Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-02-16
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 février 1922 16 février 1922
Description : 1922/02/16 (N16272,A46). 1922/02/16 (N16272,A46).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7512656z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
Le Numéro : 10 cm-
UUXOIIKS il < « < 'M<*
- - - -
Seine et S.-et-Q. 21. ~1* » T »
France et Colon. 28 » 14 » T 60
Etranger 66» 28» 16.
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t ow Bureaux du Journal
ES « EANTERNE s DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES S PARIS ET EN PROVINCE
46 ANNEE — N° 16.272
JEUDI
16
FEVRIER 1922
Directenr-Rédactaur en chef :
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non inséré»
m sont pas rendus
; Mots d'écrit
••
1
M. Dooimergue a bien parilé. Il a dit
son fait au Bloc National. C'était au Jeu
de Paume. Trois cents convives prêtè-
rent serment à l'a Digue de la Républi-
que.
« Es n'ont pas peur du ridicule », ai-je
1u sur les feuilles de droite.
Je ne les ai pas trouvés si ridicules,
ces neigueurs qui veulent fonder la Répu-
blique. Vous êtes bien de mon avis? Pou-
vons-nous vivre plus longtemps sous
cette mo-narohie qui n'est même pas
constitutionnelle, avec cette Chambre in-
trouvable, et ces Grands Messieurs de
Bois-Doré qui veulent déclarer la guerre
là. toutes les démocraties ? L'œuvre ur-
gente est d'instituer, dans ce pays, le
Régime républicain.
*
111*
Mademoiselle Sorel a pris froid sur le
plateau d'un théâtrelyonnais. Elle fait
un procès au directeur, a-u conseil muni-
cipal, au préfet, à l'architecte, à tous
ceux qui doivent la préserver du rhume
de cerveau. Là-dessus, les spectateurs,
au nombre de douze cents, suivant l'au-
guste initiatrice des droits et des devoirs
théâtraux, envoient de's assignations, de-
mandent le remlboursement du prix de
leurs places, et décident, si leur plaid est
gagné, d'offrir à l'Illustre son portrait
par le caricaturiste qu'elle choisira.
Lyon est en émoi.
*
f!):
Le spectacle du cirque est le plus beau
du monde, après toutefois, celui de l'hé-
micycle du Palais-Bourbon, -lorsque M.
Chéron à la tribune menace du poing
tendu te spectre de la vie chère et l'en-
, colure rouge des bouchers.
Il faut saluer les clowns revenus. Au
Nouveau-Cirque, au Cirque d'hiver, ils
font merveille, dans des pièces en cinq
minutes un milion de fois plus drôles
et plus humaines que les comédlies la-
mentables de nos jeunes auteurs dits
spirituels. Les Scandinaves qui opèrent
l'avenue de la Motte-Picquet ont du génie.
Ils déchaînent le rire, avec une simpli-
> cité de moyens qui est du très grand art.
, Et puis, les revoici, les écuyères de
haute-école, Mlle Bertha, écuyère de
panneau qui, tenue à bout de bras par
* Mïle Anna, sa sœur, envoie des baisers
aux messieurs des loges et aux militai-
res.
f Elles sont roses, avec des tutus, et
quand elles (font des ronds de bras, les
muscles sailent. On annonce ta rentrée
d'une amazone de haute-écolf avec un
chapeau haute-forme, une jupe noire
bail ayant la ipiste, qui fera marquer le
pas de -la polka à une jument blanche.
.Nous pourrons ainsi attendre sans trop
d'ennui le départ de M. Raymond Poin-
,caré pour la Conférence de Gênes.
*
**
; — Où cours-tu, Jacquou ? Viens boire
un pot de bière et jouer aux quilles, en
attendant que je fasse tourner le cinéma
à la sacristie.
, - Merci bien, monsieur le curé, je
vais payer l'impôt à la mairie, le percep-
teur m'attend.
— Il attendra ; la bière est fraîche, et
lu trouveras les amis.
- — Merci bien, monsieur le curé, je ne
Veux pas être saisi, il faut payer.
— Allons, Jacquou, tu te moques. No-
tre député est justement au presbytère.
-7 Votre député, votre député, mon-
sieur le curé, n'est pius le mien. Il nous
a raconté des grandes histoires sur le
relèvement de la France, sans les sectai-
res. Je ne vois que le relèvement de l'im-
pôt. Je paye pour mon commerce, pour
ma maison, pour mon chiffre d'affaires.
Je travaille pour payer le Bloc national
qui n'oeuvre de ses dix doigts. Je vous
laisse votre député. Mais, tenez, j'ai bi'en
envie de lui dire deux mots. S'il avait
voté l'impôt sur le capital, la rançon des
mercantis, est-ce que j'aurais reçu tou-
tes ces feuilles bleues ? Je vais lui parler
du pays, à votre député.
— Jacquou, ne te mets pas en colère !
— D'abord, je ne suis pas Jacquou,
mais Jacques ; et je ne vous tutoie pas.
Qu'est-ce que cette façon de traiter les
gars, maintenant. Aillez, ouste, allez à
votre sacristie, débarrassez la rue, ouste.
Le curé ferme la porte, disparaît dans
son presbytère.
Et Jacquou reste, immobile, considé-
rant le mur piqué d'une croix, derrière
lequel montent les cris des joueurs de
quille et les facéties du député.
— Ah ! si on m'y reprend, bon sang
de bon sang !
Qn ne prend Jacquou qu'une fois.
*
*♦
uand l'administration des Beaux-
Arts se décidera-t-elle à enierver le pan-
neau planté au fond de la salle des
Etats ? Il est voué :à la gloire d'Ingres.
M. Ingres, n'est-ce pas le maître des
maîtres, le Prince de da peinture fran-
çaise ,1e Roi du Musée du Louvre. Il ne
représente pas tout l'art de notre pays.
Pourquoi le déifier ? M. Ingres a déjà
déifié Homère en cette toile dont on a
fait la centre de notre musée national.
C'est assez. Malheureux Homère.
Le panneau, soutenu par un tuyau de
poêle, coupe en deux l'Atelier de Cour-
bet. Chaque visiteur proteste contre cette
laideur. J'ai lu, id y a un an, -au bas
d'Homère déifié, ces mots : « Emplace-
ment provisoire ».
Je ne veux pas risquer la plaisanterie
sur le définitif provisoire. L'administra-
tion des Beaux-Arts ne le mériterait pas.
EUe a, de façon admirable, accroché des
toiles au Musée du Louvre. La Salle des
Etats, fort bien composée, consacrée à
la gloire du XIVe siècle, 'est peut-être la
plus belle du monde.
J'adresse requête à bref délai au mi-
nistre et au directeur des Beaux-Arts
pour mettre à sa place Homère déifié, et
permettre aux honnêtes gens de regarder
les Millet, les Delacroix, les Courbet, en
débarrassant le plancher de cette me-
nuiserie encombrante qui brise la pers-
pective de cette sallie de qualité.
Georges PONSOT.
———-——.—— > «Qi+1 Ç ■ ■
L'affaire des banques
devant le Sénat 1
Aujourd'hui même les commissions séna-
toriales, saisies de la fâmeuse affaire de la
B. 1. C., tiendront séance et prendront sans
doute une décision favorable au renflouement
de la Banque Industrielle de Chine. C'est la
seule solution possible, c'est la seule honora-
ble pour la France, la seule conforme à ses
intérêts.
Les questions de personnes étant écartées,
si l'on veut bien pour un instant s'abstraire
des contingences politiques, on ne voit plus
qu'un établissement bancaire atteint par la
crise économique ou par ses propres impru-
dences. S'il s'agissait seulement d'intérêts pri-
vés, les pouvoirs publics auraient le droit de
rester impassibles devant un sinistre, assuré-
ment déplorable, en songeant seulement à la
protection de l'épargne publique et aux sanc-
tions qui peuvent incomber à l'administration
de la justice.
Or, le cas de la B. I. C. n'est pas identi-
quement celui de telle autre banque métro-
politaine succombant sous les coups de la
mauvaise fortune. C'est une institution fran-
co-chinoise, liée à notre influence en Extrême-
Orient, c'est une entreprise dont l'intérêt po-
litique est indéniable dans la compétition des
grandes puissances qui se disputent les mar-
chés asiatiques.
Le relèvement — sous réserve d'une en-
quête judiciaire — eût été admis d'un senti-
ment unanime, sans les intrigues de la poli-
tique d'une part, et les fureurs de la concur-
rence d'autre part.
*
* *
L'exploitation du scandale commença dès
le jour où la défaillance fut connue. Les uns
y trouvèrent le prétexte d'une offensive contre
M. Briand et son collaborateur M. Philippe
Berthelot, les autres y virent l'occasion
longtemps cherchée de mettre à mal une ban-
que dont l'activité inquiétait leur hégémonie
financière. Politiciens et banquiers lièrent
partie ; M. Philippe Berthelot disparut, M.
Briand démissionna.
Quelques bonnes âmes pourraient croire
que la politique fut alors éliminée du grand
débat sur la B. I. C., elles feraient preuve
d'une grande naïveté. Fiers de leurs avanta-
ges, les partis victorieux songent à pousser
à fond leur attaque, pour des desseins à pei-
ne dissimulés : Il faut rendre impossible le
retour de M. Briand au pouvoir, il faut ten-
ter, en frappant M. Millerand lui-même, de
provoquer un incident présidentiel et, qui
sait ? peut-être une crise de régime.
Les clemencistes trouvent tout à coup du
renfort chez les royalistes et des concours in-
directs parmi les socialistes prompts à dénon-
cer les méfaits du capitalisme bourgeois.
M. Paul. Doumer, incurablement aigre, entend
se venger sur tous et sur le Président de la
République, de la perte ,i douloureuse de son
dernier portefeuille.
*
* ♦
Les hommes de bonne volonté qui sont, par
chance, nombreux au Parlement, ont parfois
quelque difficulté à distinguer les effets et les
causes. Il s'agit en tout cela, semble-t-il,
du bien public, de la défense des deniers Ides
contribuables, enfin de la bonne et stricte jus-
tice !
Mais il s'est fait une grande lumière sur
la bataille des banques. Les positions des
combattants apparaissent ; il n'est pas de
batterie qui ne se révèle à l'observateur, si son
tir est continu. On voit le but de l'opposition
au renflouement de La B. I. C., on distingue
le jeu de la Banque d'Indo-Chine. Coalition
terrible d'ambitieux, conspiration implacable
de rapaces.
Les commissions du Sénat sont au-dessus
de la mêlée, elles sont composées d'hommes
dont l'expérience est clairvoyante. Nul doute
qu'elles sachent dégager, du flot des polémi-
ques, la vérité toute nue.
Le relèvement de la Banque Industrielle de
Chine est une affaire, mais c'est une affaire
« nationale ». Le Sénat ne fera ni le jeu des
antibriandistes en pensant « servir » l'inté-
rêt public aveuglément examiné, ni la fortune
d'un groupe de banquiers, dont les menées
constituent, pour le crédit de notre pays, un
péril sans cesse grandissant.
Félix HAUTFORT.
LE PÉRIL CLÉRICAL RENAIT !
Les Congrégations achètent
des immeubles et veulent
en expulser les locataires
» '>t>t ■ ■ ■■
Les occupants protestent auprès du Sénat
Le Sénat vient d'être saisi d'une pétition
qui se distingue des suppliques, placets ou ré-
criminations dont le Parlement est habituel-
iement saisi par des citoyens « qui réclament
justice ».
Généralement, les « pétitions » adressées
aux Chambres ont trait à des récriminations
personnelles et de peu d'importance ; elles
émanent de plaideurs obstinés, mécontents de
l'arrêt qui les a condamnés, de gens en lutte
avec nos grandes administrations et qui
s'acharnent à obtenir satisfaction, ou encore
d'arabes — les indigènes d'Algérie ont un goût
spécial pour ce genre de protestations — qui
sollicitent quelque menue faveur, le plus sou-
v.ent « l'autorisation d'ouvrir un café maure ».
Presque toujours le rapporteur (car les péti-
tions sont gravement rapportées), se borne
tout simplement à « signaler les pétition-
naires » à la bienveillante attention du minis-
tre de l'Intérieur, de la Guerre, ou de la Jus-
tice ». Mais, dans le cas dont nous parlons,
il est à souhaiter que le Sénat ne se contente
pas de « renvoyer à M. le garde des Sceaux »
la plainte, qui mérite d'être prise en sérieuse
considération, émanant des locataires de l'im-
meuble sis 14, impasse Cœur-de-Vey, dans le
XIVe arrondissement de Paris.
Ces locataires ont en effet reçu congé pour
avril prochain. C'est un sort commun à beau-
coup d'habitants de la Capitale. Mais si ceux
dont il s'agit méritent une attention toute spé-
ciale, c'est parce qu'ils sont jetés à la rue, ou
menacés de l'être prochainement par suite de
l'acquisition de leur immeuble par une Congré-
gation. En conséqneuce, ils demandent ins-
tamment au Sénat, qui est saisi en ce moment
de la loi sur les loyers, d'interdire par une
disposition spéciale, la transformation des
maisons à destination d'habitation « en cou-
vent, presbytère, chapelle, maison de santé,
de refuge, de retraite ou institution ccngréga-
niste quelconque ».
-te
**
Depuis que le Bloc National est devenu
maître — provisoirement — des destinées du
payà, les cléricaux reprennent de plus en plus,
comme on dit, du poil de la bête. On a bien
solennellement annoncé qu'il n'y aurait, qu'il
ne pourrait y avoir rien de changé aux lois
dites intangibles. Ces lois ne sont pas abolies
en effet. Elles sont ignorées ou tournées tout
simplement. Nous avons signalé jadis qu'une
institution congréganiste, dirigée par une
supérieure allemande, avait projeté de s'éta-
blir rue St-Dominique, à deux pas du minis-
tère de la guerre. A ce propos, M. Barthou,
qui est devenu ministre de la Justice doit
savoir si le projet a été mis à exécution et se
souvenir au besoin qu'il a mission de faire
respecter la loi sur les associations comme
les autres lois.
Mais ce n'est pas le seul exemple du retour
offensif des congrégations en France. L'achat
de l'immeuble de l'impasse Cœur-de-Vey en
est un autre.
Mieux encore, si nous en croyons notre con-
frère le Progrès Civique, à l'heure ou la crise
des loyers sévit si gravement, de nombreuses
familles sont à la veille d'être jetées sur le
pavé pour laisser place libre à des ordres de
tout froc et de toute obédience.
Les signataires de la pétition adressée au
Sénat ont en effet appuyé leur protestation
d'une liste d'immeubles achetés par des con-
grégations et qui est la suivante :
1" Le n° 14 de l'impasse Cœur-deVey, acquis
par ou pour des Eudistes ; 7 locataires con-
gédiés pour avril. En outre, dans la même
maison, 3 appartements, 2 logements et un
atelier de peintre sont déjà vacants depuis
juillet et octobre 1921 ;
2° 25, rue Sarrette, 12 locataires « remer-
ciés » pour avril et destinés à être remplacés
par des Franciscains ou des Pères du Saint-
Esprit ;
3° 27, rue Sarrette, 7 locataires mis à la
porte pour avril prochain et pour la même
raison. L'une d'ailleurs des deux propriétés
de la rue Sarrette est occupée déjà par des
religieux ;
4° 29, rue Sarrette. Mêmes acquéreurs.
5° 6, villa Saint-Jacques. L'immeuble ne
compte pas moins de 25 appartements, dont
plusieurs sont vacants depuis un certain
temps déjà. Tous les locataires qui y résident
actuellement sont congédiés pour avril tou-
jours. La congrégation qui doit s'installer là
n'est pas encore connue.
6° 8, rue de la Tombe-Issoire ; 15 grands
appartements doivent être « vidés » en avril
encore. La congrégation qui a acquis cet im-
meuble est, croit-on, la même qui a acheté la
villa Saint-Jacques ;
7° 79, rue Denfert-Rochereau. Hôtel parti-
culier acheté par une congrégation protes-
tante américaine, qui y construit déjà un
gymnase et une chapelle.
Cette liste est certainement incomplète. Elle
est pourtant par elle-même suffisamment im-
pressionnante. Si l'on s'en tient seulement
aux immeubles qu'elle concerne, voilà plus
de 60 locataires, parmi lesquels la plupart
sont chefs de famille, qui risquent de se trou-
ver sans abri pour peu que les expulsions
soient autorisées d'ici quelques mois.
Le Sénat, nous l'espérons, ne restera pas
indifférent à l'invasion congréganiste et au
danger qu'elle comporte. Puisque le gouverne-
ment, charmé sans doute par les grâces aima-
bles de Mgr Ceretti, ne se soucie point d'un
péril qui va grandissant, aa Haute Assemblée
du moins, tiendra à savoir si les congréga-
tions qui rentrent en France sont en règle ou
non envers la loi. Et il n'hésitera pas, nous
en sommes persuadé, à rappeler le gouverne-
ment lui-même à son devoir.
Pierre VARZY.
POUR LA PAIX DU MONDE
La Cour internationale de Justice
a été inaugurée hier à La Haye
- oat>
La Haye, 15 février. — L'inauguration de
la Cour permanente de Justice internationale
a eu lieu cet après-midi à La Haye, selon un
cérémonial empreint à la fois de simplicité
et de grande élévation morale.
L'événement a été digne de son caractère
international et des espoirs que l'humanité
a mis en lui.
Au dehors, la neige tombait et, dans la ville
de La Haye, aucun signe apparent ne révé-
lait qu'un grand fait mondial allait ce dérou-
ler. Aux fenêtres quelques drapeaux ; à la
porte du Palais, quelques curieux. C'était
tout.
A 15 h. 30, les juges font leur entrée dans
la grande salle de justice et prennent place
autour de la table rectangulaire. Ils sont dix
titulaires et trois suppléants. Deux titulaires
manquent au rendez-vous, retenus par l'état
de leur santé. Ce sont MM. Barbosa et de Bus-
tamente, représentants de l'Amérique latine.
Les juges portent la robe noire à rebords
de velours sans hermine : tenue sobre et sé-
vère.
Le corps diplomatique est présent au com-
plet. On remarque M. Charles Benoist, minis-
tre plénipotentiaire de France. On se montre
également M. de Lucius, représentant de
l'Allemagne.
La salle est resplendissante de lumière.
Deux allégories de la Vérité et de la Justice
semblent sortir vivantes des murs où elles
sont gravées. Un grand silence : la reine
Wilhelmine et la reine mêrr ainsi que le
prince consort font leur entrée. La reine, vêtue
d'une toilette de velours 'bleu ciel, prend
place au premier rang des invités face à la
Cour.
M. da Cunha qui l'accompagne .'a recon-
duira à sa voiture après la cérémonie. La
reine l'a prié de se rendre au Palais.
Le gouvernement des Pays-Bas est repré-
senté par la plupart des ministres, entre
autres par M. van Karnebeek, ministre des
Affaires étrangères, président de la deuxième
assemblée de !a Société des Nations.
Le conseil de la Société des Nations a en-
voyé son président, M. da Cunha, ambassa-
deur du Brésil à Paris. Le secrétaire général
de la Société des Nations est également pré-
sent ainsi qu'e le bourgmestre et les échevins
de la ville de la Haye. On remarque encore un
représentant du Conseil d'administration du
bureau international du travail, M. de Villa-
longa, représentant M. Albert Thomas. De
nombreuses personnalités étrangères, des ju-
risconsultes et, parmi eux, M. de la Pradelle,
des diplomates, hommes politiques, journa-
listes, etc.
Le président de la Cour ouvre la séance
puis le greffier donne lecture d'une liste de
télégrammes et d'adresses contenant les fé-
licitations %t la satisfaction des milieux poli-
tiques et intellectuels internationaux à l'oc-
casion de la première session de la Cour.
La première dépêche émane de M. Lloyd
George qui dit, en terminant :
« Je suis convaincu que la résolution com-
mune des membres de la Société des Nations
de se soumettre à l'arbitrage du droit marque
une époque dans l'histoire du monde et fera
beaucoup pour resserrer l'entente entre les
nations ».
Le greffier de la Cour donne ensuite lec-
ture de l'article du statut qui exige que les
membres de la Cour prennent, en séance
publique, avant d'entrer en fonctions, un en-
gagement solennel et les membres de la
Cour, se levant, prononcent alors, à tour de
rôle, suivant l'ordre de préséance établi, la
déclaration suivante :
< Je déclare solennellement que j'exercerai
tous mes devoirs et attributions de juge en
tout honneur et 'dévouement, en pleine et par-
faite impartialité et en toute conscience. »
Tous les juges s'expriment en français, fi
l'exception de lord Finlay (Grande-Bretagne)
et de M. Moore (Etats-Unis d'Amérique).
Le président'en exercise du conseil de la
Société des Nations, M. da Cunha, prend
ensuite le premier la parole.
Dans son discours, il insiste sur le grand
intérêt que prend l'Amérique latine à l'ins-
titution de la Cour :
« A cette heure, non seulement le Brésil,
mais toute l'Amérique a les yeux fixés sur
La Haye. Sur .le grand et jeune continent
américain, sans doute bien moins éprouvé
par la guerre que votre vaillante Europe,
l'idée de justice internationale est peut-être
plus vigoureuse et :plus vivace que partout
ailleurs. Les peuples du Nouveau Monde se
sentent instinctivement attirés par ce haut
idéal. »
Faisant l'historique des difficultés qui
ont longtemps mis obstacle à l'institution
de la Cour, M. da Cunha caractérise d'un
mot l'action de M. Léon Bourgeois, « ce
grand lutteur pour la justice humaine et
pour la moralité internationale » et montre
comment l'institution de la Cour a été ren-
due possible par la crétation de la Société
*
des Nations.
« Pour réussir, il fallait que ces croyants
de la justice humaine ne possédassent pas
seulement l'enthousiasme et la science, mais
disposassent aussi d'un puissant mécanis-
me international permettant d'aplanir les
difficultés, d'atténuer les rivalités
grouper avec souplesse vers un but unique
les énergies des gouvernements et des peu-
ples ; il fallait la venue de la Société des
Nations.
« C'est srâce à elle aue nous sommes réu-
nia aujourd'hui dans cette enceinte ; c'est
grâce aux outils qu'elle a mis dans nos
mains que nous pouvons aujourd'hui, d'un
œil tranquille, contempler le bâtiment
achevé. »
M. da Cunha termine par ces mots :
< Maintenant que l'œuvre qui semblait
impossible est achevée, ne craignez pas que
te conseil ou l'assemblée de la Société des
Nations prétendent en quoi que ce soit éten-
dre sur vous leur égide puisque c'est doré-
navant au nom de l'Humanité tout entière
que la Société des Nations voudrait que
vous pussiez juger. »
Après lui, sir Eric Drummond, secrétaire
général de la Société des Nations, s'attache
à définir les rapports qui existent entre la
Cour et la Société des Nations.
Enfin, après quelques paroles du bourgmes-
tre de La Haye, le président de la Cour, M.
Loder, prononce un discours qui constitue un
monument magnifique d'éloquence et de beau-
té morale.
Le président Loder se fait l'interprète de
tous en regrettant l'absence de M. Léon Bour-
geois, à qui revient une si grande part dans
l'institution de la Cour. -
M. Loder marque la place que la Cour oc-
cupe dans la Société des Nations et montre
la nouveauté et l'importance de cette insti-
tution.
« La Cour existe, dit-il. Quoiqu'il ne lui ap-
partienne pas de transformer le monde, quoi-
qu'elle ne puisse juger que des affaires qui
lui seront soumises, sa création et son inau-
guration marquent un grand progrès dans la
voie de l'évolution du monde. » *
Il était 4 h. 30, la cérémonie était ter-
minée. Aucun applaudissement, par respect
pour la reine et pour la Cour, n'avait inter-
rompu la cérémonie.
Le président a remercié la reine, a frappé
à nouveau la table de son marteau : la séance
était levée.
————————— , - ( ——————————
Mort de la Veuve d'Alexandre 77
de Russie
Nice, 15 février. — La princesse You-
rievsky, veuve de l'empereur Alexandre II de
Russie, est décédée ce matin des suites de la
maladie Bright.
————————— , —
Le Comité confédéral
national est terminé
1 t.
La scission syndicaliste est un fait non
seulement accompli, mais officiellement an-
noncé.
La dernière journée du Comité confédéral
national s'est terminée, après de nombreuses
discussions, par l'adoption, prise à l'unani-
mité, d'une résolution fixant, de façon claire,
la situation actuelle des milieux syndicalis-
tes. ~.:. J..- .;;..:.. ——,.. -- --T'-
Cette résolution dit notamment ceci :
« Le Comité national confédéral :
« Constate que la scission est réalisée à
tous les degrés de l'organisme ouvrier. En-
registre qu'une fraction du mouvement syn-
dical, passant par-dessus les organismes ré-
guliers, a convoqué un Congrès confédéral
extraordinaire et que, de ce congrès irrégu-
11er, tenu en violation flagrante des statuts
confédéraux, est sortie une deuxième C. G. T.
avec ses secrétaires confédéraux, sa commis-
sion administrative, avec son siège social
distinct, avec ses cartes et ses timbres parti-
culiers.
« C'est la scission voulue et organisée.
« C'est le morcellement des forces ouvriè-
res au moment où toutes les forces de réac-
tion mondiale se coalisent contre le prolé-
tariat.
« Le Comité confédéral national laisse aux
organisateurs de la C. G. T. U. toute la res-
ponsabilité de cette lourde faute et de ce
crime contre la classe ouvrière.
« Ecartant tout renouvellement des dis-
cussions passées et, pour un examen loyal
et approfondi de ces problèmes, à l'exclusion
de toutes les questions qu'ont pu trancher
les congrès antérieurs, le Comité confédéral
national décide d'examiner en sa prochaine
réunion l'urgence de la convocation d'un
congrès confédéral. »
Il n'y a donc pius lieu de douter. Majo-
ritaires et extrémistes n'ont plus rien à se
dire ; ils sont divisés définitivement.
Il y aura demain deux C. G. T., l'une, la
C. G. T. syndicaliste tout court, l'autre, la
C. G. T. révolutionnaire.
Les ordres de Moscou ont eu leur réper-
cussion La division est faite.
Et somme toute, les uns comme les autres
ne sont pas fâchés de n'avoir plus à se dis-
puter mu sein des mêmes organisations.
—?—ç
LA NOCE EN CORRECTIONNELLE
Le crime du « bouif »
Le mariage mène à tout, même — consé-
quence assez imprévue — en correctionnelle.
Emile Favrc, cordonnier de son état, pensa
un beau jour qu'il est bon d'avoir une compa-
gne près de soi pour vous donner plus de cou-
rage à ressemeler les chaussures. Aussi, sans
tarder, mit-il ses velléités matrimoniales à
exécution en épousant une jeune personne de
son quartier.
On Jeta dignement ce grand événement en
banlieue, en compagnie des parents, témoins
et amis des nouveaux époux. Dans un restau-
rant, au bord de Veau, comme il convient, on
dansa pas mal, on mangea beaucoup et on but
plus encore, tant et si bien que le marié était
quelque peu « ému » lorsqu'il reprit, accom-
pagné de sa femme tout de blanc vêtue, le
tramway pour regagner Paris.
Lorsque la receveuse du véhicule, Mme Es-
pinasse vint percevoir le prix des places, le
cordonnier eut, paraît-il, vis-à-vis d'elle une
attitude si inconvenante que, sans hésiter,
l'employée de la Compagnie, en femme éner-
gique, lui lança une gifle retentissante ; le
marié alors songea sans doute que sa dignité
masculine ne pouvait laisser une telle injure
sans vengeance, et riposta à coups de poing.
Parents, amis, voyageurs prirent, les uns le
parti de la receveifse, les autres celui du cor-
donnier et une mêlée générale s'ensuivit qui
ne prit fin .qn'au terminus à l'arrivée dea
agents.
Mme Espinasse assigna Emile Favre en cor-
rectionnelle, et toute la noce — véritable mas-
carade nullement déplacée dans un cortège de
Mardi-Gras — vint apporter son témoignage.
« La receveuse a commencé », déclara l'un
des beaux masques. — pardon 1 l'un des té-
moins.
« Le cordonnier a commis un véritable. cri-
me », répliqua un voyageur : « il a levé la
main sur une femme. » Et le nouveau marié
vit punir ce crime d'une amende de 200 francs.
« Et mon voile blanc, et ma belle couronne
de fleurs ont été arrachés », se lamenta la ma-
r%ét eh quittant l'audience.
Triste é-oiîoa'ue d'un beau iour 1 — S. R.
A PROPOS' D'UN DRAME
La lamentable situation
des accidentés du travail
Le drame de la rue La Boétie, dont l'ouvrier
Müller est le triste héros, pose à nouveau
avec une cruelle actualité, la question du
mutilés du travail.
Nous avons déjà ici exposé leur lamentablé
situation. On sait qu'une loi votée par la
Chambre, accordant des majorations de pen-
sions aux accidentés du travail, sommeille
dans les cartons du Sénat. Le drame d'hier
aura-t-il la vertu de l'en faire sortir. Il faut
l'espérer. Puisse-t-il montrer à nos sénateurs
leur criminelle insouciance.
Le mutilé du travail, n'a, alors même que
l'invalidité de 100 pour cent lui est accordée,
pas matériellement de quoi vivre. Sa pension
est un secours de famine, qui le condamne
lui et sa famille à unellongue misère. En
veut-on un nouvel exemple. C'est la lettre
que nous recevons de la veuve d'un cheminot.
21 ans de présence à la Compagnie, tué èt
service, et qui n'a, malgré toutes ses démar-
ches et toutes ses sollicitations, qu'une pen-
sion de 520 francs sans aucune majoration.
Il faut consulter les taux d'invalidité ac-
cordés aux mutilés du travail, pour com-
prendre leur misère.
Un mutilé à 100 0/0, ne perçoit qu'une penr
sion basée sur 50 0/0, car la jurisprudence
attribue la moitié de la responsabilité de l'ae
cident, à la victime !
Et voici le jeune Miiller, amputé du bras
droit, 90 0/0 d'invalidité, incapable désormais
de gagner sa vie, qui se voit accorder 2.000
francs de pension. Il a sa vieille mère im.
potente à sa charge 2.000 francs pour deux,
c'est, sans littérature, la misère sans aucun
espoir
On n'excuse pas son geste, mais on com-
prend sa révolte. La sienne, ainsi que celle
de tous ces invalides de guerre, que l'on traî-
ne de bureaux en bureaux, d'hôpitaux en hô-
pitaux et dont on ne parvient pas à liquider
les pensions.
Si on a pu dire de tous les combattants quf.
sont revenus plus ou moins éclopés de la
guerre, qu' « ils ont des droits sur nous », et
si on veut bien convenir que celle formule
n'est pas une ironie, on peut affirmer de
même, que tous les accidentés du travail, ont
des droits sur l'entreprise, la maison ou les
patrons au service desquels ils ont donné
une partie de leur chair. Des droits certes, et
indiscutables pour qui veut bien raisonner en
toute indépendance. Des droits qui ne de-
vraient pas se marchander à un taTif dért.
soire, mais le droit de vivre, comme ils Vi-
vaient avant que l'accident ne survienne.
On s'étonne que ce droit sacré, qui n'est
que la reconnaissance de l'individu en tant
que personnalité et qui affranchit l'ouvrier
du rôle de machine à produire, ait encore à
être proclamé.
L'ouvrier mutilé au service d'une compa-
gnie comme le soldat mutilé, sotit pour la
Compagnie ou pour le pays, une charge, qu'ils
devraient avoir à honneur d'assumer avant
toute autre.
Hélas ! les, invalides de guerre ont des
ressources à peine suffisantes, les accidentée
du travail sont condamnés à la mendicité !
Robert DUBARD.
• •"* ■■ > m+a» t .ï.
LA TAXATION
du pain et de la viande
Les pouvoirs des préfets
Au cours de sa séance de mairdi, le conseil
des ministres a approuvé un projet de loi pré-
senté par les ministres de l'intérieur et de
l'agriculture et ayant pour Objet de réglemen-
ter les pouvoirs des préfets en matière de taxa-
tion du pain et de la viande de boucherie.
L'exposé des motifs de ce projet de loi
déposé sur le bureau de la Chambre débute
par les considérations suivantes:
« La baisse des prix des céréales panifia-
bles n'a pas entraîné en général une diminu-
tion correapondante du prix du pain.
« De même, l'abaissement considérable du
prix du bétail sur pied n'a pas eu pour consé-
quence, dans la plupart des villes, une baissa
correspondante du prix de vente au détail de
la viande nette
« Contre cet état de choses s élève la dotlb>
protestation dea consommateurs, durement at-
teints par la cherté de la vie et des produc-
teurs agricoles, qui voient le montant de leurs
sacrifices absorbés dans une trop Sirge mesu-
re par les utermédiaires, qans qu'il en ré-
sulte pour les consommateurs un allégement
proportionné du coût de l'existence. »
Le projet rappelle ensuite la législation d,,
1791, qui donne compétence aux maires pou:
la taxe du pain et de la viande. Il montre liioa
nécessité de fixer les pouvoirs des préfets.
« Nous sommes loin, disent les signataire
du projet, de trouver dans la taxation un re-
mède décisif à la vie chère, mais il est des cas
où elle constitue un -des moyens de rétablir la
concordance nécessaire entre les prix de .1
production et les prix de vente au consomma
teur. Il n'y a pas lieu d'hésiter à y recourh
quand il s'agit de denrées qui eont & la base
même de l'alimentation nationale. »
Le projet de loi donne donc aux préfets
le droit de prendre, lorsque les circonstances
économiques leur paraîtront l'exiger, des ar-
rêtés pour fixer le prix-limite qui ne pourra
être dépassé, dans lu vente au détail du pain
et de la viande dans leurs départements. Il
leur donne également le droit de taxer les Xa-
rines et les sons
Il ne sera pas dérogé aux pouvoirs des
maires d'établir les taxes prévues par la loi
de 1791, mais ces taxes ne pourront dépasser
le prix-limite départemental, pas plus Que le
prix de vente du pain ou de la viande ne
pourra excéder lui-même ce prix-limite là où
le maire n'aura pas pris d'arrêté de taxation.
Toutes garanties sont d'ailleurs données
aux commerçants et aux producteurs, dans
la fixation-de la taxe, là où le préfet ju-
gera à propos d'y recourir, puisqu'elle ne sera
établie qu'aprèt avis d'une commission con-
sultative où tous les întérêta seront repré-
sentés.
Les ruraux contre les consommateurs
La commission d'agriculture de la Chambre
estime Que nous ne payons pas assez cher
les produits agricoles
La commission d'agriculture de la Cham-
bre est-elle composée de mauvais plaisants ?
Elle fut informée hier que d'assez grandes
quantités de viande frigorifiée, de beurre et
de fromage, allaient nous arriver de l'étran-
ger. Le sang des commissaires ne fit qu'au
tour.
Fih ! ouoi. la consommateur français allait
UUXOIIKS il < « < 'M<*
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ES « EANTERNE s DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES S PARIS ET EN PROVINCE
46 ANNEE — N° 16.272
JEUDI
16
FEVRIER 1922
Directenr-Rédactaur en chef :
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non inséré»
m sont pas rendus
; Mots d'écrit
••
1
M. Dooimergue a bien parilé. Il a dit
son fait au Bloc National. C'était au Jeu
de Paume. Trois cents convives prêtè-
rent serment à l'a Digue de la Républi-
que.
« Es n'ont pas peur du ridicule », ai-je
1u sur les feuilles de droite.
Je ne les ai pas trouvés si ridicules,
ces neigueurs qui veulent fonder la Répu-
blique. Vous êtes bien de mon avis? Pou-
vons-nous vivre plus longtemps sous
cette mo-narohie qui n'est même pas
constitutionnelle, avec cette Chambre in-
trouvable, et ces Grands Messieurs de
Bois-Doré qui veulent déclarer la guerre
là. toutes les démocraties ? L'œuvre ur-
gente est d'instituer, dans ce pays, le
Régime républicain.
*
111*
Mademoiselle Sorel a pris froid sur le
plateau d'un théâtrelyonnais. Elle fait
un procès au directeur, a-u conseil muni-
cipal, au préfet, à l'architecte, à tous
ceux qui doivent la préserver du rhume
de cerveau. Là-dessus, les spectateurs,
au nombre de douze cents, suivant l'au-
guste initiatrice des droits et des devoirs
théâtraux, envoient de's assignations, de-
mandent le remlboursement du prix de
leurs places, et décident, si leur plaid est
gagné, d'offrir à l'Illustre son portrait
par le caricaturiste qu'elle choisira.
Lyon est en émoi.
*
f!):
Le spectacle du cirque est le plus beau
du monde, après toutefois, celui de l'hé-
micycle du Palais-Bourbon, -lorsque M.
Chéron à la tribune menace du poing
tendu te spectre de la vie chère et l'en-
, colure rouge des bouchers.
Il faut saluer les clowns revenus. Au
Nouveau-Cirque, au Cirque d'hiver, ils
font merveille, dans des pièces en cinq
minutes un milion de fois plus drôles
et plus humaines que les comédlies la-
mentables de nos jeunes auteurs dits
spirituels. Les Scandinaves qui opèrent
l'avenue de la Motte-Picquet ont du génie.
Ils déchaînent le rire, avec une simpli-
> cité de moyens qui est du très grand art.
, Et puis, les revoici, les écuyères de
haute-école, Mlle Bertha, écuyère de
panneau qui, tenue à bout de bras par
* Mïle Anna, sa sœur, envoie des baisers
aux messieurs des loges et aux militai-
res.
f Elles sont roses, avec des tutus, et
quand elles (font des ronds de bras, les
muscles sailent. On annonce ta rentrée
d'une amazone de haute-écolf avec un
chapeau haute-forme, une jupe noire
bail ayant la ipiste, qui fera marquer le
pas de -la polka à une jument blanche.
.Nous pourrons ainsi attendre sans trop
d'ennui le départ de M. Raymond Poin-
,caré pour la Conférence de Gênes.
*
**
; — Où cours-tu, Jacquou ? Viens boire
un pot de bière et jouer aux quilles, en
attendant que je fasse tourner le cinéma
à la sacristie.
, - Merci bien, monsieur le curé, je
vais payer l'impôt à la mairie, le percep-
teur m'attend.
— Il attendra ; la bière est fraîche, et
lu trouveras les amis.
- — Merci bien, monsieur le curé, je ne
Veux pas être saisi, il faut payer.
— Allons, Jacquou, tu te moques. No-
tre député est justement au presbytère.
-7 Votre député, votre député, mon-
sieur le curé, n'est pius le mien. Il nous
a raconté des grandes histoires sur le
relèvement de la France, sans les sectai-
res. Je ne vois que le relèvement de l'im-
pôt. Je paye pour mon commerce, pour
ma maison, pour mon chiffre d'affaires.
Je travaille pour payer le Bloc national
qui n'oeuvre de ses dix doigts. Je vous
laisse votre député. Mais, tenez, j'ai bi'en
envie de lui dire deux mots. S'il avait
voté l'impôt sur le capital, la rançon des
mercantis, est-ce que j'aurais reçu tou-
tes ces feuilles bleues ? Je vais lui parler
du pays, à votre député.
— Jacquou, ne te mets pas en colère !
— D'abord, je ne suis pas Jacquou,
mais Jacques ; et je ne vous tutoie pas.
Qu'est-ce que cette façon de traiter les
gars, maintenant. Aillez, ouste, allez à
votre sacristie, débarrassez la rue, ouste.
Le curé ferme la porte, disparaît dans
son presbytère.
Et Jacquou reste, immobile, considé-
rant le mur piqué d'une croix, derrière
lequel montent les cris des joueurs de
quille et les facéties du député.
— Ah ! si on m'y reprend, bon sang
de bon sang !
Qn ne prend Jacquou qu'une fois.
*
*♦
uand l'administration des Beaux-
Arts se décidera-t-elle à enierver le pan-
neau planté au fond de la salle des
Etats ? Il est voué :à la gloire d'Ingres.
M. Ingres, n'est-ce pas le maître des
maîtres, le Prince de da peinture fran-
çaise ,1e Roi du Musée du Louvre. Il ne
représente pas tout l'art de notre pays.
Pourquoi le déifier ? M. Ingres a déjà
déifié Homère en cette toile dont on a
fait la centre de notre musée national.
C'est assez. Malheureux Homère.
Le panneau, soutenu par un tuyau de
poêle, coupe en deux l'Atelier de Cour-
bet. Chaque visiteur proteste contre cette
laideur. J'ai lu, id y a un an, -au bas
d'Homère déifié, ces mots : « Emplace-
ment provisoire ».
Je ne veux pas risquer la plaisanterie
sur le définitif provisoire. L'administra-
tion des Beaux-Arts ne le mériterait pas.
EUe a, de façon admirable, accroché des
toiles au Musée du Louvre. La Salle des
Etats, fort bien composée, consacrée à
la gloire du XIVe siècle, 'est peut-être la
plus belle du monde.
J'adresse requête à bref délai au mi-
nistre et au directeur des Beaux-Arts
pour mettre à sa place Homère déifié, et
permettre aux honnêtes gens de regarder
les Millet, les Delacroix, les Courbet, en
débarrassant le plancher de cette me-
nuiserie encombrante qui brise la pers-
pective de cette sallie de qualité.
Georges PONSOT.
———-——.—— > «Qi+1 Ç ■ ■
L'affaire des banques
devant le Sénat 1
Aujourd'hui même les commissions séna-
toriales, saisies de la fâmeuse affaire de la
B. 1. C., tiendront séance et prendront sans
doute une décision favorable au renflouement
de la Banque Industrielle de Chine. C'est la
seule solution possible, c'est la seule honora-
ble pour la France, la seule conforme à ses
intérêts.
Les questions de personnes étant écartées,
si l'on veut bien pour un instant s'abstraire
des contingences politiques, on ne voit plus
qu'un établissement bancaire atteint par la
crise économique ou par ses propres impru-
dences. S'il s'agissait seulement d'intérêts pri-
vés, les pouvoirs publics auraient le droit de
rester impassibles devant un sinistre, assuré-
ment déplorable, en songeant seulement à la
protection de l'épargne publique et aux sanc-
tions qui peuvent incomber à l'administration
de la justice.
Or, le cas de la B. I. C. n'est pas identi-
quement celui de telle autre banque métro-
politaine succombant sous les coups de la
mauvaise fortune. C'est une institution fran-
co-chinoise, liée à notre influence en Extrême-
Orient, c'est une entreprise dont l'intérêt po-
litique est indéniable dans la compétition des
grandes puissances qui se disputent les mar-
chés asiatiques.
Le relèvement — sous réserve d'une en-
quête judiciaire — eût été admis d'un senti-
ment unanime, sans les intrigues de la poli-
tique d'une part, et les fureurs de la concur-
rence d'autre part.
*
* *
L'exploitation du scandale commença dès
le jour où la défaillance fut connue. Les uns
y trouvèrent le prétexte d'une offensive contre
M. Briand et son collaborateur M. Philippe
Berthelot, les autres y virent l'occasion
longtemps cherchée de mettre à mal une ban-
que dont l'activité inquiétait leur hégémonie
financière. Politiciens et banquiers lièrent
partie ; M. Philippe Berthelot disparut, M.
Briand démissionna.
Quelques bonnes âmes pourraient croire
que la politique fut alors éliminée du grand
débat sur la B. I. C., elles feraient preuve
d'une grande naïveté. Fiers de leurs avanta-
ges, les partis victorieux songent à pousser
à fond leur attaque, pour des desseins à pei-
ne dissimulés : Il faut rendre impossible le
retour de M. Briand au pouvoir, il faut ten-
ter, en frappant M. Millerand lui-même, de
provoquer un incident présidentiel et, qui
sait ? peut-être une crise de régime.
Les clemencistes trouvent tout à coup du
renfort chez les royalistes et des concours in-
directs parmi les socialistes prompts à dénon-
cer les méfaits du capitalisme bourgeois.
M. Paul. Doumer, incurablement aigre, entend
se venger sur tous et sur le Président de la
République, de la perte ,i douloureuse de son
dernier portefeuille.
*
* ♦
Les hommes de bonne volonté qui sont, par
chance, nombreux au Parlement, ont parfois
quelque difficulté à distinguer les effets et les
causes. Il s'agit en tout cela, semble-t-il,
du bien public, de la défense des deniers Ides
contribuables, enfin de la bonne et stricte jus-
tice !
Mais il s'est fait une grande lumière sur
la bataille des banques. Les positions des
combattants apparaissent ; il n'est pas de
batterie qui ne se révèle à l'observateur, si son
tir est continu. On voit le but de l'opposition
au renflouement de La B. I. C., on distingue
le jeu de la Banque d'Indo-Chine. Coalition
terrible d'ambitieux, conspiration implacable
de rapaces.
Les commissions du Sénat sont au-dessus
de la mêlée, elles sont composées d'hommes
dont l'expérience est clairvoyante. Nul doute
qu'elles sachent dégager, du flot des polémi-
ques, la vérité toute nue.
Le relèvement de la Banque Industrielle de
Chine est une affaire, mais c'est une affaire
« nationale ». Le Sénat ne fera ni le jeu des
antibriandistes en pensant « servir » l'inté-
rêt public aveuglément examiné, ni la fortune
d'un groupe de banquiers, dont les menées
constituent, pour le crédit de notre pays, un
péril sans cesse grandissant.
Félix HAUTFORT.
LE PÉRIL CLÉRICAL RENAIT !
Les Congrégations achètent
des immeubles et veulent
en expulser les locataires
» '>t>t ■ ■ ■■
Les occupants protestent auprès du Sénat
Le Sénat vient d'être saisi d'une pétition
qui se distingue des suppliques, placets ou ré-
criminations dont le Parlement est habituel-
iement saisi par des citoyens « qui réclament
justice ».
Généralement, les « pétitions » adressées
aux Chambres ont trait à des récriminations
personnelles et de peu d'importance ; elles
émanent de plaideurs obstinés, mécontents de
l'arrêt qui les a condamnés, de gens en lutte
avec nos grandes administrations et qui
s'acharnent à obtenir satisfaction, ou encore
d'arabes — les indigènes d'Algérie ont un goût
spécial pour ce genre de protestations — qui
sollicitent quelque menue faveur, le plus sou-
v.ent « l'autorisation d'ouvrir un café maure ».
Presque toujours le rapporteur (car les péti-
tions sont gravement rapportées), se borne
tout simplement à « signaler les pétition-
naires » à la bienveillante attention du minis-
tre de l'Intérieur, de la Guerre, ou de la Jus-
tice ». Mais, dans le cas dont nous parlons,
il est à souhaiter que le Sénat ne se contente
pas de « renvoyer à M. le garde des Sceaux »
la plainte, qui mérite d'être prise en sérieuse
considération, émanant des locataires de l'im-
meuble sis 14, impasse Cœur-de-Vey, dans le
XIVe arrondissement de Paris.
Ces locataires ont en effet reçu congé pour
avril prochain. C'est un sort commun à beau-
coup d'habitants de la Capitale. Mais si ceux
dont il s'agit méritent une attention toute spé-
ciale, c'est parce qu'ils sont jetés à la rue, ou
menacés de l'être prochainement par suite de
l'acquisition de leur immeuble par une Congré-
gation. En conséqneuce, ils demandent ins-
tamment au Sénat, qui est saisi en ce moment
de la loi sur les loyers, d'interdire par une
disposition spéciale, la transformation des
maisons à destination d'habitation « en cou-
vent, presbytère, chapelle, maison de santé,
de refuge, de retraite ou institution ccngréga-
niste quelconque ».
-te
**
Depuis que le Bloc National est devenu
maître — provisoirement — des destinées du
payà, les cléricaux reprennent de plus en plus,
comme on dit, du poil de la bête. On a bien
solennellement annoncé qu'il n'y aurait, qu'il
ne pourrait y avoir rien de changé aux lois
dites intangibles. Ces lois ne sont pas abolies
en effet. Elles sont ignorées ou tournées tout
simplement. Nous avons signalé jadis qu'une
institution congréganiste, dirigée par une
supérieure allemande, avait projeté de s'éta-
blir rue St-Dominique, à deux pas du minis-
tère de la guerre. A ce propos, M. Barthou,
qui est devenu ministre de la Justice doit
savoir si le projet a été mis à exécution et se
souvenir au besoin qu'il a mission de faire
respecter la loi sur les associations comme
les autres lois.
Mais ce n'est pas le seul exemple du retour
offensif des congrégations en France. L'achat
de l'immeuble de l'impasse Cœur-de-Vey en
est un autre.
Mieux encore, si nous en croyons notre con-
frère le Progrès Civique, à l'heure ou la crise
des loyers sévit si gravement, de nombreuses
familles sont à la veille d'être jetées sur le
pavé pour laisser place libre à des ordres de
tout froc et de toute obédience.
Les signataires de la pétition adressée au
Sénat ont en effet appuyé leur protestation
d'une liste d'immeubles achetés par des con-
grégations et qui est la suivante :
1" Le n° 14 de l'impasse Cœur-deVey, acquis
par ou pour des Eudistes ; 7 locataires con-
gédiés pour avril. En outre, dans la même
maison, 3 appartements, 2 logements et un
atelier de peintre sont déjà vacants depuis
juillet et octobre 1921 ;
2° 25, rue Sarrette, 12 locataires « remer-
ciés » pour avril et destinés à être remplacés
par des Franciscains ou des Pères du Saint-
Esprit ;
3° 27, rue Sarrette, 7 locataires mis à la
porte pour avril prochain et pour la même
raison. L'une d'ailleurs des deux propriétés
de la rue Sarrette est occupée déjà par des
religieux ;
4° 29, rue Sarrette. Mêmes acquéreurs.
5° 6, villa Saint-Jacques. L'immeuble ne
compte pas moins de 25 appartements, dont
plusieurs sont vacants depuis un certain
temps déjà. Tous les locataires qui y résident
actuellement sont congédiés pour avril tou-
jours. La congrégation qui doit s'installer là
n'est pas encore connue.
6° 8, rue de la Tombe-Issoire ; 15 grands
appartements doivent être « vidés » en avril
encore. La congrégation qui a acquis cet im-
meuble est, croit-on, la même qui a acheté la
villa Saint-Jacques ;
7° 79, rue Denfert-Rochereau. Hôtel parti-
culier acheté par une congrégation protes-
tante américaine, qui y construit déjà un
gymnase et une chapelle.
Cette liste est certainement incomplète. Elle
est pourtant par elle-même suffisamment im-
pressionnante. Si l'on s'en tient seulement
aux immeubles qu'elle concerne, voilà plus
de 60 locataires, parmi lesquels la plupart
sont chefs de famille, qui risquent de se trou-
ver sans abri pour peu que les expulsions
soient autorisées d'ici quelques mois.
Le Sénat, nous l'espérons, ne restera pas
indifférent à l'invasion congréganiste et au
danger qu'elle comporte. Puisque le gouverne-
ment, charmé sans doute par les grâces aima-
bles de Mgr Ceretti, ne se soucie point d'un
péril qui va grandissant, aa Haute Assemblée
du moins, tiendra à savoir si les congréga-
tions qui rentrent en France sont en règle ou
non envers la loi. Et il n'hésitera pas, nous
en sommes persuadé, à rappeler le gouverne-
ment lui-même à son devoir.
Pierre VARZY.
POUR LA PAIX DU MONDE
La Cour internationale de Justice
a été inaugurée hier à La Haye
- oat>
La Haye, 15 février. — L'inauguration de
la Cour permanente de Justice internationale
a eu lieu cet après-midi à La Haye, selon un
cérémonial empreint à la fois de simplicité
et de grande élévation morale.
L'événement a été digne de son caractère
international et des espoirs que l'humanité
a mis en lui.
Au dehors, la neige tombait et, dans la ville
de La Haye, aucun signe apparent ne révé-
lait qu'un grand fait mondial allait ce dérou-
ler. Aux fenêtres quelques drapeaux ; à la
porte du Palais, quelques curieux. C'était
tout.
A 15 h. 30, les juges font leur entrée dans
la grande salle de justice et prennent place
autour de la table rectangulaire. Ils sont dix
titulaires et trois suppléants. Deux titulaires
manquent au rendez-vous, retenus par l'état
de leur santé. Ce sont MM. Barbosa et de Bus-
tamente, représentants de l'Amérique latine.
Les juges portent la robe noire à rebords
de velours sans hermine : tenue sobre et sé-
vère.
Le corps diplomatique est présent au com-
plet. On remarque M. Charles Benoist, minis-
tre plénipotentiaire de France. On se montre
également M. de Lucius, représentant de
l'Allemagne.
La salle est resplendissante de lumière.
Deux allégories de la Vérité et de la Justice
semblent sortir vivantes des murs où elles
sont gravées. Un grand silence : la reine
Wilhelmine et la reine mêrr ainsi que le
prince consort font leur entrée. La reine, vêtue
d'une toilette de velours 'bleu ciel, prend
place au premier rang des invités face à la
Cour.
M. da Cunha qui l'accompagne .'a recon-
duira à sa voiture après la cérémonie. La
reine l'a prié de se rendre au Palais.
Le gouvernement des Pays-Bas est repré-
senté par la plupart des ministres, entre
autres par M. van Karnebeek, ministre des
Affaires étrangères, président de la deuxième
assemblée de !a Société des Nations.
Le conseil de la Société des Nations a en-
voyé son président, M. da Cunha, ambassa-
deur du Brésil à Paris. Le secrétaire général
de la Société des Nations est également pré-
sent ainsi qu'e le bourgmestre et les échevins
de la ville de la Haye. On remarque encore un
représentant du Conseil d'administration du
bureau international du travail, M. de Villa-
longa, représentant M. Albert Thomas. De
nombreuses personnalités étrangères, des ju-
risconsultes et, parmi eux, M. de la Pradelle,
des diplomates, hommes politiques, journa-
listes, etc.
Le président de la Cour ouvre la séance
puis le greffier donne lecture d'une liste de
télégrammes et d'adresses contenant les fé-
licitations %t la satisfaction des milieux poli-
tiques et intellectuels internationaux à l'oc-
casion de la première session de la Cour.
La première dépêche émane de M. Lloyd
George qui dit, en terminant :
« Je suis convaincu que la résolution com-
mune des membres de la Société des Nations
de se soumettre à l'arbitrage du droit marque
une époque dans l'histoire du monde et fera
beaucoup pour resserrer l'entente entre les
nations ».
Le greffier de la Cour donne ensuite lec-
ture de l'article du statut qui exige que les
membres de la Cour prennent, en séance
publique, avant d'entrer en fonctions, un en-
gagement solennel et les membres de la
Cour, se levant, prononcent alors, à tour de
rôle, suivant l'ordre de préséance établi, la
déclaration suivante :
< Je déclare solennellement que j'exercerai
tous mes devoirs et attributions de juge en
tout honneur et 'dévouement, en pleine et par-
faite impartialité et en toute conscience. »
Tous les juges s'expriment en français, fi
l'exception de lord Finlay (Grande-Bretagne)
et de M. Moore (Etats-Unis d'Amérique).
Le président'en exercise du conseil de la
Société des Nations, M. da Cunha, prend
ensuite le premier la parole.
Dans son discours, il insiste sur le grand
intérêt que prend l'Amérique latine à l'ins-
titution de la Cour :
« A cette heure, non seulement le Brésil,
mais toute l'Amérique a les yeux fixés sur
La Haye. Sur .le grand et jeune continent
américain, sans doute bien moins éprouvé
par la guerre que votre vaillante Europe,
l'idée de justice internationale est peut-être
plus vigoureuse et :plus vivace que partout
ailleurs. Les peuples du Nouveau Monde se
sentent instinctivement attirés par ce haut
idéal. »
Faisant l'historique des difficultés qui
ont longtemps mis obstacle à l'institution
de la Cour, M. da Cunha caractérise d'un
mot l'action de M. Léon Bourgeois, « ce
grand lutteur pour la justice humaine et
pour la moralité internationale » et montre
comment l'institution de la Cour a été ren-
due possible par la crétation de la Société
*
des Nations.
« Pour réussir, il fallait que ces croyants
de la justice humaine ne possédassent pas
seulement l'enthousiasme et la science, mais
disposassent aussi d'un puissant mécanis-
me international permettant d'aplanir les
difficultés, d'atténuer les rivalités
grouper avec souplesse vers un but unique
les énergies des gouvernements et des peu-
ples ; il fallait la venue de la Société des
Nations.
« C'est srâce à elle aue nous sommes réu-
nia aujourd'hui dans cette enceinte ; c'est
grâce aux outils qu'elle a mis dans nos
mains que nous pouvons aujourd'hui, d'un
œil tranquille, contempler le bâtiment
achevé. »
M. da Cunha termine par ces mots :
< Maintenant que l'œuvre qui semblait
impossible est achevée, ne craignez pas que
te conseil ou l'assemblée de la Société des
Nations prétendent en quoi que ce soit éten-
dre sur vous leur égide puisque c'est doré-
navant au nom de l'Humanité tout entière
que la Société des Nations voudrait que
vous pussiez juger. »
Après lui, sir Eric Drummond, secrétaire
général de la Société des Nations, s'attache
à définir les rapports qui existent entre la
Cour et la Société des Nations.
Enfin, après quelques paroles du bourgmes-
tre de La Haye, le président de la Cour, M.
Loder, prononce un discours qui constitue un
monument magnifique d'éloquence et de beau-
té morale.
Le président Loder se fait l'interprète de
tous en regrettant l'absence de M. Léon Bour-
geois, à qui revient une si grande part dans
l'institution de la Cour. -
M. Loder marque la place que la Cour oc-
cupe dans la Société des Nations et montre
la nouveauté et l'importance de cette insti-
tution.
« La Cour existe, dit-il. Quoiqu'il ne lui ap-
partienne pas de transformer le monde, quoi-
qu'elle ne puisse juger que des affaires qui
lui seront soumises, sa création et son inau-
guration marquent un grand progrès dans la
voie de l'évolution du monde. » *
Il était 4 h. 30, la cérémonie était ter-
minée. Aucun applaudissement, par respect
pour la reine et pour la Cour, n'avait inter-
rompu la cérémonie.
Le président a remercié la reine, a frappé
à nouveau la table de son marteau : la séance
était levée.
————————— , - ( ——————————
Mort de la Veuve d'Alexandre 77
de Russie
Nice, 15 février. — La princesse You-
rievsky, veuve de l'empereur Alexandre II de
Russie, est décédée ce matin des suites de la
maladie Bright.
————————— , —
Le Comité confédéral
national est terminé
1 t.
La scission syndicaliste est un fait non
seulement accompli, mais officiellement an-
noncé.
La dernière journée du Comité confédéral
national s'est terminée, après de nombreuses
discussions, par l'adoption, prise à l'unani-
mité, d'une résolution fixant, de façon claire,
la situation actuelle des milieux syndicalis-
tes. ~.:. J..- .;;..:.. ——,.. -- --T'-
Cette résolution dit notamment ceci :
« Le Comité national confédéral :
« Constate que la scission est réalisée à
tous les degrés de l'organisme ouvrier. En-
registre qu'une fraction du mouvement syn-
dical, passant par-dessus les organismes ré-
guliers, a convoqué un Congrès confédéral
extraordinaire et que, de ce congrès irrégu-
11er, tenu en violation flagrante des statuts
confédéraux, est sortie une deuxième C. G. T.
avec ses secrétaires confédéraux, sa commis-
sion administrative, avec son siège social
distinct, avec ses cartes et ses timbres parti-
culiers.
« C'est la scission voulue et organisée.
« C'est le morcellement des forces ouvriè-
res au moment où toutes les forces de réac-
tion mondiale se coalisent contre le prolé-
tariat.
« Le Comité confédéral national laisse aux
organisateurs de la C. G. T. U. toute la res-
ponsabilité de cette lourde faute et de ce
crime contre la classe ouvrière.
« Ecartant tout renouvellement des dis-
cussions passées et, pour un examen loyal
et approfondi de ces problèmes, à l'exclusion
de toutes les questions qu'ont pu trancher
les congrès antérieurs, le Comité confédéral
national décide d'examiner en sa prochaine
réunion l'urgence de la convocation d'un
congrès confédéral. »
Il n'y a donc pius lieu de douter. Majo-
ritaires et extrémistes n'ont plus rien à se
dire ; ils sont divisés définitivement.
Il y aura demain deux C. G. T., l'une, la
C. G. T. syndicaliste tout court, l'autre, la
C. G. T. révolutionnaire.
Les ordres de Moscou ont eu leur réper-
cussion La division est faite.
Et somme toute, les uns comme les autres
ne sont pas fâchés de n'avoir plus à se dis-
puter mu sein des mêmes organisations.
—?—ç
LA NOCE EN CORRECTIONNELLE
Le crime du « bouif »
Le mariage mène à tout, même — consé-
quence assez imprévue — en correctionnelle.
Emile Favrc, cordonnier de son état, pensa
un beau jour qu'il est bon d'avoir une compa-
gne près de soi pour vous donner plus de cou-
rage à ressemeler les chaussures. Aussi, sans
tarder, mit-il ses velléités matrimoniales à
exécution en épousant une jeune personne de
son quartier.
On Jeta dignement ce grand événement en
banlieue, en compagnie des parents, témoins
et amis des nouveaux époux. Dans un restau-
rant, au bord de Veau, comme il convient, on
dansa pas mal, on mangea beaucoup et on but
plus encore, tant et si bien que le marié était
quelque peu « ému » lorsqu'il reprit, accom-
pagné de sa femme tout de blanc vêtue, le
tramway pour regagner Paris.
Lorsque la receveuse du véhicule, Mme Es-
pinasse vint percevoir le prix des places, le
cordonnier eut, paraît-il, vis-à-vis d'elle une
attitude si inconvenante que, sans hésiter,
l'employée de la Compagnie, en femme éner-
gique, lui lança une gifle retentissante ; le
marié alors songea sans doute que sa dignité
masculine ne pouvait laisser une telle injure
sans vengeance, et riposta à coups de poing.
Parents, amis, voyageurs prirent, les uns le
parti de la receveifse, les autres celui du cor-
donnier et une mêlée générale s'ensuivit qui
ne prit fin .qn'au terminus à l'arrivée dea
agents.
Mme Espinasse assigna Emile Favre en cor-
rectionnelle, et toute la noce — véritable mas-
carade nullement déplacée dans un cortège de
Mardi-Gras — vint apporter son témoignage.
« La receveuse a commencé », déclara l'un
des beaux masques. — pardon 1 l'un des té-
moins.
« Le cordonnier a commis un véritable. cri-
me », répliqua un voyageur : « il a levé la
main sur une femme. » Et le nouveau marié
vit punir ce crime d'une amende de 200 francs.
« Et mon voile blanc, et ma belle couronne
de fleurs ont été arrachés », se lamenta la ma-
r%ét eh quittant l'audience.
Triste é-oiîoa'ue d'un beau iour 1 — S. R.
A PROPOS' D'UN DRAME
La lamentable situation
des accidentés du travail
Le drame de la rue La Boétie, dont l'ouvrier
Müller est le triste héros, pose à nouveau
avec une cruelle actualité, la question du
mutilés du travail.
Nous avons déjà ici exposé leur lamentablé
situation. On sait qu'une loi votée par la
Chambre, accordant des majorations de pen-
sions aux accidentés du travail, sommeille
dans les cartons du Sénat. Le drame d'hier
aura-t-il la vertu de l'en faire sortir. Il faut
l'espérer. Puisse-t-il montrer à nos sénateurs
leur criminelle insouciance.
Le mutilé du travail, n'a, alors même que
l'invalidité de 100 pour cent lui est accordée,
pas matériellement de quoi vivre. Sa pension
est un secours de famine, qui le condamne
lui et sa famille à unellongue misère. En
veut-on un nouvel exemple. C'est la lettre
que nous recevons de la veuve d'un cheminot.
21 ans de présence à la Compagnie, tué èt
service, et qui n'a, malgré toutes ses démar-
ches et toutes ses sollicitations, qu'une pen-
sion de 520 francs sans aucune majoration.
Il faut consulter les taux d'invalidité ac-
cordés aux mutilés du travail, pour com-
prendre leur misère.
Un mutilé à 100 0/0, ne perçoit qu'une penr
sion basée sur 50 0/0, car la jurisprudence
attribue la moitié de la responsabilité de l'ae
cident, à la victime !
Et voici le jeune Miiller, amputé du bras
droit, 90 0/0 d'invalidité, incapable désormais
de gagner sa vie, qui se voit accorder 2.000
francs de pension. Il a sa vieille mère im.
potente à sa charge 2.000 francs pour deux,
c'est, sans littérature, la misère sans aucun
espoir
On n'excuse pas son geste, mais on com-
prend sa révolte. La sienne, ainsi que celle
de tous ces invalides de guerre, que l'on traî-
ne de bureaux en bureaux, d'hôpitaux en hô-
pitaux et dont on ne parvient pas à liquider
les pensions.
Si on a pu dire de tous les combattants quf.
sont revenus plus ou moins éclopés de la
guerre, qu' « ils ont des droits sur nous », et
si on veut bien convenir que celle formule
n'est pas une ironie, on peut affirmer de
même, que tous les accidentés du travail, ont
des droits sur l'entreprise, la maison ou les
patrons au service desquels ils ont donné
une partie de leur chair. Des droits certes, et
indiscutables pour qui veut bien raisonner en
toute indépendance. Des droits qui ne de-
vraient pas se marchander à un taTif dért.
soire, mais le droit de vivre, comme ils Vi-
vaient avant que l'accident ne survienne.
On s'étonne que ce droit sacré, qui n'est
que la reconnaissance de l'individu en tant
que personnalité et qui affranchit l'ouvrier
du rôle de machine à produire, ait encore à
être proclamé.
L'ouvrier mutilé au service d'une compa-
gnie comme le soldat mutilé, sotit pour la
Compagnie ou pour le pays, une charge, qu'ils
devraient avoir à honneur d'assumer avant
toute autre.
Hélas ! les, invalides de guerre ont des
ressources à peine suffisantes, les accidentée
du travail sont condamnés à la mendicité !
Robert DUBARD.
• •"* ■■ > m+a» t .ï.
LA TAXATION
du pain et de la viande
Les pouvoirs des préfets
Au cours de sa séance de mairdi, le conseil
des ministres a approuvé un projet de loi pré-
senté par les ministres de l'intérieur et de
l'agriculture et ayant pour Objet de réglemen-
ter les pouvoirs des préfets en matière de taxa-
tion du pain et de la viande de boucherie.
L'exposé des motifs de ce projet de loi
déposé sur le bureau de la Chambre débute
par les considérations suivantes:
« La baisse des prix des céréales panifia-
bles n'a pas entraîné en général une diminu-
tion correapondante du prix du pain.
« De même, l'abaissement considérable du
prix du bétail sur pied n'a pas eu pour consé-
quence, dans la plupart des villes, une baissa
correspondante du prix de vente au détail de
la viande nette
« Contre cet état de choses s élève la dotlb>
protestation dea consommateurs, durement at-
teints par la cherté de la vie et des produc-
teurs agricoles, qui voient le montant de leurs
sacrifices absorbés dans une trop Sirge mesu-
re par les utermédiaires, qans qu'il en ré-
sulte pour les consommateurs un allégement
proportionné du coût de l'existence. »
Le projet rappelle ensuite la législation d,,
1791, qui donne compétence aux maires pou:
la taxe du pain et de la viande. Il montre liioa
nécessité de fixer les pouvoirs des préfets.
« Nous sommes loin, disent les signataire
du projet, de trouver dans la taxation un re-
mède décisif à la vie chère, mais il est des cas
où elle constitue un -des moyens de rétablir la
concordance nécessaire entre les prix de .1
production et les prix de vente au consomma
teur. Il n'y a pas lieu d'hésiter à y recourh
quand il s'agit de denrées qui eont & la base
même de l'alimentation nationale. »
Le projet de loi donne donc aux préfets
le droit de prendre, lorsque les circonstances
économiques leur paraîtront l'exiger, des ar-
rêtés pour fixer le prix-limite qui ne pourra
être dépassé, dans lu vente au détail du pain
et de la viande dans leurs départements. Il
leur donne également le droit de taxer les Xa-
rines et les sons
Il ne sera pas dérogé aux pouvoirs des
maires d'établir les taxes prévues par la loi
de 1791, mais ces taxes ne pourront dépasser
le prix-limite départemental, pas plus Que le
prix de vente du pain ou de la viande ne
pourra excéder lui-même ce prix-limite là où
le maire n'aura pas pris d'arrêté de taxation.
Toutes garanties sont d'ailleurs données
aux commerçants et aux producteurs, dans
la fixation-de la taxe, là où le préfet ju-
gera à propos d'y recourir, puisqu'elle ne sera
établie qu'aprèt avis d'une commission con-
sultative où tous les întérêta seront repré-
sentés.
Les ruraux contre les consommateurs
La commission d'agriculture de la Chambre
estime Que nous ne payons pas assez cher
les produits agricoles
La commission d'agriculture de la Cham-
bre est-elle composée de mauvais plaisants ?
Elle fut informée hier que d'assez grandes
quantités de viande frigorifiée, de beurre et
de fromage, allaient nous arriver de l'étran-
ger. Le sang des commissaires ne fit qu'au
tour.
Fih ! ouoi. la consommateur français allait
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