Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-08-14
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344298410
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 août 1883 14 août 1883
Description : 1883/08/14 (N1365,A5). 1883/08/14 (N1365,A5).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
CINQUIÈME ANNÉE ^NljMËËO' 1363 ; .:.,: IVn - vu m éPo Pàrld9 l'S' ceftJ-'I)parCêmeii(S.. O cemr«r MARDI i4 AOUT 1883./
A. SIJlSG^T, Directeur
a
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à Bt-Pétersbourg, au bureau do poste, et
chez VIOLLHTT père, 10, canal Catherine,
pont de Gazan ; à Londres, chez MM. o.
usy-DAVIES et Cie , 1, Finch Lane, CornhilJ.
Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et i-ecommencor,
le lendémain. — J. JANIN, préface de Gil Blas.
A. DVIIOIT Dlreefear
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16 rue de la Grange-Batelière, 16
ET A L'ADMINISTRATION
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
10, BOULEVARD DES CAPUCINES. 10
SOMMAIRE
LES JEUNES AILLES (Léa;. — Catulle Mendès.
NOUVELLES ET ECHOS. — Le Diable Boiteux.
LES CARESSE?. -S- Maufrigneuse.
LA CÉRFEMONIB DE COCRBEATOIE. — Femand Jau.
A TRAVERS LA POLITMJUB. — Le Sage.
INFORMATIONS. — Georges. Buret,
LB JEU DE PAtHdB. — F. X.
PROPOS DU DOCTEUR. — DT E. Monin.
LES FAITS DU JOUR. — Pierre Ferrare.
TOUR DU MONDE. — Louis Rozier.
JOURNAUX ET REVUES. — Jean Ciseaux*
LES LIVRES. — Paul Ginisty.
SPORT. - The Farmer.
COURRIER DES THÉÂTRES. — G. de Trogolf.
LA SEMAINE FINANCIÈRE.
P,ASSE-TEMPS. - E. Framery.
FEUILLETON : LES BONNES OBNS DE CHEZ NOUS.
— Marc Beaugeix.
Après l'intéressant feuilleton qu'il
ionne en ce moment, GIL BLAS com-
mencera la publication d'un nouveau
;oman de J. BARBEY D'AURÉVILLY,
hauteur de cette JBKstoîi-e sans
Nom que GiL BLAS a publiée, il y
a un an, et qui eut un si grand succès.
Le roman d'aujourd'hui est un livre
d'une analyse et d'une passion égale-
ment exaspérées, dans lequel on recon-
naîtra ce genre de plume qui a écrit
La Vieille Maîtresse et
Les îMatoolisïiies, et ce livre,
qui est une idée et une question, por-
tera le titre mystérieux, qui fait rêver
et qui impatiente l'imagination de son
mystère :
CE QUI NE MEURT PAS
LES JEUNES FILLES
"'II.
LÉA
1
"En six mois, deux palefreniers ont de-
mandé leur congé, parce que Mlle Léa
leur avait cinglé la face à grands coups
de cravache! Enfant ciicore,- seize ans à
peine, — elle a des violences soudaines de
petite bête fauve. Ses trépignements de
ïllette — pour une gronderie ou pour un
taprice contrarié — sont des attaques
ie nerfs qui veulent mordre et qui mor-
dent. Ses mains, dans ses colères, empoi-
gnent le bois de la table et y enfoncent les
ongles. Elle a une façon impérieuse et
méprisante de regarder les gens, qui a
fair de prévoir quelque insulte et déjà
d'y répondre. Soupçonneuse à l'excès, elle
guette dans les sourires, dans les hausse-
ments d'épaules, dans les paroles mal en-
tendues, des intentions d'outrage ou d'iro-
nie, et ses rages, qui piétinent et cassent
les bibelots, n'attendent pas la certitude
de l'offense. Ce sont des enfants pareilles
à elle qu'ont dû être à seize ans les impé-
ratrices de Rome et les sanguinaires cour-
tisanes de l'Age de fer .Un de ses ancêtres,
au Brésil, — car elle est de race portu-
gaise, — fut un rude fouetteur de nègres,
un pendeur de mulâtresses, qui, le soir,
rentrait à la fazenda avec des taches de
eang sur son habit blanc de planteur ; elle
tient de l'aïeul, pour une lenteur à obéir
ou pour un ordre mal exécuté, le besoin
des justices immédiates, que l'on se fait à
toi-même, juge à la fois et bourreau ; et il
lui semble que ses esclaves, c'est tout le
toonde. L'éducation moite du couvent, la
- tie mondaine où depuis quelques mois elle
commence à paraître, n'ont pas attendri
ii frivolisé sa brutalité native. Elle est
:omme une de ces petites lionnes nées et
îlevées en cage, en qui se révolte l'ins-
tinct du coup de dent et du coup de griffe.
Même sa mère, de qui la tendresse s'étonne
et s'inquiète, ne réussit pas à la main-
tenir. Elle aime sa mère, 'certes, comme
.elle peut aimer, avec des effusions empor-
tées qui sautent au cou et mangent les
joues de baisers dans des larmes passion-
nées. N'importe, elle lui en veut souvent,
la déteste presque, par saccades, et aussi
en de sourdes rancunes qui sont la rési-
Intion de son impuissance. Pourquoi ?
A. cause des réprimandes, sans doute, et
les conseils. Elle n'a jamais oublié un
foufflet qu'elle a reçu quand elle avait
neuf ans ! Mais ce qui l'a surtout exaspé-
rée, — sans qu'elle ait clairement démêlé
les causes vraies de son irritation, - c'est
que madame de Pontevedra soit devenue
fa comtesse d'Asprières, se soit remariée
Encore jeune et belle, pas plus de trente-
trois ans. Que ce fût par colère du nom fami-
lial répudié ou par je ne sais quelle jalousie
héréditaire, inconsciente, qui ne s'ex-
plique pas, mais qui existe chez beaucoup
d'enfants du premier lit, Léa déclara
qu'elle n'assisterait point à la cérémonie
des noces, s'enferma, resta deux jours
entiers sans manger ni boire, voulant
mourir de faim, criait-elle à travers la
_porte ; on l'entendait, toute la nuit, frap-
per du poing, avec un bruit d'enfoncer
des clous, contre le bois de son lit. Et
jamais elle n'a pu s'habituer à la présence
da cet homme qui, n'étant pas le maître
de la maison, donne des ordres aux do-
mestiques, qui, n'étant pas le mari de sa
mère puisqu'il n'est pas son père, à elle,
entre dans la chambre conjugale, et qui,
trop jeune pour qu'elle puisse être sa fille,
la traite cependant avec des bonhommies de
camarade paternel, l'appelle : « Léa » tout
court, la tutoie, lui donne des tapes sur la
joue et, les soirs, vers onze heures, lui dit:
«Je crois qu'il esttempsque tu ailles te cou-
cher. J) Pour ces raisons, et pour d'autres,
sans raison aussi, — elle est née telle,
voilà tout, — elle est perpétuellement une j
susceptibilité en éveil, qui se rencoigne en
montrant les dents, prête à bondir, et qui
bondit; une fois, parce que le chat, en
jouant, l'avait égratignée, elle l'a pris au
cou, et le serrant, le serrant toujours, ses
doigts ne pouvant plus s'ouvrir, elle l'a
étranglé, malgré elle, avec plaisir, comme
l'abbé Delacollonge étrangla sa maî-
tresse! Ainsi faite, elle est peu à l'aise
dans le monde où ses reparties brutales,
ses : « Non, vous m'ennuyez » à ceux qui
l'invitent pour une danse, déconcertent
les politesses. Elle se tient le plus sou-
vent dans sa. chambre, marchant à grands
pas d'un mur à l'autre, lisant, sans s'as-
seoir, des livres, n'importe lesquels, dont
elle déchire les pages qui lui ont déplu;
et sa seule joie, c'est, le matin, quand
tout le monde dort encore dans l'hôtel, de
sauter en selle, en amazone courte, les
cheveux frisés sous un chapeau rond,
sans voile, presque un petit homme, sur un
cheval qu'elle a bridé elle-même, de cra-
vacher la bête en lui mettant l'éperon au
ventre, et de l'enlever, et de s'enfuir
dans un galop furieux le long des ar-
bres de l'avenue, et de tourner en plein
champ, et de franchir les fossés, les
ravins, les haies, sans souci des obstacles,
ne s'écartant pas pour un arbre qui tra-
verse la route ou pour une charrette qui
barre le chemin ; de sorte que plus d'une
fois, la jupe déchirée, les mains meur-
tries, - une blessure au front, elle a été
rapportée à l'hôtel, se débattant, par des
gens qui l'avaient ramassée, et qu'elle in-
juriait !
Une fois, comme elle achevait de s'ha-
biller pour un bal, dans la chambre de sa
mère, on frappa deux coups à la porte ;
le comte d'Asprières venait s'informer si sa
femme était prête à partir.
— Entre donc, dit celle-ci.
— Mais, maman, je n'ai pas encore mis
ma robe et j'ai les bras tout nus.
— Bon ? Après ? Tu es une petite fille.
Vous pouvez entrer, Georges !
Léa enfonça ses deux poing3, qui sai-
gnèrent, dans la glace où elle se mirait.
II -
Le lendemain, un peu avant le soir,
comme la grande chaleur du jour s'attié-
dissait dans un commencement de crépus-
cule, elle vint dans l'appartement du
comte d'Asprières, en costume de cheval,
la cravache à la main, avec un air point
fâché, qu'elle a très rarement.
— Ma mère est à la vente de charité
chez Mme de Rosavène, elle ne rentrera
pas de longtemps. Voulez-vous venir
vous promener avec moi, en attendant le
dîner ?
— Tiens, tu es de bonne humeur au-
jourd'hui. As-tu dit de seller les chevaux?
Partons.
Lui, bon cavalier, elle, folle amazone,
ce lut une course charmante sous les ar-
bres remués, du côté du Bois où les voitu-
res étaient rares déjà. En galopant, elle
bavardait, très gamine, riait pour une
branche qui lui rebroussait le chapeau,
montrait ses petites dents de jeune louve,
était très espiègle, avait des mots tout
drôles.Jamais elle ne s'était montrée aussi
bonne enfant, aussi joliment cordiale.
Comme ils suivaient une allée déserte:
« Tiens 1 à nous voir ainsi, tous les
deux, seuls, oa pourrait croire, savez-
vous, que vous êtes en bonne fortune ? »
Et de rire de plus belle. Il pouffait aussi.
Cela lui plaisait que cette sauvagesse
s'égayât, se fît mignonne, amusante,
amusée. Très jolie, d'ailleurs, avec son
air garçonnier. Une charmante prome-
nade. Mais il y eut un accident. Juste
ment comme ils passaient tout près du
pavillon d'Ermenonville, le cheval de
Léa, dans la vitesse du galop, butta con-
tre un tronc d'arbre et s'abattit. Elle était
déjà relevée, quand le comte eut sauté à
terre; pas blessée, se tenant les côtes,tant
elle riait, mais la figure barbouillée de
sable. « Vite, un cabinet ! » cria-t-elle
en entrant dans le restaurant ; et elle de-
manda du Champagne, pendant que le
comte s'inquiétait encore, prit la bou-
teille des mains du garçon, en cassa le
goulot sur le bord de la table, s'emplit les
paumes de vin doré, — l'air d'une petite
nymphe qui lape de l'eau dans ses mains,
— se mouilla tout le visage en buvant un
peu, releva sa tête folle où il y avait de la
mousse dans les cheveux frisés. « Au
moins, tu n'as pas de mal ? dit-il. — Ah 1
bien oui ! J'ai une idée : puisque nous
sommes ici, si nous dînions? » dit-elle.
Pourquoi pas ? Il consentit. Pendant le
dîner, elle fut tout à fait extraordinaire,—
si différente d'elle-même ! Elle se divertis-
sait des moindres choses, de la mine sérieu.
se du garçon, du nom du restaurateur tramé
dans les serviettes, d'un verre qui tombe
ayec un bruit clair, d'une bouteille que
l'on a de la peine à déboucher ; ne voulait
pas qu'on remportât les crevettes, disait :
« Est-ce que ça se mange, tous ces plats
qu'il y a sur la carte ? » exigeait qu'on les
commandât tous. Dame, elle n'avait ja-
mais dîné en cabinet particulier ! Et elle
ne cessait pas de rire. Il la laissait faire
et la laissait jacasser, indulgent. Il son-
geait à la joie de la comtesse d'Asprières
quand elle apprendrait que sa fille, si mo-
rose d'ordinaire et si brutale, avait eu ces
franches gaietés. A un moment, comme
elle avait beaucoup bu, — beaucoup, pour
son âge, versant elle-même, forçant
le comte à boire, — « Ah l'mon Dieu!
comme il fait chaud ! D dit-elle. « Veux-tu
que j'ouvre la fenêtre ? — Mais non ! mais
non f » et, d'un geste vif, elle déboutonna
le haut de son corsage. Une étroite blan-
cheur, quelque chose de grêle et de
pâle, apparut. Il regardait, étonné. Bah 1
presque sa fille. Il regardait toujours, sans
défiance, non sans plaisir. Elle ne cessait
pas d'être diablesse, versant du Cham-
pagne, encore, s'écriant : 4 Mais buvez
donc ! moi, je crois que je suis grise, un
peu. » Et, à chaque plat que l'on mettait
sur la table, — relevant le corsage quand
le garçon entrait, le laissant retomber
quand le garçon était sorti, — elle avait
des exclamations puériles, demandant
avec quoi c'était fait. « N'importe, c'est
très bon ! » Ses dents, sous les lèvres re-
troussées, luisaient comme un éclair de
neige. D'ailleurs elle trouvait que, mainte-
nant, il faisait bien plus chaud. «Vous aviez
raison, si l'on ouvrait la fenêtre? » Elle
se leva, alla vers la croisée, mais elle se
ravisa, tourna surses talons, et, débouton-
nant son corsage jusqu'à la ceinture, elle
se laissa tomber sur les genoux du comte,
en murmurant : « Ah ! mais, oui, je suis
très grise. Ce qui serait charmant, ce se-
rait d'avoir son lit ici! a Il devint très pâle.
Il comprenait enfin, presque. La repous-
ser, lui dire : « Voyons, il est tard, votre
mère s'inquiète, mettez votre chapeau,
partons, » c'était ce qu'il voulait. Mais
du corsage ouvert, où les grêles seins
pâles tremblaient dans la mousseline, il
venait une si douce Caresse d'odeur fraî-
che, la chaleur des petites jambes, sur
ses genoux, était si enlaçante et câline,
les dents blanches, mouillées encore de
Champagne, lui riaient si près des lèvres,
qu'une folie l'emporta, — c'était ce Moët,
aussi, bu coup sur coup, — et qu'il l'a prit
entre ses bras, violemment, lui serrant
des deux mains le cou, la bouche cher-
chant la bouche. Mais alors elle s'échappa,
dans un grand rire de triomphe, ramassa
sa cravache tombée à terre, lui en cingla
le visage, comme elle avait fait aux pale-
freniers, ouvrit la porte, s'enfuit, demanda
son cheval ; et, une heure après, en-
trant dans le salon de sa mère, où des
gens jouaient au whist en écoutant une
sonate : « Eh ! bien, tu sais, cria-t-elle,
ton mari, lui, ne trouve pas que je suis
une petite fille, et je te l'aurais pris, si
j'en avais voulu I »
CATULLE MENDEs.
■— ♦1 ■
Nouvelles & Echos
Hier, dans la matinée, est arrivée à
Paris S. A. R. la princesse Béatrice,voya-
geant sous le nom de comtesse Béatrice
de Kent.
Son Altesse, qui arrive d'Aix-les Bains,
est accompagnée de lady Southampton, sa
darne d'honneur; du major Edwards et de
miss Edwards, sa femme, ainsi que du
docteur Iloffineister et de M. Lanne, di-
recteu*r des voyages de S. M. la reine Vic-
toria.
Le séjour de Son Altesse sera très
court:
"--
On a parlé d'une initiative que prendrait
le prince de Galles et qui redonnerait un
peu d'animation à un lieu de plaisir fa-
meux autrefois, bien délaissé aujourd'hui.
M s'agirait de célébrer le cinquantenaire
des courses de Bade. Nous croyons, avec
notre fin et spirituel confrère Chapelle,
que le projet n'aura pas de suite. Quel-
ques-unes de nos élégantes auxquelles on
aurait demandé si elles seraient disposées
à se rendre à Bade à cette occasion, au-
raient répondu par un refus. C'est un
mouvement patriotique dont nous ne sau-
rions trop les louer.
Sans doute la nature n'est pas respon-
sable de la passion des hommes qui choi-
sissent parfois pour s'égorger les sites les
plus poétiques. Les arbres de la forêt
Noire sont toujours beaux et les pelouses
toujours vertes, mais Bade est trop voisin
de Strasbourg ; il rappelle à tous de dou-
loureux souvenirs. Pendant trente ans la
France et l'Allemagne ont fraternisé là et
montré vis-à-vis l'une de l'autre une cor-
dialité qui était sincère seulement da
côté de la France.
Que de belles visions apparaissent de-
vant le regard des hommes de la généra-
tion en train de disparaître lorsqu'on parle
de Bade ! • Sous Louis-Philippe et Napo-
léon III, Bade a été vraiment la capitale
d'été de l'Europe. Toutes les aristocra-
toutes les célébrités, toutes les beau-
ties, de l'univers ont défilé dans le salon de
tés
la Conversation que Scholl appelait : « Un
grenier à foin bâtard du Partliénon.»
On sait que la plupart des habitations
qu'on loue sur les bords de la mer sont at-
tenantes les unes aux autres et que leur
construction est tellement primitive, qu'on
entend tout ce qui se passe,chez le voi-
sin. Habiter des lanternes de ce genre n'a
pas gran4 inconvénient pour d'honnêtes
épiciers qui ne demandent qu'à se repo-
ser. Mais il n'en est pas de même lorsque
vous voulez rire et vous amuser. Je sais
qu'étant chez vous, vous êtes libre de faire
ce que bon vous semble ; mais,cependant,si
votre voisin est uii-célibataire, qui ne de-
mande qu'à sortir de cet état, vous êtes
tenu à plus de réserve ; car vous troublez
son sommeil et vous peuplez ses rêves de
choses étranges et bizarres.
C'est ainsi qu'un de nos amis, un des
chroniqueurs les plus au courant du Paris-
mondain maudit chaque jour l'idée qui l'a
amené à venir en déplacement sur les
bords de la Manche. Figurez-vous qu'il a
pour voisins deux jeunes amoureux qui
se donnaient la chasse tous les- matins à
partir de cinq heures, et pendant qu'ils se
poursuivent de pièce en pièce, ainsi que
le recommandai' jadis M. de Pêne dans
son article : le Steeple-chase de l'amour,
la femme ne trouve rien de mieux, sans
doute pour donner de l'action au poursui-
van,tque de lui crier à pleins poumons: Al-
lons! petit polisson, veux-tu bien finir J
Petit polisson, va ! Vous voyez d'ici dans
quel état de rage cette scène matinale
met notre ami.
La belle comtesse de Lonsdale va se re-
marier. On se souviendra que son mariage
avec lord Lonsdale n'était pas du tout de
son goût, mais qu'elle y avait été forcée
par sa mère. Lady Lonsdale était très at-
tachée à un jeune homme irlandais, M.
Lake White, et c'est avec lui qu'elle va'
enfin pouvoir se marier. M. Lake White
est fils de lord Annaly, mais no joait pas
d'une très grande fortune. Lady Lonsdale
e une dot de 250,000 francs de rente.
: Cest du côté de la Bretagne que nous
vient la note gaie. Les journées des 5, 6
et 7 août marqueront dans les fastes de
la ville de Dinan.
La réunion des courses a été des plus
brillantes cette année. Dinard en entier et
de nombreux baigneurs de Saint-Malo
s'étaient transportés sur l'hippodrome de
l'Aublette.
Nous avons remarqué nombre de voi-
tures fort bien attelées. Le mail du comte
de Carcaradec, si admiré cette année au
concours hippique; sur le stage, une
vraie corbeille : la belle vicomtesse de
Bourgueney, Mme de la Mettrie, la blonde
Mme A. de Sonia, Mme de Lanjamet.
Parmi les hommes, le vicomte de Ker-
gus, de Sonis, de la Mettrie, d'Arcan-
gues, de la Motte.
Parmi les autres attelages, citons le
panier du duc de Bisaccia, attelé de qua-
tre poneys ; le mail du comte de Carcouët,
traîné par quatre vigoureuses portières ;
la victoria du comte de Largentaye, avec
ses magnifiques alezans; le vis-à-vis du
comte des Nétumières, attelage correct
et irréprochables; les poney-chaises du
comte de Carné et de M. de Piennes, et
environ une centaine de voitures fort élé-
gantes.
X
Nous avons remarqué dans la foule,
outre les officiers de cavalerie de la bri-
gade et les jolies Anglaises si nombreu-
ses à Dinan, la marquise d'Audiffret-Pas-
quier, la vicomtesse de Laborde, Mme la
marquise do Bizien. vicomtesse de Bois-
renard, de Saint-Gilles, Mme Hamilton,
du Cor de Duprat, de Biré, de Chatelper-
ron, de Richebourg, de Grainville, Van
Merlen, baronne de Charrette.
Parmi les hommes, le général de Biré,
le marquis de Castellane, le général ba-
ron de Charrette, le colonel Renaufc-Mar-
lière, le colonel du Hautbourg, le marquis
ia Bile comte des Nétumières.
X
Le lendemain des courses, tout ce pu-
blic d'élite se rencontrait dans les landes
de la Garaie, où la. Société de Rallye-
Dinan, fondée par les officiers de cavale-
rie, offrait à ses invités un drag des plus
émouvants. Rien de plus pittoresque, par
un beau soleil d'été, comme de voir cin-
quante cavaliers, dragons, hussards,gent-
lemen en habit rouge, galoper dans les
landes et franchir les talus bretons qui
font la réputation d'adresse des chevaux
du pays.
L'arrivée a eu lieu dans les prairies au
pied du château de la Garaie, sous les
ombrages duquel était servi un lunch des
plus exquis.
Le tout agrémenté d'nu petit bal cham-
pêtre au son de l'excellente musique du
24° dragons.
Cette magnifique fêta fait grand honneur
aux officiers de la brigade de cavalerie,
qui ont déployé un entrain et une galan-
terie que les invités ont su apprécier.
Malgré les précautions que l'on prend
dans certains tripots bien tenus pour n'y
recevoir que le moins possible de gens
véreux, il y a toujours des rastaquouères
étrangers qui trouvent le moyen de se
faufiler partout. On nous signale certain
Roumain,ancien maquignon à Bucharest,
qui, venu à Paris, a préféré à l'élevage
des chevaux le métier de professeur de
poussette au baccarat. Comme l'oiseau de
proie, il suit les banquiers, les moins mé.
pants, de cercle en cercle. Il a débuté rue
d'Aguesseau et c'est maintenant dans un
cercle voisin des Variétés qu'il exerce son
métier. Il cultive aussi le bésigue chinois
- avec succès, et c'est ce trop de succès à ce
jeu qui lui a valu l'algarade que lui a faite
mercredi dernier un joueur qu'il avait
chambré.
Encore une fois, banquiers, méfiez-vous
de ce pousseteur.
Le mauvais temps qui a désolé la plu-
part de nos bains do mer à la mode et qui
a fait dire que la saison actuelle était celle
des écriteaux à louer, n'a pas empêché la
comtesse de Guibert de donner à son cha-
let de Coutainville, à Boulogne, une fête
des plus gaies et des plus réussies.
Si nous devions donner les noms des
nombreuses personnes qui se trouvaient à
cette kermesse, il nous faudrait citer les
noms de toutes les personnes marquantes
qui se trouvent en ce moment-dans cette
station.
A Paris, où elle réside l'hiver, l'hôtel de
la comtesse est ouvert à tous ceux qui re-
présentent dignement les arts, les lettres,
le sport.
A la mer, c'est la fnême chose : aussi les
fêtes qui sont données au chalet de Cou-
tainville sont-elles toujours fort suivies.
- f
Le château de Précy sera, au mois de
novembre , le théâtre de réunions do
chasse et do fêtes magnifiques.
Le comte de la Barre, qui vient de re-
monter ses équipages de chasse, ne com-
mencera ses laisser-courre qu'à partir de
la Saint-Hubert.Il y aura ce jour-là messe
au château.
La réunion sera fautant plus belle que
deux autres équipages doivent venir se
joindre à celui du comte de la Burn qui
est un des meilleurs véneurs de la Ven-
deo. -
«m
Réponse a la lettre que nous avons re-
çue cette semaine et qui commence par
ces mots : « Que ferait le Diable Boiteux
si on lui communiquait. 1»
Le Diable Boiteux s'empresserait de
mettre à profit pour les lecteurs de Gil
Blas tout ce qui lui serait envoyé d'inté-
ressant et d'amusant.
Le concours international de tir au fusil
de .chasse du parc de Saint-Ouen conti-
nue, et voici, à ce jour, la situation des
différents concurrents :
Cible de chasse : MM. Faucher 57,57;
Proudhon 57,56; Rajon 57,56; Beaugey
58,54 ; Poncelet 56,55 ; Petit-Legat 56,54 ;
Dorey 55,55 ; Mignard 56.53 ; Guillemond
57,51 ; Mme Proudhon 53,51 ; MM, de Fa-
latens 53,50 ; Lalin 48,45 ; de Montais
48.45; Seyboth 50,42; Rçbctercr 47,45;
Kœohlin 46,44 ; Germain 43,43; Senwnce
41,40; de- Falandre 42 24.
Cible sanglier (principales séries) : MM.
Rajon 29,23^ Faucher 27,26; Rongé
27,24; Lalin 26,25; de Falatens 25,25:
Seyboth 26,22; Beaugey 25,22 ; Dorey
22,21; Semance 22,19; Duval 19,17 ;
Roederer 20,14; Moudin 18,16; Gormain
18,16 ; de Geirie 20,13 j de Nontais 48,15 j
Scribot 20,12.
Malgré la proposition ridicule qu'il a
faite récemment, le baron de San-Malato
vient de recevoir un 'nouveau cartel, à
fleurets mouchetés, bien entendu.
M. Montsarrat, l'excellent maître d'ar-
mes de Toulouse, vient de lancer un défi
au fameux tireur sicilien en le conviant
de venir se mesurer avec lui.
San-Malato, qui est en train de fourbir
ses armos, n'a pas encore répondu,.
NOUVELLES A LA MAIN
La dernière frasque de Bébé.
— Dis donc, monsieur ? Papa qui disait
l'autre jour que tues l'écume de la So-
ciété ! L'écume !. c'est-y avec toi qu'on
fait les pipes ?
.¥1. N
• Dans un salon, devant des dames, un
savant chimiste cause avec agrément sur
les substances détonantes et explosives.
- Enfili, monsieur, selon vous, quel
est le produit le plus dangerour? demande
une jeune et jolie personne qui remue
comme un diable dans un nuage de faille
et de dentelles.
— Madame, réplique galamment et en
s'inclinant le bon chimiste, je crois quo
c'est le frou-froulminate de soie 1
LE DIABLE BOITEUX
11 ■ » ^i ■
LES CARESSES
Non, mon ami, n'y songez plus. Ce que
vous me demandez me révolte et me dé-
goûte. On dirait que Dieu, car je crois à
Dieu, moi, a voulu gâter tout ce qu'il a
fait de bon en y joignant quelque chose
d'horrible. Il nous avait donné l'amour, la
plus douce chose qui soit au monde, mais,
trouvant cela trop beau et trop pur pour
nous, il a imaginé les sens, les sens igno-
bles, sales, révoltants, brutaux, les sens
qu'il a façonnés comme par dérision et
qu'il a mêlés aux ordures du corps, qu'il a
conçue de telle sorta que nous n'y pou-
vons songer sans rougir, que nous n'en
pouvons parler qu'à voix basse. Leur
acte affreux est enveloppé de honte. Il se
cache, révolte l'âme, blesse les yeux, et,
honni par la morale, poursuivi par la loi,
il se commet dans l'ombre, comme s'il
était criminel.
Ne me parlez jamais de cela, jamais !
Je ne sais point si je vous aime, mais
je sais que je me plais près do vous, que
votre regard m'est doux et que votre voix'
me caresse le cœur. Du jour où vous au-
riez obtenu do ma faiblesse ce que vous
désirez, vous me deviendriez odieux. Le
lien délicat qui nous attache l'un à l'autre
serait brisé. Il y aurait entre nous un
abîme d'infamie.
Restons ce que nous sommes. Et. ai-
mez-moi si vous voulez, je le permets.
Votre amie,
GENEVIÈVE.
Madame, voulez-vous me permettre à
mon tour de vous parler brutalement,
sans ménagement galants, comme je par-
lerais à un ami qui voudrait prononcer des
vœux éternels ?
Moi non plus je ne sais pas si je vous
aime. Je ne le saurais vraiment qu'après
cette chose qui vous révolte tant.
Avez-vous oublié les vers de Musset :
Je me sonviens encor de ces spasmes terribles,
De ces baisers muets, de ces muscles ardents,
De cet être absorbé, blême, et serrant les dents.
S'ils ne sont pas divins, ces moments sont hor-
J ribles
Cette sensation d'horreur et d'insurmon-
table dégoût, nous l'éprouvons aussi quand,
emportés par l'impétuosité du sang, nous
nous laissons aller aux accouplements
d'aventure. Mais quand une femme est
pour nous l'être d'élection, de charme
constant, de séduction infinie que vous
êtes pour moi, la caresse devient le plus
ardent, le plus complet et le plus infini des
bonheurs.
La caresse, madame, c'est l'épreuve de
l'amour. Quand notre ardeur s'éteint après
l'étreinte, nous nous étions trompés.
Quand elle grandit, nous vous aimons.
Un philosophe, qui ne pratiquait point
ces doctrines, nous a mis en garde contre
ce piège de la nature. La nature veut des
êtres, dit-il, et pour nous contraindre à
les créer, il a mis ce double appas de
l'amour et de la volupté, auprès du piège.
Et il ajoute : Dès que nous nous sommes
laissé prendre, dès que l'affolement d'un
instant est passé, une tristesse immense
nous saisit, car nous comprenons la ruse
qui nous a trompés, nous voyons, nous
sentons, nous touchons la raison secrète
et voilée qui nous a poussés malgré nous.
Cela est vrai souvent, très souvent.
Alors nous nous relevons écœurés. La
nature nous a vaincus, nous a jetés, à son
gré, dans des bras qui s'ouvrient parce
qu'elle veut que les bras s'ouvrent.
Oui, je sais les baisers froids et violents
sur des lèvres inconnues, les regards
fixe3:etardentsen des yeux qu'on n'a jamais
vus et qu'on ne verra plus jamais, et tout
ce que je ne peux pas dire, tout ce qui
nous laisse à l'âme une amère mélan-
colie.
Mais, quand cette sorte de nuage d'af-
fection, qu'on appelle l'amour, a enveloppé
deux êtres, quand, ils ont pensé l'un à
l'autre longtemps, toujours, quand le
souvenir pendant l'éloignement veille sans
cesse, le jour, la nuit, apportant à l'âme
les traits du "Visage, et lo sourire, et le
son de la voix ; quand on a été obsédé,
possédé par la forme absente et toujours
visible, dites, n'est-il pas naturel que les
bras s'ouvrent enfin, que les lèvres s'u-
nissent, et que les corps se mêlent?
N'avez-vous jamais eu le désir du bai-
ser? Dites-moi si les lèvres n'appellent
pas les lèvres, et si le regard clair, qui
semble couler dans les yeiuee, ne soulève
pas des ardeurg furiçujéfs, irrésistibles'.
Certes, c'est là le piège, le piège im.
monde, dites-vous ? Qu'importe, je le sais-,
j'y tombe, et je l'aime! La nature nous
donne la caresse pour nous cacher sa ruse,
pour nous forcer malgré nous, à étornisep
les générations. Eh bien, volons-lui la ca«
resse, faisons-la nôtre, raffinonsla, chan-
geons-la, idéalisons-la, si vous voulez.
Trompons, à notre tour, la Nature, cette
trompeuse. Faisons plus qu'elle n'a voulu,;
plus qu'elle n'a pu ou osé nous appren..
dre. Que la caresse soit comme une ma*
tière précieuse sortie brute do la terre,'
prenons-la et travaillons-la et perfection-
nons-la sans souci des desseins premiers,
de la Volonté dissimulée de ce que vouu
appelez Dieu. Et oomme c'est la pensée
qui poétise tout, poétisons-la, madame,
jusque dans ses brutalités terribles, dans
ses plus impures combinaisons, jusque
dans ses plus monstrueuses inventions.
Aimons la caresse savoureuse comme
le vin qui grise, comme le fruit mûr qui
parfume la bouche, comme tout ce qui
pénètre notre corps de bonheur. Aimons
la chair parce qu'elle est belle, parce
qu'elle est blanche et ferme, et ronde et
'douce, et délicieuse sous la lèvre et sous
les mains.
Quand les artistes ont cherché la forme
la plus rare et la plus pure pour les cou-
pes où l'art devait boire l'ivresse, ils ont
choisi la courbe des seins, dont la fleur
ressemble à celle des roses.
Or, j'ai lu dans un livre érudit, qui
s'appelle le Dictionnaire des Sciences mé-
dicales, cette définition de la gorge des
femmes, qu'on dirait imaginée par M. Jo-
seph Pruahomme devenu docteur en mé-
decine :
« Le sein peut être considéré chez la
fenîme comme un objet en même temps
d'utilité et d'agrément. »
Supprimons, si vous voulez, l'utilité et
ne gardons que l'agrément. AuraiWl cette
forme adorable qui appelle irrésistible-
ment la caresse s'il n était destiné qu'à
nourrir les enfants ?
Oui, madame, laiosons les moralistes
nous prêcher la pudeur, et les médecins la
prudence 2 laissons les poètes, ces trom-
peurs toujours trompés eux-mêmes, chan-
ter l'union chaste des âmes et le bonheur
immatériel; laissons les femmes laides à
leurs devoirs et les hommes raisonnables
à leurs besognes inutiles; laissons les
doctrinaires à leurs doctrines, les prêtres
à leurs commandements, et nous, aimons
avant tout la caiesse qui grise, affole,
énerve, épuise, ranime, est plus douce
que les parfums, plus légère que la brise,
plus aiguii que les blessures, rapide et dé-
vorante: qui fait prier, qui fait pleurer,
qui fait gémir, qui fait crier, qui fait com-
mettre tous les crimes et tous les actes de
courage! ,
Aimons-la, non pas tranquille, normale,
légale; mais violente, furieuse, immodé-
réel Recherchôns-Ia comme on recherche
l'or et le diamant, car elle vaut plus, étant
inestimable et passagère ! Poursuivons-la
sans cesse, mourons pour elle et par elle 1
Et si vous voulez, madame, que je vous
dise une vérité que vous ne trouverez, je
crois, en aucun livre, — les seules fem-
mes heureuses sur cette terre sont celles
à qui nulle caresse ne manque. Elles vi-
vent, celles-là, sans soucis, sans pensées
torturantes, sans autre désir que celui du
baiser prochain qui sera délicieux et apai"
sant comme le dernier baiser.
Les autres, celles pour qui les caresses
sont mesurées, ou incomplètes, ou rares,,
vivent harcelées par mille inquiétudes'
misérables, par des désirs d'argent ou de
vanité par tous les événements qui de-
viennent des chagrins.
Mais les femmes caressées à satiété
n'ont besoin de rien, ne désirent rien, ne
regrettent rien. Elles rêvent tranquilles
et souriantes, effleurées à peine par ce qui
serait pour les autres d'irréparables ca-
tastrophes, car la caresse remplace tout,
guérit de tout, console de tout I
Et j'aurais encore tant de choses &
dire!.
HENRI.
Ces deux lettres, écrites sur du papier,
japonais en paille de riz, ont été trouvées
dans un petit portefeuille en cuir do
Russie, sous un prie-Diou de la Madeleiile,.
hier dimanche, après la messe d'une
heure, par
heul'e , par JlAUFRlGNEUSE.
..i. i.
LA CiiME ? COURBEVOIE-
C'est par une journée resplendissante et-
sous un soleil brûlant qu'a eu lieu l'inaugu-
ration du monument de Courbevoie, destiné!
à perpétuer le souvenir de la défense h1
roïque de Paris contre l'invasion allemand
Le plateau de Courbevoie qui, de sa hau-
teur, domine la grande cité, était dès le ma-
tin envahi par une foule considérable. Des
estrades avaient été improvisées, des bara-
ques s'étaient élevées comme par enchante-
ment. Il est inutile de dire, jo pense, qu'on
vendait des gravures et des médailles dG-
circonstance. Au milieu d0 la place, la statue
et autour d'elle les banquettes et la tribune
officielle recouvertes de drap rouge frangé
d'or. v
Une allée avait/été ménagée entre ces ban-
quettes, et c'est là que devait avoir lieu le
défilé. La description de la statue a été trop
souvent faite pour que je la réédite aujour-
d'hui. Qu'il me suffise de dire que, sur un
socle en granit, le groupe allégorique, en
bronze, représente Paris, sous les traits d'une
femme recouverte de la capote militaire, te
nant d'une main un drapeau et de l'autre une
épée. Aux pieds de cette femme, incarnation
virile et superbe de la grande ville, un soldat
râlant et l'œil à demi éteint arme son fusil
pour brûler sa dernière cartouche avant d'ex.
pirer. Il y a certainement du mouvement et
de la vie dans cette oeuyre, l'une des meil-
leures du sculpteur Barrias. mais l'on n
peut que regretter quo la statue de Paris na
soit pas tournée vers 1 Est : c'est une remar-
que qui a été généralement faite.
A quatre heures, le canon du Mcnt-Valérieii
tonne, et les autorités civiles et militaires
prennent place sur re £ trade*officie'Ie.
Voici M. Waldeck-Rousseau, ministre de
l'intérieur ; le général Villemot, représentant
le général Thibaudin, ministre de la guerre;
le colonel Lichtenstein, représentant lé
président de la République; le général Tho*
mas; MM. Ca&ot, président de la cour de cas,,;
A. SIJlSG^T, Directeur
a
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PARIS, 1 mois. 41 fr.tfO
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Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et i-ecommencor,
le lendémain. — J. JANIN, préface de Gil Blas.
A. DVIIOIT Dlreefear
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MM. DOLLINOEN FILS, SÉOUY ET Cie
16 rue de la Grange-Batelière, 16
ET A L'ADMINISTRATION
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
10, BOULEVARD DES CAPUCINES. 10
SOMMAIRE
LES JEUNES AILLES (Léa;. — Catulle Mendès.
NOUVELLES ET ECHOS. — Le Diable Boiteux.
LES CARESSE?. -S- Maufrigneuse.
LA CÉRFEMONIB DE COCRBEATOIE. — Femand Jau.
A TRAVERS LA POLITMJUB. — Le Sage.
INFORMATIONS. — Georges. Buret,
LB JEU DE PAtHdB. — F. X.
PROPOS DU DOCTEUR. — DT E. Monin.
LES FAITS DU JOUR. — Pierre Ferrare.
TOUR DU MONDE. — Louis Rozier.
JOURNAUX ET REVUES. — Jean Ciseaux*
LES LIVRES. — Paul Ginisty.
SPORT. - The Farmer.
COURRIER DES THÉÂTRES. — G. de Trogolf.
LA SEMAINE FINANCIÈRE.
P,ASSE-TEMPS. - E. Framery.
FEUILLETON : LES BONNES OBNS DE CHEZ NOUS.
— Marc Beaugeix.
Après l'intéressant feuilleton qu'il
ionne en ce moment, GIL BLAS com-
mencera la publication d'un nouveau
;oman de J. BARBEY D'AURÉVILLY,
hauteur de cette JBKstoîi-e sans
Nom que GiL BLAS a publiée, il y
a un an, et qui eut un si grand succès.
Le roman d'aujourd'hui est un livre
d'une analyse et d'une passion égale-
ment exaspérées, dans lequel on recon-
naîtra ce genre de plume qui a écrit
La Vieille Maîtresse et
Les îMatoolisïiies, et ce livre,
qui est une idée et une question, por-
tera le titre mystérieux, qui fait rêver
et qui impatiente l'imagination de son
mystère :
CE QUI NE MEURT PAS
LES JEUNES FILLES
"'II.
LÉA
1
"En six mois, deux palefreniers ont de-
mandé leur congé, parce que Mlle Léa
leur avait cinglé la face à grands coups
de cravache! Enfant ciicore,- seize ans à
peine, — elle a des violences soudaines de
petite bête fauve. Ses trépignements de
ïllette — pour une gronderie ou pour un
taprice contrarié — sont des attaques
ie nerfs qui veulent mordre et qui mor-
dent. Ses mains, dans ses colères, empoi-
gnent le bois de la table et y enfoncent les
ongles. Elle a une façon impérieuse et
méprisante de regarder les gens, qui a
fair de prévoir quelque insulte et déjà
d'y répondre. Soupçonneuse à l'excès, elle
guette dans les sourires, dans les hausse-
ments d'épaules, dans les paroles mal en-
tendues, des intentions d'outrage ou d'iro-
nie, et ses rages, qui piétinent et cassent
les bibelots, n'attendent pas la certitude
de l'offense. Ce sont des enfants pareilles
à elle qu'ont dû être à seize ans les impé-
ratrices de Rome et les sanguinaires cour-
tisanes de l'Age de fer .Un de ses ancêtres,
au Brésil, — car elle est de race portu-
gaise, — fut un rude fouetteur de nègres,
un pendeur de mulâtresses, qui, le soir,
rentrait à la fazenda avec des taches de
eang sur son habit blanc de planteur ; elle
tient de l'aïeul, pour une lenteur à obéir
ou pour un ordre mal exécuté, le besoin
des justices immédiates, que l'on se fait à
toi-même, juge à la fois et bourreau ; et il
lui semble que ses esclaves, c'est tout le
toonde. L'éducation moite du couvent, la
- tie mondaine où depuis quelques mois elle
commence à paraître, n'ont pas attendri
ii frivolisé sa brutalité native. Elle est
:omme une de ces petites lionnes nées et
îlevées en cage, en qui se révolte l'ins-
tinct du coup de dent et du coup de griffe.
Même sa mère, de qui la tendresse s'étonne
et s'inquiète, ne réussit pas à la main-
tenir. Elle aime sa mère, 'certes, comme
.elle peut aimer, avec des effusions empor-
tées qui sautent au cou et mangent les
joues de baisers dans des larmes passion-
nées. N'importe, elle lui en veut souvent,
la déteste presque, par saccades, et aussi
en de sourdes rancunes qui sont la rési-
Intion de son impuissance. Pourquoi ?
A. cause des réprimandes, sans doute, et
les conseils. Elle n'a jamais oublié un
foufflet qu'elle a reçu quand elle avait
neuf ans ! Mais ce qui l'a surtout exaspé-
rée, — sans qu'elle ait clairement démêlé
les causes vraies de son irritation, - c'est
que madame de Pontevedra soit devenue
fa comtesse d'Asprières, se soit remariée
Encore jeune et belle, pas plus de trente-
trois ans. Que ce fût par colère du nom fami-
lial répudié ou par je ne sais quelle jalousie
héréditaire, inconsciente, qui ne s'ex-
plique pas, mais qui existe chez beaucoup
d'enfants du premier lit, Léa déclara
qu'elle n'assisterait point à la cérémonie
des noces, s'enferma, resta deux jours
entiers sans manger ni boire, voulant
mourir de faim, criait-elle à travers la
_porte ; on l'entendait, toute la nuit, frap-
per du poing, avec un bruit d'enfoncer
des clous, contre le bois de son lit. Et
jamais elle n'a pu s'habituer à la présence
da cet homme qui, n'étant pas le maître
de la maison, donne des ordres aux do-
mestiques, qui, n'étant pas le mari de sa
mère puisqu'il n'est pas son père, à elle,
entre dans la chambre conjugale, et qui,
trop jeune pour qu'elle puisse être sa fille,
la traite cependant avec des bonhommies de
camarade paternel, l'appelle : « Léa » tout
court, la tutoie, lui donne des tapes sur la
joue et, les soirs, vers onze heures, lui dit:
«Je crois qu'il esttempsque tu ailles te cou-
cher. J) Pour ces raisons, et pour d'autres,
sans raison aussi, — elle est née telle,
voilà tout, — elle est perpétuellement une j
susceptibilité en éveil, qui se rencoigne en
montrant les dents, prête à bondir, et qui
bondit; une fois, parce que le chat, en
jouant, l'avait égratignée, elle l'a pris au
cou, et le serrant, le serrant toujours, ses
doigts ne pouvant plus s'ouvrir, elle l'a
étranglé, malgré elle, avec plaisir, comme
l'abbé Delacollonge étrangla sa maî-
tresse! Ainsi faite, elle est peu à l'aise
dans le monde où ses reparties brutales,
ses : « Non, vous m'ennuyez » à ceux qui
l'invitent pour une danse, déconcertent
les politesses. Elle se tient le plus sou-
vent dans sa. chambre, marchant à grands
pas d'un mur à l'autre, lisant, sans s'as-
seoir, des livres, n'importe lesquels, dont
elle déchire les pages qui lui ont déplu;
et sa seule joie, c'est, le matin, quand
tout le monde dort encore dans l'hôtel, de
sauter en selle, en amazone courte, les
cheveux frisés sous un chapeau rond,
sans voile, presque un petit homme, sur un
cheval qu'elle a bridé elle-même, de cra-
vacher la bête en lui mettant l'éperon au
ventre, et de l'enlever, et de s'enfuir
dans un galop furieux le long des ar-
bres de l'avenue, et de tourner en plein
champ, et de franchir les fossés, les
ravins, les haies, sans souci des obstacles,
ne s'écartant pas pour un arbre qui tra-
verse la route ou pour une charrette qui
barre le chemin ; de sorte que plus d'une
fois, la jupe déchirée, les mains meur-
tries, - une blessure au front, elle a été
rapportée à l'hôtel, se débattant, par des
gens qui l'avaient ramassée, et qu'elle in-
juriait !
Une fois, comme elle achevait de s'ha-
biller pour un bal, dans la chambre de sa
mère, on frappa deux coups à la porte ;
le comte d'Asprières venait s'informer si sa
femme était prête à partir.
— Entre donc, dit celle-ci.
— Mais, maman, je n'ai pas encore mis
ma robe et j'ai les bras tout nus.
— Bon ? Après ? Tu es une petite fille.
Vous pouvez entrer, Georges !
Léa enfonça ses deux poing3, qui sai-
gnèrent, dans la glace où elle se mirait.
II -
Le lendemain, un peu avant le soir,
comme la grande chaleur du jour s'attié-
dissait dans un commencement de crépus-
cule, elle vint dans l'appartement du
comte d'Asprières, en costume de cheval,
la cravache à la main, avec un air point
fâché, qu'elle a très rarement.
— Ma mère est à la vente de charité
chez Mme de Rosavène, elle ne rentrera
pas de longtemps. Voulez-vous venir
vous promener avec moi, en attendant le
dîner ?
— Tiens, tu es de bonne humeur au-
jourd'hui. As-tu dit de seller les chevaux?
Partons.
Lui, bon cavalier, elle, folle amazone,
ce lut une course charmante sous les ar-
bres remués, du côté du Bois où les voitu-
res étaient rares déjà. En galopant, elle
bavardait, très gamine, riait pour une
branche qui lui rebroussait le chapeau,
montrait ses petites dents de jeune louve,
était très espiègle, avait des mots tout
drôles.Jamais elle ne s'était montrée aussi
bonne enfant, aussi joliment cordiale.
Comme ils suivaient une allée déserte:
« Tiens 1 à nous voir ainsi, tous les
deux, seuls, oa pourrait croire, savez-
vous, que vous êtes en bonne fortune ? »
Et de rire de plus belle. Il pouffait aussi.
Cela lui plaisait que cette sauvagesse
s'égayât, se fît mignonne, amusante,
amusée. Très jolie, d'ailleurs, avec son
air garçonnier. Une charmante prome-
nade. Mais il y eut un accident. Juste
ment comme ils passaient tout près du
pavillon d'Ermenonville, le cheval de
Léa, dans la vitesse du galop, butta con-
tre un tronc d'arbre et s'abattit. Elle était
déjà relevée, quand le comte eut sauté à
terre; pas blessée, se tenant les côtes,tant
elle riait, mais la figure barbouillée de
sable. « Vite, un cabinet ! » cria-t-elle
en entrant dans le restaurant ; et elle de-
manda du Champagne, pendant que le
comte s'inquiétait encore, prit la bou-
teille des mains du garçon, en cassa le
goulot sur le bord de la table, s'emplit les
paumes de vin doré, — l'air d'une petite
nymphe qui lape de l'eau dans ses mains,
— se mouilla tout le visage en buvant un
peu, releva sa tête folle où il y avait de la
mousse dans les cheveux frisés. « Au
moins, tu n'as pas de mal ? dit-il. — Ah 1
bien oui ! J'ai une idée : puisque nous
sommes ici, si nous dînions? » dit-elle.
Pourquoi pas ? Il consentit. Pendant le
dîner, elle fut tout à fait extraordinaire,—
si différente d'elle-même ! Elle se divertis-
sait des moindres choses, de la mine sérieu.
se du garçon, du nom du restaurateur tramé
dans les serviettes, d'un verre qui tombe
ayec un bruit clair, d'une bouteille que
l'on a de la peine à déboucher ; ne voulait
pas qu'on remportât les crevettes, disait :
« Est-ce que ça se mange, tous ces plats
qu'il y a sur la carte ? » exigeait qu'on les
commandât tous. Dame, elle n'avait ja-
mais dîné en cabinet particulier ! Et elle
ne cessait pas de rire. Il la laissait faire
et la laissait jacasser, indulgent. Il son-
geait à la joie de la comtesse d'Asprières
quand elle apprendrait que sa fille, si mo-
rose d'ordinaire et si brutale, avait eu ces
franches gaietés. A un moment, comme
elle avait beaucoup bu, — beaucoup, pour
son âge, versant elle-même, forçant
le comte à boire, — « Ah l'mon Dieu!
comme il fait chaud ! D dit-elle. « Veux-tu
que j'ouvre la fenêtre ? — Mais non ! mais
non f » et, d'un geste vif, elle déboutonna
le haut de son corsage. Une étroite blan-
cheur, quelque chose de grêle et de
pâle, apparut. Il regardait, étonné. Bah 1
presque sa fille. Il regardait toujours, sans
défiance, non sans plaisir. Elle ne cessait
pas d'être diablesse, versant du Cham-
pagne, encore, s'écriant : 4 Mais buvez
donc ! moi, je crois que je suis grise, un
peu. » Et, à chaque plat que l'on mettait
sur la table, — relevant le corsage quand
le garçon entrait, le laissant retomber
quand le garçon était sorti, — elle avait
des exclamations puériles, demandant
avec quoi c'était fait. « N'importe, c'est
très bon ! » Ses dents, sous les lèvres re-
troussées, luisaient comme un éclair de
neige. D'ailleurs elle trouvait que, mainte-
nant, il faisait bien plus chaud. «Vous aviez
raison, si l'on ouvrait la fenêtre? » Elle
se leva, alla vers la croisée, mais elle se
ravisa, tourna surses talons, et, débouton-
nant son corsage jusqu'à la ceinture, elle
se laissa tomber sur les genoux du comte,
en murmurant : « Ah ! mais, oui, je suis
très grise. Ce qui serait charmant, ce se-
rait d'avoir son lit ici! a Il devint très pâle.
Il comprenait enfin, presque. La repous-
ser, lui dire : « Voyons, il est tard, votre
mère s'inquiète, mettez votre chapeau,
partons, » c'était ce qu'il voulait. Mais
du corsage ouvert, où les grêles seins
pâles tremblaient dans la mousseline, il
venait une si douce Caresse d'odeur fraî-
che, la chaleur des petites jambes, sur
ses genoux, était si enlaçante et câline,
les dents blanches, mouillées encore de
Champagne, lui riaient si près des lèvres,
qu'une folie l'emporta, — c'était ce Moët,
aussi, bu coup sur coup, — et qu'il l'a prit
entre ses bras, violemment, lui serrant
des deux mains le cou, la bouche cher-
chant la bouche. Mais alors elle s'échappa,
dans un grand rire de triomphe, ramassa
sa cravache tombée à terre, lui en cingla
le visage, comme elle avait fait aux pale-
freniers, ouvrit la porte, s'enfuit, demanda
son cheval ; et, une heure après, en-
trant dans le salon de sa mère, où des
gens jouaient au whist en écoutant une
sonate : « Eh ! bien, tu sais, cria-t-elle,
ton mari, lui, ne trouve pas que je suis
une petite fille, et je te l'aurais pris, si
j'en avais voulu I »
CATULLE MENDEs.
■— ♦1 ■
Nouvelles & Echos
Hier, dans la matinée, est arrivée à
Paris S. A. R. la princesse Béatrice,voya-
geant sous le nom de comtesse Béatrice
de Kent.
Son Altesse, qui arrive d'Aix-les Bains,
est accompagnée de lady Southampton, sa
darne d'honneur; du major Edwards et de
miss Edwards, sa femme, ainsi que du
docteur Iloffineister et de M. Lanne, di-
recteu*r des voyages de S. M. la reine Vic-
toria.
Le séjour de Son Altesse sera très
court:
"--
On a parlé d'une initiative que prendrait
le prince de Galles et qui redonnerait un
peu d'animation à un lieu de plaisir fa-
meux autrefois, bien délaissé aujourd'hui.
M s'agirait de célébrer le cinquantenaire
des courses de Bade. Nous croyons, avec
notre fin et spirituel confrère Chapelle,
que le projet n'aura pas de suite. Quel-
ques-unes de nos élégantes auxquelles on
aurait demandé si elles seraient disposées
à se rendre à Bade à cette occasion, au-
raient répondu par un refus. C'est un
mouvement patriotique dont nous ne sau-
rions trop les louer.
Sans doute la nature n'est pas respon-
sable de la passion des hommes qui choi-
sissent parfois pour s'égorger les sites les
plus poétiques. Les arbres de la forêt
Noire sont toujours beaux et les pelouses
toujours vertes, mais Bade est trop voisin
de Strasbourg ; il rappelle à tous de dou-
loureux souvenirs. Pendant trente ans la
France et l'Allemagne ont fraternisé là et
montré vis-à-vis l'une de l'autre une cor-
dialité qui était sincère seulement da
côté de la France.
Que de belles visions apparaissent de-
vant le regard des hommes de la généra-
tion en train de disparaître lorsqu'on parle
de Bade ! • Sous Louis-Philippe et Napo-
léon III, Bade a été vraiment la capitale
d'été de l'Europe. Toutes les aristocra-
toutes les célébrités, toutes les beau-
ties, de l'univers ont défilé dans le salon de
tés
la Conversation que Scholl appelait : « Un
grenier à foin bâtard du Partliénon.»
On sait que la plupart des habitations
qu'on loue sur les bords de la mer sont at-
tenantes les unes aux autres et que leur
construction est tellement primitive, qu'on
entend tout ce qui se passe,chez le voi-
sin. Habiter des lanternes de ce genre n'a
pas gran4 inconvénient pour d'honnêtes
épiciers qui ne demandent qu'à se repo-
ser. Mais il n'en est pas de même lorsque
vous voulez rire et vous amuser. Je sais
qu'étant chez vous, vous êtes libre de faire
ce que bon vous semble ; mais,cependant,si
votre voisin est uii-célibataire, qui ne de-
mande qu'à sortir de cet état, vous êtes
tenu à plus de réserve ; car vous troublez
son sommeil et vous peuplez ses rêves de
choses étranges et bizarres.
C'est ainsi qu'un de nos amis, un des
chroniqueurs les plus au courant du Paris-
mondain maudit chaque jour l'idée qui l'a
amené à venir en déplacement sur les
bords de la Manche. Figurez-vous qu'il a
pour voisins deux jeunes amoureux qui
se donnaient la chasse tous les- matins à
partir de cinq heures, et pendant qu'ils se
poursuivent de pièce en pièce, ainsi que
le recommandai' jadis M. de Pêne dans
son article : le Steeple-chase de l'amour,
la femme ne trouve rien de mieux, sans
doute pour donner de l'action au poursui-
van,tque de lui crier à pleins poumons: Al-
lons! petit polisson, veux-tu bien finir J
Petit polisson, va ! Vous voyez d'ici dans
quel état de rage cette scène matinale
met notre ami.
La belle comtesse de Lonsdale va se re-
marier. On se souviendra que son mariage
avec lord Lonsdale n'était pas du tout de
son goût, mais qu'elle y avait été forcée
par sa mère. Lady Lonsdale était très at-
tachée à un jeune homme irlandais, M.
Lake White, et c'est avec lui qu'elle va'
enfin pouvoir se marier. M. Lake White
est fils de lord Annaly, mais no joait pas
d'une très grande fortune. Lady Lonsdale
e une dot de 250,000 francs de rente.
: Cest du côté de la Bretagne que nous
vient la note gaie. Les journées des 5, 6
et 7 août marqueront dans les fastes de
la ville de Dinan.
La réunion des courses a été des plus
brillantes cette année. Dinard en entier et
de nombreux baigneurs de Saint-Malo
s'étaient transportés sur l'hippodrome de
l'Aublette.
Nous avons remarqué nombre de voi-
tures fort bien attelées. Le mail du comte
de Carcaradec, si admiré cette année au
concours hippique; sur le stage, une
vraie corbeille : la belle vicomtesse de
Bourgueney, Mme de la Mettrie, la blonde
Mme A. de Sonia, Mme de Lanjamet.
Parmi les hommes, le vicomte de Ker-
gus, de Sonis, de la Mettrie, d'Arcan-
gues, de la Motte.
Parmi les autres attelages, citons le
panier du duc de Bisaccia, attelé de qua-
tre poneys ; le mail du comte de Carcouët,
traîné par quatre vigoureuses portières ;
la victoria du comte de Largentaye, avec
ses magnifiques alezans; le vis-à-vis du
comte des Nétumières, attelage correct
et irréprochables; les poney-chaises du
comte de Carné et de M. de Piennes, et
environ une centaine de voitures fort élé-
gantes.
X
Nous avons remarqué dans la foule,
outre les officiers de cavalerie de la bri-
gade et les jolies Anglaises si nombreu-
ses à Dinan, la marquise d'Audiffret-Pas-
quier, la vicomtesse de Laborde, Mme la
marquise do Bizien. vicomtesse de Bois-
renard, de Saint-Gilles, Mme Hamilton,
du Cor de Duprat, de Biré, de Chatelper-
ron, de Richebourg, de Grainville, Van
Merlen, baronne de Charrette.
Parmi les hommes, le général de Biré,
le marquis de Castellane, le général ba-
ron de Charrette, le colonel Renaufc-Mar-
lière, le colonel du Hautbourg, le marquis
ia Bile comte des Nétumières.
X
Le lendemain des courses, tout ce pu-
blic d'élite se rencontrait dans les landes
de la Garaie, où la. Société de Rallye-
Dinan, fondée par les officiers de cavale-
rie, offrait à ses invités un drag des plus
émouvants. Rien de plus pittoresque, par
un beau soleil d'été, comme de voir cin-
quante cavaliers, dragons, hussards,gent-
lemen en habit rouge, galoper dans les
landes et franchir les talus bretons qui
font la réputation d'adresse des chevaux
du pays.
L'arrivée a eu lieu dans les prairies au
pied du château de la Garaie, sous les
ombrages duquel était servi un lunch des
plus exquis.
Le tout agrémenté d'nu petit bal cham-
pêtre au son de l'excellente musique du
24° dragons.
Cette magnifique fêta fait grand honneur
aux officiers de la brigade de cavalerie,
qui ont déployé un entrain et une galan-
terie que les invités ont su apprécier.
Malgré les précautions que l'on prend
dans certains tripots bien tenus pour n'y
recevoir que le moins possible de gens
véreux, il y a toujours des rastaquouères
étrangers qui trouvent le moyen de se
faufiler partout. On nous signale certain
Roumain,ancien maquignon à Bucharest,
qui, venu à Paris, a préféré à l'élevage
des chevaux le métier de professeur de
poussette au baccarat. Comme l'oiseau de
proie, il suit les banquiers, les moins mé.
pants, de cercle en cercle. Il a débuté rue
d'Aguesseau et c'est maintenant dans un
cercle voisin des Variétés qu'il exerce son
métier. Il cultive aussi le bésigue chinois
- avec succès, et c'est ce trop de succès à ce
jeu qui lui a valu l'algarade que lui a faite
mercredi dernier un joueur qu'il avait
chambré.
Encore une fois, banquiers, méfiez-vous
de ce pousseteur.
Le mauvais temps qui a désolé la plu-
part de nos bains do mer à la mode et qui
a fait dire que la saison actuelle était celle
des écriteaux à louer, n'a pas empêché la
comtesse de Guibert de donner à son cha-
let de Coutainville, à Boulogne, une fête
des plus gaies et des plus réussies.
Si nous devions donner les noms des
nombreuses personnes qui se trouvaient à
cette kermesse, il nous faudrait citer les
noms de toutes les personnes marquantes
qui se trouvent en ce moment-dans cette
station.
A Paris, où elle réside l'hiver, l'hôtel de
la comtesse est ouvert à tous ceux qui re-
présentent dignement les arts, les lettres,
le sport.
A la mer, c'est la fnême chose : aussi les
fêtes qui sont données au chalet de Cou-
tainville sont-elles toujours fort suivies.
- f
Le château de Précy sera, au mois de
novembre , le théâtre de réunions do
chasse et do fêtes magnifiques.
Le comte de la Barre, qui vient de re-
monter ses équipages de chasse, ne com-
mencera ses laisser-courre qu'à partir de
la Saint-Hubert.Il y aura ce jour-là messe
au château.
La réunion sera fautant plus belle que
deux autres équipages doivent venir se
joindre à celui du comte de la Burn qui
est un des meilleurs véneurs de la Ven-
deo. -
«m
Réponse a la lettre que nous avons re-
çue cette semaine et qui commence par
ces mots : « Que ferait le Diable Boiteux
si on lui communiquait. 1»
Le Diable Boiteux s'empresserait de
mettre à profit pour les lecteurs de Gil
Blas tout ce qui lui serait envoyé d'inté-
ressant et d'amusant.
Le concours international de tir au fusil
de .chasse du parc de Saint-Ouen conti-
nue, et voici, à ce jour, la situation des
différents concurrents :
Cible de chasse : MM. Faucher 57,57;
Proudhon 57,56; Rajon 57,56; Beaugey
58,54 ; Poncelet 56,55 ; Petit-Legat 56,54 ;
Dorey 55,55 ; Mignard 56.53 ; Guillemond
57,51 ; Mme Proudhon 53,51 ; MM, de Fa-
latens 53,50 ; Lalin 48,45 ; de Montais
48.45; Seyboth 50,42; Rçbctercr 47,45;
Kœohlin 46,44 ; Germain 43,43; Senwnce
41,40; de- Falandre 42 24.
Cible sanglier (principales séries) : MM.
Rajon 29,23^ Faucher 27,26; Rongé
27,24; Lalin 26,25; de Falatens 25,25:
Seyboth 26,22; Beaugey 25,22 ; Dorey
22,21; Semance 22,19; Duval 19,17 ;
Roederer 20,14; Moudin 18,16; Gormain
18,16 ; de Geirie 20,13 j de Nontais 48,15 j
Scribot 20,12.
Malgré la proposition ridicule qu'il a
faite récemment, le baron de San-Malato
vient de recevoir un 'nouveau cartel, à
fleurets mouchetés, bien entendu.
M. Montsarrat, l'excellent maître d'ar-
mes de Toulouse, vient de lancer un défi
au fameux tireur sicilien en le conviant
de venir se mesurer avec lui.
San-Malato, qui est en train de fourbir
ses armos, n'a pas encore répondu,.
NOUVELLES A LA MAIN
La dernière frasque de Bébé.
— Dis donc, monsieur ? Papa qui disait
l'autre jour que tues l'écume de la So-
ciété ! L'écume !. c'est-y avec toi qu'on
fait les pipes ?
.¥1. N
• Dans un salon, devant des dames, un
savant chimiste cause avec agrément sur
les substances détonantes et explosives.
- Enfili, monsieur, selon vous, quel
est le produit le plus dangerour? demande
une jeune et jolie personne qui remue
comme un diable dans un nuage de faille
et de dentelles.
— Madame, réplique galamment et en
s'inclinant le bon chimiste, je crois quo
c'est le frou-froulminate de soie 1
LE DIABLE BOITEUX
11 ■ » ^i ■
LES CARESSES
Non, mon ami, n'y songez plus. Ce que
vous me demandez me révolte et me dé-
goûte. On dirait que Dieu, car je crois à
Dieu, moi, a voulu gâter tout ce qu'il a
fait de bon en y joignant quelque chose
d'horrible. Il nous avait donné l'amour, la
plus douce chose qui soit au monde, mais,
trouvant cela trop beau et trop pur pour
nous, il a imaginé les sens, les sens igno-
bles, sales, révoltants, brutaux, les sens
qu'il a façonnés comme par dérision et
qu'il a mêlés aux ordures du corps, qu'il a
conçue de telle sorta que nous n'y pou-
vons songer sans rougir, que nous n'en
pouvons parler qu'à voix basse. Leur
acte affreux est enveloppé de honte. Il se
cache, révolte l'âme, blesse les yeux, et,
honni par la morale, poursuivi par la loi,
il se commet dans l'ombre, comme s'il
était criminel.
Ne me parlez jamais de cela, jamais !
Je ne sais point si je vous aime, mais
je sais que je me plais près do vous, que
votre regard m'est doux et que votre voix'
me caresse le cœur. Du jour où vous au-
riez obtenu do ma faiblesse ce que vous
désirez, vous me deviendriez odieux. Le
lien délicat qui nous attache l'un à l'autre
serait brisé. Il y aurait entre nous un
abîme d'infamie.
Restons ce que nous sommes. Et. ai-
mez-moi si vous voulez, je le permets.
Votre amie,
GENEVIÈVE.
Madame, voulez-vous me permettre à
mon tour de vous parler brutalement,
sans ménagement galants, comme je par-
lerais à un ami qui voudrait prononcer des
vœux éternels ?
Moi non plus je ne sais pas si je vous
aime. Je ne le saurais vraiment qu'après
cette chose qui vous révolte tant.
Avez-vous oublié les vers de Musset :
Je me sonviens encor de ces spasmes terribles,
De ces baisers muets, de ces muscles ardents,
De cet être absorbé, blême, et serrant les dents.
S'ils ne sont pas divins, ces moments sont hor-
J ribles
Cette sensation d'horreur et d'insurmon-
table dégoût, nous l'éprouvons aussi quand,
emportés par l'impétuosité du sang, nous
nous laissons aller aux accouplements
d'aventure. Mais quand une femme est
pour nous l'être d'élection, de charme
constant, de séduction infinie que vous
êtes pour moi, la caresse devient le plus
ardent, le plus complet et le plus infini des
bonheurs.
La caresse, madame, c'est l'épreuve de
l'amour. Quand notre ardeur s'éteint après
l'étreinte, nous nous étions trompés.
Quand elle grandit, nous vous aimons.
Un philosophe, qui ne pratiquait point
ces doctrines, nous a mis en garde contre
ce piège de la nature. La nature veut des
êtres, dit-il, et pour nous contraindre à
les créer, il a mis ce double appas de
l'amour et de la volupté, auprès du piège.
Et il ajoute : Dès que nous nous sommes
laissé prendre, dès que l'affolement d'un
instant est passé, une tristesse immense
nous saisit, car nous comprenons la ruse
qui nous a trompés, nous voyons, nous
sentons, nous touchons la raison secrète
et voilée qui nous a poussés malgré nous.
Cela est vrai souvent, très souvent.
Alors nous nous relevons écœurés. La
nature nous a vaincus, nous a jetés, à son
gré, dans des bras qui s'ouvrient parce
qu'elle veut que les bras s'ouvrent.
Oui, je sais les baisers froids et violents
sur des lèvres inconnues, les regards
fixe3:etardentsen des yeux qu'on n'a jamais
vus et qu'on ne verra plus jamais, et tout
ce que je ne peux pas dire, tout ce qui
nous laisse à l'âme une amère mélan-
colie.
Mais, quand cette sorte de nuage d'af-
fection, qu'on appelle l'amour, a enveloppé
deux êtres, quand, ils ont pensé l'un à
l'autre longtemps, toujours, quand le
souvenir pendant l'éloignement veille sans
cesse, le jour, la nuit, apportant à l'âme
les traits du "Visage, et lo sourire, et le
son de la voix ; quand on a été obsédé,
possédé par la forme absente et toujours
visible, dites, n'est-il pas naturel que les
bras s'ouvrent enfin, que les lèvres s'u-
nissent, et que les corps se mêlent?
N'avez-vous jamais eu le désir du bai-
ser? Dites-moi si les lèvres n'appellent
pas les lèvres, et si le regard clair, qui
semble couler dans les yeiuee, ne soulève
pas des ardeurg furiçujéfs, irrésistibles'.
Certes, c'est là le piège, le piège im.
monde, dites-vous ? Qu'importe, je le sais-,
j'y tombe, et je l'aime! La nature nous
donne la caresse pour nous cacher sa ruse,
pour nous forcer malgré nous, à étornisep
les générations. Eh bien, volons-lui la ca«
resse, faisons-la nôtre, raffinonsla, chan-
geons-la, idéalisons-la, si vous voulez.
Trompons, à notre tour, la Nature, cette
trompeuse. Faisons plus qu'elle n'a voulu,;
plus qu'elle n'a pu ou osé nous appren..
dre. Que la caresse soit comme une ma*
tière précieuse sortie brute do la terre,'
prenons-la et travaillons-la et perfection-
nons-la sans souci des desseins premiers,
de la Volonté dissimulée de ce que vouu
appelez Dieu. Et oomme c'est la pensée
qui poétise tout, poétisons-la, madame,
jusque dans ses brutalités terribles, dans
ses plus impures combinaisons, jusque
dans ses plus monstrueuses inventions.
Aimons la caresse savoureuse comme
le vin qui grise, comme le fruit mûr qui
parfume la bouche, comme tout ce qui
pénètre notre corps de bonheur. Aimons
la chair parce qu'elle est belle, parce
qu'elle est blanche et ferme, et ronde et
'douce, et délicieuse sous la lèvre et sous
les mains.
Quand les artistes ont cherché la forme
la plus rare et la plus pure pour les cou-
pes où l'art devait boire l'ivresse, ils ont
choisi la courbe des seins, dont la fleur
ressemble à celle des roses.
Or, j'ai lu dans un livre érudit, qui
s'appelle le Dictionnaire des Sciences mé-
dicales, cette définition de la gorge des
femmes, qu'on dirait imaginée par M. Jo-
seph Pruahomme devenu docteur en mé-
decine :
« Le sein peut être considéré chez la
fenîme comme un objet en même temps
d'utilité et d'agrément. »
Supprimons, si vous voulez, l'utilité et
ne gardons que l'agrément. AuraiWl cette
forme adorable qui appelle irrésistible-
ment la caresse s'il n était destiné qu'à
nourrir les enfants ?
Oui, madame, laiosons les moralistes
nous prêcher la pudeur, et les médecins la
prudence 2 laissons les poètes, ces trom-
peurs toujours trompés eux-mêmes, chan-
ter l'union chaste des âmes et le bonheur
immatériel; laissons les femmes laides à
leurs devoirs et les hommes raisonnables
à leurs besognes inutiles; laissons les
doctrinaires à leurs doctrines, les prêtres
à leurs commandements, et nous, aimons
avant tout la caiesse qui grise, affole,
énerve, épuise, ranime, est plus douce
que les parfums, plus légère que la brise,
plus aiguii que les blessures, rapide et dé-
vorante: qui fait prier, qui fait pleurer,
qui fait gémir, qui fait crier, qui fait com-
mettre tous les crimes et tous les actes de
courage! ,
Aimons-la, non pas tranquille, normale,
légale; mais violente, furieuse, immodé-
réel Recherchôns-Ia comme on recherche
l'or et le diamant, car elle vaut plus, étant
inestimable et passagère ! Poursuivons-la
sans cesse, mourons pour elle et par elle 1
Et si vous voulez, madame, que je vous
dise une vérité que vous ne trouverez, je
crois, en aucun livre, — les seules fem-
mes heureuses sur cette terre sont celles
à qui nulle caresse ne manque. Elles vi-
vent, celles-là, sans soucis, sans pensées
torturantes, sans autre désir que celui du
baiser prochain qui sera délicieux et apai"
sant comme le dernier baiser.
Les autres, celles pour qui les caresses
sont mesurées, ou incomplètes, ou rares,,
vivent harcelées par mille inquiétudes'
misérables, par des désirs d'argent ou de
vanité par tous les événements qui de-
viennent des chagrins.
Mais les femmes caressées à satiété
n'ont besoin de rien, ne désirent rien, ne
regrettent rien. Elles rêvent tranquilles
et souriantes, effleurées à peine par ce qui
serait pour les autres d'irréparables ca-
tastrophes, car la caresse remplace tout,
guérit de tout, console de tout I
Et j'aurais encore tant de choses &
dire!.
HENRI.
Ces deux lettres, écrites sur du papier,
japonais en paille de riz, ont été trouvées
dans un petit portefeuille en cuir do
Russie, sous un prie-Diou de la Madeleiile,.
hier dimanche, après la messe d'une
heure, par
heul'e , par JlAUFRlGNEUSE.
..i. i.
LA CiiME ? COURBEVOIE-
C'est par une journée resplendissante et-
sous un soleil brûlant qu'a eu lieu l'inaugu-
ration du monument de Courbevoie, destiné!
à perpétuer le souvenir de la défense h1
roïque de Paris contre l'invasion allemand
Le plateau de Courbevoie qui, de sa hau-
teur, domine la grande cité, était dès le ma-
tin envahi par une foule considérable. Des
estrades avaient été improvisées, des bara-
ques s'étaient élevées comme par enchante-
ment. Il est inutile de dire, jo pense, qu'on
vendait des gravures et des médailles dG-
circonstance. Au milieu d0 la place, la statue
et autour d'elle les banquettes et la tribune
officielle recouvertes de drap rouge frangé
d'or. v
Une allée avait/été ménagée entre ces ban-
quettes, et c'est là que devait avoir lieu le
défilé. La description de la statue a été trop
souvent faite pour que je la réédite aujour-
d'hui. Qu'il me suffise de dire que, sur un
socle en granit, le groupe allégorique, en
bronze, représente Paris, sous les traits d'une
femme recouverte de la capote militaire, te
nant d'une main un drapeau et de l'autre une
épée. Aux pieds de cette femme, incarnation
virile et superbe de la grande ville, un soldat
râlant et l'œil à demi éteint arme son fusil
pour brûler sa dernière cartouche avant d'ex.
pirer. Il y a certainement du mouvement et
de la vie dans cette oeuyre, l'une des meil-
leures du sculpteur Barrias. mais l'on n
peut que regretter quo la statue de Paris na
soit pas tournée vers 1 Est : c'est une remar-
que qui a été généralement faite.
A quatre heures, le canon du Mcnt-Valérieii
tonne, et les autorités civiles et militaires
prennent place sur re £ trade*officie'Ie.
Voici M. Waldeck-Rousseau, ministre de
l'intérieur ; le général Villemot, représentant
le général Thibaudin, ministre de la guerre;
le colonel Lichtenstein, représentant lé
président de la République; le général Tho*
mas; MM. Ca&ot, président de la cour de cas,,;
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