Le Numéro : 10 Cme"
abokxemekts 1 an 6m. 3 ta.
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1
LX 7t LANTERNE » DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES A PARIS ET EN PROVINCE
46' ANNEE -- N" 16.369
JEUDI
25
MAI 1922
Directeur-Rédacteur en chet:
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non insérés
ne sont pas rendus
Mots d'écrit
Les députés sont revenus ; ils nous
ont apporté trente degrés à l'ombre. Au
temps de L-ouis-Philippe, Labiche se
contentait de vingt-neuf degrés à l'om-
bre. Tout augmente, décidément.
Je ne sais si nos excellents aragouins
débordent d'allégresse. Je me suis laissé
dire, comme ça, que les électeurs les
avaient battus et qu'ils n'étaient pas con-
tents. Mais on raconte tant d'histoires,
par ces jours de chaleur, que je me de-
mande si la nouvelle est exacte. Vrai !
Si la majorité de la Chambre n'avait
plus la majorité dans le pays, le Bloc na-
tional qui est l'honnêteté même démis-
sionnerait.
Ces Grands Messieurs sont les repré-
sentants du Tiers consolidé, étayé, calé
par une fortune bien acquise ; ils ont pi-
gnon sur rue, et jouissent de la considé-
ration des huissiers. Ils ne transigent ni
avec la morale ni avec les principes, et
se disent républicains comme les grands
^ancêtres.
Je les connais. Ce sont des gaillards
Intransigeants sur la question du man-
dat. Blâmés par les électeurs, ils s'en
araient ; ils seraient déjà partis ; ils au-
raient, mardi, à la séance de rentrée, re-
mis leur démission, en vrac, en bloc, à
;M. Raoul Péret.
Ils n'ont pas fait ce geste. Donc ils
sont victorieux. Le Temps doit avoir rai-
son. Le second tour de scrutin est certai-
nement une victoire pour la Droite, un
triomphe pour le Bloc national.
C'est pourquoi je ne comprends pas
très bien l'abattement qui frappe ces
Messieurs. On me raconte qu'ils ont la
mine triste, la tête baissée, et suivent tout
pensifs, de chemin des couloirs. Allons,
haut les cœurs, Messieurs. Vous êtes
tyictorieux.
*
**
M. le sénateur Soulié interpellera de-
main au Sénat sur l'affaire des fusillés
de Vingré. Il a raison. Il parlera de la ré-
forme des Conseils de guerre.Viei'lle con-
naissance. Voilà vingt ans qu'elle est à
l'ordre du jour, vingt ans qu'elle est
..transmise de-l'une à l'autre assemblée,
"jsans résultat.
; Jadis, au lendemain d'une certaine
affaire! qui fit quelque bruit dans ce
hJays, tous les radicaux voulaient radica-
lement la suppression radicale de cette
juridiction d'exception. Tous les républi-
cains étaient d'accord sur ce sujet. Et le
temps a passé, le temps qui estompe les
enthousiasmes, qui efface les souvenirs;
da grande guerre du Droit s'est abattue
sur le monde ; les cours martiales ont
',jeté dans la mort des victimes innocentes
jet sans défense. Il semble qu'aujour-
d'hui, la commission judiciaire du Sénat
pourrait se préoccuper de cette question.
Si je ne me trompe, c'est M. René Bes-
nard qui est chargé du rapport, et qui a
fait déjà un travail consciencieux et
Jutile. Il interviendra certainement dans
ce débat. Les matériaux sont à pied
id'œuvre.
Chaque jour nous apporte une nouvelle
erreur et un nouveau crime de ces tribu-
naux fonctionnant comme des machines
Distributrices de condamnations.
Vous avez lu l'histoire navrante de
tette veuve et de ses deux petits enfants
qui furent chassés d'un village, dans les
environs d'Orléans, en 1915, parce qu'on
avait affiché sur les murs de la maison
commune le jugement condamnant à
mort le mari et le père déserteur. Leur
ferme fut pillée ; les meubles dispersés ;
la pauvre femme mourut de chagrin à
l'hôpital ; les enfants erraient sur les
routes ; une vieille, à -la nuit tombante,
ifeur apportait une assiette de soupe et les
icachait dans sa cuisine. Et puis, voici
iqu'il y a un mois, on découvrit le corps
ide ce brave homme, tombé au champ
d'honneur, avec les camarade?. Alors, ce
fut la cérémonie de l'enterrement au vil-
lage ; de beaux discours, avec de la mu-
sique. Les deux petits sont dans un
asile ; et leurs compagnons leur mènent
encore la vie dure.
« C sont les misères de la guerre »,
idisent les Matamores.
Bien sûr. Seulement les misères de la
guerre n'accablent que les pauvres gens.
*
**
On annonce que, le 2 juin, à la Cham-
bre, commencera le grand débat sur l'en-
seignement secondaire, et que M. Léon
Bérard exposera ses idées et son pro-
gramme de réformes.
Il m'est arrivé assez souvent de repro-
cher à M. Léon Bérard, son manque
d'énergie pour la défense de l'enseigne-
ment national contre les institutions di-
tes libres. C'est pourquoi je suis bien à
mon aise pour reconnaître qu'il voit juste
en voulant restaurer les études classi-
ques. Depuis vingt ans, nos ministres de
l'Instruction publique ont donné furieu-
sement dans le modernisme, c'est-à-dire
dans une méthode d'éducation intellec-
tuelle, faisant fi du grec, du latin, et
n'utilisant que les langues vivantes. Ce
fut une grave erreur.
La formation de l'esprit des jeunes
hommes de France, destinés à jouer un
rôle de premier ordre dans la Cité, n'est
point accomplie, si elle n'est pas moulée
dans la vieille et indispensable étude des
lettres de l'antiquité. Nous sommes les
citoyens de la Grèce et de Rome : toute
l'histoire de notre art, de notre littéra-
ture, de nos lois, est écrite avec les sou-
venirs du Parthénon et du Forum. L'ar-
bre de France plonge ses racines dans
cette terre vénérable.
Pouvez-vous imaginer un Berthelot,
un Pasteur, un Hugo, un Jaurès sans
éducation classique ?
Ne dites point que cette conception
universitaire est antidémocratique ! La
République doit apporter au plus humble
de ses enfants dans son Lycée, le moyen
de s'élever aux plus hautes destinées.
Georges PONSOT.
Le péjiier île Ealg-Hsle
v t
Les déplorables incidents de Gleiwitz ont
soulevé, hier, à la Chambre, un fort intéres-
sant débat et motivé d'importantes déclara-
tions de M. Poincaré.
De toute évidence, le statut actuel de la
Haute-Silésie est un danger pour la paix dans
l'est de l'Europe. Il faut donc en venir, dans
le moindre délai, à la solution définitive si
l'on ne veut pas perpétuer des dissensions
dont nous Voyons chaque jour les tristes et
sanglants effets.
On annonce le retrait des troupes alliées
des territoires contestés ; c'est mettre la char-
rue devant les bœufs. Ce qu'il faut, c'est paci-
fier avant d'évacuer. Or, nous sommes loin
de l'accord si désirable, entre les Polonais et
les Allemands, dans le respect des décisions
prises par les arbitres de Genève.
La France ne peut pas abandonner ses al-
liés de l'Est ; sa parole est engagée, ses
plus grands intérêts sont en jeu. Les innom-
brables « affaires » de Haute-Silésie nous ont
créé une situation difficile, dont le président
du Conseil précisait, hier, la complexité de-
vant la Chambre.
Le régime de Haute-Silésie est hybride ; il
n'y a pas là-bas une commission des délé-
gués alliés, il y a un gouvernement spécial
dépendant de la Société des Nations. Il en
résulte un flottement des plus pénibles dans
l'administration du pays : tantôt c'est la loi
allemande que l'on applique, et tantôt la loi
polonaise. Les forces alliées sont exposées aux
attentats les plus audacieux, et nous en som-
mes encore à obtenir réparation pour le lâche
assassinat du commandant Montalègre.
Le président du Conseil a reconnu loyale-
ment le mal, il a pris l'engagement de cher-
cher - à y apporter un remède. Il n'en est
qu'un : c'est le règlement de la frontière par
l'arbitrage de la S. D. N., le règlement im-
posé strictement et contre lequel ne puissent
prévaloir ni les bandes de l'Orgesch, ni les
manœuvres pangermanistes.
On rendra cette justice à nos amis polo-
nais qu'ils ont donné l'exemple du calme. Ils
n'ont certes pas eu ce qu'ils espéraient, ce
qui leur était dû selon leurs légitimes reven-
dications historiques et ethniques ; or, depuis
l'explosion populaire que sut habilement en-
diguer Korfanty, l'apaisement s'est fait dans
le camp polonais, il reste à le faire au camp
allemand.
Le rôle de la France, dans ces circonstan-
ces, est nettement déterminé, M. Poincaré l'a
exposé avec clarté, souhaitons que son éner-
gie se manifeste dans les actes comme dans
les mots.
F. H.
Vemprunt international allemand
Le Comité international des banquiers
s'est réuni hier matin
Hier matin, à 11 heures, s'est ouverte à
l'hôtel Astoria la conférence internationale
des banquiers, qui doit, comme on sait, étu-
dier les possibilités d'organisation d'un em-
prunt international en faveur de l'Allemagne,
pour lui permettre d'acquitter une partie de
la créance des Alliés.
M. Delacroix, qui représente la Belgique, a
été désigné comme président, et M. d'Amelio,
délégué italien, vice-président.
M. Pierpont-Morgan, le banquier américain,
a pris place à droite du président, et sir Ro-
bert Kinderley, délégué de l'Angleterre, à sa
gauche.
Etaient présents en outre : MM. Sergent
(France), Vissering (PayenBas), Bergmann
Allemagne). M. Sekiba, délégué du Japon,
était absent.
M. Delacroix a pris la parole pour pronon-
cer une allocution d'ouverture, et s'est montré
particulièrement heureux de la présence à ses
côtés de M. Pierpont-Morgan.
Puis il a donné la parole à M. Bergmann,
qui a exposé la situation financière en Alle-
magne.
A la Commission des réparations
La Commission des réparations s'est réunie
hier après-midi en séance officieuse pour exa-
miner les résultats acquis après les conversa-
tions avec M. Hermès, délégué de l'Allemagne,
et continuer l'étude des questions en suspens.
Le départ de la mission allemande
A 10 heures, hier soir, la mission alleman-
de, composée de 20 pensonnes, est partie pour
Berlin.
Pour fêter le 11 novembre
La proposition de M. Thuonyre s'inspire
d'une louable pensée. L'honorable député
veut que l'on fête l'armistice, non pas le
15 ou le 18 novembre, mais le 11. Pour cela,
il demande la suppression des « ponts » du
lundi du 31 octobre au 1" avril. Car, savez-
vous :a mauvaise i oison d? !\n a d:>:iaé
pour supprimer le 11 novembre ? C'est que
nous avions trop de fêtes, que nous perdions
déjà tror de temps. M. Thoun.vre avec la
suppression des « ponts » propose de récu-
pérer 28 jours de vacances. Les adversaires
du 11 novembre, s'ils repoussent la proposi-
tion qui va leur être soumise, devront alors
dire pourquoi ils ne veulent pas qu'on fête
l'armistice.
On s'étonne, du reste, d'avoir en France, à
demander une fête officielle pour le 11 no-
vembre l ,-
LA BATAILLE ECONOMIQUE
'*
DE PARIS à LEIPZIG
■'-'»»OC<«<> • —11
La Foire de Leipzig, manifestation formidable
de l'essor économique allemand,
doit être pour nous un avertissement et une leçon
———————— 5
Il y a deux catégories de gens que nous
avons intérêt à surveiller de très près : ce
sont nos débiteurs, de la situation desquels
peut dépendre notre fortune, et nos enne-
mis, dont l'attitude met en jeu ntore sécu-
rité. L'Allemagne appartient à la fois à l'une
et l'autre de ces catégories. Si elle s'appau-
vrit, elle sera hors d'état de nous payer; si
elle prospère, il n'est pas absolument sûr
qu'elle nous paie, bien qu'elle puisse le fai-
re; mais cette prospérité risque de deve-
nir une formidable menace pour notre pro-
duction et nos industries.
Aussi devrions-nous, au point de vue écono-
mique, sans parler ici des autres, exercer
sur elle une surveillance incessante et minu-
tieuse. Pour apparaître efficace, cette sur.
veillance devrait être le fait des industriels
eux-mêmes. La Foire de Leipzig leur offrait
pour cela une occasion singulièrement fa-
vorable. Cependant, bien rares furent ceux
qui comprirent qu'il y avait là pour eux un
devoir peut-être pénible, mais en tous cas
impérieux.
L'un de ces derniers, M. Pierre François,
qui occupe une situation considérable dans
l'une des branches les plus importantes de
notre industrie, raconte dans le dernier nu-
méro de la «Vie activer ses impressions
de voyage.
Cet article écrit avec la simplicité et l'au-
torité d'un homme qui sait voir, comprendre
et retenir, constitue un document que tous
les Français soucieux de l'essor économique
de notre pays devraient connaître. Il a pro-
duit sur moi une impression profonde; et
nos lecteurs me sauront gré de l'analyser.
*
♦ *
L'auteur énumère tout d'abord les pré-
venances de l'administration de la Foire,
qui, avant même le départ des visiteurs éven-
tuels, s'efforce de faciliter leur voyage et
leur séjour. Elle leur fait parvenir une car.
te leur permettant de circuler librement
dans tous les stands et palais de l'Exposi-
tion et leur assurant la protection des auto-
rités, elle les prévient du prix élevé des hô-
tels et, après les avoir invités à loger chez
l'habitant, leur choisi t,suivant leur situation
sociale ou leurs convenances, un logement
et leur remet une autre carte comportant,
avec l'atlresse, Ma description de celui-ci,
ges caractéristiques et lé prix s'élevant, en
moyenne, èr quarante marks par lit, ce qui,
au cours du change correspondait à moins
de deux francs.
A la frontière, les formalités sont réduites
au minimum; puis de Cologne à Hanovre,
c'est-à-dire sur un parcours de trois cents
kilomètres environ c'est une suite ininter-
rompue d'usines métallurgiques, usines de
produits chimiques et de matériel électri-
que, etc.; les hauts fourneaux crachent le
feu, les cheminées d'usines déversent de lon-
gues colonnes de fumée et les quais des ga-
res regorgent de marchandises prêtes à être
expédiées. »
On traverse ensuite les provinces agrico-
les de Brunswick et de Magdebourg, dont
les champs offrent une belle tenue, bien
que l'effort cultural y soit moins apparent
que dans la zone industrielle. Enfin, voici
l'arrivée à Leipzig, qui, avec ses vingt voies
ferrées, est, affirment les Allemands la plus
'grande gare d'Europe.
♦
#*
A partir de ce moment, la Foire vous sai-
sit, et une gigantesque banderolle vous pré-
vient que la Maison S. se tient à votre dis-
position pour toutes les formalités douaniè-
res à effectuer pour l'exportation de vos
achats.
Voici notre voyageur à la Foire elle-mê-
me, qui se divise en deux parties distinc-
tes : la foire aux échantillons et la foire
technique. La première est pour lui une sur-
prise :
« Imaginez, en effet,tout un quartier de
« Paris, celui de l'Opéra, par exemple, ayant
« pour parallèles : d'un côté le boulevard
« des Capucines (de la rue Caumartin à la
« rue Scribe) et le boulevard Haussmann
« sur la même longueur ; de l'autre les
« rues Caumartin et Auber ; imaginez enco-
!« re que 50 à 60 0/0 des immeubles de ce
« parallélogramme soient transformés en pa-
« lais de foire, c'est-à-dire pouvant servir,
« par une appropriation intérieure prévue
« par avance, à l'exposition de tous les pro-
« duits ou articles capables d'intéresser les
« visiteurs d'une foire ; figurez-vous, enfin,
« les rues du quartier dont il s'agit sillon-
« nées d'affiches et bariolées d'étendards
« suspendus et vous aurez une idée approxi-
« mative de ce qu'est la « Mustermesse »,
« qui se trouve située dans le quartier le
« plus central de Leipzig, à deux pas de la
« gare principale « Hauptbanhof ».
< La foire technique se différencie de la
foire aux échantillons en ce sens qu'elle
sert uniquement d'exposition industrielle,
non pas seulement théorique, mais pratique.
Car, dans tous les stands, à de rares excep-
tions près, les machines exposées fonction-
nant et sont en mouvement toute la jour-
née. Chaque hall comprend pour la facilité
de la visite des genres d'industries bien dé-
terminés. Le hall dit hall central, vaste bâti-
ment en ciment armé qui se dresse à l'ex-
trémité de l'avenue principale, est le mono-
pole des exposants de la « Verein deustcher
Werkzeugmaschinen fabriken », autrement
dit « Deutsche Werke » (du syndicat de l'In-
dustrie métallurgique allemande). Tout ce
qui concerne la production métallurgique
d'outre-Rhin se trouve concentré dans ces
lieux. >
Les diverses industries étaient réparties
dans une vingtaine d'autres halls; et, de-
vant chacun d'eux se trouvaient réservés
des emplacements, où étaient exposées des
machines diverses : bateaux et canots auto-
mobiles, voitures et camions, autos, machi-
nes pour procédés économiques de cons-
truction, etc.
Pendant toute la durée de la Foire, une
compagnie de transports aériens mettait des
avions d'excursions à la disposition des
étrangers afin de permettre à ceux-ci de se
rendre compte de l'ensemble de cette exposi-
tion et du panorama de la ville même de
Leipzig.
M. Pierre François signale la complaisan-
ce et l'amabilité — sincère ou non — avec
lesquelles les Allemands cherchent à vain-
cre l'hostilité, dont ils se savent l'objet. Des
jeunes ingénieurs ne se contentent pas de
fournir aux visiteurs des indications com-
plètes, mais encore offrant de. transformer
les marchandises ou machines exposées en
vue de les adapter aux besoins des intéres-
sés. Ils acceptent même les plans qu'on leur
offre en vue d'études ultérieurs. Si l'un des
exposants n'a pas ce qu'on lui demande, il
s'empresse de conduire le client éventuel
chez celui de ses concurrents susceptible de
le fournir. Il y a là une manifestation de
solidarité, dont bien des Français pourraient
parfois (faire leur profit.
De cette intense et formidable grouillement
industriel, qui dépasse tout ce qui avait été
fait auparavant, M. Pierre François est sorti
un peu angoissé. Il a compris que « les
Allemands restent les gens du Deutschland
Uber Ailes. Ayant perdu la guerre militaire,
ils n'ont plus qu'une idée en tête : s'assurer
la victoire économique. Ils en prennent le
chemin »
Tout cela devrait être vu et il est bon que
cela soit dit. Il y a là, pour nous, un avertis-
sement et aussi une leçon. Au cours de la
guerre, et pour vaincre les Allemands, nous
n'avons pas hésité à leur emprunter leurs
procédés militaires ; pour lutter contre eux
sur le terrain industriel, nous devons égale-
ment les imiter, d'abord dans cette merveil-
leuse organisation, qui constitue leur force
principale, et aussi pour certaines méthodes
commerciales qui choquent un peu le tact et
la dignité du commerce français, mais qui
sont nécessaires pour obtenir la victoire.
La Foire de Paris, dans sa mignifique ma-
nifestation de cette année s'e?^ surpassée
elle-même ; souhaitons, qu'au cours des an-
nées prochaines, elle surpasse la foire de
Leipzig. Nous industriels peuvent le faire.
Ils le feront.
MAITRE-JACQUES.
LA LEÇON D'UNE CATASTROPHE
Cent existences pour une panique
œot:> ———————————————————
Des réglements de sécurité bien édictés mais mal appliqués. — Le danger
de la suppression du professionnel et de l'embauche libre. — Les équi-
pages français offrent aux voyageurs le maximum de garanties
————————— a —————————
L'abordage du liner Egypt par la vapeur
français la Seine appelle à nouveau l'atten-
tion sur les règlements maritimes. de sécurité.
Après chaque catastrophe du même ordre,
les compétences se préoccupent de remanier
ou de perfectionner ces règlements, puis l'on
s'en désintéresse pour recommencer à la pre-
mière occasion.
Je ne me fais d'ailleurs aucune illusion sur
l'efficacité des prescriptions édictées par les
conventions internationales. Je sais par expé-
rience que, parfaites dans leurs conceptions,
elles restent inopérantes en pratique parce
que pas ou mal appliquées systématiquement.
Mais ceci, personne ne le signale, car si les
candidats passagers savaient de quelle maniè.
re l'on procède dans tous les pays du monde
aux épreuves de résistance des coques et cloi-
sons étanches, aux examens et essais des ca-
nots et engins de sauvetage, des chaudières
et machines, des appareils d'épuisement ou
pompes, etc., malgré le triple airain du poète,
ils ne se décideraient jamais à exposer leur
vie et leur fortune sur les flots.
Heureusement l'accident est l'exception. La
chance, ou plutôt la guigne, joue ici un grand
rôle, et, tout. compte fait, les passagers de
l'Egypt — dont, soit dit en passant, la coque
semble avoir été bien fragile — n'étaient pas
plus en danger que, par exemple, les voyageurs
de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est.
Comme à bord de la plupart des navires, sur
l'Egypt, les ceintures de natation n'étaient
sans doute pas facilement accessibles ; les ca-
nots et-baleinières de sauvetage, solidement
amarrés sur leurs chantiers, ne-oouvaient être
mis là la mer qu'avec difficulté, et rien n'avait
été prévu pour parer à une éventualité aussi
redoutable. Ceci ressort des premières infor-
mations publiées à propos du naufrage et l'on
ne peut en douter si ron sait que ces regret-
tables errements sont conformes aux usages
de la vie maritime.
Pour qu'il en soit autrement, il faudrait
changer de fond en comble une mentalité col-
lective. Est-il, dans le monde entier, un seul
capitaine qui, dès le départ, prescrive pour
ses passagers et son équipage un exercice de
sauvetage ? A bord de quel navire, dans les
passages dangereux, par temps de brume ou
en toute autre circonstance critique, les em-
barcations, radeaux, flotteurs aient été desai-
siis, prêts à mettre à flot ? Les passagers et
gens de l'équipage aient reçu l'ordre de se
munir des ceintures ?
On attend pour cela le dernier moment. Des
mesures aussi logiques rendraient ridicule ce-
lui qui les prescrirait d'avance. Oui, mais il
est généralement trop tard lorsqu'elles sont
ordonnées, et tel capitaine qui croit avoir fait
son devoir jusqu'au bout, a le désespoir de con-
templer sur les dalles d'une morgue les cada-
vres de ceux qu'il devait mener à bon port.
A ces négligences traditionnelles, dans le
cas de VEgypt, il faut ajouter une cause de
perte supplémentaire : l'équipage de ce paque-
bot, comme celui de presque tous les paque-
bots anglais, allemands et américains, était
formé d'Indiens et de noirs, à l'exception des
spécialistes et des officiers. Ces Indiens, d'a-
près les premières dépositions, en proie à la
panique dès l'abordage, sourds aux ordres de
leurs chefs, se ruèrent sur les embarcations
dans une panique indescriptible, et leur ac-
cès de folie collective eut de terribles consé-
quences, puisque l'on enregistre cent et quel-
ques victimes, passagers pour la plupart et
qui auraient dû normalement être sauvées.
Et voici où je veux en venir :
Au coure de ma carrière, j'ai pu, comme
tous les capitaines, faire la différence entre
la valeur morale et technique de nos équipa-
ges de marins professionnels et celle des ma-
rins d'occasion — européens, indiens, chi-
nois ou noirs — tels qu'on les utilise dans les
marines étrangères. Jamais, dans les circors-
tances les plus critiques, je n'ai vu nos mate-
lots en proie à la panique. Tous mes camar*
des sont, j'en suis certain, du même avis et
s'associeront de tout cœur à l'hommage que j.-î
tiens à rendre ici à nos compagnons de navi-
gation. Avec eux, la panique de l'Egypt n'au-
rait pas eu lieu et ses conséquences ne se-
raient pas à regretter.
Au contraire, maintes fois, les équipages
étrangers, d'indigènes ou de marins d'occa-
sion, ont agi comme les coolies indiens de
l'Egypt et les passagers ont toujours payé les
pots cassés.
A bord d'un navire français, les marins fran-
çais, conscients de leur devoir, exécutant avec
intelligence les ordres de leurs officiers, ne se
seraient pas rués sur les baleinières et au-
raient fait l'impossible pour sauver leurs pas-
sagers sans même songer à leur propre sé-
curité.
Victor RIOU.
Capitaine au long cours.
LE PRIX DU PAIN
Quels sont les véritables responsables
de la hausse ?
II convient de situer les responsabilités.
Nous devrons l'augmentation du prix du
pain non pas à la commission consultative,
non aux boulangers, mais bien à la politique
économique du gouvernement.
Les boulangers ont demandé l'augmentation
du prix du pain. Ils étaient parfaitement dans
leur droit. La farine, qui a valu 96 fr. le quin-
tal, en coûte aujourd'hui 104.
Il est juste que le pain montre de 0 fr. 05
quand on a exigé que son prix suive la baisse
des farines.
Mais le coupable, celui qui est à l'origine du
mal, c'est celui qui a fait la farine chère.
M. Lefebvre du Prey a porté, l'été dernier,
de 7 tfr. à 14 fr. les droits douaniers sur l'im-
portation du blé au quintal.
M. Chéron, suivant la tradition, a frappé
lourdement l'entrée des beurres étrangers, a
ouvert la porte de sortie à la viande et lui a
interdit l'entrée du marché français. Voilà la
politique économique que se lèguent comme
un héritage sacré tous les ministres qui se
sont succédé rue de Varenne. Politique de vie
chère, politique de surenchère électorale, dont
l'immense masse des consommateurs urbains
paie les frais. :
Le pain va être augmenté. Que M. Chéron
ne déplore pas l'avis donné par la commis-
sion consultative. Qu'il ne dise pas : « Voyez,
je ne peux pas faire autrement. »
Si M. Chéron autorise l'augmentation du
prix du pain, c'est qu'il se souciera fort peu
de la chose, voire même d'une baisse possible.
M. Chéron sait bien qu'il peut ramener à
un tarif plus raisonnable les tarifs douaniers
dont sont frappés l'entrée des blés et des fa-
rines. Les cours baisseront immédiatement à
la Bourse du commerce et il ne sera nul be-
soin d'augmenter la taxe préfectorale sur le
prix du pain.
Mais ceci fâcherait peut-être les agricul-
teurs.
Je cherche vainement
une estampille pour mon briquet
Si vous possédez un briquet, soit qu'on
vous en ait fait cadeau, y oit que vous l'ayez
vous-même fabriqué, et si ce briquet n'a
pas d'estampille, il vous sera impossible de
vous mettre en règle avec 1 aloi.
J'ai un briquet auquel je tiens beaucoup,
mais il n'est pas estampillé. Redoutant d'a-
voir à m'expliquer un jour, avec des fonc-
tionnaires des contributions indirectes, je ré-
solus de réparer cet oubli et je rentrais dans
un bureau de tabac à la vitrine bien acha-
landée.
— Une estampille pour un briquet ?
— Nous n'en tenons pas, me répond la pa-
tronne de céans. Nous vendons des briquets
qui sont tous estampillés.
— Merci, j'ai un briquet. Où faut-il m'a-
dresser pour le faire estampiller.
— Je n'en sais rien.
J'avisais alors, à l'angle de deux rues, un
petit vieillard, dont le métier, à en juger
par son attirail, était de réparer et de faire
des briquets.
—■ Avez-vous une estampille ?
— Non monsieur, je n'en vends pas.
— Mais qui, alors ?
— La Régie.
Il prononça ce mot avec un respect amu-
sant comme une chose mystérieuse et toute
puissante.
— Mais où ?
— A la Régie.
C'est tout ce que j'en ai pu tirer. Déses-
pérant de jamais pouvoir posséder une estam-
pille et craignant de faire connaissance
avec la Régie de désagréable façon, je ra-
menais mon briquet dans un tiroir.
Mais pourquoi, la Régie, qu'on ne sait
véritablement où trouver quand on la cher-
che, n'approvisionne-t-elle pas les bureaux
de tabac d'estampilles à briquets, comme ils
le sont de plaques à bicyclettes ?
Une exposition flottante
sur la Vistule
Varsovie, 24 mai. — Les journaux annon-
cent que la première exposition flottante sur
la Vistule, projetée encore l'année dernière,
sera organisée cet été. Toute une flottile de
vapeurs aménagés spécialement emportera
les produits, échantillons des plus importan-
tes firmes polonaise et quittera Cracovie le
17 mai. Elle s'arrêtera dans les ports de
toutes les villes se trouvant sur la Vistule,
faisant escale pedant 2 ou 3 jours dans cha-
cune d'elles. On trouvera sur ces vapeurs un
restaurant, un cinématographe me salle île
conférence, un bureau de poste, une succur-
sale de la Caisse polonaise d'épargne et un
comptoir de plusieurs banques privées.
Dans les milieux commerciaux, on attache
un grand intérêt aux expositions mobiles. Le
succès de cette première expérience s'annon-
ce très brillant. Les organisateurs ont d'ail-
leurs fait tout leur possible pour que cette
première tentative réussise. On déclare d'au-
tre part que, plus tard, les exposants étran-
gers seront admis à participer aux exposi-
tions flottantes.
LES AVATARS DE LA B. 1. C.
Les étapes
du renflouement
Entre deux tactiques
M. Thion de la B. 1. choisit astucieusement
celle de l'abstention
Il est aussi absurde de croire que la Ban-
que de l'Indo-Chine se désintéresse du sort
de la B. I. C., qu'il pourrait l'être' de suppo-
ser que le loup se désintéresse de sa proie.
Cependant, il semble certain que nulle solli-
citation officielle n'a pu déterminer M. Thion
à souscrire une piastre dans le capital de
10 millions (un quart versé), à l'aide duquel
on va constituer une société fermière ou
auxiliaire — comme il vous plaira — de la
Banque Industrielle de Chine.
Le plan, conçu nous affirme-t-on, par M.
Porte, président du tribunal de commerce,
consiste à substituer immédiatement un or-
ganisme provisoire à la Banque « coulée »,
en attendant que les dispositions définitives
puissent être réalisées. La durée de la société
nouvelle, au dire de ses promoteurs, ne de-
vrait pas excéder deux ou trois années.
On aurait renoncé à l'escompte de l'indem-
nité dites tie f Boxers ; on ie contente t a >t
d'encaisser les versements chinois, au fur et
à mesure de leurs échéances, dans l'ordre
d'un tableau déjà fixé.
Quant aux déposants, ils seraient divisés
en catégories, les unes touchant leurs dû,
les autres n'en recevant que l'intérêt.
Il y aurait, sans doute, quelques critiques
à faire de cette conception, notamment en ce
qui concerne le non-remboursement des gros
dépôts, étant donné le risque de mettre en
déconfiture les affaires qu'ils intéressent.
Mais, c'est déjà quelque chose d'avoir étudié
un système.
Le point important, c'est apparemment le
refus de la B. I. d'entrer dans la combi-
naison nouvelle.
M. Thion de La Chaume, ayant vaincu,
se retire sous sa tente, il déclare qu'il ne
veut plus être accusé de multipli; r d'inatiles
perfidies contre l'établissement qu'il a tué.
Il croit qu'on ne galvanisera pas ce cada-
vre et, si d'aventure un miracle se produi-
sait, il. surveillerait, à l'aide d'amicales com-
plaisances, ces évolutions du macchabée ré-
calcitrant.
Le directeur général de la Banque de
l'Indo-Chine a tout prévu, hormis une seule
chose, dont il ne manquera pas d'être un
peu surpris : le transport de son privilè-
ge à la Banque Industrielle de Chine recons-
tituée en Banque d'Etat.
Ce dernier projet est à l'étude ; il sera
présenté au Parlement. Il est le seul logique
le aeul honnête, le seul salutaire.
P. D.
La 8.1. C. en correctionnelle
Les poursuites contre M. Pernotte
Après une instruction activement et soi
gneusement conduite par M. Richaud, sui
les trois inculpations qui visaient M. J. Per
notte, ancien directeur général de la B.I.C.
une seule a été retenue : L'affaire dite de.
taëls, les autres visant l'émission des bon:
de la Société du Pacifique et les plaintet.
d'actionnaires de la Banque Industrielle d,
Chine ont dû être abandonnées.
M. Pernotte est renvoyé en correction-
nelle, nous avons dit ici, au moment où l'on
crut devoir procéder à l'arrestation de l'an-
cien directeur de la B. I. C., en quoi con-
sistait les charges relevées contre lui. Le
conseil d'administration ayant alloué à M.
Pernotte une gratification de 200.000 francs
pour les immenses services rendus à la Ban-
que, il en fut crédité à Pékin, selon les usages
constants, en taëls et non en francs. Sur les
66.000 taëls représentant cette gratification,
10.000 dus personnellement par M. Pernotte
furent remboursés à la Banque, les 55.000
autres furent passés au crédit du directeur
au taux de 9 et non au taux de 22 francs,
ainsi que cela fut publié par erreur — le taux
normal du taël étant 3 francs.
On demande compte à l'inculpé de la diffé-
rence entre les 200.000 francs votés par le
conseil et la somme totale dont fut crédité
M. Pernotte. En d'autres temps, cette affaire
eut donné lieu à un simple redressement de
comptes ; dans les circonstances actuelles,
elle devient un délit pour lequel on se pro-
pose de satisfaire une vindicte qui n'est peut-
être pas celle du peuple.
D'autres poursuites eont engagées, comme
on le verra dans notre rubrique du Parquet, à
notre quatrième page.
APRES LES ELECTIONS CANTONALES
M. Ed. Herriot célèbre
les succès
des radicaux-socialistes
« Nous sommes et nous voulons demeu-
rer, dit-il, la continuation de l'œuvre ré-
publicaine, reniée ou déformée par le
Bloc National. »
Le Comité exécutif du parti radical-radical-
socialiste s'est réuni hier soir dans les salons
du Café du Globe, boulevard de Strasbourg,
sous la présidence de M. Herriot, député du
Rhône, président du Parti.
De nombreux délégués et des personnalités
politiques assistaient à la séance. On remar-
quait la présence de MM. Painlevé, Renard,
Daladier, députés, etc.
Nombre d'orateurs firent ressortir la pous-
sée nettement imprimée à gauche dans tout le
pays, aux derniers scrutins départementaux,
et soulignèrent les succès du parti radical-so-
cialiste et du bloc des gauches dans les col-
lèges électoraux où celui-ci fut dressé en face
de la réaction.
Ensuite, M. Herriot prononça l'important
discours que nous publions ci-après :
Discours de M. Herriot
Citoyens,
Les dernières élections cantonales repré-
sentent pour le parti radical et radical-so-
cialiste un succès considérable que les sta-
tistiques les plus tendancieuses ne parvien-
nent pas à dissimuler. Le progrès de nos
idées est d'autant Dlus net Que la comparai-
abokxemekts 1 an 6m. 3 ta.
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JEUDI
25
MAI 1922
Directeur-Rédacteur en chet:
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non insérés
ne sont pas rendus
Mots d'écrit
Les députés sont revenus ; ils nous
ont apporté trente degrés à l'ombre. Au
temps de L-ouis-Philippe, Labiche se
contentait de vingt-neuf degrés à l'om-
bre. Tout augmente, décidément.
Je ne sais si nos excellents aragouins
débordent d'allégresse. Je me suis laissé
dire, comme ça, que les électeurs les
avaient battus et qu'ils n'étaient pas con-
tents. Mais on raconte tant d'histoires,
par ces jours de chaleur, que je me de-
mande si la nouvelle est exacte. Vrai !
Si la majorité de la Chambre n'avait
plus la majorité dans le pays, le Bloc na-
tional qui est l'honnêteté même démis-
sionnerait.
Ces Grands Messieurs sont les repré-
sentants du Tiers consolidé, étayé, calé
par une fortune bien acquise ; ils ont pi-
gnon sur rue, et jouissent de la considé-
ration des huissiers. Ils ne transigent ni
avec la morale ni avec les principes, et
se disent républicains comme les grands
^ancêtres.
Je les connais. Ce sont des gaillards
Intransigeants sur la question du man-
dat. Blâmés par les électeurs, ils s'en
araient ; ils seraient déjà partis ; ils au-
raient, mardi, à la séance de rentrée, re-
mis leur démission, en vrac, en bloc, à
;M. Raoul Péret.
Ils n'ont pas fait ce geste. Donc ils
sont victorieux. Le Temps doit avoir rai-
son. Le second tour de scrutin est certai-
nement une victoire pour la Droite, un
triomphe pour le Bloc national.
C'est pourquoi je ne comprends pas
très bien l'abattement qui frappe ces
Messieurs. On me raconte qu'ils ont la
mine triste, la tête baissée, et suivent tout
pensifs, de chemin des couloirs. Allons,
haut les cœurs, Messieurs. Vous êtes
tyictorieux.
*
**
M. le sénateur Soulié interpellera de-
main au Sénat sur l'affaire des fusillés
de Vingré. Il a raison. Il parlera de la ré-
forme des Conseils de guerre.Viei'lle con-
naissance. Voilà vingt ans qu'elle est à
l'ordre du jour, vingt ans qu'elle est
..transmise de-l'une à l'autre assemblée,
"jsans résultat.
; Jadis, au lendemain d'une certaine
affaire! qui fit quelque bruit dans ce
hJays, tous les radicaux voulaient radica-
lement la suppression radicale de cette
juridiction d'exception. Tous les républi-
cains étaient d'accord sur ce sujet. Et le
temps a passé, le temps qui estompe les
enthousiasmes, qui efface les souvenirs;
da grande guerre du Droit s'est abattue
sur le monde ; les cours martiales ont
',jeté dans la mort des victimes innocentes
jet sans défense. Il semble qu'aujour-
d'hui, la commission judiciaire du Sénat
pourrait se préoccuper de cette question.
Si je ne me trompe, c'est M. René Bes-
nard qui est chargé du rapport, et qui a
fait déjà un travail consciencieux et
Jutile. Il interviendra certainement dans
ce débat. Les matériaux sont à pied
id'œuvre.
Chaque jour nous apporte une nouvelle
erreur et un nouveau crime de ces tribu-
naux fonctionnant comme des machines
Distributrices de condamnations.
Vous avez lu l'histoire navrante de
tette veuve et de ses deux petits enfants
qui furent chassés d'un village, dans les
environs d'Orléans, en 1915, parce qu'on
avait affiché sur les murs de la maison
commune le jugement condamnant à
mort le mari et le père déserteur. Leur
ferme fut pillée ; les meubles dispersés ;
la pauvre femme mourut de chagrin à
l'hôpital ; les enfants erraient sur les
routes ; une vieille, à -la nuit tombante,
ifeur apportait une assiette de soupe et les
icachait dans sa cuisine. Et puis, voici
iqu'il y a un mois, on découvrit le corps
ide ce brave homme, tombé au champ
d'honneur, avec les camarade?. Alors, ce
fut la cérémonie de l'enterrement au vil-
lage ; de beaux discours, avec de la mu-
sique. Les deux petits sont dans un
asile ; et leurs compagnons leur mènent
encore la vie dure.
« C sont les misères de la guerre »,
idisent les Matamores.
Bien sûr. Seulement les misères de la
guerre n'accablent que les pauvres gens.
*
**
On annonce que, le 2 juin, à la Cham-
bre, commencera le grand débat sur l'en-
seignement secondaire, et que M. Léon
Bérard exposera ses idées et son pro-
gramme de réformes.
Il m'est arrivé assez souvent de repro-
cher à M. Léon Bérard, son manque
d'énergie pour la défense de l'enseigne-
ment national contre les institutions di-
tes libres. C'est pourquoi je suis bien à
mon aise pour reconnaître qu'il voit juste
en voulant restaurer les études classi-
ques. Depuis vingt ans, nos ministres de
l'Instruction publique ont donné furieu-
sement dans le modernisme, c'est-à-dire
dans une méthode d'éducation intellec-
tuelle, faisant fi du grec, du latin, et
n'utilisant que les langues vivantes. Ce
fut une grave erreur.
La formation de l'esprit des jeunes
hommes de France, destinés à jouer un
rôle de premier ordre dans la Cité, n'est
point accomplie, si elle n'est pas moulée
dans la vieille et indispensable étude des
lettres de l'antiquité. Nous sommes les
citoyens de la Grèce et de Rome : toute
l'histoire de notre art, de notre littéra-
ture, de nos lois, est écrite avec les sou-
venirs du Parthénon et du Forum. L'ar-
bre de France plonge ses racines dans
cette terre vénérable.
Pouvez-vous imaginer un Berthelot,
un Pasteur, un Hugo, un Jaurès sans
éducation classique ?
Ne dites point que cette conception
universitaire est antidémocratique ! La
République doit apporter au plus humble
de ses enfants dans son Lycée, le moyen
de s'élever aux plus hautes destinées.
Georges PONSOT.
Le péjiier île Ealg-Hsle
v t
Les déplorables incidents de Gleiwitz ont
soulevé, hier, à la Chambre, un fort intéres-
sant débat et motivé d'importantes déclara-
tions de M. Poincaré.
De toute évidence, le statut actuel de la
Haute-Silésie est un danger pour la paix dans
l'est de l'Europe. Il faut donc en venir, dans
le moindre délai, à la solution définitive si
l'on ne veut pas perpétuer des dissensions
dont nous Voyons chaque jour les tristes et
sanglants effets.
On annonce le retrait des troupes alliées
des territoires contestés ; c'est mettre la char-
rue devant les bœufs. Ce qu'il faut, c'est paci-
fier avant d'évacuer. Or, nous sommes loin
de l'accord si désirable, entre les Polonais et
les Allemands, dans le respect des décisions
prises par les arbitres de Genève.
La France ne peut pas abandonner ses al-
liés de l'Est ; sa parole est engagée, ses
plus grands intérêts sont en jeu. Les innom-
brables « affaires » de Haute-Silésie nous ont
créé une situation difficile, dont le président
du Conseil précisait, hier, la complexité de-
vant la Chambre.
Le régime de Haute-Silésie est hybride ; il
n'y a pas là-bas une commission des délé-
gués alliés, il y a un gouvernement spécial
dépendant de la Société des Nations. Il en
résulte un flottement des plus pénibles dans
l'administration du pays : tantôt c'est la loi
allemande que l'on applique, et tantôt la loi
polonaise. Les forces alliées sont exposées aux
attentats les plus audacieux, et nous en som-
mes encore à obtenir réparation pour le lâche
assassinat du commandant Montalègre.
Le président du Conseil a reconnu loyale-
ment le mal, il a pris l'engagement de cher-
cher - à y apporter un remède. Il n'en est
qu'un : c'est le règlement de la frontière par
l'arbitrage de la S. D. N., le règlement im-
posé strictement et contre lequel ne puissent
prévaloir ni les bandes de l'Orgesch, ni les
manœuvres pangermanistes.
On rendra cette justice à nos amis polo-
nais qu'ils ont donné l'exemple du calme. Ils
n'ont certes pas eu ce qu'ils espéraient, ce
qui leur était dû selon leurs légitimes reven-
dications historiques et ethniques ; or, depuis
l'explosion populaire que sut habilement en-
diguer Korfanty, l'apaisement s'est fait dans
le camp polonais, il reste à le faire au camp
allemand.
Le rôle de la France, dans ces circonstan-
ces, est nettement déterminé, M. Poincaré l'a
exposé avec clarté, souhaitons que son éner-
gie se manifeste dans les actes comme dans
les mots.
F. H.
Vemprunt international allemand
Le Comité international des banquiers
s'est réuni hier matin
Hier matin, à 11 heures, s'est ouverte à
l'hôtel Astoria la conférence internationale
des banquiers, qui doit, comme on sait, étu-
dier les possibilités d'organisation d'un em-
prunt international en faveur de l'Allemagne,
pour lui permettre d'acquitter une partie de
la créance des Alliés.
M. Delacroix, qui représente la Belgique, a
été désigné comme président, et M. d'Amelio,
délégué italien, vice-président.
M. Pierpont-Morgan, le banquier américain,
a pris place à droite du président, et sir Ro-
bert Kinderley, délégué de l'Angleterre, à sa
gauche.
Etaient présents en outre : MM. Sergent
(France), Vissering (PayenBas), Bergmann
Allemagne). M. Sekiba, délégué du Japon,
était absent.
M. Delacroix a pris la parole pour pronon-
cer une allocution d'ouverture, et s'est montré
particulièrement heureux de la présence à ses
côtés de M. Pierpont-Morgan.
Puis il a donné la parole à M. Bergmann,
qui a exposé la situation financière en Alle-
magne.
A la Commission des réparations
La Commission des réparations s'est réunie
hier après-midi en séance officieuse pour exa-
miner les résultats acquis après les conversa-
tions avec M. Hermès, délégué de l'Allemagne,
et continuer l'étude des questions en suspens.
Le départ de la mission allemande
A 10 heures, hier soir, la mission alleman-
de, composée de 20 pensonnes, est partie pour
Berlin.
Pour fêter le 11 novembre
La proposition de M. Thuonyre s'inspire
d'une louable pensée. L'honorable député
veut que l'on fête l'armistice, non pas le
15 ou le 18 novembre, mais le 11. Pour cela,
il demande la suppression des « ponts » du
lundi du 31 octobre au 1" avril. Car, savez-
vous :a mauvaise i oison d? !\n a d:>:iaé
pour supprimer le 11 novembre ? C'est que
nous avions trop de fêtes, que nous perdions
déjà tror de temps. M. Thoun.vre avec la
suppression des « ponts » propose de récu-
pérer 28 jours de vacances. Les adversaires
du 11 novembre, s'ils repoussent la proposi-
tion qui va leur être soumise, devront alors
dire pourquoi ils ne veulent pas qu'on fête
l'armistice.
On s'étonne, du reste, d'avoir en France, à
demander une fête officielle pour le 11 no-
vembre l ,-
LA BATAILLE ECONOMIQUE
'*
DE PARIS à LEIPZIG
■'-'»»OC<«<> • —11
La Foire de Leipzig, manifestation formidable
de l'essor économique allemand,
doit être pour nous un avertissement et une leçon
———————— 5
Il y a deux catégories de gens que nous
avons intérêt à surveiller de très près : ce
sont nos débiteurs, de la situation desquels
peut dépendre notre fortune, et nos enne-
mis, dont l'attitude met en jeu ntore sécu-
rité. L'Allemagne appartient à la fois à l'une
et l'autre de ces catégories. Si elle s'appau-
vrit, elle sera hors d'état de nous payer; si
elle prospère, il n'est pas absolument sûr
qu'elle nous paie, bien qu'elle puisse le fai-
re; mais cette prospérité risque de deve-
nir une formidable menace pour notre pro-
duction et nos industries.
Aussi devrions-nous, au point de vue écono-
mique, sans parler ici des autres, exercer
sur elle une surveillance incessante et minu-
tieuse. Pour apparaître efficace, cette sur.
veillance devrait être le fait des industriels
eux-mêmes. La Foire de Leipzig leur offrait
pour cela une occasion singulièrement fa-
vorable. Cependant, bien rares furent ceux
qui comprirent qu'il y avait là pour eux un
devoir peut-être pénible, mais en tous cas
impérieux.
L'un de ces derniers, M. Pierre François,
qui occupe une situation considérable dans
l'une des branches les plus importantes de
notre industrie, raconte dans le dernier nu-
méro de la «Vie activer ses impressions
de voyage.
Cet article écrit avec la simplicité et l'au-
torité d'un homme qui sait voir, comprendre
et retenir, constitue un document que tous
les Français soucieux de l'essor économique
de notre pays devraient connaître. Il a pro-
duit sur moi une impression profonde; et
nos lecteurs me sauront gré de l'analyser.
*
♦ *
L'auteur énumère tout d'abord les pré-
venances de l'administration de la Foire,
qui, avant même le départ des visiteurs éven-
tuels, s'efforce de faciliter leur voyage et
leur séjour. Elle leur fait parvenir une car.
te leur permettant de circuler librement
dans tous les stands et palais de l'Exposi-
tion et leur assurant la protection des auto-
rités, elle les prévient du prix élevé des hô-
tels et, après les avoir invités à loger chez
l'habitant, leur choisi t,suivant leur situation
sociale ou leurs convenances, un logement
et leur remet une autre carte comportant,
avec l'atlresse, Ma description de celui-ci,
ges caractéristiques et lé prix s'élevant, en
moyenne, èr quarante marks par lit, ce qui,
au cours du change correspondait à moins
de deux francs.
A la frontière, les formalités sont réduites
au minimum; puis de Cologne à Hanovre,
c'est-à-dire sur un parcours de trois cents
kilomètres environ c'est une suite ininter-
rompue d'usines métallurgiques, usines de
produits chimiques et de matériel électri-
que, etc.; les hauts fourneaux crachent le
feu, les cheminées d'usines déversent de lon-
gues colonnes de fumée et les quais des ga-
res regorgent de marchandises prêtes à être
expédiées. »
On traverse ensuite les provinces agrico-
les de Brunswick et de Magdebourg, dont
les champs offrent une belle tenue, bien
que l'effort cultural y soit moins apparent
que dans la zone industrielle. Enfin, voici
l'arrivée à Leipzig, qui, avec ses vingt voies
ferrées, est, affirment les Allemands la plus
'grande gare d'Europe.
♦
#*
A partir de ce moment, la Foire vous sai-
sit, et une gigantesque banderolle vous pré-
vient que la Maison S. se tient à votre dis-
position pour toutes les formalités douaniè-
res à effectuer pour l'exportation de vos
achats.
Voici notre voyageur à la Foire elle-mê-
me, qui se divise en deux parties distinc-
tes : la foire aux échantillons et la foire
technique. La première est pour lui une sur-
prise :
« Imaginez, en effet,tout un quartier de
« Paris, celui de l'Opéra, par exemple, ayant
« pour parallèles : d'un côté le boulevard
« des Capucines (de la rue Caumartin à la
« rue Scribe) et le boulevard Haussmann
« sur la même longueur ; de l'autre les
« rues Caumartin et Auber ; imaginez enco-
!« re que 50 à 60 0/0 des immeubles de ce
« parallélogramme soient transformés en pa-
« lais de foire, c'est-à-dire pouvant servir,
« par une appropriation intérieure prévue
« par avance, à l'exposition de tous les pro-
« duits ou articles capables d'intéresser les
« visiteurs d'une foire ; figurez-vous, enfin,
« les rues du quartier dont il s'agit sillon-
« nées d'affiches et bariolées d'étendards
« suspendus et vous aurez une idée approxi-
« mative de ce qu'est la « Mustermesse »,
« qui se trouve située dans le quartier le
« plus central de Leipzig, à deux pas de la
« gare principale « Hauptbanhof ».
< La foire technique se différencie de la
foire aux échantillons en ce sens qu'elle
sert uniquement d'exposition industrielle,
non pas seulement théorique, mais pratique.
Car, dans tous les stands, à de rares excep-
tions près, les machines exposées fonction-
nant et sont en mouvement toute la jour-
née. Chaque hall comprend pour la facilité
de la visite des genres d'industries bien dé-
terminés. Le hall dit hall central, vaste bâti-
ment en ciment armé qui se dresse à l'ex-
trémité de l'avenue principale, est le mono-
pole des exposants de la « Verein deustcher
Werkzeugmaschinen fabriken », autrement
dit « Deutsche Werke » (du syndicat de l'In-
dustrie métallurgique allemande). Tout ce
qui concerne la production métallurgique
d'outre-Rhin se trouve concentré dans ces
lieux. >
Les diverses industries étaient réparties
dans une vingtaine d'autres halls; et, de-
vant chacun d'eux se trouvaient réservés
des emplacements, où étaient exposées des
machines diverses : bateaux et canots auto-
mobiles, voitures et camions, autos, machi-
nes pour procédés économiques de cons-
truction, etc.
Pendant toute la durée de la Foire, une
compagnie de transports aériens mettait des
avions d'excursions à la disposition des
étrangers afin de permettre à ceux-ci de se
rendre compte de l'ensemble de cette exposi-
tion et du panorama de la ville même de
Leipzig.
M. Pierre François signale la complaisan-
ce et l'amabilité — sincère ou non — avec
lesquelles les Allemands cherchent à vain-
cre l'hostilité, dont ils se savent l'objet. Des
jeunes ingénieurs ne se contentent pas de
fournir aux visiteurs des indications com-
plètes, mais encore offrant de. transformer
les marchandises ou machines exposées en
vue de les adapter aux besoins des intéres-
sés. Ils acceptent même les plans qu'on leur
offre en vue d'études ultérieurs. Si l'un des
exposants n'a pas ce qu'on lui demande, il
s'empresse de conduire le client éventuel
chez celui de ses concurrents susceptible de
le fournir. Il y a là une manifestation de
solidarité, dont bien des Français pourraient
parfois (faire leur profit.
De cette intense et formidable grouillement
industriel, qui dépasse tout ce qui avait été
fait auparavant, M. Pierre François est sorti
un peu angoissé. Il a compris que « les
Allemands restent les gens du Deutschland
Uber Ailes. Ayant perdu la guerre militaire,
ils n'ont plus qu'une idée en tête : s'assurer
la victoire économique. Ils en prennent le
chemin »
Tout cela devrait être vu et il est bon que
cela soit dit. Il y a là, pour nous, un avertis-
sement et aussi une leçon. Au cours de la
guerre, et pour vaincre les Allemands, nous
n'avons pas hésité à leur emprunter leurs
procédés militaires ; pour lutter contre eux
sur le terrain industriel, nous devons égale-
ment les imiter, d'abord dans cette merveil-
leuse organisation, qui constitue leur force
principale, et aussi pour certaines méthodes
commerciales qui choquent un peu le tact et
la dignité du commerce français, mais qui
sont nécessaires pour obtenir la victoire.
La Foire de Paris, dans sa mignifique ma-
nifestation de cette année s'e?^ surpassée
elle-même ; souhaitons, qu'au cours des an-
nées prochaines, elle surpasse la foire de
Leipzig. Nous industriels peuvent le faire.
Ils le feront.
MAITRE-JACQUES.
LA LEÇON D'UNE CATASTROPHE
Cent existences pour une panique
Des réglements de sécurité bien édictés mais mal appliqués. — Le danger
de la suppression du professionnel et de l'embauche libre. — Les équi-
pages français offrent aux voyageurs le maximum de garanties
————————— a —————————
L'abordage du liner Egypt par la vapeur
français la Seine appelle à nouveau l'atten-
tion sur les règlements maritimes. de sécurité.
Après chaque catastrophe du même ordre,
les compétences se préoccupent de remanier
ou de perfectionner ces règlements, puis l'on
s'en désintéresse pour recommencer à la pre-
mière occasion.
Je ne me fais d'ailleurs aucune illusion sur
l'efficacité des prescriptions édictées par les
conventions internationales. Je sais par expé-
rience que, parfaites dans leurs conceptions,
elles restent inopérantes en pratique parce
que pas ou mal appliquées systématiquement.
Mais ceci, personne ne le signale, car si les
candidats passagers savaient de quelle maniè.
re l'on procède dans tous les pays du monde
aux épreuves de résistance des coques et cloi-
sons étanches, aux examens et essais des ca-
nots et engins de sauvetage, des chaudières
et machines, des appareils d'épuisement ou
pompes, etc., malgré le triple airain du poète,
ils ne se décideraient jamais à exposer leur
vie et leur fortune sur les flots.
Heureusement l'accident est l'exception. La
chance, ou plutôt la guigne, joue ici un grand
rôle, et, tout. compte fait, les passagers de
l'Egypt — dont, soit dit en passant, la coque
semble avoir été bien fragile — n'étaient pas
plus en danger que, par exemple, les voyageurs
de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est.
Comme à bord de la plupart des navires, sur
l'Egypt, les ceintures de natation n'étaient
sans doute pas facilement accessibles ; les ca-
nots et-baleinières de sauvetage, solidement
amarrés sur leurs chantiers, ne-oouvaient être
mis là la mer qu'avec difficulté, et rien n'avait
été prévu pour parer à une éventualité aussi
redoutable. Ceci ressort des premières infor-
mations publiées à propos du naufrage et l'on
ne peut en douter si ron sait que ces regret-
tables errements sont conformes aux usages
de la vie maritime.
Pour qu'il en soit autrement, il faudrait
changer de fond en comble une mentalité col-
lective. Est-il, dans le monde entier, un seul
capitaine qui, dès le départ, prescrive pour
ses passagers et son équipage un exercice de
sauvetage ? A bord de quel navire, dans les
passages dangereux, par temps de brume ou
en toute autre circonstance critique, les em-
barcations, radeaux, flotteurs aient été desai-
siis, prêts à mettre à flot ? Les passagers et
gens de l'équipage aient reçu l'ordre de se
munir des ceintures ?
On attend pour cela le dernier moment. Des
mesures aussi logiques rendraient ridicule ce-
lui qui les prescrirait d'avance. Oui, mais il
est généralement trop tard lorsqu'elles sont
ordonnées, et tel capitaine qui croit avoir fait
son devoir jusqu'au bout, a le désespoir de con-
templer sur les dalles d'une morgue les cada-
vres de ceux qu'il devait mener à bon port.
A ces négligences traditionnelles, dans le
cas de VEgypt, il faut ajouter une cause de
perte supplémentaire : l'équipage de ce paque-
bot, comme celui de presque tous les paque-
bots anglais, allemands et américains, était
formé d'Indiens et de noirs, à l'exception des
spécialistes et des officiers. Ces Indiens, d'a-
près les premières dépositions, en proie à la
panique dès l'abordage, sourds aux ordres de
leurs chefs, se ruèrent sur les embarcations
dans une panique indescriptible, et leur ac-
cès de folie collective eut de terribles consé-
quences, puisque l'on enregistre cent et quel-
ques victimes, passagers pour la plupart et
qui auraient dû normalement être sauvées.
Et voici où je veux en venir :
Au coure de ma carrière, j'ai pu, comme
tous les capitaines, faire la différence entre
la valeur morale et technique de nos équipa-
ges de marins professionnels et celle des ma-
rins d'occasion — européens, indiens, chi-
nois ou noirs — tels qu'on les utilise dans les
marines étrangères. Jamais, dans les circors-
tances les plus critiques, je n'ai vu nos mate-
lots en proie à la panique. Tous mes camar*
des sont, j'en suis certain, du même avis et
s'associeront de tout cœur à l'hommage que j.-î
tiens à rendre ici à nos compagnons de navi-
gation. Avec eux, la panique de l'Egypt n'au-
rait pas eu lieu et ses conséquences ne se-
raient pas à regretter.
Au contraire, maintes fois, les équipages
étrangers, d'indigènes ou de marins d'occa-
sion, ont agi comme les coolies indiens de
l'Egypt et les passagers ont toujours payé les
pots cassés.
A bord d'un navire français, les marins fran-
çais, conscients de leur devoir, exécutant avec
intelligence les ordres de leurs officiers, ne se
seraient pas rués sur les baleinières et au-
raient fait l'impossible pour sauver leurs pas-
sagers sans même songer à leur propre sé-
curité.
Victor RIOU.
Capitaine au long cours.
LE PRIX DU PAIN
Quels sont les véritables responsables
de la hausse ?
II convient de situer les responsabilités.
Nous devrons l'augmentation du prix du
pain non pas à la commission consultative,
non aux boulangers, mais bien à la politique
économique du gouvernement.
Les boulangers ont demandé l'augmentation
du prix du pain. Ils étaient parfaitement dans
leur droit. La farine, qui a valu 96 fr. le quin-
tal, en coûte aujourd'hui 104.
Il est juste que le pain montre de 0 fr. 05
quand on a exigé que son prix suive la baisse
des farines.
Mais le coupable, celui qui est à l'origine du
mal, c'est celui qui a fait la farine chère.
M. Lefebvre du Prey a porté, l'été dernier,
de 7 tfr. à 14 fr. les droits douaniers sur l'im-
portation du blé au quintal.
M. Chéron, suivant la tradition, a frappé
lourdement l'entrée des beurres étrangers, a
ouvert la porte de sortie à la viande et lui a
interdit l'entrée du marché français. Voilà la
politique économique que se lèguent comme
un héritage sacré tous les ministres qui se
sont succédé rue de Varenne. Politique de vie
chère, politique de surenchère électorale, dont
l'immense masse des consommateurs urbains
paie les frais. :
Le pain va être augmenté. Que M. Chéron
ne déplore pas l'avis donné par la commis-
sion consultative. Qu'il ne dise pas : « Voyez,
je ne peux pas faire autrement. »
Si M. Chéron autorise l'augmentation du
prix du pain, c'est qu'il se souciera fort peu
de la chose, voire même d'une baisse possible.
M. Chéron sait bien qu'il peut ramener à
un tarif plus raisonnable les tarifs douaniers
dont sont frappés l'entrée des blés et des fa-
rines. Les cours baisseront immédiatement à
la Bourse du commerce et il ne sera nul be-
soin d'augmenter la taxe préfectorale sur le
prix du pain.
Mais ceci fâcherait peut-être les agricul-
teurs.
Je cherche vainement
une estampille pour mon briquet
Si vous possédez un briquet, soit qu'on
vous en ait fait cadeau, y oit que vous l'ayez
vous-même fabriqué, et si ce briquet n'a
pas d'estampille, il vous sera impossible de
vous mettre en règle avec 1 aloi.
J'ai un briquet auquel je tiens beaucoup,
mais il n'est pas estampillé. Redoutant d'a-
voir à m'expliquer un jour, avec des fonc-
tionnaires des contributions indirectes, je ré-
solus de réparer cet oubli et je rentrais dans
un bureau de tabac à la vitrine bien acha-
landée.
— Une estampille pour un briquet ?
— Nous n'en tenons pas, me répond la pa-
tronne de céans. Nous vendons des briquets
qui sont tous estampillés.
— Merci, j'ai un briquet. Où faut-il m'a-
dresser pour le faire estampiller.
— Je n'en sais rien.
J'avisais alors, à l'angle de deux rues, un
petit vieillard, dont le métier, à en juger
par son attirail, était de réparer et de faire
des briquets.
—■ Avez-vous une estampille ?
— Non monsieur, je n'en vends pas.
— Mais qui, alors ?
— La Régie.
Il prononça ce mot avec un respect amu-
sant comme une chose mystérieuse et toute
puissante.
— Mais où ?
— A la Régie.
C'est tout ce que j'en ai pu tirer. Déses-
pérant de jamais pouvoir posséder une estam-
pille et craignant de faire connaissance
avec la Régie de désagréable façon, je ra-
menais mon briquet dans un tiroir.
Mais pourquoi, la Régie, qu'on ne sait
véritablement où trouver quand on la cher-
che, n'approvisionne-t-elle pas les bureaux
de tabac d'estampilles à briquets, comme ils
le sont de plaques à bicyclettes ?
Une exposition flottante
sur la Vistule
Varsovie, 24 mai. — Les journaux annon-
cent que la première exposition flottante sur
la Vistule, projetée encore l'année dernière,
sera organisée cet été. Toute une flottile de
vapeurs aménagés spécialement emportera
les produits, échantillons des plus importan-
tes firmes polonaise et quittera Cracovie le
17 mai. Elle s'arrêtera dans les ports de
toutes les villes se trouvant sur la Vistule,
faisant escale pedant 2 ou 3 jours dans cha-
cune d'elles. On trouvera sur ces vapeurs un
restaurant, un cinématographe me salle île
conférence, un bureau de poste, une succur-
sale de la Caisse polonaise d'épargne et un
comptoir de plusieurs banques privées.
Dans les milieux commerciaux, on attache
un grand intérêt aux expositions mobiles. Le
succès de cette première expérience s'annon-
ce très brillant. Les organisateurs ont d'ail-
leurs fait tout leur possible pour que cette
première tentative réussise. On déclare d'au-
tre part que, plus tard, les exposants étran-
gers seront admis à participer aux exposi-
tions flottantes.
LES AVATARS DE LA B. 1. C.
Les étapes
du renflouement
Entre deux tactiques
M. Thion de la B. 1. choisit astucieusement
celle de l'abstention
Il est aussi absurde de croire que la Ban-
que de l'Indo-Chine se désintéresse du sort
de la B. I. C., qu'il pourrait l'être' de suppo-
ser que le loup se désintéresse de sa proie.
Cependant, il semble certain que nulle solli-
citation officielle n'a pu déterminer M. Thion
à souscrire une piastre dans le capital de
10 millions (un quart versé), à l'aide duquel
on va constituer une société fermière ou
auxiliaire — comme il vous plaira — de la
Banque Industrielle de Chine.
Le plan, conçu nous affirme-t-on, par M.
Porte, président du tribunal de commerce,
consiste à substituer immédiatement un or-
ganisme provisoire à la Banque « coulée »,
en attendant que les dispositions définitives
puissent être réalisées. La durée de la société
nouvelle, au dire de ses promoteurs, ne de-
vrait pas excéder deux ou trois années.
On aurait renoncé à l'escompte de l'indem-
nité dites tie f Boxers ; on ie contente t a >t
d'encaisser les versements chinois, au fur et
à mesure de leurs échéances, dans l'ordre
d'un tableau déjà fixé.
Quant aux déposants, ils seraient divisés
en catégories, les unes touchant leurs dû,
les autres n'en recevant que l'intérêt.
Il y aurait, sans doute, quelques critiques
à faire de cette conception, notamment en ce
qui concerne le non-remboursement des gros
dépôts, étant donné le risque de mettre en
déconfiture les affaires qu'ils intéressent.
Mais, c'est déjà quelque chose d'avoir étudié
un système.
Le point important, c'est apparemment le
refus de la B. I. d'entrer dans la combi-
naison nouvelle.
M. Thion de La Chaume, ayant vaincu,
se retire sous sa tente, il déclare qu'il ne
veut plus être accusé de multipli; r d'inatiles
perfidies contre l'établissement qu'il a tué.
Il croit qu'on ne galvanisera pas ce cada-
vre et, si d'aventure un miracle se produi-
sait, il. surveillerait, à l'aide d'amicales com-
plaisances, ces évolutions du macchabée ré-
calcitrant.
Le directeur général de la Banque de
l'Indo-Chine a tout prévu, hormis une seule
chose, dont il ne manquera pas d'être un
peu surpris : le transport de son privilè-
ge à la Banque Industrielle de Chine recons-
tituée en Banque d'Etat.
Ce dernier projet est à l'étude ; il sera
présenté au Parlement. Il est le seul logique
le aeul honnête, le seul salutaire.
P. D.
La 8.1. C. en correctionnelle
Les poursuites contre M. Pernotte
Après une instruction activement et soi
gneusement conduite par M. Richaud, sui
les trois inculpations qui visaient M. J. Per
notte, ancien directeur général de la B.I.C.
une seule a été retenue : L'affaire dite de.
taëls, les autres visant l'émission des bon:
de la Société du Pacifique et les plaintet.
d'actionnaires de la Banque Industrielle d,
Chine ont dû être abandonnées.
M. Pernotte est renvoyé en correction-
nelle, nous avons dit ici, au moment où l'on
crut devoir procéder à l'arrestation de l'an-
cien directeur de la B. I. C., en quoi con-
sistait les charges relevées contre lui. Le
conseil d'administration ayant alloué à M.
Pernotte une gratification de 200.000 francs
pour les immenses services rendus à la Ban-
que, il en fut crédité à Pékin, selon les usages
constants, en taëls et non en francs. Sur les
66.000 taëls représentant cette gratification,
10.000 dus personnellement par M. Pernotte
furent remboursés à la Banque, les 55.000
autres furent passés au crédit du directeur
au taux de 9 et non au taux de 22 francs,
ainsi que cela fut publié par erreur — le taux
normal du taël étant 3 francs.
On demande compte à l'inculpé de la diffé-
rence entre les 200.000 francs votés par le
conseil et la somme totale dont fut crédité
M. Pernotte. En d'autres temps, cette affaire
eut donné lieu à un simple redressement de
comptes ; dans les circonstances actuelles,
elle devient un délit pour lequel on se pro-
pose de satisfaire une vindicte qui n'est peut-
être pas celle du peuple.
D'autres poursuites eont engagées, comme
on le verra dans notre rubrique du Parquet, à
notre quatrième page.
APRES LES ELECTIONS CANTONALES
M. Ed. Herriot célèbre
les succès
des radicaux-socialistes
« Nous sommes et nous voulons demeu-
rer, dit-il, la continuation de l'œuvre ré-
publicaine, reniée ou déformée par le
Bloc National. »
Le Comité exécutif du parti radical-radical-
socialiste s'est réuni hier soir dans les salons
du Café du Globe, boulevard de Strasbourg,
sous la présidence de M. Herriot, député du
Rhône, président du Parti.
De nombreux délégués et des personnalités
politiques assistaient à la séance. On remar-
quait la présence de MM. Painlevé, Renard,
Daladier, députés, etc.
Nombre d'orateurs firent ressortir la pous-
sée nettement imprimée à gauche dans tout le
pays, aux derniers scrutins départementaux,
et soulignèrent les succès du parti radical-so-
cialiste et du bloc des gauches dans les col-
lèges électoraux où celui-ci fut dressé en face
de la réaction.
Ensuite, M. Herriot prononça l'important
discours que nous publions ci-après :
Discours de M. Herriot
Citoyens,
Les dernières élections cantonales repré-
sentent pour le parti radical et radical-so-
cialiste un succès considérable que les sta-
tistiques les plus tendancieuses ne parvien-
nent pas à dissimuler. Le progrès de nos
idées est d'autant Dlus net Que la comparai-
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