Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-04-28
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 avril 1922 28 avril 1922
Description : 1922/04/28 (N16343,A46). 1922/04/28 (N16343,A46).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
Le Numéro : 10 Cmes
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La Lanterne
46* ANNEE -N* 16.343
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28 -
AVRIL 1922
Directeur-Rédacteur u chef i
FELIX- HAUTFORT
Les manuscrits non Cuir"
ne sont pas rendus
v ; ■-
Les imperfections
du Code civil
vues de la brousse
C'est en voyageant au fond des brous-
ses africaines que j'ai eu tout récem-
ment l'occasion de me rendre facilement
compte des nombreuses imperfections
pe notre législation actuelle.
Je me rappelle, entre autres choses,
une histoire drôle, que je vais vous con-
ter.
Elle se passc, par là, du côté de Boua-
ké, en Côte d'Ivoire.
Depuis le matin nous avions voyagé
par 400 de chaleur, forçant nos moteurs
pour arriver avant la nuit au campe-
ment. Mais, malgré la bonne volonté
évidente de nos chauffeurs, et la nôtre,
nous dûmes nous arrêter en route, à
proximité d'un grand village « bobo »
pour passer la nuit sur nos. lits de camp.
Je vois toujours cette kyrielle de mar-
inots tout nus envahissant le court es-
pace où étaient rangées nos voitures.
Nos miliciens avaient les plus grandes
- peines du monde 'à les faire circuler.
Au pays noir, les nouvelles vont vite.
Nous étions à peine installés que les
gens du village savaient qu'un grand
« toubab » s'était arrêté chez eux.
Le grand, « toubab M, c'est un sem-
blantde divinité, approchant de très près
le soleil et la lune, ayant les plus grands
pouvoirs. * ;
Et c'est pour cela que les demandes les
plus baroques ne manquèrent de m'as-
saillira dès mon arrivée.
La plus étonnante fut celle d'une jeu-
ne négresse qui vint, me voir la dernière,
et m'exposa son cas, dans un français
assez. correct.
La brave fille était mariée, à la fran-
çaise, avec un sergent noir démobilisé,
et voulait divorcer..
- Moi y a plus content avec Bokary,
mariage y. a fini, moi content divorcer.
— As-tu des enfants, questionnai-je ?
y a pas.
Ton mari t'a battue ?
"-- Non. Bokary y a pas méchant.
«—Alors .', .,'
-- Moi, y à content mariage fini.
'Je voulus voir * le mari. 'Une heure
après, il arrivait, flambant neuf, la ché-
chia-sur le coin de l'oreille.
— Ta femme demande le divorce, lui
dis-je. Es-tu consentant ? As-tu à te
plaindre'd'elle ? -
— Non, mon fenime y a bon, mais
moi content fini mariage. français.
Je commençais à comprendre que cet
excellent noir, d'origine sénégalaise, ci-
toyen d'une commune de plein exercice,
n'était-pas satisfait des rigueurs de no-
t.re code, et qu'en bon polygame, il de-
mandait l'annulation de son mariage.
Le cas était cocasse.
Le lendemain, je faisais monter en
voiture ce couple original et l'amenais
devant l'administrateur du cercle où
nous devions passer la journée. :
Homme et femme, la main dans la
main, réitèrent leur désir:
— Nous, pas d'enfants. Nous contents
divorcer parce que plus contents mariés.
Impassible, l'administrateur ouvrit le
Code civil et lut :
Art. 229. - « Le mari pourra deman-
der le divorce pour cause d'adultère de
sa femme. »
Art. 230. — « La femme pourra de-
mander le divorce pour cause d'adultère
de son mari. »
A rt. 231. - « Les époux pourront réci-
proquement demander le divorce pour
excès, sévices ou injures graves, de l'un
d'eux envers l'autre. » ,.
Art. 232. — « La condamnation de l'un
des époux à une peine afflictive et infa-
mante sera pour l'autre époux une cause
de divorce. »
En-fin, enflant la voix, l'administra-,'
teur ajouta :
Art. 233. - « Le divorce par consente-
ment mutuel est interdit. »
Les époux n'avaient plus qu'à décam-
per. C'est ce qu'ils firent. Mais le lende-
main ils étaient de retour à la résidence,
un large sourire leur fendant la bouche
jusqu'aux oreilles.
— Y a bon, monsieur l'administrateur,
dit le mari au représentant de, l'autorité.
Hier tu as lu Code civil. Cette nuit, moi
y a fait adultère contre mon femme, et
• mon femme y a fait adultère contre moi.
Témoins y a à la porte. Nous, y a deman-
der maintenant divorce « réglemen-
taire ». ,.
L'administrateur s'inclina. Il était, de
par ses fonctions, président du tribunal
indigène. Le divorce fut prononcé à la
première séance.
Voilà les beautés de notre Code civil.
J'avoue que si les noirs de l'Afrique en
sont étonnés, de leur côté beaucôup de
Français n'ont pas lieu d'en être satis-
faits.
., GEORGES-BARTHELEMY,
Réputé 4M Pas^te-Calait* 1
UN SCANDALE
au cimetière de Villejuif
L'entrepreneur-adjudicataire est responsable
Des sanctions seront prises
On sait l'odieuse exploitation dont sont vic-
times les familles qui se rendent sur l'an-
cien front, pour assister à l'exhumation d'un
des leurs.
Certains hôteliers, sans respect pour la
douleur de ces pauvres gens, les entassent
pour la nuit, dix dans une même chambre,
leur réclamant à chacun un prix qui serait
déjà abusif s'ils avaient été seuls dans la
pièce.
Exploitation sur le prix du repas, sur les
tarifs des voitures, pourboire exigé par les
fossoyeurs : un calvaire fait de déchirantes
stations.
Mais, hélas, le peu de respect qu'on témoi-
gne aux familles des morts, de nos morts,
n'est pas le monopole de la zone dévastée. A
la porte de Paris, à Villejuif, un entrepreneur
de pompes funèbres vient de témoigner d'une
si coupable négligence, que des sanctions
doivent être prises.
Cinquante-quatre exhumations militaires
devaient avoir lieu mardi matin, à 8 heures,
au cimetière de Villejuif. Des familles étaient
venues de tous les coins de France. - Il ne
manquait que les cercueils. Au bout d'une
heure d'attente, l'entrepreneur chargé de les
fournir, fit dire qu'il ne pouvait les envoyer
qu'à une heure de l'après-midi. A une heure
de l'après-midi, les familles étaient là de nou-
veau. L'entrepreneur fit dire de patienter un
peu, jusqu'à trois heures. A trois heures, la
même lamentable comédie recommença.
Les parents à qui, depuis le matin, on infli-
geait le supplice de contempler les restes de
leurs enfants dans de vieux cercueils béants,
exposés à la pluie, se fâchèrent.
Au cimetière de Vincennes, le même scan-
dale avait lieu le même jour. Les familles,
Ici encore, manifestèrent une indignation
compréhensible.
Au cimetière de Bagneux, mercredi, sur 105
exhumations prévues dans la matinée, quatre
seulement purent avoir lieu. On n'avait pas
reçu les cercueils pour pouvoir faire les au-
tres !
Entrepreneurs-adjudicataires
Dans la zone de l'intérieur — c'est le cas
de Villejuif — des entrepreneurs sont char-
gés, à la suite d'adjudications, de convoquer
les familles et de procéder aux exhumations.
L'administration militaire leur fournit les cer-
cueils et les suaires. Ce sont eux qui fixent
le jour et l'heure des exhumations. ',. -
Dans le scandale de Villejuif, l'entrepre-
neur adjudicataire est seul coupable. Il avait
convoqué les 54 familles, toutes pour 8 heu-
res du matin et, se disant débordé, n'avait
même pas pris livraison des cercueils.
Nous croyons savoir que des sanctions vont
être prises contre cet entrepreneur ; sanc-
tions qui se traduiront par une forte amende
et peut-être aussi par le retrait de sa charge,
pi pareil fait se renouvelle.
D'autre part, les familles qui ont été As-
treintes à ce pénible et inutile déplacement
recevront une indemnité. Elles devront s'a-
dresser à l'intendant Bezonches, chef du ser-
vice de la restitution des corps, au ministère
de la guerre. — R. D.
; G.. ¡¡:
L'INÊVITABLE
Dès qu'il fut question de limiter les débats
officiels de la Conférence de Gênes, nous
avons, ici même, dénoncé 1-e danger. Nous
avons montré comment, avec l'ordre du jour
restreint, la réunion devenait inutile, dès lors
dangereuse.
On ne devait aborder ni la question des
réparations, ni la revision du Traité de Ver-
,- sailles, ni la reconnaissance des Soviets. Or,
les Allemands ne vinrent à Gênes que dans
l'espoir de rouvrir la discussion sur nos créan-
ces et sur le Traité ; les Russes ne firent le
voyage que pour être reconnus « de jure » et
contracter tout aussitôt un emprunt.
Il est arrivé ce qu'il était trop aisé de pré-
voir ; des palabres s'établirent en marge de
la réunion officielle, il en est déjà sorti le
traité germano-russe, qu'en peut-il sortir en-
core ? r
M. Lloyd George, poursuivant sa politique
de « démagogie européenne », entend convo-
quer un Conseil suprême interallié à Gênes,
pour y parler de l'échéance fixée par la
C.D.R. au 31 mai, en sauvegardant apparem-
ment le programme exclusif arrêté à Cannes
et à Boulogne. Il est difficile d'entrer aussi
complètement dans les vues de Berlin.
t D'autre part, on annonce l'intention du
Premier anglais de réunir les représentants
des puissances signataires du Traité de Ver-
sailles. Pourquoi donc ? sinon pour en étu-
dier la révision. Décidément, M. Lloyd
George n'est pas loin d'être d'accord avec le
grand « réviseur » - anglais J. Meynard
Keynes.
Mais nous ? Que devenons-nous dans ces
palabres ? Nous, qui sommes partis à Gênes
avec le bon biJlet de Boulogne ?
Tout est mené, il faut le reconnaître, avec
une logique admirable pour aboutir à notre
confusion.
Si M. Poincaré décline l'invitation qui
lui est faite, nos innombrables adversai-
res proclameront notre refus à toute expli-
cation ; si le président du Conseil se rend à
Gênes, il doit envisager l'abandon de sa po-
litique d'intransigeance sur notre droit ou une
nouvelle période de tension avec nos Alliés.
Et c'est là que nous a conduit insidieuse-
ment la politique britannique, infiniment plus
redoutable. que celle de Tchitcherine.
—T - l. II.
UNE CONFÉRENCE QUI PIÉTINE.
I
M. Poincaré ira-t-il à Gênes ?
Les ministres se sont réunis hier deux fois en Conseil de
cabinet, mais il semble qu'aucune décision n'ait encore été prise
■■■* Q ———————
Nous avons annoncé hier qu'une proposi-
tion aurait été faite par M .Lloyd George, ten-
dant à réunir le plus tôt possible et, semble-
t-il, avant la clôture de la Conférence de Gê-
nes, les délégués des gouvernements alliés, en
vue d'examiner les conséquences du traité ger-
mano-russe et, en même temps, la question de
l'échéance du 31 mai.
On affirmait également de divers côtés que
la suggestion du premier ministre britannique
aurait l'entière approbation du président du
Conseil, et que le: lieu et la date de cette sorts
de Conseil suprême n'étaient qu'une question
de possibilités, dépendant à la fois du retour
en France du président de 'la République et
de la date à laquelle la Conférence de Gênes
aura terminé ses travaux.
Il est parfaitement exact que M. Lloyd
George a fait à M. Barthou une semblable
proposition, qui a été transmise aussitôt à
Paris, et qu'ont examinée hier les ministres
réunis en deux conseils de cabinet. Il est non
moins exact qu'aucune objection de principe
ne saurait; être faite par le gouvernement
français à une réunion des délégués alliés.
Mais il s'agit de bien s'entendre sur le sens
et la portée de la proposition anglaise.
Or, il parait résulter des renseignements
parvenus de Gênes à Paris que la suggestion
de M. Lloyd George ne vise que l'examen, par
les chefs des gouvernements alliés, des me-
sures à prendre ou des sanctions éventuelles
en prévision de l'échéance du 31 mai.
L'impression dominante à Paris, en présen-
ce de ces précisions nouvelles, est que l'objet
limité ainsi assigné à la. réunion projetée est
du ressort de la Commission des réparations.
La thèse française n'a pas varié : une discus-
sion préalable à la date du 31 mai, touchant
les sanctions à prendre contre l'AHemagne,
pourrait avoir pour effet de remettre en ques-
tion le principe même des réparations, d'ou-
vrir en tout cas la voie à de nouvelles conces-
sions ou à de nouveaux compromis, et de met-
tre en un mot la charrue devant les bœufs.,
Dans son discours de Bar-Ie-'Duc, M. Poincaré
a déclaré que : « Quoi qu'il arrive de la Con-
férence, on aurait à examiner sans retard,,
entre Alliés, le fait nouveau créé par la con-
vention germano-russe. » Mais nous ne croyons
pas que, dans sa pensée, la question des répa-
rations constitue un fait nouveau.
La matinée de MM. Barthou et Seydoox
Gênes, 27- avril. '-M. Barthou a passé la
matinée à travailler avec ses collaborateurs
à la villa Raggio. ':'-".
M. Seydoux a continué avec les experts fran-
çais l'examen des conditions qui seront pré-
sentées à la délégation russe dans une séance
de la sous-commission des affaires russes qui
se tiendra demain matin.
Le Discours de Bar-le-Duc
Une note officieuse allemande
Berlin, 27 avril. — La presse publie une
note officieuse concernant le discours de M.
Poincaré à Bar-le-Duc. Cette note s'exprime
ainsi :
« M. Poincaré a demandé sans aucun douta
le droit pour la France de prendre des sanc-
tions indépendamment des Alliés au cas où
l'Allemagne ne remplirait pas les engage-
ments que lui a imposés la Commission des ré-
parations. Il a insisté sur le fait que l'ac-
tion séparée de la France ne serait pas une
violation du traité de Versailles.
« L'examen approfondi du traité montre le
peu de fondement des informations de M.
Poincaré. Il s'agit du paragraphe 17, note 2.
Or, ce paragraphe ne vise en aucune façon
une action séparée d'une puissance alliée. La
question des réparations est entièrement du
ressort de la Commission des réparations.
Aucune puissance alliée ne peut faire valoir
une disposition concernant les réparations.
Chacune d'elles peut, au contraire, s'adresser
à la commission pour faire valoir ce droit. Si
donc une puissance alliée agissait d'elle-mê-
me, sans entente avec les autres, le problème
tout entier des réparations serait remis en
question. »
Conseils de Cabinet
Les ministres se sont réunis hier matin
en conseil de cabinet au ministère des affai-
res étrangères, sous la présidence de M. Ray-
mond Poincaré.
Le président du conseil a donné connais-
sance à ses collègues des derniers télégram-
mes reçus de la délégation française de Gênes.
Le conseil n'ayant pu achever au cours de
sa séance la lecture et l'examen de ces télé-
grammes, il a été décidé qu'une nouvelle
séance aurait lieu à 18 heures.
*
*#
Les membres du gouvernement se sont-réu-
nis de nouveau hier soir, au ministère des
affaires étrangères.
A l'issue de la séance, le communiqué offi-
ciel suivant a été donné : ev
« Le conseil de cabinet s'est réuni ce soir,
à 18 heures, sous la présidence de M. Poin.
caré. Il a continué l'examen des télégrammes
(lë Gênes relatifs aux négociations avec les
Soviets. » -0, *
AUTOUR du PROBLÈME RUSSE
La situation russe est certainement une de
celles qui contribue davantage à empêcher que,
la Conférence ne développe ses travaux, et
l'on peut assurer que si l'attitude d'une délé-
gation présente à Gênes doit continuer
jusqulà présent à « torpiller », selon un mot
désormais en faveur, la Conférence, c'est bien
l'attitude de la délégation des Soviets dont les
marchandages, semblables à ceux des bazars
orientaux, pour employer une formule désor-
mais célèbre, retardent les solutions claires et
positives..
La délégation russe a été mise hier en pos-
session du procès-verbal de la réunion du co-
mité. des experts et les délégués soviétiques
ont été priés d'accuser, dans les vingt-quatre
heures, réception -de ce document qui, comme
on le sait, compte 23 pages. Il est fort pro-
bable que la note élaborée par les délégués
alliés et neutres et qui doit être adressée in-
cessamment aux Russes sera approuvée défi-
nitivement par les délégations alliées et neu-
très dès demain matin.
Mis ainsi en situation de définir leur atti-
tude et de répondre une bonne fois sans es-
sayer d'ergoter, que feront les Russes ?
Le bruit s'accrédite, aujourd'hui, de plus en
plus, que les délégués russes accepteront, tout
au moins dans une certaine mesure, les condi-
tions qui leur seront posées et l'on parle mê-
me d'une sorte d'accord qui serait conclu en-
tre eux et. les puissances intéressées. Toute-
fois, on ajoute, sur des indices assez certains,
qu'une fois les bases de cet accord établies,
les délégués russes demanderont quelques
mois avant de les signer.
Dans les milieux avertis que nous avons
interrogés,, on nous a -exposé que les délégués
russes sentaient la nécessité pour eux de pren-
dre contact avec les Soviets de leur pays.--Le
gouvernement des Soviets, de son côté, désire
réfléchir sur les avantages ou les inconvé-
nients que présente pour lui l'acceptation des
propositions présentées à Gênes à la déléga-
tion russe.
Il est certain qu'une partie de l'opinion so-
viétique en Russie est opposée à des conces-
sions et que les délégués russes à Gênes sont
plutôt émus par la perspective d'avoir à ren-
dre leurs comptes aux dirigeants de la Répu-
blique des Soviets.
Déclarations de M. Tchitcherine
Gênes, 27 avril. — M. Tchitcherine, commis-
saire du peuple aux affaires étrangères, a fait
à l'agence Havas les déclarations suivantes,
en réponse aux bruits qui circulaient à Gênes,
ce matin, et d'après lesquels la délégation des
Soviets aurait reçu des instructions lui con-
seillant l'intransigeance à l'égard des condi-
tions des puissances :
« Après la séance des experts, durant la-
quelle le point de vue russe sur les sept pre-
miers articles du mémorandum de Londres
fut précisé en détail, aucune nouvelle ne nous
est parvenue sur l'attitude qu'adopteront les
puissances.
« La Russie n'a pas le moindre désir de rup-
ture. mais elle entend sauvegarder le principe
de ses droits souverains et de la réciprocité,
seules bases possibles de la communauté des
peuples et de la reconstruction économique,
idée fondamentale de la résolution de Cannes.
« Nous considérons que la Russie seule reste
entièrement fidèle à la résolution de Cannes,
dans ce qu'elle contient d'essentiel. D
La note de la Lithuanie
Gênes, 27 avril. - L'apparition simultanée
de la note lithuanienne et de la lettre de M.
Tchitcherine à M. Skirmunt a produit ici l'im-
pression que la Lithuanie n'a pas agi sans se
concerter préalablement avec les bolcheviks.
Néanmoins, la délégation polonaise ne fait au-
cune objection ni à la reconnaissance de jure
de la Lithuanie, ni à la délimitation de la
frontière polono-lithuanienne, estimant, au
contraire, que la consultation populaire de
Wilno a grandement facilité le problème de
cette frontière.
INTERVIEW DE M. VAmERLIP
Un financier, journaliste. — La portée économique de Ja Conférence.
Un partisan du désarmement.
., La question des dettes de l'Europe à l'Amérique.
Gênes, 26 avril (De notre envo-yé spécial). —
!Le célèbre banquier Vanderlip habite à l'Eden-
Hôtel, parmi les délégations de l'Europe cen-
trale ; il est accompagné de plusieurs secré-
taires et dactylographes. Ce « businessman »,
qui a passé la cinquantaine, offre l'aspect d'un
homme robuste et quasi rustique ; il fume pas-
sionnément une pipe familière. Ce milliar-
daire semble d'ailleurs avoir le magnifique dé-
dain du luxe. Je lui pose une première ques-
tion : <
- Peut-on savoir votre situation exacte à la
Conférence de Gênes ?
-" C'est, me dit-il, celle d'un particulier qui
s'intéresse vivement aux événements -politi-
ques et économiques de l'Europe.
- Mais ne devez-vous pas, 'à votre retour de
la Conférence, remettre un rapport au gouver-
nement américain ?
- Nullement ! J'ai déjà démenti ce bruit,
je n'ai aucun rapport officiel ou officieux avec
le gouvernement des Etats-Unis. J'ai été prié,
par la Chambre de commerce, de lui présen-
ter, pour @ sa réunion du mois de mai, mon ju-
gement sur les travaux de la Conférence. Bien
que je ne sois pas journaliste, mais seulement
banquier, j'ai déjà envoyé deux ou trois mille
mots par jour à un syndicat de journaux de
New-York, ayant à sa tête le New-York World;
ces dépêches résument mes impressions sur
les discussions de Gênes.
- Et quelles sont ces impressions ?
- Il m'est difficile de vous les résumer en
quelques mots ; je puis seulement vous dire
que l'Europe doit avoir une dette de gratitude
envers l'Italie, qui a fait un effort -pour triom-
pher en vue 'de la « reconstruction des préju-
gée et des égoïsmes ». Je suis convaincu que
les peuples de l'Europe finiront par reconnaî-
tre leur solidarité économique et que chacun
d'eux consentira à travailler pour le bien com-
mun. ,.
- Estimez-vous que la Conférence puisse at-
teindre un résultat pratique ?
- Elle a au moins terminé l'examen de la
question financière, puisqu'elle a approuvé une
déclaration absolument juste sur les principes.
La section financière a incorporé le mémoran-
dum d'Amsterdam dans une partie de sa ré-
daction. Ce document, quoiqu'il soit vieux de
deux années, est pourtant applicable aux
conditions présentes. Quoique les questions d-ea
réparations et des dettes entre Etats soient
exclues de son ordre du jour, la Conférence,
en adoptant le mémorandum d'Amsterdam, af-
firme sa conviction que les indemnités pour
réparations doivent être réduites et les dettes
entre nations fixées de telle sorte que les char-
ges en soient supportables. Il fut fait, en ou-
tre, une déclaration aux termes de laquelle les
nouvelles émissions d'obligations doivent avoir
la priorité sur les dettes extérieures et inté-
rieures des Etats qui en font l'émission.
Quand l'Europe agira conformément à ces
principes, l'Amérique sera prête à collaborer
largement à sa reconstitution.
- Que pensez-vous du problème du désar-
mement soulevé par les Russes ?
- II ne peut y avoir de véritable reconstitu-
tion de l'Europe tant que les budgets des Etats
ne seront pas allégés, et cela est impossible
avec les dépenses actuelles de guerre ; la ré-
duction de ces frais est une condition indis-
pensable de la rénovation économique.
— Comment envisagez-vous le problème des
réparations ?
- J'estime que l'Allemagne ne peut pas
être libérée de la plus complète responsabilité
et de l'obligation de réparer les dommages
qu'elle a causés. La fixation initiale des in-
demnités n'est sans doute pas trop considéra-
ble, étant donnée l'évaluation des dommages,
mais les chiffres sont fantastiquement élevés
au regard des capacités de paiement de l'Al-
lemagne. Et si l'on tient compte, d'autre part,
de l'impossibilité pour les Alliés de recevoir de
telles sommes sans perturbation. je crois que
les Alliés, en fin fle compte, obtiendraient des
réparations plus rapidement si les chiffres et
les modalités étaient convenablement appro-
priées cela est à souhaiter, sinon pour l'é-
quité, au moins pour la solution plus prochai-
ne d'une question irritante.
— Et le règlement des créances de 'l'Améri-
que sur nous ?
— Mon point de vue, répond M. Vanderlip,
a été exposé dans un livre intitulé : « Ce
qu'impose ,l'avenir de l'Europe. » Les dettes
devront être reconnues ; toutefois, la grave
difficulté des Etats débiteurs pour faire face
à leurs engagements est indéniable, ; et les
paiements en nature ne seraient pas pour nous
sans de terribles répercussions. Mon projet
consiste à faire reconnaître les dettes totale-
ment et à demander aux Etats-Unis d'être des
débiteurs conciliants. En outre, il convien-
drait, dans la mesure où pourraient être effec-
tués les paiements, d'en investir le montant
dans des entreprises productives en Europe.
— L'opinion américaine partage-t-elle votre
sentiment ?
-..: Les avis' sont très variés ; on voudrait
concilier le désir d'annuler les dettes avec la
volonté d'en distribuer le montant à nos sol-
dats. Ce dernier point de vue est naturelle-
ment celui de gens ignorants qui ne compren-
nent pas dans quelles conditions devraient
s'effectuer les paiements, c'est-à-dire en natu-
re, faute de numéraire, au risque de ruiner no-
tre industrie. La discussion qui eut lieu au
Congrès de Washington indique clairement
que le gouvernement ne peut songer là annu-
ler les dettes ; la commission n'a de liberté
qu'en ce qui concerne l'époque du paiement,
elle n'a pas :, le pouvoir de supprimer, de-ré-
dnixe.,la créance, ai: même d'accepter un taux
d'intérêt inférieur à 4,125 0/0. >11 .est certain,
que si l'Europe oubliait ses égoïsmes natio-
naux et mettait de l'ordre chez elle, cette si-
tuation influerait sur l'attitude des Etats-
Unis ; si, au contraire, elle dépense des som-
mes considérables pour son organisation mili-
taire; beaucoup d'Américains persisteront à
penser que leur créance doit être énergique-
ment réclamée.; » 1 :
Ainsi parla notre « confrère o, le banquier
milliardaire Vanderlip.
Jean DENICE. -
—^ > — ( ——————————
La santé de M. Paul Deschanel
M. Paul Deschanel avait été atteint, il y a
quelques jours, d'une grippe qui paraissait
bénigne. Mais une sortie prématurée a mal-
heureusement provoqué une rechute grave,
et la santé de l'ancien président de la Répu-
blique inspire à son entourage de réelles in-
quiétudes. ;
Les docteurs Bezançon et B.-J. Logre ont
signé, mercredi soir le bulletin suivant :
« Etat grippal prolongé, complication pleuro-
pulmonaire, fièvre élevée. Etat général sé-
rieux. »
Hier, l'état de l'ancien président restait
grave. A .11 heures, les médecins ont signé le
bulletin suivant :
« Etat stationnaire. Température : 3903.
Respiration 23. »
—————————— - ( ——
Une enquête sur
les M'es d'allumettes
Sur trente boîtes ouvertes,
pas une seule ne contenait le compte
Il n'est pas de commerçant plus incapable
aue l'Etat. il n'en est pas non plus de moins
honnête. Qu'il agisse sciemment ou incons-
ciemment, peu nous importe. Le fait est le
même : Le contribuable est volé !
On l'a dit, on l'a répété sur tous les tons.
L'administration responsable a toujours con-
sidéré ces plaintes comme des boutades.
Ceci ne peut nous satisfaire. Ce n'est pas
par mauvaise humeur que nous avons dénon-
cé, que nous dénonçons encore aujourd'hui,
les dois commis au préjudice de tous les
clients des contributions indirectes, notam-
ment. C'est tout simplement parce que cette
administration témoigne d'une-incurie scan-
daleuse, qu'elle devrait — la première — avoir
à cœur de faire cesser.
Voici un fait qu'on ne peut nier. Nous te-
nons tous les renseignements nécessaires à
en contrôler l'authenticité, à la disposition de
l'administration responsable.
Le directeur d'une très importante maison
d'alimentation, ayant reçu des plaintes nom-
breuses de sa clientèle, pour des manquements 1
relevés sur la contenance des boîtes d'allu-
mettes de vingt centimes, a procédé, afin de
situer les responsabilités, à une enquête per.
sonnelle.
En voici le résultat :
Il se fit apporter vingt boîtes, choisies au
hasard, parmi le stock que la régie venait de
lui livrer. Les allumettes-de chaque iboîte fu-
rent comptées. Pas une boîte n'avait le comp-
te ■! Il manquait respectivement : 11 allu-
mettes, 8. 7. 2, 12, 8, 11, 11;' 4, S, 11, 11 5, 3.
8, 5, 25, 5, 22.
Dix nouvelles boîtes furent apportées. Mê-
me résultat. Il manquait dans chacune : 16,
7, 20, 17, 20, 22, 15, 21, 15, 25 allumettes. Si
un particulier agissait de pareille sorte et
de façon aussi systématique, on ne manque-
rait pas de le traduire devant les tribunaux.
'Nous ne demandons pas que la Régie passe
en correctionnelle, mais simplement qu'elle
ouvre une enquête sur le fait que nous lui
signalons. - R. fi.
LES AVATARS DE LA FLOTTE D'ÉTAT
- iniBFIitE
(
avait été prophétisé au Sénat
La Commission de la marine avait refusé
de prendre la responsabité de la mise à la me
des cargos du type "Marie-Louise
La catastrophe du cargo Député-Albert-Tail
landier retentira dans l'opinion d'autant plu:
douloureusement que c'jsst la troisième qui st
produit dans les mêmes conditions et que Vèn
des sinistres pour les, bàtiments de ce type
n'est sans doute pas cîose. Elle met dans uni
lumière tragique l'erreur lamentable de li
constitution de cette flotte d'Etat, qui fut J:
grande idée de M. Boufisson et dont la Lan
terne n'a cessé, depuis plusieurs années, d<
dénoncer énergiquement le danger.
Mais il y a, à propos de ce naufrage qu
met en deuil la population maritime de Bre
tagne, une question très grave des responsà
bilités qui se pose :
« L'accident » qui a qausé la perte du Dé
puté-Albert-Taillandier a été, en effet, annon
cé comme probable avec une netteté saisis
sante par la Commission sénatoriale de le
marine, au cours de la discussion du budge
de 1922 de la marine marchande.
Il n'est en effet que de se reporter au rap
port de M. Henry Bérenger et à ses appré
dations aussi justes que sévères sur la cons
truction des cargos « type Marie-Louise »
On y lit ces lignes qui prennent, dans les cir
constances actuelles, un accent singulièremen
prophétique :
Ce, ne sont pas seulement des considêrationi
d'ordre budgétaire qui'inclinent votre commis
Sion A, DEMANDER AU GOUVERNEMENT L'ARRET DSi
CONSTRUCTIONS DES CARGOTS DU TYPE « MARm
LOUISE »'en achèvement dans les arsenaux d<
la marine militaire et pour lesquelles une som
mède 55 millions nous a'été demandée en'VU4
de rernbourser à la marine militaire la valeui
des. cessions.
Vous n'ignorez pas que ces bâtiments ont fait
déjà, l'objet tic critiques très vives de lq pa"
des armateurs alors qu'ils étaient en chantier
Depuis, les événements 'sont venus montrer li
bien-fondé de ces critiquas. L'on a apprta U
naufrage encore récent des navires de la flottt
d'Etat « Député-Dumesnil » et « Député-Raoul
Briquet s.
Le premier s'est perdu corps et biens. On
manque donc de tout rapport postérieur à la
catastrophe. Dans un rapport du capitaine Jeu
Burguière. qui commandait le second, IL KBSSORI
QUE CE BATIMENT A CHAVIRE A CAUSE DE SBS DB-
FAUTS DE CONSTRUCTION. En raison des circons.
tances vraiment impressionnantes où le nau-
frage s'est produit, votre commission a Inséré
en annexé le rapport du commandant du Dà.
puté-Raoul-Briquet.
Sans doute, les cargos charbonniers ne sonl
pas exactement du même tonnage ni du mêm<
type que les deux Marie-LQuise ainsi naufra.
gés. Mais les origines « théoriques » de leur
conception et de leur construction sont de na-
ture à empêcher une. commission parlementaire
DB PRENDRE LA MOINDRE RESPONSABILITE MORALE
DANS LEUR MISE A LA MER ET LEUR EMPLOI PAtt Mi
BQtïPAGE.
Ce dernier paragraphe était significatif. C'ê.
tait un avertissement solennel à la marias
marchande.
Avertissement qui était peu après confirml
par les faits. Le Député-Abel-Fcrry avait ins-
piré un moment donné de vives inquiétudes.
Mais, en mars dernier, le cargo Député-Henri-
Durre était signalé en détresse avec 25 degréi
de bande au sud de Lizard. Le Député-Pierre.
Goujon, rappelait-on à cette occasion, avait
eu. lui aussi, des ennuis.
En annonçant ces événements, le Lloyd
français, dans son numéro du vendredi 17
mars 1922, ajoutait ce commentaire d'inspi.
ration probablement officieuse sinon ot11,
cielle :
Pour qui n'en sait pas davantage, 11 y a"
manière à créer une légende. 17 y a lieu d'y
couper court pour le bon rénom de notre cons-
truction
Nous nous estimons fondés à croire que H
type du « Raoul-Briquet » ne présente aucur
vice de construction 1 1 (sic). Mais, pour la
clarté nécessaire, une large publicité doit être
donnée aux circonstances de ces sinistres.
: On voit comment cette note — d'un opti
misme quasiment criminel — a été vite dé
mentie..La vérité est que les cargos de li
flotte d'Etat du type Marie-Louise ou de la
série des « Députés » ont été « loupés » par
nos constructions navales. Mais l'administra-
tion, malgré les terribles leçons des naufra-
ges précédents, persistait à proclamer son m
faillibilité !
Le malheur qui vient de se produire ser-
vira-t-il au moins à quelque chose ? Et fau-
dra-t-il de nouvelles victimes, d'autres famil-
les en pleurs, d'autres orphelins avant,que
l'on se décide à avouer que l'on a commis
dans la construction de ces bateaux « dernier
cri » des erreurs énormes et que l'on y a n4-
gligé, pour rechercher une soi-disant perfec-
tion théorique, les enseignements de la pra-
tique la plus éprouvée ?
Ces erreurs nous ont coûté des centaines
et des centaines de millions. Mais on les ex-
cuserait encore si à la plaie d'argent, qui
n'est pas mortelle, ne. s'ajoutait, la, perte de
vies humaines, qui,elles, sont irréparables" î
La parole est aux services de la marine
marchande. Nous croyons d'ailleurs savoir
qu'ils seront au Sénat, sinon à la Chambre.
invités à fournir des explications nécessaires
* Louis LE PAGE.
■ 9 - ,. — E -—————————
A propos des chèque
de Mme Bernain de Ravisi
Les singulières révélations de r enquête
Un incident singulier vient de se produirf
au cours du supplément d'information ordon
né au sujet des chèques touchés au Crédit
Lyonnais par M. Canard pour le compte de
Mme Bernain de Ravisi.
Des premiers renseignements fournis pat
le Crédit Lyonnais, il résultait que deux def,
chèques avaient été tirés par M. Théodore
Fischer, marchand d'objets d'art à Lucerne ;
un autre par M. Halguoher, le dernier pat
MM. Falcs et Cie.
Or, la police judiciaire ayant retrouvé les
originaux des chèques les a photographiés, et
ces documents, remis hier entre les mains de
~•rommi f :.o¡,
Seine et S.-et-O. JI. lit 1 s
France et Colon. 28. 14 » 7 En
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La Lanterne
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28 -
AVRIL 1922
Directeur-Rédacteur u chef i
FELIX- HAUTFORT
Les manuscrits non Cuir"
ne sont pas rendus
v ; ■-
Les imperfections
du Code civil
vues de la brousse
C'est en voyageant au fond des brous-
ses africaines que j'ai eu tout récem-
ment l'occasion de me rendre facilement
compte des nombreuses imperfections
pe notre législation actuelle.
Je me rappelle, entre autres choses,
une histoire drôle, que je vais vous con-
ter.
Elle se passc, par là, du côté de Boua-
ké, en Côte d'Ivoire.
Depuis le matin nous avions voyagé
par 400 de chaleur, forçant nos moteurs
pour arriver avant la nuit au campe-
ment. Mais, malgré la bonne volonté
évidente de nos chauffeurs, et la nôtre,
nous dûmes nous arrêter en route, à
proximité d'un grand village « bobo »
pour passer la nuit sur nos. lits de camp.
Je vois toujours cette kyrielle de mar-
inots tout nus envahissant le court es-
pace où étaient rangées nos voitures.
Nos miliciens avaient les plus grandes
- peines du monde 'à les faire circuler.
Au pays noir, les nouvelles vont vite.
Nous étions à peine installés que les
gens du village savaient qu'un grand
« toubab » s'était arrêté chez eux.
Le grand, « toubab M, c'est un sem-
blantde divinité, approchant de très près
le soleil et la lune, ayant les plus grands
pouvoirs. * ;
Et c'est pour cela que les demandes les
plus baroques ne manquèrent de m'as-
saillira dès mon arrivée.
La plus étonnante fut celle d'une jeu-
ne négresse qui vint, me voir la dernière,
et m'exposa son cas, dans un français
assez. correct.
La brave fille était mariée, à la fran-
çaise, avec un sergent noir démobilisé,
et voulait divorcer..
- Moi y a plus content avec Bokary,
mariage y. a fini, moi content divorcer.
— As-tu des enfants, questionnai-je ?
y a pas.
Ton mari t'a battue ?
"-- Non. Bokary y a pas méchant.
«—Alors .', .,'
-- Moi, y à content mariage fini.
'Je voulus voir * le mari. 'Une heure
après, il arrivait, flambant neuf, la ché-
chia-sur le coin de l'oreille.
— Ta femme demande le divorce, lui
dis-je. Es-tu consentant ? As-tu à te
plaindre'd'elle ? -
— Non, mon fenime y a bon, mais
moi content fini mariage. français.
Je commençais à comprendre que cet
excellent noir, d'origine sénégalaise, ci-
toyen d'une commune de plein exercice,
n'était-pas satisfait des rigueurs de no-
t.re code, et qu'en bon polygame, il de-
mandait l'annulation de son mariage.
Le cas était cocasse.
Le lendemain, je faisais monter en
voiture ce couple original et l'amenais
devant l'administrateur du cercle où
nous devions passer la journée. :
Homme et femme, la main dans la
main, réitèrent leur désir:
— Nous, pas d'enfants. Nous contents
divorcer parce que plus contents mariés.
Impassible, l'administrateur ouvrit le
Code civil et lut :
Art. 229. - « Le mari pourra deman-
der le divorce pour cause d'adultère de
sa femme. »
Art. 230. — « La femme pourra de-
mander le divorce pour cause d'adultère
de son mari. »
A rt. 231. - « Les époux pourront réci-
proquement demander le divorce pour
excès, sévices ou injures graves, de l'un
d'eux envers l'autre. » ,.
Art. 232. — « La condamnation de l'un
des époux à une peine afflictive et infa-
mante sera pour l'autre époux une cause
de divorce. »
En-fin, enflant la voix, l'administra-,'
teur ajouta :
Art. 233. - « Le divorce par consente-
ment mutuel est interdit. »
Les époux n'avaient plus qu'à décam-
per. C'est ce qu'ils firent. Mais le lende-
main ils étaient de retour à la résidence,
un large sourire leur fendant la bouche
jusqu'aux oreilles.
— Y a bon, monsieur l'administrateur,
dit le mari au représentant de, l'autorité.
Hier tu as lu Code civil. Cette nuit, moi
y a fait adultère contre mon femme, et
• mon femme y a fait adultère contre moi.
Témoins y a à la porte. Nous, y a deman-
der maintenant divorce « réglemen-
taire ». ,.
L'administrateur s'inclina. Il était, de
par ses fonctions, président du tribunal
indigène. Le divorce fut prononcé à la
première séance.
Voilà les beautés de notre Code civil.
J'avoue que si les noirs de l'Afrique en
sont étonnés, de leur côté beaucôup de
Français n'ont pas lieu d'en être satis-
faits.
., GEORGES-BARTHELEMY,
Réputé 4M Pas^te-Calait* 1
UN SCANDALE
au cimetière de Villejuif
L'entrepreneur-adjudicataire est responsable
Des sanctions seront prises
On sait l'odieuse exploitation dont sont vic-
times les familles qui se rendent sur l'an-
cien front, pour assister à l'exhumation d'un
des leurs.
Certains hôteliers, sans respect pour la
douleur de ces pauvres gens, les entassent
pour la nuit, dix dans une même chambre,
leur réclamant à chacun un prix qui serait
déjà abusif s'ils avaient été seuls dans la
pièce.
Exploitation sur le prix du repas, sur les
tarifs des voitures, pourboire exigé par les
fossoyeurs : un calvaire fait de déchirantes
stations.
Mais, hélas, le peu de respect qu'on témoi-
gne aux familles des morts, de nos morts,
n'est pas le monopole de la zone dévastée. A
la porte de Paris, à Villejuif, un entrepreneur
de pompes funèbres vient de témoigner d'une
si coupable négligence, que des sanctions
doivent être prises.
Cinquante-quatre exhumations militaires
devaient avoir lieu mardi matin, à 8 heures,
au cimetière de Villejuif. Des familles étaient
venues de tous les coins de France. - Il ne
manquait que les cercueils. Au bout d'une
heure d'attente, l'entrepreneur chargé de les
fournir, fit dire qu'il ne pouvait les envoyer
qu'à une heure de l'après-midi. A une heure
de l'après-midi, les familles étaient là de nou-
veau. L'entrepreneur fit dire de patienter un
peu, jusqu'à trois heures. A trois heures, la
même lamentable comédie recommença.
Les parents à qui, depuis le matin, on infli-
geait le supplice de contempler les restes de
leurs enfants dans de vieux cercueils béants,
exposés à la pluie, se fâchèrent.
Au cimetière de Vincennes, le même scan-
dale avait lieu le même jour. Les familles,
Ici encore, manifestèrent une indignation
compréhensible.
Au cimetière de Bagneux, mercredi, sur 105
exhumations prévues dans la matinée, quatre
seulement purent avoir lieu. On n'avait pas
reçu les cercueils pour pouvoir faire les au-
tres !
Entrepreneurs-adjudicataires
Dans la zone de l'intérieur — c'est le cas
de Villejuif — des entrepreneurs sont char-
gés, à la suite d'adjudications, de convoquer
les familles et de procéder aux exhumations.
L'administration militaire leur fournit les cer-
cueils et les suaires. Ce sont eux qui fixent
le jour et l'heure des exhumations. ',. -
Dans le scandale de Villejuif, l'entrepre-
neur adjudicataire est seul coupable. Il avait
convoqué les 54 familles, toutes pour 8 heu-
res du matin et, se disant débordé, n'avait
même pas pris livraison des cercueils.
Nous croyons savoir que des sanctions vont
être prises contre cet entrepreneur ; sanc-
tions qui se traduiront par une forte amende
et peut-être aussi par le retrait de sa charge,
pi pareil fait se renouvelle.
D'autre part, les familles qui ont été As-
treintes à ce pénible et inutile déplacement
recevront une indemnité. Elles devront s'a-
dresser à l'intendant Bezonches, chef du ser-
vice de la restitution des corps, au ministère
de la guerre. — R. D.
; G.. ¡¡:
L'INÊVITABLE
Dès qu'il fut question de limiter les débats
officiels de la Conférence de Gênes, nous
avons, ici même, dénoncé 1-e danger. Nous
avons montré comment, avec l'ordre du jour
restreint, la réunion devenait inutile, dès lors
dangereuse.
On ne devait aborder ni la question des
réparations, ni la revision du Traité de Ver-
,- sailles, ni la reconnaissance des Soviets. Or,
les Allemands ne vinrent à Gênes que dans
l'espoir de rouvrir la discussion sur nos créan-
ces et sur le Traité ; les Russes ne firent le
voyage que pour être reconnus « de jure » et
contracter tout aussitôt un emprunt.
Il est arrivé ce qu'il était trop aisé de pré-
voir ; des palabres s'établirent en marge de
la réunion officielle, il en est déjà sorti le
traité germano-russe, qu'en peut-il sortir en-
core ? r
M. Lloyd George, poursuivant sa politique
de « démagogie européenne », entend convo-
quer un Conseil suprême interallié à Gênes,
pour y parler de l'échéance fixée par la
C.D.R. au 31 mai, en sauvegardant apparem-
ment le programme exclusif arrêté à Cannes
et à Boulogne. Il est difficile d'entrer aussi
complètement dans les vues de Berlin.
t D'autre part, on annonce l'intention du
Premier anglais de réunir les représentants
des puissances signataires du Traité de Ver-
sailles. Pourquoi donc ? sinon pour en étu-
dier la révision. Décidément, M. Lloyd
George n'est pas loin d'être d'accord avec le
grand « réviseur » - anglais J. Meynard
Keynes.
Mais nous ? Que devenons-nous dans ces
palabres ? Nous, qui sommes partis à Gênes
avec le bon biJlet de Boulogne ?
Tout est mené, il faut le reconnaître, avec
une logique admirable pour aboutir à notre
confusion.
Si M. Poincaré décline l'invitation qui
lui est faite, nos innombrables adversai-
res proclameront notre refus à toute expli-
cation ; si le président du Conseil se rend à
Gênes, il doit envisager l'abandon de sa po-
litique d'intransigeance sur notre droit ou une
nouvelle période de tension avec nos Alliés.
Et c'est là que nous a conduit insidieuse-
ment la politique britannique, infiniment plus
redoutable. que celle de Tchitcherine.
—T - l. II.
UNE CONFÉRENCE QUI PIÉTINE.
I
M. Poincaré ira-t-il à Gênes ?
Les ministres se sont réunis hier deux fois en Conseil de
cabinet, mais il semble qu'aucune décision n'ait encore été prise
■■■* Q ———————
Nous avons annoncé hier qu'une proposi-
tion aurait été faite par M .Lloyd George, ten-
dant à réunir le plus tôt possible et, semble-
t-il, avant la clôture de la Conférence de Gê-
nes, les délégués des gouvernements alliés, en
vue d'examiner les conséquences du traité ger-
mano-russe et, en même temps, la question de
l'échéance du 31 mai.
On affirmait également de divers côtés que
la suggestion du premier ministre britannique
aurait l'entière approbation du président du
Conseil, et que le: lieu et la date de cette sorts
de Conseil suprême n'étaient qu'une question
de possibilités, dépendant à la fois du retour
en France du président de 'la République et
de la date à laquelle la Conférence de Gênes
aura terminé ses travaux.
Il est parfaitement exact que M. Lloyd
George a fait à M. Barthou une semblable
proposition, qui a été transmise aussitôt à
Paris, et qu'ont examinée hier les ministres
réunis en deux conseils de cabinet. Il est non
moins exact qu'aucune objection de principe
ne saurait; être faite par le gouvernement
français à une réunion des délégués alliés.
Mais il s'agit de bien s'entendre sur le sens
et la portée de la proposition anglaise.
Or, il parait résulter des renseignements
parvenus de Gênes à Paris que la suggestion
de M. Lloyd George ne vise que l'examen, par
les chefs des gouvernements alliés, des me-
sures à prendre ou des sanctions éventuelles
en prévision de l'échéance du 31 mai.
L'impression dominante à Paris, en présen-
ce de ces précisions nouvelles, est que l'objet
limité ainsi assigné à la. réunion projetée est
du ressort de la Commission des réparations.
La thèse française n'a pas varié : une discus-
sion préalable à la date du 31 mai, touchant
les sanctions à prendre contre l'AHemagne,
pourrait avoir pour effet de remettre en ques-
tion le principe même des réparations, d'ou-
vrir en tout cas la voie à de nouvelles conces-
sions ou à de nouveaux compromis, et de met-
tre en un mot la charrue devant les bœufs.,
Dans son discours de Bar-Ie-'Duc, M. Poincaré
a déclaré que : « Quoi qu'il arrive de la Con-
férence, on aurait à examiner sans retard,,
entre Alliés, le fait nouveau créé par la con-
vention germano-russe. » Mais nous ne croyons
pas que, dans sa pensée, la question des répa-
rations constitue un fait nouveau.
La matinée de MM. Barthou et Seydoox
Gênes, 27- avril. '-M. Barthou a passé la
matinée à travailler avec ses collaborateurs
à la villa Raggio. ':'-".
M. Seydoux a continué avec les experts fran-
çais l'examen des conditions qui seront pré-
sentées à la délégation russe dans une séance
de la sous-commission des affaires russes qui
se tiendra demain matin.
Le Discours de Bar-le-Duc
Une note officieuse allemande
Berlin, 27 avril. — La presse publie une
note officieuse concernant le discours de M.
Poincaré à Bar-le-Duc. Cette note s'exprime
ainsi :
« M. Poincaré a demandé sans aucun douta
le droit pour la France de prendre des sanc-
tions indépendamment des Alliés au cas où
l'Allemagne ne remplirait pas les engage-
ments que lui a imposés la Commission des ré-
parations. Il a insisté sur le fait que l'ac-
tion séparée de la France ne serait pas une
violation du traité de Versailles.
« L'examen approfondi du traité montre le
peu de fondement des informations de M.
Poincaré. Il s'agit du paragraphe 17, note 2.
Or, ce paragraphe ne vise en aucune façon
une action séparée d'une puissance alliée. La
question des réparations est entièrement du
ressort de la Commission des réparations.
Aucune puissance alliée ne peut faire valoir
une disposition concernant les réparations.
Chacune d'elles peut, au contraire, s'adresser
à la commission pour faire valoir ce droit. Si
donc une puissance alliée agissait d'elle-mê-
me, sans entente avec les autres, le problème
tout entier des réparations serait remis en
question. »
Conseils de Cabinet
Les ministres se sont réunis hier matin
en conseil de cabinet au ministère des affai-
res étrangères, sous la présidence de M. Ray-
mond Poincaré.
Le président du conseil a donné connais-
sance à ses collègues des derniers télégram-
mes reçus de la délégation française de Gênes.
Le conseil n'ayant pu achever au cours de
sa séance la lecture et l'examen de ces télé-
grammes, il a été décidé qu'une nouvelle
séance aurait lieu à 18 heures.
*
*#
Les membres du gouvernement se sont-réu-
nis de nouveau hier soir, au ministère des
affaires étrangères.
A l'issue de la séance, le communiqué offi-
ciel suivant a été donné : ev
« Le conseil de cabinet s'est réuni ce soir,
à 18 heures, sous la présidence de M. Poin.
caré. Il a continué l'examen des télégrammes
(lë Gênes relatifs aux négociations avec les
Soviets. » -0, *
AUTOUR du PROBLÈME RUSSE
La situation russe est certainement une de
celles qui contribue davantage à empêcher que,
la Conférence ne développe ses travaux, et
l'on peut assurer que si l'attitude d'une délé-
gation présente à Gênes doit continuer
jusqulà présent à « torpiller », selon un mot
désormais en faveur, la Conférence, c'est bien
l'attitude de la délégation des Soviets dont les
marchandages, semblables à ceux des bazars
orientaux, pour employer une formule désor-
mais célèbre, retardent les solutions claires et
positives..
La délégation russe a été mise hier en pos-
session du procès-verbal de la réunion du co-
mité. des experts et les délégués soviétiques
ont été priés d'accuser, dans les vingt-quatre
heures, réception -de ce document qui, comme
on le sait, compte 23 pages. Il est fort pro-
bable que la note élaborée par les délégués
alliés et neutres et qui doit être adressée in-
cessamment aux Russes sera approuvée défi-
nitivement par les délégations alliées et neu-
très dès demain matin.
Mis ainsi en situation de définir leur atti-
tude et de répondre une bonne fois sans es-
sayer d'ergoter, que feront les Russes ?
Le bruit s'accrédite, aujourd'hui, de plus en
plus, que les délégués russes accepteront, tout
au moins dans une certaine mesure, les condi-
tions qui leur seront posées et l'on parle mê-
me d'une sorte d'accord qui serait conclu en-
tre eux et. les puissances intéressées. Toute-
fois, on ajoute, sur des indices assez certains,
qu'une fois les bases de cet accord établies,
les délégués russes demanderont quelques
mois avant de les signer.
Dans les milieux avertis que nous avons
interrogés,, on nous a -exposé que les délégués
russes sentaient la nécessité pour eux de pren-
dre contact avec les Soviets de leur pays.--Le
gouvernement des Soviets, de son côté, désire
réfléchir sur les avantages ou les inconvé-
nients que présente pour lui l'acceptation des
propositions présentées à Gênes à la déléga-
tion russe.
Il est certain qu'une partie de l'opinion so-
viétique en Russie est opposée à des conces-
sions et que les délégués russes à Gênes sont
plutôt émus par la perspective d'avoir à ren-
dre leurs comptes aux dirigeants de la Répu-
blique des Soviets.
Déclarations de M. Tchitcherine
Gênes, 27 avril. — M. Tchitcherine, commis-
saire du peuple aux affaires étrangères, a fait
à l'agence Havas les déclarations suivantes,
en réponse aux bruits qui circulaient à Gênes,
ce matin, et d'après lesquels la délégation des
Soviets aurait reçu des instructions lui con-
seillant l'intransigeance à l'égard des condi-
tions des puissances :
« Après la séance des experts, durant la-
quelle le point de vue russe sur les sept pre-
miers articles du mémorandum de Londres
fut précisé en détail, aucune nouvelle ne nous
est parvenue sur l'attitude qu'adopteront les
puissances.
« La Russie n'a pas le moindre désir de rup-
ture. mais elle entend sauvegarder le principe
de ses droits souverains et de la réciprocité,
seules bases possibles de la communauté des
peuples et de la reconstruction économique,
idée fondamentale de la résolution de Cannes.
« Nous considérons que la Russie seule reste
entièrement fidèle à la résolution de Cannes,
dans ce qu'elle contient d'essentiel. D
La note de la Lithuanie
Gênes, 27 avril. - L'apparition simultanée
de la note lithuanienne et de la lettre de M.
Tchitcherine à M. Skirmunt a produit ici l'im-
pression que la Lithuanie n'a pas agi sans se
concerter préalablement avec les bolcheviks.
Néanmoins, la délégation polonaise ne fait au-
cune objection ni à la reconnaissance de jure
de la Lithuanie, ni à la délimitation de la
frontière polono-lithuanienne, estimant, au
contraire, que la consultation populaire de
Wilno a grandement facilité le problème de
cette frontière.
INTERVIEW DE M. VAmERLIP
Un financier, journaliste. — La portée économique de Ja Conférence.
Un partisan du désarmement.
., La question des dettes de l'Europe à l'Amérique.
Gênes, 26 avril (De notre envo-yé spécial). —
!Le célèbre banquier Vanderlip habite à l'Eden-
Hôtel, parmi les délégations de l'Europe cen-
trale ; il est accompagné de plusieurs secré-
taires et dactylographes. Ce « businessman »,
qui a passé la cinquantaine, offre l'aspect d'un
homme robuste et quasi rustique ; il fume pas-
sionnément une pipe familière. Ce milliar-
daire semble d'ailleurs avoir le magnifique dé-
dain du luxe. Je lui pose une première ques-
tion : <
- Peut-on savoir votre situation exacte à la
Conférence de Gênes ?
-" C'est, me dit-il, celle d'un particulier qui
s'intéresse vivement aux événements -politi-
ques et économiques de l'Europe.
- Mais ne devez-vous pas, 'à votre retour de
la Conférence, remettre un rapport au gouver-
nement américain ?
- Nullement ! J'ai déjà démenti ce bruit,
je n'ai aucun rapport officiel ou officieux avec
le gouvernement des Etats-Unis. J'ai été prié,
par la Chambre de commerce, de lui présen-
ter, pour @ sa réunion du mois de mai, mon ju-
gement sur les travaux de la Conférence. Bien
que je ne sois pas journaliste, mais seulement
banquier, j'ai déjà envoyé deux ou trois mille
mots par jour à un syndicat de journaux de
New-York, ayant à sa tête le New-York World;
ces dépêches résument mes impressions sur
les discussions de Gênes.
- Et quelles sont ces impressions ?
- Il m'est difficile de vous les résumer en
quelques mots ; je puis seulement vous dire
que l'Europe doit avoir une dette de gratitude
envers l'Italie, qui a fait un effort -pour triom-
pher en vue 'de la « reconstruction des préju-
gée et des égoïsmes ». Je suis convaincu que
les peuples de l'Europe finiront par reconnaî-
tre leur solidarité économique et que chacun
d'eux consentira à travailler pour le bien com-
mun. ,.
- Estimez-vous que la Conférence puisse at-
teindre un résultat pratique ?
- Elle a au moins terminé l'examen de la
question financière, puisqu'elle a approuvé une
déclaration absolument juste sur les principes.
La section financière a incorporé le mémoran-
dum d'Amsterdam dans une partie de sa ré-
daction. Ce document, quoiqu'il soit vieux de
deux années, est pourtant applicable aux
conditions présentes. Quoique les questions d-ea
réparations et des dettes entre Etats soient
exclues de son ordre du jour, la Conférence,
en adoptant le mémorandum d'Amsterdam, af-
firme sa conviction que les indemnités pour
réparations doivent être réduites et les dettes
entre nations fixées de telle sorte que les char-
ges en soient supportables. Il fut fait, en ou-
tre, une déclaration aux termes de laquelle les
nouvelles émissions d'obligations doivent avoir
la priorité sur les dettes extérieures et inté-
rieures des Etats qui en font l'émission.
Quand l'Europe agira conformément à ces
principes, l'Amérique sera prête à collaborer
largement à sa reconstitution.
- Que pensez-vous du problème du désar-
mement soulevé par les Russes ?
- II ne peut y avoir de véritable reconstitu-
tion de l'Europe tant que les budgets des Etats
ne seront pas allégés, et cela est impossible
avec les dépenses actuelles de guerre ; la ré-
duction de ces frais est une condition indis-
pensable de la rénovation économique.
— Comment envisagez-vous le problème des
réparations ?
- J'estime que l'Allemagne ne peut pas
être libérée de la plus complète responsabilité
et de l'obligation de réparer les dommages
qu'elle a causés. La fixation initiale des in-
demnités n'est sans doute pas trop considéra-
ble, étant donnée l'évaluation des dommages,
mais les chiffres sont fantastiquement élevés
au regard des capacités de paiement de l'Al-
lemagne. Et si l'on tient compte, d'autre part,
de l'impossibilité pour les Alliés de recevoir de
telles sommes sans perturbation. je crois que
les Alliés, en fin fle compte, obtiendraient des
réparations plus rapidement si les chiffres et
les modalités étaient convenablement appro-
priées cela est à souhaiter, sinon pour l'é-
quité, au moins pour la solution plus prochai-
ne d'une question irritante.
— Et le règlement des créances de 'l'Améri-
que sur nous ?
— Mon point de vue, répond M. Vanderlip,
a été exposé dans un livre intitulé : « Ce
qu'impose ,l'avenir de l'Europe. » Les dettes
devront être reconnues ; toutefois, la grave
difficulté des Etats débiteurs pour faire face
à leurs engagements est indéniable, ; et les
paiements en nature ne seraient pas pour nous
sans de terribles répercussions. Mon projet
consiste à faire reconnaître les dettes totale-
ment et à demander aux Etats-Unis d'être des
débiteurs conciliants. En outre, il convien-
drait, dans la mesure où pourraient être effec-
tués les paiements, d'en investir le montant
dans des entreprises productives en Europe.
— L'opinion américaine partage-t-elle votre
sentiment ?
-..: Les avis' sont très variés ; on voudrait
concilier le désir d'annuler les dettes avec la
volonté d'en distribuer le montant à nos sol-
dats. Ce dernier point de vue est naturelle-
ment celui de gens ignorants qui ne compren-
nent pas dans quelles conditions devraient
s'effectuer les paiements, c'est-à-dire en natu-
re, faute de numéraire, au risque de ruiner no-
tre industrie. La discussion qui eut lieu au
Congrès de Washington indique clairement
que le gouvernement ne peut songer là annu-
ler les dettes ; la commission n'a de liberté
qu'en ce qui concerne l'époque du paiement,
elle n'a pas :, le pouvoir de supprimer, de-ré-
dnixe.,la créance, ai: même d'accepter un taux
d'intérêt inférieur à 4,125 0/0. >11 .est certain,
que si l'Europe oubliait ses égoïsmes natio-
naux et mettait de l'ordre chez elle, cette si-
tuation influerait sur l'attitude des Etats-
Unis ; si, au contraire, elle dépense des som-
mes considérables pour son organisation mili-
taire; beaucoup d'Américains persisteront à
penser que leur créance doit être énergique-
ment réclamée.; » 1 :
Ainsi parla notre « confrère o, le banquier
milliardaire Vanderlip.
Jean DENICE. -
—^ > — ( ——————————
La santé de M. Paul Deschanel
M. Paul Deschanel avait été atteint, il y a
quelques jours, d'une grippe qui paraissait
bénigne. Mais une sortie prématurée a mal-
heureusement provoqué une rechute grave,
et la santé de l'ancien président de la Répu-
blique inspire à son entourage de réelles in-
quiétudes. ;
Les docteurs Bezançon et B.-J. Logre ont
signé, mercredi soir le bulletin suivant :
« Etat grippal prolongé, complication pleuro-
pulmonaire, fièvre élevée. Etat général sé-
rieux. »
Hier, l'état de l'ancien président restait
grave. A .11 heures, les médecins ont signé le
bulletin suivant :
« Etat stationnaire. Température : 3903.
Respiration 23. »
—————————— - ( ——
Une enquête sur
les M'es d'allumettes
Sur trente boîtes ouvertes,
pas une seule ne contenait le compte
Il n'est pas de commerçant plus incapable
aue l'Etat. il n'en est pas non plus de moins
honnête. Qu'il agisse sciemment ou incons-
ciemment, peu nous importe. Le fait est le
même : Le contribuable est volé !
On l'a dit, on l'a répété sur tous les tons.
L'administration responsable a toujours con-
sidéré ces plaintes comme des boutades.
Ceci ne peut nous satisfaire. Ce n'est pas
par mauvaise humeur que nous avons dénon-
cé, que nous dénonçons encore aujourd'hui,
les dois commis au préjudice de tous les
clients des contributions indirectes, notam-
ment. C'est tout simplement parce que cette
administration témoigne d'une-incurie scan-
daleuse, qu'elle devrait — la première — avoir
à cœur de faire cesser.
Voici un fait qu'on ne peut nier. Nous te-
nons tous les renseignements nécessaires à
en contrôler l'authenticité, à la disposition de
l'administration responsable.
Le directeur d'une très importante maison
d'alimentation, ayant reçu des plaintes nom-
breuses de sa clientèle, pour des manquements 1
relevés sur la contenance des boîtes d'allu-
mettes de vingt centimes, a procédé, afin de
situer les responsabilités, à une enquête per.
sonnelle.
En voici le résultat :
Il se fit apporter vingt boîtes, choisies au
hasard, parmi le stock que la régie venait de
lui livrer. Les allumettes-de chaque iboîte fu-
rent comptées. Pas une boîte n'avait le comp-
te ■! Il manquait respectivement : 11 allu-
mettes, 8. 7. 2, 12, 8, 11, 11;' 4, S, 11, 11 5, 3.
8, 5, 25, 5, 22.
Dix nouvelles boîtes furent apportées. Mê-
me résultat. Il manquait dans chacune : 16,
7, 20, 17, 20, 22, 15, 21, 15, 25 allumettes. Si
un particulier agissait de pareille sorte et
de façon aussi systématique, on ne manque-
rait pas de le traduire devant les tribunaux.
'Nous ne demandons pas que la Régie passe
en correctionnelle, mais simplement qu'elle
ouvre une enquête sur le fait que nous lui
signalons. - R. fi.
LES AVATARS DE LA FLOTTE D'ÉTAT
- iniBFIitE
(
avait été prophétisé au Sénat
La Commission de la marine avait refusé
de prendre la responsabité de la mise à la me
des cargos du type "Marie-Louise
La catastrophe du cargo Député-Albert-Tail
landier retentira dans l'opinion d'autant plu:
douloureusement que c'jsst la troisième qui st
produit dans les mêmes conditions et que Vèn
des sinistres pour les, bàtiments de ce type
n'est sans doute pas cîose. Elle met dans uni
lumière tragique l'erreur lamentable de li
constitution de cette flotte d'Etat, qui fut J:
grande idée de M. Boufisson et dont la Lan
terne n'a cessé, depuis plusieurs années, d<
dénoncer énergiquement le danger.
Mais il y a, à propos de ce naufrage qu
met en deuil la population maritime de Bre
tagne, une question très grave des responsà
bilités qui se pose :
« L'accident » qui a qausé la perte du Dé
puté-Albert-Taillandier a été, en effet, annon
cé comme probable avec une netteté saisis
sante par la Commission sénatoriale de le
marine, au cours de la discussion du budge
de 1922 de la marine marchande.
Il n'est en effet que de se reporter au rap
port de M. Henry Bérenger et à ses appré
dations aussi justes que sévères sur la cons
truction des cargos « type Marie-Louise »
On y lit ces lignes qui prennent, dans les cir
constances actuelles, un accent singulièremen
prophétique :
Ce, ne sont pas seulement des considêrationi
d'ordre budgétaire qui'inclinent votre commis
Sion A, DEMANDER AU GOUVERNEMENT L'ARRET DSi
CONSTRUCTIONS DES CARGOTS DU TYPE « MARm
LOUISE »'en achèvement dans les arsenaux d<
la marine militaire et pour lesquelles une som
mède 55 millions nous a'été demandée en'VU4
de rernbourser à la marine militaire la valeui
des. cessions.
Vous n'ignorez pas que ces bâtiments ont fait
déjà, l'objet tic critiques très vives de lq pa"
des armateurs alors qu'ils étaient en chantier
Depuis, les événements 'sont venus montrer li
bien-fondé de ces critiquas. L'on a apprta U
naufrage encore récent des navires de la flottt
d'Etat « Député-Dumesnil » et « Député-Raoul
Briquet s.
Le premier s'est perdu corps et biens. On
manque donc de tout rapport postérieur à la
catastrophe. Dans un rapport du capitaine Jeu
Burguière. qui commandait le second, IL KBSSORI
QUE CE BATIMENT A CHAVIRE A CAUSE DE SBS DB-
FAUTS DE CONSTRUCTION. En raison des circons.
tances vraiment impressionnantes où le nau-
frage s'est produit, votre commission a Inséré
en annexé le rapport du commandant du Dà.
puté-Raoul-Briquet.
Sans doute, les cargos charbonniers ne sonl
pas exactement du même tonnage ni du mêm<
type que les deux Marie-LQuise ainsi naufra.
gés. Mais les origines « théoriques » de leur
conception et de leur construction sont de na-
ture à empêcher une. commission parlementaire
DB PRENDRE LA MOINDRE RESPONSABILITE MORALE
DANS LEUR MISE A LA MER ET LEUR EMPLOI PAtt Mi
BQtïPAGE.
Ce dernier paragraphe était significatif. C'ê.
tait un avertissement solennel à la marias
marchande.
Avertissement qui était peu après confirml
par les faits. Le Député-Abel-Fcrry avait ins-
piré un moment donné de vives inquiétudes.
Mais, en mars dernier, le cargo Député-Henri-
Durre était signalé en détresse avec 25 degréi
de bande au sud de Lizard. Le Député-Pierre.
Goujon, rappelait-on à cette occasion, avait
eu. lui aussi, des ennuis.
En annonçant ces événements, le Lloyd
français, dans son numéro du vendredi 17
mars 1922, ajoutait ce commentaire d'inspi.
ration probablement officieuse sinon ot11,
cielle :
Pour qui n'en sait pas davantage, 11 y a"
manière à créer une légende. 17 y a lieu d'y
couper court pour le bon rénom de notre cons-
truction
Nous nous estimons fondés à croire que H
type du « Raoul-Briquet » ne présente aucur
vice de construction 1 1 (sic). Mais, pour la
clarté nécessaire, une large publicité doit être
donnée aux circonstances de ces sinistres.
: On voit comment cette note — d'un opti
misme quasiment criminel — a été vite dé
mentie..La vérité est que les cargos de li
flotte d'Etat du type Marie-Louise ou de la
série des « Députés » ont été « loupés » par
nos constructions navales. Mais l'administra-
tion, malgré les terribles leçons des naufra-
ges précédents, persistait à proclamer son m
faillibilité !
Le malheur qui vient de se produire ser-
vira-t-il au moins à quelque chose ? Et fau-
dra-t-il de nouvelles victimes, d'autres famil-
les en pleurs, d'autres orphelins avant,que
l'on se décide à avouer que l'on a commis
dans la construction de ces bateaux « dernier
cri » des erreurs énormes et que l'on y a n4-
gligé, pour rechercher une soi-disant perfec-
tion théorique, les enseignements de la pra-
tique la plus éprouvée ?
Ces erreurs nous ont coûté des centaines
et des centaines de millions. Mais on les ex-
cuserait encore si à la plaie d'argent, qui
n'est pas mortelle, ne. s'ajoutait, la, perte de
vies humaines, qui,elles, sont irréparables" î
La parole est aux services de la marine
marchande. Nous croyons d'ailleurs savoir
qu'ils seront au Sénat, sinon à la Chambre.
invités à fournir des explications nécessaires
* Louis LE PAGE.
■ 9 - ,. — E -—————————
A propos des chèque
de Mme Bernain de Ravisi
Les singulières révélations de r enquête
Un incident singulier vient de se produirf
au cours du supplément d'information ordon
né au sujet des chèques touchés au Crédit
Lyonnais par M. Canard pour le compte de
Mme Bernain de Ravisi.
Des premiers renseignements fournis pat
le Crédit Lyonnais, il résultait que deux def,
chèques avaient été tirés par M. Théodore
Fischer, marchand d'objets d'art à Lucerne ;
un autre par M. Halguoher, le dernier pat
MM. Falcs et Cie.
Or, la police judiciaire ayant retrouvé les
originaux des chèques les a photographiés, et
ces documents, remis hier entre les mains de
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
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