Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-10-09
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 octobre 1909 09 octobre 1909
Description : 1909/10/09 (N3152,A26). 1909/10/09 (N3152,A26).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7513924b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
Vingt-sixième - année. —N* lUt
SAMEDI 9 OCTOBRE 1909
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SUPPLEMENT, l, l'ut Taitbeot
SOMMAIRE
Du samedi 9 octobre 1909
Lionnette. — Le Carnet de Lionnetle,
Victor Snell. — L'autre.
Feuilledevigne. — Echos.
Bobèche. - Mon petit cinématographe.
Catulle Mendès. — Victtrne.
Félix La Boissière. — Ballade touchant la félo-
nie d'un gage d'amour.
René Miguel. — Le fusil aux coches.
Scossa. - P-résageS.
René Bonnamy. — Le Réveil des oiseaux.
Pierre Germain. — Plus fort que Sherlock Hel.
mes.
Paul Zahori. - Le facteur.
Amédée Boyer. - Impressions de fiancée (suite
et fin).
Saint Clément. - le Narghileh.
Ht Lostange. — Billets de logement.
Triboulet. — Au théâtre.
P. Vigné d'Octon. — Siestes d'Afrique (roman).
LE
Carnet de Lionnette
NOUVBLLI tllua
QUESTION DE MESURE
En tout,le dosage est d'une importan-
ce capitale. En amour, tout aussi bien
qu'en droguerie, si l'excès des trans-
ports nuit à la santé des pratiquants
et risque d'éteindre le feu qu'entretient
au contraire une combustion bien ré..
glée, l'espacement, la rareté des effu-
sions, peuvent amener des désordres
qu'on attribue à mille causes, sauf à la
réelle, soit l'insuffisance, l'inaptitude
de l'un des deux conjoints devant les
« devoirs » que l'autre attend de lui.
S'il est un terme qui doive donner à
réfléchir, c'est bien celui de « devoir
conjugal », non pas tant aux femmes
qui s'y conforment plus aisément, mô-
me avec d'affreux gorilles à qui elles
donnent, à défaut de la vérité, l'appa-
rence de l'amour, mais à leurs compa-
gnons pour qui ce qui fut un moment
délice est devenu une pénible corvée
qu'ils esquiveront autant que le per-
mettront les « impedimenta » qu'ils sau-
ront au besoin multiplier.
- - - - -- '1 - -- L -
Quelle chance pour eux si le méde-
cin prescrit la modération, la campa-
gne pour Madame, les affaires de Mon-
sieur ne lui permettant pas de l'y sui-
vre. Quelle aubaine si la maternité
l'immobilise et détourne ses instincts !
Ce n'est pas qu'il ne l'aime plus. Et,
ici i) convient de réagir contre l'er-
reur des vertueuses passionnées. Mais
il l'aime d'une façon différente. Si elle
ne lui inspire pas les frémissements de
naguère, il s'est habitué à considérer
en elle une partie intégrante de lui-
même, une nécessité plus morale que
physique et si, à l'instar de la Pom-
padour alimentant Louis XV de volup-
tés, elle savait abdiquer la royauté de
l'alcôve pour garder celle du cœur,
personne ne la détrônerait dans ce
cœur dont elle comprendrait les fai-
blesses.
Mais où sont, épouses ou favorites,
les Pompadour qui, belles encore et
enviables, savent oublier qu'elles durent
aimées pour leurs charmes et préco-
niser d'autres attraits que les leurs
pour demeurer les indispensables con-
seillères de leurs ex-amants ? Il est vrai
que tous les amateurs de sensations nou-
velles ne sont pas le roi de France et
de Navarre. Exclusives en général,
nous ne comprenons pas le partage. A
qui nous a prises nous interdisons les
-fantaisies du plus petit Parc aux Cerfs
possible" et — ce quTT y a de plus fâ-
cheux parfois — nous voulons frais et
dispos pour notre usage "celui qui ne re-
conquiert ordinairement toutes ses fa-
cultés que devant une fleur dont le par-
fum tranche sur ses «habitudes olfac-
tives. Notre propre urome ne lui dit
plus rien alors qu'il lui est devenu trop
lamilier.
Ce qui m'étonne, c'est qu'on s'en
étonne. Mais ce qui ne m'étonne pas,
c'est que de jeunes déesses à qui l'on
ne rend pas un culte assez fervent,
avec oraisons répétées, se mettent en
quête de sectateurs à qui les sacrifices
coûtent autre chose qu'un effort. Si
elles sont à l'âge qui explique les soli-
des appétits de dévotions fréquentes,
le desservant de leur autel qui les né-
glige n'a que ce qu'il mérite si elles
lui donnent un remplaçant. -Tout con-
trat synallagmatique engage les deux
partis qui le signent.
Si vous ne vous sentez pas de taille à
louer dignement la déité, ne vous con-
sacrez pas à son service ; car vous la
frustrez de l'encens et de la myrrhe
qu'un prêtre mieux en point lui prodi-
guerait journellement en multiplient
même les démonstrations de sa foi.
Cela, me direz-vous, démontre le
côté scabreux du mariage, qui trans
forme en charge onéreuse ce qui relè-
ve des seules impulsions du désir. Je
ne vais pas à l'encontre. Certes, j'esti-
me mes pareilles qui, mal partagées,
dissimulent avec une pudeur de sainte
le dépit que leur cause le régime trop
compendieux, du carême matrimonial.
Cependant je ne puis @ non plus jeter la
pierre à celles qui s'insurgent contre
la diète que leur inflige un conjoint,
qui ne serait pas plus abstinent s'il
s'était ostensibjemeht voué au cénobi-
iisme. J'accueille donc impartialement
ia lettre qu'on va lire, inspiratrice des
considérations qui précèdent et qui po-
se une question que je qualifierai ju-
dicieusement de « brûlante » par rap-
port au foyer sensuel que révèle la si-
gnataire, foyer qui la consume sans-
profit pour la volupté !
« Zieutez-moî ça » comme disent les
impeccables midinettes devant les éta-
lages qui les affriolent. Vous y verrez
comme quoi, l'hymen n'ayant rien de
comparable aux engagements pignora-
tifs qui laissent la liberté de reprendre
ce que l'on a cédé, la femme qui reste
perpétuellement sur sa faim amoureu-
se doit y regarder à deux fois avant
d'introduire l'instance en divorce con-
tre le mari qui manque à ses sacrées
obligations.
Car vous admettrez que la gaillarde
soit un objet d'appréhension pour les
messieurs que le procès a mis au cou-
rante sa boulimie. Veuve d'un époux
vivant, voulût-elle lui revenir qu'il ne
lui pardonnerait pas l'affront de la pu-
bicité faite au caractère négatif de son
commerce. Courte est la missive, mais
bonne à étudier pour le point qu'elle
tend à faire résoudre.
« Je suis, Madame, liée depuis tan-
tôt cinq ans, moi qui en ai vingt-qua-
tre, à un trentenaire de belle allure et de
manières parfaites. Mais, est-ce la sui-
te d'inconvénients nés des imprudences
de la jeunesse, est-ce froideur corres-
pondant à l'actuelle conquête du Pôle
Nord dans la proximité duquel pour-
tant, Peary procréa, est-ce lassitude
trop tôt venue de la moitié que je de-
vrais être pour lui ? toujours est-il
qu'au lieu de me combler de ses ama-
bilités et d'être pour moi l'enchanteur
dont on bénit la baguette magique, il
laisse en friche le trésor dont il avait
assumé la culture comme s'il ignorait
la fable où le labeur est conseillé et qui
mentionne : « C'est le fonds qui man-
que le moins ». La fable, je l'avoue,
dit : « Prenez de la peine ». Or, de
peine, s'il en devait prendre, et s'il de-
vait rester au-dessous de sa délicieuse
tâche, qu'avait-il à conclure un marché
aux conditions trop lourdes pour sa
chétivité ? Car ou il est chétif malgré
l'aspect de sa charpente, ou il porte
ailleurs les soins qu'il me doit, les éner-
gies dont i- me subtilise le bénéfice.
Dans les premiers temps de notre
union, ignorante des munitions dont
Eros comble son carquois, je me rési-
gnais à cette sobriété avec la vague
intuition que l'on doit pouvoir mieux
faire. Mais aujourd'hui, instruite, je
proteste mentalement et me révolte
ainsi que les affamés que le vide de leur
estomac pousse aux résolutions extrê-
mes. Aussi, avant, soit de faire briser
mon mariage en exposant sa précarité
— sa. « nihilité » serait mieux — ou de
prendre un amant auquel, par engre-
nage, d'autres succéderont, je viens
vous demander, à vous et à vos lec-
teurs renseignés sur la mesure permi-
se des sensations à deux.
Une femme que son époux néglige est-
elle coupable si, vibrant beaucoup,
mais voulant éviter le scandale, elle re-
cherche des compensations ?
Ayez, Madame, la bonté de soumettre
le cas aux juges indulgents qui vous
lisent chaque semaine et croyez à la
reconnaissance de celle qui fixera sa
conduite d'après vos sages conseils. »
Ma correspondante signe Mathilde
Janveux. Admettons qu'elle ne veuille
que des opinions exemptes de liberti-
nage et donnons-lui tous notre avis
dont elle attend la tranquillisation de
sa conscience placée, bien entendu, au
meilleur endroit de son être. pen-
sant.
LIONNETTE.
L'AUTRE
Je raconte, je n'explique pas. Voici :
A cette époque, j'habitais Lyon. J'étais
marié depuis deux ans et j'adorais ma
femme : c'est bien permis, n'est-ce pas ?.
Comme sous-lieutenant, je devais accom-
plir une période de vingt-huit jours à Avi-
gnon, et je décidai ma femme à m'accompa-
gner.
1\.1. J:..t.:. 1),. ,&.-.:J.,':. ~';Y\ ,:,-,'1'-'" n.
Nous étions là-bas depuis cinq jours seu-
lement qu'elle reçut un télégramme la man-
dant d'urgence à Lille auprès de s" mère
malade. Aucune hésitation n'était possible.
Elle dut partir et je fus la mettre dans l'ex-
press de huit heures trente.
Je m'en revenais, lentement, le long de
l'avenue de la Gare, salué tous les vingt pas
par des soldats en balade, et je me deman-
dais comment j'allais passer oette premiè-
re soirée de solitude, lorsque j'eus l'idée
d'entrer à l'Eden-Casino.
L'Eden-Casino. Peub !. C'était un beu-
glant comme un autre. Ça coûtait cinquante
sous aux fauteuils — et ces fauteuils étaient
d'ailleurs des chaises — et un franc cin-
quante au parterre. Autour de la salle cou-
rait un promenoir assez étroit : c'est là que
les belles de nuit les plus huppées de la
ville s'en venaient oherchei l'ami de chaque
soir.
Les chansons qu'on chantait étaient idio-
tes, et le café qu'on m'avait servi était
mauvais. Je m'ennuyais. A l'entr'acte,
j'eus l'idée d'aller voir un peu « ces dames
du promenoir ».
Pas bien belles, ma foi, ces dames.
Mais pas mal non plus, tout de môme !
Jeunes pour 1& plupart, et quelques-unes
assez élégantes. Trop de fard cependant,
« à l'instar de Paris. » Je me promenais
— car que faire en un promenoirj' — mâ-
chonnant un cigare éteint, et dévisageant
les unes et les autres, lorsque. Non !.
Ce n'était pas possible !. La surprise m'a-
vait cloué au sol et j'en avais laissé tom-
ber mon cigare. Une femme venait de m.e
croiser, et cette femme, c'était. C'était le
portrait de la mienne, le portrait vivant,
criant de ressemblance ! Au point que si
je ne l'eusse, moins de deux heures-aupara-
vant, mise moi-même dans le train, je m'y
serais trompé. En un instant — c'est inouï
ce que la pensée va vite dans ces cas-là !
- je calculai que l'express au départ du-
quel j'avais assisté ne s'arrêtant qu'à
Valence, il était impossible que ma femme
fût revenue.,. Le seul fait que je dus me
Confusion., „
— Oui, mon vieux, la nuit dernière il a couché sous une marquise ï
— .??? >
— Sous une marquise de café, bien en tendu..,,
tenir ce raisonnement pour me rassurer
montre à quelle étrange, à quelle troublan-
te ressemblance je venais de me heurter.
Je retournai sur mes pas et m'arrangeai
de façon à frôler l'inconnue qui revenait
en sens contraire, Je la regardai dans les
yeux. Oh ! ces yeux !. Les mêmes, je
vous dis, les mêmes que ceux de ma fem-
me, d'un bleu clair, un peu gris et froid.
Elle me regarda elle aussi, mais négligem-
ment. Et je m'aperçus alors. Je m'aper-
çus que la robe, la robe rose à petits bou-
queife pomjpadouir, dont odle- était vêtue,
était la même, la même je vous jure, que
celle que ma femme s'était fait faire au
(commencement de la saison. Et cette robe,
je savais qu'elle était restée à Lyon. Mon
trouble était indicible, et j'essayais en vain
de me raisonner. Un camarade de compa-
gnie me héla à ce moment. Je dus dissi-
muler, répondre à ses questions, accepter
et allumer une cigarette. Pendant ce temps
la promeneuse disparut, et je ne la revis
pas de la soirée.
Le lendemain, un télégramme de Lille
m'apprit que Juliette était bien arrivée à
Lille. Elle m'annonçait une lettre que je
reçus effectivement le jour suivant.
Je ne doutais pas, je vous assure, je ne
pouvais pas douter. mais je ne puis dire
l'impression de sécurité bienfaisante que
me donna cette lettre : c'était bien l'écri-
ture de ma femme ; le cachet de la poste de
Lille était là, les détails sur la maladie de
ma belle-mère étaient précis !. Je me sen-
tais un autre homme.
Le soir, je fus à l'Eden-Casino. Mon in-
connue était là, se promenant nonchalam-
ment, Je la vis s'arrêter avec un jeune
homme, causer un instant, puis partir avec
lui.
Je me précipitai au vestiaire et je deman-
dai à la préposée :
- Quelle est donc cette femme ?
- Je ne sais pas, répondit-elle. Sans
doute une nouvelle. Elle ne vierut que de-
puis deux jours.
Je revins (presque tous les soirs à l'Eden-
Casino. Cette ressemblance extraordinaire
que je retrouvais non seulement dans le
visage de l'inconnue, dans ses attitudes,
mais encore dans ses menus gestes,m'affo-
lait. Sans la lettre que chaque jour je rece-
vais de ma femme, je ne sais ce que je se-
rais devenu. Ma raison, certes ne doutait
pas : mais comment résister à l'emprise
de ce que je voyais, de ce que je touchais.
— Je lui parlerai, me dis-je et je saurai
bien.
Toutefois, je voulus me renseigner.
— Connaissez-vous cette femme ? deman-
dai-je un soir à mon camarade Pontcroix. i
- Non, me répondit-il, mais il me sem-
ble que Soul-cie était avec elle hier soir.
J'interrogeai Soulce, qui me répondit :
— Elle habite rue Boissier, je crois. Je
ne suis pas ailé chez elle. !
— Et. dis-je, elle. s'appelle ?
— Elle s'appelle Juliette 1
Je fus moins abasourdi encore de la
coïncidence que du fait même de l'avoir si
justement pressentie. En effet, au moment
où je demandai ce nom à Soulce je ne dou-
tai pas qu'il ne dût me répondre en pronon-
çant le nom de ma femme !.
J'abrège. Le lendemain, j'abordai la jeune
femme. Ma voix avait un tremblement.
Je lui demandai de l'accompagner :
- Merci, monsieur, dit-elle. Ce soir,
c'est impossible. Je suis attendue. Mais
demain, si vous voulez bien. D'ailleurs,
voici mon adresse : rue Boissier, 13, à
l'hôtel d'Orléans.Vous pouvez demander
Madame Juliette.
- Oui, je sais.
— A'h 1 vous savez ?.
En disant ce « Ah ! vous savez ? » elle
eut une inclinaison de tête et un sourire
qui m'étaient si connus, si familiers, que
je crus perdre tout sang-froid. Je bre-
douillai quelques vagues paroles, et nous
nous quittâmes sur un « A demain ! » ré-
ciproque. Et c'est ici, bien que je sois sûr
de moi, sûr de n'être pas un halluciné ou
un fou, c'est ici que je me demande si je
n'ai pas rêvé, et si ce que j'ai vu je l'ai
bien vu, ce que j'ai: vécu je l'ai bien vecu.
Le lendemain, ma femme était de retour
à Avignon. Sa mère était beaucoup mieux,
et elle s'était amusée à revenir ainsi,, sans
prévenir pour me surprendre. Je fus à
la fois joyeux et troublé. Et l'après-midi,
je me rendis au numéro 13 de la rue Bois-
sier. J'entrai à l'hôtel, qui était bien l'hô-
tel d'Orleans, et je demandai Mme Ju-
liette.
« Nous ne connaissons personne de ce
nom. » Telle fut la réponse qu'on me, fit.
Je tentai une description de la dame. Ce
fut inutile.
— Nous n'avons aucune dame chez nous,
dit le patron.
Et pour me convaincre, il me forga à lire
son registre de police.
Le soir, sous un prétexte, je m'en allai
au Casino. Juliette n'y était pas. Le lende-
main et le surlendemain non plus. Je m'in-
formai, j'interrogeai. On ne la connaissait
pas. C'est à peine si la dame du vestiaire
se souvint qu'elle m'avait répondu un jour :
« C'est une nouvelle. » Souloe me déclara
qu'il l'avait vainement cherchée. Bref, au
moment donc où ma femme était revenue,
la Juliette du Casino s'était évanouie, dissi-
pée, volatilisée comme un fantôme quand le
jour point. Mes vingt-huit jours tiraient à
leur fin. Ce fut tout. Nous partîmes. Une
dernière fois, je retournai à l'Eden. Je
n'ai jamais revu cette femme, mais pendant
trois ans, je ne sais ce que j'ai le .plus : dé-
siré ou redouté sa rencontre..,
— Et maintenant ?.
— Maintenant ?. Rien !. Je vous ai dit
la vérité. C'est tout.
Victor Snell.
ectios
La petite Zézette, la gentiïle arpète de chez
Mile Laure, la modiste, a soupe de l'auto,
Zut 1 pour l'auto.
— Figure-toi, ma chère, contait-elle à Ar-
iette, sa grande amie, figure-toi qu'un chic type
m'avait fait la cour ; bien entendu, n'est-ce pas,
j'avais accepté sa proposition de an'emmener
dans son auto jusqu'à Tours. Hein ! un chic
voyage, et avec un type épatant. Brun, des
yeux noirs et une moustache. a'h ! ma chère,
j'en étais folle.
Nous partons le matin. Eh bien ! tu sais, pas
drôle ; tout le temps, il est reste penché sur
sa manivelle ; nous allions très vite ; a fallait
faire attention. Moi, au bout de trois heures,
je m'embêtais ferme.
Bt le soir, ça été à mon tour de ne pas être
drôle ; le grand air m'avait fatiguée, rompue ;
je m'endormais en dînant. Alors, on n'a rien
fait ; on s'est pagnoté comme des vieux bien
sages, et le lendemain matin, taHait ee lever
pour rappliquer à l'atelier.
Zut ! pour l'auto 1 J'aime mieux une BâWcle
à pattes dans les bois de Meudonv
La petite Zézette a bien raison»
Mlle S., charge, on le sait, chaque matin,
l'art, de rendre à sa beauté décrépite, délustrée,
la fraîcheur et la nouveauté baptismales. Le
rouge, le bleu, se mêlent dans ces ingrédients ;
et grâce à cet ingénieux enduit chimique, elle
sort de son laboratoire armée d'un teint su-
perbe.
Mais pour mettre en état de paraître, sans
risque, des charmes aussi neufs, aussi luisants,
il faut que sa toilette dure des heures. Un matin'
je me présentai beaucoup trop tôt à sa porte et
son domestique alors me renvoya brusquement
par ces mots : « Madame ne reçoit pas ! Madame
sèche ! »
Je n'ai pas insisté.
- Ir"
Distraction, bien compréhensible en ce mo-
ment, d'une maman fière de son fils, qui vient
d'être reçu ingénieur.
Un ami lui demande :
— Et que va faire ce jeune homme, mainte-
nant 1
La mère, sans réfléchir :
— Il a toujours voulu faire de l'aéroplane, de-
puis sa plus tendre enfance !
—X—
Dans un petit restaurant de Montmartre, le
bon poète dîne.
Le ibon poète a des rentes qu'il se fit en pleu-
rant, en de nombreux vers, les misères des
gueux.
Entre un pauvre Italien qui se met à attaquer
une romance.
Les dîneurs du petit restaurant l'écoutent avec
patience. Seul, le bon poète bondit : « Que l'on
me jette dehors ce braillard, dit-il, je ne saurais
manger avec ces cris dans les oreilles. »
L'un des voisins du bon poète s'étonne.
— Comment, vous !,.. celui qui les chante !
— Mon vieux, réplique-t-il, je n'aime pas me
laisser assommer par un tas de voyous qui ne
savent pas se débrouiller. »
— x—
On a beau dire, ça fait tout de même quelque
chose.
Mon ami F. était à la chasse avec sa char-
mante petite femme, et tous les deux, dédai-
gnant reprendre le train, avaient trouvé char-
mant de coucher dans La modeste auberge d'un
petit village loin de toute gare.
La nuit fut entièrement consacrée au sommeil
réparateur. Le matin, en se réveillant, mon ami
F., se sentant frais et dispos, et voyant sa jo-
lie petite, mignonne femme, si gentille, eut
des idées folichonnes.
r Il n'y a là rien que de très louable pour un
mari.
Sa compagne, bien disposée, accueillit son
désir comme toute honnête épouse aimant son
mari doit le faire et. et ce qui s'en suivit ne
vous regarde point.
Mais voici où cela devient drôle.
Notre ami, tout imprégné de patriotisme et
songeant sans nui doute à la repopulation, al-
lait ajouter un nouveau chapitre à l'histoire
commencée, quand" une voix se fit entendre :
— Ah ! Ben non ! avant de recommencer di-
tes-moi ce que vous voulez pour votre déjeu-
ner.
C'était la brave et bonne aubergiste qui, au
chevet du lit, à moitié cachée par les rideaux,
était là depuis un quart d'heure 1
On a beau dire, ça fait tout de même nueJ-
que chose d'être ainsi dérangé au moment où
on s'y attend le moins.
Et nos époux, subitement, devinrent très sa-
Iles.
-x-
Ma chérie, retiens bien cela, pour te guider
dans les achats que tu me feras :
Les couleurs smart destinées à parer la fashion
masculine, seront, cet automne, le gris-cendre,
le bronze et le brun-rouille. Que de modifica-
tions !
On tente de lancer un violet inédit « auber-
gine-quetsch. Ii.
Il existe une ligue de dames allemandes pour
faire une propagande active contre les costu-
mes à-op coLlants, les jupes trop courtes, '3s
corsages trop décolletés, toutes choses qui sont
hàibitudies d'élégance parisienne ou coquetterie
esthétique, recherche de lignes jolies dont ne
peut s offusquer la pudeur arançaise, faite de
franchise et de bon goût.
Nous comprenons cette pudique ligue, les ver-
tueuses allemandes étant généralement taillées
à coups dt serpe ont tout à gagner en dissi-
mulant leurs formes.
—x—
(NTois bons méridionaux :
(Brun, olivâtre, ultra méridional d'allure et
d'asseret, le lutteur Olivier de Perpignan, dont
les camarades blaguaient -le physique, déclara
un jour d'une voix tonitruante : « Té ! si vous
m'aviez connu zeune, z'étais si mignon que ma
mère elle a usé plus de cent francs de çandelles
à me regarder dormir ! »
Boutade emphatique qui remémore la réponse
entendue jadis dans 'la bouche d'un forain dé-
semparé et triste.
Gomme nous lui demandions s'il avait une
famille, des enfants, une femme : « Moi. répon-
dit (le bohème, je suis marié avec la lune pour
engendrer le brouillard. »
Vraie boutade de bouffon dans la lande où
rôde le roi Lear.
x-
Les mendiants professionnels pafisi-ens ont,
paraît-il, leur Bottin, — le Boltin des personnes
charitables autant que naïves.
Voici un extrait de ce précieux répertoire :
M. X. — Catholique fervent. Dire que l'on
n'a pu faire baptiser ou donner la première
communion à ses enfants faute d'argent : M. X.
régularise les mariages, paye les frais de la
noce. Se présenter décemment vêtu.
M. Y. (artiste célèbre). — £ une mise pittoresque. Vous demande quelques
instants de pose pour faire un croquis, mais
vous donne un louis.
M. Z. — Riche propriétaire ; paye les loyers
en cas d'expulsion, vous donne un vêtement
que l'on peut souvent revendre un bon prix..
M. W. — Député anticlérical très riche. Dire
que l'on a dû quitter son pays à cause des per-
sécutions des .prêtres. Se dire ancien instituteur.
H faut que je me procure ce Bottin ; on ne
sait pas ce qui peut arriver.
NOUVELLES A LA MAIN
Sur la plage. L'abbé veut expliquer à Bob,
comment se forment les océans.
— Connu ! riposte l'incorrigible gamin, c'est
le résultat complet des. sources t
-x-
Calino promène en Suisse sa petite famille.
L'aîné interroge ;
— Papa, doit-on dîre le « Gothard », ou
le « Saint-Gothard » ?
— Dame. Je crois qu'il faut dire le « Saint-
Gothard », aussi bien quVm dit le « Saint-Pion ».
-x-
Un superbe nègre est à ia porte d'une bou-
IangeIûe.
— Un mitron noir 1 s'écrie un gavroche que
cette vue met en joie.
— Mais oui, mon fiston, réplique le nègre.
Même que c'est moi qui fais les pain? de
eeigle.
—-x:—
- Comment, vous' recevez les Z à dîrvr I.
Et, pourtant, le mari a fait faillite.
- Oui, mais en province.
--, FeuUledevigne.
liON PETIT CINEMA TOGBAPHB
A l'Hôtel des VeDtel)
Les amateurs rentrés de vaances.
commencent à reprendre le chemin
de l'Hôtel. On annonce plusieur.,
grandes ventes pour (e courant <2'o&
tobre.
UN JOURNAL SPÉCIAL.
Une salle d'enchères publiques dans te grand
oapfi&rnaûm de la rue Drouot. im.
A la requête de nombreux fournisseur im*
payés, on vend le mobilier de ta demoiselle
RoeaJie-Victoire Purin, dite Rosalinde de Fary
tuny. -
Oeile-ci, en compagnie de son intime amiq
Gannencita Zapato de Fieltro, est venue assi*
ter à la petite cérémonie qui la laisse "d'ailleur^
aussi ifroide que exercice ooutumier de sa pro*»
ression.
Tout au plus s'est-elle promis, afin d'embètert
les créanciers hargneux qui lui ont joué ce pied
de cochon, d'employer tous ses efforts à erapâh
cher d'emballement des acheteurs.
Plus .les adjudications seront faiblefJ:, pense-tk
elle avec raison, et moins les croquants qui Font
fait poursuivre rentreront dans leurs débours.
Le Oommissa ire-Priseur vient de faire présent
ter aux amateure un meuble intime à quatre
pieds, ébénisterie thuya avec incrustations dq
nacre, cumerde de même,, garni du bassin spê.,
cial en argent massif guiillodhé et repoussé..,
Pièce d'orfèvrerie unique, affirment les experts.
Œuvre d'art de première valeur, ajoute l'homma
au marteau d'ivoire..
Il y a preneur à cinquante francs.
LE COMMISSAIRE-HPRISEUR. — vpyons, Messleum^
c'est une véritaible occasion.
RosALBfDE, entre ses dents. Tu parles, que:
c'est de l'occasion ! :';
LE COMMISSAIRE-PRISEUR. - La valeur intrin-i
sèque du métal est déjà bien supérieure à lui
somme p roposée.
RosAuNDE. à Carmcncila, mais de laçon «I!
être entendue de ceux qui l'entourent, - sr
c'était de l'argent, oui !
CARMOiciTA, très à la réplique, — Santa Ma.,'
dona ! Ça n'en es-t donc pas ?
ROSALINDE. — Penses-tu que j'aurais conserva
une pareille galette pour me rincer. les dente 1
Pas si bète. Sans compter qu'on sait pas
toujours les types qu'on reçoit et qu'y en ai
qui seraient capaMes de nous estourbir poun
moins que ça. Y à déjà bien assez de riequiea
dans le métier.
CARMENCITA. — Comment t'y es-tu prise, alors t,
ROSALINDE. — ParWeu ! j'en ai fait faire uiwi
imitation, en ruolz, ef j'ai bazardé l'autoenti-»'
nufi !
que !
OARMENClTA. — Alors, ça n'a plus du tout d3-
valeur ? -
ROSALINDt. — Moins que rien, ma chère.
L'hygiénique vaisselle plate est adjugée è, un
prix dérisoire. Le commissaire-priseUr s'erra«s
che les rares Cheveux qui lai restent
LE COMMISSAIRE-PRISEUR. — C'est déplorable.
tout à fait déplorable ! Nous allons mettra
maintenant en vente un magnifique lit renajs-e
6ance à colonnes torses, baldaquin garni de
vailenciennes, vérit&Me merveille de fecons-
titution historique : ce modèle a été oopié suc-
la propre coudhe de Diane de Poilâers. Il est
estimé deux mile cinq cents francs au bas
mot.
ROSAUXDE, pouffant (Ú rire. — Ah 1 mince !.
CARMEWCITA. - Quoi donc ?
ROSALINDE. - Tout le tfonid est viemiouJu et
plein de punaises.
LE COMMISSAIRE-PRISEUR. - Deux mille cinq
cents «îous offrons. z,
UNE VOIX. — Vingt-cinq francs.
'LE COMMISSAIRE-PRISEUR. ,,-, Deux mille oiM
cent vingt-cinq. ;
LA Voix. - N'On, non. Vingt-fâinq francs, toufi
rond !
LE COMMIS SAIRÉHPRÎSBUR. — Voyons c'est une
plaisanterie !. Vingtcinq francs la reprodùc-.
tion d'un lit que deux .rois de France ont peut-
être successivement honoré de leur, présence il
UNE AUTRE VOIX. — Vingt-six JI:"
ROSALWDE, qui s'amuse comme une petite lo'Ue..,
— Vingt-six cinquante !
Le lit est racheté pour trente^deux francs paiîï
le tapissier qui l'avait fourni et n'a jeanais twl;,
ché le premier sou de sa facture.
HOSAUNDE, à CARMEWGIHA. — Ah ! le rossard I..,,
A ce prix-là, je suis sûre qu'il gagne encore;
dessus pluo que ça ne m'est jamais arrivé ! 1 J'.
Bobèche*/
_——— 1 t f
-VICTI H".
Par CATULLE MENDÈS
I
La baronne de Linège entra comme ù*.
coup de vent dans le boudoir 3e son amie-
Thérèse ! un coup de vent de dentelle et d3<
soie ; et, du claquement de la porte refer-J
mée, la peludhe des tentures se rebrou-geai
et les figurines de Saxe frémirent sur l'état
gère. Vraiment, à La voir si rose, la gOtrgEf
battante sous l'a faille de son corsage, per*
sonne n'eut manqué de deviner qu'il ye.,,:
nait d'arriver à la baronne quelque choseii
de tout à fait terrible.
— Eh ! mon Dieu 1 dit la comtesse Thé-
rèse, quel air vous avez, ma chérie I je ma
vous vis jamais troublée à ce point. Votre
voiture a-t-elle versé ? les cochers sont sf.
maladroits. Le store de votre coupé, — ou
ny est pas toujours seule, dans son coupé,,
— s'est-il relevé tout à coup, à la minute
même où votre mari traversait la chaus*
sée ? Car vous n'êtes pas de celles qui:
s'émeuvent d'une vétille, et pour vous met-
tre en l'état où vous voilà, il n'a pas fallul
moins d'un véritable désastre.
Mme de Linège ne parla point tout de
suite, tant elle était essouflée, mais elle,
poussait de profonds soupirs comme quel-
qu'un qui a un très grand chagrin ou uiï
très gros remords.
— Hélas ! dit-elle enfin, ce qui m'arrive
est si extraordinaire, si abominable, qua
je n'aurais pas seulement pu en concevoir
la pensée.
— Un accident ? *
— Le plus grave de tous !
— Vous n'avez rien de cassé, au moins. !
— De cassé ? Non, je crois pas.
— Alors, il s'agit d'une mésaventure.
morale ?
- Ah ! bien loin de lô".
— Vous m'épouvantez !
- Vous serez plus effrayée quand vo39'
saurez l'horrible vérité. Est-ce que vous
connaissez des peintres ?
— Oui, je crois, quelques-uns. ,
— Brouillez-vous avec eux ! Faites-leût!"
fermer votre porte ! Ne les recevez jamaisli-:
car les peintres sont, je vous jure, les hom-
mes les plus impertinents qui soient sur Icl
terre ; désormais, pour ce qui est de moi
plutôt que de m'attarder, ne ût-ce u'ans
instant, dsns un atelier de l'avenue de Vi!-.
liers ou du boulevard Malesherbes, je con*
sentirais a me baigner toute nue,,
dans une source des bois, eu milieu dé
vingt (aunes allumés, par le printemps |
SAMEDI 9 OCTOBRE 1909
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Entrée : 3, Rue Taitbout v
&M lDIDucrita non insérés ne sont pu rwQuj
tu HftftOftet. sont reçus un bureau VB P
SUPPLEMENT, l, l'ut Taitbeot
SOMMAIRE
Du samedi 9 octobre 1909
Lionnette. — Le Carnet de Lionnetle,
Victor Snell. — L'autre.
Feuilledevigne. — Echos.
Bobèche. - Mon petit cinématographe.
Catulle Mendès. — Victtrne.
Félix La Boissière. — Ballade touchant la félo-
nie d'un gage d'amour.
René Miguel. — Le fusil aux coches.
Scossa. - P-résageS.
René Bonnamy. — Le Réveil des oiseaux.
Pierre Germain. — Plus fort que Sherlock Hel.
mes.
Paul Zahori. - Le facteur.
Amédée Boyer. - Impressions de fiancée (suite
et fin).
Saint Clément. - le Narghileh.
Ht Lostange. — Billets de logement.
Triboulet. — Au théâtre.
P. Vigné d'Octon. — Siestes d'Afrique (roman).
LE
Carnet de Lionnette
NOUVBLLI tllua
QUESTION DE MESURE
En tout,le dosage est d'une importan-
ce capitale. En amour, tout aussi bien
qu'en droguerie, si l'excès des trans-
ports nuit à la santé des pratiquants
et risque d'éteindre le feu qu'entretient
au contraire une combustion bien ré..
glée, l'espacement, la rareté des effu-
sions, peuvent amener des désordres
qu'on attribue à mille causes, sauf à la
réelle, soit l'insuffisance, l'inaptitude
de l'un des deux conjoints devant les
« devoirs » que l'autre attend de lui.
S'il est un terme qui doive donner à
réfléchir, c'est bien celui de « devoir
conjugal », non pas tant aux femmes
qui s'y conforment plus aisément, mô-
me avec d'affreux gorilles à qui elles
donnent, à défaut de la vérité, l'appa-
rence de l'amour, mais à leurs compa-
gnons pour qui ce qui fut un moment
délice est devenu une pénible corvée
qu'ils esquiveront autant que le per-
mettront les « impedimenta » qu'ils sau-
ront au besoin multiplier.
- - - - -- '1 - -- L -
Quelle chance pour eux si le méde-
cin prescrit la modération, la campa-
gne pour Madame, les affaires de Mon-
sieur ne lui permettant pas de l'y sui-
vre. Quelle aubaine si la maternité
l'immobilise et détourne ses instincts !
Ce n'est pas qu'il ne l'aime plus. Et,
ici i) convient de réagir contre l'er-
reur des vertueuses passionnées. Mais
il l'aime d'une façon différente. Si elle
ne lui inspire pas les frémissements de
naguère, il s'est habitué à considérer
en elle une partie intégrante de lui-
même, une nécessité plus morale que
physique et si, à l'instar de la Pom-
padour alimentant Louis XV de volup-
tés, elle savait abdiquer la royauté de
l'alcôve pour garder celle du cœur,
personne ne la détrônerait dans ce
cœur dont elle comprendrait les fai-
blesses.
Mais où sont, épouses ou favorites,
les Pompadour qui, belles encore et
enviables, savent oublier qu'elles durent
aimées pour leurs charmes et préco-
niser d'autres attraits que les leurs
pour demeurer les indispensables con-
seillères de leurs ex-amants ? Il est vrai
que tous les amateurs de sensations nou-
velles ne sont pas le roi de France et
de Navarre. Exclusives en général,
nous ne comprenons pas le partage. A
qui nous a prises nous interdisons les
-fantaisies du plus petit Parc aux Cerfs
possible" et — ce quTT y a de plus fâ-
cheux parfois — nous voulons frais et
dispos pour notre usage "celui qui ne re-
conquiert ordinairement toutes ses fa-
cultés que devant une fleur dont le par-
fum tranche sur ses «habitudes olfac-
tives. Notre propre urome ne lui dit
plus rien alors qu'il lui est devenu trop
lamilier.
Ce qui m'étonne, c'est qu'on s'en
étonne. Mais ce qui ne m'étonne pas,
c'est que de jeunes déesses à qui l'on
ne rend pas un culte assez fervent,
avec oraisons répétées, se mettent en
quête de sectateurs à qui les sacrifices
coûtent autre chose qu'un effort. Si
elles sont à l'âge qui explique les soli-
des appétits de dévotions fréquentes,
le desservant de leur autel qui les né-
glige n'a que ce qu'il mérite si elles
lui donnent un remplaçant. -Tout con-
trat synallagmatique engage les deux
partis qui le signent.
Si vous ne vous sentez pas de taille à
louer dignement la déité, ne vous con-
sacrez pas à son service ; car vous la
frustrez de l'encens et de la myrrhe
qu'un prêtre mieux en point lui prodi-
guerait journellement en multiplient
même les démonstrations de sa foi.
Cela, me direz-vous, démontre le
côté scabreux du mariage, qui trans
forme en charge onéreuse ce qui relè-
ve des seules impulsions du désir. Je
ne vais pas à l'encontre. Certes, j'esti-
me mes pareilles qui, mal partagées,
dissimulent avec une pudeur de sainte
le dépit que leur cause le régime trop
compendieux, du carême matrimonial.
Cependant je ne puis @ non plus jeter la
pierre à celles qui s'insurgent contre
la diète que leur inflige un conjoint,
qui ne serait pas plus abstinent s'il
s'était ostensibjemeht voué au cénobi-
iisme. J'accueille donc impartialement
ia lettre qu'on va lire, inspiratrice des
considérations qui précèdent et qui po-
se une question que je qualifierai ju-
dicieusement de « brûlante » par rap-
port au foyer sensuel que révèle la si-
gnataire, foyer qui la consume sans-
profit pour la volupté !
« Zieutez-moî ça » comme disent les
impeccables midinettes devant les éta-
lages qui les affriolent. Vous y verrez
comme quoi, l'hymen n'ayant rien de
comparable aux engagements pignora-
tifs qui laissent la liberté de reprendre
ce que l'on a cédé, la femme qui reste
perpétuellement sur sa faim amoureu-
se doit y regarder à deux fois avant
d'introduire l'instance en divorce con-
tre le mari qui manque à ses sacrées
obligations.
Car vous admettrez que la gaillarde
soit un objet d'appréhension pour les
messieurs que le procès a mis au cou-
rante sa boulimie. Veuve d'un époux
vivant, voulût-elle lui revenir qu'il ne
lui pardonnerait pas l'affront de la pu-
bicité faite au caractère négatif de son
commerce. Courte est la missive, mais
bonne à étudier pour le point qu'elle
tend à faire résoudre.
« Je suis, Madame, liée depuis tan-
tôt cinq ans, moi qui en ai vingt-qua-
tre, à un trentenaire de belle allure et de
manières parfaites. Mais, est-ce la sui-
te d'inconvénients nés des imprudences
de la jeunesse, est-ce froideur corres-
pondant à l'actuelle conquête du Pôle
Nord dans la proximité duquel pour-
tant, Peary procréa, est-ce lassitude
trop tôt venue de la moitié que je de-
vrais être pour lui ? toujours est-il
qu'au lieu de me combler de ses ama-
bilités et d'être pour moi l'enchanteur
dont on bénit la baguette magique, il
laisse en friche le trésor dont il avait
assumé la culture comme s'il ignorait
la fable où le labeur est conseillé et qui
mentionne : « C'est le fonds qui man-
que le moins ». La fable, je l'avoue,
dit : « Prenez de la peine ». Or, de
peine, s'il en devait prendre, et s'il de-
vait rester au-dessous de sa délicieuse
tâche, qu'avait-il à conclure un marché
aux conditions trop lourdes pour sa
chétivité ? Car ou il est chétif malgré
l'aspect de sa charpente, ou il porte
ailleurs les soins qu'il me doit, les éner-
gies dont i- me subtilise le bénéfice.
Dans les premiers temps de notre
union, ignorante des munitions dont
Eros comble son carquois, je me rési-
gnais à cette sobriété avec la vague
intuition que l'on doit pouvoir mieux
faire. Mais aujourd'hui, instruite, je
proteste mentalement et me révolte
ainsi que les affamés que le vide de leur
estomac pousse aux résolutions extrê-
mes. Aussi, avant, soit de faire briser
mon mariage en exposant sa précarité
— sa. « nihilité » serait mieux — ou de
prendre un amant auquel, par engre-
nage, d'autres succéderont, je viens
vous demander, à vous et à vos lec-
teurs renseignés sur la mesure permi-
se des sensations à deux.
Une femme que son époux néglige est-
elle coupable si, vibrant beaucoup,
mais voulant éviter le scandale, elle re-
cherche des compensations ?
Ayez, Madame, la bonté de soumettre
le cas aux juges indulgents qui vous
lisent chaque semaine et croyez à la
reconnaissance de celle qui fixera sa
conduite d'après vos sages conseils. »
Ma correspondante signe Mathilde
Janveux. Admettons qu'elle ne veuille
que des opinions exemptes de liberti-
nage et donnons-lui tous notre avis
dont elle attend la tranquillisation de
sa conscience placée, bien entendu, au
meilleur endroit de son être. pen-
sant.
LIONNETTE.
L'AUTRE
Je raconte, je n'explique pas. Voici :
A cette époque, j'habitais Lyon. J'étais
marié depuis deux ans et j'adorais ma
femme : c'est bien permis, n'est-ce pas ?.
Comme sous-lieutenant, je devais accom-
plir une période de vingt-huit jours à Avi-
gnon, et je décidai ma femme à m'accompa-
gner.
1\.1. J:..t.:. 1),. ,&.-.:J.,':. ~';Y\ ,:,-,'1'-'" n.
Nous étions là-bas depuis cinq jours seu-
lement qu'elle reçut un télégramme la man-
dant d'urgence à Lille auprès de s" mère
malade. Aucune hésitation n'était possible.
Elle dut partir et je fus la mettre dans l'ex-
press de huit heures trente.
Je m'en revenais, lentement, le long de
l'avenue de la Gare, salué tous les vingt pas
par des soldats en balade, et je me deman-
dais comment j'allais passer oette premiè-
re soirée de solitude, lorsque j'eus l'idée
d'entrer à l'Eden-Casino.
L'Eden-Casino. Peub !. C'était un beu-
glant comme un autre. Ça coûtait cinquante
sous aux fauteuils — et ces fauteuils étaient
d'ailleurs des chaises — et un franc cin-
quante au parterre. Autour de la salle cou-
rait un promenoir assez étroit : c'est là que
les belles de nuit les plus huppées de la
ville s'en venaient oherchei l'ami de chaque
soir.
Les chansons qu'on chantait étaient idio-
tes, et le café qu'on m'avait servi était
mauvais. Je m'ennuyais. A l'entr'acte,
j'eus l'idée d'aller voir un peu « ces dames
du promenoir ».
Pas bien belles, ma foi, ces dames.
Mais pas mal non plus, tout de môme !
Jeunes pour 1& plupart, et quelques-unes
assez élégantes. Trop de fard cependant,
« à l'instar de Paris. » Je me promenais
— car que faire en un promenoirj' — mâ-
chonnant un cigare éteint, et dévisageant
les unes et les autres, lorsque. Non !.
Ce n'était pas possible !. La surprise m'a-
vait cloué au sol et j'en avais laissé tom-
ber mon cigare. Une femme venait de m.e
croiser, et cette femme, c'était. C'était le
portrait de la mienne, le portrait vivant,
criant de ressemblance ! Au point que si
je ne l'eusse, moins de deux heures-aupara-
vant, mise moi-même dans le train, je m'y
serais trompé. En un instant — c'est inouï
ce que la pensée va vite dans ces cas-là !
- je calculai que l'express au départ du-
quel j'avais assisté ne s'arrêtant qu'à
Valence, il était impossible que ma femme
fût revenue.,. Le seul fait que je dus me
Confusion., „
— Oui, mon vieux, la nuit dernière il a couché sous une marquise ï
— .??? >
— Sous une marquise de café, bien en tendu..,,
tenir ce raisonnement pour me rassurer
montre à quelle étrange, à quelle troublan-
te ressemblance je venais de me heurter.
Je retournai sur mes pas et m'arrangeai
de façon à frôler l'inconnue qui revenait
en sens contraire, Je la regardai dans les
yeux. Oh ! ces yeux !. Les mêmes, je
vous dis, les mêmes que ceux de ma fem-
me, d'un bleu clair, un peu gris et froid.
Elle me regarda elle aussi, mais négligem-
ment. Et je m'aperçus alors. Je m'aper-
çus que la robe, la robe rose à petits bou-
queife pomjpadouir, dont odle- était vêtue,
était la même, la même je vous jure, que
celle que ma femme s'était fait faire au
(commencement de la saison. Et cette robe,
je savais qu'elle était restée à Lyon. Mon
trouble était indicible, et j'essayais en vain
de me raisonner. Un camarade de compa-
gnie me héla à ce moment. Je dus dissi-
muler, répondre à ses questions, accepter
et allumer une cigarette. Pendant ce temps
la promeneuse disparut, et je ne la revis
pas de la soirée.
Le lendemain, un télégramme de Lille
m'apprit que Juliette était bien arrivée à
Lille. Elle m'annonçait une lettre que je
reçus effectivement le jour suivant.
Je ne doutais pas, je vous assure, je ne
pouvais pas douter. mais je ne puis dire
l'impression de sécurité bienfaisante que
me donna cette lettre : c'était bien l'écri-
ture de ma femme ; le cachet de la poste de
Lille était là, les détails sur la maladie de
ma belle-mère étaient précis !. Je me sen-
tais un autre homme.
Le soir, je fus à l'Eden-Casino. Mon in-
connue était là, se promenant nonchalam-
ment, Je la vis s'arrêter avec un jeune
homme, causer un instant, puis partir avec
lui.
Je me précipitai au vestiaire et je deman-
dai à la préposée :
- Quelle est donc cette femme ?
- Je ne sais pas, répondit-elle. Sans
doute une nouvelle. Elle ne vierut que de-
puis deux jours.
Je revins (presque tous les soirs à l'Eden-
Casino. Cette ressemblance extraordinaire
que je retrouvais non seulement dans le
visage de l'inconnue, dans ses attitudes,
mais encore dans ses menus gestes,m'affo-
lait. Sans la lettre que chaque jour je rece-
vais de ma femme, je ne sais ce que je se-
rais devenu. Ma raison, certes ne doutait
pas : mais comment résister à l'emprise
de ce que je voyais, de ce que je touchais.
— Je lui parlerai, me dis-je et je saurai
bien.
Toutefois, je voulus me renseigner.
— Connaissez-vous cette femme ? deman-
dai-je un soir à mon camarade Pontcroix. i
- Non, me répondit-il, mais il me sem-
ble que Soul-cie était avec elle hier soir.
J'interrogeai Soulce, qui me répondit :
— Elle habite rue Boissier, je crois. Je
ne suis pas ailé chez elle. !
— Et. dis-je, elle. s'appelle ?
— Elle s'appelle Juliette 1
Je fus moins abasourdi encore de la
coïncidence que du fait même de l'avoir si
justement pressentie. En effet, au moment
où je demandai ce nom à Soulce je ne dou-
tai pas qu'il ne dût me répondre en pronon-
çant le nom de ma femme !.
J'abrège. Le lendemain, j'abordai la jeune
femme. Ma voix avait un tremblement.
Je lui demandai de l'accompagner :
- Merci, monsieur, dit-elle. Ce soir,
c'est impossible. Je suis attendue. Mais
demain, si vous voulez bien. D'ailleurs,
voici mon adresse : rue Boissier, 13, à
l'hôtel d'Orléans.Vous pouvez demander
Madame Juliette.
- Oui, je sais.
— A'h 1 vous savez ?.
En disant ce « Ah ! vous savez ? » elle
eut une inclinaison de tête et un sourire
qui m'étaient si connus, si familiers, que
je crus perdre tout sang-froid. Je bre-
douillai quelques vagues paroles, et nous
nous quittâmes sur un « A demain ! » ré-
ciproque. Et c'est ici, bien que je sois sûr
de moi, sûr de n'être pas un halluciné ou
un fou, c'est ici que je me demande si je
n'ai pas rêvé, et si ce que j'ai vu je l'ai
bien vu, ce que j'ai: vécu je l'ai bien vecu.
Le lendemain, ma femme était de retour
à Avignon. Sa mère était beaucoup mieux,
et elle s'était amusée à revenir ainsi,, sans
prévenir pour me surprendre. Je fus à
la fois joyeux et troublé. Et l'après-midi,
je me rendis au numéro 13 de la rue Bois-
sier. J'entrai à l'hôtel, qui était bien l'hô-
tel d'Orleans, et je demandai Mme Ju-
liette.
« Nous ne connaissons personne de ce
nom. » Telle fut la réponse qu'on me, fit.
Je tentai une description de la dame. Ce
fut inutile.
— Nous n'avons aucune dame chez nous,
dit le patron.
Et pour me convaincre, il me forga à lire
son registre de police.
Le soir, sous un prétexte, je m'en allai
au Casino. Juliette n'y était pas. Le lende-
main et le surlendemain non plus. Je m'in-
formai, j'interrogeai. On ne la connaissait
pas. C'est à peine si la dame du vestiaire
se souvint qu'elle m'avait répondu un jour :
« C'est une nouvelle. » Souloe me déclara
qu'il l'avait vainement cherchée. Bref, au
moment donc où ma femme était revenue,
la Juliette du Casino s'était évanouie, dissi-
pée, volatilisée comme un fantôme quand le
jour point. Mes vingt-huit jours tiraient à
leur fin. Ce fut tout. Nous partîmes. Une
dernière fois, je retournai à l'Eden. Je
n'ai jamais revu cette femme, mais pendant
trois ans, je ne sais ce que j'ai le .plus : dé-
siré ou redouté sa rencontre..,
— Et maintenant ?.
— Maintenant ?. Rien !. Je vous ai dit
la vérité. C'est tout.
Victor Snell.
ectios
La petite Zézette, la gentiïle arpète de chez
Mile Laure, la modiste, a soupe de l'auto,
Zut 1 pour l'auto.
— Figure-toi, ma chère, contait-elle à Ar-
iette, sa grande amie, figure-toi qu'un chic type
m'avait fait la cour ; bien entendu, n'est-ce pas,
j'avais accepté sa proposition de an'emmener
dans son auto jusqu'à Tours. Hein ! un chic
voyage, et avec un type épatant. Brun, des
yeux noirs et une moustache. a'h ! ma chère,
j'en étais folle.
Nous partons le matin. Eh bien ! tu sais, pas
drôle ; tout le temps, il est reste penché sur
sa manivelle ; nous allions très vite ; a fallait
faire attention. Moi, au bout de trois heures,
je m'embêtais ferme.
Bt le soir, ça été à mon tour de ne pas être
drôle ; le grand air m'avait fatiguée, rompue ;
je m'endormais en dînant. Alors, on n'a rien
fait ; on s'est pagnoté comme des vieux bien
sages, et le lendemain matin, taHait ee lever
pour rappliquer à l'atelier.
Zut ! pour l'auto 1 J'aime mieux une BâWcle
à pattes dans les bois de Meudonv
La petite Zézette a bien raison»
Mlle S., charge, on le sait, chaque matin,
l'art, de rendre à sa beauté décrépite, délustrée,
la fraîcheur et la nouveauté baptismales. Le
rouge, le bleu, se mêlent dans ces ingrédients ;
et grâce à cet ingénieux enduit chimique, elle
sort de son laboratoire armée d'un teint su-
perbe.
Mais pour mettre en état de paraître, sans
risque, des charmes aussi neufs, aussi luisants,
il faut que sa toilette dure des heures. Un matin'
je me présentai beaucoup trop tôt à sa porte et
son domestique alors me renvoya brusquement
par ces mots : « Madame ne reçoit pas ! Madame
sèche ! »
Je n'ai pas insisté.
- Ir"
Distraction, bien compréhensible en ce mo-
ment, d'une maman fière de son fils, qui vient
d'être reçu ingénieur.
Un ami lui demande :
— Et que va faire ce jeune homme, mainte-
nant 1
La mère, sans réfléchir :
— Il a toujours voulu faire de l'aéroplane, de-
puis sa plus tendre enfance !
—X—
Dans un petit restaurant de Montmartre, le
bon poète dîne.
Le ibon poète a des rentes qu'il se fit en pleu-
rant, en de nombreux vers, les misères des
gueux.
Entre un pauvre Italien qui se met à attaquer
une romance.
Les dîneurs du petit restaurant l'écoutent avec
patience. Seul, le bon poète bondit : « Que l'on
me jette dehors ce braillard, dit-il, je ne saurais
manger avec ces cris dans les oreilles. »
L'un des voisins du bon poète s'étonne.
— Comment, vous !,.. celui qui les chante !
— Mon vieux, réplique-t-il, je n'aime pas me
laisser assommer par un tas de voyous qui ne
savent pas se débrouiller. »
— x—
On a beau dire, ça fait tout de même quelque
chose.
Mon ami F. était à la chasse avec sa char-
mante petite femme, et tous les deux, dédai-
gnant reprendre le train, avaient trouvé char-
mant de coucher dans La modeste auberge d'un
petit village loin de toute gare.
La nuit fut entièrement consacrée au sommeil
réparateur. Le matin, en se réveillant, mon ami
F., se sentant frais et dispos, et voyant sa jo-
lie petite, mignonne femme, si gentille, eut
des idées folichonnes.
r Il n'y a là rien que de très louable pour un
mari.
Sa compagne, bien disposée, accueillit son
désir comme toute honnête épouse aimant son
mari doit le faire et. et ce qui s'en suivit ne
vous regarde point.
Mais voici où cela devient drôle.
Notre ami, tout imprégné de patriotisme et
songeant sans nui doute à la repopulation, al-
lait ajouter un nouveau chapitre à l'histoire
commencée, quand" une voix se fit entendre :
— Ah ! Ben non ! avant de recommencer di-
tes-moi ce que vous voulez pour votre déjeu-
ner.
C'était la brave et bonne aubergiste qui, au
chevet du lit, à moitié cachée par les rideaux,
était là depuis un quart d'heure 1
On a beau dire, ça fait tout de même nueJ-
que chose d'être ainsi dérangé au moment où
on s'y attend le moins.
Et nos époux, subitement, devinrent très sa-
Iles.
-x-
Ma chérie, retiens bien cela, pour te guider
dans les achats que tu me feras :
Les couleurs smart destinées à parer la fashion
masculine, seront, cet automne, le gris-cendre,
le bronze et le brun-rouille. Que de modifica-
tions !
On tente de lancer un violet inédit « auber-
gine-quetsch. Ii.
Il existe une ligue de dames allemandes pour
faire une propagande active contre les costu-
mes à-op coLlants, les jupes trop courtes, '3s
corsages trop décolletés, toutes choses qui sont
hàibitudies d'élégance parisienne ou coquetterie
esthétique, recherche de lignes jolies dont ne
peut s offusquer la pudeur arançaise, faite de
franchise et de bon goût.
Nous comprenons cette pudique ligue, les ver-
tueuses allemandes étant généralement taillées
à coups dt serpe ont tout à gagner en dissi-
mulant leurs formes.
—x—
(NTois bons méridionaux :
(Brun, olivâtre, ultra méridional d'allure et
d'asseret, le lutteur Olivier de Perpignan, dont
les camarades blaguaient -le physique, déclara
un jour d'une voix tonitruante : « Té ! si vous
m'aviez connu zeune, z'étais si mignon que ma
mère elle a usé plus de cent francs de çandelles
à me regarder dormir ! »
Boutade emphatique qui remémore la réponse
entendue jadis dans 'la bouche d'un forain dé-
semparé et triste.
Gomme nous lui demandions s'il avait une
famille, des enfants, une femme : « Moi. répon-
dit (le bohème, je suis marié avec la lune pour
engendrer le brouillard. »
Vraie boutade de bouffon dans la lande où
rôde le roi Lear.
x-
Les mendiants professionnels pafisi-ens ont,
paraît-il, leur Bottin, — le Boltin des personnes
charitables autant que naïves.
Voici un extrait de ce précieux répertoire :
M. X. — Catholique fervent. Dire que l'on
n'a pu faire baptiser ou donner la première
communion à ses enfants faute d'argent : M. X.
régularise les mariages, paye les frais de la
noce. Se présenter décemment vêtu.
M. Y. (artiste célèbre). — £
instants de pose pour faire un croquis, mais
vous donne un louis.
M. Z. — Riche propriétaire ; paye les loyers
en cas d'expulsion, vous donne un vêtement
que l'on peut souvent revendre un bon prix..
M. W. — Député anticlérical très riche. Dire
que l'on a dû quitter son pays à cause des per-
sécutions des .prêtres. Se dire ancien instituteur.
H faut que je me procure ce Bottin ; on ne
sait pas ce qui peut arriver.
NOUVELLES A LA MAIN
Sur la plage. L'abbé veut expliquer à Bob,
comment se forment les océans.
— Connu ! riposte l'incorrigible gamin, c'est
le résultat complet des. sources t
-x-
Calino promène en Suisse sa petite famille.
L'aîné interroge ;
— Papa, doit-on dîre le « Gothard », ou
le « Saint-Gothard » ?
— Dame. Je crois qu'il faut dire le « Saint-
Gothard », aussi bien quVm dit le « Saint-Pion ».
-x-
Un superbe nègre est à ia porte d'une bou-
IangeIûe.
— Un mitron noir 1 s'écrie un gavroche que
cette vue met en joie.
— Mais oui, mon fiston, réplique le nègre.
Même que c'est moi qui fais les pain? de
eeigle.
—-x:—
- Comment, vous' recevez les Z à dîrvr I.
Et, pourtant, le mari a fait faillite.
- Oui, mais en province.
--, FeuUledevigne.
liON PETIT CINEMA TOGBAPHB
A l'Hôtel des VeDtel)
Les amateurs rentrés de vaances.
commencent à reprendre le chemin
de l'Hôtel. On annonce plusieur.,
grandes ventes pour (e courant <2'o&
tobre.
UN JOURNAL SPÉCIAL.
Une salle d'enchères publiques dans te grand
oapfi&rnaûm de la rue Drouot. im.
A la requête de nombreux fournisseur im*
payés, on vend le mobilier de ta demoiselle
RoeaJie-Victoire Purin, dite Rosalinde de Fary
tuny. -
Oeile-ci, en compagnie de son intime amiq
Gannencita Zapato de Fieltro, est venue assi*
ter à la petite cérémonie qui la laisse "d'ailleur^
aussi ifroide que exercice ooutumier de sa pro*»
ression.
Tout au plus s'est-elle promis, afin d'embètert
les créanciers hargneux qui lui ont joué ce pied
de cochon, d'employer tous ses efforts à erapâh
cher d'emballement des acheteurs.
Plus .les adjudications seront faiblefJ:, pense-tk
elle avec raison, et moins les croquants qui Font
fait poursuivre rentreront dans leurs débours.
Le Oommissa ire-Priseur vient de faire présent
ter aux amateure un meuble intime à quatre
pieds, ébénisterie thuya avec incrustations dq
nacre, cumerde de même,, garni du bassin spê.,
cial en argent massif guiillodhé et repoussé..,
Pièce d'orfèvrerie unique, affirment les experts.
Œuvre d'art de première valeur, ajoute l'homma
au marteau d'ivoire..
Il y a preneur à cinquante francs.
LE COMMISSAIRE-HPRISEUR. — vpyons, Messleum^
c'est une véritaible occasion.
RosALBfDE, entre ses dents. Tu parles, que:
c'est de l'occasion ! :';
LE COMMISSAIRE-PRISEUR. - La valeur intrin-i
sèque du métal est déjà bien supérieure à lui
somme p roposée.
RosAuNDE. à Carmcncila, mais de laçon «I!
être entendue de ceux qui l'entourent, - sr
c'était de l'argent, oui !
CARMOiciTA, très à la réplique, — Santa Ma.,'
dona ! Ça n'en es-t donc pas ?
ROSALINDE. — Penses-tu que j'aurais conserva
une pareille galette pour me rincer. les dente 1
Pas si bète. Sans compter qu'on sait pas
toujours les types qu'on reçoit et qu'y en ai
qui seraient capaMes de nous estourbir poun
moins que ça. Y à déjà bien assez de riequiea
dans le métier.
CARMENCITA. — Comment t'y es-tu prise, alors t,
ROSALINDE. — ParWeu ! j'en ai fait faire uiwi
imitation, en ruolz, ef j'ai bazardé l'autoenti-»'
nufi !
que !
OARMENClTA. — Alors, ça n'a plus du tout d3-
valeur ? -
ROSALINDt. — Moins que rien, ma chère.
L'hygiénique vaisselle plate est adjugée è, un
prix dérisoire. Le commissaire-priseUr s'erra«s
che les rares Cheveux qui lai restent
LE COMMISSAIRE-PRISEUR. — C'est déplorable.
tout à fait déplorable ! Nous allons mettra
maintenant en vente un magnifique lit renajs-e
6ance à colonnes torses, baldaquin garni de
vailenciennes, vérit&Me merveille de fecons-
titution historique : ce modèle a été oopié suc-
la propre coudhe de Diane de Poilâers. Il est
estimé deux mile cinq cents francs au bas
mot.
ROSAUXDE, pouffant (Ú rire. — Ah 1 mince !.
CARMEWCITA. - Quoi donc ?
ROSALINDE. - Tout le tfonid est viemiouJu et
plein de punaises.
LE COMMISSAIRE-PRISEUR. - Deux mille cinq
cents «îous offrons. z,
UNE VOIX. — Vingt-cinq francs.
'LE COMMISSAIRE-PRISEUR. ,,-, Deux mille oiM
cent vingt-cinq. ;
LA Voix. - N'On, non. Vingt-fâinq francs, toufi
rond !
LE COMMIS SAIRÉHPRÎSBUR. — Voyons c'est une
plaisanterie !. Vingtcinq francs la reprodùc-.
tion d'un lit que deux .rois de France ont peut-
être successivement honoré de leur, présence il
UNE AUTRE VOIX. — Vingt-six JI:"
ROSALWDE, qui s'amuse comme une petite lo'Ue..,
— Vingt-six cinquante !
Le lit est racheté pour trente^deux francs paiîï
le tapissier qui l'avait fourni et n'a jeanais twl;,
ché le premier sou de sa facture.
HOSAUNDE, à CARMEWGIHA. — Ah ! le rossard I..,,
A ce prix-là, je suis sûre qu'il gagne encore;
dessus pluo que ça ne m'est jamais arrivé ! 1 J'.
Bobèche*/
_——— 1 t f
-VICTI H".
Par CATULLE MENDÈS
I
La baronne de Linège entra comme ù*.
coup de vent dans le boudoir 3e son amie-
Thérèse ! un coup de vent de dentelle et d3<
soie ; et, du claquement de la porte refer-J
mée, la peludhe des tentures se rebrou-geai
et les figurines de Saxe frémirent sur l'état
gère. Vraiment, à La voir si rose, la gOtrgEf
battante sous l'a faille de son corsage, per*
sonne n'eut manqué de deviner qu'il ye.,,:
nait d'arriver à la baronne quelque choseii
de tout à fait terrible.
— Eh ! mon Dieu 1 dit la comtesse Thé-
rèse, quel air vous avez, ma chérie I je ma
vous vis jamais troublée à ce point. Votre
voiture a-t-elle versé ? les cochers sont sf.
maladroits. Le store de votre coupé, — ou
ny est pas toujours seule, dans son coupé,,
— s'est-il relevé tout à coup, à la minute
même où votre mari traversait la chaus*
sée ? Car vous n'êtes pas de celles qui:
s'émeuvent d'une vétille, et pour vous met-
tre en l'état où vous voilà, il n'a pas fallul
moins d'un véritable désastre.
Mme de Linège ne parla point tout de
suite, tant elle était essouflée, mais elle,
poussait de profonds soupirs comme quel-
qu'un qui a un très grand chagrin ou uiï
très gros remords.
— Hélas ! dit-elle enfin, ce qui m'arrive
est si extraordinaire, si abominable, qua
je n'aurais pas seulement pu en concevoir
la pensée.
— Un accident ? *
— Le plus grave de tous !
— Vous n'avez rien de cassé, au moins. !
— De cassé ? Non, je crois pas.
— Alors, il s'agit d'une mésaventure.
morale ?
- Ah ! bien loin de lô".
— Vous m'épouvantez !
- Vous serez plus effrayée quand vo39'
saurez l'horrible vérité. Est-ce que vous
connaissez des peintres ?
— Oui, je crois, quelques-uns. ,
— Brouillez-vous avec eux ! Faites-leût!"
fermer votre porte ! Ne les recevez jamaisli-:
car les peintres sont, je vous jure, les hom-
mes les plus impertinents qui soient sur Icl
terre ; désormais, pour ce qui est de moi
plutôt que de m'attarder, ne ût-ce u'ans
instant, dsns un atelier de l'avenue de Vi!-.
liers ou du boulevard Malesherbes, je con*
sentirais a me baigner toute nue,,
dans une source des bois, eu milieu dé
vingt (aunes allumés, par le printemps |
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