Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-06-28
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 juin 1922 28 juin 1922
Description : 1922/06/28 (N16403,A46). 1922/06/28 (N16403,A46).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7512787v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
LA LANTERNE ji, DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES A PARIS ET EN PROVINCE
Le Numéro: 10 Cmes'
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MERCREDI
2S
JUIN 1922
Directeur-Rédacteur en chef:
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non insérià
tKaotttpatfettdtta -1
La femme
expatriée
Le Sénat fait languir les femmes. Il
ne leur dira pas avant l'hiver prochain
— et encore ! — s'il leur accorde ou s'il
teur refuse le droit de voter ; mais un
journal illustré a publié les portraits des
sénateurs qui soutiennent la revendica-
tion des suffragistes : c'est toujours
cela. Elles prendront- patience en regar-
dant ces messieurs de bonne volonté.
Il est Lufiniment probable que la
Chambre partira en vacances de son
côté sans avoir fait aboutir une propo-
sition de loi dont M. Ernest Lafont est
le rapporteur, et que le Sénat a votée.
Mais du Sénat au Palais-Bourbon, on
sait que la distance est grande. Il ne faut
pas être pressé. Les lois, comme la tor-
tue de la fable, vont leur pas de séna-
teur.
On se rappelle l'objet d'une de ces en-
quêtes du temps présent, qui feront la
joie de nos petits-neveux : Une blanche
peut-elle épouser un homme de couleur?
Une autre question, plus importante
peut-être, se pose depuis longtemps :
U;ne Française peut-elle sans inconvé-
nients épouser un étranger ?
Vous savez ce que le Gode civil répond,
par l'organe du législateur de 1804 :
« La femme française qui épouse un
étranger perd de plein droit la qualité de
Française. »
Il y avait l'a de quoi la rendre hési-
tante, et le fait est qu'elle y regardait à
deux fois lorsoue l'amour souverain ne
.réglait pas la question et n'imposait pas
silence à. la'raison.
Le législateur, lui, s'était montré con-
séquent. Du moment que la femme doit
obéir à son mari et le suivre dans tous
ses changements de résidence, il sem-
blait naturel que les liens du mariago
fussent également ceux de la nationali-
sé- La f -.-. n'emportait pas la patrie
à la semelle 'd'e ses souliers de mariée ;
où son époux allait, là pour elle était
désormais la patrie.
Mais; encore: fallait-il: que le-pays
d'origine .du mari accordât la nationalité
aux étrangers ; autrement la femme qui
n'était plus Française risquait de devenir
tout bonnement citoyenne du monde. Du
point de vue - spéculatif, la situation est
acceptable ; juridiquement, elle offre
moins d'avantages. Je l'ai entendu dire
à la fille d'Elisée Reclus, que celui-ci
maria, un jour, librement. Il prononça
à cette occasion les plus belles paroles
que les hommes aient entendues. La
Pensée françhise, qui se publie à Stras-
bourg, les reproduit en partie dans son
dernier numéro. Elles sont admirables
et nous nous en sommes inspirés, Mau-
rice Donnay et moi, en écrivant le troi-
sième acte d'Oiseaux de passage. Oui,
oui, rien de plus beau que les exhorta-
tions d'un Elisée Reclus, pur et sans ta-
che. Mais pour sa fille adoptive, après
l'enchantement, vinrent les désillusions,
avec leurs suites judiciaires., et la mal-
heureuse, sans défense, fut dépouillée.
En 1880, la loi de 1804 fut légèrement
modifiée. Un nouveau texte énonça que
la femme française épousant un étran-
ger, ne perd la nationalité française
qu'autant que son mariage lui confère
la nationalité de son mari. C'est la loi
en vigueur. Elle ne remédiait que fai-
blement aux maux qui éprouvent les
femmes exerçant en France une profes-
sion pour laquelle la qualité de Fran-
çaise est indispensable.
M. Ernest Laiont propose mieux. Voi-
ci quoi :
« La femme française qui épouse un
étranger reste Française, à moins qu'elle
ne déclare expressément devant l'offi-
cier d'état-civil, opter pour la nationalité
de son mari. Toutefois, la femme fran-
çaise suivra la condition de son mari si.
au lendemain. du mariage, son domicile
5e trouve situé dans le says d'origine de
celui-ci. -
« Lorsque le mariage aura été con-
tracté suivant les formes d'une loi étran-
gère, la; femme pourra faire la déclara-
tion d'option prévue devant le consul de
France ou devant l'officier d'état-civil
français, si .son domicile se trouve fixé
hors de France. »
La chose est d'importance, car, désor-
mais. l'enfant né en France d'un père
étranger et d'une mère française, ne
courra plus, 'à sa majorité prendre la
nationalité de son père pour se sous-
traire à ses devoirs. Pas de devoirs sans
droits, c'est entendu. Pas de droits non
plus sans devoirs. Nous avons trop vu
de jeunes gens nous brûler la politesse
après avoir retiré de la qualité de Fran-
pais tous les profits qu'elle comportait.
Il y a enfin un autre motif à désirer
£ ue la Chambre suive le Sénat dans sjl
décision ; et ce motif est fort Bien indi-
qué par Yvonne Netter dans l'article
qu'elle a donné au Monde Nouveau sur
ce sujet. A l'heure présente le nombre
des femmes est supérieur chez nous de
deux millions au chiffre de la popula-
tion masculine. Jamais donc il n'a été
plus opportun de faciliter le mariage
des Françaises avec des étrangers- Le
fait qu'elles ne perdront pas pour cel*
leur nationalité est de nature à détermi-
ner leur choix d'après la raison. si tou-
tefois celle-ci a voix au chapitre.
Lucien DESCAVES.
————-——— ;) 1\ ————————
Prestations en nature
Après un retard infiniment regrettable, nous
en sommes à l'utilisation des réparations en
nature. L'exemple de la Belgique a stimulé
enfin notre activité, et nous demandons, pour
nous, le bénéfice des accords que M. Bemel-
mans a conclus, pour la Belgique, avec l'Alle-
magne.
Si le principe absolu de la reconstitution
des régions dévastées dans le moindre délai
et sans considération des intérêts de fournis-
seurs, indirectement liés à cette grande affaire
— avait pu être posé, nous serions sans doute
arrivés, a moindres frais, à un résultat plus sa-
tisfaisant. Or, les régions dévastées furent
çonsidérées comme une aubaine, où les profi-
teurs de la guerre, insuffisamment repus, pour-
raient continuer leurs fructueuses opérations.
L'idée des réparations en nature apparut
immédiatement aux négociateurs du traité de
Versailles, mais il fallait compter avec les ap-
pétits. Pour des raisons d'ordre sentimental,
d'ailleurs peu concluantes, on jugea bon d'ex-
clure la main-d'œuvre allemande; pour des
raisons de protectionnisme industriel, on re-
poussa longtemps l'appoint du matériel ger-
manique.
On s'avise, aujourd'hui, qu'il faut laisser
aux usines reconstruites du Nord le marché
du Nord, en appliquant à l'ensemble de l'ou-
tillage national une certaine partie des. som-
mes dues (en travail, en matériel) par les
vaincus. - -
D'où le projet que M. Le Trocquer, minis-
tre des travaux publics, vient de communi-
quer à la presse. Il s'agit d'appliquer quinze
ou seize-milliard de-la dette allemande à la
réfection étconomique de la France : forces
hydrauliques, voies ferrées, ports, canaux, etc.
Ce programme a été minutieusement étudié
par les ingénieurs de l'administration, il est
la réalisation d'une idée féconde et trop long-
temps tenue en échec; il doit être exécuté, s'il
y a en France une force qui mette le bien pu-
blic au-dessus de tout.
Ne nous berçons pas d'illusions 1 Nous ver-
rons, sur le chemin de M. Le Trocquer, des
obstacles insidieusement dressés, les coali-
tions d'intérêts se lèveront contre lui. Espérons
— une fois n'est pas coutume, hélas! — que
le ministre réalisateur trouvera dans sa con-
viction et dans son sentiment du devoir, la
force de briser les méprisables conspirations
des boutiques menacées dans leurs profits.
F. H.
« ) ( ————————
BLOC-NOTES
La - révision des quadragénaires
L'Académie de médecine, reléguant au se-
cond plan la science pure et l'art médical,
s'occupe des intérêts du pays avec une ar-
deur qui pourrait servir d'exemple à l'autre
Parlement. Il y a quelque temps, elle fixait
les programmes de l'Enseignement secon-
daire ; ces jours derniers, certains de ses
membres revendiquaient le droit de régenter
l'art, la littérature et l'industrie, en détermi-
nant par voie d'autorité la vocation des jeu-
nes gens.
Hier, à la , suite d'un rapport de M. Lan*
rent, elle décidait que tous les hommes de
quarante ans devraient' subir une visite médi-
cale, ensuite de laquelle on les déclarerait,
soit exempts de tares et bons pour une du-
rée illimitée de services humains, soit at-
teints ou menacés de maux assortis, pour
lesquels ils devraient subir des traitements
appropriés.
Evidemment, tout cela correspond à :de
sages préoccupations ; tout de même, si je
me trouvais dans les conditions d'âge néces-
saires pour subir cette visite, je me méfierais
un peu. Si, en effet, le résultat en étant fa-
vorable, je me voyais nanti, avec la garantie
de la Faculté, d'un brevet de longue vie, je
cesserais sans doute de prendre ces précau-
tions que la sagesse dicte à la maturité, et
finirais par faire des bêtises, qui risque-
raient de faire mentir le diagnostic.
Si, au contraire, on m'annonçait que 'j.À
suis atteint d'un tas de maladies redouta-
bles, je perdrais tout courage, tomberais dans
un état de neurasthénie aiguë. et mourrais
par peur de mourir.
Et puis, il y a autre chose. J'ai évidem-
ment dans la médecine toute la confiance
qu'il convient. Cependant, il n'est pas sans
exemple qu'elle se soit trompée, en envoyant
par exemple à la caserne des tuberculeux.
ou en prononçant des condamnations à mort,
que la nature s'est par la suite refusée à exé
cuter. Or, avec la mesure nouvelle, ces er
reurs deviendraient catastrophiques.
Enfin, bien que le désintéressement de la
corporation soit une de ses gloires, il y aura.
peut-être des gens mal intentionnés pour sou-
tenir que certains membres du nouveau con-
seil de révision sont médecins de la façon
dont M. Josse était orfèvre, et trouvent vo
lontiers aux quadragénaires bien rentés qu'ils
visitent des maladies ingénieusement choi
aies, de façon à leur permettre d'effectuer
sur le sac de ces derniers de lucratives Idpfc
ratomies. Pour ces raisons, et toutes les au-
tres à suppléer d'office, je crois qu'il faut se
réjouir, de ce que les législateurs de la rue
Bonaparte ne soient pas encore investis du
pouvoir exécutif,-.. -
"c iv Petît Jean,
LES DEUX ÉCOLES
M. FERDINAND BUISSON
DÉFEND GÉNÉREUSEMENT
SA THÈSE LIBÉRALE
,
« Un croyant, tout comme un libre penseur,
dit-il, doit vouloir que tout homme agisse
suivant sa conscience. »
A la suite d'un article paru récemment à
cette place, nous avons reçu la lettre suivante
de M. Ferdinand Buisson, député de Paris :
Très touché des témoignages de sympathie
que « Maître Jacques » joint à ses critiques,
je 'demande à la Lanterne de lui répondre avec
la même franchise.
**
Prenons d'abord la question principale. Elle
pourrait se poser ainsi :
Sommes-nous en 192i2, ou en 1882 ?
En 1882 : la laïcité absolue de l'école publi-
que est une nouveauté. Disons mieux : une
témérité sans précédent. Aucun pays en Euro-
pe ne l'a inscrite dans ses lois. La Belgique,
qui l'a tentée pendant le triomphe éphémère
des libéraux, y a renoncé. Les Etats-Unis
d'Amérique ont bien laïcisé leurs écoles publi-
ques, mais c'est une conséquence de la multi-
plicité des sectes protestantes..
En 1922 : il y a quarante ans que la laïcité
scolaire est le régime aégal de l'école publique.
Dans les dix ou douze consultations généra-
les du suffrage universel, pas une seule fois
il n'a été question de l'abroger. Personne en-
core aujourd'hui ne le demande ; la droite
elle-même déclarait hier qu'elle n'y songe pas.
La France, seule, a donc réalisé le plan d'édu-
cation nationale dont la Révolution française
avait posé le principe : d'une part, l'école
publique est, comme tous les autres services
publics, une institution nationale et par consé-
quent laïque ; d'autre part, la République
reconnaît aux famililes attachées à l'école con-
fessionnelle le droit d'y envoyer leurs enfants
pour y remplir leur devoir d'obligation sco-
laire.
Il y a quelque différence entre ces deux si-
tuations. C'est ce que j'ai osé soutenir.
Au temps où Jules Ferry faisait voter (à
travers quels orages !) les lois qui portent
«on nom. il n'y avait rien d'absurde à dire :
« Ces lois ne dureront pas ; une réaction
catholique les balaiera comme en Belgique ;
la France reconnaîtra que le monde entier a
raison contre elle, l'école publique sans la
religion est une utopie révolutionnaire que
ne supportera pas !le peuple français ».
Mais, aujourd'hui, qui tiendra ce langage ?
On veut que nous disions : « Il n'y a rien
de changé ! Il faut bataiHer, batailler tou-
jours ! ». Mais contre qui et contre quoi ?
Nous avons une loi que personne n'attaque.
Il y a cinq millions d'enfants dans les écoles
primaires publiques, un million dans les éco-
les privées. Après la cruelle expérience d'une
guerre comme le monde n'en a jamais vu, ne
savons-nous pas définitivement que de l'une
comme de l'autre école il est sorti de bons
-Français unis dans le devoir jusqu'au même
héroïsme ? Avons-nous la prétention de jeter
l'anathème les uns sur ceille-ci, les autres sur
celle-là ? Où sont-ils, les adeptes d'un de ces
deux fanatismes ?
C'est là que je ime sépare de « Maître Jac-
ques ». Il nous dit : « Le libre penseur veut
ot doit être tolérant. Mais le croyant, s'il est
sincère, ne peut pas ne pas être intolérant ».
Pardon : il y a ici, me semtyle-t-il, une double
erreur.
D'abord, une fausse définition de la tolé-
rance. On n'est Das tolérant parce au'on ne se
sent pas (bien sûr d'avoir raison, ni intolérant
parce qu'on croit posséder la vérité absolue.
La vraie tolérance a une autre basa : le res-
pect absolu de la conscience d'autrui. Un
croyant, tout comme un libre nenseur, doit
vouloir que tout homme agisse suivant sa
conscience. Il sait que c'est une indignité
d'obliger un homme à professer ce qu'il ne
croit pas. Et il n'excuse sous aucun prétexte
cet attentat à la plus sacrée des libertés.
L'autre erreur, c'est de prétendre que tel
doit agir, penser et parler de telle façon, au
nom de la logique. Nous n'avons pas le droit
de faire la police des intelligences. Nous
n'avons pas le droit d'interdire aux hommes
d'être ou de nous paraître illogiques. « Maî-
tre Jacques » n'est donc pas fondé à dire a
priori, que « les catholiques ou les prêtres qui
respectent la liberté de conscience sont de
faux catholiques ou de mauvais prêtres ». Ce
raisonnement vaut juste autant que celui des
polémistes qui nous disent : « Puisque vous
ne croyez pas en Dieu, vous devez vous per-
mettre tous les vices et tous des crimes ».
Je conclus donc : il n'y a plus de raison
pour entretenir un état de guerre, une menta-
lité de guerre qui est manifestement un ana-
chronisme. L'heure est venue où s'applique,
comme une réalité banale, le'mot prophétique
de Paul Bert sur les deux enseignements :
« A l'un le domaine de la science, à l'autre le
domaine de la foi ; à tous deux la protection,
le respect, la liberté ». : -.
Jïït qu'est-ce que Je demande ? Une seule
chose : qu'obéissant de bon cjoeur à la même
loL. les catholiques respectent l'école laïque
et que nous respections la leur.
Que perdront les deux écoles à ne plus dres-
ser en bataille l'une contre l'autre deux jeu-
nesses qui s'ignorent, se méconnaissent et se
calomnient mutuellement ? Le bon sens pu-
blic leur saura gré d'enseigner a ces deux jeu-
nesses qu'elles n'en font qu'une. Èt, tout bas, il
prendra parti, quelles que soient les méthodes
de l'une et de l'autre maison, pour celle qui
aura le mieux travaillé au rétablissement de
la paix entre tous les enfants 'de la France.
Il resterait à parler de l'autre question
(Caisse des Ecoles), mais j'ai déjà abusé de la
patience de vos lecteurs; J'y reviendrai si cela
les intéresse.
F. BUISSON.
APRÈS LE CRIME PANGÈRMANISTE
Les obsèques de M. Rathenau
— i i <1. m. ■ ——
La cérémonie funèbre au Reichstag fut marquée par des discours,
déplorant et stigmatisant l'assassinat du ministre des affaires étrangères
■ ~7g~
Berlin, 27 juin. — La cérémonie funèbre
du docteur Rathenau a eu lieu, à midi, dans
l'édifice du Reichstag.
Une foule énorme était massée aux alen-
tours, retenue par des cordons d'agents de
police.
Au moment où le cercueil.est descendu du
fourgon automobile, la Reichswehr rend les
honneurs et la musique joue une marche fu-
nèbre. La police se trouve tout à fait impuis-
sante .à contenir la foule, qui rompt les bar-
rages et se précipite pour voir de plus près
le défilé des troupes.
Le corps est transporté dans la salle des
séances du Reichstag, et non dans la grande
salle des Pas-Perdus comme on l'avait an-
noncé hier, la statue de Guillaume Ier n'ayant
pu en être éloignée. Le cercueil est déposé
sur un catafalque dresé à la place du fau-
teuil présidentiel.
A midi 10, le président Ebert fait son en-
trée. Les membres du gouvernement et la
plupart des ministres présents des Etats con-
fédérés allemands sont présents. L'hémicycle
et les tribunes son4 combles. Le corps diplo-
matique est au complet dans la loge qui lui
est réservée. Les ambassadeurs sont en uni-
forme de gala. Des palmiers géants et des
arbres verts sont placés de chaque côté du
catafalque surmonté d'un baldaquin noir.
La mère du défunt, entouré de ses parents,
so trouve dans la loge ex-impériale. Elle est
accablée de douléur et courbe tristement la
tête.
Discours du président Ebert
Après une marche funèbre jouée par la
musique de la Reichswehr.dissimulée derrière
les portes qui donnent accès au banc du gou-
vernement et à la tribune présidentielle, le
président Ebert prend la parole. Il commence
'l'éloge funèbre de M. Rathenau d'une voix
que l'émotion étouffe. Malgré le silence pro-
fond qui règne dans la salle, l'assistance en-
tend à peine ses premières phrases.
Il rappelle les qualités éminentes de l'ex-
ministre des affaires étrangères et souligne,
en particulier, son dévouement à la patrie
et les grands services qu'il lui a rendus. Il
déplore sa mort comme un grand malheur
pour l'Allemagne.
Le vice-président du Reichstag, le docteur
Bell, succède au président du Reich.
Discours de M. Bell
« Nous devons, dit-il, célébrer la mémoire
d'un homme qui nous a rendu d'importants
services. Notre peuple tout entier doit ser-
rer les rangs pour délivrer la patrie de l'at-
jnosphère de meurtre qui l'empoisonne: et
qui s'attaque à ses hommes d'Etat. Le devoir
du Reich est de mettre fin à ces excitations
et aux attaques violentes qui menacent l'exis-
tence de la République. »
Une allocution du député Korall
Pour terminer, le député rhénan au Reich-
stag, Korall, prononce une allocution assez
longue.
« Nous devons, dit-il, nous demander ce
que fut M. Rathenau ? Fils modèle, il était
aussi 'un homme dévoué à sa patrie. Le parti
démocrate est fier d'avoir pu le compter dans
ses rangs. Il est tombé par suite de la haine
des antisémites, mais c'était pourtant un des
hommes les plus patriotes et les plus dé-
voués à sa patrie. Il l'a montré pendant la
guerre en organisant le ravitaillement. Il
doit jouir de l'estime de tous. »
La foule ovationne le gouvernement
Lorsque IVt Korall a terminé son discours,
la musique de la Reichswer joue 'une nou-
velle marche funèbre.Le cercueil est descendu
du catafalque et porté à l'automobile qui doit
le transporter au caveau de la famille Ra-
thenau à Oberschneneweide. La foule le sa-
lue avec émotion. De nouveau la Reichswer
rend les honneurs. Lorsque les membres du
gouvernement et les députés de la majorité
gouvernementale sortent du Reichstag, la
foule leur fait une ovation.
La manifestation socialiste au Lutsgarten
Les groupes socialistes se sont rassemblés
au Lutsgarten pour la manifestation du pro-
létariat berlinois en faveur du maintien de
la République et contre les agitations et ex-
citations de la droite.
Le cortège s'est ébranlé vers une heure
environ. Le défilé eut lieu dans le plus grand
ordre.
Qui succédera au docteur Rathenau ?
Berlin, 27 juin. — On désigne déjà, dans
certains milieux, le successeur éventuel de
M. Rathenau. Ce serait le docteur Breit-
scheid. Celui-ci est un membre en vue du parti
socialiste indépendant.
A peine âgé de 40 ans, M. Breitscheid est
un homme de lettres et un journaliste de
profession. Il entra au Reichstag lors des
dernières élections après l'Assemblée consti-
tuante de Weimar et s'est occupé de ques-
tions de politique étrangère.
Le docteur Breitscheid, tout en désirant la
revision du traité de Versailles, s'est, à plu-
sieurs reprises, déclaré partisan de l'exécu-
tion des engagements pris. Au point de vue
idées, celles du docteur Breitscheid sont
moins avancées que celles des autres leaders
des socialistes indépendants tels que Mo-
kenbuhr, Kohn et Zietz.
Un discours provocateur
de Ludendorf
Varsovie, 27 juin. — Le général Ludendorf
a prononcé à Erfurt, il y a quelques semaines,
à une réunion de l'Ordre des Jeunes Alle-
mands. un discours particulièrement, violent
Dar son caractère monarchiste et anti-allié.
La Dresse allemande a passé complètement
sous silence cette harangue, préférant ne pas
lui faire trop de publicité. Cependant quel-
ques journaux pangermanistes n'ont pas pu
se refuser le plaisir de reproduire les passa-
ges les plus éloquents du discours par dequel
le général Ludendorf s'-est efforcé de mainte-
nir « l'esprit de combat » chez les membres
de l'Ordre des Jeunes Allemands.
« C'est toi, simple Feldgrauer, leur disait-
il. c'est toi le héros de la guerre mondiale !
C'est devant toi que nos ennemis tremblent
encore aujourd'hui, car ils ont fait ta con-
naissance sur le champ de bataille et ils con-
naissent ta valeur ».
Après avoir fait allusion à tous ceux qui
« veulent la mort de l'Allemagne », le géné-
ral Ludendorf a poursuivi en ces termes :
« Que devons-nous 'faire maintenant ? Nous
serrer coude à coude et opposer un front uni-
que à nos oppresseurs. Nous avons besoin de
l'esprit des rois de Prusse, de l'esprit de 1914.
cet enthousiasme enflammé qui nous animait
tous quand nous fûmes forcés de faire la
guerre ».
Et le général a conclu
« A présent, nous n'avons qu'un seul but
à atteindre, c'est de libérer notre pays de ses
oppresseurs, et pour cella il nous faut la force.
Le jour viendra où nous ferons appel à cha-
cun de vous pour reconquérir la liberté de la
grande Allemagne. Ce jour viendra »,
l/lrija esl toujours à vente
Aucun acquéreur ne s'est présenté hier
aux enchères publiques
Hier, au Palais de Justice, là 2 heures de
relevée, l'Arnaga, la belle propriété d'Edmond
Rostand était vendue aux enchères.
Foule dans la grande salle des Pas-Perdus,
foule élégante et très parisienne, foule dans la
petite salle dos criées. Mais il ne s'est pas
trouvé, dans toute cette foule, un seul enché-
risseur. Et quand le président des criées eut,
de sa voix monotone, annoncé « la vente
d'une propriété située là Cambo. j» un silençp.
a saivi- un silence lourd d'interrogation au-
quel il ne fut pas répondu. Les chandelles n'ont
pas été allumées. ,-,
Et cependant, pour un nouveau riche, ou un
noble étranger, l'Arnaga devait être un rêve
merveilleux. Pour la bagatelle de deux mil-
lions, il pouvait acquérir la plus belle pro-
priété qui soit et si riche de souvenirs.
L'Arnaga, c'-est comme un beau poème amou-
reusement élaboré. Edmond Rostand, qui lui-
même en avait tracé les plans, y avait mis tout
son amour et tout son or. C'était peut-être
l'oeuvre dont il était le plus fier.
Un beau rêve, oui. Seize hectares, 132 ares,
une maison d'habitation à deux étages avec
sous-sols, caves, celliers, six water-closets, un
magnifique jardin à la française avec miroir
d'eau, orangerie, conciergerie, chalet basque
et le moulin d'Arnaga.
Mais ceci n'est rien en comparaison de la
gloire qu'il y a à habiter la maison du poète,
dans ce cadre merveilleux, par le paysage et
aussi, à l'intérieur de la maison, par la contri-
bution de l'art : un grand hall à double arceau
de frise, en plein cintre et colonnes de mar-
bre, un studio lambrissé de frêne du Canada
à incrustations de nacre, une salle à manger
Louis XVI dallée de marbre et peinte par
Latouche, des peintures d'Hélène Dufau, Henri
Martin, Georges Delau, les 'laques de Caro-
mandel.
On avait dit que deux Péruviens, un Améri-
cain, un Anglais étaient décidés à se disputer
ces merveilles. Là-dessus, certains s'étaient la-
mentés de voir passer en des mains étrangères
ce 'domaine qui, par la gloire de son créateur,
semblait devenir une manière de patrimoina
national.
Les Péruviens ne sont pas venus, les Amé-
ricains ont fait défaut : Arnaga est toujours à
vendre.
-Si nous vivions au temps des mécènes, ou
plutôt si les mécènes d'aujourd'hui pris corps,
âme et fortune par les sports, avaient une fois,
par hasard, le temps de s'occuper de littéra-
ture, quel joli geste ce serait d'acheter Cambo
tel qu'il est, fresques, marbres, objets d'art,
livres., pour en faire don, non pas à l'Acadé-
mie française, qui mésuse par trop des 'libéra-
lités qu'on lui consent, mais à tel ou tel grou-
pement littéraire qui saurait peut-être en user
élégamment, artistiquement, charitablement.
On l'a déjà dit. Mais il est des choses qu'on
aime répéter pour son plaisir, parce qu'elles
correspondent à un rêva, à une illusion. — R.D.
.J --
POUR LE DÉJEUflER
DE NOS MIDINETTES
Le Conseil municipal a eu un geste gé-
néreux. Il a accordé la gratuité des sièges
aux midinettes dans les jardin publics dé-
Dendant de son administration, entre midi
et 1 h. 30.
Il faut que l'Etat suive l'exemple donné
par les édiles parisiens. 1
Avant la guerre, Mme la chaisière fer-
mait les yeux à «l'heure du déjeuner. Tou-
tes les petites arpettes, qui déjeunent d'un
peu de charcuterie sur un croûton de pain,
pouvaient, pendant la trêve de midi, res-
oirer le bon air.
Mais l'après-guerre ne connait pas pa-
reille sentimentalité. On paie sa chaise
dans tous les squares et jardins publics,
serait-on midinette en train de déjeuner,
Qt. le double de ce qu'on la payait avant
1914.
Les gens, qui n'y voient pas plus loin que
le bout de leur nez., vous diront aue las
bancs ne sont pas faits pour les chiens. Les
bancs, mais les midinettes ne peuvent s'y
asseoir sans être en butte à une promis-
cuité fâcheuse.
Notez que la mesure prise par le Conseil
municipal n'a pas, malheureusement, la
portée qu'il serait permis de souhaiter. Le
quartier des midinettes, c'est la place Ven-
dôme, Les Tuileries et le Palais-Royal sont
les deux seuls jardins qui soient véritable-
ment à leur portée. Jardins de l'Etat que
n'atteint pas les décisions de l'Hôtel Ce
Ville. Les Beaux-Arts seraient-ils moins ga-
larQ.t5 que cette administration ?
LE RENFLOUEMENT DE LA B.I.C.
LE SORT
du projet Porte
Le gouvernement l'adopte, mais
M. Parmentier l'acceptera-t-i! et que fera
M. Tfoon de La Chaume ?
M. de Lasteyrie a fait adopter, hier, par
le conseil des ministres le projet de renfloue-
ment de la Banque Industrielle de Chine,
établi par M. Porte, président du tribunal
de commerce de la Seme.
La Lanterne a exposé les grandes lignes
de ce projet, dont nous avons apprécié l'in-
géniosité et les avantages certains. Le -mi-
nistre des finances, malgré certaines objec-
tions de ses servioes, s'y est rallié et M. de
Fleuriau, notre ministre à Pékin, négocie de-
puis quelques jours pour obtenir du gouver-
nement chinois la ratification de la' conven-
tion mettant à la disposition du Consortium
français les sommes représentant la part de
la France dans l'indemnité des Boxers.
Jusqu'ici, tout est bien, quoique tardif. Tout
serait pour le moins mauvais, dans ce grand
désastre, si nous ne savions pas que les
sauveteurs n'en ont point encore fini avec
les naufrageurs.
*
s*
Il ne faudrait pas connaître la puissance
des rancunes de M. Thion do-La Chaume et
1 astucieuse malhonnêteté du directeur gé-
néral de la B. I. pour croire qu'il suffira
qu'un projet ait l'assentiment des 'pouvoirs
publics pour qu'il soi-t réalisé. Dans le pas-
sé, tout a été mis en œuvre pour couler-la
B.I.C., ne doutez pas que, dans l'avenir, les
embûches seront accumulées contre--ceux- qui
oseront s'intéresser à cette rivale condâmnëo
à mort par le conseil de la rue Laffite.
Et d'abord il faudra compter, sinon avec la
ministre fatalement. éphémère des financés,
au moins avec M. Parmentier, directeur du
Mouvement des fonds, dont rien ne semble
devoir mettre l'omnipot.ence en échec.. Ce
haut fonctionnaire, malgré des fautes signa-
lées du haut de la tribune par un président
du conseil, est actuellement .en Amérique,, où.
il traite au nom du gouvernement.
Ce seul fait montre d'abord le manque da
continuité dans les vues. gouvernementales.
il prouve aussi que M. Parmentier est une
puissance avec laquelle il faut compter. Or,
c'est ce personnâge, qui a publiquement dé-
claré : La B.I.C. ne sera pas renflouée.
m -
**'
Pourtant, il y a sans doute un moyen
pour le gouvernement d'imposer sa volonté
— même contre ses fonctionnaires récalci-
trants, même contre la puissance malfaisante
d'une poisuée de banquiers sans scrupules.
Pour supprimer l'effet.; il faudrait suppri.
mer la cause. De toute évidence, eu \l"h.,
des motifs purement personnels, la cause de
l'animosité de la B.I. contre la B.I.C., d'où.
vient tout le mal,' tient à l'état de concur-
rence où se trouvent et où se trouveront les
deux banques françaises en Extrême-Orient.
Ii suffirait, non de, briser. les possibilités' de
concurrence, mais de les restreindre, en déli-
mitant le champ d'exploitation des requins
de la Banque de 1 Indo-Chine.
L'occasion s'en présentera, au moment de
la discussion sur' le renouvellement du pri-
vilège, mais quand donc ce débat sera-t-il
mis à l'ordre du jour ? Nous l'attendons
depuis 1917 !
Pierre DION NE.
————————— P :
La Conférence de La Haye
A la réunion d'hier après-midi
Litvinof a obtenu gain de causé
La Haye, 27 juin. — La sous-commission
des crédits se réunit cet après-midi à 4 heu.
res pour entendre les délégués russes.
On fait remarquer, à ce propos, que Litvi.
nof a obtenu gain de cause, puisque la ques-
tion des crédits, conformément au désir pres-
sant qu'il en avait exprimé hier dans ses
déclarations publiques, est discutée en pre.
mier lieu.
Lire les détails en Dernière Heure
: - .- — (
ATLJ SÉNAT
Les cargos "Mlarie-Louise
pourront
encore faire des victimes
La Haute Assemblée s'est occupée aussi
hier du rapport Poulie sur la B.I.C.
Après le vote d'un contingent !de décora-
tions .Dour nos fonctionnaires civils de Haute.
Silésie, de Tunisie et du Maroc ; après" l'adop-
tion d'un projet de loi sur les clauses écono-
miques du traité de Trianon, le Sénat, présidé
par M. Bourgeois, a repris hier l'interpellation
dG M. Brard sur les causes du naufrage du
cargo Albert-Taillandier et sur les intentions
du gouvernement concernant la flotte dcâ
Marie-Louise.
M. Brindeau a vivement critique ce type de
bateaux, et'comme te sous-secrétaire d'Etat de
ifL marine marchande affirmait leur stabilité,
l'orateur a nié -que « la gîte augmente la
•stabilité d'un bâtiment en en augmentant la
surface de flottaison ; cela.n'est vrai que pour
les grands paquebots ». Le Sénat paraît juger
que. la discussion s'égare un .peu trop dans les
d'étails techniques. Mais M. Brindeau ramène
le sourire sur toutes les lèvres en citant avec
à-prepos le suave « Mari Magno. » de Lucrèce.
« Si les commissions, dit-il, au lieu de faire
des expériences dans'le bassin de Rochefort,
,,,n, temps calme, étaient embarquées par mau-
vais temps, au large, à bord d'une Marie-Loui.
se, elles seraient beaucoup mieux renseignées.!»
M. Rio vient ensuite défendre les qualités
de navigabilité des Marie-Louise. Mais son ex-
pose perd beaucoup de son intérêt à partir du
moment où M. Bérenger, rapporteur général,
lui arrache la promesse que sur les cargos
Marie-Louise actuellement en construction un
seul sera achevé tant que le Parlement n'en
aura cas décidé autrement.
Finalement, le Sénat vote un ordre du jour
impliquant confiance dans le gouvernement, à
la condition qu'il arrête la construction des
Marie-Louise et résilie les marchés en cours
pour ceux mêmes qui sont en chantier.
On vote rapidement un projet codifiant des
lois sur les habitations è bon marché et la pe-
titre mronriété i on enregistre l'annonce d'nna
Le Numéro: 10 Cmes'
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MERCREDI
2S
JUIN 1922
Directeur-Rédacteur en chef:
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non insérià
tKaotttpatfettdtta -1
La femme
expatriée
Le Sénat fait languir les femmes. Il
ne leur dira pas avant l'hiver prochain
— et encore ! — s'il leur accorde ou s'il
teur refuse le droit de voter ; mais un
journal illustré a publié les portraits des
sénateurs qui soutiennent la revendica-
tion des suffragistes : c'est toujours
cela. Elles prendront- patience en regar-
dant ces messieurs de bonne volonté.
Il est Lufiniment probable que la
Chambre partira en vacances de son
côté sans avoir fait aboutir une propo-
sition de loi dont M. Ernest Lafont est
le rapporteur, et que le Sénat a votée.
Mais du Sénat au Palais-Bourbon, on
sait que la distance est grande. Il ne faut
pas être pressé. Les lois, comme la tor-
tue de la fable, vont leur pas de séna-
teur.
On se rappelle l'objet d'une de ces en-
quêtes du temps présent, qui feront la
joie de nos petits-neveux : Une blanche
peut-elle épouser un homme de couleur?
Une autre question, plus importante
peut-être, se pose depuis longtemps :
U;ne Française peut-elle sans inconvé-
nients épouser un étranger ?
Vous savez ce que le Gode civil répond,
par l'organe du législateur de 1804 :
« La femme française qui épouse un
étranger perd de plein droit la qualité de
Française. »
Il y avait l'a de quoi la rendre hési-
tante, et le fait est qu'elle y regardait à
deux fois lorsoue l'amour souverain ne
.réglait pas la question et n'imposait pas
silence à. la'raison.
Le législateur, lui, s'était montré con-
séquent. Du moment que la femme doit
obéir à son mari et le suivre dans tous
ses changements de résidence, il sem-
blait naturel que les liens du mariago
fussent également ceux de la nationali-
sé- La f -.-. n'emportait pas la patrie
à la semelle 'd'e ses souliers de mariée ;
où son époux allait, là pour elle était
désormais la patrie.
Mais; encore: fallait-il: que le-pays
d'origine .du mari accordât la nationalité
aux étrangers ; autrement la femme qui
n'était plus Française risquait de devenir
tout bonnement citoyenne du monde. Du
point de vue - spéculatif, la situation est
acceptable ; juridiquement, elle offre
moins d'avantages. Je l'ai entendu dire
à la fille d'Elisée Reclus, que celui-ci
maria, un jour, librement. Il prononça
à cette occasion les plus belles paroles
que les hommes aient entendues. La
Pensée françhise, qui se publie à Stras-
bourg, les reproduit en partie dans son
dernier numéro. Elles sont admirables
et nous nous en sommes inspirés, Mau-
rice Donnay et moi, en écrivant le troi-
sième acte d'Oiseaux de passage. Oui,
oui, rien de plus beau que les exhorta-
tions d'un Elisée Reclus, pur et sans ta-
che. Mais pour sa fille adoptive, après
l'enchantement, vinrent les désillusions,
avec leurs suites judiciaires., et la mal-
heureuse, sans défense, fut dépouillée.
En 1880, la loi de 1804 fut légèrement
modifiée. Un nouveau texte énonça que
la femme française épousant un étran-
ger, ne perd la nationalité française
qu'autant que son mariage lui confère
la nationalité de son mari. C'est la loi
en vigueur. Elle ne remédiait que fai-
blement aux maux qui éprouvent les
femmes exerçant en France une profes-
sion pour laquelle la qualité de Fran-
çaise est indispensable.
M. Ernest Laiont propose mieux. Voi-
ci quoi :
« La femme française qui épouse un
étranger reste Française, à moins qu'elle
ne déclare expressément devant l'offi-
cier d'état-civil, opter pour la nationalité
de son mari. Toutefois, la femme fran-
çaise suivra la condition de son mari si.
au lendemain. du mariage, son domicile
5e trouve situé dans le says d'origine de
celui-ci. -
« Lorsque le mariage aura été con-
tracté suivant les formes d'une loi étran-
gère, la; femme pourra faire la déclara-
tion d'option prévue devant le consul de
France ou devant l'officier d'état-civil
français, si .son domicile se trouve fixé
hors de France. »
La chose est d'importance, car, désor-
mais. l'enfant né en France d'un père
étranger et d'une mère française, ne
courra plus, 'à sa majorité prendre la
nationalité de son père pour se sous-
traire à ses devoirs. Pas de devoirs sans
droits, c'est entendu. Pas de droits non
plus sans devoirs. Nous avons trop vu
de jeunes gens nous brûler la politesse
après avoir retiré de la qualité de Fran-
pais tous les profits qu'elle comportait.
Il y a enfin un autre motif à désirer
£ ue la Chambre suive le Sénat dans sjl
décision ; et ce motif est fort Bien indi-
qué par Yvonne Netter dans l'article
qu'elle a donné au Monde Nouveau sur
ce sujet. A l'heure présente le nombre
des femmes est supérieur chez nous de
deux millions au chiffre de la popula-
tion masculine. Jamais donc il n'a été
plus opportun de faciliter le mariage
des Françaises avec des étrangers- Le
fait qu'elles ne perdront pas pour cel*
leur nationalité est de nature à détermi-
ner leur choix d'après la raison. si tou-
tefois celle-ci a voix au chapitre.
Lucien DESCAVES.
————-——— ;) 1\ ————————
Prestations en nature
Après un retard infiniment regrettable, nous
en sommes à l'utilisation des réparations en
nature. L'exemple de la Belgique a stimulé
enfin notre activité, et nous demandons, pour
nous, le bénéfice des accords que M. Bemel-
mans a conclus, pour la Belgique, avec l'Alle-
magne.
Si le principe absolu de la reconstitution
des régions dévastées dans le moindre délai
et sans considération des intérêts de fournis-
seurs, indirectement liés à cette grande affaire
— avait pu être posé, nous serions sans doute
arrivés, a moindres frais, à un résultat plus sa-
tisfaisant. Or, les régions dévastées furent
çonsidérées comme une aubaine, où les profi-
teurs de la guerre, insuffisamment repus, pour-
raient continuer leurs fructueuses opérations.
L'idée des réparations en nature apparut
immédiatement aux négociateurs du traité de
Versailles, mais il fallait compter avec les ap-
pétits. Pour des raisons d'ordre sentimental,
d'ailleurs peu concluantes, on jugea bon d'ex-
clure la main-d'œuvre allemande; pour des
raisons de protectionnisme industriel, on re-
poussa longtemps l'appoint du matériel ger-
manique.
On s'avise, aujourd'hui, qu'il faut laisser
aux usines reconstruites du Nord le marché
du Nord, en appliquant à l'ensemble de l'ou-
tillage national une certaine partie des. som-
mes dues (en travail, en matériel) par les
vaincus. - -
D'où le projet que M. Le Trocquer, minis-
tre des travaux publics, vient de communi-
quer à la presse. Il s'agit d'appliquer quinze
ou seize-milliard de-la dette allemande à la
réfection étconomique de la France : forces
hydrauliques, voies ferrées, ports, canaux, etc.
Ce programme a été minutieusement étudié
par les ingénieurs de l'administration, il est
la réalisation d'une idée féconde et trop long-
temps tenue en échec; il doit être exécuté, s'il
y a en France une force qui mette le bien pu-
blic au-dessus de tout.
Ne nous berçons pas d'illusions 1 Nous ver-
rons, sur le chemin de M. Le Trocquer, des
obstacles insidieusement dressés, les coali-
tions d'intérêts se lèveront contre lui. Espérons
— une fois n'est pas coutume, hélas! — que
le ministre réalisateur trouvera dans sa con-
viction et dans son sentiment du devoir, la
force de briser les méprisables conspirations
des boutiques menacées dans leurs profits.
F. H.
« ) ( ————————
BLOC-NOTES
La - révision des quadragénaires
L'Académie de médecine, reléguant au se-
cond plan la science pure et l'art médical,
s'occupe des intérêts du pays avec une ar-
deur qui pourrait servir d'exemple à l'autre
Parlement. Il y a quelque temps, elle fixait
les programmes de l'Enseignement secon-
daire ; ces jours derniers, certains de ses
membres revendiquaient le droit de régenter
l'art, la littérature et l'industrie, en détermi-
nant par voie d'autorité la vocation des jeu-
nes gens.
Hier, à la , suite d'un rapport de M. Lan*
rent, elle décidait que tous les hommes de
quarante ans devraient' subir une visite médi-
cale, ensuite de laquelle on les déclarerait,
soit exempts de tares et bons pour une du-
rée illimitée de services humains, soit at-
teints ou menacés de maux assortis, pour
lesquels ils devraient subir des traitements
appropriés.
Evidemment, tout cela correspond à :de
sages préoccupations ; tout de même, si je
me trouvais dans les conditions d'âge néces-
saires pour subir cette visite, je me méfierais
un peu. Si, en effet, le résultat en étant fa-
vorable, je me voyais nanti, avec la garantie
de la Faculté, d'un brevet de longue vie, je
cesserais sans doute de prendre ces précau-
tions que la sagesse dicte à la maturité, et
finirais par faire des bêtises, qui risque-
raient de faire mentir le diagnostic.
Si, au contraire, on m'annonçait que 'j.À
suis atteint d'un tas de maladies redouta-
bles, je perdrais tout courage, tomberais dans
un état de neurasthénie aiguë. et mourrais
par peur de mourir.
Et puis, il y a autre chose. J'ai évidem-
ment dans la médecine toute la confiance
qu'il convient. Cependant, il n'est pas sans
exemple qu'elle se soit trompée, en envoyant
par exemple à la caserne des tuberculeux.
ou en prononçant des condamnations à mort,
que la nature s'est par la suite refusée à exé
cuter. Or, avec la mesure nouvelle, ces er
reurs deviendraient catastrophiques.
Enfin, bien que le désintéressement de la
corporation soit une de ses gloires, il y aura.
peut-être des gens mal intentionnés pour sou-
tenir que certains membres du nouveau con-
seil de révision sont médecins de la façon
dont M. Josse était orfèvre, et trouvent vo
lontiers aux quadragénaires bien rentés qu'ils
visitent des maladies ingénieusement choi
aies, de façon à leur permettre d'effectuer
sur le sac de ces derniers de lucratives Idpfc
ratomies. Pour ces raisons, et toutes les au-
tres à suppléer d'office, je crois qu'il faut se
réjouir, de ce que les législateurs de la rue
Bonaparte ne soient pas encore investis du
pouvoir exécutif,-.. -
"c iv Petît Jean,
LES DEUX ÉCOLES
M. FERDINAND BUISSON
DÉFEND GÉNÉREUSEMENT
SA THÈSE LIBÉRALE
,
« Un croyant, tout comme un libre penseur,
dit-il, doit vouloir que tout homme agisse
suivant sa conscience. »
A la suite d'un article paru récemment à
cette place, nous avons reçu la lettre suivante
de M. Ferdinand Buisson, député de Paris :
Très touché des témoignages de sympathie
que « Maître Jacques » joint à ses critiques,
je 'demande à la Lanterne de lui répondre avec
la même franchise.
**
Prenons d'abord la question principale. Elle
pourrait se poser ainsi :
Sommes-nous en 192i2, ou en 1882 ?
En 1882 : la laïcité absolue de l'école publi-
que est une nouveauté. Disons mieux : une
témérité sans précédent. Aucun pays en Euro-
pe ne l'a inscrite dans ses lois. La Belgique,
qui l'a tentée pendant le triomphe éphémère
des libéraux, y a renoncé. Les Etats-Unis
d'Amérique ont bien laïcisé leurs écoles publi-
ques, mais c'est une conséquence de la multi-
plicité des sectes protestantes..
En 1922 : il y a quarante ans que la laïcité
scolaire est le régime aégal de l'école publique.
Dans les dix ou douze consultations généra-
les du suffrage universel, pas une seule fois
il n'a été question de l'abroger. Personne en-
core aujourd'hui ne le demande ; la droite
elle-même déclarait hier qu'elle n'y songe pas.
La France, seule, a donc réalisé le plan d'édu-
cation nationale dont la Révolution française
avait posé le principe : d'une part, l'école
publique est, comme tous les autres services
publics, une institution nationale et par consé-
quent laïque ; d'autre part, la République
reconnaît aux famililes attachées à l'école con-
fessionnelle le droit d'y envoyer leurs enfants
pour y remplir leur devoir d'obligation sco-
laire.
Il y a quelque différence entre ces deux si-
tuations. C'est ce que j'ai osé soutenir.
Au temps où Jules Ferry faisait voter (à
travers quels orages !) les lois qui portent
«on nom. il n'y avait rien d'absurde à dire :
« Ces lois ne dureront pas ; une réaction
catholique les balaiera comme en Belgique ;
la France reconnaîtra que le monde entier a
raison contre elle, l'école publique sans la
religion est une utopie révolutionnaire que
ne supportera pas !le peuple français ».
Mais, aujourd'hui, qui tiendra ce langage ?
On veut que nous disions : « Il n'y a rien
de changé ! Il faut bataiHer, batailler tou-
jours ! ». Mais contre qui et contre quoi ?
Nous avons une loi que personne n'attaque.
Il y a cinq millions d'enfants dans les écoles
primaires publiques, un million dans les éco-
les privées. Après la cruelle expérience d'une
guerre comme le monde n'en a jamais vu, ne
savons-nous pas définitivement que de l'une
comme de l'autre école il est sorti de bons
-Français unis dans le devoir jusqu'au même
héroïsme ? Avons-nous la prétention de jeter
l'anathème les uns sur ceille-ci, les autres sur
celle-là ? Où sont-ils, les adeptes d'un de ces
deux fanatismes ?
C'est là que je ime sépare de « Maître Jac-
ques ». Il nous dit : « Le libre penseur veut
ot doit être tolérant. Mais le croyant, s'il est
sincère, ne peut pas ne pas être intolérant ».
Pardon : il y a ici, me semtyle-t-il, une double
erreur.
D'abord, une fausse définition de la tolé-
rance. On n'est Das tolérant parce au'on ne se
sent pas (bien sûr d'avoir raison, ni intolérant
parce qu'on croit posséder la vérité absolue.
La vraie tolérance a une autre basa : le res-
pect absolu de la conscience d'autrui. Un
croyant, tout comme un libre nenseur, doit
vouloir que tout homme agisse suivant sa
conscience. Il sait que c'est une indignité
d'obliger un homme à professer ce qu'il ne
croit pas. Et il n'excuse sous aucun prétexte
cet attentat à la plus sacrée des libertés.
L'autre erreur, c'est de prétendre que tel
doit agir, penser et parler de telle façon, au
nom de la logique. Nous n'avons pas le droit
de faire la police des intelligences. Nous
n'avons pas le droit d'interdire aux hommes
d'être ou de nous paraître illogiques. « Maî-
tre Jacques » n'est donc pas fondé à dire a
priori, que « les catholiques ou les prêtres qui
respectent la liberté de conscience sont de
faux catholiques ou de mauvais prêtres ». Ce
raisonnement vaut juste autant que celui des
polémistes qui nous disent : « Puisque vous
ne croyez pas en Dieu, vous devez vous per-
mettre tous les vices et tous des crimes ».
Je conclus donc : il n'y a plus de raison
pour entretenir un état de guerre, une menta-
lité de guerre qui est manifestement un ana-
chronisme. L'heure est venue où s'applique,
comme une réalité banale, le'mot prophétique
de Paul Bert sur les deux enseignements :
« A l'un le domaine de la science, à l'autre le
domaine de la foi ; à tous deux la protection,
le respect, la liberté ». : -.
Jïït qu'est-ce que Je demande ? Une seule
chose : qu'obéissant de bon cjoeur à la même
loL. les catholiques respectent l'école laïque
et que nous respections la leur.
Que perdront les deux écoles à ne plus dres-
ser en bataille l'une contre l'autre deux jeu-
nesses qui s'ignorent, se méconnaissent et se
calomnient mutuellement ? Le bon sens pu-
blic leur saura gré d'enseigner a ces deux jeu-
nesses qu'elles n'en font qu'une. Èt, tout bas, il
prendra parti, quelles que soient les méthodes
de l'une et de l'autre maison, pour celle qui
aura le mieux travaillé au rétablissement de
la paix entre tous les enfants 'de la France.
Il resterait à parler de l'autre question
(Caisse des Ecoles), mais j'ai déjà abusé de la
patience de vos lecteurs; J'y reviendrai si cela
les intéresse.
F. BUISSON.
APRÈS LE CRIME PANGÈRMANISTE
Les obsèques de M. Rathenau
— i i <1. m. ■ ——
La cérémonie funèbre au Reichstag fut marquée par des discours,
déplorant et stigmatisant l'assassinat du ministre des affaires étrangères
■ ~7g~
Berlin, 27 juin. — La cérémonie funèbre
du docteur Rathenau a eu lieu, à midi, dans
l'édifice du Reichstag.
Une foule énorme était massée aux alen-
tours, retenue par des cordons d'agents de
police.
Au moment où le cercueil.est descendu du
fourgon automobile, la Reichswehr rend les
honneurs et la musique joue une marche fu-
nèbre. La police se trouve tout à fait impuis-
sante .à contenir la foule, qui rompt les bar-
rages et se précipite pour voir de plus près
le défilé des troupes.
Le corps est transporté dans la salle des
séances du Reichstag, et non dans la grande
salle des Pas-Perdus comme on l'avait an-
noncé hier, la statue de Guillaume Ier n'ayant
pu en être éloignée. Le cercueil est déposé
sur un catafalque dresé à la place du fau-
teuil présidentiel.
A midi 10, le président Ebert fait son en-
trée. Les membres du gouvernement et la
plupart des ministres présents des Etats con-
fédérés allemands sont présents. L'hémicycle
et les tribunes son4 combles. Le corps diplo-
matique est au complet dans la loge qui lui
est réservée. Les ambassadeurs sont en uni-
forme de gala. Des palmiers géants et des
arbres verts sont placés de chaque côté du
catafalque surmonté d'un baldaquin noir.
La mère du défunt, entouré de ses parents,
so trouve dans la loge ex-impériale. Elle est
accablée de douléur et courbe tristement la
tête.
Discours du président Ebert
Après une marche funèbre jouée par la
musique de la Reichswehr.dissimulée derrière
les portes qui donnent accès au banc du gou-
vernement et à la tribune présidentielle, le
président Ebert prend la parole. Il commence
'l'éloge funèbre de M. Rathenau d'une voix
que l'émotion étouffe. Malgré le silence pro-
fond qui règne dans la salle, l'assistance en-
tend à peine ses premières phrases.
Il rappelle les qualités éminentes de l'ex-
ministre des affaires étrangères et souligne,
en particulier, son dévouement à la patrie
et les grands services qu'il lui a rendus. Il
déplore sa mort comme un grand malheur
pour l'Allemagne.
Le vice-président du Reichstag, le docteur
Bell, succède au président du Reich.
Discours de M. Bell
« Nous devons, dit-il, célébrer la mémoire
d'un homme qui nous a rendu d'importants
services. Notre peuple tout entier doit ser-
rer les rangs pour délivrer la patrie de l'at-
jnosphère de meurtre qui l'empoisonne: et
qui s'attaque à ses hommes d'Etat. Le devoir
du Reich est de mettre fin à ces excitations
et aux attaques violentes qui menacent l'exis-
tence de la République. »
Une allocution du député Korall
Pour terminer, le député rhénan au Reich-
stag, Korall, prononce une allocution assez
longue.
« Nous devons, dit-il, nous demander ce
que fut M. Rathenau ? Fils modèle, il était
aussi 'un homme dévoué à sa patrie. Le parti
démocrate est fier d'avoir pu le compter dans
ses rangs. Il est tombé par suite de la haine
des antisémites, mais c'était pourtant un des
hommes les plus patriotes et les plus dé-
voués à sa patrie. Il l'a montré pendant la
guerre en organisant le ravitaillement. Il
doit jouir de l'estime de tous. »
La foule ovationne le gouvernement
Lorsque IVt Korall a terminé son discours,
la musique de la Reichswer joue 'une nou-
velle marche funèbre.Le cercueil est descendu
du catafalque et porté à l'automobile qui doit
le transporter au caveau de la famille Ra-
thenau à Oberschneneweide. La foule le sa-
lue avec émotion. De nouveau la Reichswer
rend les honneurs. Lorsque les membres du
gouvernement et les députés de la majorité
gouvernementale sortent du Reichstag, la
foule leur fait une ovation.
La manifestation socialiste au Lutsgarten
Les groupes socialistes se sont rassemblés
au Lutsgarten pour la manifestation du pro-
létariat berlinois en faveur du maintien de
la République et contre les agitations et ex-
citations de la droite.
Le cortège s'est ébranlé vers une heure
environ. Le défilé eut lieu dans le plus grand
ordre.
Qui succédera au docteur Rathenau ?
Berlin, 27 juin. — On désigne déjà, dans
certains milieux, le successeur éventuel de
M. Rathenau. Ce serait le docteur Breit-
scheid. Celui-ci est un membre en vue du parti
socialiste indépendant.
A peine âgé de 40 ans, M. Breitscheid est
un homme de lettres et un journaliste de
profession. Il entra au Reichstag lors des
dernières élections après l'Assemblée consti-
tuante de Weimar et s'est occupé de ques-
tions de politique étrangère.
Le docteur Breitscheid, tout en désirant la
revision du traité de Versailles, s'est, à plu-
sieurs reprises, déclaré partisan de l'exécu-
tion des engagements pris. Au point de vue
idées, celles du docteur Breitscheid sont
moins avancées que celles des autres leaders
des socialistes indépendants tels que Mo-
kenbuhr, Kohn et Zietz.
Un discours provocateur
de Ludendorf
Varsovie, 27 juin. — Le général Ludendorf
a prononcé à Erfurt, il y a quelques semaines,
à une réunion de l'Ordre des Jeunes Alle-
mands. un discours particulièrement, violent
Dar son caractère monarchiste et anti-allié.
La Dresse allemande a passé complètement
sous silence cette harangue, préférant ne pas
lui faire trop de publicité. Cependant quel-
ques journaux pangermanistes n'ont pas pu
se refuser le plaisir de reproduire les passa-
ges les plus éloquents du discours par dequel
le général Ludendorf s'-est efforcé de mainte-
nir « l'esprit de combat » chez les membres
de l'Ordre des Jeunes Allemands.
« C'est toi, simple Feldgrauer, leur disait-
il. c'est toi le héros de la guerre mondiale !
C'est devant toi que nos ennemis tremblent
encore aujourd'hui, car ils ont fait ta con-
naissance sur le champ de bataille et ils con-
naissent ta valeur ».
Après avoir fait allusion à tous ceux qui
« veulent la mort de l'Allemagne », le géné-
ral Ludendorf a poursuivi en ces termes :
« Que devons-nous 'faire maintenant ? Nous
serrer coude à coude et opposer un front uni-
que à nos oppresseurs. Nous avons besoin de
l'esprit des rois de Prusse, de l'esprit de 1914.
cet enthousiasme enflammé qui nous animait
tous quand nous fûmes forcés de faire la
guerre ».
Et le général a conclu
« A présent, nous n'avons qu'un seul but
à atteindre, c'est de libérer notre pays de ses
oppresseurs, et pour cella il nous faut la force.
Le jour viendra où nous ferons appel à cha-
cun de vous pour reconquérir la liberté de la
grande Allemagne. Ce jour viendra »,
l/lrija esl toujours à vente
Aucun acquéreur ne s'est présenté hier
aux enchères publiques
Hier, au Palais de Justice, là 2 heures de
relevée, l'Arnaga, la belle propriété d'Edmond
Rostand était vendue aux enchères.
Foule dans la grande salle des Pas-Perdus,
foule élégante et très parisienne, foule dans la
petite salle dos criées. Mais il ne s'est pas
trouvé, dans toute cette foule, un seul enché-
risseur. Et quand le président des criées eut,
de sa voix monotone, annoncé « la vente
d'une propriété située là Cambo. j» un silençp.
a saivi- un silence lourd d'interrogation au-
quel il ne fut pas répondu. Les chandelles n'ont
pas été allumées. ,-,
Et cependant, pour un nouveau riche, ou un
noble étranger, l'Arnaga devait être un rêve
merveilleux. Pour la bagatelle de deux mil-
lions, il pouvait acquérir la plus belle pro-
priété qui soit et si riche de souvenirs.
L'Arnaga, c'-est comme un beau poème amou-
reusement élaboré. Edmond Rostand, qui lui-
même en avait tracé les plans, y avait mis tout
son amour et tout son or. C'était peut-être
l'oeuvre dont il était le plus fier.
Un beau rêve, oui. Seize hectares, 132 ares,
une maison d'habitation à deux étages avec
sous-sols, caves, celliers, six water-closets, un
magnifique jardin à la française avec miroir
d'eau, orangerie, conciergerie, chalet basque
et le moulin d'Arnaga.
Mais ceci n'est rien en comparaison de la
gloire qu'il y a à habiter la maison du poète,
dans ce cadre merveilleux, par le paysage et
aussi, à l'intérieur de la maison, par la contri-
bution de l'art : un grand hall à double arceau
de frise, en plein cintre et colonnes de mar-
bre, un studio lambrissé de frêne du Canada
à incrustations de nacre, une salle à manger
Louis XVI dallée de marbre et peinte par
Latouche, des peintures d'Hélène Dufau, Henri
Martin, Georges Delau, les 'laques de Caro-
mandel.
On avait dit que deux Péruviens, un Améri-
cain, un Anglais étaient décidés à se disputer
ces merveilles. Là-dessus, certains s'étaient la-
mentés de voir passer en des mains étrangères
ce 'domaine qui, par la gloire de son créateur,
semblait devenir une manière de patrimoina
national.
Les Péruviens ne sont pas venus, les Amé-
ricains ont fait défaut : Arnaga est toujours à
vendre.
-Si nous vivions au temps des mécènes, ou
plutôt si les mécènes d'aujourd'hui pris corps,
âme et fortune par les sports, avaient une fois,
par hasard, le temps de s'occuper de littéra-
ture, quel joli geste ce serait d'acheter Cambo
tel qu'il est, fresques, marbres, objets d'art,
livres., pour en faire don, non pas à l'Acadé-
mie française, qui mésuse par trop des 'libéra-
lités qu'on lui consent, mais à tel ou tel grou-
pement littéraire qui saurait peut-être en user
élégamment, artistiquement, charitablement.
On l'a déjà dit. Mais il est des choses qu'on
aime répéter pour son plaisir, parce qu'elles
correspondent à un rêva, à une illusion. — R.D.
.J --
POUR LE DÉJEUflER
DE NOS MIDINETTES
Le Conseil municipal a eu un geste gé-
néreux. Il a accordé la gratuité des sièges
aux midinettes dans les jardin publics dé-
Dendant de son administration, entre midi
et 1 h. 30.
Il faut que l'Etat suive l'exemple donné
par les édiles parisiens. 1
Avant la guerre, Mme la chaisière fer-
mait les yeux à «l'heure du déjeuner. Tou-
tes les petites arpettes, qui déjeunent d'un
peu de charcuterie sur un croûton de pain,
pouvaient, pendant la trêve de midi, res-
oirer le bon air.
Mais l'après-guerre ne connait pas pa-
reille sentimentalité. On paie sa chaise
dans tous les squares et jardins publics,
serait-on midinette en train de déjeuner,
Qt. le double de ce qu'on la payait avant
1914.
Les gens, qui n'y voient pas plus loin que
le bout de leur nez., vous diront aue las
bancs ne sont pas faits pour les chiens. Les
bancs, mais les midinettes ne peuvent s'y
asseoir sans être en butte à une promis-
cuité fâcheuse.
Notez que la mesure prise par le Conseil
municipal n'a pas, malheureusement, la
portée qu'il serait permis de souhaiter. Le
quartier des midinettes, c'est la place Ven-
dôme, Les Tuileries et le Palais-Royal sont
les deux seuls jardins qui soient véritable-
ment à leur portée. Jardins de l'Etat que
n'atteint pas les décisions de l'Hôtel Ce
Ville. Les Beaux-Arts seraient-ils moins ga-
larQ.t5 que cette administration ?
LE RENFLOUEMENT DE LA B.I.C.
LE SORT
du projet Porte
Le gouvernement l'adopte, mais
M. Parmentier l'acceptera-t-i! et que fera
M. Tfoon de La Chaume ?
M. de Lasteyrie a fait adopter, hier, par
le conseil des ministres le projet de renfloue-
ment de la Banque Industrielle de Chine,
établi par M. Porte, président du tribunal
de commerce de la Seme.
La Lanterne a exposé les grandes lignes
de ce projet, dont nous avons apprécié l'in-
géniosité et les avantages certains. Le -mi-
nistre des finances, malgré certaines objec-
tions de ses servioes, s'y est rallié et M. de
Fleuriau, notre ministre à Pékin, négocie de-
puis quelques jours pour obtenir du gouver-
nement chinois la ratification de la' conven-
tion mettant à la disposition du Consortium
français les sommes représentant la part de
la France dans l'indemnité des Boxers.
Jusqu'ici, tout est bien, quoique tardif. Tout
serait pour le moins mauvais, dans ce grand
désastre, si nous ne savions pas que les
sauveteurs n'en ont point encore fini avec
les naufrageurs.
*
s*
Il ne faudrait pas connaître la puissance
des rancunes de M. Thion do-La Chaume et
1 astucieuse malhonnêteté du directeur gé-
néral de la B. I. pour croire qu'il suffira
qu'un projet ait l'assentiment des 'pouvoirs
publics pour qu'il soi-t réalisé. Dans le pas-
sé, tout a été mis en œuvre pour couler-la
B.I.C., ne doutez pas que, dans l'avenir, les
embûches seront accumulées contre--ceux- qui
oseront s'intéresser à cette rivale condâmnëo
à mort par le conseil de la rue Laffite.
Et d'abord il faudra compter, sinon avec la
ministre fatalement. éphémère des financés,
au moins avec M. Parmentier, directeur du
Mouvement des fonds, dont rien ne semble
devoir mettre l'omnipot.ence en échec.. Ce
haut fonctionnaire, malgré des fautes signa-
lées du haut de la tribune par un président
du conseil, est actuellement .en Amérique,, où.
il traite au nom du gouvernement.
Ce seul fait montre d'abord le manque da
continuité dans les vues. gouvernementales.
il prouve aussi que M. Parmentier est une
puissance avec laquelle il faut compter. Or,
c'est ce personnâge, qui a publiquement dé-
claré : La B.I.C. ne sera pas renflouée.
m -
**'
Pourtant, il y a sans doute un moyen
pour le gouvernement d'imposer sa volonté
— même contre ses fonctionnaires récalci-
trants, même contre la puissance malfaisante
d'une poisuée de banquiers sans scrupules.
Pour supprimer l'effet.; il faudrait suppri.
mer la cause. De toute évidence, eu \l"h.,
des motifs purement personnels, la cause de
l'animosité de la B.I. contre la B.I.C., d'où.
vient tout le mal,' tient à l'état de concur-
rence où se trouvent et où se trouveront les
deux banques françaises en Extrême-Orient.
Ii suffirait, non de, briser. les possibilités' de
concurrence, mais de les restreindre, en déli-
mitant le champ d'exploitation des requins
de la Banque de 1 Indo-Chine.
L'occasion s'en présentera, au moment de
la discussion sur' le renouvellement du pri-
vilège, mais quand donc ce débat sera-t-il
mis à l'ordre du jour ? Nous l'attendons
depuis 1917 !
Pierre DION NE.
————————— P :
La Conférence de La Haye
A la réunion d'hier après-midi
Litvinof a obtenu gain de causé
La Haye, 27 juin. — La sous-commission
des crédits se réunit cet après-midi à 4 heu.
res pour entendre les délégués russes.
On fait remarquer, à ce propos, que Litvi.
nof a obtenu gain de cause, puisque la ques-
tion des crédits, conformément au désir pres-
sant qu'il en avait exprimé hier dans ses
déclarations publiques, est discutée en pre.
mier lieu.
Lire les détails en Dernière Heure
: - .- — (
ATLJ SÉNAT
Les cargos "Mlarie-Louise
pourront
encore faire des victimes
La Haute Assemblée s'est occupée aussi
hier du rapport Poulie sur la B.I.C.
Après le vote d'un contingent !de décora-
tions .Dour nos fonctionnaires civils de Haute.
Silésie, de Tunisie et du Maroc ; après" l'adop-
tion d'un projet de loi sur les clauses écono-
miques du traité de Trianon, le Sénat, présidé
par M. Bourgeois, a repris hier l'interpellation
dG M. Brard sur les causes du naufrage du
cargo Albert-Taillandier et sur les intentions
du gouvernement concernant la flotte dcâ
Marie-Louise.
M. Brindeau a vivement critique ce type de
bateaux, et'comme te sous-secrétaire d'Etat de
ifL marine marchande affirmait leur stabilité,
l'orateur a nié -que « la gîte augmente la
•stabilité d'un bâtiment en en augmentant la
surface de flottaison ; cela.n'est vrai que pour
les grands paquebots ». Le Sénat paraît juger
que. la discussion s'égare un .peu trop dans les
d'étails techniques. Mais M. Brindeau ramène
le sourire sur toutes les lèvres en citant avec
à-prepos le suave « Mari Magno. » de Lucrèce.
« Si les commissions, dit-il, au lieu de faire
des expériences dans'le bassin de Rochefort,
,,,n, temps calme, étaient embarquées par mau-
vais temps, au large, à bord d'une Marie-Loui.
se, elles seraient beaucoup mieux renseignées.!»
M. Rio vient ensuite défendre les qualités
de navigabilité des Marie-Louise. Mais son ex-
pose perd beaucoup de son intérêt à partir du
moment où M. Bérenger, rapporteur général,
lui arrache la promesse que sur les cargos
Marie-Louise actuellement en construction un
seul sera achevé tant que le Parlement n'en
aura cas décidé autrement.
Finalement, le Sénat vote un ordre du jour
impliquant confiance dans le gouvernement, à
la condition qu'il arrête la construction des
Marie-Louise et résilie les marchés en cours
pour ceux mêmes qui sont en chantier.
On vote rapidement un projet codifiant des
lois sur les habitations è bon marché et la pe-
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