Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-10-07
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344298410
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 octobre 1886 07 octobre 1886
Description : 1886/10/07 (A8,N2515). 1886/10/07 (A8,N2515).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
^Gr¥5Li SSïLii^dS» — «Bondi: Oc £ oï>ï*© ï S96
!
L'alarme a été donnée hier matin, à six
heures, par les voisins qui ont vu sortir les
flammes par les fenêtres de l'hôtel. Les pom-
piers ont été prévenus et sont arrivés im-
médiatement. Ils étaient commandés par un
lieutnant. A dix heures, ils étaient maîtres
du feu, mais ils n'ont quitté l'hôtel que vers
anidi. - quitté qu..e vçrs
%L'enquête ouverte par M. Aragon, com-
missaire de police du quartier de l'Europe,
qui a été appelé,sur les lieux, rue de Mon-
ceau, à six heures et demie du matin, a été
'vivement menée.
Des agents de la sûreté, mandés en toute
hâte, arrivaient vers huit heures, recueil-
laient les premiers indices et partaient à la
cchcrche des incendiaires.
Comme il n'y a pas de concierge dans la
.maison,, les gardiens de la paix ont la garde
de l'hôtel Des amis de Mmes Herbelin et
Lemaire, et entre autres M. Carvalho, lieu-
;tenant au 44e dragons, fils de M. Carvalho,
le directeur de l'Opéra-Comique, ont télé-
graphié au château de Reveilloia pour les
ixéveair de-ce qui venait d'arriver. Cesda';
.mes ont dû rentrer hier soir à Paris.
Locataire et propriétaire
Hier soir, à huit heures, le nommé Lechàt,
garçon boucher, demeurant rue du Château-
':-des-Rentiers, 179, a tiré un coup de revolver
:.dans le dos de son propriétaire, le eieur Hé-
rion, âgé de -soixante-dix-sept ans, parce
rqye celui-ci lui avait donné congé. Lechat
is'est constitué prisonnier. La blessure du
.bieur Hérion ne paraît pas grave.$
Jean Pauwels.
*■ 1 ». ■■■■ii M—
PROTESTATION DES
BRASSEURS de MUNICH
Les principaux brasseurs de Munich nous
iudressent la communication suivante :
.Certains articles publiés dans plusieurs
journaux de Paris et reproduits dans la
presse belge, ont fait aux bières de Munich
le reproche d'être additionnées de substances
plus ou moins nuisibles, et principalement
--d'acide salyciiique.,
,Sans nous arrêter au mobile de ces atta-
-qiaes,, voici notre réponse :
Toutes nos bières ont toujours été et sont
toujours fabriquées en parfaite conformité
avec la loi bavaroise, qui interdit avec une
«xt rême rigueur l'emploi d'autres substances
- ;PQ.U$sons donc d'une façon absolue les
ccusations contenues dans les articles en
'quesHon et tendant à faire considérer comme
nuisible la consommation de nos bières que
nous garantissons naturelles et sans mé-
lange. -.
-Munich, ce 3 octobre 1886.
'-Gabriel Seidmàyr Zum Spatenbrau ;
Actien brauerei Zum Loëwcnbrau,
aHertrich, Hch Poliich,
Actien Gesellschaft Hackerbr^u
Georg. Kapp^âlmeier;
Brauerei Zum Augustiner. Jos Wagner
13rauerei Zum Muenchnerkirdl
à Benkerdorff.
Duergerliches Brauhaus..- G. Proebst
Koenigliches Hofbrauamt — Staubwasser
O. Pschorr.
Jos. Seldmayr Zum Franziskaner-Keller
Leistbrau.
-Gcbr. Schmederer Actien brauerei
V. Streber L. Reitschuster.
Le Via Arond, au Quina, au Fer et à la
tiande, est le médicament par excellence, le
reconstituant le plus énergique pour com-
battre- la Chlorose, l'Anémie, l'AppaltVl'isse-
ment ou l'Altération du Sang. Il convient à
•tcrntes les personnes dune constitution lan-
guissante ou affaiblies par le travail, les veiJe
les, les excès ou la maladie. Chez FEIUtrE.
pliarm.,102, r. Richelieu, Paris, et pharmacie.
Gouttes Livoniennes Bïancîutes.etc,'
— 4*—; ————————
RHUMATISMES & GOUTTÉ
Guirisfio «apurée har le BAIN de MACK au Pis D'AUTRICHE. Il
Phr*ÏALL0N,^9,^feryp d'Antin~~?~aN~.;~"-~s~s~
eWDBLH *«"ER,T,F
A
D; Ii ViN DE MALASA
VIOLET F—, à THÏÏIEa'îEisiES-oaEaW
— « —
Le Tour du Monde
Bordeaux. 5 octobre. — On télégraphia
de. Bordeaux qu'un affreux accident est ar-
rivé à Cousuet, près de Barsac. Le nommé
Loubrie travaillait au dessus d'une cuve de
vendange, lorsque, saisi par les«apeurs du
raisin en fermentation, il y tomba. Jean Bla-
vie, témoin du fait, s'empressa de le secou-
rir ; puis Jean Chassaing, Jean Pujo, Jean
Finora, qui travaillaient aux environs, atti-
rés par les cris, accoururent à leur tour et,
tous asphyxiés par les vapeurs, tombèrent
dans la cuve en voulant retirer ceux qui les
y; avaient précédés. Quand les voisitis arri-
vèrent, ils réussirent à retirer Finora, qui,
tombé le dernier, respirait encore. Pour ne
pas exposer d'autres existences, il a fallu
(démolir la cuve qui contenait quatre cada-
vres.
Louis Rozier.
JOURNAUX ET REVUES
Nous n'avons que trop chèrement ac-
quis le droit de nous intéresser à tout ce
qui touche à un homme comme M. de
Bismarck. Or, M. DroDsart termine en
ce moment, dans le Correspondant, une
série d'articles sur le chancelier de fer et
son oeuvre. Dans le dernier article con-
sacré à la vie privée du chancelier, à ses
goûts, ses habitudes, sa vie de famille,
l'auteur nous montre l'homme.
M. de Bismarck a toujours été dès sa pre-
mière jeunesse et est constamment resté un
fervent ami de la campagne. Aujourd'hui, son
plus grand bonheur est encore de parcourir,
en grandes bottes bien graissées, loin de
toute civilisation, les bois et les guérets.
C'est à Varlin, rapporte M. Dronsart, que le
prince Lenbach surprit, un matin, sur les
traits du chancelier une si belle expression,
pendant qu'il suivait du regard de nombreux
oiseaux dans leur vol, qu'il s'écria : « J'ai
trouvé, ne bougez pas!» Et aussitôt il es-
quissa le plus beau portrait connu de son
illustre modèle, celui qu'on voit dans la gale-
rie nationale de Berlin et que l'artiste a re-
produit pour pape Léon XIII. « Croyez-
moi, disait la princesse de Bismarck à un
iémul-e en diplomatie de son mari, un navet
l'intéresse plus que toute vôtre politique. »
Est-ce bien sûr, et n'est-il pas proba-
ble que le chancelier, en contemplant son
navet, pense à de toutes autres choses
qu'à le faire pousser?
Quoi qu'il en soit, l'amour du prince pour
la vie des champs est très réel. Il y vient
chercher, chaque fois que cela lui est loisi-
ble, un repos d'esprit que l'habituelle con-
tention de sa pensée lui rend, par moments,
indispensable. D'ailleurs, il a de quoi, sur ce
point, donner ample satisfaction à ses goûts.
A ses terres patrimoniales de Schœnhausen
et de Kniephof, il a ajouté, en 1886, celle de
Varzin, grâce à la dotation de 1,500,000 fr.
qui lui fut offerte après la guerre contre l'Au-
triche, et, en 4871, l'empereur lui a donné le
domaine de Friedrichsruhe, situé dans le
Lauenbourg, lequel fut acheté environ 4
millions, prélevés sur la rançon de la
France.
Les revenus du chancelier dépassent ac-
tuellement 500,000 franes.
Naturellement, le prince n'échappe pas
aux fâcheux :
Un jour, l'ambassadeur d'une grande puis-
sance demandait au chancelier, après une
conversation assez prolongée, comment il s'y
prenait pour se débarrasser des importuns?
— Oh 1 c'est très simple, répliqua-t-il, quand
ma femme trouve que quelqu'un reste trop
longtemps, elle m'envoie tout bonnement
ichercher et l'entrevue cesse. Au même ins-
iant, un domestique entra et pria son maître
Ide vouloir bien accorder quelques minutes
là la princesse. L'ambassadeur rougi.t et se
iretira aussi gracieusement que possible.
N'est-ce pas la une vraie scène de co-
médie ?
M. de Bismarck ne goûta qu'un seul
art : la musique, non qu'il soit musicien
lui-même, mais il prend grand plaisir à
entendre ies autres. Tous les autres arts
lui sont profondément indifférents.
« L'art est gai et la vie sérieuse », a-t-il
écrit un jour au bas de la fameuse photo-
graphie de la jLucca. ,
M. de Bismarck, ce grand triompha-
teur,cet homme qui a si pleinement réussi
dans toutes ses entreprises, est, au fond,
un mélancolique et même un misanthro-
pe. M. Busch rapporte l'avoir entendu un
soir, à Varzin, se plaindre amèrement de
sa destinée :
Son activité, disait il, ne lui avait valu que
peu de satisfaction et encore moins d'amis.
Personne ne l'aimait pour ce qu'il avait ac-
compli. Il n'avait fait par là le bonheur de
personne, ni de lui-même,ni de sa famille, ni
de qui que ce fût.Quelqu'un lui ayant suggé.
ré qu'il avait fait celui d'une grande nation :
« Oui, répondit-il, mais le malheur de com-
bien? Sans moi, trois grandes guerres n'au-
raient pas eu lieu, quatre-vingt mille hom-
mes n'auraient pas péri ; des pères, des
mères, des frères soeurs, des veuves, ne se-
raient pas plongés dans le deuil. J'ai réglé
tout cela avec mon créateur, mais je n'ai ré-
colté que peu ou pas de joie de tous mes ex-
ploits : rien que des ennuis, des inquiétudes
et des chagrins.
Quelle leçon pour les, conquérants et
les grands dominateurs, dans ces paroles
attristées !
Une note de la direction de la Nouvelle
Revue explique aux lecteurs du roman de
M. Octave Mirbeau, le Calvaire, pourquoi
le second chapitre de cette œuvre a été.
résumé en deux lignes de points. Voici
cette note : -..
:A notre grand regret, il nous est impos-
sible d'insérer, dans la Revue, le deuxième
chapitre du roman de M. Mirbeau, malgré
toutes ses beautés, et nous renvoyons nos
lecteurs au volume qui sera publié, Les ta
b te aux, traités à.la manière de Léon Tolstoï,
sont si cruels que nous n'avons pu 16S lire
sans être pris d'un véritable désespoir pa-
triotique. Nous avons obtenu de M. Mirbeau
qiji'il voulût bien épargner, à nos amis, lec-
teurs de la Nouvelle Revue, le récit de nos
désastres, récit plus douloureux qu'aucun de
ceux qui ont été publiés jusqu'à ce jour.
Voilà un volume qui sera attendu avec
impatience I
El Correo.
PREMIÈRES BliSfflîiTlOB
Cîaâteûça-d'Sa'M.— Juarez ou la Guerre du
Mexique, drame en cinq actes, par M. Al-
fred Gassier.
Le sort des auteurs qui ont des démê-
les avec la censure est à la fois enviable
et redoutable. Dès l'instant où la censure
juge leur œuvre dangereuse, le bon pu-
blic se met naturellement en tête que
cette œuvre est pleine de dangers, c'est-
à-dire qu'elle est intéressante, curieuse,
et, il l'avoue, « il aurait bien voulu voir
cela ! » C'est là une curiosité dont l'auteur
profitera, car s'il parvient à avoir raison
des scrupules ou des timidités du gou-
vernement, il est certain que la repré-
sentation de sa pièce sera attendue avec
une impatience plus vive. A la bonne
heure ! Mais par le fait même que sa cu-
riosité aura été plus surexcitée, le pu-
blic se montrera pl j s exigeant, et si la
pièce ne lui paraît point être une très
bonne pièce, sa déception prendra un ca-
ractère @ aigu et même agressif. De même,
il ne s'en cachera pas : ce n'était pas la
peine de faire tant de bruit pour rien, il
n'est pas si bête qu'il en a l'air, etc.
Ces dispositions à la sévérité ne seront
pas très conformes à la justice. Un au-
teur, en effet, peut-aborder de préférence
des sujets scabreux et être cependant
une âme simple, dont le désir n est pas
d'en faire accroire aux gens, et qui ne
s'imagine pas que le genre scabreux est
plus fertile en chefs-d'œuvre qu'un autre.
Mais le sentiment'de la justice n'a jamais
beaucoup tourmenté les foules, et quand
la censure lui a fait l'honneur de le taqui-
ner un peu, un auteur ne peut plus guère
se retrancher derrière son humilité. Il
est devenu du coup, lui aussi, un homme
,redoutable. Et dame ! quand on est redou-
table, c'est bien le moins que l'on fasse
vpir que l'on est fort. - u
Ces. réflexions, me sont venues à l'es-
prit, Mer au soir, en assistant à la tumul-
tueuse- représentation, du drame joué au
Château-d'Eau sous le titre : Juarez ou la
Guerre du AJexique. Ce drame, vous le sa-
vez, amis, paraît-il, une partie de l'Eu-
rope en l'air. Des chancelleries se sont
émues, M. de Freycinet a pris son fin
menton dans sa main en disant : Diable !
diable ! Et quand M. de Freycinet évoque
ainsi, en se caressant le menton, « le noir
souverain des éternels abîmes,» c'est que
les choses ne vont pas comme il vou-
drait. M. le président du conseil, c'est
connu, se plaît aux solutions émol-
lientes, et la pensée de chagriner un hon-
nête dramaturge doit lui apparaître com-
me un des combles de l'horreur. J'ignore
si M. Turquet a cédé à la haute inter-
vention de M. le ministre des affaires
étrangères, mais enfin, et c'est l'essen-
tiel, il a cédé. M. Gassier, l'auteur, y a
mis, il est vrai, un peu les pouces, mais
ses concessions ne paraissent pas avoir
altéré le caractère de son œuvre.
Jttarez est ce qu'il me semble avoir
toujours été, — à savoir un bon mélo-
drame, qui gâterait son affaire s'il ac-
cusait la moindre prétention. Que les
héros s'en appellent Juarez, Maximilien,
Bazaine, ou Dupont, ou Bernard, ou Du-
rand, il importe assez peu. La concep-
tion, l'exécution, le style, tout y relève
tion,
du mélodrame à spectacle. Ceci dit,
nous accordons que Juarez n'est pas
sensiblement plus maladroit et absurde
que la plupart de ses aînés.
L auteur a su concentrer en ses cinq
actes lesj principaux épisodes de cette
campagne du Mexique, dont le seul bien-
fait est décidément d'avoir inspiré à Ju- *
les Favre quelques-unes des plus ma-
gnifiques harangues dont ait jamais re-
tenti la tribune française.
Ils sont connus, ces épisodes : les bons
Jecker, l'intervention française, nos suc-
cès, nos revers, la victoire de Juarez et
finalement l'exécution du pauvre Maxi-
milien. L'auteur en a choisi ce qui pou-
vait le mieux convenir à une action dra-
matique, et il l'a mis en scène d'une façon
assez vivante. Cela commence dans les
salons du Trente-et-quarante à Ems, et
finit, comme il sied, dans le fossé de Que-
retaro. On y voit, à côté dés héros Juarez,
Maximilien, la pauvre impératrice Char-
lotte, le traître Bazaine, qui trahit déjà
comme s'il n'avait fait que cela toute sa
vie d'autres personnes intéressantes,
Jecker d'abord, puis les actionnaires Cas-
tagne et Falempin, qui ont débarqué au
Mexique dans le dessein de mettre la
main sur leur argent, puis le rude chas-
seur mexicain Agus'tin Cazal et sa femme
Manuela, puis Lorenza, la cocotte téné-
breuse dont la mission est d'embrouiller
les affaires avec toute la noirceur re-
quise.
Cette méchante cocotte ne craint pas
de: faire croire à Cazal que sa femme le
trompe et fait des bêtises avec Juarez.
Sur quoi Cazal tourne casaque sur l'heu-
re, Au lieu de tuer d'un coup de carabine
Maximilien, comme il en avait l'intention,
il lui fait serment d'obéissance et de fidé-
lité, et jure de le débarrasser de Juarez à
la première occasion.. :"
- Cette occasion ne se fait pas trop atten-
dre.Cazal surprend Juarez au moment où
il est en train de deviser des intérêts de
; la patrie avec Manuela,, sur les bords du
Rio-Grande. Encore, un peu, et Juarez
peut être pincé par les troupes impéria-
riales. Mais Manuela, qui est patriote
avant d'être épouse, tire un coup de ca-
rabine sur son époux. Il meurt, ou du
moins il en a l'air. Comme, en réa-
lité, il n'est pas mort, il s'aperçoit de
sa fatale surprise, acquiert la certi-
tude que Mme Cazal est la plus chaste
des femmes, et s'enrôle comme simple
soldat dans l'armée républicaine. Tout
irait donc pour le mieux, si par respect
de l'histoire, l'auteur n'avait dû faire
passer par les armes Maximilien et nous
montrer les premiers symptômes de la
folie de l'infortunée princesse Charlotte.
Cette folie se manifeste par un torrent
d'injures que l'impératrice adresse à
Bazaine. C'est bien là le cas de dire avec
Polonius que « la folie a du sens par
lambeaux ! » - ,.
: Je vous parle de tout cela tranquille-
ment et comme si je l'avais entendu. La
; vérité est que je n'ai rien entendu du
tout. Depuis les premières scènes, ce n'a
été qu'un effroyable vacarme. Jusqu'à
minuit tout au moins, le vacarme n'a pré-
senté. aucun caractère dramatique. On
on sifflait, on glapissait, pour le
[plaisir, pour rire. On a jeté de nombreux
trognons de pomme. Quelle drôle d'id.ée
,de jeter des trognons de pomme sur la
tête des personnes que l'on ne connaît
pas !
Il n'était pas dramatique le vacarme,mais
il n'était pas politique non plus. Ainsi,
toutes les fois que Juarez disait « Mille
démons ! » pour marquer son impatience,
c'était une explosion de joie. La même
explosion s'est produite quand il a parlé
de « République vermeille ». Mais, je
crois bien que c'est « vermeille» qui a
,excité le rire du public et non pas « Ré-
publique ».
Dans une pareille bagarre, il est bien
difficile de juger du talent des artistes,
Bornons-nous à constater que MM. Re-
gnier, Brunet, Bessac et Mmes Murat et
Norton ont,, cowme on dit, fait tête à
l'orage.
LEON BERNARD-DEROSNE.
CHRONIQUE DE L'AUDIENCE
LE CRIME DU BOULEVARD CONTRESCARPE
Antoine Biver était à la fois Belge, ébé-
niste et marié. Belge il habitait Paris, ébé-
niste il avait pour habitude d'être ouvrier
sans ouvrage, marié, il concubinait avec une
aimable cuisinière, Emilie Fournet, qui l'en-
graissait des produits chorégraphiques de
l'anse du panier, tandis que Mme Biver
et ses quatre enfants, demeurés à Moleuwe
en Brabant, se régalaient de pommes de
terre bouillies et d'infusion de chicorée falla-
cieusement baptisée café.
Un beau jour une ingénieuse idée naquit
dans la cervelle de Mme Biver, celle de ve-
nir à Paris rejoindre son tendre époux. Elle
débarqua donc chez lui, suivie de toute sa
ribambelle de mioches au nez morveux et à
- la chemise pendante, par la culotte entre-
bâillée.
Emilie fut bien un peu surprise de cet ar-
rivage, mais, bonne fille, elle s'entendit ai-
sément avec la femme de son amant, qui de-
mandait place au feu et à la chandelle, mais
non pas au lit conjugal.
La femme, roublarde, suggéra bientôt à
Emilie qu'avec ses économies elle devrait
bien aider a leur » homme à acheter un fond
de marchand de vin.
Il y en avait tout justement un à vendre
boulevard Contrescarpe, - affaire merveil-
leuse, bénéfices énormes, —et Emilie donna
tout ce qu'elle possédait : dix-huit centx
francs.
Il fut verbalement convenu qu'on s'asso-
ciait à l'entreprise; c'était bien le moins.
Mais peu de jours après que l'installation fut
terminée, cette bonne Mme Biver, sous un
prétexte quelconque, la flanqua à la porte,
en se refusant bien entendu de lui rendre
son argent. - -
Emilie protesta énergiquement, fit visite
sur visite et réclamation sur réclamation aux
Biver, qui ne voulurent rien entendre.
Exaspérée, elle se présentait chez eux le
10 mai. Cette fois, on la jeta à la porte litté-
ralement à coups de pieds où vous savez.
Exaspérée, elle sortit un revolver de sa po-
che, et tira deux fois. Biver fut tué net.
Emilie, arrêtée, a été traduite en cour
d'assises. Son procès a commencé hier. Le
verdict sera rendu aujourd'hui seulement.
- ** Eaque.
NÉCROLOGIE
Les obsèques de notre regretté collaborateur
Armand Yver, auront lieu aujourd'hui, à midi
très précis. On se réunira à la maison mortuaire,
il, rue de Nesle
- Les personnes qui n'auraient pas reçu de let-
tres de faire part sont priées de considérer cet
avis comme une invitation, .„
————— 6 —————
..8.
LA
SOIRÉE PARISIENNE
JUAREZ
La troupe du Château-d'Eau a assisté hier
soir à une représentation extraordinaire, dans
laquelle l'excellent public de ce théâtre s'est
véritablement surpassé ; c'était pour les heu-
reux comédiens invités à cette fête de l'es-
prit un véritable régal littéraire que d'enten-
dre les répliques échangées avec une verve
intarissable du haut en bas de la salle, pen-
dant une soirée entière, au cours de laquelle
les trognons de pommes ne se sont pas dé-
mentis Un seul instant; il convient de men-
tionner aussi les croûtons de pain qui ont
évolué dans l'espace avec un ensemble par-
fait, et les marrons d'Inde qui-out beaucoup
plu.
Quant aux petits bancs, leur absence était
vivement commentée ; on affirmait que leurs
rôles avaient été coupes par la censure qui
les jugeait dangereux; toujours est-il que,
par ordre de la préfecture de police, on les
avait impitoyablement exclus des galeries,
en sorte que le public du paradis Èest trouvé
dans l'impossibilité dé mettre le traître au
petit ban de la société.
Cette précaution était indispensable pour
protéger les jours de l'acteur-directeur
Ulysse Bessac, qui avait poussé l'oubli de
toute prudence jusqu'à se montrer sous les
traits et sous l'uniforme de l'ex-maréchal
Bazaine ; l'imprudent en a été quitte pour
une mitraillade de pommes crues avec les-
quelles le courroux populaire l'a fusillé,
pour venger par avance la triste fin de Maxi-
milien.
Voilà un artiste qui pourra manger de la
tarte aux pommes à discrétion pendant
quelques semaines, grâce à cette étrange
aberration des spectateurs qui envoient du
dessert aux gens dont ils sont mécontents,
alors qu'il semblerait plus logique de les en
priver.
Un autre acteur a eu le périlleux honneur
d'affronter la colèro du public des galeries;
c'est M. Albert, chargé du rôle du Père San-
chez de la Compagnie de Jésus : « A l'eau,
le calotin ! » — a Va donc, hé, sac à charbon ! »
— « Ferme ta boîte, sale corbeau ! » telles
ont été à son égard les plus saillantes amé-
nités d'une foule en délire, qui accueillait
chaque entrée de cet ecclésiastique par les
croassements les plus tumultueux ; — d'où il
est permis de conclure que l'indignation
du public-allait en croassant.
Mlle Delphine Murât elle-même - qui,
dans le rôle de l'impératrice Charlotte, s'est
acquittée avec un réel talent de la tâche
dangereuse de faire la conversation avec Ba-
zaine, - a bien failli plusieurs fois être at.
teinte par les projectiles destinés au traître
et qui ne tendaient à rien moins qu'à It
transformer en une Charlotte aux pommes.
Pour ce qui concerne les autres artistes,
nous ne pouvons apprécier que les jeux de
physionomie expressifs dont ils , n'ont cessé
de faire preuve, car, si j'en crois mes oreil-
les, Juarez est une pantomime en cinq actes
et neuf tableaux, qui, vraisemblablement,
était d'abord destinée à l'Eden-Théâtre, où
des raisons de prudence l'ont empêchée d'être
représentée. , - -
Ceci soit dit pour répondre aux affirma-
tions des reporters théâtraux qui nous ont
annoncé cette oeuvre - comme une pièce
parlée ;— le seul fragment de dialogue
qu'il nous ait été donné d'entendre, c'est
l'explosion d'une poudrière au troisième ta-
bleau ; et encore, on a eu tant de peine à en
percevoir le son, qu'une foule de spectateurs
ont crié : « Plus haut ! Plus haut ! a d'ail-
leurs inutilement.
Il convient d'ajouter que ce court morceau
de littérature dramatique nous a paru se re-
oommander par d'incontestables qualités de
style.
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100 figues fraiches exq. envoi col. pos. cont. nia idat,6 f.
I 40 l.-d.'liuileeogared'ar.l20f. M.Lagerie,pr.àla Ciotat.
--—————————————
SAMNBEMnMT EN AMÉRIQUE
(De noire correspondant de Buenos-Ayres)
*" 4 septembre 1886.
La deuxième étape de la brillante autant que
fructueuse tournée artistique de Sarah Ber-
nhardt dans l'Amérique du Sud est franchie. La
tragédienne a quitté Buenos-Ayres pour Mon-
tevideo où elle va donner dix ou douze représen-
tations dans la première quinzaine de septembre.
Si lés Argentins ont montré à l'égard de l'ar-
tiste un enthousiasme plus modéré que les Bré-
siliens, en revanche ils lui ont donné des témoi-
gnages plus solides et plus positifs de l'admira-
tion qu'ils professent pour son talent. Six cent
cinquante mille francs, dont 500,ÛJO pour la
seule capitale, tel est le total des recettes de la
troupe à Buertos-Ayres, Rosario et La Plata,
contre 320,000 fr., à peu près, réalisés au Brésil. -
A son départ de Buen< s-Ayres la troupe avait
donc déjà frisé son million de recettes, ce qui,
on en conviendra, est un chiffre merveilleux qui
sonne encore plus agréablement à l'oreille de
messieurs les artistes que les acclamations des
foules et qui vaut toutes les apothéoses.
Les dernières représentations de Sarah à Buenos
Ayres ont été des plus brillantes, Théodora a été
fort goûtée et son incarnation a été trouvée ad-
mirable de vérité et de naturel dans le tripla
rôle d'impératrice superbe, de femme du bas peu-
ple et d'amante passionnée que comporte la sai-
sissante figure du protagoniste du drame de
Sardou. Mais c'est dans sa représentation 'de bé-
néfice que Sarah s'est surpassée, se montrant
sous différentes faces de son talent, et que l'en-
thousiasme est arrivé à son comble. Le triomphe
de Sarah Bernhardt dans Rome vaincue a été le
digne couronnement de ses succès dans la capi..
ta.le argentine.
Parmi les présents dont elle a été comblée
dans dans cette mémorable soirée, figurent :
Une épingle en or avec perles et brillants ,
Un bracelet en or portant l'inscription : Vie,
c'est batailte ; <
Un magnifique bracelet avec trente grands
brillants, portant le nom Sarah Bernhardt, tracé
également en brillants ;
; Un collier de perles;
Une lyre en or avec brillants ;
: Une carte en or où se lit le nom gravé da
Sarah;
Une élégante lyre de fleurs, avec sa devise s
Quand même;
Enfin un titre de propriété de trois lioues de
terrains dans le territoire des Missions.
EL tout cele sans compter plusieurs magnifi-
que s corbeilles bouquets et gerbes de fleurs dont
une entourée d'un ruban de soie avec une carte
où se lisait cette inscription : A Sarah Bernhardt,
Hommage au talent, - Julio A. Roca, Présidenl8,
de la Bepublica.
Le président de la République Argentine ne
s'est pas contenté de cette expression fragile de
son admiration. Il a contribué, de plus, pour
mille piastres aux cinq mille francs à la sous-
cription pour l'achat de la propriété offerte à
Sarah Bernhardt dans le pays des Missions.
Le territoire des Missions est un des plus ,
beaux coins de la terre américaine, comme le
prouve d'ailleurs le choix qu'en firent les Jé-
suites, dès les premiers temps de la domination
espagnole, comme quartier général. Le sol y est
d'une fécondité sans pareille, la végétation, la
faune et la flore y sont d'un luxe et d'une ri-
chesse qu'on ne trouve que dans ces pays vierges.
Aussi peut-on dire que le domaine que Sarah y
possède aujourd'hui, de par la galanterie et la
liberté des Argentins, et de nos colons français,
est le plus beau présent qu'elle ait encore reçu
et qu'elle puisse recevoir dans ses pérégrina-
tions artistiques.
Le Tout-Paris, dont Sarah est une des idoles,
doit se réjouir qu'elle n'ait pu visiter son do- ,
maine princier du Paramé. L1 était à craindre
que, séduite par les enchantements de ce para-
dis terrestre, elle renonçât aux triomphes qui
l'attendent encore et qu'elle n'en revînt pas.
Mais heureusement elle a remis à plus tard
l'exploration de ses vastes propriétés et ses
amis et admirateurs de là-bas peuvent se rassu-
rer, car c'est seulement, a dit Sarah, quand elle
aura terminé sa carrière artistique, qu'elle ira
chercher sur la terre argentine, dont elle est
enthousiasmée, un foyer qu'elle n'a jamais
trouvé dans sa vie errante et agitée.
Los deux représentations que Sarah Bernhardt
a données entre temps dans la nouvelle ville de
La Plata, capitale de la province de Duenos-
Ayres, ont brillamment inauguré les annales ar-
tistiques de cette cité qui, aujourd'hui, compte
plus de 30,000 habitants et dont, il y a seule-
ment cinq ou six ans, on n'avait pas encore rosé- -
les fondements. Sarah a dû jouer, au petit
théâtre Apolo, le Politeama Olimpo, de même
que beaucoup de constructions de la ville, n'é-
tant encore qu'eu voie d'achèvement.
En résumé, 'Sarah a toutes les raisons possi-
bles d'être satisfaite des Argentins, qui se sont
montrés grands seigneurs et à la hauteur do
leur nom qui sent l'opulence. Quant à ceux-ci,
ils ne sont pas moins ravis de la tragédienne et
n'ont trouvé à lui reprocher qu'une seule chose : -
sa" froideur en saluant ia publie lorsqu'il la rap-
pelle pour l'applaudir.
Elle n'a toutefois pas voulu rester sous le
coup de cptte critique. Elle s'en est justifié»
Feuille.on de GIL DLAS
DU 7 OCTOBRE 1886
v 32
LA BELLE-FILLE
ROJfAN PARISIEN
XXIX ;
LES LESSAC
(Suite)
Depuis guatre ou cinq ans que le comte
était définitivement à la côte, père et fils
vivaient étroitement unis dans cette vi-
sion.
Tous deux avaient abandonné toute au-
■ trô préoccupation,et n'avaient qu'un but :
Rentrer en grâce auprès du vieil avare.
Là-dessus, on bâtissait mille châteaux
'«n Espagne, et l'on souriait d'avance au
beau mariage que cet héritage ne pou-
vait manquer d'amener pour le vicomte
Jules de Lessac.
Aussi avait-on enrayé toutes les sotti-
ses, toutes les folies éclatantes.
On avait même si bien manoeuvré que
l'Harpagon, cloué dans son fauteuil par
les nodosités rhumatismales, consentit,
un jour, par lassitude et par égoïsme, à
recevoir son frère chez lui et à l'y faire
fivre.
A cela que risquait le malade ?
Ce n'était pas qu'il crût beaucoup à
^affection si nouvelle que lui témoignait
son cadet, ni à sa conversion à une exis-
tence plus calme et plus régulière,
Mais qu'importait, après tout?
Reproduction interdite pendant la durée de la
publication en feuilleton. Droit de traduction,
pour l'Italie, à M. J. Garbini, éditeur; pour FEs-
papne et l'Angleterre, à M. Pastor y Bedoya..-
iléserve pour les autres pays.
Sachant que c'était à sa bourse qu'on
en voulait, pas à autre chose, c'était un
moyen,pour lui, de s'attacher, sans délier
cette bourse, deux compagnons qui le dis-
trayaient, faisaient sa partie, flattaient
ses manies, disaient comme lui sur tout,
le dorlotaient, le flattaient, lui grattaient
toutes ses gibbosités et l'eussent, au be-
soin, frictionné de la tête au pied, à tour
de bras, sans pousser un soupir, faire
une grimace, ni souffler, cet exercice eût-
il duré vingt-quatre heures consécuti-
ves. ,
N'était-ce pas, en entendant les choses
de la sorte, en philosophe et en malin,
faire suer à ses écus—qui rendaient pour-
tant tout ce que d'honnêtes écus surmenés
peuvent rendre — un surcroît de revenu,
— celui-là de nature différente, et dont
le rentier aurait la jouissance sa vie du-
rant ?
Du reste, s'il ne pouvait se faire d'illu-
sions sur le caractère de son frère, il en
nourrissait presque quelques faibles sur
le compte de son neveu.
Le jeune homme, bien dressé, plus ra-
pace et plus sournois que son père, jouait
assez bien le rôle de vertu et de chasteté
qu'il fallait adopter pour plaire au vieux
podagre, lequel, avait fait cette double
déclaration que s'il laissait ses biens à un,
membre de sa famille, au lieu de les lé- !
guer aux hospices, ce serait à son neveu;
mais à condition que ce neveu éviterait;
les errements de son père, vivrait dans
une sage retenue et ne ferait cascader
aucune vertu féminine,
Jules de Lessac, suffisamment préve-
nu, avait fait son siège là-dessus, évitant
les fredaines, ou, s'il en faisait, comme
nous en aurons la preuve plus tard, s'ef-
forçant de les tenir secrètes.
Les choses marchaient donc aU mieux.
Le père s'était fixé, près de son frère,
à la campagne, se livrant, pour tuer l'en-
nui de cette existence morne, à l'élevage
et au dressage des pigeons voyageurs.
Après tout, c'est encore une sorte de
sport, avec paris, et par#conséquent les
«imitons du Jeu. ;..
Il y était devenu fort habile et gagnait
des prix qui lui procuraient quelque ar-
gent de poche, car l'Harpagon rhumati-
sant, implacable envers ce fils prodigue
revenu au bercail, l'oreille basse, ne lui
eût pas prêté ou avancé un louis, se con-
tentant de l'entretenir sous son toit à pi-
gnon seigneurial.
Quant à Jules, il vivait à l'ordinaire à
Paris, où il était censé suivre les cours
de la Faculté de droit, venant seulement
tous les trimestres passer quelques jours
près de son père et de son oncle et leur
consacrant, en plus, la totalité du temps
des vacances.
Comment cet échafaudage, si pénible-
ment élevé, s'était-il écroulé, un beau
matin ?
Comment tant d'abnégation, d'héroïs-
me, de platitude et d'hypocrisie,n'avaient-
ils rien produit finalement?
Comment Henri de Lessac, au moment
de mourir, avait-il brusquement annulé
le testament déposé chez M* Athanase
Coquard, en faveur de son neveu, et fait
un autre testament, malgré le rigorisme
de ses principes, en faveur du bâtard d'un
neveu bâtard qu'il n'avait jamais voulu
voir ?
C'est ce que la suite de ce récit nous
apprendra, avant qu'il soit longtemps.
XXX
LA PORTE DU SENTIER
La présentation terminée, entre Lola et
les hôtes de son beau-père, il y eut une
courte conversation générale, à laquelle
d'ailleurs ne prirent part que MM. de
Lessac, et que conduisit surtout le comte,
lequel s'exprimait avec facilité'et ce ver-
nis d'esprit courant qu'on ramasse à rou-
ler dans un certain monde.
Tous deux y apportaient le plus grand
tact, et il ne fut fait aucune allusion aux
projets de mariage.
On eût dit que MM. de Lessac con-
naissaient en partie la situation, ou, du
ftioins, se doutaient du peu de consente-
ment flue la jeune fille donnait à ces pro*
jets, tant ils manœuvrèrent, l'un et l'au-
tre, de façon à ne point l'effaroucher et
à ne pas rappeler le sujet de leur pré-
sence.
Le jeune homme ne sortit pas des ter-
mes de banale courtoisie, de mise vis-à-
vis d'une demoiselle jeune et de bonne
famille.
Le comte fut plus galant et plus em-
pressé, mais ainsi seulement qu'il est
permis et naturel que le soit un homme
de son âge auprès d'une jeune personne
dont il connaît les parents.
Lola, assise dans un fauteuil, écoutait,
regardait, réfléchissait, souffrait mille
tortures, pâle et froide comme une sta-
tue de marbre.
Elle eût peut-être préféré une explication
directe, qui lui permît, quelqu'en fût le
risque, de rompre en visière ouvertement
et nettement ; de déclarer son refus, en
termes assez éclatants pour qu'il ne fût
point possible d'y revenir.
Puis, la seconde d'après, se rappelant
les menaces de Don José contre son en-
fant et contre son amant, elle se félicitait
de cette abstention et ne se sentait plus la
force de résister ouvertement, décidée à
gagner du temps, à tout prix.
Don José était aussi pâle que sa belle-
fille et paraissait souffrir autant qu'elle.
Il était ainsi fait et c'était la fatalité de
la situation, que tout en ayant résolu de
marier Lola, pour l'éloigner de lui et se
venger d'elle, dans la mesure où cela lui
était loisible, il aurait juré que des chiens
lui mordaient le cœur, chaque fois qu'un
regard ou qu'un sourire de Jules de Les-
sac lui rappelait que cet homme était des-
tiné à posséder celle qu'il eût donné son
âme et sa vie entière pour posséder une
heure et se rassassier sur. ses lèvres de
la fringale qui lui brûlait le sang et lui
tordait les entrailles.
Ce fut au point que si le jeune vicomte
se fùt approché de Lola, ce matin-là, lui
eût touché la main ou dit une parole ga-
lante de fiancé, il l'eût broyé sous ses
pieds.
Quant à Mme Barrancas,peu femme du
monde, peu habituée par sa vie solitaire
et indolente, aux conversations de salon,
elle oubliait ses hôtes pour lire sur le vi-
sage de son mari une partie de ses im-
pressions et en ressentir le contre-coup.
Cela fouettait sa jalousie et la poussait
encore plus violemment à appuyer oes
projets de mariage, dût-ella pour cela
briser le cœur de cette fille qui était de-
venue une rivale. „
Enfin, heureusement pour tous- les
personnages en présence, on annonça
que le déjeuner était servi.
Lola, trop souffrante encore pour y
assister, se retira, afin de regagner sa
chambre, avec l'aide de Paméla.
Il n'était que temps !
Elle sentait qu'elle se fût trouvée mal,
si cette contrainte avait diiré davantage.
— Est-ce que ces messieurs restent ?
demanda-t-ëlle seulement àla mulâtresse,
lorsqu'elle se fut étendue sur une chaise
longue, à bout de forces et de courage,
ayant remarqué que les messieurs de
Lessac n'avaient point pris congé d'elle,
comme des gens qui vont partir.
— Ces messieurs, répondit Paméla, ne
partiront que demain soir. Ils arrivent de
Paris et passeront la nuit ici. Jeune maî-
tresse les reverra.
Lola se tut.
Si la femme de chambre lui disait cela,
c'est qu'on avait voulu qu'elle en fût pré-
venue et qu'elle comprit bien que la vo-
lonté de son beau-père était immuable.
Cependant, do toute la journée elle n'en -
tendit plus parler de rien. Elle ne vit, pour
ainsi dire, personne que sa mère qui vint
quelques minutes auprès d'elle, un peu
avant l'heure du dîner, à un instant où
Juanita était là: car, ea réalité, Lola put
constater qu'elle était gardée toujours,
ainsi que depuis quatre mois, comme le
condamné à mort auquel on attache un
geôlier ou compagnon de détention qui
ne le perd point de vue.
Paméla ne s'en allait qu'alors que Jua-
nita la remplaçait et réciproquement.
Mme Barranc^s, toujours froide, em-
barrassée @t.p&u sincère d'allures et 4,".,
cent, ne fit aucune allusion à la présen-
tation du matin, ni à la présence de ses
hôtes, et se retira presque tout de suite.
On monta à dîner à Lola dans sa cham-
bre, de même qu'on lui avait monté à
déjeuner
A la tombée de la nuit, la jeune fille
s'informa auprès de la mulâtresse qui la
servait, s'il y avait du monde dans le
jardin. - —
Sur la réponse négative de Paméla,
elle ajouta :
— C'est bien. Je vais alors prendre l'air
et m'essayer à marcher un peu.
Elle avait soif de grand air, d'espace
autour d'elle, de quelque chose qui res-
semblât à de la liberté, au moins par l'as-
pect extérieur.
Or, elle savait que, dans le jardin, elle
serait moins surveillée, peut-être laissée
à elle-même, à une solitudS complète "Qui ;
lui serait un énorme soulagement.
En effet, que pouvait-on craind.e, à pa- !
reille heure, dans le parc hermétiquement :
clos et gardé par des serviteurs aux or-
dres seuls de son beau-père ?
Là, dans l'obscurité de la soirée, e~
ne pouvait écrire, et Don José qui savait
qu'elle ne pouvait pas davantage s'en fuir,
surtout dans l'état de faiblesse où e'ile se
trouvait, ne redoutait guère qu'unef .;hose:
c'est qu'elle eût un moyen quelconque de
correspondre à l'extérieur par lettre.
Paméla, par elle-même et pq r sa fille
Pamélas, 'étant assurée qu'eU .e n'avait
Juanita, s'étant ass.uré~ qu'el).8 n'avait
touché ni plume, ni crayon, ni papier,
de la journée, ne s'opposa poi\ità son dé-
sir, sous prétexte de ménagement de ses
forces renaissantes, et se cr Jntenta de la
conduire jesqu'à un banc, rjrôs d'un buis-
son en fleurs aux violents parfums, où
ella la laissa, en lui disant que Juanita.
viendrait la rejoindre, si cela lui conve-
nait.
- Volontiers, répondit Lola.
A. MATTHEY.
tA suivrg.)
r r f'
!
L'alarme a été donnée hier matin, à six
heures, par les voisins qui ont vu sortir les
flammes par les fenêtres de l'hôtel. Les pom-
piers ont été prévenus et sont arrivés im-
médiatement. Ils étaient commandés par un
lieutnant. A dix heures, ils étaient maîtres
du feu, mais ils n'ont quitté l'hôtel que vers
anidi. - quitté qu..e vçrs
%L'enquête ouverte par M. Aragon, com-
missaire de police du quartier de l'Europe,
qui a été appelé,sur les lieux, rue de Mon-
ceau, à six heures et demie du matin, a été
'vivement menée.
Des agents de la sûreté, mandés en toute
hâte, arrivaient vers huit heures, recueil-
laient les premiers indices et partaient à la
cchcrche des incendiaires.
Comme il n'y a pas de concierge dans la
.maison,, les gardiens de la paix ont la garde
de l'hôtel Des amis de Mmes Herbelin et
Lemaire, et entre autres M. Carvalho, lieu-
;tenant au 44e dragons, fils de M. Carvalho,
le directeur de l'Opéra-Comique, ont télé-
graphié au château de Reveilloia pour les
ixéveair de-ce qui venait d'arriver. Cesda';
.mes ont dû rentrer hier soir à Paris.
Locataire et propriétaire
Hier soir, à huit heures, le nommé Lechàt,
garçon boucher, demeurant rue du Château-
':-des-Rentiers, 179, a tiré un coup de revolver
:.dans le dos de son propriétaire, le eieur Hé-
rion, âgé de -soixante-dix-sept ans, parce
rqye celui-ci lui avait donné congé. Lechat
is'est constitué prisonnier. La blessure du
.bieur Hérion ne paraît pas grave.$
Jean Pauwels.
*■ 1 ». ■■■■ii M—
PROTESTATION DES
BRASSEURS de MUNICH
Les principaux brasseurs de Munich nous
iudressent la communication suivante :
.Certains articles publiés dans plusieurs
journaux de Paris et reproduits dans la
presse belge, ont fait aux bières de Munich
le reproche d'être additionnées de substances
plus ou moins nuisibles, et principalement
--d'acide salyciiique.,
,Sans nous arrêter au mobile de ces atta-
-qiaes,, voici notre réponse :
Toutes nos bières ont toujours été et sont
toujours fabriquées en parfaite conformité
avec la loi bavaroise, qui interdit avec une
«xt rême rigueur l'emploi d'autres substances
-
ccusations contenues dans les articles en
'quesHon et tendant à faire considérer comme
nuisible la consommation de nos bières que
nous garantissons naturelles et sans mé-
lange. -.
-Munich, ce 3 octobre 1886.
'-Gabriel Seidmàyr Zum Spatenbrau ;
Actien brauerei Zum Loëwcnbrau,
aHertrich, Hch Poliich,
Actien Gesellschaft Hackerbr^u
Georg. Kapp^âlmeier;
Brauerei Zum Augustiner. Jos Wagner
13rauerei Zum Muenchnerkirdl
à Benkerdorff.
Duergerliches Brauhaus..- G. Proebst
Koenigliches Hofbrauamt — Staubwasser
O. Pschorr.
Jos. Seldmayr Zum Franziskaner-Keller
Leistbrau.
-Gcbr. Schmederer Actien brauerei
V. Streber L. Reitschuster.
Le Via Arond, au Quina, au Fer et à la
tiande, est le médicament par excellence, le
reconstituant le plus énergique pour com-
battre- la Chlorose, l'Anémie, l'AppaltVl'isse-
ment ou l'Altération du Sang. Il convient à
•tcrntes les personnes dune constitution lan-
guissante ou affaiblies par le travail, les veiJe
les, les excès ou la maladie. Chez FEIUtrE.
pliarm.,102, r. Richelieu, Paris, et pharmacie.
Gouttes Livoniennes Bïancîutes.etc,'
— 4*—; ————————
RHUMATISMES & GOUTTÉ
Guirisfio «apurée har le BAIN de MACK au Pis D'AUTRICHE. Il
Phr*ÏALL0N,^9,^feryp d'Antin
eWDBLH *«"ER,T,F
A
D; Ii ViN DE MALASA
VIOLET F—, à THÏÏIEa'îEisiES-oaEaW
— « —
Le Tour du Monde
Bordeaux. 5 octobre. — On télégraphia
de. Bordeaux qu'un affreux accident est ar-
rivé à Cousuet, près de Barsac. Le nommé
Loubrie travaillait au dessus d'une cuve de
vendange, lorsque, saisi par les«apeurs du
raisin en fermentation, il y tomba. Jean Bla-
vie, témoin du fait, s'empressa de le secou-
rir ; puis Jean Chassaing, Jean Pujo, Jean
Finora, qui travaillaient aux environs, atti-
rés par les cris, accoururent à leur tour et,
tous asphyxiés par les vapeurs, tombèrent
dans la cuve en voulant retirer ceux qui les
y; avaient précédés. Quand les voisitis arri-
vèrent, ils réussirent à retirer Finora, qui,
tombé le dernier, respirait encore. Pour ne
pas exposer d'autres existences, il a fallu
(démolir la cuve qui contenait quatre cada-
vres.
Louis Rozier.
JOURNAUX ET REVUES
Nous n'avons que trop chèrement ac-
quis le droit de nous intéresser à tout ce
qui touche à un homme comme M. de
Bismarck. Or, M. DroDsart termine en
ce moment, dans le Correspondant, une
série d'articles sur le chancelier de fer et
son oeuvre. Dans le dernier article con-
sacré à la vie privée du chancelier, à ses
goûts, ses habitudes, sa vie de famille,
l'auteur nous montre l'homme.
M. de Bismarck a toujours été dès sa pre-
mière jeunesse et est constamment resté un
fervent ami de la campagne. Aujourd'hui, son
plus grand bonheur est encore de parcourir,
en grandes bottes bien graissées, loin de
toute civilisation, les bois et les guérets.
C'est à Varlin, rapporte M. Dronsart, que le
prince Lenbach surprit, un matin, sur les
traits du chancelier une si belle expression,
pendant qu'il suivait du regard de nombreux
oiseaux dans leur vol, qu'il s'écria : « J'ai
trouvé, ne bougez pas!» Et aussitôt il es-
quissa le plus beau portrait connu de son
illustre modèle, celui qu'on voit dans la gale-
rie nationale de Berlin et que l'artiste a re-
produit pour pape Léon XIII. « Croyez-
moi, disait la princesse de Bismarck à un
iémul-e en diplomatie de son mari, un navet
l'intéresse plus que toute vôtre politique. »
Est-ce bien sûr, et n'est-il pas proba-
ble que le chancelier, en contemplant son
navet, pense à de toutes autres choses
qu'à le faire pousser?
Quoi qu'il en soit, l'amour du prince pour
la vie des champs est très réel. Il y vient
chercher, chaque fois que cela lui est loisi-
ble, un repos d'esprit que l'habituelle con-
tention de sa pensée lui rend, par moments,
indispensable. D'ailleurs, il a de quoi, sur ce
point, donner ample satisfaction à ses goûts.
A ses terres patrimoniales de Schœnhausen
et de Kniephof, il a ajouté, en 1886, celle de
Varzin, grâce à la dotation de 1,500,000 fr.
qui lui fut offerte après la guerre contre l'Au-
triche, et, en 4871, l'empereur lui a donné le
domaine de Friedrichsruhe, situé dans le
Lauenbourg, lequel fut acheté environ 4
millions, prélevés sur la rançon de la
France.
Les revenus du chancelier dépassent ac-
tuellement 500,000 franes.
Naturellement, le prince n'échappe pas
aux fâcheux :
Un jour, l'ambassadeur d'une grande puis-
sance demandait au chancelier, après une
conversation assez prolongée, comment il s'y
prenait pour se débarrasser des importuns?
— Oh 1 c'est très simple, répliqua-t-il, quand
ma femme trouve que quelqu'un reste trop
longtemps, elle m'envoie tout bonnement
ichercher et l'entrevue cesse. Au même ins-
iant, un domestique entra et pria son maître
Ide vouloir bien accorder quelques minutes
là la princesse. L'ambassadeur rougi.t et se
iretira aussi gracieusement que possible.
N'est-ce pas la une vraie scène de co-
médie ?
M. de Bismarck ne goûta qu'un seul
art : la musique, non qu'il soit musicien
lui-même, mais il prend grand plaisir à
entendre ies autres. Tous les autres arts
lui sont profondément indifférents.
« L'art est gai et la vie sérieuse », a-t-il
écrit un jour au bas de la fameuse photo-
graphie de la jLucca. ,
M. de Bismarck, ce grand triompha-
teur,cet homme qui a si pleinement réussi
dans toutes ses entreprises, est, au fond,
un mélancolique et même un misanthro-
pe. M. Busch rapporte l'avoir entendu un
soir, à Varzin, se plaindre amèrement de
sa destinée :
Son activité, disait il, ne lui avait valu que
peu de satisfaction et encore moins d'amis.
Personne ne l'aimait pour ce qu'il avait ac-
compli. Il n'avait fait par là le bonheur de
personne, ni de lui-même,ni de sa famille, ni
de qui que ce fût.Quelqu'un lui ayant suggé.
ré qu'il avait fait celui d'une grande nation :
« Oui, répondit-il, mais le malheur de com-
bien? Sans moi, trois grandes guerres n'au-
raient pas eu lieu, quatre-vingt mille hom-
mes n'auraient pas péri ; des pères, des
mères, des frères soeurs, des veuves, ne se-
raient pas plongés dans le deuil. J'ai réglé
tout cela avec mon créateur, mais je n'ai ré-
colté que peu ou pas de joie de tous mes ex-
ploits : rien que des ennuis, des inquiétudes
et des chagrins.
Quelle leçon pour les, conquérants et
les grands dominateurs, dans ces paroles
attristées !
Une note de la direction de la Nouvelle
Revue explique aux lecteurs du roman de
M. Octave Mirbeau, le Calvaire, pourquoi
le second chapitre de cette œuvre a été.
résumé en deux lignes de points. Voici
cette note : -..
:A notre grand regret, il nous est impos-
sible d'insérer, dans la Revue, le deuxième
chapitre du roman de M. Mirbeau, malgré
toutes ses beautés, et nous renvoyons nos
lecteurs au volume qui sera publié, Les ta
b te aux, traités à.la manière de Léon Tolstoï,
sont si cruels que nous n'avons pu 16S lire
sans être pris d'un véritable désespoir pa-
triotique. Nous avons obtenu de M. Mirbeau
qiji'il voulût bien épargner, à nos amis, lec-
teurs de la Nouvelle Revue, le récit de nos
désastres, récit plus douloureux qu'aucun de
ceux qui ont été publiés jusqu'à ce jour.
Voilà un volume qui sera attendu avec
impatience I
El Correo.
PREMIÈRES BliSfflîiTlOB
Cîaâteûça-d'Sa'M.— Juarez ou la Guerre du
Mexique, drame en cinq actes, par M. Al-
fred Gassier.
Le sort des auteurs qui ont des démê-
les avec la censure est à la fois enviable
et redoutable. Dès l'instant où la censure
juge leur œuvre dangereuse, le bon pu-
blic se met naturellement en tête que
cette œuvre est pleine de dangers, c'est-
à-dire qu'elle est intéressante, curieuse,
et, il l'avoue, « il aurait bien voulu voir
cela ! » C'est là une curiosité dont l'auteur
profitera, car s'il parvient à avoir raison
des scrupules ou des timidités du gou-
vernement, il est certain que la repré-
sentation de sa pièce sera attendue avec
une impatience plus vive. A la bonne
heure ! Mais par le fait même que sa cu-
riosité aura été plus surexcitée, le pu-
blic se montrera pl j s exigeant, et si la
pièce ne lui paraît point être une très
bonne pièce, sa déception prendra un ca-
ractère @ aigu et même agressif. De même,
il ne s'en cachera pas : ce n'était pas la
peine de faire tant de bruit pour rien, il
n'est pas si bête qu'il en a l'air, etc.
Ces dispositions à la sévérité ne seront
pas très conformes à la justice. Un au-
teur, en effet, peut-aborder de préférence
des sujets scabreux et être cependant
une âme simple, dont le désir n est pas
d'en faire accroire aux gens, et qui ne
s'imagine pas que le genre scabreux est
plus fertile en chefs-d'œuvre qu'un autre.
Mais le sentiment'de la justice n'a jamais
beaucoup tourmenté les foules, et quand
la censure lui a fait l'honneur de le taqui-
ner un peu, un auteur ne peut plus guère
se retrancher derrière son humilité. Il
est devenu du coup, lui aussi, un homme
,redoutable. Et dame ! quand on est redou-
table, c'est bien le moins que l'on fasse
vpir que l'on est fort. - u
Ces. réflexions, me sont venues à l'es-
prit, Mer au soir, en assistant à la tumul-
tueuse- représentation, du drame joué au
Château-d'Eau sous le titre : Juarez ou la
Guerre du AJexique. Ce drame, vous le sa-
vez, amis, paraît-il, une partie de l'Eu-
rope en l'air. Des chancelleries se sont
émues, M. de Freycinet a pris son fin
menton dans sa main en disant : Diable !
diable ! Et quand M. de Freycinet évoque
ainsi, en se caressant le menton, « le noir
souverain des éternels abîmes,» c'est que
les choses ne vont pas comme il vou-
drait. M. le président du conseil, c'est
connu, se plaît aux solutions émol-
lientes, et la pensée de chagriner un hon-
nête dramaturge doit lui apparaître com-
me un des combles de l'horreur. J'ignore
si M. Turquet a cédé à la haute inter-
vention de M. le ministre des affaires
étrangères, mais enfin, et c'est l'essen-
tiel, il a cédé. M. Gassier, l'auteur, y a
mis, il est vrai, un peu les pouces, mais
ses concessions ne paraissent pas avoir
altéré le caractère de son œuvre.
Jttarez est ce qu'il me semble avoir
toujours été, — à savoir un bon mélo-
drame, qui gâterait son affaire s'il ac-
cusait la moindre prétention. Que les
héros s'en appellent Juarez, Maximilien,
Bazaine, ou Dupont, ou Bernard, ou Du-
rand, il importe assez peu. La concep-
tion, l'exécution, le style, tout y relève
tion,
du mélodrame à spectacle. Ceci dit,
nous accordons que Juarez n'est pas
sensiblement plus maladroit et absurde
que la plupart de ses aînés.
L auteur a su concentrer en ses cinq
actes lesj principaux épisodes de cette
campagne du Mexique, dont le seul bien-
fait est décidément d'avoir inspiré à Ju- *
les Favre quelques-unes des plus ma-
gnifiques harangues dont ait jamais re-
tenti la tribune française.
Ils sont connus, ces épisodes : les bons
Jecker, l'intervention française, nos suc-
cès, nos revers, la victoire de Juarez et
finalement l'exécution du pauvre Maxi-
milien. L'auteur en a choisi ce qui pou-
vait le mieux convenir à une action dra-
matique, et il l'a mis en scène d'une façon
assez vivante. Cela commence dans les
salons du Trente-et-quarante à Ems, et
finit, comme il sied, dans le fossé de Que-
retaro. On y voit, à côté dés héros Juarez,
Maximilien, la pauvre impératrice Char-
lotte, le traître Bazaine, qui trahit déjà
comme s'il n'avait fait que cela toute sa
vie d'autres personnes intéressantes,
Jecker d'abord, puis les actionnaires Cas-
tagne et Falempin, qui ont débarqué au
Mexique dans le dessein de mettre la
main sur leur argent, puis le rude chas-
seur mexicain Agus'tin Cazal et sa femme
Manuela, puis Lorenza, la cocotte téné-
breuse dont la mission est d'embrouiller
les affaires avec toute la noirceur re-
quise.
Cette méchante cocotte ne craint pas
de: faire croire à Cazal que sa femme le
trompe et fait des bêtises avec Juarez.
Sur quoi Cazal tourne casaque sur l'heu-
re, Au lieu de tuer d'un coup de carabine
Maximilien, comme il en avait l'intention,
il lui fait serment d'obéissance et de fidé-
lité, et jure de le débarrasser de Juarez à
la première occasion.. :"
- Cette occasion ne se fait pas trop atten-
dre.Cazal surprend Juarez au moment où
il est en train de deviser des intérêts de
; la patrie avec Manuela,, sur les bords du
Rio-Grande. Encore, un peu, et Juarez
peut être pincé par les troupes impéria-
riales. Mais Manuela, qui est patriote
avant d'être épouse, tire un coup de ca-
rabine sur son époux. Il meurt, ou du
moins il en a l'air. Comme, en réa-
lité, il n'est pas mort, il s'aperçoit de
sa fatale surprise, acquiert la certi-
tude que Mme Cazal est la plus chaste
des femmes, et s'enrôle comme simple
soldat dans l'armée républicaine. Tout
irait donc pour le mieux, si par respect
de l'histoire, l'auteur n'avait dû faire
passer par les armes Maximilien et nous
montrer les premiers symptômes de la
folie de l'infortunée princesse Charlotte.
Cette folie se manifeste par un torrent
d'injures que l'impératrice adresse à
Bazaine. C'est bien là le cas de dire avec
Polonius que « la folie a du sens par
lambeaux ! » - ,.
: Je vous parle de tout cela tranquille-
ment et comme si je l'avais entendu. La
; vérité est que je n'ai rien entendu du
tout. Depuis les premières scènes, ce n'a
été qu'un effroyable vacarme. Jusqu'à
minuit tout au moins, le vacarme n'a pré-
senté. aucun caractère dramatique. On
on sifflait, on glapissait, pour le
[plaisir, pour rire. On a jeté de nombreux
trognons de pomme. Quelle drôle d'id.ée
,de jeter des trognons de pomme sur la
tête des personnes que l'on ne connaît
pas !
Il n'était pas dramatique le vacarme,mais
il n'était pas politique non plus. Ainsi,
toutes les fois que Juarez disait « Mille
démons ! » pour marquer son impatience,
c'était une explosion de joie. La même
explosion s'est produite quand il a parlé
de « République vermeille ». Mais, je
crois bien que c'est « vermeille» qui a
,excité le rire du public et non pas « Ré-
publique ».
Dans une pareille bagarre, il est bien
difficile de juger du talent des artistes,
Bornons-nous à constater que MM. Re-
gnier, Brunet, Bessac et Mmes Murat et
Norton ont,, cowme on dit, fait tête à
l'orage.
LEON BERNARD-DEROSNE.
CHRONIQUE DE L'AUDIENCE
LE CRIME DU BOULEVARD CONTRESCARPE
Antoine Biver était à la fois Belge, ébé-
niste et marié. Belge il habitait Paris, ébé-
niste il avait pour habitude d'être ouvrier
sans ouvrage, marié, il concubinait avec une
aimable cuisinière, Emilie Fournet, qui l'en-
graissait des produits chorégraphiques de
l'anse du panier, tandis que Mme Biver
et ses quatre enfants, demeurés à Moleuwe
en Brabant, se régalaient de pommes de
terre bouillies et d'infusion de chicorée falla-
cieusement baptisée café.
Un beau jour une ingénieuse idée naquit
dans la cervelle de Mme Biver, celle de ve-
nir à Paris rejoindre son tendre époux. Elle
débarqua donc chez lui, suivie de toute sa
ribambelle de mioches au nez morveux et à
- la chemise pendante, par la culotte entre-
bâillée.
Emilie fut bien un peu surprise de cet ar-
rivage, mais, bonne fille, elle s'entendit ai-
sément avec la femme de son amant, qui de-
mandait place au feu et à la chandelle, mais
non pas au lit conjugal.
La femme, roublarde, suggéra bientôt à
Emilie qu'avec ses économies elle devrait
bien aider a leur » homme à acheter un fond
de marchand de vin.
Il y en avait tout justement un à vendre
boulevard Contrescarpe, - affaire merveil-
leuse, bénéfices énormes, —et Emilie donna
tout ce qu'elle possédait : dix-huit centx
francs.
Il fut verbalement convenu qu'on s'asso-
ciait à l'entreprise; c'était bien le moins.
Mais peu de jours après que l'installation fut
terminée, cette bonne Mme Biver, sous un
prétexte quelconque, la flanqua à la porte,
en se refusant bien entendu de lui rendre
son argent. - -
Emilie protesta énergiquement, fit visite
sur visite et réclamation sur réclamation aux
Biver, qui ne voulurent rien entendre.
Exaspérée, elle se présentait chez eux le
10 mai. Cette fois, on la jeta à la porte litté-
ralement à coups de pieds où vous savez.
Exaspérée, elle sortit un revolver de sa po-
che, et tira deux fois. Biver fut tué net.
Emilie, arrêtée, a été traduite en cour
d'assises. Son procès a commencé hier. Le
verdict sera rendu aujourd'hui seulement.
- ** Eaque.
NÉCROLOGIE
Les obsèques de notre regretté collaborateur
Armand Yver, auront lieu aujourd'hui, à midi
très précis. On se réunira à la maison mortuaire,
il, rue de Nesle
- Les personnes qui n'auraient pas reçu de let-
tres de faire part sont priées de considérer cet
avis comme une invitation, .„
————— 6 —————
..8.
LA
SOIRÉE PARISIENNE
JUAREZ
La troupe du Château-d'Eau a assisté hier
soir à une représentation extraordinaire, dans
laquelle l'excellent public de ce théâtre s'est
véritablement surpassé ; c'était pour les heu-
reux comédiens invités à cette fête de l'es-
prit un véritable régal littéraire que d'enten-
dre les répliques échangées avec une verve
intarissable du haut en bas de la salle, pen-
dant une soirée entière, au cours de laquelle
les trognons de pommes ne se sont pas dé-
mentis Un seul instant; il convient de men-
tionner aussi les croûtons de pain qui ont
évolué dans l'espace avec un ensemble par-
fait, et les marrons d'Inde qui-out beaucoup
plu.
Quant aux petits bancs, leur absence était
vivement commentée ; on affirmait que leurs
rôles avaient été coupes par la censure qui
les jugeait dangereux; toujours est-il que,
par ordre de la préfecture de police, on les
avait impitoyablement exclus des galeries,
en sorte que le public du paradis Èest trouvé
dans l'impossibilité dé mettre le traître au
petit ban de la société.
Cette précaution était indispensable pour
protéger les jours de l'acteur-directeur
Ulysse Bessac, qui avait poussé l'oubli de
toute prudence jusqu'à se montrer sous les
traits et sous l'uniforme de l'ex-maréchal
Bazaine ; l'imprudent en a été quitte pour
une mitraillade de pommes crues avec les-
quelles le courroux populaire l'a fusillé,
pour venger par avance la triste fin de Maxi-
milien.
Voilà un artiste qui pourra manger de la
tarte aux pommes à discrétion pendant
quelques semaines, grâce à cette étrange
aberration des spectateurs qui envoient du
dessert aux gens dont ils sont mécontents,
alors qu'il semblerait plus logique de les en
priver.
Un autre acteur a eu le périlleux honneur
d'affronter la colèro du public des galeries;
c'est M. Albert, chargé du rôle du Père San-
chez de la Compagnie de Jésus : « A l'eau,
le calotin ! » — a Va donc, hé, sac à charbon ! »
— « Ferme ta boîte, sale corbeau ! » telles
ont été à son égard les plus saillantes amé-
nités d'une foule en délire, qui accueillait
chaque entrée de cet ecclésiastique par les
croassements les plus tumultueux ; — d'où il
est permis de conclure que l'indignation
du public-allait en croassant.
Mlle Delphine Murât elle-même - qui,
dans le rôle de l'impératrice Charlotte, s'est
acquittée avec un réel talent de la tâche
dangereuse de faire la conversation avec Ba-
zaine, - a bien failli plusieurs fois être at.
teinte par les projectiles destinés au traître
et qui ne tendaient à rien moins qu'à It
transformer en une Charlotte aux pommes.
Pour ce qui concerne les autres artistes,
nous ne pouvons apprécier que les jeux de
physionomie expressifs dont ils , n'ont cessé
de faire preuve, car, si j'en crois mes oreil-
les, Juarez est une pantomime en cinq actes
et neuf tableaux, qui, vraisemblablement,
était d'abord destinée à l'Eden-Théâtre, où
des raisons de prudence l'ont empêchée d'être
représentée. , - -
Ceci soit dit pour répondre aux affirma-
tions des reporters théâtraux qui nous ont
annoncé cette oeuvre - comme une pièce
parlée ;— le seul fragment de dialogue
qu'il nous ait été donné d'entendre, c'est
l'explosion d'une poudrière au troisième ta-
bleau ; et encore, on a eu tant de peine à en
percevoir le son, qu'une foule de spectateurs
ont crié : « Plus haut ! Plus haut ! a d'ail-
leurs inutilement.
Il convient d'ajouter que ce court morceau
de littérature dramatique nous a paru se re-
oommander par d'incontestables qualités de
style.
PHILIDOR.
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62, r. Caumartin, reçoit pour conseils et audi-
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--—————————————
SAMNBEMnMT EN AMÉRIQUE
(De noire correspondant de Buenos-Ayres)
*" 4 septembre 1886.
La deuxième étape de la brillante autant que
fructueuse tournée artistique de Sarah Ber-
nhardt dans l'Amérique du Sud est franchie. La
tragédienne a quitté Buenos-Ayres pour Mon-
tevideo où elle va donner dix ou douze représen-
tations dans la première quinzaine de septembre.
Si lés Argentins ont montré à l'égard de l'ar-
tiste un enthousiasme plus modéré que les Bré-
siliens, en revanche ils lui ont donné des témoi-
gnages plus solides et plus positifs de l'admira-
tion qu'ils professent pour son talent. Six cent
cinquante mille francs, dont 500,ÛJO pour la
seule capitale, tel est le total des recettes de la
troupe à Buertos-Ayres, Rosario et La Plata,
contre 320,000 fr., à peu près, réalisés au Brésil. -
A son départ de Buen< s-Ayres la troupe avait
donc déjà frisé son million de recettes, ce qui,
on en conviendra, est un chiffre merveilleux qui
sonne encore plus agréablement à l'oreille de
messieurs les artistes que les acclamations des
foules et qui vaut toutes les apothéoses.
Les dernières représentations de Sarah à Buenos
Ayres ont été des plus brillantes, Théodora a été
fort goûtée et son incarnation a été trouvée ad-
mirable de vérité et de naturel dans le tripla
rôle d'impératrice superbe, de femme du bas peu-
ple et d'amante passionnée que comporte la sai-
sissante figure du protagoniste du drame de
Sardou. Mais c'est dans sa représentation 'de bé-
néfice que Sarah s'est surpassée, se montrant
sous différentes faces de son talent, et que l'en-
thousiasme est arrivé à son comble. Le triomphe
de Sarah Bernhardt dans Rome vaincue a été le
digne couronnement de ses succès dans la capi..
ta.le argentine.
Parmi les présents dont elle a été comblée
dans dans cette mémorable soirée, figurent :
Une épingle en or avec perles et brillants ,
Un bracelet en or portant l'inscription : Vie,
c'est batailte ; <
Un magnifique bracelet avec trente grands
brillants, portant le nom Sarah Bernhardt, tracé
également en brillants ;
; Un collier de perles;
Une lyre en or avec brillants ;
: Une carte en or où se lit le nom gravé da
Sarah;
Une élégante lyre de fleurs, avec sa devise s
Quand même;
Enfin un titre de propriété de trois lioues de
terrains dans le territoire des Missions.
EL tout cele sans compter plusieurs magnifi-
que s corbeilles bouquets et gerbes de fleurs dont
une entourée d'un ruban de soie avec une carte
où se lisait cette inscription : A Sarah Bernhardt,
Hommage au talent, - Julio A. Roca, Présidenl8,
de la Bepublica.
Le président de la République Argentine ne
s'est pas contenté de cette expression fragile de
son admiration. Il a contribué, de plus, pour
mille piastres aux cinq mille francs à la sous-
cription pour l'achat de la propriété offerte à
Sarah Bernhardt dans le pays des Missions.
Le territoire des Missions est un des plus ,
beaux coins de la terre américaine, comme le
prouve d'ailleurs le choix qu'en firent les Jé-
suites, dès les premiers temps de la domination
espagnole, comme quartier général. Le sol y est
d'une fécondité sans pareille, la végétation, la
faune et la flore y sont d'un luxe et d'une ri-
chesse qu'on ne trouve que dans ces pays vierges.
Aussi peut-on dire que le domaine que Sarah y
possède aujourd'hui, de par la galanterie et la
liberté des Argentins, et de nos colons français,
est le plus beau présent qu'elle ait encore reçu
et qu'elle puisse recevoir dans ses pérégrina-
tions artistiques.
Le Tout-Paris, dont Sarah est une des idoles,
doit se réjouir qu'elle n'ait pu visiter son do- ,
maine princier du Paramé. L1 était à craindre
que, séduite par les enchantements de ce para-
dis terrestre, elle renonçât aux triomphes qui
l'attendent encore et qu'elle n'en revînt pas.
Mais heureusement elle a remis à plus tard
l'exploration de ses vastes propriétés et ses
amis et admirateurs de là-bas peuvent se rassu-
rer, car c'est seulement, a dit Sarah, quand elle
aura terminé sa carrière artistique, qu'elle ira
chercher sur la terre argentine, dont elle est
enthousiasmée, un foyer qu'elle n'a jamais
trouvé dans sa vie errante et agitée.
Los deux représentations que Sarah Bernhardt
a données entre temps dans la nouvelle ville de
La Plata, capitale de la province de Duenos-
Ayres, ont brillamment inauguré les annales ar-
tistiques de cette cité qui, aujourd'hui, compte
plus de 30,000 habitants et dont, il y a seule-
ment cinq ou six ans, on n'avait pas encore rosé- -
les fondements. Sarah a dû jouer, au petit
théâtre Apolo, le Politeama Olimpo, de même
que beaucoup de constructions de la ville, n'é-
tant encore qu'eu voie d'achèvement.
En résumé, 'Sarah a toutes les raisons possi-
bles d'être satisfaite des Argentins, qui se sont
montrés grands seigneurs et à la hauteur do
leur nom qui sent l'opulence. Quant à ceux-ci,
ils ne sont pas moins ravis de la tragédienne et
n'ont trouvé à lui reprocher qu'une seule chose : -
sa" froideur en saluant ia publie lorsqu'il la rap-
pelle pour l'applaudir.
Elle n'a toutefois pas voulu rester sous le
coup de cptte critique. Elle s'en est justifié»
Feuille.on de GIL DLAS
DU 7 OCTOBRE 1886
v 32
LA BELLE-FILLE
ROJfAN PARISIEN
XXIX ;
LES LESSAC
(Suite)
Depuis guatre ou cinq ans que le comte
était définitivement à la côte, père et fils
vivaient étroitement unis dans cette vi-
sion.
Tous deux avaient abandonné toute au-
■ trô préoccupation,et n'avaient qu'un but :
Rentrer en grâce auprès du vieil avare.
Là-dessus, on bâtissait mille châteaux
'«n Espagne, et l'on souriait d'avance au
beau mariage que cet héritage ne pou-
vait manquer d'amener pour le vicomte
Jules de Lessac.
Aussi avait-on enrayé toutes les sotti-
ses, toutes les folies éclatantes.
On avait même si bien manoeuvré que
l'Harpagon, cloué dans son fauteuil par
les nodosités rhumatismales, consentit,
un jour, par lassitude et par égoïsme, à
recevoir son frère chez lui et à l'y faire
fivre.
A cela que risquait le malade ?
Ce n'était pas qu'il crût beaucoup à
^affection si nouvelle que lui témoignait
son cadet, ni à sa conversion à une exis-
tence plus calme et plus régulière,
Mais qu'importait, après tout?
Reproduction interdite pendant la durée de la
publication en feuilleton. Droit de traduction,
pour l'Italie, à M. J. Garbini, éditeur; pour FEs-
papne et l'Angleterre, à M. Pastor y Bedoya..-
iléserve pour les autres pays.
Sachant que c'était à sa bourse qu'on
en voulait, pas à autre chose, c'était un
moyen,pour lui, de s'attacher, sans délier
cette bourse, deux compagnons qui le dis-
trayaient, faisaient sa partie, flattaient
ses manies, disaient comme lui sur tout,
le dorlotaient, le flattaient, lui grattaient
toutes ses gibbosités et l'eussent, au be-
soin, frictionné de la tête au pied, à tour
de bras, sans pousser un soupir, faire
une grimace, ni souffler, cet exercice eût-
il duré vingt-quatre heures consécuti-
ves. ,
N'était-ce pas, en entendant les choses
de la sorte, en philosophe et en malin,
faire suer à ses écus—qui rendaient pour-
tant tout ce que d'honnêtes écus surmenés
peuvent rendre — un surcroît de revenu,
— celui-là de nature différente, et dont
le rentier aurait la jouissance sa vie du-
rant ?
Du reste, s'il ne pouvait se faire d'illu-
sions sur le caractère de son frère, il en
nourrissait presque quelques faibles sur
le compte de son neveu.
Le jeune homme, bien dressé, plus ra-
pace et plus sournois que son père, jouait
assez bien le rôle de vertu et de chasteté
qu'il fallait adopter pour plaire au vieux
podagre, lequel, avait fait cette double
déclaration que s'il laissait ses biens à un,
membre de sa famille, au lieu de les lé- !
guer aux hospices, ce serait à son neveu;
mais à condition que ce neveu éviterait;
les errements de son père, vivrait dans
une sage retenue et ne ferait cascader
aucune vertu féminine,
Jules de Lessac, suffisamment préve-
nu, avait fait son siège là-dessus, évitant
les fredaines, ou, s'il en faisait, comme
nous en aurons la preuve plus tard, s'ef-
forçant de les tenir secrètes.
Les choses marchaient donc aU mieux.
Le père s'était fixé, près de son frère,
à la campagne, se livrant, pour tuer l'en-
nui de cette existence morne, à l'élevage
et au dressage des pigeons voyageurs.
Après tout, c'est encore une sorte de
sport, avec paris, et par#conséquent les
«imitons du Jeu. ;..
Il y était devenu fort habile et gagnait
des prix qui lui procuraient quelque ar-
gent de poche, car l'Harpagon rhumati-
sant, implacable envers ce fils prodigue
revenu au bercail, l'oreille basse, ne lui
eût pas prêté ou avancé un louis, se con-
tentant de l'entretenir sous son toit à pi-
gnon seigneurial.
Quant à Jules, il vivait à l'ordinaire à
Paris, où il était censé suivre les cours
de la Faculté de droit, venant seulement
tous les trimestres passer quelques jours
près de son père et de son oncle et leur
consacrant, en plus, la totalité du temps
des vacances.
Comment cet échafaudage, si pénible-
ment élevé, s'était-il écroulé, un beau
matin ?
Comment tant d'abnégation, d'héroïs-
me, de platitude et d'hypocrisie,n'avaient-
ils rien produit finalement?
Comment Henri de Lessac, au moment
de mourir, avait-il brusquement annulé
le testament déposé chez M* Athanase
Coquard, en faveur de son neveu, et fait
un autre testament, malgré le rigorisme
de ses principes, en faveur du bâtard d'un
neveu bâtard qu'il n'avait jamais voulu
voir ?
C'est ce que la suite de ce récit nous
apprendra, avant qu'il soit longtemps.
XXX
LA PORTE DU SENTIER
La présentation terminée, entre Lola et
les hôtes de son beau-père, il y eut une
courte conversation générale, à laquelle
d'ailleurs ne prirent part que MM. de
Lessac, et que conduisit surtout le comte,
lequel s'exprimait avec facilité'et ce ver-
nis d'esprit courant qu'on ramasse à rou-
ler dans un certain monde.
Tous deux y apportaient le plus grand
tact, et il ne fut fait aucune allusion aux
projets de mariage.
On eût dit que MM. de Lessac con-
naissaient en partie la situation, ou, du
ftioins, se doutaient du peu de consente-
ment flue la jeune fille donnait à ces pro*
jets, tant ils manœuvrèrent, l'un et l'au-
tre, de façon à ne point l'effaroucher et
à ne pas rappeler le sujet de leur pré-
sence.
Le jeune homme ne sortit pas des ter-
mes de banale courtoisie, de mise vis-à-
vis d'une demoiselle jeune et de bonne
famille.
Le comte fut plus galant et plus em-
pressé, mais ainsi seulement qu'il est
permis et naturel que le soit un homme
de son âge auprès d'une jeune personne
dont il connaît les parents.
Lola, assise dans un fauteuil, écoutait,
regardait, réfléchissait, souffrait mille
tortures, pâle et froide comme une sta-
tue de marbre.
Elle eût peut-être préféré une explication
directe, qui lui permît, quelqu'en fût le
risque, de rompre en visière ouvertement
et nettement ; de déclarer son refus, en
termes assez éclatants pour qu'il ne fût
point possible d'y revenir.
Puis, la seconde d'après, se rappelant
les menaces de Don José contre son en-
fant et contre son amant, elle se félicitait
de cette abstention et ne se sentait plus la
force de résister ouvertement, décidée à
gagner du temps, à tout prix.
Don José était aussi pâle que sa belle-
fille et paraissait souffrir autant qu'elle.
Il était ainsi fait et c'était la fatalité de
la situation, que tout en ayant résolu de
marier Lola, pour l'éloigner de lui et se
venger d'elle, dans la mesure où cela lui
était loisible, il aurait juré que des chiens
lui mordaient le cœur, chaque fois qu'un
regard ou qu'un sourire de Jules de Les-
sac lui rappelait que cet homme était des-
tiné à posséder celle qu'il eût donné son
âme et sa vie entière pour posséder une
heure et se rassassier sur. ses lèvres de
la fringale qui lui brûlait le sang et lui
tordait les entrailles.
Ce fut au point que si le jeune vicomte
se fùt approché de Lola, ce matin-là, lui
eût touché la main ou dit une parole ga-
lante de fiancé, il l'eût broyé sous ses
pieds.
Quant à Mme Barrancas,peu femme du
monde, peu habituée par sa vie solitaire
et indolente, aux conversations de salon,
elle oubliait ses hôtes pour lire sur le vi-
sage de son mari une partie de ses im-
pressions et en ressentir le contre-coup.
Cela fouettait sa jalousie et la poussait
encore plus violemment à appuyer oes
projets de mariage, dût-ella pour cela
briser le cœur de cette fille qui était de-
venue une rivale. „
Enfin, heureusement pour tous- les
personnages en présence, on annonça
que le déjeuner était servi.
Lola, trop souffrante encore pour y
assister, se retira, afin de regagner sa
chambre, avec l'aide de Paméla.
Il n'était que temps !
Elle sentait qu'elle se fût trouvée mal,
si cette contrainte avait diiré davantage.
— Est-ce que ces messieurs restent ?
demanda-t-ëlle seulement àla mulâtresse,
lorsqu'elle se fut étendue sur une chaise
longue, à bout de forces et de courage,
ayant remarqué que les messieurs de
Lessac n'avaient point pris congé d'elle,
comme des gens qui vont partir.
— Ces messieurs, répondit Paméla, ne
partiront que demain soir. Ils arrivent de
Paris et passeront la nuit ici. Jeune maî-
tresse les reverra.
Lola se tut.
Si la femme de chambre lui disait cela,
c'est qu'on avait voulu qu'elle en fût pré-
venue et qu'elle comprit bien que la vo-
lonté de son beau-père était immuable.
Cependant, do toute la journée elle n'en -
tendit plus parler de rien. Elle ne vit, pour
ainsi dire, personne que sa mère qui vint
quelques minutes auprès d'elle, un peu
avant l'heure du dîner, à un instant où
Juanita était là: car, ea réalité, Lola put
constater qu'elle était gardée toujours,
ainsi que depuis quatre mois, comme le
condamné à mort auquel on attache un
geôlier ou compagnon de détention qui
ne le perd point de vue.
Paméla ne s'en allait qu'alors que Jua-
nita la remplaçait et réciproquement.
Mme Barranc^s, toujours froide, em-
barrassée @t.p&u sincère d'allures et 4,".,
cent, ne fit aucune allusion à la présen-
tation du matin, ni à la présence de ses
hôtes, et se retira presque tout de suite.
On monta à dîner à Lola dans sa cham-
bre, de même qu'on lui avait monté à
déjeuner
A la tombée de la nuit, la jeune fille
s'informa auprès de la mulâtresse qui la
servait, s'il y avait du monde dans le
jardin. - —
Sur la réponse négative de Paméla,
elle ajouta :
— C'est bien. Je vais alors prendre l'air
et m'essayer à marcher un peu.
Elle avait soif de grand air, d'espace
autour d'elle, de quelque chose qui res-
semblât à de la liberté, au moins par l'as-
pect extérieur.
Or, elle savait que, dans le jardin, elle
serait moins surveillée, peut-être laissée
à elle-même, à une solitudS complète "Qui ;
lui serait un énorme soulagement.
En effet, que pouvait-on craind.e, à pa- !
reille heure, dans le parc hermétiquement :
clos et gardé par des serviteurs aux or-
dres seuls de son beau-père ?
Là, dans l'obscurité de la soirée, e~
ne pouvait écrire, et Don José qui savait
qu'elle ne pouvait pas davantage s'en fuir,
surtout dans l'état de faiblesse où e'ile se
trouvait, ne redoutait guère qu'unef .;hose:
c'est qu'elle eût un moyen quelconque de
correspondre à l'extérieur par lettre.
Paméla, par elle-même et pq r sa fille
Pamélas, 'étant assurée qu'eU .e n'avait
Juanita, s'étant ass.uré~ qu'el).8 n'avait
touché ni plume, ni crayon, ni papier,
de la journée, ne s'opposa poi\ità son dé-
sir, sous prétexte de ménagement de ses
forces renaissantes, et se cr Jntenta de la
conduire jesqu'à un banc, rjrôs d'un buis-
son en fleurs aux violents parfums, où
ella la laissa, en lui disant que Juanita.
viendrait la rejoindre, si cela lui conve-
nait.
- Volontiers, répondit Lola.
A. MATTHEY.
tA suivrg.)
r r f'
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