner une ridicule sensibilité qui nous
conduirait à de cruels mécomptes.
D'abord, ils sont si bons ces poissons,
ils ont une chair si fine, si délicate, et nos
cordons bleus en savent tirer un si bon
parti; puis, en second lieu, qui les obli-
geait ces habitants des eaux, à venir glou-
tonnement avaler l'appât tendu ? Il me
semble que cette fois, c'est la carpe, cette
moitié incestueuse du lapin qui a com-
mencé. Le poisson gogo se laisse prendre,
tant pis pour lui, « fallait pas qu'y aille a.
C'est ainsi que jugent généralement nos
cours et tribunaux dans les affaires où les
gogos humains se sont, eux aussi, laissés
prendre aux amorces tendues par les ai-
gre fins.G'est donc un prêté pour un rendu.
Il n'est pas une carpe assez sotte et assez
ignorante, pour ne pas savoir que nos
magistrats ne se trompent jamais.
*
* w
Les pêcheurs, d'un autre côté, en dimi-
nuant le nombre des habitants des eaux,
leur rendent un véritable service. Les
poissons, en effet, s'ils nous sont bien su-
périeurs sous le rapport de la reproduc-
tion, ne valent pas mieux que nous sous
le rapport de la sociabilité. Ils se chassent
et se pourchassent, se combattent et s'en-
tredévorent.
Le struggle for life existe au fond des
ondes, comme sur la terre, et les gros
pour subsister, sont obligés de dévorer
les petits, toujours comme chez les hu-
mains. Cruelle mais fatale nécessité. Com-
bien elle serait simplifiée cette terrible
question sociale, objet de tous nos soucis
et de toutes nos préoccupations, s'il était
ainsi permis à la moitié de l'humanité de,
dévorer l'autre, sauce au beurre ou sauce
à l'huile, suivant le tempérament des
vainqueurs?
Etre mangés pour être mangés, puisque
telle est l'inéluctable destin des poissons,
n'est-il pas infiniment plus avantageux
pour eux de finir glorieusement sur nos
tables, que de périr obscurément dans les
lits des rivières, ils ont au moins la sauce
en plus.
* 9
Quelle gloire de recevoir des éloges fu-
nèbres, à l'égal d'un illustre personnage,
lorsqu'ils apparaissent dans nos banquets
reposant sur un plat de verdure, et maintes
fois beaucoup plus savamment assaison-
nés, que le discours de M. le maire ou de
M. le député. x
Le saumon lamé d'argent, n'a-t-il pas
souvent recueilli plus d'approbations,
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