Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-06-19
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 juin 1922 19 juin 1922
Description : 1922/06/19 (N16394,A46). 1922/06/19 (N16394,A46).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
Le Numéro : 10 cm-
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ES v LANTERNE a DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES a: PARIS ET EN PROVINCE
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t
46* ANNEE -- 1T 16.394
LUNDI
19
JUIN 1922
Dlrecteur-RMaeteur en chef:
FELIX HAUTFORT
les manuscrits non inséré*
«M sont pas rendus
LE CRIME
des Banquiers
Dans ce procès Pernotte, si fertile en
enseignements de toute sorte, ce n'est
pas seulement, à parler franc, le direc-
teur général de la B.I.C. que l'on entend
frapper, c'est une méthode. M. le substi-
tut Cord,. dans un de ces mouvements
d'éloquence tumultueuse dont il est pro-
digue, s'est écrié :
« Il n'y en a que pour les Banquiers 1 »
Cette exclamation nous donne, dans
son laconisme, toute la thèse ; elle est
trop humaine pour ne point mériter l'in-
dulgence des gens d'affaires, en provo-
quant les applaudissements du popu-
laire abusé.
Je ne sais pas exactement ce que
l'Etat paie mensuellement à M. le Pré-
sident Lemercier et à M. le substitut
Cord pour juger et requérir ; mais je
ne serais pas surpris d'apprendre que
la joviale équité de M. Lemercier, ajou-
tée à l'indignation véhémente de M.
Cord, coûtent aux contribuables français
plus d'une cinquantaine de mille francs
par an. C'est pour rien ; les talents du
judiciaire ne sont certainement pas à
leur prix, et il faut que ces messieurs
estiment cher l'honneur d'une des plus
nobles fonctions de la République, pour
!y trouver leur compte.
Depuis longtemps déjà, il n'y a plus
de proportion entre l'importance des ser-
vices rendus à la société et leur rémuné-
ration. Le moindre commis de banque
a son automobile, tandis que des savants
illustres, des jurisconsultes éminents,
'des poètes sublimes s'en vont à pied,
'éclaboussés par les faquins en voiture.
Vieilles rengaines, sur les inégalités so-
ciales ! Oui, vieilles rengaines, dont on
ne calcule peut-être pas toutes les con-
séquences.
Bien entendu, je crois au stoïcisme de
M. le substitut Cord et je pense bien que
nul bas sentiment d'envie ne peut trou-
bler la splendide sérénité de M. le prési-
dent Lemercier. Pourtant, lorsque le tri-
bunal apprend que tel directeur de so-
ciété, en Extrême-Orient, a reçu trois
millions de gratification, il y a un sur-
saut parmi les juges, et le ministère pu-
Mic bondit. M. Cord est débordant tout
aussitôt d'une infinie pitié et il dit, en
prenant à témoin les puissances humai-
nes et célestes « Pauvres actionnai-
res ! »
, *
••
Lorsque, par la voix stridente d'un
procureur, la justice venge le « petit
épargnant », le « pauvre actionnaire »,
nous applaudissons, tous. Mais peut-on
dire que le législateur ait, jusqu'à ce
jour, trouvé le moyen de préserver les
économies des petites gens contre les
entreprises des grands aigrefins. Jetez
un regard autour de vous, examinez un
instant ce qu'est devenu depuis quelques
années le portefeuille français. puis de-
mandez à M. 'Cord que la banque sans
reproche lance le premier pavé sur l'un
de ses « clients », lorsqu'il l'aura fait
condamner à être lapidé.
Mais, avant d'entreprendre la révolu-
tion sociale, morale et financière qui
donnerait à la République d'honnêtes
marchands d'argent, voyons donc, dans
l'ordre actuel, quelle peut être l'explica-
tion des faits qui provoquent dans l'opi-
nion un douloureux étonnement.
Les directeurs des banques coloniales
étrangères reçoivent des traitements de
ministres et des gratifications royales ;
une société française d'Extrême-Orient
a pu donner un cadeau de trois millions
à son gérant ; la Banque de Chine, après
l'année miraculeuse 1919, a distribué des
largesses de 150.000 francs à ses direc-
teurs, et elle a voté 200.000 francs à son
directeur général, étant admis, semble-
t-il, que cette somme serait quadruplée
par un artifice de change, reconnu d'ail-
leurs courant et régulier.
Peut-on admettre de telles pratiques ?
En les supposant légales, sont-elles mo-
rales ? Cette question, bien entendu,
n'est pas celle que doit se poser le juge
armé du code pénal, mais le public peut
à bon droit la soulever.
«
f*
Pour savoir à qui doit aller le profit,
il faut pouvoir dire d'où il vient. Pre-
nez, par exemple, un imprésario qui
traite avec Dranem ; il lui offrira volon-
tiers un cachet quotidien de mille francs
et plus, deux mille les jours de matinée.
Est-Qc par amour du désopilant comi-
que ? Non, c'est parce qu'il sait que
Dranem remplira sa salle et fera la re-
cette rémunératrice.
Dans l'exploitation d'une banque, le
bénéfice n'est-il pas fonction de l'effort
des intelligences réellement dirigeantes?
Nul ne peut le nier. Pour prendre
l'exemple de Pernotte, il était le créateur,
l'organisateur, le démarcheur (auprès
du gouvernement chinois) de la B. I. C.
L'année où cette banque réalise qua-
rante millions de bénéfices, n'est-il pas
juste qu'il en ait sa part ?. C'est ce que
reconnurent les bons administrateurs en
disant : « Nous aurions voté trois cent,
quatre cent, cinq cent mille francs. et
Jus ! »
« Pauvres actionnaires ! » Lequel
d'entre eux ne consentirait pas une gra-
tification d'un sou pour toucher un
franc ? Lequel ?
Ah ! j'entends bien M. le substitut, je
le vois : il tonne comme la foudre, sur
les ruines de la banque, il montre les
pauvres petits porteurs de bons réduits
à la misère. Oui, il y a eu le krach; mais
après les années grasses ! Le moyen
d'empêcher le krach ?. Les cadeaux,
c'était aux temps prospères !
Devant de tels faits, il faut reconnaî-
tre une fois de plus le désordre lamen-
table de notre régime économique et fi-
nancier. Un moraliste a dit : « Il y a
toujours, à l'origine des grandes fortu-
nes, de quoi faire frémir. » Il y a les
profitèurs, les mercantis, les tripoteurs,
il y a Thion de La Chaume et ses con-
cussionnaires impunis.
Pour mettre théoriquement tout en
place, je ne vois guère que le commu-
nisme et la suppression du numéraire,
mais M. Cord trouvera peut-être, avec
moi, qu'il n'est pas sans inconvénients.
Pierre DIONNE.
■ ? ( ————————.
La liberté soviétique
M. Vandervelde, parti en Moscovie, pour y
assister, en qualité d'avocat, les mencheviki
accusés par les bolcheviki n'a pas été assas-
siné. Tous ceux qui connaissent l'excellent
homme et le dévoué démocrate belge en au-
ront une vive satisfaction.
Toutefois, il est permis de tirer quelques
enseignements de l'aventure des défenseurs
occidentaux des socialistes inculpés par le ré-
gime Trotsky-Tchitchérine.
Les camarades commissaires des Soviets,
en prenant le pouvoir, n'ont eu, semble-t-il,
d'autre but que d'établir en Russie le régime
démocratique. Nul n'a cru devoir affirmer —
au moins devant le monde civilisé — qu'il pou-
vait être question de donner un pouvoir dic-
tatorial à une minorité de citoyens, pour ré-
duire en esclavage la majorité.
On imagine difficilement que des hommes
affranchis de tous les préjugés, et soucieux
des droits de cette liberté, au nom de laquelle
ils combattirent furieusement le tsarisme,
soient à leur tour devenus des oppresseurs.
Or, voici en jugement les socialistes anti-
bolchevistes, et dans ce mémorable procès,
les avocats, dont la mission est considérée
f-omme sacrée dans les pays civilisés, sont
délibérément tenus en suspicion par le pouvoir
tyrannique de la République des Soviets.
« La terreur a fait son œuvre en Russie,
écrit Vandervelde. De ceux qui composaient
en 1917 la majorité de la Constituante, les
uns comme Tseretelli et Tchernoff, sont en
exil ; d'autres ont renoncé à la lutte ou se
sont ralliés à Lénine. D'autres enfin, sont
déportés ou emprisonnés. Dans l'immense
Russie, il n'y a plus d'opposition ou du moins,
il n'y a plus que des oppositions clandestines.
Point d'autres journaux que les journaux du
gouvernement, point d'autres réunions que
rcelles du parti communiste ».
Devant le régime établi par les Soviets, Van-
dervelde qui a la vie sauve, se tient pour sa-
tisfait et renonce à poursuivre une tâche qu'il
sait inutile ; Liebknecht et les autres socialistes
ont fait savoir aux accusés méncheviki qu'ils
ne pouvaient assumer leur défense, la promes-
se faite par Radek d'une liberté- entière
n'ayant pas été tenue.
L'îhpident est démonstratif. Les Soviets ne
se trouvent pourtant pas en présence d'ad-
versaires de classe, il ne s'agit plus ici de mé-
fiance contre les affreux capitalistes de l'Oc-
cident, ce sont des socialistes qu'ils traitent
comme des ennemis.
La question se pose : Pour qui travaillent
Lénine, Trotsky, Tchitchérine ? Pour l'huma-
nité laborieuse ou pour leur dictature ? Il
est trop aisé de répondre devant les faits.
Et c'est avee, ces gens que la libre Angle-
terre et la France s'efforçaient de traiter à
Gênes, c'est avec eux qu'elles vont discuter à
La Haye ?
F. H.
——————— ') — - 1( :
Pour les petits jardiniers
des fortifieations
.que l'on doit expulser cette semaine
Les amateurs de jardinage, qui ont si
amoureusement Cultivé la terre empierrée
du fossé des fortifications vont être expul-
sés.
La menace, qui était pendante depuis des
mois, va être exécutée dans quelques jours.
Il va leur 'falloir, à ces maraîchers impro-
visés, quitter leur petit arpent de terre. Ils
ne cachent pas la' trisetsse que cela leur
cause.
— Vous ne savez le mal que j'ai eu,
nous dit l'un d'eux. Ces quelques mètres de
terrain, que j'avais obtenus, paraissaient
avoir servi de dépotoir à tous les habitants
des environs. Il y avait là tout ce qu'on
peut imaginer comme détritus, ustensiles
de cuisine, vieilles 'Chaussures, jusqu'à un
vieux sommier. Regardez ce que j'en ai
fait.
Orgueil légitime, car il n'est pas de jar-
din potager mieux tenu.
— La première année, ça n'a pas rendu.
La terre n'était .pas assez préparée et puis
il a fait trop chaud. Cette année, je pouvais
espérer récolter le fruit de deux ans d'ef-
forts. Et voilà qu'on veut nous expulser
avant même que la récolte soit faite ! C'est
injuste, monsieur, profondément injuste !
Inijuste peut-être, mais cruel assurément,
quand on a assisté au dernier pèlerinage
fait hier aux « fortifs » par les amateurs de
jardins.
Et quoi ! n'aurait-on pu attendre quel-
ques semaines encore. les jardins sont si
lurte d'espérance ï. — R. D.
A PROPOS D'UN DISCOURS
LES DEUX ÉCOLES
- ■ ■
Faut-il, comme M. Buisson, souhaiter que l'Ecole
publique collabore avec l'Ecole libre, et convient-il
que toutes les deux participent à la Caisse des Ecoles
———————— g ————————
Au cours de cette discussion sur l'Ensei-
gnement secondaire, qui se poursuit dans le
calme et la sérénité des séances du matin,
le vénéré Ferdinand Buisson, qui reste une
des plus nobles figures de l'histoire de l'En-
seignement et de la Démocratie, a magnifi-
quement exposé sa conception d'une laïcité
triomphante et apaisée, qui rétablirait la paix
entre l'école privée et l'école publique, et,
pour gage de cette paix répartirait entre eux
les fonds de la Caisse des Ecoles. Dans sa
superbe envolée, l'éminent député parait tou-
tefois avoir un peu perdu de vue certaines
réalités pratiques ; qu'il me permette de les
jiui rappeler en lui présentant quelques res-
pectueuses observations sur deux points de
son discours.
*
**
Parlons d'abord de la Caisse des Ecoles,
qu'il voudrait ouvrir en faveur des élèves des
écoles libres, en alléguant que « l'argent de
tous » doit aller à tous. Or, il se trompe en
ceci, que ces Caisses ne sont pas alimentées
par l'argent de tous. Leurs ressources peuvent
provenir, aux termes des lois du" 10 avril 1867
et du 28 mars 1882, des subventions de la
commune, du département, et, lorsque la va-
leur du centime communal n'excède pas
trente francs, de celles de l'Etat. Mais ces
subventions restent facultatives, et le plus
souvent ne constituent qu'une minime partie
de ces ressources.
Elles sont normalement alimentées par les
souscriptions et les dons particuliers. Voici
un exemple que j'ai sous les yeux. Pour l'an-
née 1921, la Caisse d'une grande commune
de la banlieue parisienne a reçu en chiffrès
ronds cinquante mille francs. Or, dans ce to-
tal, la subvention communale ne figure que
pour 2.400 francs et la subvention départe-
mentale pour 4.800 francs. Le surplus pro-
vient de cotisations, de dons volontaires, du
produit de quêtes ou de fêtes.
Je suis moi-même adhérent à cette Caisse ;
j'ai assisté aux fêtes données en sa faveur,
et je n'entends pas du tout que la très modes-
te somme, que j'ai ainsi versée pour l'Ecole
publique, aille à l'autre. Par sectarisme t Pas
le moins du monde, et si je pensais que les
enfants de cette dernière subissent des priva-
tions, je ne leur refuserais certainement pas
ma souscription ; mais parce que je sais que
mon voisin, catholique pratiquant, beaucoup
plus riche et sans doute infiniment plus gé-
néreux que moi, verse directement ou indirec-
tement pour elle, de telle sorte qu'elle est
au demeurant beaucoup mieux dotée que l'Eco-
le laïque. Il serait donc contraire à la jus-
tice aussi bien qu'à la volonté des donateurs,
qu'elle prenne à celle-ci une part de ce qui
lui revient.
C'est donc très logiquement et non pas dans
une pensée d'anticléricalisme, que la loi du
30 octobre 1886 interdit aux Caisses des Eco-
les d'employer leurs fonds au profit des éta-
blissements privés. Revenir sur les disposi-
tions de cette loi, ce serait porter une pre-
mière atteinte au « fait de la laïcité » que,
lors des élections du 16 novembre, les candi-
dats du Bloc national eux-mêmes ont promis
de respecter.
*
f*
D'autre part, le député de Paris voudrait
que, sur le terrain de la morale universelle,
les deux écoles puissent vivre en paix et que
leurs personnels respectifs se rapprochent et
se fréquentent. Une telle perspective est à
coup sûr généreuse et séduisante ; peut-être
pourrait-on l'envisager si les écoles privées
étaient laïques ; mais comme ell-es sont con-
fessionnelles, elle apparaît, pour peu qu'on y
réfléchisse, absolument irréalisable, l'impossi-
bilité venant, non pas de notre côté, mais de
l'autre.
Le libre penseur peut et doit être tolérant.
S'il revendique pour lui-même le droit de pen-
ser ce qu'il, plaît, il a le devoir de reconnaître
ce même droit aux autres. Mes convictions
philosophiques étant basées sur ma seule rai-
son, je ne suis pas assez sûr de la supériorité
de cette raison sur la raison d'autrui pour
prétendre les imposer à qui que ce soit ; et je
me croirais coupable si, par exemple, j'enle-
vais à un vieillard penché sur la tombe l'illu-
sion, qui me paraît dérisoire et absurde, mais
qui, en somme, adoucira ses derniers mo-
ments, en lui permettant de penser que, grâce
à une bonne confession, il renaitra dans l'éter-
nelle jeunesse d'une existence paradisiaque.
Mais il en va tout autrement du croyant,
qui, s'il est sincère, ne peut pas ne pas être
intolérant. Il croit, en effet, posséder la vé-
rité absolue ; et est convaincu que celui qui
n'admet pas cette vérité est, pendant les quel-
ques annéés de son existence. terrestre, un
misérable, pour devenir pour l'éternité un
damne brûlant au milieu de flammes qui ne
s'éteindront jamais. Comment ne chercherait-
il pas par tous les moyens, fût-ce par la force
ou par la fraude, à les arracher à leur malheu-
reux destin.
Jadis rinquisiteur, qui conduisait l'héréti-
que au bûcher, l'embrassait tendrement,
croyant, ou affectant de croire, qu'en cher-
chant à sauver son âme par la souffrance, il
lui rendait un fraternel service. Aujourd'hui,
les bûchers sont éteints, mais, pour forcer
les convictions, tous les procédés de pression
sont bons. Sans doute existe-t-il des catholi-
ques, ou même des prêtres qui respectent la
liberté de conscience ; mais, si ce respect
n'est pas seulement * une apparence, ce sont
de faux catholiques ou de mauvais prêtres.
* »
lie *
Si donc, comme le rêve dans son noble idéa-
lisme M. Buisson, il pouvait intervenir un
pacte de collaboration loyale entre l'institu-
teur public et l'instituteur libre, c'est-à-dire
confessionnel, le premier s'y conformerait
sans doute fidèlement, mais le second ne le
voudrait, ni le pourrait. Il profiterait et de-
vrait à son point de vue profiter de tous les
contacts pour prendre son collègue au lacet
d'une propagande sournoise, pour lui déro-
ber ses élèves ou tout au moins leur esprit
et orienter celui-ci contrairement aux volon-
tés des parents. Je le répète, sa conduite
m'apparaît tout à fait exiplicable, peut-être
même à certains égards excusable ; mais si
peut-être en cette matière comme pour tou-
tes les autres, on peut excuser l'intolérance,
nous n'en devons que plus énergiquement
nous protéger contre elle.
« Il est beau, a dit l'éminent orateur dans
le même discoure, qu'aucune religion ne soit
présente à l'école publique, et que, accessible
à tous, soit seule enseignée à tous la morale
humaine, là morale éternelle. » C'est pour
cela que la loi a fermé la porte de ses écoles
au ministre du culte ; ne permettons pas à
celui-ci d'y (faire sournoisement pénétrer son
esprit, sous le prétexte d'un accord, qui ne
serait qu'un marché de dupes.
La législation scolaire est une des plus
précieuses parmi les conquêtes de la Répu-
blique, et M. l'abbé Lemire a pu déclarer
« qu'il serait indigne de prétendre que cette
législation est oppressive ». Il ne saurait y
pvoir aucune raison de justice ou de liberté,
pour y toucher autrement qu'en vue de l'amé-
liorer dans le sens de la laïcité et de l'éman-
cipation des intelligences.
MÀITRE JACQUES.
PENDANT L'ENTR ACTE DE LA HAYE
Une manifestation franco-anglaise
en l'honneur de Verdun
- '■ççijrtiii. 4-"—'
M. Poincaré a prononcé à Londres un important discours
Londres, 18 juin. — Les manifestations
franco-britanniques en l'honneur de Verdun
se poursuivent aujourd'hui dimanche.
Lord Burnham, propriétaire du « Daily
Telegraph », l'un des dirigeants de la So-
ciété de secours aux régions dévastées, a
offert un déjeuner en l'honneur de M. Poin-
caré et du maréchal Pétain. Son Altesse
Royale, la princesse Louise, duchesse d'Ar-
gyll, sœur du roi Edouard VII, avait tenu,
malgré son grand âge, à l'honorer de sa
présence.
L'élite de la société anglaise assistait à
ce déjeuner.
Lord Burnham prend la parole
Au dessert, lord Burnham a prononcé un
toast..11 a énuméré tout d'abord les nom-
breux titres grâce auxquels M. Poincaré a
le droit de revendiquer la renommée. dont
il jouit en Grande-Bretagne.
« C'est, dit-il, un des hommes d'Etat
proéminents de notre monde affaibli et ap-
pauvri. »
Lord Burnham salua également le maré-
chal Pétain et il termina par cette vibrante
déclaration :
« Les hautes raisons qui nous assemblè-
rent nous maintiendront unis. Nous pour-
suivrons en étroite conformité la cause de
la paix dans les grandes lignes de la poli-
tique européenne et il importe peu que nous
différions ou non sur les détails ou que nous
ayons quelques divergentes de vues momen-
tanées en ce qui concerne leur application.
Nous ne sommes pas liés comme des galé-
riens, mais nous sommes unis par les forces
universelles de la nécessité et du libre arbi-
tre. La destinée du monde dépend large-
ment de notre coopération sans laquelle
cette vieille Europe s'effondrerait dans
l'abîme. »
Cette éloquente péroraison fut longue-
ment applaudie.
Discours de M. Poincaré
Le président du Conseil prit la parole
après lord Burnham pour le remercier de
la charmante hospitalité qui lui était faite.
Puis M. Poincaré rappela en ces termes
de glorieux souvenirs :
« Les vaillantes troupes qui ont soutenu
le formidable choc de l'armée allemande
ont déjoué les desseins de l'envahisseur. El-
les se sont sacrifiées pour notre salut com-
mun. C'est leur opiniâtre résistance qui
nous a, en effet, permis à tous, pendant la
dure année J.916, d'intensifier la fabrica-
tion de notre matériel de guerre. C'est elle
qui nous a laissé, à vous et iL nous, le temps
d'entreprendre, de concert, de nouvelles
opérations dans la région de la Somme. C'est
elle qui a fait apparaître clairement la li-
mite de la force germanique et qui a ré-
pandu jusque chez les peuples les plus in-
différents ou les plus aveugles la certitude
croissante de notre victoire finale.
« Ce nom de Verdun est, par suite, deve-
nu, pour tout l'univers, le plus éclatant sy-
nonyme de bravoure ; et voilà pourquoi la
générosité de votre grande capitale s'est
penchée si volontiers sur la petite ville
meusienne, grandie elle-même par l'hé-
roïsme et par la souffrance.
« Après avoir été, pendant la guerre, la
citadelle imprenable des libertés humaines,
Verdun demeure aujourd'hui, dans la paix,
un des plus douloureux exemples des épreu-
ves qu'a subies la France, un des emblèmes
les plus tragiques des misères qu'a laissées
derrière elle l'horrible invasion. »
Enfin, au nom de Verdun, remerciant la
Ville et le Comité de Londres pour tous
leurs bienfaits, M. Poinicaré fit cette élo-
quente démonstration de la nécessité de
l'union franco-britannique :
« Comment ne resterions-nous pas unis
maintenant pour la conservation de la vic-
toire que nous avons gagnée ensemble et
pour la réparation des épouvantables dom-
mages que la guerre a causés ? Comment ne
resterions-nous pas unis dans la paix et
pour la paix ? Vous avez contribué, par vo-
tre geste charitable, à embellir et à sanc-
tifier cette union. Vous avez introduit dans
notre amitié quelque chose de plus intime
et de Blus chaleureux que par le passé. Ni
Verdun, ni la France ne perdront le souve-
nir de tout le bien que vous avez fait. »
Des hourras et des applaudissements ac-
cueillirent ces derniers mots que M. poin.
caré prononça d'une voix émue.
Les promesses et les souhaits de la duchesse
de Sutherland
La duchesse de Sutherland prit la parole
après M. Poincaré. Au nom de la reine Amé-
lie de Portugal et de la princesse Louise, du-
chesse d'Argyll, présidente d'honneur et pré-
sidente du comité des dames de la British
League of Help, elle remercia le président
du Conseil français et le maréchal Pétain
d'avoir bien voulu venir à Londres pour as-
sister aux fêtes de Verdun.
Elle annonça le programme des manifesta-
tions qui seront données à Londres au cours
de l'été en faveur des régions dévastées,
puis souhaita que les sentiments amicaux
des deux nations e i maintiennent aussi cha-
leureux à l'avenir que dans le passé. 1
< Si la nécessité le voulait encore un jour,
affirma-t-elle, nous combattrions à nouveau
côte à côte pour la cause de l'humanité. »
« Nous souhaitons, conclut-elle, que tous
les Anglais aillent visiter Verdun et se ren-
dent compte ainsi des souffrances endurées
par les Français. Alors nous n'aurons aucune
difficulté pour obtenir les secours nécessai-
res pour élever notre filleule. »
Les autres discours
Le maréchal Robertson a rappelé ensuite
l'héroïsme des troupes françaises devant Ver-
dun et a rendu hommage au rôle glorieux
joué par le maréchal Pétain dans cette ba-
taille et jusqu'à la fin de la guerre.
Le maréchal Pétain lui a répondu en dé-
clarant qu'il dirait dimanche prochain à Ver-
dun, au cours de la fête commémorative, les
sentiments d'admiration que l'Angleterre
garde pour l'héroïque citadene de la défense
française. i
A l'issue du déjeuner, l'ambassadeur de
France et la comtesse de Saint-Aulaire ont
réuni dans les salons de l'ambassade à l'heu-
re du thé, de nombreuses personnalités de
la société anglaise et du monde diplomati-
que qui ont été présentées au président du
Conseil et au maréchal Pétain.
i— ') {
-. -
Les traîneurs de sabre à l'école
Notre collaborateur et ami, Georges-Bar-
thélemy, député, a reçu la lettre suivante du
ministre de l'Instruction publique :
Monsieurs le député et cher collègue,
« Vous avez bien voulu appeler mon atten-
tion sur un incident qui s'est produit à l'Ecole
normale d'Arras à l'occasion de la. prépara-
tion militaire.
« Je suis heureux de vous informer que cet
incident a amené entre mon collègue de la
Guerre et moi un échange de vues à la suite
duquel il y a tout lieu d'espérer que le calme
rentrera L l'Ecole d'Arras et ne sera plus
exposé à êtr& troublé.
« VeuiLez agréer, Monsieur le député et
cher collègue, l'assurance de ma haute consi-
dération.
« Le ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts,
« Signé Léon Bérard. »
—————————— ) ( ——————————
L'OUVERTURE DE LA PECHE
Ça n'a pas mordu !
« Il fait trop de vent », nous ont assuré
les pêcheurs
Les pêcheurs se sont trouvés nombreux
au rendez-vous. Si quelques abstentions ont
pu être constatées sur les berges de la Sei-
ne, dans la traversée de Paris, en banlieue,
par contre, ceux dont la grande joie est de
tremper du fil dans l'eau, étaient la foule.
Les tramways, qui. mènent auprès des ri-
vages banlieusards, comme les trains, ont
été, ce matin, dès la première heure, en-
vahis par des clients joyeux et encombrants.
Car les pêcheurs — ceci tout à leur hon-
neur — paraissent avoir l'instinct de la fa-
mille particulièrement développé. Tandis
que monsieur n'a pas assez de ses deux bras
pour porter son attirail, madame est en-
combrée de lourds filets de provisions ; le
gosse portera l'épuisette s'il est bien sage.
La patience de ces gens est admirable. Je
les ai observés hier, au Vert-Galant , ali-
gnement silencieux et impeccable. La ligne
se lève à intervalles réguliers, le pêcheur
remet philosophiquement un asticot et la
danse du bouchon sur le clapotis de l'eau
recommence. Cela durera toute une jour-
née. Il est fort délicat d'interviewer un pê-
cheur. J'ai attendu le moment propice :
- Ça mord ? -
- Non, il fait trop de vent.
Notez qu'un pêcheur n'est, à ce sujet, ja-
mais dépourvu de raison. Ça ne mord pas,
parce que. Il y a toujours un « parce
que » et ce « parce que » est irréfutable.
Bref, la pêche fut, hier, plus que médio-
cre. Mais si mauvaise qu'elle soit, elle n'est
jamais parvenue à décourager un pêcheur,
un vrai.
Vous verrez ça dimanche prochain !
——————— ——— ). «M + C» < ——————————
La moisson dans la Brie
Des fermiers vont battre actuellement le blé
de l'année dernière
La plaine de Brie est actuellement en pleine
activité. De tous côtés les lourdes machines à
battre sont en action. La menue paille vole
en nuages épais, les gerbes tombent, les sacs
s'emplissent de beaux grains dorés.
— Mais, ce n'est pas encore l'époque de la
moisson!
— Aussi bien, n'est-ce pas la moisson de
l'année, que l'on fait actuellement. On bat le
grain de la récolte dernière, qui formait ces
meules énormes, brunes venues dans les
champs verts.
On bat le blé de la récolte dernière!
Je sais bien que M. Chéron a raison quand
il dit, d'accord en cela avec M. Loucheur, que
la solution du problème de la vie chère, est
une production intense industrielle et agricole.
Il ne faut pas, cet axiome posé, en conclure
que l'on doive toujours donner raison à nos
industriels ou à nos agriculteurs et approu-
ter tout ce qu'il font.
Les gros fermiers de la Brie, qui ont atten-
du la hausse des farines pour battre et ven-
dre leur blé, ressemblent assez à ces commer-
çants qui ayant stocké une grande quantité
de marchandises attendaient la hausse pour
les mettre en vente.
Que peut le gouvernement devant pareils
faits? Rien, à vrai dire.
Pour combattre la vie chère il faut plus que
d'heureuses idées, mieux que d'exprimer des
vérités premières. Il faut une politique et des
armes. Deux choses qui manquent au ministè-
re de la rue de Varenne. — R. D.
COMMENT PASSER SES VACANCES J
LES JOIES
du petit «trou pas cher"
ou celles du {t camping" ?
Un exemple et quelques bons conseils
que l'on peut ne pas suivre
Chacun se préoccupe actuellement de trou-
ver le « bon petit trou, pas cher » où passer
ses vacances.
- Où allez-vous cette année ?
- Combien par jour dans votre hôtel 1
- Et on y est bien ?.
Telles sont les questions que l'on se posa
entre amis. On y répond sincèrement, mais
on déciide rarement le questionneur.
Des « petits trous pas cher >, il y en a, Il
ne s'agit que de les trouver. On a pour cela;
la main plus ou moins heureuse. La aagessd
conseille, quand on a découvert l'un d'eux.
de s'y tenir et aussi. de ne pas trop en di-
vulguer les charmes.
Je connais un coin de Bretagne. mais
non, je préfère vous apprendre comment le
ménage B., mes voisins d'en-dessousi, a rée
solu le problèime des vacances.
Le ménage B. a trois enfants, monsteor
et madame, cela fait cinq, ce qui dans un
hôtel, si peu cher soit-il, fait toujours & la
fin du mois, une addition respectable.
M. B. a* pris une résolution énergique. Lai
famille campera, "pendant son mois de va-
cances. Un lit de camp, trois matelas, UTLA
batterie de cuisine en aluminium et une
tente.
M. B. m'a longuement expliqué les avan*
tages pécuniaires et sanitaires du c cam*
ping ». Je ne suis pas très convaincu, mais
cela peut se défendre. Il faut ne pas craindre
les courants d'air et aussi qu'il ne pleuve
pas. Mon voisin me dit qu'une tente est aussi
confortable, quand on sait s'arranger, qu'un
appartement. Je ne désespère pas, les Ta."
cances passées, de le voir planter sa tente
sur jes fortifications. Son appartement reifr
dra service à des personnes qui n'ont pas
ses idées.
Le « camping » nécessite un matériel suf*
fisamment important pour affaler une oon*
cierge. La nôtre dit que M. B. est piqué et
que si cela continue, elle lui fera donner.
clpngé.
C'est incroyable ce qu'une tente, même
roulée, tient de place, sans parler des condes
et des piquets sans lesquels elle n'est rien. Je
me demande comment font les explorateurs
et comment mon voisin emportera tout cela*
Il aura sûrement un excédent de bagages.
C'est une dépense qu'il n'a certainement pas
prévue. Je soupçonne fort qu'un certain nom"
bre de ces surprises l'attend au cours de son
mois de camping.
Mme B. est d'une corpulence importante
A elle seule, elle remplira le lit de camp qat
l'on a déplié dans la salle à manger, mais B.
me dit qu'il n'appréhende nullement coucher
dehors, roulé dans une couverture. Il m'affiiw
me avoir ainsi passé d'excellentes nuits au
front. Il oublie que, depuis ce temps-là, il ti
été démobilisé. C'ést un événement qui comp-
te dans une vie. Il en sera convaincu après
la première nuit à la belle étoile.
Mais il ne faut pas que je vous décourage.
Le camping est une chose très économiqne,
B. a dépensé près de mille francs pour s'é-»
quiper, mais comme il compte que sa tente
pourra lui servir une vingtaine d'années, H
m'a très clairement démontré que c'est pour
rien !.
Pierre VARZY.
NOUS PUBLIONS A LA 4e PAGE
Le Courrier des Loyers
et des
Habitations à bon marché
LA JOURNÉE D'AUTEUIL
HÉROS XII GAGNE
le Grand Steeple chase
Le temps un peu incertain vers midi, a fait
hésiter quelques sportsmen et a empêché les
grandes toilettes de paraître à Auteuil. Mal-
-gré cela, l'assistance était encore nombreuse,
quoi qu'inférieure à celle de l'année dernière.
Le soleil a pris le dessus dès notre arrivée et
l'après-midi a été des plus agréables.
Le Président de la République accompagné
de M. Chéron, ministre de l'Agriculture, ho-
norait la réunion .de sa présence. Après la vic-
toire d'Héros XII, il est descendu dans l'en-
ceinte réservée et le prince Murât, président
de la Société des Steeple-Chases, lui a pré-
senté M. Coulon, le propriétaire du vainqueur.
La grande épreuve a été marquée de nom.
breux accidents, les deux plus graves sont
survenus aux deux chevaux du comte de la Ci-
mera Simpri et Richebourg, qui se sont cassés
chacun une jambe et qu'il a fallu abattre.
L'Yser et Absidea, deux principaux concur-
rents, ont été mis hors d'affaire dès le début
du parcours et l'un et l'autre se sont- blessés.
L'atitre des concurrents, que le gagnant pou-
vait redouter, Music-Hall, est tombé boîteux
sur la fin du parcours alors qu'il allait encore
très bien. Le demi-eang Rossignol, comme je
l'avais fait prévoir hier, n'a pu profiter de ses
'.alités de sauteur, l'allure a été trop rapide
pour lui et il est tombé, ainsi que Aglaure
et Kayoshk. Quant à Ben Cruchan, qui a mené
un train fou, il n'a pu achever le parcours.
Débarrassé de tout ce monde, Héros XII
est resté en présence de Corot qu'il a battu
avec beaucoup de peine. Après la dernière
haie le jeune cheval a pu prendre un mo-
ment le meilleur, mais son rival plus aguerri
est revenu et a fini par d'emporter d'une
demi longueur. Ainsi, après deux tentatives
infructueuses dans cette épreuve, l'excellent
cheval de M. Coulon a fait triompher pont
la première fois les couleurs de ce jeuirt
propriétaire dans cette riche épreuve dotët
cette année de 192.850 francs.
La performance de Corot est remarquable,
car à l'écart de quatorze livres, la tâche d'un
poulain de 4 ans est vraiment sévère. Nous
avions déjà eu l'occasion de constater la
qualité du représentant du duc Decazes, mais
sa performance d'hier rehausse encore son
mérite et le place nettement à la tête des
chevaux de son âge. j
Music-Hall paraissait dominer Héros et Co.
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t
t
46* ANNEE -- 1T 16.394
LUNDI
19
JUIN 1922
Dlrecteur-RMaeteur en chef:
FELIX HAUTFORT
les manuscrits non inséré*
«M sont pas rendus
LE CRIME
des Banquiers
Dans ce procès Pernotte, si fertile en
enseignements de toute sorte, ce n'est
pas seulement, à parler franc, le direc-
teur général de la B.I.C. que l'on entend
frapper, c'est une méthode. M. le substi-
tut Cord,. dans un de ces mouvements
d'éloquence tumultueuse dont il est pro-
digue, s'est écrié :
« Il n'y en a que pour les Banquiers 1 »
Cette exclamation nous donne, dans
son laconisme, toute la thèse ; elle est
trop humaine pour ne point mériter l'in-
dulgence des gens d'affaires, en provo-
quant les applaudissements du popu-
laire abusé.
Je ne sais pas exactement ce que
l'Etat paie mensuellement à M. le Pré-
sident Lemercier et à M. le substitut
Cord pour juger et requérir ; mais je
ne serais pas surpris d'apprendre que
la joviale équité de M. Lemercier, ajou-
tée à l'indignation véhémente de M.
Cord, coûtent aux contribuables français
plus d'une cinquantaine de mille francs
par an. C'est pour rien ; les talents du
judiciaire ne sont certainement pas à
leur prix, et il faut que ces messieurs
estiment cher l'honneur d'une des plus
nobles fonctions de la République, pour
!y trouver leur compte.
Depuis longtemps déjà, il n'y a plus
de proportion entre l'importance des ser-
vices rendus à la société et leur rémuné-
ration. Le moindre commis de banque
a son automobile, tandis que des savants
illustres, des jurisconsultes éminents,
'des poètes sublimes s'en vont à pied,
'éclaboussés par les faquins en voiture.
Vieilles rengaines, sur les inégalités so-
ciales ! Oui, vieilles rengaines, dont on
ne calcule peut-être pas toutes les con-
séquences.
Bien entendu, je crois au stoïcisme de
M. le substitut Cord et je pense bien que
nul bas sentiment d'envie ne peut trou-
bler la splendide sérénité de M. le prési-
dent Lemercier. Pourtant, lorsque le tri-
bunal apprend que tel directeur de so-
ciété, en Extrême-Orient, a reçu trois
millions de gratification, il y a un sur-
saut parmi les juges, et le ministère pu-
Mic bondit. M. Cord est débordant tout
aussitôt d'une infinie pitié et il dit, en
prenant à témoin les puissances humai-
nes et célestes « Pauvres actionnai-
res ! »
, *
••
Lorsque, par la voix stridente d'un
procureur, la justice venge le « petit
épargnant », le « pauvre actionnaire »,
nous applaudissons, tous. Mais peut-on
dire que le législateur ait, jusqu'à ce
jour, trouvé le moyen de préserver les
économies des petites gens contre les
entreprises des grands aigrefins. Jetez
un regard autour de vous, examinez un
instant ce qu'est devenu depuis quelques
années le portefeuille français. puis de-
mandez à M. 'Cord que la banque sans
reproche lance le premier pavé sur l'un
de ses « clients », lorsqu'il l'aura fait
condamner à être lapidé.
Mais, avant d'entreprendre la révolu-
tion sociale, morale et financière qui
donnerait à la République d'honnêtes
marchands d'argent, voyons donc, dans
l'ordre actuel, quelle peut être l'explica-
tion des faits qui provoquent dans l'opi-
nion un douloureux étonnement.
Les directeurs des banques coloniales
étrangères reçoivent des traitements de
ministres et des gratifications royales ;
une société française d'Extrême-Orient
a pu donner un cadeau de trois millions
à son gérant ; la Banque de Chine, après
l'année miraculeuse 1919, a distribué des
largesses de 150.000 francs à ses direc-
teurs, et elle a voté 200.000 francs à son
directeur général, étant admis, semble-
t-il, que cette somme serait quadruplée
par un artifice de change, reconnu d'ail-
leurs courant et régulier.
Peut-on admettre de telles pratiques ?
En les supposant légales, sont-elles mo-
rales ? Cette question, bien entendu,
n'est pas celle que doit se poser le juge
armé du code pénal, mais le public peut
à bon droit la soulever.
«
f*
Pour savoir à qui doit aller le profit,
il faut pouvoir dire d'où il vient. Pre-
nez, par exemple, un imprésario qui
traite avec Dranem ; il lui offrira volon-
tiers un cachet quotidien de mille francs
et plus, deux mille les jours de matinée.
Est-Qc par amour du désopilant comi-
que ? Non, c'est parce qu'il sait que
Dranem remplira sa salle et fera la re-
cette rémunératrice.
Dans l'exploitation d'une banque, le
bénéfice n'est-il pas fonction de l'effort
des intelligences réellement dirigeantes?
Nul ne peut le nier. Pour prendre
l'exemple de Pernotte, il était le créateur,
l'organisateur, le démarcheur (auprès
du gouvernement chinois) de la B. I. C.
L'année où cette banque réalise qua-
rante millions de bénéfices, n'est-il pas
juste qu'il en ait sa part ?. C'est ce que
reconnurent les bons administrateurs en
disant : « Nous aurions voté trois cent,
quatre cent, cinq cent mille francs. et
Jus ! »
« Pauvres actionnaires ! » Lequel
d'entre eux ne consentirait pas une gra-
tification d'un sou pour toucher un
franc ? Lequel ?
Ah ! j'entends bien M. le substitut, je
le vois : il tonne comme la foudre, sur
les ruines de la banque, il montre les
pauvres petits porteurs de bons réduits
à la misère. Oui, il y a eu le krach; mais
après les années grasses ! Le moyen
d'empêcher le krach ?. Les cadeaux,
c'était aux temps prospères !
Devant de tels faits, il faut reconnaî-
tre une fois de plus le désordre lamen-
table de notre régime économique et fi-
nancier. Un moraliste a dit : « Il y a
toujours, à l'origine des grandes fortu-
nes, de quoi faire frémir. » Il y a les
profitèurs, les mercantis, les tripoteurs,
il y a Thion de La Chaume et ses con-
cussionnaires impunis.
Pour mettre théoriquement tout en
place, je ne vois guère que le commu-
nisme et la suppression du numéraire,
mais M. Cord trouvera peut-être, avec
moi, qu'il n'est pas sans inconvénients.
Pierre DIONNE.
■ ? ( ————————.
La liberté soviétique
M. Vandervelde, parti en Moscovie, pour y
assister, en qualité d'avocat, les mencheviki
accusés par les bolcheviki n'a pas été assas-
siné. Tous ceux qui connaissent l'excellent
homme et le dévoué démocrate belge en au-
ront une vive satisfaction.
Toutefois, il est permis de tirer quelques
enseignements de l'aventure des défenseurs
occidentaux des socialistes inculpés par le ré-
gime Trotsky-Tchitchérine.
Les camarades commissaires des Soviets,
en prenant le pouvoir, n'ont eu, semble-t-il,
d'autre but que d'établir en Russie le régime
démocratique. Nul n'a cru devoir affirmer —
au moins devant le monde civilisé — qu'il pou-
vait être question de donner un pouvoir dic-
tatorial à une minorité de citoyens, pour ré-
duire en esclavage la majorité.
On imagine difficilement que des hommes
affranchis de tous les préjugés, et soucieux
des droits de cette liberté, au nom de laquelle
ils combattirent furieusement le tsarisme,
soient à leur tour devenus des oppresseurs.
Or, voici en jugement les socialistes anti-
bolchevistes, et dans ce mémorable procès,
les avocats, dont la mission est considérée
f-omme sacrée dans les pays civilisés, sont
délibérément tenus en suspicion par le pouvoir
tyrannique de la République des Soviets.
« La terreur a fait son œuvre en Russie,
écrit Vandervelde. De ceux qui composaient
en 1917 la majorité de la Constituante, les
uns comme Tseretelli et Tchernoff, sont en
exil ; d'autres ont renoncé à la lutte ou se
sont ralliés à Lénine. D'autres enfin, sont
déportés ou emprisonnés. Dans l'immense
Russie, il n'y a plus d'opposition ou du moins,
il n'y a plus que des oppositions clandestines.
Point d'autres journaux que les journaux du
gouvernement, point d'autres réunions que
rcelles du parti communiste ».
Devant le régime établi par les Soviets, Van-
dervelde qui a la vie sauve, se tient pour sa-
tisfait et renonce à poursuivre une tâche qu'il
sait inutile ; Liebknecht et les autres socialistes
ont fait savoir aux accusés méncheviki qu'ils
ne pouvaient assumer leur défense, la promes-
se faite par Radek d'une liberté- entière
n'ayant pas été tenue.
L'îhpident est démonstratif. Les Soviets ne
se trouvent pourtant pas en présence d'ad-
versaires de classe, il ne s'agit plus ici de mé-
fiance contre les affreux capitalistes de l'Oc-
cident, ce sont des socialistes qu'ils traitent
comme des ennemis.
La question se pose : Pour qui travaillent
Lénine, Trotsky, Tchitchérine ? Pour l'huma-
nité laborieuse ou pour leur dictature ? Il
est trop aisé de répondre devant les faits.
Et c'est avee, ces gens que la libre Angle-
terre et la France s'efforçaient de traiter à
Gênes, c'est avec eux qu'elles vont discuter à
La Haye ?
F. H.
——————— ') — - 1( :
Pour les petits jardiniers
des fortifieations
.que l'on doit expulser cette semaine
Les amateurs de jardinage, qui ont si
amoureusement Cultivé la terre empierrée
du fossé des fortifications vont être expul-
sés.
La menace, qui était pendante depuis des
mois, va être exécutée dans quelques jours.
Il va leur 'falloir, à ces maraîchers impro-
visés, quitter leur petit arpent de terre. Ils
ne cachent pas la' trisetsse que cela leur
cause.
— Vous ne savez le mal que j'ai eu,
nous dit l'un d'eux. Ces quelques mètres de
terrain, que j'avais obtenus, paraissaient
avoir servi de dépotoir à tous les habitants
des environs. Il y avait là tout ce qu'on
peut imaginer comme détritus, ustensiles
de cuisine, vieilles 'Chaussures, jusqu'à un
vieux sommier. Regardez ce que j'en ai
fait.
Orgueil légitime, car il n'est pas de jar-
din potager mieux tenu.
— La première année, ça n'a pas rendu.
La terre n'était .pas assez préparée et puis
il a fait trop chaud. Cette année, je pouvais
espérer récolter le fruit de deux ans d'ef-
forts. Et voilà qu'on veut nous expulser
avant même que la récolte soit faite ! C'est
injuste, monsieur, profondément injuste !
Inijuste peut-être, mais cruel assurément,
quand on a assisté au dernier pèlerinage
fait hier aux « fortifs » par les amateurs de
jardins.
Et quoi ! n'aurait-on pu attendre quel-
ques semaines encore. les jardins sont si
lurte d'espérance ï. — R. D.
A PROPOS D'UN DISCOURS
LES DEUX ÉCOLES
- ■ ■
Faut-il, comme M. Buisson, souhaiter que l'Ecole
publique collabore avec l'Ecole libre, et convient-il
que toutes les deux participent à la Caisse des Ecoles
———————— g ————————
Au cours de cette discussion sur l'Ensei-
gnement secondaire, qui se poursuit dans le
calme et la sérénité des séances du matin,
le vénéré Ferdinand Buisson, qui reste une
des plus nobles figures de l'histoire de l'En-
seignement et de la Démocratie, a magnifi-
quement exposé sa conception d'une laïcité
triomphante et apaisée, qui rétablirait la paix
entre l'école privée et l'école publique, et,
pour gage de cette paix répartirait entre eux
les fonds de la Caisse des Ecoles. Dans sa
superbe envolée, l'éminent député parait tou-
tefois avoir un peu perdu de vue certaines
réalités pratiques ; qu'il me permette de les
jiui rappeler en lui présentant quelques res-
pectueuses observations sur deux points de
son discours.
*
**
Parlons d'abord de la Caisse des Ecoles,
qu'il voudrait ouvrir en faveur des élèves des
écoles libres, en alléguant que « l'argent de
tous » doit aller à tous. Or, il se trompe en
ceci, que ces Caisses ne sont pas alimentées
par l'argent de tous. Leurs ressources peuvent
provenir, aux termes des lois du" 10 avril 1867
et du 28 mars 1882, des subventions de la
commune, du département, et, lorsque la va-
leur du centime communal n'excède pas
trente francs, de celles de l'Etat. Mais ces
subventions restent facultatives, et le plus
souvent ne constituent qu'une minime partie
de ces ressources.
Elles sont normalement alimentées par les
souscriptions et les dons particuliers. Voici
un exemple que j'ai sous les yeux. Pour l'an-
née 1921, la Caisse d'une grande commune
de la banlieue parisienne a reçu en chiffrès
ronds cinquante mille francs. Or, dans ce to-
tal, la subvention communale ne figure que
pour 2.400 francs et la subvention départe-
mentale pour 4.800 francs. Le surplus pro-
vient de cotisations, de dons volontaires, du
produit de quêtes ou de fêtes.
Je suis moi-même adhérent à cette Caisse ;
j'ai assisté aux fêtes données en sa faveur,
et je n'entends pas du tout que la très modes-
te somme, que j'ai ainsi versée pour l'Ecole
publique, aille à l'autre. Par sectarisme t Pas
le moins du monde, et si je pensais que les
enfants de cette dernière subissent des priva-
tions, je ne leur refuserais certainement pas
ma souscription ; mais parce que je sais que
mon voisin, catholique pratiquant, beaucoup
plus riche et sans doute infiniment plus gé-
néreux que moi, verse directement ou indirec-
tement pour elle, de telle sorte qu'elle est
au demeurant beaucoup mieux dotée que l'Eco-
le laïque. Il serait donc contraire à la jus-
tice aussi bien qu'à la volonté des donateurs,
qu'elle prenne à celle-ci une part de ce qui
lui revient.
C'est donc très logiquement et non pas dans
une pensée d'anticléricalisme, que la loi du
30 octobre 1886 interdit aux Caisses des Eco-
les d'employer leurs fonds au profit des éta-
blissements privés. Revenir sur les disposi-
tions de cette loi, ce serait porter une pre-
mière atteinte au « fait de la laïcité » que,
lors des élections du 16 novembre, les candi-
dats du Bloc national eux-mêmes ont promis
de respecter.
*
f*
D'autre part, le député de Paris voudrait
que, sur le terrain de la morale universelle,
les deux écoles puissent vivre en paix et que
leurs personnels respectifs se rapprochent et
se fréquentent. Une telle perspective est à
coup sûr généreuse et séduisante ; peut-être
pourrait-on l'envisager si les écoles privées
étaient laïques ; mais comme ell-es sont con-
fessionnelles, elle apparaît, pour peu qu'on y
réfléchisse, absolument irréalisable, l'impossi-
bilité venant, non pas de notre côté, mais de
l'autre.
Le libre penseur peut et doit être tolérant.
S'il revendique pour lui-même le droit de pen-
ser ce qu'il, plaît, il a le devoir de reconnaître
ce même droit aux autres. Mes convictions
philosophiques étant basées sur ma seule rai-
son, je ne suis pas assez sûr de la supériorité
de cette raison sur la raison d'autrui pour
prétendre les imposer à qui que ce soit ; et je
me croirais coupable si, par exemple, j'enle-
vais à un vieillard penché sur la tombe l'illu-
sion, qui me paraît dérisoire et absurde, mais
qui, en somme, adoucira ses derniers mo-
ments, en lui permettant de penser que, grâce
à une bonne confession, il renaitra dans l'éter-
nelle jeunesse d'une existence paradisiaque.
Mais il en va tout autrement du croyant,
qui, s'il est sincère, ne peut pas ne pas être
intolérant. Il croit, en effet, posséder la vé-
rité absolue ; et est convaincu que celui qui
n'admet pas cette vérité est, pendant les quel-
ques annéés de son existence. terrestre, un
misérable, pour devenir pour l'éternité un
damne brûlant au milieu de flammes qui ne
s'éteindront jamais. Comment ne chercherait-
il pas par tous les moyens, fût-ce par la force
ou par la fraude, à les arracher à leur malheu-
reux destin.
Jadis rinquisiteur, qui conduisait l'héréti-
que au bûcher, l'embrassait tendrement,
croyant, ou affectant de croire, qu'en cher-
chant à sauver son âme par la souffrance, il
lui rendait un fraternel service. Aujourd'hui,
les bûchers sont éteints, mais, pour forcer
les convictions, tous les procédés de pression
sont bons. Sans doute existe-t-il des catholi-
ques, ou même des prêtres qui respectent la
liberté de conscience ; mais, si ce respect
n'est pas seulement * une apparence, ce sont
de faux catholiques ou de mauvais prêtres.
* »
lie *
Si donc, comme le rêve dans son noble idéa-
lisme M. Buisson, il pouvait intervenir un
pacte de collaboration loyale entre l'institu-
teur public et l'instituteur libre, c'est-à-dire
confessionnel, le premier s'y conformerait
sans doute fidèlement, mais le second ne le
voudrait, ni le pourrait. Il profiterait et de-
vrait à son point de vue profiter de tous les
contacts pour prendre son collègue au lacet
d'une propagande sournoise, pour lui déro-
ber ses élèves ou tout au moins leur esprit
et orienter celui-ci contrairement aux volon-
tés des parents. Je le répète, sa conduite
m'apparaît tout à fait exiplicable, peut-être
même à certains égards excusable ; mais si
peut-être en cette matière comme pour tou-
tes les autres, on peut excuser l'intolérance,
nous n'en devons que plus énergiquement
nous protéger contre elle.
« Il est beau, a dit l'éminent orateur dans
le même discoure, qu'aucune religion ne soit
présente à l'école publique, et que, accessible
à tous, soit seule enseignée à tous la morale
humaine, là morale éternelle. » C'est pour
cela que la loi a fermé la porte de ses écoles
au ministre du culte ; ne permettons pas à
celui-ci d'y (faire sournoisement pénétrer son
esprit, sous le prétexte d'un accord, qui ne
serait qu'un marché de dupes.
La législation scolaire est une des plus
précieuses parmi les conquêtes de la Répu-
blique, et M. l'abbé Lemire a pu déclarer
« qu'il serait indigne de prétendre que cette
législation est oppressive ». Il ne saurait y
pvoir aucune raison de justice ou de liberté,
pour y toucher autrement qu'en vue de l'amé-
liorer dans le sens de la laïcité et de l'éman-
cipation des intelligences.
MÀITRE JACQUES.
PENDANT L'ENTR ACTE DE LA HAYE
Une manifestation franco-anglaise
en l'honneur de Verdun
- '■ççijrtiii. 4-"—'
M. Poincaré a prononcé à Londres un important discours
Londres, 18 juin. — Les manifestations
franco-britanniques en l'honneur de Verdun
se poursuivent aujourd'hui dimanche.
Lord Burnham, propriétaire du « Daily
Telegraph », l'un des dirigeants de la So-
ciété de secours aux régions dévastées, a
offert un déjeuner en l'honneur de M. Poin-
caré et du maréchal Pétain. Son Altesse
Royale, la princesse Louise, duchesse d'Ar-
gyll, sœur du roi Edouard VII, avait tenu,
malgré son grand âge, à l'honorer de sa
présence.
L'élite de la société anglaise assistait à
ce déjeuner.
Lord Burnham prend la parole
Au dessert, lord Burnham a prononcé un
toast..11 a énuméré tout d'abord les nom-
breux titres grâce auxquels M. Poincaré a
le droit de revendiquer la renommée. dont
il jouit en Grande-Bretagne.
« C'est, dit-il, un des hommes d'Etat
proéminents de notre monde affaibli et ap-
pauvri. »
Lord Burnham salua également le maré-
chal Pétain et il termina par cette vibrante
déclaration :
« Les hautes raisons qui nous assemblè-
rent nous maintiendront unis. Nous pour-
suivrons en étroite conformité la cause de
la paix dans les grandes lignes de la poli-
tique européenne et il importe peu que nous
différions ou non sur les détails ou que nous
ayons quelques divergentes de vues momen-
tanées en ce qui concerne leur application.
Nous ne sommes pas liés comme des galé-
riens, mais nous sommes unis par les forces
universelles de la nécessité et du libre arbi-
tre. La destinée du monde dépend large-
ment de notre coopération sans laquelle
cette vieille Europe s'effondrerait dans
l'abîme. »
Cette éloquente péroraison fut longue-
ment applaudie.
Discours de M. Poincaré
Le président du Conseil prit la parole
après lord Burnham pour le remercier de
la charmante hospitalité qui lui était faite.
Puis M. Poincaré rappela en ces termes
de glorieux souvenirs :
« Les vaillantes troupes qui ont soutenu
le formidable choc de l'armée allemande
ont déjoué les desseins de l'envahisseur. El-
les se sont sacrifiées pour notre salut com-
mun. C'est leur opiniâtre résistance qui
nous a, en effet, permis à tous, pendant la
dure année J.916, d'intensifier la fabrica-
tion de notre matériel de guerre. C'est elle
qui nous a laissé, à vous et iL nous, le temps
d'entreprendre, de concert, de nouvelles
opérations dans la région de la Somme. C'est
elle qui a fait apparaître clairement la li-
mite de la force germanique et qui a ré-
pandu jusque chez les peuples les plus in-
différents ou les plus aveugles la certitude
croissante de notre victoire finale.
« Ce nom de Verdun est, par suite, deve-
nu, pour tout l'univers, le plus éclatant sy-
nonyme de bravoure ; et voilà pourquoi la
générosité de votre grande capitale s'est
penchée si volontiers sur la petite ville
meusienne, grandie elle-même par l'hé-
roïsme et par la souffrance.
« Après avoir été, pendant la guerre, la
citadelle imprenable des libertés humaines,
Verdun demeure aujourd'hui, dans la paix,
un des plus douloureux exemples des épreu-
ves qu'a subies la France, un des emblèmes
les plus tragiques des misères qu'a laissées
derrière elle l'horrible invasion. »
Enfin, au nom de Verdun, remerciant la
Ville et le Comité de Londres pour tous
leurs bienfaits, M. Poinicaré fit cette élo-
quente démonstration de la nécessité de
l'union franco-britannique :
« Comment ne resterions-nous pas unis
maintenant pour la conservation de la vic-
toire que nous avons gagnée ensemble et
pour la réparation des épouvantables dom-
mages que la guerre a causés ? Comment ne
resterions-nous pas unis dans la paix et
pour la paix ? Vous avez contribué, par vo-
tre geste charitable, à embellir et à sanc-
tifier cette union. Vous avez introduit dans
notre amitié quelque chose de plus intime
et de Blus chaleureux que par le passé. Ni
Verdun, ni la France ne perdront le souve-
nir de tout le bien que vous avez fait. »
Des hourras et des applaudissements ac-
cueillirent ces derniers mots que M. poin.
caré prononça d'une voix émue.
Les promesses et les souhaits de la duchesse
de Sutherland
La duchesse de Sutherland prit la parole
après M. Poincaré. Au nom de la reine Amé-
lie de Portugal et de la princesse Louise, du-
chesse d'Argyll, présidente d'honneur et pré-
sidente du comité des dames de la British
League of Help, elle remercia le président
du Conseil français et le maréchal Pétain
d'avoir bien voulu venir à Londres pour as-
sister aux fêtes de Verdun.
Elle annonça le programme des manifesta-
tions qui seront données à Londres au cours
de l'été en faveur des régions dévastées,
puis souhaita que les sentiments amicaux
des deux nations e i maintiennent aussi cha-
leureux à l'avenir que dans le passé. 1
< Si la nécessité le voulait encore un jour,
affirma-t-elle, nous combattrions à nouveau
côte à côte pour la cause de l'humanité. »
« Nous souhaitons, conclut-elle, que tous
les Anglais aillent visiter Verdun et se ren-
dent compte ainsi des souffrances endurées
par les Français. Alors nous n'aurons aucune
difficulté pour obtenir les secours nécessai-
res pour élever notre filleule. »
Les autres discours
Le maréchal Robertson a rappelé ensuite
l'héroïsme des troupes françaises devant Ver-
dun et a rendu hommage au rôle glorieux
joué par le maréchal Pétain dans cette ba-
taille et jusqu'à la fin de la guerre.
Le maréchal Pétain lui a répondu en dé-
clarant qu'il dirait dimanche prochain à Ver-
dun, au cours de la fête commémorative, les
sentiments d'admiration que l'Angleterre
garde pour l'héroïque citadene de la défense
française. i
A l'issue du déjeuner, l'ambassadeur de
France et la comtesse de Saint-Aulaire ont
réuni dans les salons de l'ambassade à l'heu-
re du thé, de nombreuses personnalités de
la société anglaise et du monde diplomati-
que qui ont été présentées au président du
Conseil et au maréchal Pétain.
i— ') {
-. -
Les traîneurs de sabre à l'école
Notre collaborateur et ami, Georges-Bar-
thélemy, député, a reçu la lettre suivante du
ministre de l'Instruction publique :
Monsieurs le député et cher collègue,
« Vous avez bien voulu appeler mon atten-
tion sur un incident qui s'est produit à l'Ecole
normale d'Arras à l'occasion de la. prépara-
tion militaire.
« Je suis heureux de vous informer que cet
incident a amené entre mon collègue de la
Guerre et moi un échange de vues à la suite
duquel il y a tout lieu d'espérer que le calme
rentrera L l'Ecole d'Arras et ne sera plus
exposé à êtr& troublé.
« VeuiLez agréer, Monsieur le député et
cher collègue, l'assurance de ma haute consi-
dération.
« Le ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts,
« Signé Léon Bérard. »
—————————— ) ( ——————————
L'OUVERTURE DE LA PECHE
Ça n'a pas mordu !
« Il fait trop de vent », nous ont assuré
les pêcheurs
Les pêcheurs se sont trouvés nombreux
au rendez-vous. Si quelques abstentions ont
pu être constatées sur les berges de la Sei-
ne, dans la traversée de Paris, en banlieue,
par contre, ceux dont la grande joie est de
tremper du fil dans l'eau, étaient la foule.
Les tramways, qui. mènent auprès des ri-
vages banlieusards, comme les trains, ont
été, ce matin, dès la première heure, en-
vahis par des clients joyeux et encombrants.
Car les pêcheurs — ceci tout à leur hon-
neur — paraissent avoir l'instinct de la fa-
mille particulièrement développé. Tandis
que monsieur n'a pas assez de ses deux bras
pour porter son attirail, madame est en-
combrée de lourds filets de provisions ; le
gosse portera l'épuisette s'il est bien sage.
La patience de ces gens est admirable. Je
les ai observés hier, au Vert-Galant , ali-
gnement silencieux et impeccable. La ligne
se lève à intervalles réguliers, le pêcheur
remet philosophiquement un asticot et la
danse du bouchon sur le clapotis de l'eau
recommence. Cela durera toute une jour-
née. Il est fort délicat d'interviewer un pê-
cheur. J'ai attendu le moment propice :
- Ça mord ? -
- Non, il fait trop de vent.
Notez qu'un pêcheur n'est, à ce sujet, ja-
mais dépourvu de raison. Ça ne mord pas,
parce que. Il y a toujours un « parce
que » et ce « parce que » est irréfutable.
Bref, la pêche fut, hier, plus que médio-
cre. Mais si mauvaise qu'elle soit, elle n'est
jamais parvenue à décourager un pêcheur,
un vrai.
Vous verrez ça dimanche prochain !
——————— ——— ). «M + C» < ——————————
La moisson dans la Brie
Des fermiers vont battre actuellement le blé
de l'année dernière
La plaine de Brie est actuellement en pleine
activité. De tous côtés les lourdes machines à
battre sont en action. La menue paille vole
en nuages épais, les gerbes tombent, les sacs
s'emplissent de beaux grains dorés.
— Mais, ce n'est pas encore l'époque de la
moisson!
— Aussi bien, n'est-ce pas la moisson de
l'année, que l'on fait actuellement. On bat le
grain de la récolte dernière, qui formait ces
meules énormes, brunes venues dans les
champs verts.
On bat le blé de la récolte dernière!
Je sais bien que M. Chéron a raison quand
il dit, d'accord en cela avec M. Loucheur, que
la solution du problème de la vie chère, est
une production intense industrielle et agricole.
Il ne faut pas, cet axiome posé, en conclure
que l'on doive toujours donner raison à nos
industriels ou à nos agriculteurs et approu-
ter tout ce qu'il font.
Les gros fermiers de la Brie, qui ont atten-
du la hausse des farines pour battre et ven-
dre leur blé, ressemblent assez à ces commer-
çants qui ayant stocké une grande quantité
de marchandises attendaient la hausse pour
les mettre en vente.
Que peut le gouvernement devant pareils
faits? Rien, à vrai dire.
Pour combattre la vie chère il faut plus que
d'heureuses idées, mieux que d'exprimer des
vérités premières. Il faut une politique et des
armes. Deux choses qui manquent au ministè-
re de la rue de Varenne. — R. D.
COMMENT PASSER SES VACANCES J
LES JOIES
du petit «trou pas cher"
ou celles du {t camping" ?
Un exemple et quelques bons conseils
que l'on peut ne pas suivre
Chacun se préoccupe actuellement de trou-
ver le « bon petit trou, pas cher » où passer
ses vacances.
- Où allez-vous cette année ?
- Combien par jour dans votre hôtel 1
- Et on y est bien ?.
Telles sont les questions que l'on se posa
entre amis. On y répond sincèrement, mais
on déciide rarement le questionneur.
Des « petits trous pas cher >, il y en a, Il
ne s'agit que de les trouver. On a pour cela;
la main plus ou moins heureuse. La aagessd
conseille, quand on a découvert l'un d'eux.
de s'y tenir et aussi. de ne pas trop en di-
vulguer les charmes.
Je connais un coin de Bretagne. mais
non, je préfère vous apprendre comment le
ménage B., mes voisins d'en-dessousi, a rée
solu le problèime des vacances.
Le ménage B. a trois enfants, monsteor
et madame, cela fait cinq, ce qui dans un
hôtel, si peu cher soit-il, fait toujours & la
fin du mois, une addition respectable.
M. B. a* pris une résolution énergique. Lai
famille campera, "pendant son mois de va-
cances. Un lit de camp, trois matelas, UTLA
batterie de cuisine en aluminium et une
tente.
M. B. m'a longuement expliqué les avan*
tages pécuniaires et sanitaires du c cam*
ping ». Je ne suis pas très convaincu, mais
cela peut se défendre. Il faut ne pas craindre
les courants d'air et aussi qu'il ne pleuve
pas. Mon voisin me dit qu'une tente est aussi
confortable, quand on sait s'arranger, qu'un
appartement. Je ne désespère pas, les Ta."
cances passées, de le voir planter sa tente
sur jes fortifications. Son appartement reifr
dra service à des personnes qui n'ont pas
ses idées.
Le « camping » nécessite un matériel suf*
fisamment important pour affaler une oon*
cierge. La nôtre dit que M. B. est piqué et
que si cela continue, elle lui fera donner.
clpngé.
C'est incroyable ce qu'une tente, même
roulée, tient de place, sans parler des condes
et des piquets sans lesquels elle n'est rien. Je
me demande comment font les explorateurs
et comment mon voisin emportera tout cela*
Il aura sûrement un excédent de bagages.
C'est une dépense qu'il n'a certainement pas
prévue. Je soupçonne fort qu'un certain nom"
bre de ces surprises l'attend au cours de son
mois de camping.
Mme B. est d'une corpulence importante
A elle seule, elle remplira le lit de camp qat
l'on a déplié dans la salle à manger, mais B.
me dit qu'il n'appréhende nullement coucher
dehors, roulé dans une couverture. Il m'affiiw
me avoir ainsi passé d'excellentes nuits au
front. Il oublie que, depuis ce temps-là, il ti
été démobilisé. C'ést un événement qui comp-
te dans une vie. Il en sera convaincu après
la première nuit à la belle étoile.
Mais il ne faut pas que je vous décourage.
Le camping est une chose très économiqne,
B. a dépensé près de mille francs pour s'é-»
quiper, mais comme il compte que sa tente
pourra lui servir une vingtaine d'années, H
m'a très clairement démontré que c'est pour
rien !.
Pierre VARZY.
NOUS PUBLIONS A LA 4e PAGE
Le Courrier des Loyers
et des
Habitations à bon marché
LA JOURNÉE D'AUTEUIL
HÉROS XII GAGNE
le Grand Steeple chase
Le temps un peu incertain vers midi, a fait
hésiter quelques sportsmen et a empêché les
grandes toilettes de paraître à Auteuil. Mal-
-gré cela, l'assistance était encore nombreuse,
quoi qu'inférieure à celle de l'année dernière.
Le soleil a pris le dessus dès notre arrivée et
l'après-midi a été des plus agréables.
Le Président de la République accompagné
de M. Chéron, ministre de l'Agriculture, ho-
norait la réunion .de sa présence. Après la vic-
toire d'Héros XII, il est descendu dans l'en-
ceinte réservée et le prince Murât, président
de la Société des Steeple-Chases, lui a pré-
senté M. Coulon, le propriétaire du vainqueur.
La grande épreuve a été marquée de nom.
breux accidents, les deux plus graves sont
survenus aux deux chevaux du comte de la Ci-
mera Simpri et Richebourg, qui se sont cassés
chacun une jambe et qu'il a fallu abattre.
L'Yser et Absidea, deux principaux concur-
rents, ont été mis hors d'affaire dès le début
du parcours et l'un et l'autre se sont- blessés.
L'atitre des concurrents, que le gagnant pou-
vait redouter, Music-Hall, est tombé boîteux
sur la fin du parcours alors qu'il allait encore
très bien. Le demi-eang Rossignol, comme je
l'avais fait prévoir hier, n'a pu profiter de ses
'.alités de sauteur, l'allure a été trop rapide
pour lui et il est tombé, ainsi que Aglaure
et Kayoshk. Quant à Ben Cruchan, qui a mené
un train fou, il n'a pu achever le parcours.
Débarrassé de tout ce monde, Héros XII
est resté en présence de Corot qu'il a battu
avec beaucoup de peine. Après la dernière
haie le jeune cheval a pu prendre un mo-
ment le meilleur, mais son rival plus aguerri
est revenu et a fini par d'emporter d'une
demi longueur. Ainsi, après deux tentatives
infructueuses dans cette épreuve, l'excellent
cheval de M. Coulon a fait triompher pont
la première fois les couleurs de ce jeuirt
propriétaire dans cette riche épreuve dotët
cette année de 192.850 francs.
La performance de Corot est remarquable,
car à l'écart de quatorze livres, la tâche d'un
poulain de 4 ans est vraiment sévère. Nous
avions déjà eu l'occasion de constater la
qualité du représentant du duc Decazes, mais
sa performance d'hier rehausse encore son
mérite et le place nettement à la tête des
chevaux de son âge. j
Music-Hall paraissait dominer Héros et Co.
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