Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1914-01-06
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 janvier 1914 06 janvier 1914
Description : 1914/01/06 (N3804,A31). 1914/01/06 (N3804,A31).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
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Les Annonces sont reçues au bureaux da
Supplément, 88, r. de Richelieu.
SOMMAIRE
du Mardi 6 Janvier
8.-0. Gluck. — LA Comédie de la passion*
Feuilledevigne. — Echos.
M. Cétival. — La Leçon d'anglais
Bou Meddah. — Les Marrons du vieux Bitirac.
Marcel Strauss. — Ballade.
J -P Lamy. — Pour des Gaudes.
Maurice Hamel. — Saltimbanques et ForainS.
j de la Butte. — Chronique d'un Parisien.
R. de Markett. — La Maison qui ne changeait
pas.
a.-B. — Les Almanachs.
Francisco Contreras. — Les Danses exotiques.
L.-S. - L'humour de Fragson.
Lucy Augé. - Après la faute (roman) (suite).
LE CCEUR & LES SENS
La Comédie
de la Passion
M. de Brévalles. philosophe quinquagé-
naire, à son filleul MaAifice Gardien,
étudiant en droit.
Mon cher filleul,
Ta lettre m'a bien amusé. J'ajoute
qu'elle m'a flatté. Il est si extraordinaire
qu'un jeune homme daigne faire appel
à l'expérience d'un de ses anciens ».
Il est vrai que j'ai mené une tellejexis-
tence de désordre, que j'ai commis (et
commets encore 1) de telles folies, que
je ne dois pas te faire l'effet d'un
« vieux ». Tu me considères sans doute
— et sans le moindre respect — comme
un étudiant L..Tu as bien raison. Il ma
semble, malgré mes cheveux gris, que
ie suis de ta génération, tant mon cœur
est demeuré jeune 1
Ainsi, tu désires savoir de moi quels
sont les meilleurs moyens pour conqué-
rir les femmes ? Soit. Je vais donc ou-
viir, à ton usage, un couros de séduc-
tion, que vraisemblablement le gouver-
nement n'aura pas le bon goût de sub-
ventionner.
Je commence par te dire que je ne me
trace aucun plan. Seul mon caprice sera
le seul guide de mon enseignement. Et
si aujourd'hui je vais t'exposer les avan-
tages que présente « la comédie de la
passi'Ûn », ce n'est point parce que je
préfère ce moyen de séduire à un au-
tre, c'est simplement parce que je viens,
tout à coup, de penser à Mme Hermance
Choumel, une charmante veuve, qui,
il y a vingt-sept ans exactement, me
résistait de façon outrageante.
Hermance avait trente printemps, moi
j'en avais vingt-quatre. Elle était petite,
grassouillette ; elle avait un teint idiéal,
des cheveux blonds admirables, et des
yeux noirs rieurs, à damner un saint.
Je n'étais pas un saint et j'étais loin
d'être un Adonis. Cependant j'étais sou-
vet le héros de flatteuses bonnes fortu-
nes, car je possédais une assez remar-
quable sûreté de diagnostic : dès que je
me trouvais en présence d'une femme,
l'avais l'intuition de ce qu'il fallait lui
dire pour entrer immédiatement, dans
ses bonnes grâces. Et mes heureux
pressentiments m'ont souvent fait réus-
sil là où des rivaux, beaucoup mieux
tournés que moi, échouèrent.
Je devinai tout de suite qu'Her-
ni an ce, dont j'avais fait la connaissance
chez des amis, ne me tomberait pas
dans les bras aussi vite que je le sou-
haitais.
Certes, je constatais bien. que je ne lui
déplaisais pas, et que j'avais fait sur elle
cette bonne impression, sans laquelle
aucune conquête n'est possible. Mais il
était évident que cela ne suffisait pas à
lui donner le désir de satisfaire m.a pas-
sion Mme Choumel n'était ooint la fem-
me des chutes rapides et des liaisons
sans lendemain. Sans être une forte-
resse imprenable, il apparaissait néan-
moins qu'elle n'était point de ces places
que l'on peut emporter d'assaut — et
qu'elle ne se rendrait qu'à bon escient,
après un siège en règle.
J'ai toujours tenu pour judicieux le
proverbe qui affirme que « tout vient à
point, à qui sait attendre ». Aussi, bien
que ma hâte fût très grande de voir Her.'
m an ce devenir ma maîtresse, je sus pa-
tienter et mener ma barque, avec une
habileté de vieux pilote.
Tout d'abord je m'efforçai de la ren-
contrer le plus souvent possible. Elle!
venait régulièrement chaque lundi pren-
dre une tasse de thé chez les amis où
nous nous étions connus. Chaque lundi
je me contraignis à absorber l'infusion
si chère aux Anglais. Et comme la na-
ture m'a doué d'une certaine verve, je
fus toujours le boute-en-train de la soi-
rée. Brusquement ma gaîté disparut,
et bientôt je fis comme elle.
Hermance ne manqua point de remar-
quer le changement survenu en moi,
puis de s'étonner de ne plus me voir.
Le hasard — un hasard que j'avais
provoqué — nous remit en présence
dans la rue. Avec un intérêt que je ju-
geai de bon augure elle s'enquit de ma
santé et me demanda pourquoi je ne
fréquentais plus chez les X.
« Seriez-vous en froid avec eux ? »
me dit-elle.
— Non ! répliquai-je.
- Alors ?
Je partis hésiter, comme si un violent
combat se livrait en moi, puis brusque-
ment je lui jetai à la tête une déclaration
volontairement maladroite, qui, débitée
sur un ton saccadé, paraissait sortir de
mon cœur # Inalgré moi.
a Si je m'abstenais d'aller chez les
X..T, c'était pour ne pas me trouver au..
près dtelle, car, sans m'en douter, Je
m'étais laissé conquérir par son charme
et je l'aimais sans espoir. Trop jeune,
sans situation, je ne pouvais songer à
l'épouser. Je pouvais encore moins son-
ger à devenir son amant. J'estimais
donc indispensable de l'oublier, et, pour
y parvenir, le plus simple était de m'é-
loigner d'elle. Jamais je n'aurais osé
lui dire tout cela, si elle ne m'avait pas
interrogé. Je me rendais bien compte
que je l'avais offensée et je lui en pré-
sentais toutes mes excuses. »
Surprise, et agréablement surprise,
- cela se voyait ! — elle me répondit
que j'étais un grand enfant, que j'avais
tort de prendre mon amour au sérieux,
qu'au lieu de la fuir je devais ne pas
craindre de l'approcher et que bientôt
je ne tarderais pas à comprendre com-
bien il était fou de ma part, etc., etc.
Tout en protestant énergiquementi
contre la désinvolture avec laquelle elle
traitait mes sentiments, je lui répliquai
que j'étais prêt à suivre ses conseils. Et,
de nouveau, chaque lundi je la retrouvai
chez les X.
Bien entendu, je m'arrangeais tou-
jours à partir en même temps qu'elle.
Et, dès que nous étions seuls, c'était
pour disserter sur ma grrrande passion.
Elle affectait de la croire en décrois-
sance. Pour lui prouver le contraire, un
soir que nous passions dans une rue dé-
serte, Je la saisis presque brutalement
et l'embrassai sur les lèvres. Elle se dé-
battit, à moitié fâchée. Je lui fis obser-
ver qu'elle était seule responsable de
ce qui venait d'arriver, que si elle ne
m'avait pas engagé à reparaître chez
les X., elle n aurait pas besoin au-
jourd'hui de me rembarrer comme elle
le faisait, qu'au surplus je ne lui en
voulais pas, mais que, dégoûté de l'exis-
tence, j'allais me loger une balle dans La
tête. Justement j'avais sur moi mon re-
volver. »
Et je lui exhibai un petit joujou
d'acier qui l'affola.
Elle m'ordonna de faire disparaître
cette « arme odieuse », se lamenta sur
la situation épouvantable dans laquelle
je la mettais, concéda qu'évidemment
elle avait eu tort de me conseiller de la
revoir, mais qu'elle était loin de s'at-
tendre.
Une heure après, elle était ma maî-
tresse, une maîtresse délicieuse, que
je n.e tardai pas à aimer de tout mon
cœur.
Un jour, je lui dis :
« Au fond, tu t'es donnée à moi par
pitié. Tu as eu peur de me voir faire une
sottise irréparable et. »
Elle me regarda malicieusement et
répondit :
« Bêta I Crois-tu que si tu ne m'avais
pas plu, ^aurais consenti ?. Oh 1 il
est presque certain que,si tu ne m'avais
pas aimé aussi violemment, je n'aurais
jamais été tienne 1 Mais je te jure bien
qu'il ne suffit pas qu'un homme nous
menace de se tuer pour que nous nous)
décidions à lui ouvrir nos bras. Ah ! çà 1
Penses-tu que si le charbonnier du coin
me disait : « Soyez à moi ou je me jette
à l'eau ! H je lui permettrais de. Non 1
non ! Je l'enverrais à la rivière. se net-
toyer ! » -
Fais ton profit, mon cher filleul, de
ces paroles. Les femmes nous jouent
assez souvent la comédie pour que nous
leur rendions de temps à autre La mon-
naie de leur pièce. Du reste, à bien ré-
fléchir, ai-je commis une action blâma-
ble ? Certes, en disant à Hermance que
j'allais me faire sauter la cerveMe, je
mentais abominablement. Mais en som-
me, si je désirais sa conquête, ce n'était
point, comme l'odieux Don Juan, pour
la faire souffrir lorsqu'elle m'aimerait,
c'était pour nous procurer des joies.
fort appréciables. Une aussi heureuse
fin, ce me semble, justifie un tel moyen.
Là-dessus, je te serre affectueusement
les mains.
Ton parrain pour l'éternité.
GONTRAN DE BRÉVALLES.
Pour copie conforme :
E.-G. Gluck.
————————— ) -.- (
ÉCHOS
De 1 mode.
Cela devait arriver ; nos élégantes ont com-
mencé par les bas de soie arachnéens, puis
elles ont adopté le cothurne, puis la robe fen-
due, afin de ne rien cacher de leurs chevilles
délicates.
La suprême nouveauté est, aujourd'hui, de
ne plus mettre de bas du tout. Ainsi s'accen-
tue encore le retour vers les modes directoi-
re. On chausse sur le pied nu le haut soulier
de soie, à lacets noués en croisillons sur la
jambe, et comme il fait froid de la porte à
l'auto, nos très belles engoncent leurs petits
ipieds dans d'informes chaussons fourrés, sor-
tes de manchons pour orteils, qu'elles aban-
donnent, avec leur manteau, au vestiaire.
Le seul ornement toléré est la gourmette
au-dessus de la cheville.
Mais quelques-unes renchérissent encore
sur cette fantaisie, telle cette gracieuse actri-
ce de l'Odéon qui porte sur son pied nu un
gros saphir encerclé d'or.
*
**#
Pour être parfaites.
Que faut-il aux dames pour être absolu-
ment parfaites ? Oh .! pas beaucoup, puis-
qu'elles le sont déjà, presque toutes, natu-
rellement et de par leur grâce.
Donc, pour la perfection, il ne leur man-
que plus que, seulement, trois petites cho-
ses :
i. Ressembler à l'escargot, qui ne sort ja-
mais de sa maison t; mais elle ne doit pas,
LES SOUBEETTES
— Je n'attendais plus Monsieur 1
comme l'escargot, toujours mettre sur son
dos tout ce qu'elle possède.
2. Ressembler à l'écho, qui ne parle que
lorsqu'on l'interroge ; mais elle ne doit pas,
comme l'écho, toujours vouloir que le der-
nier mot lui reste.
3. Ressembler à l'horloge municipale,, qui
doit toujours être d'une régularité parfai-
te (?) ; mais elle ne doit pas, comme l'hor-
loge, vouloir se faire entendre de toute la
ville.
♦%
Gai 1 Gai !
D'une récente statistique anglaise, il résulte
que, sur un million de ménages, on en comp-
te 500.000 passables, 300.000 médiocres,
200.000 mauvais, 4.000 infernaux, 1.000 heu-
reux en apparence, enfin 24 .relativement heu-
reux. Deux douzaines sur un million.
Gageons que le statisticien est célibataire.
*%
Cartes de visite.
Les larges ipaniers à cartes de visite ont
fait leur apparition dans les bureaux de pos-
te, et la pensée des étreanes suffit tout juste à
consoler les facteurs qu'afflige ce surcroît de
travail.
Que diraient-ils, les infortunés postiers, si
la mode nous obligeait demain à adopter les
cartes de visite dahoméennes ou chinoises?
En Chine, les mandarins s'envoient par
leurs serviteurs d'immenses morceaux de vé
lin, qui atteignent parfois un mètre carré,
sur lequel ils inscrivent de loi es et subti-
les devises.
Au Dahomey, les chefs s'adressent des
planchettes de bois couvertes de dessins ou
de grosses branches sculptées.
Les Dahoméens sont des sages. Avec les
vœux de bonne année de leurs amis, ils' peu-
vent se chauffer tout l'hiver.
**#
La terre engraisse.
Eh ! oui, elle devient obèse, la Terre, tout
comme une bonne rentière. Son tour de Ile
augmente, (peu considérablement, c'est vrai,
mais il augmente.
Comment a-t-on pu le constater? direz-
vous. Ce sont les Américains qui viennent c'e
nous faire cette curieuse révélation.
A l'aide de calculs irréfutables, paraît-il,
ils ont pu établir que depuis r856 le rayon de
l'Equateur a augmenté de 42 kil. 500 m.
Cette découverte est évidemment impor-
tante au point de vue de l'agriculture. Si
cette progression continue — et les savants
américains nous affirment qu'il ne pourrait en
être autrement — il n'y aura plus de meil-
leur placement.
On achètera des terres, et il suffira de les
engraisser pour en augmenter la superficie.
# *
Une femme notaire.
L'espèce en est rare. On en cite un exem-
ple en Italie, ou plus exactement on pourra
le citer bientôt : Mlle Adelina Bertici vient
d'être admise au Collège notarial, à Rome.
Toutes les carrières, décidément, s'ouvre;at
aux femmes, et le féminisme est en mauvaise
posture, car il est basé sur un certain nom-
bre de revendications qu'on est en train de
satisfaire peu à peu. Quand on les aura satis-
faites toutes, les femmes seront bien obligées
de rentrer dans le rang.
Qui sait même si, à ce moment, les suffra-
gettes, changeant d'objectif, ne réclameront
pas dans la société tout simplement la place
qu'elles y ont occupée jusqu'ici.
La donna è mobile.
* *
Le Premier de l'An.
L'habitude de faire commencer l'année ci-
vile le 1er janvier ne date pas d'hier, car les
Romains la prirent en 153 avant Jésus-Christ,
c'est-à-dire il y a plus de vingt siècles. La
raison en était que les consuls entraient en
charge à cette date et qu'il était d usage de
donner à chaque année le nom des consuls en
exercice.
Auparavant, l'année ,commençait avec le
printemps au ier mars, ce qui est plus natu-
rel, et les mois de septembre, octobre, no-
vembre et décembre étaient bien alors respec-
tivement, comme l'indique leur étymologie,
les septième, huitième, neuvième et dixième
mois de l'année.
* *
Les origines du cinéma.
Le physicien belge Plateau en fut proba-
blement le précurseur puisqu'il construisit
son instrument en s'inspirant d'un phénomè-
ne visuel : le zootrope ou phénakistiscope.
En 1885, l'ingénieur Raynaud combina un
appareil de principe similaire destiné à la
projection : le praxinoscope ; Marey et son
collaborateur Démeny, au cours de leurs étu-
des sur la chronophotographie furent amenés
à substituer dans le zootrope et le praxinos-
cope les images photographiques à celles que
la main dessinait.
En 1895, Edison mit au jour un appareil
à bande pelliculaire, représentant un mou-
vement d'un certain laps de temps.
Les frères Lumière enfin, à force de re-
cherches et de perfectionnements, firent entrer
la cinématogr^phie dans le domaine pratique.
'II..
Les Rayons X.
Le radiologiste bien connu, docteur Hall-
Edwarcls, de Birmingham, qui est au&si une
des victimes de la dermatite causée par les
rayons X, vient d'appliquer un procédé in-
venté en Allemagne pour la radiographie de
plantes et d'insectes. Il paraît que l'emploi
de rayons très doux de tubes à très basse
émission peuvent, dans certaines conditions,
produire des images d'objets aussi transpa-
rents que les fleurs ou du papier. Des expé-
riences ont montré la possibilité d'observer
ainsi la marche de certaines maladies dans
des plantes ; on a réussi à lire, à travers
une enveloppe des lettres écrites avec une
encre métallique ; la structure des insectes
peut être examinée sans qu'on les dissèque.
Les botanistes et entomologistes aussi bien
que les détectives pourront donc trouver de
grands avantages dans ce nouveau dévelop-
pement de la radiologie.
♦ #
Jardins parisiens.
Le docteur Dieupart, ex-médecin chef du
dispensaire antituberculeux de Saint-Denis,
vient de publier dans le Bulletin officiel de
la Société médicale des praticiens, une étude
fort intéressante sur la « disparition des jar-
dins parisiens ».
(c En 1900, dit-il, Paris possédait 641 hec-
tares, 25 ares, 13 centiares, soit 6.412.513 mè-
tres carrés de jardins privés. En 1910, il n'a
plus que 530 hectares, 57 ares, 37 centiares,
soit 5.305.737 mètres carrés. En 10 ans, plus
d'un million de mètres carrés d'îlots de ver-
dure ont été envahis par la bâtisse. 112 hecta-
res de jardins disparus en 2 lustres t Au
train dont vont les choses et elles vont très
rapidement, il est à présumer que les 530 hec-
tares de jardins privés restants ne dureront
pas longtemps. Passy, célèbre par ses arbres
séculaires, se bâtit tous les jours; Montmar-
tre avec son maquis et ses vignes, est mort :
on l'enterrait joyeusement le 20 juin 1913.
« Certains quartiers ont perdu des surfa-
ces considérables. Ainsi, le quartier de Javel
a perdu 11 hectares, Saint-Lambert, 9 hecta-
res.
« Les 112 hectares disparus n'ont pas suffi
à la bâtisse, il a fallu prendre 33 hectares
sur les terrains nus, qui, eux aussi, consti-
tuaient des réservoirs d'air.
« En effet, en 1900, on trouve 2.630 hecta-
res, 26.301.282 mètres carrés de constructions;
en tgio, on trouve 2.775 hectares, 27.756.011
mètres carrés, soit 145 hectares de plus, exac-
tement" 1.454.729 mq.
Feuilledevigne.
ha
Parce qu'on venait d'en médire féroce-
ment, on accueillit les Dutreillit avec dies
cris de joie : « C'est eux, les voilà ! ! » et
toute la bande courut à leur rencontre.
Trois jeunes fillettes et un garçonnet étaient
le reliquat d'une famille comptant dix mem-
bres. « Miss » suivait, le chapeau en ba-
taille. Aussitôt, les parties s'organisèrent.
Malgré l'extrême jeunesse des joueurs, des
préférences s'affirmaient. La cadette (des
DutreiHit), nez spirituel, yeux avertis, était
la plus recherchée. Elle commandait, dis-
cutait, jugeait et tous obéissaient, subju-
guas. Le grand Landrault marchait dans
son sillage, béat et timide, et ses quatorze
ans godiiches s'émerveillaient de la grâce et
de l'esprit de cette petite fée de douze ans. -
Les gouvernantes et les mères tenaient
leurs assises dans le fond du tennis. Assez
loin pour ne pas recevoir les balles éga-
rées, elles étaient abritées par une tente ;
et de confortables fauteuils d'osier leur of-
frant un bien-être relatif, elles se retrou-
vaient chaque jour avec plaisir et agitaient
les plus hauts sujets littéraires ou les plus
angoissantes questions sociales. te -
a Miss » apportait la note comique avec
ses étonnements et son accent de mangeuse
de pudding ayant mariné dix ans dans la
choucroute d'un mariage allemand. Quoi-
qu'elles s'amusassent énormément des im-
pairs et des sophismes de l'étrangère, ces
dames n'en laissaient rien paraître : on
était entre gens bien élevés.
Les raquettes soudain s'immobilisèrent,
les balles a l'abandon roulaient le long du
treillage. Tous les yeux buvaient l'azur :
un dirigeable passait.
Quand il eut disparu derrière l'écran
d'une maison en construction, les émotions
s'exprimèrent :
« C'est impressionnant ! » disait une des
mères, madame Dirait.
« On dirait un cigare », constata le grand
Landrault.
« Si vo avez une cigare comme il tous les
soirs, vous pouvez pas fumer lui ! » répon-
dit finement la fille d'Albion. « Je pense, on
croit plutôt une banane ! » 1
— Aih bien, répondit flegmatiquement le
naïf en lui retournant aimablement sa plai-
santerie, si vous aviez une banane comme
ça tous les soirs, vous pourriez pas, l'ava-
ler 1 1 n
Sournoisement, comme en fraude, des ri-
res fusèrent dans le groupe de la jeunesse.
Mais les mères gardaient leur gravité et
madame Dirait s'exprima d'une voix posée
et lente :
— Si une banane de cette dimension exis-
tait, mon petit ami, et que Miss eût la chan-
ce de la poseMer, je pense qu'elle en ferait
un partage équitable et que nous pourrions
tous y goûter.
— Yes, je ferai ! affirma miss.
Les enfants retournèrent à leurs jeux.
Ces dames ramassèrent la phrase inache-
vée. L'incident était clos. On était entre
gens bien élevés.
Madame Dirait éprouvait une sympathie
marquée pour l'Anglaise. Malgré la difficul-
té inouqe d'une conversation suivie, elle l'in-
terrogeait, prenait ptaiair à la faire causer,
l'écoutait avec un intérêt évident, en étouf-
fant de temps à autre un bâillement intem-
pestif ; sous le prétexte de se donner un
peu de mouvement, elle la prenait par le
bras et lui faisait faire le tour du tennis,
à petits pas coupés d'arrêts, et on l'enten-
dait s'exclamer., tout en jouant négligem-
ment avec le rabat de dentelle de son in-
terlocutrice.
— Ah ! vraiment ? très amusant ! et
dites-moi donc.
Elles reprenaient leur marche, lentement,
puis elles s'arrêtaient de nouveau, face à
face, et madame Dirait s'étonnait :
— Comment, Miss,. vous connaissez no-
tre histoire de France ?
— Waterloo, il est aussi le histoire de
l'Angleterre.
— C'est juste ! Après une hésitation, mas-
quant sa gêne sous un petit rire nerveux,
elle demanda : -
— Alors, vous connaissez aussi la légende
qui s'attache à cette bataille ?
- No !
- Mais sil voyons, le mot. le mot de
Cambronne.
— Aoh 1 yes ! Je sais ! La garde meurt.
— Et ne se rend pas !. ceci est la phrase
imprimée, correcte, officielle. Mais, le mot,
le mot vrai, le mot enfin.
Elle s'irritait devant la mauvaise volonté
de l'Anglaise. Tout le monde savait cela,
cependant ; 'la décence l'empêchait d'aller
plus loin.
Miss heureusement se décidait :
— Yes, je ai compris !
— Alors — madame Dirait avait repris sa
marche — et ceci entre nous, naturellement
— (sa voix baissa jusqu'au murmure) —
comment dites-vous. ça. en anglais ?
Interloquée, la gouvernante des Dutreillit
leva les yeux sur la « French Lady » :
— Comment nous dit ça, en anglais ?.
Pourquoi vô vôlez savoir ?
Biles éTaient arrivées tout près de la tente.
Madame Dirait glissa amicalement son bras
sous celui de « Miss » et après quelques
pas en silence, quand nulle indiscrétion
n'était à craindre, elle s'aventura dans sa
confidence, avec des précautions de chatte
qui craint de salir sa robe immaculée aux
malpropretés environnantes :
— Figurez-vous, ma chère que j'ai un
mari passablement nerveux. Il y a des soirs
ou son caractère irritable trouve une dé-
tente en me cherchant querelle. Je suis trop
bien élevée pour lui répondre quoi que ce
soit. en français. Mais, comme il ne parle
aucune autre langue, j'éprouverais, je crois,
un vif plaisir. à, me soulager par un
mot. sans qu'il ait lieu de s'en offenser.
« Miss » repensait 4 ses dix années de
dissenssiona conjugales où le « mot » avait
ëté souvent l'arme suprême des combat-
tants. Elle le lui envoya en plein visage,
comme un jet de vapeur.
— 1 1
Après une petite suffocation, ayant repris
son souffle, madame Dirait s'en délectait S
mi-voix, gourmande, comme (Tune sucrerie
longtemps convoitée. Elle imitait ainsi, avec
la répétition de ce mot à unique syllabe, le
bruit de la locomotive, au départ, lâchant le
trop plein de ses chaudières.
Satisfaite, elle retourna auprès de ces da-
mes. L'Anglaise, mise en galté, essaya une
plaisanterie anodine. Mais un petit munnu..
re réprobateur s'éleva autour d'elle. Mada-
me Dirait fit la moue. Après un silence de
quelques secondes, la conversation s'en-
chaîna. On dit les habituelles banalités.
C'était fort bien ainsi : on était entre gens
bien élevés !
M. Cétival.
L'étbéronrçane
Elle marche péniblement,
Ployée en deux, la tête basse,
Manquant tomber à chaque instant,
Sous le véhicule qui passe.
Sur un banc, près d'un monument,
Timide et lente elle prend place
Puis respire rapidement
Un flacon d'éther qu'elle casse.
Lors, c'est une pauvre démente,
Qui rit et pleure, ou danse, ou chante,
En grimaçant hideusement.
Et la foule qui passe, dense,
S'arrête et regarde un moment,
Cette vieille femme qui danse.
Georges-Olivier Lauchard.
> -.- < —
UttKMeiHBitlrae
1
— Chauds !. chauds, les marrons 1 !
Voyez, les enfants, comme ils rigolent !
Ch'est doux aux yeux et à l'echtomac !
Chauds ! chauds les marrons 1 Ch'est du
soleil dans ma poêle !
Et, courbé sur son établi, sa bonne et
large face d'Auvergnat quelque peu noir-
cie par le charbon et la fumée le vieux
Bitirac jette d'une voix cassée son appel à
la rue frileuse que décembre emplit de
brouillard, de boue glacée et de givre. Et
de voir dans l'immense poêle trouée J'écor-
ce des brunes châtaignes se fendiller et
montrer un peu de chair blonde, de les en-
tendre crépiter, léchées par la flamme ré-
jouissante, de humer la bonne odeur
qu'elles répandent, une kyrielle de gamins,
-le nez rougi par le froid, les mains aux
poches, s'entassent autour de l'échoppe et
dardent sur les fruits savoureux des re-
gards plus pétillants que la braise qui les
fait cuire. Il en est à qui la convoitise met
un peu de salive aux lèvres et fait sortir
un bout de langue ; d'autres qui, avec des
gestes navrés, se fouillent pour la centième
fois, à la recherche de la pièce de deux
sous chimérique ; et, par la culotte fendue
de plus d'un, l'on voit leur chemisette en
drapelet frémir de dépit ou d'impatience.
Et l'Auvergnat, impassible, suit d'un œil
futé toutes les tempêtes déchaînées dans
ces jeunes crânes, continue à faire sauter
ses marrons, qui, maintenant rôtis à point,
ont la couleur des louis d'or et embaument
la rue ; avec une étonnante dextérité, il
les projette, fait mine de les laisser tomber
à terre, puis, au désappointement général,
les reçoit, sans en perdre un seul, dans la
grande poêle.
Et sa voix inlassable chantonne :
— Chauds ! chauds les marrons 1 Voyez
les enfants, comme ils rigolent ! Ch'est
doux aux yeux et à l'echtomac ! ! Chauds 1
chauds les marrons 1 Ch'est du beau soleil
dans ma poèle !.
Bientôt, il y a autant de gamins autour
de lui que de mouches autour d'un sucrier,
à l'heure de la canicule.
Mais voici que le regard du vieux Bitirac
se voile ; ses bras tremblent, des bras mai-
gres, velus, mais solides malgré la septan-
taine approchant ; et soudain, d'un geste
volontairement maladroit, il laisse choir
sur le sol un flot de blondes châtaignes.
Elles s'éparpillent sur le trottoir, et la
bande enfantine se précipite pareille à une
couvée de poussins, quand la fermière à
pleine mains leur jette la graine.
Le vieux Bitirac, tout en se reprochant à
haute voix sa maladresse, 113 regarde,
heureux, croquer ses marrons, et une lar-
me s'arrondit au coin de ses yeux, une
grosse larme qu'il ne parvient pas à dissi-
muler et qui fait un sillon d'argent sur sa
joue noire.
Et tous les jours du long hiver, c'est
ainsi à la même heure, celle où les écoles
du quartier rejettent dans les rues du fau-
bourg 'la pauvre marmaille qu'elles ont
abritée quelques heures.
Pourquoi cette larme ? Pourquoi cette
aumône quotidienne si délicate et si dis-
crète d'uD pauvre à des pauvres ?
Ecoutez.
II
A quelle époque Jean Bitirac avait-il
quitté l'Auvergne pour la capitale ? Cette
date ébait si lointaine que lui-même ne pou-
vait se la rappeler. Tout ce qu'il avait re-
tenu, c'est qu'en arrivant à Paris, il dut
sauter des barricades, que Louis-Philippe
s'était enfui et qu'on avait proclamé la Ré-
publique.
De tout cela il fut bien moins préoccupé
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RÉDACTION ET ADMINISTRATION
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JLM manuscrits son insérés ne sont pas rendaa
Les Annonces sont reçues au bureaux da
Supplément, 88, r. de Richelieu.
SOMMAIRE
du Mardi 6 Janvier
8.-0. Gluck. — LA Comédie de la passion*
Feuilledevigne. — Echos.
M. Cétival. — La Leçon d'anglais
Bou Meddah. — Les Marrons du vieux Bitirac.
Marcel Strauss. — Ballade.
J -P Lamy. — Pour des Gaudes.
Maurice Hamel. — Saltimbanques et ForainS.
j de la Butte. — Chronique d'un Parisien.
R. de Markett. — La Maison qui ne changeait
pas.
a.-B. — Les Almanachs.
Francisco Contreras. — Les Danses exotiques.
L.-S. - L'humour de Fragson.
Lucy Augé. - Après la faute (roman) (suite).
LE CCEUR & LES SENS
La Comédie
de la Passion
M. de Brévalles. philosophe quinquagé-
naire, à son filleul MaAifice Gardien,
étudiant en droit.
Mon cher filleul,
Ta lettre m'a bien amusé. J'ajoute
qu'elle m'a flatté. Il est si extraordinaire
qu'un jeune homme daigne faire appel
à l'expérience d'un de ses anciens ».
Il est vrai que j'ai mené une tellejexis-
tence de désordre, que j'ai commis (et
commets encore 1) de telles folies, que
je ne dois pas te faire l'effet d'un
« vieux ». Tu me considères sans doute
— et sans le moindre respect — comme
un étudiant L..Tu as bien raison. Il ma
semble, malgré mes cheveux gris, que
ie suis de ta génération, tant mon cœur
est demeuré jeune 1
Ainsi, tu désires savoir de moi quels
sont les meilleurs moyens pour conqué-
rir les femmes ? Soit. Je vais donc ou-
viir, à ton usage, un couros de séduc-
tion, que vraisemblablement le gouver-
nement n'aura pas le bon goût de sub-
ventionner.
Je commence par te dire que je ne me
trace aucun plan. Seul mon caprice sera
le seul guide de mon enseignement. Et
si aujourd'hui je vais t'exposer les avan-
tages que présente « la comédie de la
passi'Ûn », ce n'est point parce que je
préfère ce moyen de séduire à un au-
tre, c'est simplement parce que je viens,
tout à coup, de penser à Mme Hermance
Choumel, une charmante veuve, qui,
il y a vingt-sept ans exactement, me
résistait de façon outrageante.
Hermance avait trente printemps, moi
j'en avais vingt-quatre. Elle était petite,
grassouillette ; elle avait un teint idiéal,
des cheveux blonds admirables, et des
yeux noirs rieurs, à damner un saint.
Je n'étais pas un saint et j'étais loin
d'être un Adonis. Cependant j'étais sou-
vet le héros de flatteuses bonnes fortu-
nes, car je possédais une assez remar-
quable sûreté de diagnostic : dès que je
me trouvais en présence d'une femme,
l'avais l'intuition de ce qu'il fallait lui
dire pour entrer immédiatement, dans
ses bonnes grâces. Et mes heureux
pressentiments m'ont souvent fait réus-
sil là où des rivaux, beaucoup mieux
tournés que moi, échouèrent.
Je devinai tout de suite qu'Her-
ni an ce, dont j'avais fait la connaissance
chez des amis, ne me tomberait pas
dans les bras aussi vite que je le sou-
haitais.
Certes, je constatais bien. que je ne lui
déplaisais pas, et que j'avais fait sur elle
cette bonne impression, sans laquelle
aucune conquête n'est possible. Mais il
était évident que cela ne suffisait pas à
lui donner le désir de satisfaire m.a pas-
sion Mme Choumel n'était ooint la fem-
me des chutes rapides et des liaisons
sans lendemain. Sans être une forte-
resse imprenable, il apparaissait néan-
moins qu'elle n'était point de ces places
que l'on peut emporter d'assaut — et
qu'elle ne se rendrait qu'à bon escient,
après un siège en règle.
J'ai toujours tenu pour judicieux le
proverbe qui affirme que « tout vient à
point, à qui sait attendre ». Aussi, bien
que ma hâte fût très grande de voir Her.'
m an ce devenir ma maîtresse, je sus pa-
tienter et mener ma barque, avec une
habileté de vieux pilote.
Tout d'abord je m'efforçai de la ren-
contrer le plus souvent possible. Elle!
venait régulièrement chaque lundi pren-
dre une tasse de thé chez les amis où
nous nous étions connus. Chaque lundi
je me contraignis à absorber l'infusion
si chère aux Anglais. Et comme la na-
ture m'a doué d'une certaine verve, je
fus toujours le boute-en-train de la soi-
rée. Brusquement ma gaîté disparut,
et bientôt je fis comme elle.
Hermance ne manqua point de remar-
quer le changement survenu en moi,
puis de s'étonner de ne plus me voir.
Le hasard — un hasard que j'avais
provoqué — nous remit en présence
dans la rue. Avec un intérêt que je ju-
geai de bon augure elle s'enquit de ma
santé et me demanda pourquoi je ne
fréquentais plus chez les X.
« Seriez-vous en froid avec eux ? »
me dit-elle.
— Non ! répliquai-je.
- Alors ?
Je partis hésiter, comme si un violent
combat se livrait en moi, puis brusque-
ment je lui jetai à la tête une déclaration
volontairement maladroite, qui, débitée
sur un ton saccadé, paraissait sortir de
mon cœur # Inalgré moi.
a Si je m'abstenais d'aller chez les
X..T, c'était pour ne pas me trouver au..
près dtelle, car, sans m'en douter, Je
m'étais laissé conquérir par son charme
et je l'aimais sans espoir. Trop jeune,
sans situation, je ne pouvais songer à
l'épouser. Je pouvais encore moins son-
ger à devenir son amant. J'estimais
donc indispensable de l'oublier, et, pour
y parvenir, le plus simple était de m'é-
loigner d'elle. Jamais je n'aurais osé
lui dire tout cela, si elle ne m'avait pas
interrogé. Je me rendais bien compte
que je l'avais offensée et je lui en pré-
sentais toutes mes excuses. »
Surprise, et agréablement surprise,
- cela se voyait ! — elle me répondit
que j'étais un grand enfant, que j'avais
tort de prendre mon amour au sérieux,
qu'au lieu de la fuir je devais ne pas
craindre de l'approcher et que bientôt
je ne tarderais pas à comprendre com-
bien il était fou de ma part, etc., etc.
Tout en protestant énergiquementi
contre la désinvolture avec laquelle elle
traitait mes sentiments, je lui répliquai
que j'étais prêt à suivre ses conseils. Et,
de nouveau, chaque lundi je la retrouvai
chez les X.
Bien entendu, je m'arrangeais tou-
jours à partir en même temps qu'elle.
Et, dès que nous étions seuls, c'était
pour disserter sur ma grrrande passion.
Elle affectait de la croire en décrois-
sance. Pour lui prouver le contraire, un
soir que nous passions dans une rue dé-
serte, Je la saisis presque brutalement
et l'embrassai sur les lèvres. Elle se dé-
battit, à moitié fâchée. Je lui fis obser-
ver qu'elle était seule responsable de
ce qui venait d'arriver, que si elle ne
m'avait pas engagé à reparaître chez
les X., elle n aurait pas besoin au-
jourd'hui de me rembarrer comme elle
le faisait, qu'au surplus je ne lui en
voulais pas, mais que, dégoûté de l'exis-
tence, j'allais me loger une balle dans La
tête. Justement j'avais sur moi mon re-
volver. »
Et je lui exhibai un petit joujou
d'acier qui l'affola.
Elle m'ordonna de faire disparaître
cette « arme odieuse », se lamenta sur
la situation épouvantable dans laquelle
je la mettais, concéda qu'évidemment
elle avait eu tort de me conseiller de la
revoir, mais qu'elle était loin de s'at-
tendre.
Une heure après, elle était ma maî-
tresse, une maîtresse délicieuse, que
je n.e tardai pas à aimer de tout mon
cœur.
Un jour, je lui dis :
« Au fond, tu t'es donnée à moi par
pitié. Tu as eu peur de me voir faire une
sottise irréparable et. »
Elle me regarda malicieusement et
répondit :
« Bêta I Crois-tu que si tu ne m'avais
pas plu, ^aurais consenti ?. Oh 1 il
est presque certain que,si tu ne m'avais
pas aimé aussi violemment, je n'aurais
jamais été tienne 1 Mais je te jure bien
qu'il ne suffit pas qu'un homme nous
menace de se tuer pour que nous nous)
décidions à lui ouvrir nos bras. Ah ! çà 1
Penses-tu que si le charbonnier du coin
me disait : « Soyez à moi ou je me jette
à l'eau ! H je lui permettrais de. Non 1
non ! Je l'enverrais à la rivière. se net-
toyer ! » -
Fais ton profit, mon cher filleul, de
ces paroles. Les femmes nous jouent
assez souvent la comédie pour que nous
leur rendions de temps à autre La mon-
naie de leur pièce. Du reste, à bien ré-
fléchir, ai-je commis une action blâma-
ble ? Certes, en disant à Hermance que
j'allais me faire sauter la cerveMe, je
mentais abominablement. Mais en som-
me, si je désirais sa conquête, ce n'était
point, comme l'odieux Don Juan, pour
la faire souffrir lorsqu'elle m'aimerait,
c'était pour nous procurer des joies.
fort appréciables. Une aussi heureuse
fin, ce me semble, justifie un tel moyen.
Là-dessus, je te serre affectueusement
les mains.
Ton parrain pour l'éternité.
GONTRAN DE BRÉVALLES.
Pour copie conforme :
E.-G. Gluck.
————————— ) -.- (
ÉCHOS
De 1 mode.
Cela devait arriver ; nos élégantes ont com-
mencé par les bas de soie arachnéens, puis
elles ont adopté le cothurne, puis la robe fen-
due, afin de ne rien cacher de leurs chevilles
délicates.
La suprême nouveauté est, aujourd'hui, de
ne plus mettre de bas du tout. Ainsi s'accen-
tue encore le retour vers les modes directoi-
re. On chausse sur le pied nu le haut soulier
de soie, à lacets noués en croisillons sur la
jambe, et comme il fait froid de la porte à
l'auto, nos très belles engoncent leurs petits
ipieds dans d'informes chaussons fourrés, sor-
tes de manchons pour orteils, qu'elles aban-
donnent, avec leur manteau, au vestiaire.
Le seul ornement toléré est la gourmette
au-dessus de la cheville.
Mais quelques-unes renchérissent encore
sur cette fantaisie, telle cette gracieuse actri-
ce de l'Odéon qui porte sur son pied nu un
gros saphir encerclé d'or.
*
**#
Pour être parfaites.
Que faut-il aux dames pour être absolu-
ment parfaites ? Oh .! pas beaucoup, puis-
qu'elles le sont déjà, presque toutes, natu-
rellement et de par leur grâce.
Donc, pour la perfection, il ne leur man-
que plus que, seulement, trois petites cho-
ses :
i. Ressembler à l'escargot, qui ne sort ja-
mais de sa maison t; mais elle ne doit pas,
LES SOUBEETTES
— Je n'attendais plus Monsieur 1
comme l'escargot, toujours mettre sur son
dos tout ce qu'elle possède.
2. Ressembler à l'écho, qui ne parle que
lorsqu'on l'interroge ; mais elle ne doit pas,
comme l'écho, toujours vouloir que le der-
nier mot lui reste.
3. Ressembler à l'horloge municipale,, qui
doit toujours être d'une régularité parfai-
te (?) ; mais elle ne doit pas, comme l'hor-
loge, vouloir se faire entendre de toute la
ville.
♦%
Gai 1 Gai !
D'une récente statistique anglaise, il résulte
que, sur un million de ménages, on en comp-
te 500.000 passables, 300.000 médiocres,
200.000 mauvais, 4.000 infernaux, 1.000 heu-
reux en apparence, enfin 24 .relativement heu-
reux. Deux douzaines sur un million.
Gageons que le statisticien est célibataire.
*%
Cartes de visite.
Les larges ipaniers à cartes de visite ont
fait leur apparition dans les bureaux de pos-
te, et la pensée des étreanes suffit tout juste à
consoler les facteurs qu'afflige ce surcroît de
travail.
Que diraient-ils, les infortunés postiers, si
la mode nous obligeait demain à adopter les
cartes de visite dahoméennes ou chinoises?
En Chine, les mandarins s'envoient par
leurs serviteurs d'immenses morceaux de vé
lin, qui atteignent parfois un mètre carré,
sur lequel ils inscrivent de loi es et subti-
les devises.
Au Dahomey, les chefs s'adressent des
planchettes de bois couvertes de dessins ou
de grosses branches sculptées.
Les Dahoméens sont des sages. Avec les
vœux de bonne année de leurs amis, ils' peu-
vent se chauffer tout l'hiver.
**#
La terre engraisse.
Eh ! oui, elle devient obèse, la Terre, tout
comme une bonne rentière. Son tour de Ile
augmente, (peu considérablement, c'est vrai,
mais il augmente.
Comment a-t-on pu le constater? direz-
vous. Ce sont les Américains qui viennent c'e
nous faire cette curieuse révélation.
A l'aide de calculs irréfutables, paraît-il,
ils ont pu établir que depuis r856 le rayon de
l'Equateur a augmenté de 42 kil. 500 m.
Cette découverte est évidemment impor-
tante au point de vue de l'agriculture. Si
cette progression continue — et les savants
américains nous affirment qu'il ne pourrait en
être autrement — il n'y aura plus de meil-
leur placement.
On achètera des terres, et il suffira de les
engraisser pour en augmenter la superficie.
# *
Une femme notaire.
L'espèce en est rare. On en cite un exem-
ple en Italie, ou plus exactement on pourra
le citer bientôt : Mlle Adelina Bertici vient
d'être admise au Collège notarial, à Rome.
Toutes les carrières, décidément, s'ouvre;at
aux femmes, et le féminisme est en mauvaise
posture, car il est basé sur un certain nom-
bre de revendications qu'on est en train de
satisfaire peu à peu. Quand on les aura satis-
faites toutes, les femmes seront bien obligées
de rentrer dans le rang.
Qui sait même si, à ce moment, les suffra-
gettes, changeant d'objectif, ne réclameront
pas dans la société tout simplement la place
qu'elles y ont occupée jusqu'ici.
La donna è mobile.
* *
Le Premier de l'An.
L'habitude de faire commencer l'année ci-
vile le 1er janvier ne date pas d'hier, car les
Romains la prirent en 153 avant Jésus-Christ,
c'est-à-dire il y a plus de vingt siècles. La
raison en était que les consuls entraient en
charge à cette date et qu'il était d usage de
donner à chaque année le nom des consuls en
exercice.
Auparavant, l'année ,commençait avec le
printemps au ier mars, ce qui est plus natu-
rel, et les mois de septembre, octobre, no-
vembre et décembre étaient bien alors respec-
tivement, comme l'indique leur étymologie,
les septième, huitième, neuvième et dixième
mois de l'année.
* *
Les origines du cinéma.
Le physicien belge Plateau en fut proba-
blement le précurseur puisqu'il construisit
son instrument en s'inspirant d'un phénomè-
ne visuel : le zootrope ou phénakistiscope.
En 1885, l'ingénieur Raynaud combina un
appareil de principe similaire destiné à la
projection : le praxinoscope ; Marey et son
collaborateur Démeny, au cours de leurs étu-
des sur la chronophotographie furent amenés
à substituer dans le zootrope et le praxinos-
cope les images photographiques à celles que
la main dessinait.
En 1895, Edison mit au jour un appareil
à bande pelliculaire, représentant un mou-
vement d'un certain laps de temps.
Les frères Lumière enfin, à force de re-
cherches et de perfectionnements, firent entrer
la cinématogr^phie dans le domaine pratique.
'II..
Les Rayons X.
Le radiologiste bien connu, docteur Hall-
Edwarcls, de Birmingham, qui est au&si une
des victimes de la dermatite causée par les
rayons X, vient d'appliquer un procédé in-
venté en Allemagne pour la radiographie de
plantes et d'insectes. Il paraît que l'emploi
de rayons très doux de tubes à très basse
émission peuvent, dans certaines conditions,
produire des images d'objets aussi transpa-
rents que les fleurs ou du papier. Des expé-
riences ont montré la possibilité d'observer
ainsi la marche de certaines maladies dans
des plantes ; on a réussi à lire, à travers
une enveloppe des lettres écrites avec une
encre métallique ; la structure des insectes
peut être examinée sans qu'on les dissèque.
Les botanistes et entomologistes aussi bien
que les détectives pourront donc trouver de
grands avantages dans ce nouveau dévelop-
pement de la radiologie.
♦ #
Jardins parisiens.
Le docteur Dieupart, ex-médecin chef du
dispensaire antituberculeux de Saint-Denis,
vient de publier dans le Bulletin officiel de
la Société médicale des praticiens, une étude
fort intéressante sur la « disparition des jar-
dins parisiens ».
(c En 1900, dit-il, Paris possédait 641 hec-
tares, 25 ares, 13 centiares, soit 6.412.513 mè-
tres carrés de jardins privés. En 1910, il n'a
plus que 530 hectares, 57 ares, 37 centiares,
soit 5.305.737 mètres carrés. En 10 ans, plus
d'un million de mètres carrés d'îlots de ver-
dure ont été envahis par la bâtisse. 112 hecta-
res de jardins disparus en 2 lustres t Au
train dont vont les choses et elles vont très
rapidement, il est à présumer que les 530 hec-
tares de jardins privés restants ne dureront
pas longtemps. Passy, célèbre par ses arbres
séculaires, se bâtit tous les jours; Montmar-
tre avec son maquis et ses vignes, est mort :
on l'enterrait joyeusement le 20 juin 1913.
« Certains quartiers ont perdu des surfa-
ces considérables. Ainsi, le quartier de Javel
a perdu 11 hectares, Saint-Lambert, 9 hecta-
res.
« Les 112 hectares disparus n'ont pas suffi
à la bâtisse, il a fallu prendre 33 hectares
sur les terrains nus, qui, eux aussi, consti-
tuaient des réservoirs d'air.
« En effet, en 1900, on trouve 2.630 hecta-
res, 26.301.282 mètres carrés de constructions;
en tgio, on trouve 2.775 hectares, 27.756.011
mètres carrés, soit 145 hectares de plus, exac-
tement" 1.454.729 mq.
Feuilledevigne.
ha
Parce qu'on venait d'en médire féroce-
ment, on accueillit les Dutreillit avec dies
cris de joie : « C'est eux, les voilà ! ! » et
toute la bande courut à leur rencontre.
Trois jeunes fillettes et un garçonnet étaient
le reliquat d'une famille comptant dix mem-
bres. « Miss » suivait, le chapeau en ba-
taille. Aussitôt, les parties s'organisèrent.
Malgré l'extrême jeunesse des joueurs, des
préférences s'affirmaient. La cadette (des
DutreiHit), nez spirituel, yeux avertis, était
la plus recherchée. Elle commandait, dis-
cutait, jugeait et tous obéissaient, subju-
guas. Le grand Landrault marchait dans
son sillage, béat et timide, et ses quatorze
ans godiiches s'émerveillaient de la grâce et
de l'esprit de cette petite fée de douze ans. -
Les gouvernantes et les mères tenaient
leurs assises dans le fond du tennis. Assez
loin pour ne pas recevoir les balles éga-
rées, elles étaient abritées par une tente ;
et de confortables fauteuils d'osier leur of-
frant un bien-être relatif, elles se retrou-
vaient chaque jour avec plaisir et agitaient
les plus hauts sujets littéraires ou les plus
angoissantes questions sociales. te -
a Miss » apportait la note comique avec
ses étonnements et son accent de mangeuse
de pudding ayant mariné dix ans dans la
choucroute d'un mariage allemand. Quoi-
qu'elles s'amusassent énormément des im-
pairs et des sophismes de l'étrangère, ces
dames n'en laissaient rien paraître : on
était entre gens bien élevés.
Les raquettes soudain s'immobilisèrent,
les balles a l'abandon roulaient le long du
treillage. Tous les yeux buvaient l'azur :
un dirigeable passait.
Quand il eut disparu derrière l'écran
d'une maison en construction, les émotions
s'exprimèrent :
« C'est impressionnant ! » disait une des
mères, madame Dirait.
« On dirait un cigare », constata le grand
Landrault.
« Si vo avez une cigare comme il tous les
soirs, vous pouvez pas fumer lui ! » répon-
dit finement la fille d'Albion. « Je pense, on
croit plutôt une banane ! » 1
— Aih bien, répondit flegmatiquement le
naïf en lui retournant aimablement sa plai-
santerie, si vous aviez une banane comme
ça tous les soirs, vous pourriez pas, l'ava-
ler 1 1 n
Sournoisement, comme en fraude, des ri-
res fusèrent dans le groupe de la jeunesse.
Mais les mères gardaient leur gravité et
madame Dirait s'exprima d'une voix posée
et lente :
— Si une banane de cette dimension exis-
tait, mon petit ami, et que Miss eût la chan-
ce de la poseMer, je pense qu'elle en ferait
un partage équitable et que nous pourrions
tous y goûter.
— Yes, je ferai ! affirma miss.
Les enfants retournèrent à leurs jeux.
Ces dames ramassèrent la phrase inache-
vée. L'incident était clos. On était entre
gens bien élevés.
Madame Dirait éprouvait une sympathie
marquée pour l'Anglaise. Malgré la difficul-
té inouqe d'une conversation suivie, elle l'in-
terrogeait, prenait ptaiair à la faire causer,
l'écoutait avec un intérêt évident, en étouf-
fant de temps à autre un bâillement intem-
pestif ; sous le prétexte de se donner un
peu de mouvement, elle la prenait par le
bras et lui faisait faire le tour du tennis,
à petits pas coupés d'arrêts, et on l'enten-
dait s'exclamer., tout en jouant négligem-
ment avec le rabat de dentelle de son in-
terlocutrice.
— Ah ! vraiment ? très amusant ! et
dites-moi donc.
Elles reprenaient leur marche, lentement,
puis elles s'arrêtaient de nouveau, face à
face, et madame Dirait s'étonnait :
— Comment, Miss,. vous connaissez no-
tre histoire de France ?
— Waterloo, il est aussi le histoire de
l'Angleterre.
— C'est juste ! Après une hésitation, mas-
quant sa gêne sous un petit rire nerveux,
elle demanda : -
— Alors, vous connaissez aussi la légende
qui s'attache à cette bataille ?
- No !
- Mais sil voyons, le mot. le mot de
Cambronne.
— Aoh 1 yes ! Je sais ! La garde meurt.
— Et ne se rend pas !. ceci est la phrase
imprimée, correcte, officielle. Mais, le mot,
le mot vrai, le mot enfin.
Elle s'irritait devant la mauvaise volonté
de l'Anglaise. Tout le monde savait cela,
cependant ; 'la décence l'empêchait d'aller
plus loin.
Miss heureusement se décidait :
— Yes, je ai compris !
— Alors — madame Dirait avait repris sa
marche — et ceci entre nous, naturellement
— (sa voix baissa jusqu'au murmure) —
comment dites-vous. ça. en anglais ?
Interloquée, la gouvernante des Dutreillit
leva les yeux sur la « French Lady » :
— Comment nous dit ça, en anglais ?.
Pourquoi vô vôlez savoir ?
Biles éTaient arrivées tout près de la tente.
Madame Dirait glissa amicalement son bras
sous celui de « Miss » et après quelques
pas en silence, quand nulle indiscrétion
n'était à craindre, elle s'aventura dans sa
confidence, avec des précautions de chatte
qui craint de salir sa robe immaculée aux
malpropretés environnantes :
— Figurez-vous, ma chère que j'ai un
mari passablement nerveux. Il y a des soirs
ou son caractère irritable trouve une dé-
tente en me cherchant querelle. Je suis trop
bien élevée pour lui répondre quoi que ce
soit. en français. Mais, comme il ne parle
aucune autre langue, j'éprouverais, je crois,
un vif plaisir. à, me soulager par un
mot. sans qu'il ait lieu de s'en offenser.
« Miss » repensait 4 ses dix années de
dissenssiona conjugales où le « mot » avait
ëté souvent l'arme suprême des combat-
tants. Elle le lui envoya en plein visage,
comme un jet de vapeur.
— 1 1
Après une petite suffocation, ayant repris
son souffle, madame Dirait s'en délectait S
mi-voix, gourmande, comme (Tune sucrerie
longtemps convoitée. Elle imitait ainsi, avec
la répétition de ce mot à unique syllabe, le
bruit de la locomotive, au départ, lâchant le
trop plein de ses chaudières.
Satisfaite, elle retourna auprès de ces da-
mes. L'Anglaise, mise en galté, essaya une
plaisanterie anodine. Mais un petit munnu..
re réprobateur s'éleva autour d'elle. Mada-
me Dirait fit la moue. Après un silence de
quelques secondes, la conversation s'en-
chaîna. On dit les habituelles banalités.
C'était fort bien ainsi : on était entre gens
bien élevés !
M. Cétival.
L'étbéronrçane
Elle marche péniblement,
Ployée en deux, la tête basse,
Manquant tomber à chaque instant,
Sous le véhicule qui passe.
Sur un banc, près d'un monument,
Timide et lente elle prend place
Puis respire rapidement
Un flacon d'éther qu'elle casse.
Lors, c'est une pauvre démente,
Qui rit et pleure, ou danse, ou chante,
En grimaçant hideusement.
Et la foule qui passe, dense,
S'arrête et regarde un moment,
Cette vieille femme qui danse.
Georges-Olivier Lauchard.
> -.- < —
UttKMeiHBitlrae
1
— Chauds !. chauds, les marrons 1 !
Voyez, les enfants, comme ils rigolent !
Ch'est doux aux yeux et à l'echtomac !
Chauds ! chauds les marrons 1 Ch'est du
soleil dans ma poêle !
Et, courbé sur son établi, sa bonne et
large face d'Auvergnat quelque peu noir-
cie par le charbon et la fumée le vieux
Bitirac jette d'une voix cassée son appel à
la rue frileuse que décembre emplit de
brouillard, de boue glacée et de givre. Et
de voir dans l'immense poêle trouée J'écor-
ce des brunes châtaignes se fendiller et
montrer un peu de chair blonde, de les en-
tendre crépiter, léchées par la flamme ré-
jouissante, de humer la bonne odeur
qu'elles répandent, une kyrielle de gamins,
-le nez rougi par le froid, les mains aux
poches, s'entassent autour de l'échoppe et
dardent sur les fruits savoureux des re-
gards plus pétillants que la braise qui les
fait cuire. Il en est à qui la convoitise met
un peu de salive aux lèvres et fait sortir
un bout de langue ; d'autres qui, avec des
gestes navrés, se fouillent pour la centième
fois, à la recherche de la pièce de deux
sous chimérique ; et, par la culotte fendue
de plus d'un, l'on voit leur chemisette en
drapelet frémir de dépit ou d'impatience.
Et l'Auvergnat, impassible, suit d'un œil
futé toutes les tempêtes déchaînées dans
ces jeunes crânes, continue à faire sauter
ses marrons, qui, maintenant rôtis à point,
ont la couleur des louis d'or et embaument
la rue ; avec une étonnante dextérité, il
les projette, fait mine de les laisser tomber
à terre, puis, au désappointement général,
les reçoit, sans en perdre un seul, dans la
grande poêle.
Et sa voix inlassable chantonne :
— Chauds ! chauds les marrons 1 Voyez
les enfants, comme ils rigolent ! Ch'est
doux aux yeux et à l'echtomac ! ! Chauds 1
chauds les marrons 1 Ch'est du beau soleil
dans ma poèle !.
Bientôt, il y a autant de gamins autour
de lui que de mouches autour d'un sucrier,
à l'heure de la canicule.
Mais voici que le regard du vieux Bitirac
se voile ; ses bras tremblent, des bras mai-
gres, velus, mais solides malgré la septan-
taine approchant ; et soudain, d'un geste
volontairement maladroit, il laisse choir
sur le sol un flot de blondes châtaignes.
Elles s'éparpillent sur le trottoir, et la
bande enfantine se précipite pareille à une
couvée de poussins, quand la fermière à
pleine mains leur jette la graine.
Le vieux Bitirac, tout en se reprochant à
haute voix sa maladresse, 113 regarde,
heureux, croquer ses marrons, et une lar-
me s'arrondit au coin de ses yeux, une
grosse larme qu'il ne parvient pas à dissi-
muler et qui fait un sillon d'argent sur sa
joue noire.
Et tous les jours du long hiver, c'est
ainsi à la même heure, celle où les écoles
du quartier rejettent dans les rues du fau-
bourg 'la pauvre marmaille qu'elles ont
abritée quelques heures.
Pourquoi cette larme ? Pourquoi cette
aumône quotidienne si délicate et si dis-
crète d'uD pauvre à des pauvres ?
Ecoutez.
II
A quelle époque Jean Bitirac avait-il
quitté l'Auvergne pour la capitale ? Cette
date ébait si lointaine que lui-même ne pou-
vait se la rappeler. Tout ce qu'il avait re-
tenu, c'est qu'en arrivant à Paris, il dut
sauter des barricades, que Louis-Philippe
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De tout cela il fut bien moins préoccupé
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