Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-01-13
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1913 13 janvier 1913
Description : 1913/01/13 (N13049,A36). 1913/01/13 (N13049,A36).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/07/2012
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5 CENTIMES LE NUMÉRO
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TRENTE-SIXIEME ANNEE. — NUMERO 13.049
LUNDI 13 JANVIER 1913
24 NIVÔSE. - AN 121
5 CENTIMES LE NUMÉRO
Démission HÉltaMe
La situation de M. Millerand, que dès
hier nous jugions intenable, l'était si
bien qu'à l'heure présente sa démission
est virtuellement acceptée.
Au conseil des ministres d'hier matin,
le ministre de la guerre a exposé à ses
collègues les raisons qui, d'après lui,
justifiaient là mesure prise en faveur
de M. du Paty de Clam. Mais il a si peu
Convaincu les membres du gouverne-
ment, qu'il a dû prendre publiquement
la responsabilité personnelle de son
acte.
La note qui le constatait, en déga-
geant la responsabilité du cabinet, com-
portait implicitement un désaveu de" la
mesure qui avait si fort éinu les répu-
blicains. Ce désaveu devait fatalement
entraîner la démission du ministre. M.
Millerand l'avait compris, puisqu'il l'of-
frait aussitôt. L'offre fut pourtant décli-
née.
Mais ce ne pouvait être là qu'une so-
lution provisoire; elle maintenait une
équivoque que le chef du gouvernement
ne pouvait supporter. A la réflexion, les
ministres et M. Millerand lui-même s'a-
perçurent qu'il n'était pas possible d'en
rester là. Et hier soir, dans une réunion
à laquelle assistaient la plupart des
membres du cabinet, l'offre fut renouve-
lée. Les ministres se réuniront à nou-
veau ce matin pour délibérer officielle-
ment sur la situation, et il est hors de
doute que cette fois la démission du mi-
nistre de la guerre sera acceptée. -
Il n'en peut pas être autrement, et il
n'y a pas d'autre solution possible.
Quels que soient les mobiles de la ma-
lencontreuse mesure prise par M. Mille-
rand, et à supposer même qu'il n'en ait
pas vu tout de suite l'énormité, il reste-
rait au moins à sa charge une faute po-
x litique d'une telle gravité que seule la
démission du ministre responsable pour-
rait donner satisfaction à l'opinion pu-
blique.
M. Millerand est un homme trop aver-
ti des choses de la politique pour ne pas
l'avoir compris tout de suite. En quit-
tant le ministère de la rue Saint-Domi-
nique, il apporte lui-même la sanction
nécessaire et attendue par tous les ré-
publicains. Il répare, dans la mesure
infime où elle peut être réparée, l'erreur
— pour ne pas dire plus — dont il s'é-
tait rendu coupable.
Quant aux ministres, après avoir re-
fusé une première fois la démission de
leur collègue, par un sentiment de cour-
toisie assez explicable, ils ne peuvent
pas la refuser aujourd'hui.
, Ils ont à dégager définitivement la
politique du gouvernement d'un acte
qu'aucun républicain ne pouvait tolé-
rer.
M. Millerand parti, nous déclarerons
bous-mêmes l'incident clos. Il nous suf-
fira que le défi porté à l'opinion républi-
caine ait été suivi immédiatement de la
démission du ministre qui en avait pris
la responsabilité.
Et il sera entendu, une fois pour tou-
tes, qu'il ne peut pas être permis à un
ministre de la République d'effacer d'un
trait de plume les pires attentats con-
tre la justice et contre le droit.
EXIGENCES ROUMAINES
Les relations roumano-bulgares sont-elles
tendues à ce point qu'un conflit ne puisse
être désormais évité ? Telle est la question
qui se pose dans les milieux diplomatiques
et que les médiations les plus actives tant
-à Londres qu'à Saint-Pétersbourg s'essaient
à résoudre pacifiquement.
L'attitude de la Roum-anie au cours de
la crise orientale fut double jusqu'à ce
jour. Réservée dès l'origine de la guerre
balkanique elle a paru, au lendemain des
premières victoires définitives, audacieu-
ce et 'exigeante.
Alors qu'il y avait sans doute quelques
risques à s'associer à une action militaire
incertaine contre la Turquie, la Roumanie
s'est abstenue d'apporter aux alliés un
autre concours que celui de ses encoura-
gements pleins de prudence et de sa vir-
tuelle amitié.
En présence de la défaite irrémédiable
de la Porte, elle affirma aussitôt son in-
tention de participer au bénéfice des opé-
rations d'éclat accomplies par les alliés.
Et mesurant ses propres revendications à
l'importance des succès bulgares, elle pré-
tend aujourd'hui faire payer le prix de sa
neutralité passagère de la cession de Silis-
trtei
Les négociations entreprises depuis en-
tre M. Take Jonescu et M. Daneff, en dépit
de l'intervention fionciliatrice de sir gd
Grey, ont subi un échec qu'on représente
toutefois comme momentané.
Le gouvernement roumain n'en poursuit
pas moins la mobilisation de ses troupes
et se préparerait, dit-on, à envahir une por-
tion du territoire bulgare pour l'occuper à
titre de compensation anticipée de l'appui
amical qu'il se dispose à consentir à la
Bulgarie pour l'avenir..
■ Malheureusement la dépendance diplo-
matique de la Roumanie vis-à-vis de l'Au-
triche est telle depuis de longues années
qu'un pareil engagement conditionnel sem-
ble plus que précaire. M. Daneff, en ré-
pudiant de pareilles avances, ne dédaigne
point une amitié qui s'offre, mais il esti-
me à juste titre, semble-t-il, que les gages
qu'on lui demande en retour outrepas-
sent réellement les services moraux et
matériels rendus jusqu'à ce jour par une
neutralité un peu forcée.
Si l'on ne perd pas de vue par ailleurs
que ce marchandage territorial dissimule
assez mal l'antagonisme latent des cabi-
nets de Vienne et de Saint-Pétersbourg,
dont les inspirations dirigent les négocia-
tions actuelles, il convient donc de sou-
haiter ardemment de ne pas voir s'aggra-
ver cette tension roumano-bulgare.
La Roumanie assumerait une grave res-
ponsabilité si demain du seul excès de ses
prétentions devait renaître de ses cendres
le conflit balkanique provisoirement apai-
sé, grâce à l'influence et à l'union des
grandes puissances de l'Europe.
LES CONVENTIONS D'ARRAS
C'est entendu : il faut féliciter les mi-
neurs du Nord et du Pas-de-Calais d'avoir
renouvelé « les conventions d'Arras »,
c'est-à-dire, d'avoir, de nouveau, négocié
et conclu avec les représentants des Com-
pagnies, un contrat où sont précisées les
conditions de travail, de salaires, de re-
traites, etc., etc. Que de telles ententes r'.e
soient pas du goût de tout le monde, sur-
tout dans les milieux révolutionnaires,
c'est tout naturel. Mais tout accord, libre-
ment signé par employeurs et salariés est
grandement respectable en soi. Et ce dont
nous nous félicitons aussi, c'est de lire
dans le Temps que le « syndicalisme ainsi
compris et ainsi pratiqué est peut-être sa-
lutaire ». Il n'y a de trop, dans cette cons-
tation, — nous allions dire : dans cet
- aveu - que - le mot : peut-être.
Mais notre confrère nous permettra de
faire de plus importantes réserves sur la
fin de l'entrefilet qu'il consacre aux « Con-
ventions d'Arras ». Elles sont « fort oné-
reuses », dit-il, pour les employeurs et
elles prouvent que des patrons « bienveil-
lants et généreux » se rencontrent, géné-
ralement, en face des ouvriers raisonna-
bles et pacifiques.
Conventions onéreuses ? Voilà qui est
osé, quand on songe aux bénéfices énormes
que les compagnies ont retiré et retirent
encore de leurs concessions. Certes, des
capitaux ont été nécessaires au début,
mais qui ne sait que certaines actions, qui
n'ont même pas été versées en totalité,
sont montées, depuis longtemps, à des
prix fantastiques ? S'il est une industrie
où le travailleur est l'élément par excel-
lence de la production, c'est bien celle-là.
Et il est permis de dire du mineur — étant
donné, surtout, le péril où il est chaque
jour exposé — qu'il ne reçoit pas encore
un juste salaire.
Des patrons bienveillants, généreux ? —
Est-ce bien par esprit de justice, d'huma-
nité qu'ils se déterminent ? Qu'adviendrait-
il 'si, patiemment, obstinément, les mi-
neurs groupés, fédérés n'étaient pas là
pour discuter leurs intérêts, et pour user,
au besoin, du droit de grève ? Et, dans le
passé, fautril remonter bien loin pour
avoir la preuve de l'hostilité formidable
dont les compagnies ont fait preuve vis-à-
vis de la loi sur les syndicats ? Demandez
plutôt à M. Basly.
Enfin, il ne faut jamais oublier que, dans
l'espèce, l'employeur n'est pas un patron
ordinaire. C'est de l'Etat qu'il a obtenu na-
guère, une concession gratuite. Et nous es-
pérons bien qu'un jour viendra où tous ces
contrats seront revisés dans un sens plus
favorable et à l'intérêt de l'Etat même et
à l'intérêt du mineur. Qui sait même si
ce n'est pas dans l'espérance de reculer
cette échéance, que les patrons ont signé,
sans-trop se faire prier, ces « conventions
d'Arras », que le Temps considère comme
« fort onéreuses » ?
Les Propos
du Lanternier
Le sabotage ordinaire est bien l'invention
la plus absurde du monde. Le saboteur se li-
vre, pour défaire son ouvrage, à plus de tra-
vail qu'il n'en faut pour le faire. C'est stu-
pide. Tandis que le sabotage, tel que le
conçoit le facteur Marius Ortet, est beau-
coup plus intéressant. Vous avez tous enten-
du parler du facteur Marius Ortet qui, il y
a quelques jours, jeta dans un égout une
partie de la correspondance qu'il devait dis-
tribuer. -
Le facteur Marius Ortet n'est pas un anar-
chiste. A vrai dire, le facteur Marius Ortet
ne se mêle guère de politique. Il n'a peut-être
pas d'opinion sur la représentation propor-
tionnelle. Le facteur Marius Ortet aime
peut-être le vin, l'amour et le tabac, et c'est
tout ce qu'on peut lui reprocher, à supposer
qu'il y ait quelque mal à cela.
Non 1 si le facteur Marius Ortet a jeté
dans un égout une partie de la correspon-
dance qu'il devait distribuer, ce n'est point
dans un esprit de révolte à l'endroit de la
société. Simplement, le facteur Marius Or-
tet, ayant levé la tête, avait admiré combien
le ciel de janvier, en cette époque où il n'y
a plus de saison, peut ressembler à un ciel
de printemps. Il avait pensé qu'il avait en-
core du chemin à parcourir, qu'il serait
doux de se reposer en buvant un canon et
en fumant une pipe. Le facteur Marius Or-
tet n'avait point de sombres desseins, il n'a-
vait que la flemme.
Et c'est pourquoi il jeta dans un égout
quelques paperasses. Qui est-ce qui en souf-
frirait ? pensa-t-il. Les hommes ne parlent-
ils pas le plus souvent pour ne rien dire?
Il leur arrive d'écrire pour la même raison.
Le facteur Marius Ortet supprima un peu
de ce verbiage inutile.
Peut-être, enfin, appartient-^ a teife secte
qui impose le silence te..6i fidèles. )
TRIBUNE LIBRE
La Turquie & l'Europe
-————— Do ———-
C'est chose décidée : les grandes puis-
sances interviennent dans les négocia-
tions de paix entre la Turquie et les
Etats balkaniques. Mais de quel côté et
au profit de qui s'exerce leur action ?
Pour les vainqueurs contre le vaincu.
L'Europe vole au secours de la vic-
toire.
Il paraît que c'est le rôle le plus utile
que puisse jouer à cette heure la diplo-
matie européenne. Le plus utile peut-
être, mais pas le plus généreux, à coup
sûr.
La Turquie, hier encore puissante au
point que chacun s'efforçait de la mé-
nager et de rechercher son amitié, suc-
combe sous la coalition de tous ses voi-
sins, aidés de l'Italie qui se trouva là
fort à propos pour paralyser ses mou.,
véments et retarder sa mobilisation.
Elle subit des revers étonnants et im-
mérités. Dès lors les puissances euro-
péennes, qui seraient intervenues en fa-
veur des Etats balkaniques pour les
sauver des conséquences de la défaite,
si les choses avaient tourné autrement,
se liguent avec les vainqueurs pour im-
poser à la Turquie des conditions de
paix inacceptables.
Si la démarche que vont faire demain
à Constantinople les ambassadeurs ac-
crédités auprès de la Porte ne suffit
pas, on ira, paraît-il, jusqu'à employer
des moyens plus énergiques; on fera,
au besoin, une démonstration navale
dans le Bosphore.
Admire qui voudra cette entente des
puissances contre le plus faible. Je de-
mande à ne pas partager cet enthou-
siasme.
Je sais bien que je heurte ici le sen-
timent d'une partie de l'opinion, à qui
l'on a réussi à faire croire que le suc-
cès des armées bulgares et serbes était
un peu notre victoire.
Je n'en persiste pas moins à regretter
que l'Europe n'ait trouvé d'autre
moyen de résoudre la question balkani-
que que d'accabler le vaincu.
Peut-être n'en avait-on pas d'autre.
Je veux le croire, puisque, malgré les
oppositions d'intérêts entre les grandes
puissances, elles se trouvent d'accord
pour agir dans ce sens. L'Autriche et
l'Allemagne, dont la défaite de la Tur-
quie inquiète les intérêts et compromet
l'avenir, s'associent à la démarche col-
lective de l'Europe. Dans quel but ?
Pour résoudre définitivement le pro-
blème qui menace depuis tant d'années
la paix du monde ? Je n'en crois rien.
C'est plutôt parce que les petits Etats
balkaniques, grandis par leur victoire,
sont désormais des puissances à ména-
ger. On fait sa cour au vainqueur. Tel
est le mot d'ordre dès^hancelleries.
La Turquie cèdera-t-elle à.la pression
qu'on va lui faire sentir ? C'est Qien
probable. Mais si elle ne cède pas, qui
donc, parmi nous, s'en étonnera ?
La défaite qu'elle a subie est grave.
Elle semble définitive.N'empêche qu'elle
est encore en mesure d'opposer aux pré-
tentions des alliés, s'ils voulaient forcer
les lignes qui défendent Constantinople,
une résistance prolongée et sérieuse.
Les Bulgares le savent bien. Ils n'ont
signé l'armistice qu'après avoir cons-
taté par eux-mêmes la solidité des re-
tranchements de Tchataldja. Et ils ne
tiennent pas, quoi qu'ils en disent, à y
aller voir une seconde fois.
Mais, pour payer aux alliés le prix
de leur victoire, la Turquie offre des
conditions de paix vraiment larges, et
telles qu'à moins de se rendre à merci
et de disparaître de la carte du monde,
elle ne peut donner davantage.
Si les conditions étaient acceptées,
les Etats balkaniques se trouveraient
avoir plus que doublé leurs territoires.
C'est un résultat. Et ils le jugent en-
core insuffisant !
Il leur faut Andrinople, qu'ils n'ont
pas pu prendre par force, et qu'ils ne
pourront avoir que par la famine. Pour-
quoi Andrinople, dont la population est
en majorité musulmane ?
Il leur faut aussi les îles de la mer
Egée, toutes les îles, même celles qui
commandent l'entrée des Dardanelles,
même celles qui sont baignées par les
eaux de la Turquie d'Asie.
Confinée dans la banlieue de Cons-
tantinople, la Turquie se trouvera r.eje-
tée en Asie-Mineure. Est-ce un bien pour
l'Europe ? Je ne le pense pas.
En tout cas, ce n'est pas à nous qu'il
convient de proclamer le droit de la
force. Que notre diplomatie agisse de
son mieuv pour éviter une reprise des
hosties et pour hâter ainsi le règle-
ment de la question balkanique, c'est
fort bien. Mais elle doit se garder de
donner à ses conseils une forme com-
minatoire. Les Turcs ont fait jusqu'ici
des concessions énormes à leur adver-
saire. Le moment va venir où on pourra
demander au vainqueur de céder quel-
que chose à son tour. Et j'avoue qu'il
me plairait fort que la France fût la
première à faire entendre aux alliés
des conseils de modération.
Qu'on y prenne garde : en prenant
parti devant le monde et devant l'his-
toire, pour le vainqueur contre le vain-
cu, l'Europe donne raison par avance
aux peuples conquérants. Elle amnistie
et elle magnifie tous les attentats com-
mis contre les faibles. Elle justifie la
politique de proie. Elle -crée pour l'ave-
nir un précédent redoutable. h - .-
Il était évidemment impossible de pri-
ver les Etats balkaniques du fruit de
leurs victoires. Personne n'a pu y son-
ger. La Turquie elle-même, quand au
début des négociations elle rappelait à
l'Europe sa promesse de garantir le
« statu quo » territorial dans les Bal-
kans, ne pouvait se faire là moindre il-
lusion sur la réponse qui l'attendait.
Mais elle a depuis offert les trois quarts
de son territoire d'Europe. N'est-ce pas
assez ? Et faut-il lui prendre encore les
forteresses qui n'ont pas capitulé, les
îles qui sont en dehors du théâtre de la
guerre ?
Si graves qu'aient pu être les fautes
commises par la Turquie, elles ne sau-
raient justifier le traitement qu'on veut
lui faire subir. Si légitimes qu'aient été
les griefs des peuples balkaniques con-
tre l'administration ottomane, ils ont
déjà reçu pleine satisfaction.
Le vainqueur a son compte, et un peu
plus. Ne laissons pas ruiner définitive-
ment la Turquie. Ce ne serait ni à notre
profit, ni à notre honneur.
Alexandre VARENNE,
Ancien député.
L A PETITE GUERRE
Une nouvelle prière.
Cesi celle qui vient d'être prescrite dans les
diocèses de Cambrai, Chambéry, Clermont, Quim-
per, Vatence, « pour la rentrée des Chambres a.
Cette prière demande sans doute qu'au cas où
un président du conseil ou de t'une des deux
Chambres soit élu président de la République,
l'archevéque de Paris dirige les séances.
*
* *
Extrait d'un article de La Croix :
« De sés deux mains étendues, la France fit
un geste d'immense rèpulsion. »
Elle avait sans doute marché sur un calotin.
***
Une feuille de sacristie commente le phéno-
mène de la raréfaction de l'or. D'où provient-
elle 7
Les caisses cléricales gardent peut-être ce se-
cret ?
LA FRAUDE MONEGASOUE
L'ajournement très significatif de la ra-
tification de l'accord douanier conclu il y
aura bientôt un an avec le gouvernement
monégasque, ne saurait suffire à calmer
les inquiétudes si légitimes des industriels
du littoral. Nous croyons savoir que les
intérêts alarmés vont dès la rentrée des
Chambres tenter d'obtenir enfin la certitu-
de d'un régime -conforme aux droits de la
France et à ceux des populations du Sud-
Est.
Il faut bien le redire, l'acte préparé par
les représentants du Prince et adopté peut-
être un peu légèrement par l'administra-
tion française est une des plus lourdes
fautes économiques de l'année qui vient
die s'écouler.
» Dans l'examen des faits qui marquèrent
l'année 1912, la Réforme économique s'ex-
prime ainsi :
Après des pourparlers qui se sont- prolongés
pendant plus de deux années, une convention
nouvelle a été signée avec te gouvernement
monégasque. Le but visé était de donner sa-
tisfaction aux légitimes protestations des mino-
tiers du Midi. Depuis quelques années, des dé-
barquements importants de blé étaient faits à
Monaco, au grand avantage de la principauté,
mais au préjudice de la France, à laquelle pres-
que tous ces blés étaient destinés. La Chambre
des députés, saisie de la question, avait invité
le gouvernement à obtenir de l'Etat monégas-
que qu'il abandonnât sa douane à la France,
sous réserve du versement par le Trésor fran-
çais d'une indemnité annuelle.
Satisfaction a été donnée à cette injonction
par la convention nouvelle ; mais, pour obtenir
ce résultat, on a consenti des concessions si
exagérées qu'elles ont provoqué des protesta-
tions de la part de tous les hommes compé-
tents.
Cette appréciation de noire confrère est
beaucoup trop optimiste. Il est bien cer-
tain que le forfait auquel on s'est arrêté
dépasse de beaucoup ce qui était raison-
nable, mais encore faut-il reconnaître que
nous n'assurons nullement à ce prix no-
tre commerce contre la fraude considéra-
ble dont la principauté est le centre.
Minotiers, brasseurs, bijoutiers et nom-
bre d'autres industriels ont si bien senti
le danger qu'ils ont suggéré à la Chambre
de commerce de Nice une protestation par-
faitement motivée et d'une judicieuse
énergie.
Il ne suffit pas aujourd'hui aux victi-
mes des fraudeurs monégasques de savoir
que la commission des douanes met quel-
que répugnance à donner son avis sur
une convention aussi fâcheuse, ils deman-
dent que l'on en finisse et que l'on sau-
vegarde définitivement leurs droits contre
la concurrence déloyale Ides jindustriela
dont les agissements délictueux sont tole
rés, sinon encouragés par les autorités
princières.
Nous n'avons cessé de demander ici, dans
l'intérêt du commerce français et du tré-
sor national lésé, l'examen minutieux d'un
projet d'accord manifestement déplorable
par une chambre duement éclairée.
Tout -porte à croire que dans quelques se-
maines le débat sera ouvert, et nous
croyons que les fraudeurs et leurs amis
auront quelque déception, s'ils escomptent,
l'ignorance ou l'indifférence du Parlement.
ECOLES & CLOCHERS
Ce titre, nous l'empruntons au Manuel
général de l'instruction primaire, publiant,
euccessivement, une lettre ouverte de M.
Blanguernon, inspecteur d'Académie de la
Haute-Marne, à M. Maurice Barrés, et la
réponse de ce dernier, réponse parue, tout
d'abord, dans l'Echo de Paris.
S'agit-il d'une controverse, d'une polémi-
que ? - - - -
Non. M. Blanguernon et M. Maurice
Barrés sont d'accord sur toute une série
d'idées et de faits : Il faut vivifier l'histoire
de France par celle de la petite patrie. Il
faut faire revivre dans l'imagination de nos
enfants, les métiers, les arts, les souvenirs
du passé. Vieilles maisons, vieux châteaux,
vieux remparts, vieilles églises ont une
grande valeur éducative, etc., c. Aussi, le
député de Paris félicite-t-il M. Blanguernon
de ses articles sur l'Histoire locale des Egli-
ses de France. Cependant, il ajoute : « Je
ne vous propose pas que nous entrions
dans l'église du village. Vous, m'avez dit,
dans votre lettre publique, qu'il vous était
pénible d'y voir afficher sous le porche, la
liste des manuels condamnés. Evitons au-
jourd'hui ce qui pourrait vous - contrarier.
Ne passons pas le seuil. Aussi Dien, meme
au-dehors, l'église est parlante, etc., etc. »
En écrivant ces mots : « Ne passons pas
le seuil ¡. M. Barrès avait-il le pressenti-
ment de ce qui allait se passer dans un
village de la Sarthe, à propos d'une très
vieille église où, selon le désir de MM.
Barrés et Blanguernon, il est possible d'é-
voquer « les souvenirs qui flottent autour
des vieilles pierres » ?
Cette histoire que nous allons résumer,
nous l'empruntons également au Manuel
général. C'est M.Couilleaux, instituteur,
qui nous la raconte. Un beau jour, après
la lecture d'un article de M. Blanguernon,
il se demande s'il ne conviendrait pas de
faire, à ses neuf élèves du cours moyen,
« une leçon vivante et fructueuse ». Sous
les voûtes de l'église se rencontrent tous
les éléments de cette leçon d'histoire an-
cienne. Mais, par prudence, par déférence,
il se décide à aller en parler au curé. Il
trouve un homme tout de glace. « Nous
verrons ! Nous verrons ! » Et le lendemain,
c'est la bonne du presbytère qui vient, dé-
clarer à M. Couilleaux que le curé, un
jeune curé, parait-il, « interdisait formelle-
ment » à l'instituteur de pénétrer dans l'é-
glise avec ses élèves.
Il ne nous déplaît pas, à nous, de mon-
trer une fois de plus à quel degré d'intran-
sigeance ultra-romaine en sont arrivés nos
curés, les jeunes surtout, et aussi à quelles
mésaventures on s'expose, quand, dans le
but le plus louable, on veut entrer en con-
tact avec de tels fanatiques.
LES CERCLES CIVIQUES
L'Union - des Cercles civiques, et parti-
culièrement le Cercle Berthelot, qui fut le
premier constitué à Paris, célébraient, il
y a quelques jours, l'anniversaire de leur
fondation.
Cette fête intime, entre républicains qui
croient ne pas devoir interrompre la tra-
dition de -défense et d'offensive JLaïques
contre la réaction cléricale, eut lieu au
siège du Cercle, sous la présidence de M.
Andiré Berthelot, assisté de M. Augagneur,
député du Rhône, ancien ministre, et de
M. Camille Picard, député des Vosges.
M. Guist'haiu, ministre de l'instruction
publique, s'était fait représenter pair M.
Augis, chef-adjoint de son cabinet.
De telles sympathies ont été justement
considérées, par les membres du Cercle,
comme le meilleur -témoignage de l'utilité
de l'organisation nouvelle des Cercles ci-
viques.
De grands services, sont rendus cnaquc
jour à la cause anticléricale et républicai-
ne, par les divers groupements d'action
laïque, et notamment .par les nombreuses
sociétés de libre pensée déjà existantes.
Les Cercles civiques, — qui se dresseront
en face des Cercles catholiques, — n'ont
pas d'autre, tâche que d'aider l'œuvre com-
mune. Tout simplement, ils prétendent éta-
blir entre les républicains résolus à porter
le poids d'une lutte difficile et incessante,
des liens de solidarité plus étroite et de
confiance amicale.
Se connaître, se voir souvent dans des
réunions intimes où l'on parle moins- et
où l'on conclut mieux que dans les réu-
nions publiques, s'entr'aider ; voilà le
Cercle.
D'autre part, on a pensé qu'il serait
agréable et utile aux libres penseurs de
France et à ceux des colonies ou des pays
étrangers, d'avoir, des relations, plus sui-
vies.
C'est pourquoi, vendredi dernier, M.
Emile Jeand'heur, directeur d'école à Pa-
rakou, dans le Dahomey, fut amicalement
reçu et fêté au Cercle Berthelot. Il exposa,
dans une très intéressante causerie avec
des projections .pittoresques, la vie des
fonctionnaires et le rôle des instituteurs
aux colonies.
M. Raoul Ova, juge à Cayenne, présidait
la soirée. Il dit à son tour comment des
fonctionnaires républicains peuvent et doi-
vent faire aimer Ja République aux pays
lointains.
Au cours de -la réunion, M. Vaughan-
Grey, délégué de la National Secular So-
ciety, de Londres, fut introduit par des
amis au Cercle, acclamé, et il fit accepter
d'enthousiasme l'idée d'un échange de
visite-s, au printemps prochain, entre Lon-
dres et Paris. Ainsi s'affirmerait l'entente
cordiale entre libres penseurs des deux
grandes nations.
Pour finir, M. Dessouter, chansonnier
montmartrois, chanta les Adieux de Fal-
lières à Marianne. Ce fut de la politique
gaie.
Mais aussi M. Bares avait fait une gra-
ve oonflérence sur la dibre pensée et le
spiritualisme. Dû xiiâ n'empecbe pas de
philosophes.
L'INCIDENT
du Paty de Clam
Le Ministre de la Guerre
par deux fois
offre sa démission
Elle sera acceptée ce matin
Au Conseil des ministres, M. Millerand
offre une première fois sa démission;
il l'offre une seconde fois dans la
soirée.- Un nouveau Conseil des
ministres aura lieu ce matin;
la démission de M. Millerand
sera alors rendue officielle.,
L'émotion, soulevée par la réintégration
du colonel du Paty de Clam, ne s'est pas
oalmée dans la journée d'hier. Bien au
contraire.
Les députés et sénateurs républicains
qui se trouvent, en ce moment, à Paris,
sont unanimes à réprouver l'acte de M.
Millerand.
Même des hommes poJitiques, qui ne
sont point suspects de dreyfusisme, esti-
ment que le moment était mal choisi pour
faire revivre les incidents d'une Affaire
qui avait si profondément troublé et dé-
chiré le pays. A l'heure où nous sommes
et où des préoccupations patriotiques do-
minent les autres questions, le chef_de
l'armée a été bien mal inspiré en remuant
des souvenirs douloureux que le temps
avait apaisés.
Mais, c'est surtout au point -de vue de, la
politique intérieure, que l'acte du ministre
de la guerre est commenté et sévèrement
apprécié.
Première offre de démission
Cet acte, comme on le pense bien, a eu
sa répercussion à. la séance du Conseil des
ministres, qui s'est tenu hier matin.
Il a fait le principal objet de la délibéra-
tion des membres du gouvernement et,
sans tenir compte des renseignements
plus ou moins exacts qui ont transpiré de
la réunion ministérielle, on peut affirmer,
dans tous les cas, que le ministre de la
guerre n'a pu se méprendre sur les sen-
timents de désapprobation de l'unanimité
de ses collègues du cabinet.
Ces sentiments lui ont si peu échappé,
qu'il a offert sa démission. Le conseil n'a
pas cru devoir l'accepter sur l'heure ; mais
la note officieuse, communiquée à la pres-
se, à l'issue de la réunion, ne laisse au-
cun doute sur le désaveu infligé par ses
collègues à M. Millerand.
Voici cette note :
Le communiqué du Conseil
Le conseil des ministres s'est réuni à
VElysée, sous la présidence de M. Fallières.
'Après avoir entendu les communications
du président du Conseil, au sujet des affai-
res extérieures, les ministres se sont occu-
pés de la question de la réintégration 'du
liertienant-colonel du Paty de Clam et des
conditions dans lesquelles eUe s'est faite.
A l'issue du conseili la note suivante a
été communiquée ;
« Le ministre de la guerre a rendu compte
au conseil des visites qu'il avait faites dans
les écoles de Saumur et de Saint-Maixent
et de l'impression extrêmement favorable
qu'il en avait rapportée.
« Il a expliqué au Conseil les conditions
dans lesquelles il s'est considéré comme
obligé 'de donner une affectation au lieute-
nant-colonel du Paty de Clam dans l'ar-
mée territoriale.
« M.. Millerand regarde cette 'décision
comme une mesure administrative d'ordre
intérieur dont il revendique toute la res-
ponsabilité. »
On ne pouvait dire plus clairement que
les collègues du ministre de la guerre lui
laissaient l'entière responsabilité de son
acte, qu'ils désapprouvaient ainsi implici-
tement.
A beaucoup, cependant, cette désappro-
bation implicite n'a pas paru suffisante.
« La démission de M. Millerand eût dû
être, disaient-ils, immédiatement accep.
tée. » Mais on n'aura rien perdu pour at-
tendre. Tout le monde, en *effet, considé-
rait que la situation de M. Millerand était
intenable et que s'il ne donnait pas spon-
tanément sa démission, c'est la Chambre
qui le renverserait dès la rentrée.
Réunion de ministres. — Nouvelle offre
de démission.
Aussi, n'a-t-on pas été surpris d'appren-
dre que, dans la soirée, une réunion de mi.
nistres et de parlementaires s'était tenue
au quai d'Orsay, au cours de laquelle M.
Millerand avait de nouveau, offert sa dé-
mission. Cette réunion a duré de 10 heu-
res du soir à une heure du matin. Y assis-
taient, notamment, MM. Poincaré, Briand,
Klotz, Steeg, Millerand, Guist'hau, Jean
Dupuy, Chaumet, Bérard, Besnard, Mo.
rel, ainsi que M. Etienne.
Le ministre de la guerre reconnaissant
que son maintien au pouvoir créait au ca-
binet une situation difficile dont lui seule-
ment devait supporter la responsabilité,
mais qu'on s'efforcerait de faire remonter
jusqu'au président du Conseil, offrit à nou-
veau sa démission.
On se trouva alors presque d'accord pour
reconnaître que la démission de M. Mille-
rand ne pouvait être évitée ; mais M. Poin-
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TRENTE-SIXIEME ANNEE. — NUMERO 13.049
LUNDI 13 JANVIER 1913
24 NIVÔSE. - AN 121
5 CENTIMES LE NUMÉRO
Démission HÉltaMe
La situation de M. Millerand, que dès
hier nous jugions intenable, l'était si
bien qu'à l'heure présente sa démission
est virtuellement acceptée.
Au conseil des ministres d'hier matin,
le ministre de la guerre a exposé à ses
collègues les raisons qui, d'après lui,
justifiaient là mesure prise en faveur
de M. du Paty de Clam. Mais il a si peu
Convaincu les membres du gouverne-
ment, qu'il a dû prendre publiquement
la responsabilité personnelle de son
acte.
La note qui le constatait, en déga-
geant la responsabilité du cabinet, com-
portait implicitement un désaveu de" la
mesure qui avait si fort éinu les répu-
blicains. Ce désaveu devait fatalement
entraîner la démission du ministre. M.
Millerand l'avait compris, puisqu'il l'of-
frait aussitôt. L'offre fut pourtant décli-
née.
Mais ce ne pouvait être là qu'une so-
lution provisoire; elle maintenait une
équivoque que le chef du gouvernement
ne pouvait supporter. A la réflexion, les
ministres et M. Millerand lui-même s'a-
perçurent qu'il n'était pas possible d'en
rester là. Et hier soir, dans une réunion
à laquelle assistaient la plupart des
membres du cabinet, l'offre fut renouve-
lée. Les ministres se réuniront à nou-
veau ce matin pour délibérer officielle-
ment sur la situation, et il est hors de
doute que cette fois la démission du mi-
nistre de la guerre sera acceptée. -
Il n'en peut pas être autrement, et il
n'y a pas d'autre solution possible.
Quels que soient les mobiles de la ma-
lencontreuse mesure prise par M. Mille-
rand, et à supposer même qu'il n'en ait
pas vu tout de suite l'énormité, il reste-
rait au moins à sa charge une faute po-
x litique d'une telle gravité que seule la
démission du ministre responsable pour-
rait donner satisfaction à l'opinion pu-
blique.
M. Millerand est un homme trop aver-
ti des choses de la politique pour ne pas
l'avoir compris tout de suite. En quit-
tant le ministère de la rue Saint-Domi-
nique, il apporte lui-même la sanction
nécessaire et attendue par tous les ré-
publicains. Il répare, dans la mesure
infime où elle peut être réparée, l'erreur
— pour ne pas dire plus — dont il s'é-
tait rendu coupable.
Quant aux ministres, après avoir re-
fusé une première fois la démission de
leur collègue, par un sentiment de cour-
toisie assez explicable, ils ne peuvent
pas la refuser aujourd'hui.
, Ils ont à dégager définitivement la
politique du gouvernement d'un acte
qu'aucun républicain ne pouvait tolé-
rer.
M. Millerand parti, nous déclarerons
bous-mêmes l'incident clos. Il nous suf-
fira que le défi porté à l'opinion républi-
caine ait été suivi immédiatement de la
démission du ministre qui en avait pris
la responsabilité.
Et il sera entendu, une fois pour tou-
tes, qu'il ne peut pas être permis à un
ministre de la République d'effacer d'un
trait de plume les pires attentats con-
tre la justice et contre le droit.
EXIGENCES ROUMAINES
Les relations roumano-bulgares sont-elles
tendues à ce point qu'un conflit ne puisse
être désormais évité ? Telle est la question
qui se pose dans les milieux diplomatiques
et que les médiations les plus actives tant
-à Londres qu'à Saint-Pétersbourg s'essaient
à résoudre pacifiquement.
L'attitude de la Roum-anie au cours de
la crise orientale fut double jusqu'à ce
jour. Réservée dès l'origine de la guerre
balkanique elle a paru, au lendemain des
premières victoires définitives, audacieu-
ce et 'exigeante.
Alors qu'il y avait sans doute quelques
risques à s'associer à une action militaire
incertaine contre la Turquie, la Roumanie
s'est abstenue d'apporter aux alliés un
autre concours que celui de ses encoura-
gements pleins de prudence et de sa vir-
tuelle amitié.
En présence de la défaite irrémédiable
de la Porte, elle affirma aussitôt son in-
tention de participer au bénéfice des opé-
rations d'éclat accomplies par les alliés.
Et mesurant ses propres revendications à
l'importance des succès bulgares, elle pré-
tend aujourd'hui faire payer le prix de sa
neutralité passagère de la cession de Silis-
trtei
Les négociations entreprises depuis en-
tre M. Take Jonescu et M. Daneff, en dépit
de l'intervention fionciliatrice de sir gd
Grey, ont subi un échec qu'on représente
toutefois comme momentané.
Le gouvernement roumain n'en poursuit
pas moins la mobilisation de ses troupes
et se préparerait, dit-on, à envahir une por-
tion du territoire bulgare pour l'occuper à
titre de compensation anticipée de l'appui
amical qu'il se dispose à consentir à la
Bulgarie pour l'avenir..
■ Malheureusement la dépendance diplo-
matique de la Roumanie vis-à-vis de l'Au-
triche est telle depuis de longues années
qu'un pareil engagement conditionnel sem-
ble plus que précaire. M. Daneff, en ré-
pudiant de pareilles avances, ne dédaigne
point une amitié qui s'offre, mais il esti-
me à juste titre, semble-t-il, que les gages
qu'on lui demande en retour outrepas-
sent réellement les services moraux et
matériels rendus jusqu'à ce jour par une
neutralité un peu forcée.
Si l'on ne perd pas de vue par ailleurs
que ce marchandage territorial dissimule
assez mal l'antagonisme latent des cabi-
nets de Vienne et de Saint-Pétersbourg,
dont les inspirations dirigent les négocia-
tions actuelles, il convient donc de sou-
haiter ardemment de ne pas voir s'aggra-
ver cette tension roumano-bulgare.
La Roumanie assumerait une grave res-
ponsabilité si demain du seul excès de ses
prétentions devait renaître de ses cendres
le conflit balkanique provisoirement apai-
sé, grâce à l'influence et à l'union des
grandes puissances de l'Europe.
LES CONVENTIONS D'ARRAS
C'est entendu : il faut féliciter les mi-
neurs du Nord et du Pas-de-Calais d'avoir
renouvelé « les conventions d'Arras »,
c'est-à-dire, d'avoir, de nouveau, négocié
et conclu avec les représentants des Com-
pagnies, un contrat où sont précisées les
conditions de travail, de salaires, de re-
traites, etc., etc. Que de telles ententes r'.e
soient pas du goût de tout le monde, sur-
tout dans les milieux révolutionnaires,
c'est tout naturel. Mais tout accord, libre-
ment signé par employeurs et salariés est
grandement respectable en soi. Et ce dont
nous nous félicitons aussi, c'est de lire
dans le Temps que le « syndicalisme ainsi
compris et ainsi pratiqué est peut-être sa-
lutaire ». Il n'y a de trop, dans cette cons-
tation, — nous allions dire : dans cet
- aveu - que - le mot : peut-être.
Mais notre confrère nous permettra de
faire de plus importantes réserves sur la
fin de l'entrefilet qu'il consacre aux « Con-
ventions d'Arras ». Elles sont « fort oné-
reuses », dit-il, pour les employeurs et
elles prouvent que des patrons « bienveil-
lants et généreux » se rencontrent, géné-
ralement, en face des ouvriers raisonna-
bles et pacifiques.
Conventions onéreuses ? Voilà qui est
osé, quand on songe aux bénéfices énormes
que les compagnies ont retiré et retirent
encore de leurs concessions. Certes, des
capitaux ont été nécessaires au début,
mais qui ne sait que certaines actions, qui
n'ont même pas été versées en totalité,
sont montées, depuis longtemps, à des
prix fantastiques ? S'il est une industrie
où le travailleur est l'élément par excel-
lence de la production, c'est bien celle-là.
Et il est permis de dire du mineur — étant
donné, surtout, le péril où il est chaque
jour exposé — qu'il ne reçoit pas encore
un juste salaire.
Des patrons bienveillants, généreux ? —
Est-ce bien par esprit de justice, d'huma-
nité qu'ils se déterminent ? Qu'adviendrait-
il 'si, patiemment, obstinément, les mi-
neurs groupés, fédérés n'étaient pas là
pour discuter leurs intérêts, et pour user,
au besoin, du droit de grève ? Et, dans le
passé, fautril remonter bien loin pour
avoir la preuve de l'hostilité formidable
dont les compagnies ont fait preuve vis-à-
vis de la loi sur les syndicats ? Demandez
plutôt à M. Basly.
Enfin, il ne faut jamais oublier que, dans
l'espèce, l'employeur n'est pas un patron
ordinaire. C'est de l'Etat qu'il a obtenu na-
guère, une concession gratuite. Et nous es-
pérons bien qu'un jour viendra où tous ces
contrats seront revisés dans un sens plus
favorable et à l'intérêt de l'Etat même et
à l'intérêt du mineur. Qui sait même si
ce n'est pas dans l'espérance de reculer
cette échéance, que les patrons ont signé,
sans-trop se faire prier, ces « conventions
d'Arras », que le Temps considère comme
« fort onéreuses » ?
Les Propos
du Lanternier
Le sabotage ordinaire est bien l'invention
la plus absurde du monde. Le saboteur se li-
vre, pour défaire son ouvrage, à plus de tra-
vail qu'il n'en faut pour le faire. C'est stu-
pide. Tandis que le sabotage, tel que le
conçoit le facteur Marius Ortet, est beau-
coup plus intéressant. Vous avez tous enten-
du parler du facteur Marius Ortet qui, il y
a quelques jours, jeta dans un égout une
partie de la correspondance qu'il devait dis-
tribuer. -
Le facteur Marius Ortet n'est pas un anar-
chiste. A vrai dire, le facteur Marius Ortet
ne se mêle guère de politique. Il n'a peut-être
pas d'opinion sur la représentation propor-
tionnelle. Le facteur Marius Ortet aime
peut-être le vin, l'amour et le tabac, et c'est
tout ce qu'on peut lui reprocher, à supposer
qu'il y ait quelque mal à cela.
Non 1 si le facteur Marius Ortet a jeté
dans un égout une partie de la correspon-
dance qu'il devait distribuer, ce n'est point
dans un esprit de révolte à l'endroit de la
société. Simplement, le facteur Marius Or-
tet, ayant levé la tête, avait admiré combien
le ciel de janvier, en cette époque où il n'y
a plus de saison, peut ressembler à un ciel
de printemps. Il avait pensé qu'il avait en-
core du chemin à parcourir, qu'il serait
doux de se reposer en buvant un canon et
en fumant une pipe. Le facteur Marius Or-
tet n'avait point de sombres desseins, il n'a-
vait que la flemme.
Et c'est pourquoi il jeta dans un égout
quelques paperasses. Qui est-ce qui en souf-
frirait ? pensa-t-il. Les hommes ne parlent-
ils pas le plus souvent pour ne rien dire?
Il leur arrive d'écrire pour la même raison.
Le facteur Marius Ortet supprima un peu
de ce verbiage inutile.
Peut-être, enfin, appartient-^ a teife secte
qui impose le silence te..6i fidèles. )
TRIBUNE LIBRE
La Turquie & l'Europe
-————— Do ———-
C'est chose décidée : les grandes puis-
sances interviennent dans les négocia-
tions de paix entre la Turquie et les
Etats balkaniques. Mais de quel côté et
au profit de qui s'exerce leur action ?
Pour les vainqueurs contre le vaincu.
L'Europe vole au secours de la vic-
toire.
Il paraît que c'est le rôle le plus utile
que puisse jouer à cette heure la diplo-
matie européenne. Le plus utile peut-
être, mais pas le plus généreux, à coup
sûr.
La Turquie, hier encore puissante au
point que chacun s'efforçait de la mé-
nager et de rechercher son amitié, suc-
combe sous la coalition de tous ses voi-
sins, aidés de l'Italie qui se trouva là
fort à propos pour paralyser ses mou.,
véments et retarder sa mobilisation.
Elle subit des revers étonnants et im-
mérités. Dès lors les puissances euro-
péennes, qui seraient intervenues en fa-
veur des Etats balkaniques pour les
sauver des conséquences de la défaite,
si les choses avaient tourné autrement,
se liguent avec les vainqueurs pour im-
poser à la Turquie des conditions de
paix inacceptables.
Si la démarche que vont faire demain
à Constantinople les ambassadeurs ac-
crédités auprès de la Porte ne suffit
pas, on ira, paraît-il, jusqu'à employer
des moyens plus énergiques; on fera,
au besoin, une démonstration navale
dans le Bosphore.
Admire qui voudra cette entente des
puissances contre le plus faible. Je de-
mande à ne pas partager cet enthou-
siasme.
Je sais bien que je heurte ici le sen-
timent d'une partie de l'opinion, à qui
l'on a réussi à faire croire que le suc-
cès des armées bulgares et serbes était
un peu notre victoire.
Je n'en persiste pas moins à regretter
que l'Europe n'ait trouvé d'autre
moyen de résoudre la question balkani-
que que d'accabler le vaincu.
Peut-être n'en avait-on pas d'autre.
Je veux le croire, puisque, malgré les
oppositions d'intérêts entre les grandes
puissances, elles se trouvent d'accord
pour agir dans ce sens. L'Autriche et
l'Allemagne, dont la défaite de la Tur-
quie inquiète les intérêts et compromet
l'avenir, s'associent à la démarche col-
lective de l'Europe. Dans quel but ?
Pour résoudre définitivement le pro-
blème qui menace depuis tant d'années
la paix du monde ? Je n'en crois rien.
C'est plutôt parce que les petits Etats
balkaniques, grandis par leur victoire,
sont désormais des puissances à ména-
ger. On fait sa cour au vainqueur. Tel
est le mot d'ordre dès^hancelleries.
La Turquie cèdera-t-elle à.la pression
qu'on va lui faire sentir ? C'est Qien
probable. Mais si elle ne cède pas, qui
donc, parmi nous, s'en étonnera ?
La défaite qu'elle a subie est grave.
Elle semble définitive.N'empêche qu'elle
est encore en mesure d'opposer aux pré-
tentions des alliés, s'ils voulaient forcer
les lignes qui défendent Constantinople,
une résistance prolongée et sérieuse.
Les Bulgares le savent bien. Ils n'ont
signé l'armistice qu'après avoir cons-
taté par eux-mêmes la solidité des re-
tranchements de Tchataldja. Et ils ne
tiennent pas, quoi qu'ils en disent, à y
aller voir une seconde fois.
Mais, pour payer aux alliés le prix
de leur victoire, la Turquie offre des
conditions de paix vraiment larges, et
telles qu'à moins de se rendre à merci
et de disparaître de la carte du monde,
elle ne peut donner davantage.
Si les conditions étaient acceptées,
les Etats balkaniques se trouveraient
avoir plus que doublé leurs territoires.
C'est un résultat. Et ils le jugent en-
core insuffisant !
Il leur faut Andrinople, qu'ils n'ont
pas pu prendre par force, et qu'ils ne
pourront avoir que par la famine. Pour-
quoi Andrinople, dont la population est
en majorité musulmane ?
Il leur faut aussi les îles de la mer
Egée, toutes les îles, même celles qui
commandent l'entrée des Dardanelles,
même celles qui sont baignées par les
eaux de la Turquie d'Asie.
Confinée dans la banlieue de Cons-
tantinople, la Turquie se trouvera r.eje-
tée en Asie-Mineure. Est-ce un bien pour
l'Europe ? Je ne le pense pas.
En tout cas, ce n'est pas à nous qu'il
convient de proclamer le droit de la
force. Que notre diplomatie agisse de
son mieuv pour éviter une reprise des
hosties et pour hâter ainsi le règle-
ment de la question balkanique, c'est
fort bien. Mais elle doit se garder de
donner à ses conseils une forme com-
minatoire. Les Turcs ont fait jusqu'ici
des concessions énormes à leur adver-
saire. Le moment va venir où on pourra
demander au vainqueur de céder quel-
que chose à son tour. Et j'avoue qu'il
me plairait fort que la France fût la
première à faire entendre aux alliés
des conseils de modération.
Qu'on y prenne garde : en prenant
parti devant le monde et devant l'his-
toire, pour le vainqueur contre le vain-
cu, l'Europe donne raison par avance
aux peuples conquérants. Elle amnistie
et elle magnifie tous les attentats com-
mis contre les faibles. Elle justifie la
politique de proie. Elle -crée pour l'ave-
nir un précédent redoutable. h - .-
Il était évidemment impossible de pri-
ver les Etats balkaniques du fruit de
leurs victoires. Personne n'a pu y son-
ger. La Turquie elle-même, quand au
début des négociations elle rappelait à
l'Europe sa promesse de garantir le
« statu quo » territorial dans les Bal-
kans, ne pouvait se faire là moindre il-
lusion sur la réponse qui l'attendait.
Mais elle a depuis offert les trois quarts
de son territoire d'Europe. N'est-ce pas
assez ? Et faut-il lui prendre encore les
forteresses qui n'ont pas capitulé, les
îles qui sont en dehors du théâtre de la
guerre ?
Si graves qu'aient pu être les fautes
commises par la Turquie, elles ne sau-
raient justifier le traitement qu'on veut
lui faire subir. Si légitimes qu'aient été
les griefs des peuples balkaniques con-
tre l'administration ottomane, ils ont
déjà reçu pleine satisfaction.
Le vainqueur a son compte, et un peu
plus. Ne laissons pas ruiner définitive-
ment la Turquie. Ce ne serait ni à notre
profit, ni à notre honneur.
Alexandre VARENNE,
Ancien député.
L A PETITE GUERRE
Une nouvelle prière.
Cesi celle qui vient d'être prescrite dans les
diocèses de Cambrai, Chambéry, Clermont, Quim-
per, Vatence, « pour la rentrée des Chambres a.
Cette prière demande sans doute qu'au cas où
un président du conseil ou de t'une des deux
Chambres soit élu président de la République,
l'archevéque de Paris dirige les séances.
*
* *
Extrait d'un article de La Croix :
« De sés deux mains étendues, la France fit
un geste d'immense rèpulsion. »
Elle avait sans doute marché sur un calotin.
***
Une feuille de sacristie commente le phéno-
mène de la raréfaction de l'or. D'où provient-
elle 7
Les caisses cléricales gardent peut-être ce se-
cret ?
LA FRAUDE MONEGASOUE
L'ajournement très significatif de la ra-
tification de l'accord douanier conclu il y
aura bientôt un an avec le gouvernement
monégasque, ne saurait suffire à calmer
les inquiétudes si légitimes des industriels
du littoral. Nous croyons savoir que les
intérêts alarmés vont dès la rentrée des
Chambres tenter d'obtenir enfin la certitu-
de d'un régime -conforme aux droits de la
France et à ceux des populations du Sud-
Est.
Il faut bien le redire, l'acte préparé par
les représentants du Prince et adopté peut-
être un peu légèrement par l'administra-
tion française est une des plus lourdes
fautes économiques de l'année qui vient
die s'écouler.
» Dans l'examen des faits qui marquèrent
l'année 1912, la Réforme économique s'ex-
prime ainsi :
Après des pourparlers qui se sont- prolongés
pendant plus de deux années, une convention
nouvelle a été signée avec te gouvernement
monégasque. Le but visé était de donner sa-
tisfaction aux légitimes protestations des mino-
tiers du Midi. Depuis quelques années, des dé-
barquements importants de blé étaient faits à
Monaco, au grand avantage de la principauté,
mais au préjudice de la France, à laquelle pres-
que tous ces blés étaient destinés. La Chambre
des députés, saisie de la question, avait invité
le gouvernement à obtenir de l'Etat monégas-
que qu'il abandonnât sa douane à la France,
sous réserve du versement par le Trésor fran-
çais d'une indemnité annuelle.
Satisfaction a été donnée à cette injonction
par la convention nouvelle ; mais, pour obtenir
ce résultat, on a consenti des concessions si
exagérées qu'elles ont provoqué des protesta-
tions de la part de tous les hommes compé-
tents.
Cette appréciation de noire confrère est
beaucoup trop optimiste. Il est bien cer-
tain que le forfait auquel on s'est arrêté
dépasse de beaucoup ce qui était raison-
nable, mais encore faut-il reconnaître que
nous n'assurons nullement à ce prix no-
tre commerce contre la fraude considéra-
ble dont la principauté est le centre.
Minotiers, brasseurs, bijoutiers et nom-
bre d'autres industriels ont si bien senti
le danger qu'ils ont suggéré à la Chambre
de commerce de Nice une protestation par-
faitement motivée et d'une judicieuse
énergie.
Il ne suffit pas aujourd'hui aux victi-
mes des fraudeurs monégasques de savoir
que la commission des douanes met quel-
que répugnance à donner son avis sur
une convention aussi fâcheuse, ils deman-
dent que l'on en finisse et que l'on sau-
vegarde définitivement leurs droits contre
la concurrence déloyale Ides jindustriela
dont les agissements délictueux sont tole
rés, sinon encouragés par les autorités
princières.
Nous n'avons cessé de demander ici, dans
l'intérêt du commerce français et du tré-
sor national lésé, l'examen minutieux d'un
projet d'accord manifestement déplorable
par une chambre duement éclairée.
Tout -porte à croire que dans quelques se-
maines le débat sera ouvert, et nous
croyons que les fraudeurs et leurs amis
auront quelque déception, s'ils escomptent,
l'ignorance ou l'indifférence du Parlement.
ECOLES & CLOCHERS
Ce titre, nous l'empruntons au Manuel
général de l'instruction primaire, publiant,
euccessivement, une lettre ouverte de M.
Blanguernon, inspecteur d'Académie de la
Haute-Marne, à M. Maurice Barrés, et la
réponse de ce dernier, réponse parue, tout
d'abord, dans l'Echo de Paris.
S'agit-il d'une controverse, d'une polémi-
que ? - - - -
Non. M. Blanguernon et M. Maurice
Barrés sont d'accord sur toute une série
d'idées et de faits : Il faut vivifier l'histoire
de France par celle de la petite patrie. Il
faut faire revivre dans l'imagination de nos
enfants, les métiers, les arts, les souvenirs
du passé. Vieilles maisons, vieux châteaux,
vieux remparts, vieilles églises ont une
grande valeur éducative, etc., c. Aussi, le
député de Paris félicite-t-il M. Blanguernon
de ses articles sur l'Histoire locale des Egli-
ses de France. Cependant, il ajoute : « Je
ne vous propose pas que nous entrions
dans l'église du village. Vous, m'avez dit,
dans votre lettre publique, qu'il vous était
pénible d'y voir afficher sous le porche, la
liste des manuels condamnés. Evitons au-
jourd'hui ce qui pourrait vous - contrarier.
Ne passons pas le seuil. Aussi Dien, meme
au-dehors, l'église est parlante, etc., etc. »
En écrivant ces mots : « Ne passons pas
le seuil ¡. M. Barrès avait-il le pressenti-
ment de ce qui allait se passer dans un
village de la Sarthe, à propos d'une très
vieille église où, selon le désir de MM.
Barrés et Blanguernon, il est possible d'é-
voquer « les souvenirs qui flottent autour
des vieilles pierres » ?
Cette histoire que nous allons résumer,
nous l'empruntons également au Manuel
général. C'est M.Couilleaux, instituteur,
qui nous la raconte. Un beau jour, après
la lecture d'un article de M. Blanguernon,
il se demande s'il ne conviendrait pas de
faire, à ses neuf élèves du cours moyen,
« une leçon vivante et fructueuse ». Sous
les voûtes de l'église se rencontrent tous
les éléments de cette leçon d'histoire an-
cienne. Mais, par prudence, par déférence,
il se décide à aller en parler au curé. Il
trouve un homme tout de glace. « Nous
verrons ! Nous verrons ! » Et le lendemain,
c'est la bonne du presbytère qui vient, dé-
clarer à M. Couilleaux que le curé, un
jeune curé, parait-il, « interdisait formelle-
ment » à l'instituteur de pénétrer dans l'é-
glise avec ses élèves.
Il ne nous déplaît pas, à nous, de mon-
trer une fois de plus à quel degré d'intran-
sigeance ultra-romaine en sont arrivés nos
curés, les jeunes surtout, et aussi à quelles
mésaventures on s'expose, quand, dans le
but le plus louable, on veut entrer en con-
tact avec de tels fanatiques.
LES CERCLES CIVIQUES
L'Union - des Cercles civiques, et parti-
culièrement le Cercle Berthelot, qui fut le
premier constitué à Paris, célébraient, il
y a quelques jours, l'anniversaire de leur
fondation.
Cette fête intime, entre républicains qui
croient ne pas devoir interrompre la tra-
dition de -défense et d'offensive JLaïques
contre la réaction cléricale, eut lieu au
siège du Cercle, sous la présidence de M.
Andiré Berthelot, assisté de M. Augagneur,
député du Rhône, ancien ministre, et de
M. Camille Picard, député des Vosges.
M. Guist'haiu, ministre de l'instruction
publique, s'était fait représenter pair M.
Augis, chef-adjoint de son cabinet.
De telles sympathies ont été justement
considérées, par les membres du Cercle,
comme le meilleur -témoignage de l'utilité
de l'organisation nouvelle des Cercles ci-
viques.
De grands services, sont rendus cnaquc
jour à la cause anticléricale et républicai-
ne, par les divers groupements d'action
laïque, et notamment .par les nombreuses
sociétés de libre pensée déjà existantes.
Les Cercles civiques, — qui se dresseront
en face des Cercles catholiques, — n'ont
pas d'autre, tâche que d'aider l'œuvre com-
mune. Tout simplement, ils prétendent éta-
blir entre les républicains résolus à porter
le poids d'une lutte difficile et incessante,
des liens de solidarité plus étroite et de
confiance amicale.
Se connaître, se voir souvent dans des
réunions intimes où l'on parle moins- et
où l'on conclut mieux que dans les réu-
nions publiques, s'entr'aider ; voilà le
Cercle.
D'autre part, on a pensé qu'il serait
agréable et utile aux libres penseurs de
France et à ceux des colonies ou des pays
étrangers, d'avoir, des relations, plus sui-
vies.
C'est pourquoi, vendredi dernier, M.
Emile Jeand'heur, directeur d'école à Pa-
rakou, dans le Dahomey, fut amicalement
reçu et fêté au Cercle Berthelot. Il exposa,
dans une très intéressante causerie avec
des projections .pittoresques, la vie des
fonctionnaires et le rôle des instituteurs
aux colonies.
M. Raoul Ova, juge à Cayenne, présidait
la soirée. Il dit à son tour comment des
fonctionnaires républicains peuvent et doi-
vent faire aimer Ja République aux pays
lointains.
Au cours de -la réunion, M. Vaughan-
Grey, délégué de la National Secular So-
ciety, de Londres, fut introduit par des
amis au Cercle, acclamé, et il fit accepter
d'enthousiasme l'idée d'un échange de
visite-s, au printemps prochain, entre Lon-
dres et Paris. Ainsi s'affirmerait l'entente
cordiale entre libres penseurs des deux
grandes nations.
Pour finir, M. Dessouter, chansonnier
montmartrois, chanta les Adieux de Fal-
lières à Marianne. Ce fut de la politique
gaie.
Mais aussi M. Bares avait fait une gra-
ve oonflérence sur la dibre pensée et le
spiritualisme. Dû xiiâ n'empecbe pas de
philosophes.
L'INCIDENT
du Paty de Clam
Le Ministre de la Guerre
par deux fois
offre sa démission
Elle sera acceptée ce matin
Au Conseil des ministres, M. Millerand
offre une première fois sa démission;
il l'offre une seconde fois dans la
soirée.- Un nouveau Conseil des
ministres aura lieu ce matin;
la démission de M. Millerand
sera alors rendue officielle.,
L'émotion, soulevée par la réintégration
du colonel du Paty de Clam, ne s'est pas
oalmée dans la journée d'hier. Bien au
contraire.
Les députés et sénateurs républicains
qui se trouvent, en ce moment, à Paris,
sont unanimes à réprouver l'acte de M.
Millerand.
Même des hommes poJitiques, qui ne
sont point suspects de dreyfusisme, esti-
ment que le moment était mal choisi pour
faire revivre les incidents d'une Affaire
qui avait si profondément troublé et dé-
chiré le pays. A l'heure où nous sommes
et où des préoccupations patriotiques do-
minent les autres questions, le chef_de
l'armée a été bien mal inspiré en remuant
des souvenirs douloureux que le temps
avait apaisés.
Mais, c'est surtout au point -de vue de, la
politique intérieure, que l'acte du ministre
de la guerre est commenté et sévèrement
apprécié.
Première offre de démission
Cet acte, comme on le pense bien, a eu
sa répercussion à. la séance du Conseil des
ministres, qui s'est tenu hier matin.
Il a fait le principal objet de la délibéra-
tion des membres du gouvernement et,
sans tenir compte des renseignements
plus ou moins exacts qui ont transpiré de
la réunion ministérielle, on peut affirmer,
dans tous les cas, que le ministre de la
guerre n'a pu se méprendre sur les sen-
timents de désapprobation de l'unanimité
de ses collègues du cabinet.
Ces sentiments lui ont si peu échappé,
qu'il a offert sa démission. Le conseil n'a
pas cru devoir l'accepter sur l'heure ; mais
la note officieuse, communiquée à la pres-
se, à l'issue de la réunion, ne laisse au-
cun doute sur le désaveu infligé par ses
collègues à M. Millerand.
Voici cette note :
Le communiqué du Conseil
Le conseil des ministres s'est réuni à
VElysée, sous la présidence de M. Fallières.
'Après avoir entendu les communications
du président du Conseil, au sujet des affai-
res extérieures, les ministres se sont occu-
pés de la question de la réintégration 'du
liertienant-colonel du Paty de Clam et des
conditions dans lesquelles eUe s'est faite.
A l'issue du conseili la note suivante a
été communiquée ;
« Le ministre de la guerre a rendu compte
au conseil des visites qu'il avait faites dans
les écoles de Saumur et de Saint-Maixent
et de l'impression extrêmement favorable
qu'il en avait rapportée.
« Il a expliqué au Conseil les conditions
dans lesquelles il s'est considéré comme
obligé 'de donner une affectation au lieute-
nant-colonel du Paty de Clam dans l'ar-
mée territoriale.
« M.. Millerand regarde cette 'décision
comme une mesure administrative d'ordre
intérieur dont il revendique toute la res-
ponsabilité. »
On ne pouvait dire plus clairement que
les collègues du ministre de la guerre lui
laissaient l'entière responsabilité de son
acte, qu'ils désapprouvaient ainsi implici-
tement.
A beaucoup, cependant, cette désappro-
bation implicite n'a pas paru suffisante.
« La démission de M. Millerand eût dû
être, disaient-ils, immédiatement accep.
tée. » Mais on n'aura rien perdu pour at-
tendre. Tout le monde, en *effet, considé-
rait que la situation de M. Millerand était
intenable et que s'il ne donnait pas spon-
tanément sa démission, c'est la Chambre
qui le renverserait dès la rentrée.
Réunion de ministres. — Nouvelle offre
de démission.
Aussi, n'a-t-on pas été surpris d'appren-
dre que, dans la soirée, une réunion de mi.
nistres et de parlementaires s'était tenue
au quai d'Orsay, au cours de laquelle M.
Millerand avait de nouveau, offert sa dé-
mission. Cette réunion a duré de 10 heu-
res du soir à une heure du matin. Y assis-
taient, notamment, MM. Poincaré, Briand,
Klotz, Steeg, Millerand, Guist'hau, Jean
Dupuy, Chaumet, Bérard, Besnard, Mo.
rel, ainsi que M. Etienne.
Le ministre de la guerre reconnaissant
que son maintien au pouvoir créait au ca-
binet une situation difficile dont lui seule-
ment devait supporter la responsabilité,
mais qu'on s'efforcerait de faire remonter
jusqu'au président du Conseil, offrit à nou-
veau sa démission.
On se trouva alors presque d'accord pour
reconnaître que la démission de M. Mille-
rand ne pouvait être évitée ; mais M. Poin-
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