Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1922-01-13
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1922 13 janvier 1922
Description : 1922/01/13 (N16238,A46). 1922/01/13 (N16238,A46).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
Le Numéro: 10 cm-
UtmmtS 4 n *B#ît 3 mots
Seine et S.-efrQ. 25 » 18 » T »
France et Colon- 28 s 14 : ? <0
Etranger Mt S8 » 18»
Direction et Administration
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Tél. :GUTENB. 01-99
A p. 23 h. : Roquette 84-93
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aux Bureaux du Journal
ES LA LANTERNE DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES A PARIS ET EN PROVINCE
468 ANNEE - N° 16.238
VENDREDI
13
JANVIER 1922
Directeur-Rédacteur en chef :
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non insérés
ne sont pas rendus
M. BRIAND A RENVERSÉ SON MINISTÈRE
Après avoir fait l'accord entre les membres de son gouvernement et lui, M. Briand
s'est présenté devant la Chambre pour y faire une déclaration et. a démissionné
: : ooooooo-
M. RAYMOND POINCARÉ EST CHARGÉ DE FORMER LE NOUVEAU CABINET
+a+o+o+o+o+o+o+ )+0+0+0+0+0+0+0+
1
Le retour et la chute triomphale
—— —
Le metteur en scène de ce coup de
théâtre, est d'une prestigieuse habileté.
C0 n'est pas l'orateur qui sut triompher
hier ; il n'avait pas, dans la hâte d'un
jeu quelque peu cruel, l'éclat accoutumé
de ses moyens ; c'est le manœuvrier qui
fit la retraite la plus glorieuse dont on
puisse garder le souvenir dans nos fas-
tes parlementaires.
Retenez bien le temps : 9 h. 4, M.
Briand débarque à la gare de Lyon,
'il h. 10, les journalistes apprennent à
l'Elysée que l'accord ministériel est
[« complet et unanime », 15 h. 25, le Pré-
sident du Conseil monte 'à" la tribune de
: la Chambre, 16 h. 35, 'le cabinet est dé-
miissionnaire.
Ainsi se précipita un dénouement qui
fierait merveilleux si nous n'assistions
qu'à une tragi-comédie. Mais il s'agit
de la. France, et c'est cela qu'il ne nous
est pas possible d'oublier.
H. Briand a pourtant pesé les consé-
quences d'une détermination aussi gra-
-ye que celle qu'il avait certainement
[prise au départ de Cannes. Il connaît
assez le Parlement pour savoir que les
déclarations qu'il était en mesure de
ifaire lui assureraient la majorité ; il
n'a cependant pas hésité à prendre la
responsabilité d'une démission qui peut
ibriser les espérances nées d'un projet
accord franco-anglais, et d'un rappro-
chement interalliés.
Pourtant, qui blâmera le Président du
Conseîl d'avoir renoncé à poursuivre sa
tâche dans des conditions qui répu-
gnaient autant à son patriotisme qu'à
fea dignité ? Imagine-t-on un plénipoten-
tiaire, discutant sous le coup d'inces-
santes obj urgations, menacé à chaque
heure par [es démonstrations de ses ad-
versaires, par les accusations outragean-
tes de commissions brusquement éri-
gées -' au mépris de toutes règles par-
lementaires—en Comité de Salut Public?
Tandis que M. Lloyd George, sûr de
Représenter l'opinion britannique, tenait
avec sérénité un jeu soigneusement pré-
paré, M. Briand devait lutter, pour son
pays, avec la crainte constante de voir
:ses intentions travesties, ses actes inter-
prétés par la mauvaise foi de ses en-
nemis.
Faute d'une confiance sans laquelle
.H sentait son infériorité, M. Aristide
; Briand se retire, sachant trop bien qu'il
p'a pas le droit de risquer un si vaste
enjeu sans, avoir au moins cette force
que donne la certitude d'agir avec l'as-
sentiment d'un peuple.
La crise ouverte hier, si brusquement,
n'a pas manqué de causer quelque stu-
peur parmi ceux qui considéraient, com-
me de simples brimades, des actes sus-
ceptibles de troubler dans le plus grave
moment, les hommes de bonne volonté
aux prises avec les calamités mondiales.
L'accueil fait au Président dès son ap-
parition à la tribune était glacial, l'ova-
tion dont il a été honoré en quittant l'hé-
micycle, fut magnifique : elle exprimait
tumultueusement un regret tardif.
L'opposition si ardente, si implaca-
blement résolue à assurer la chute du
« Traître », apparut alors dans l'extrême
embarras d'une victoire inattendue. On
eût voulu chasser ignominieusement ce
lutteur qui abandonnait dignement le
terrain, après avoir mis de son côté la
justice et la raison.
Ayant démontré qu'il avait accompli
pour son pays le devoir qu'il s'était tra-
cé, sans rien abandonner ni des ac-
quisitions du passé, ni des espoirs de
l'avenir, M. Briand se retire, parce qu'un
noble scrupule lui est venu. Il ne peut
supporter qu'un doute puisse naître dans
l'esprit de ceux dont il veut la con-
fiance.
, Si M. Briand a droit à la retraite,
s'il est quitte envers son devoir et sa
conscience, il reste à reconnaître où
est l'intérêt de notre pays dans une crise
sans précédent. Le Président qui vient
de démissionner a pris librement sa
décision ; il lui appartenait de faire front
contre la violence de ses adversaires dé-
clarés et la perfidie d'un brelan de ses
collaborateurs. Un autre ministère Briand
pourrait poursuivre l'œuvre du minis-
tère Briand défunt. M. Millerand le vou-
dra-t-il ?
En cette journée d'hier si grosse d'in-
cidents, nous avons vu clairement une
monstrueuse incompatibilité entre la po-
litique de la majorité élue le 16 novem-
bre 1919 et la politique possible.
Quel que soit le gouvernement de de-
main, il sera lui-même victime d'un
antagonisme irrémédiable ; il devra fai-
re la politique possible et renoncer à la
politique insensée dont rêvaient les can-
didats du Bloc National'lorsqu'ils of-
fraient à leurs électeurs des réparations
intégrales et les milliards de l'Allemagne
vaincue. j
Et c'est pour cela qu'à la fin de la brè-
ve séance où l'on vit M. Briand sortir
dans une apothéose, le cri « Dissolu-
tion ! » domina Je fracas des applaudis-
sements.
Félix HAUTFORT.
M. Briand était d'accord avec tous ses ministres
,
Voici quel est le communiqué officiel qui
S. été publié hier matin à l'issue du conseil
des ministres, auquel assistait M. Briand, ar-
fivé de Cannes quelques heures avant :
« Le président du Conseil a expose à ses
•collègues l'état des négociations de Cannes
et dans sa délibération le Conseil s'est mis
'jen accord complet et unanime avec M. Aris-
tide Briand. -
M. Bonnevay, garda des sceaux, a fait. si-
gner par le président de la République un
décret aux termes duquel M. Kuntz, procu-
reur général" près le tribunal supérieur de
Strasbourg, est nommé conseiller à la Cour
;de cassation en remplacement de M. Daniel,
admis à la retraite.
Le président de la République a signé le
projet de loi portant amnistie d'infractions
prévues et punies par le Code de justice mi-
litaire des armées de terre et de mer.
V Autour du Conseil
Les délibérations ont commencé à 11 heu-
yes et se sont prolongées jusqu'à 1 h. 10. De
très nombreux membres de la presse atten-
daient dans la cour de l'Elysée les ministres
fi leur sortie du conseil.
M. Barthou sortit le premier et passa d'un
'pas rapide au milieu de nos confrères et, se
dérobant à toutes déclarations, leur jeta ces
mots à la volée : i Messieurs, saluez en moi
Je plus ancien des journalistes !» -
Puis, ce fut M. Colrat, sous-secrétaire d'E-
tat à l'intérieur, qui se borna à dire : « Les
Unanimités se suivent et ne se ressemblent
bas ! »
De son côté, M. Léon Bérard, ministre de
l'instruction publique, traduisant l'impreséioa
ique lui laissait la longue délibération du
Conseil, déclara : « Tout cela se terminerait
par un éclatant succès à la Chambre que je
n'en serais pas étonné !»
Aristide Briand s'arrêtent QU&1--,
ques instants au milieu de nos confrères, leur
déclara
« Eh bien ! mais c'est tout simple, j'ai mis
le Conseil au courant de ce qui s'était fait à
Cannes. » Et il ajouta : « De ce qui s'y est
fait, mais non pas de ce qui y a été dit. »
Puis, comme on lui demandait s'il se ren-
drait cet après-midi à la Chambre : « Mais
très certainement, répondit-il, ne faut-il pas
que je me rencontre aveo elle au moins une
dernière fois
Entre le Conseil des ministres et la séance
de la Chambre
M. Briand, au sortir du Conseil des mi-
nistres, paraissait en plein accord, « en
toute cordialité et en toute confiance » se-
Ion le cliché traditionnel, avec ses collè-
gues du cabinet.. Il était parvenu, au cours
de la discussion, à les ranger tous à son
point de vue et à faire entériner par eux,
en quelque sorte, toutes les décisions prises
à Cannes.
L'entrevue qu'il eut ensuite avec les prin-
cipaux membres de l'Entente démocratique
de la Chambre ne démentit point ces heu-
reux pronostics et tous les ministres, y com-
pris et surtout ceux de l'Entente elle-même,
répandirent bientôt dans les couloirs,' avant
'la séance, les bruits les plus optimistes. Tout
était arrangé ; le président du Conseil avait
en poche un traité excellent avec l'Angla-
terre, etc., etc.
Cependant il semble bien que, dès ce mo-
ment, la décision de M. Briand de partir
spontanément était déjà arrêtée. On dit
qu'avisant M. Viviani, dans le salon des
Quatre-Colonnes, peu avant la séance, il
lui confia sa volonté de s'en aller. Et com-
me le député de la Creuse le pressait de res-
ter, d'attendre au moins un vote du Parle-
ment, M. Briand lui laissa entendre que sa
décision était irrévocable. < -—^
M. Millerand accepte la démission
- <>eo---
M. Aristide Briand, président du Conseil,
après avoir quitté la Chambre, s'est rendu à
l'Elysée avec les membres de son cabinet pour
présenter sa démission au président de la
République.
A 17 h. 10, les ministres ont quitté l'Elysée.
M. Doumer, l'un des premiers sortis, nous dé-
clare, narquois r
— La démission est acceptée. Vous pouvez
la rédiger ; vous connaissez dans quelle for-
me cela se fait à l'ordinaire.
M. Barthou survient.
— Eh bien ! noué dit-il, me voici redevenu
journaliste !
Mais voici le président du Conseil. Il nous
dit :
— J'ai remis ia démission du cabinet au
président de la République, qui l'a acceptée.
« J'ai remercié, en mon nom et au nom de
mes collègues, M. Millerand de la confiance
dont il nous avait investis.
« Le président de la République, de son
côté, a bien voulu nous marquer le regret qu'il
a à se séparer de nous.
— Votre démission est-elle définitive, mon-
sieur le Président ?
— Oui, définitive !
— Et la Conférence de Cannes ?. Que
vont faire les délégués là-bas ?.
— Ils rentreront chez eux. On va les pré-
venir.
— Et la Conférence de Gênes ? Croyez-
vous qu'elle se réunisse ?
— Certainement, ne serait-ce que pour cette
question du change.
Le Président réfléchit un instant, puis il
ajoute :
— Sans cela, on va à des catastrophes !
— Pourtant, monsieur le Président, votre
discours a été accueilli avec attention par la
Chambre et avec faveur, même sur de nom-
breux bancs.
Le Président ne répond pas directement.
PouTsuivant sa pensée, il dit encore :
— C'était impossible ! Il faut être mieux
soutenu que cela. Ce serait à recommencer.
Un autre que moi ira à Gênes.
Et le Président monte rapidement en auto
pour se rendre aux Affaires étrangères.
La lettre de démission du Cabinet Briand
Voici le texte de la lettre par laquelle M.
Aristide Briand a remis la démission du Ca-
binet au Président de la République :
a Paris, 12 janvier 1922.
« Monsieur le Président de la République,
« Nous avons l'honneur de vous remettre
notre démission, en vous priant de vouloir
bien agréer, avec nos remerciements pour la
confiance que vous avez mise en nous, l'ex-
pression de notre respectueux dévouement ».
« Signé : ARISTIDE BRIAND ».
M. Briand annonce sa démission
à M. Lloyd George
Dès son retour au ministère des affaires
étrangères, M. Aristide Briand, président du
Conseil, a adressé un télégramme à M. Lloyd
George, président du Conseil Suprême par in-
térim, pour s'excuser auprès de lui de ne pou-
voir retourner à Cannes, « les événements po-
litiques l'ayant amené à donner sa démis-
sion ».
*
«*
V oici le texte du télégramme que M. Briand
a adressé à M. Lloyd George pour l'informer
de sa démission : :
Le Ministre des Affaires étrangères,
à M. Lloyd George, président du Con-
seil Suprême, à Cannes. *
En présence des circonstances politiques
que j'ai trouvées à mon arrivée à Paris, j'ai
considéré qu'il ne m'était pas possible de con-
server la présidence du Conseil.
Ayant remis la démission du Cabinet à M.
le Président de la République, je ne puis re-
tourner à Cannes pour participer aux tra-
vaux du Conseil Suprême. Je vous prie de le
communiquer à nos collègues délégués et de
vouloir bien leur exprimer, en même temps
que mes excuses, le regret que j'ai d'avoir dû
cesser ma collaboration avec eux.
En ce qui vous concerne, mon cher monsieur
(Lloyd George, je suis particulièrement peiné
'de n'avoir pu achever avec vous les conversa-
tions que nous avions engagées dans l'intérêt
'de nos deux pays et celui de la* paix de l'Eu-
rope et que j'aurais été si heureux de conduire
à un bon résultat final.
J'espère, que mon successeur les reprendra
avec vous et que, plus favorisé que moi, il
pourra réaliser les desseins que nous avions
en vue.
Je vous prie d'agréer l'expression de mes
sentiments les meilleurs et les plus dévoués.
Signé : ARISTIDE BRIAND.
M. Briand s'est entretenu avec M. Viviani
Au cours de la soirée, M. Aristide Briand
a reçu la visite de nombreux amis personnels,
notamment de M. Viviani, ancien président
du Conseil.
,
Les premières coDsullalluDs du iPtfMMi)UftSpunt t de la République
1 ■■ 1 ■ ■
Commençant sans tarder ses consultations,
le Président de la République a mandé à l'E-
lysée le président de la Chambre et le prési-
dent du Sénat.
M. Raoul Péret, arrivé le premier, conféra
pendant quelques minutes avec M. Millerand.
A sa sortie de l'Elysée, interrogé par les
journalistes présents, il a déclaré que dans
l'entretien qu'il venait d'avoir avec le Chef
de l'Etat, il avait été amené à lui dire que
la Constitution ne s'opposait pas au rappel
de M. Aristide Briand, celui-ci n'ayant pas
été renversé par un vote de la Chambre.
Mais, après avoir procédé avec le Président
de la République à l'examen de la situation
générale, M. Raoul Péret a déclaré que.. per-
sonnellement, il avait indiqué au Président
le nom de M. Poincaré.
Quelques minutes plus tard, M. Léon Bour-
geois, que la séance du Sénat avait retenu,
au Luxembourg, arrivait à l'Elysée. Son en-
tretien avec le Président de la République fut
également très bref.
Comme M. Raoul Péret, M. Léon Bourgeois
indiqua au Président de la République le nom
de M. Poincaré, comme celui de Ha personna-
lité la plus qualifiée pour dénouer la crise
actuelle.
M. Poincaré à l'Elysée
Après ces deux consultations, le Président
de la République pria M. Poincaré de passer
dans la soiré au palais présidentiel.
Le sénateur de la Meuse conféra avec M.
MiHerand de 9 heures jusqu'à 10 h. 5. Aux
journalistes qui l'attendaient à la sortie pour
l'interviewer, il répondit simplement :
— Adressez-vous au Président de la Répu-
blique, j'ai l'habitude de ne rien dire.
Cependant, l'air satisfait de M. Poincaré
en disait beaucoup plus que ses paroles.
Quelques instants plus tard, la note sui-
vante était communiquée aux journaux :
Le Président de la République a prié- M.
Raymond Poincaré de passer à l'Elysée et lui
a demandé d'acçepter la mission de former le
nouveau Cabinet.
M. Poincaré a déclaré qu'il verrait demain
quelques-uns de ses amis et qu'il apporterait
dans la journée sa réponse.
On a l'impression que cette réponse sera
rapide et que la combinaison sera prête, au
moins dans zea grandes lignes, aujourd'hui
vers midi.
M. Loucheur rentre à Paris
Cannes, 12 janvier. — M. Loucheur ayant
été mis au courant des événements politiques
survenus cet après-midi à Paris, s'est rendu
immédiatement auprès de ^hacyn d8.::; chefs
des délégations alliées qui prenaient part au
Conseil Suprême pour les informer des évé-
nements survenue.
La nouvelle de la démission de M. Briand
a causé une vive émotion, tant parmi les
membres de - la délégation française que dans
les délégations alliées, ,
M. Loucheur a, en outre, annoncé qu'il par-
tirait ce soir même de Cannes, à 19 heures.
Les autres membres de la délégation fran-
çaise demeureront ici en attendant.
Le Conseil Suprême est suspendu
En présence des événements, M. Lloyd
George a décidé de suspendre la session du
Consei,l Suprême.
La délégation allemande qui venait d'ar-
river à Cannes retournera à Paris où elle
sera entendue par la Commission des Répa-
rations.
La mission de M. Albert Sarraut
M. Briand, chargé d'expédier les affaires
courantes, a télégraphié dans la soirée à M.
Albert Sarraut, ministre des Colonies, qu'il
demeurait le plénipotentiaire chargé des in-
térêts de la France à la Conférence de was-
hington.
Quelques opinions sur la crise
Veut-on quelques opinions avec nom d'au-
teur ? Voici :
M. de Belcastel (extrême droite) dit en
substance : - Tant mieux. C'est un aver-
tissement salutaire à l'Angleterre ; un bon
coup de balai ; j'espère qu'il nous délivrera
de la politique des concessions.
M. Paul-Boncouy (extrême gauche) : —
Briand ne pouvait agir autrement qu'il a
fait ; des membres de sa majorité se mon-
traient trop hostiles. Il n'aurait pas eu à
Cannes assez d'autorité. La Chambre l'a
voulu : tant pis pour elle. Qu'elle pratique
maintenant sa politique ; elle sera bientôt
au pied du mur et la France sera isolée
dans une Europe encore toute pleine de
bruits de guerre.
M. Peyroux (Entente démocratique) :
— C'est un désastre. Briand aurait eu sa
majorité. C'est un homme de grande va-
leur, maître de lui-même, d'une Intelligen-
ce hors de pair, le meilleur négociateur fran-
çais. Pourquoi a-t-il cédé à un mouvement
d'humeur ?.
M. Marc Sangnier (catholique) : — Nous
y marchons, à la politique d'isolement. Je
ne puis que regretter la chute d'un cabinet
qui suivait une politique sage que j'ai tou-
jours défendue. Il va s'ensuivre une ef-
froyable tension dans les rapports franco-
anglais.
M. Herriot (radicaux-socialistes) : —
Très habilement, les Allemands essayent
d'articuler le problème des réparations sur
celui de la reconstitution économique de
l'Europe, alors que ce sont deux questions
bien différentes. C'est un jeu auquel notre
nouveau gouvernement ne devra pas se prê-
ter.
M. Andrieux (gauche républicaine) : '—
Qui je crois devoir être appelé h l'Elysée ?
M. Poincaré, en sa qualité d'ancien prési-
dent de la République. C'est un (précédent
QWt M, Millerand voudra créer, 1
lie discours de M. Briand à la Chambre
«-oto-*—•
Ce que j'ai fait, je suis venu le dire, dit
celui-ci. Eh bien ! d'autres feront mieux.
(Vifs applaudissements à gauche et au cen-
tre ; les députés se lèvent et applaudissent
le Président du Conseil).
Ceci est textuellement extrait de l'analyti-
que et c'est sans doute la première fois, que
'les comptes rendus parlementaires ont enregis-
tré en ces termes, la chute d'un gouvernement.
La séance d'hier fut, en effet, paradoxale, dé-
concertante et poignante.
Sans tenir compte de l'effort énorme qu'il
s'était imposé, la Chambre fit d'abord à M.
'Briand un accueil hostile jusqu'à l'inconve-
nance. A peine quelques maigres applaudisse-
ments se perdaient-ils parfois au milieu du
tumuilte et des interruptions. Les vieux ga-
biers de la galère parlementaire disaient que
ça sentait la crise à plein nez.
Mais lorsque d'un geste fait de lassitude
et d'écœurement, le Président du Conseil lais-
sa tomber le dur fardeau du pouvoir, aussitôt
un revirement inattendu se produisit. Tan-
dis qu'à droite, les vainqueurs avaient la mine
piteuse, les centres et les gauches, les deux
tiers à peu près de la Chambre, debout accla-
maient le vaincu.
C'est au milieu d'aipplaudissements de
sympathie enthousiaste que se déroula le dé-
filé traditionnel et d'ordinaire funèbre, des
membres du Gouvernement quittant la salle.
J'ai bien compris hier l'expression du vieux
Montaigne quand il nous parle de la « Défaite
Triomphante ».
3L.-A. SÉAITCE
Dès le début de la séance, M. Raoul Péret,
en prenant place au bureau, prononce le dis-
cours,, publié plus loin et qui est haché d'ap-
plaudissements frénétiques, particulièrement
sur les points touchant à la situation actuelle.
Quand il fait allusion à la Belgique, les dé-
putés se lèvent et l'acclament ; et une ovation
plus-enthousiaste accueille sa. -conclusion.
Dès qu'il a fini, le Président du Conseil
monte à la tribune. Il est visiblement las ;
sa voix reste basse, et ne retrouve que par
instants ses belles sonorités coutumières. II
commence au milieu des conversations et des
bruits.
M. BRIAND A LA TRIBUNE
Tout d'abord, il s'efforce de mettre en lu-
mière les responsabilités de ceux qui l'ont
contraint à interrompre les travaux de la Con-
férence - pour venir à Paris :
« Messieurs, dit-il, au moment où je monte
à cette tribune, je ne suis pas sûr que, dans
l'intérêt de la France, je ne devrais pas être
ailleurs qu'ici. (Très bien ! très bien ! à gau-
che et à l'extrême-gauche. — Mouvements di-
vers).
« Si je suis venu, malgré la conférence à
laquelle je participais, c'est que j'ai considéré
qu'il était de mon devoir de dissiper certai-
nes inquiétudes et de dire aux représentants
du pays et. au pays lui-même, la vérité sur
des négociations dénaturées et défigurées par
des informations tendancieuses ou menson-
gères.B.
Il rappelle, qu'avant de partir pour Cannes,
il avait, au Sénat et à la Chambre, fait con-
naître ses intentions. Au surplus, la situation
reste entière :
« Le Gouvernement ne vous met pas en face
du fait accompli. Je vous apporte des expli-
cations dans des conditions où bien peu de
gouvernements se sont expliqués devant la
Chambre (Applaudissements à gauche et sur
quelques bancs au centre), c'est-à-dire, alorp.
même qu'une conférence est en plein cours
de ses travaux.
« Que ce soit pour faciliter des transactions
et des résultats, je n'oserai pas aller jusqu'à
l'affirmer ; mais que ce soit une nécessité
dans l'état présent de l'opinion, c'est une réa.
Iité dont j'avais le devoir de tenir compte.
J'en ai tenu compte, et c'est pourquoi je suis,
à cette heure, au milieu de vous.».
La Conférence de Gênes
Après avoir brièvement rappelé quels
étaient les points qui devaient être traités 'à.:
Cannes, il examine les conditions dans les-
quelle a été décidée la Conférence de Gênes.
Sans doute, notre force suffirait à garantir
notre sécurité sur nos frontières ; mais sur
mer on peut redouter des actes de guerre,
dont nous subirions les répercussions.
« Donc, déclare l'orateur, il est nécessaire
que les peuples se réunissent pour mettre un
peu d'ordre dans ce désordre, un peu de sé-
curité dans cet état d'insécurité. C'est - le
premier problème qu'a affronté la conférence
de Cannes. J'étais, en ce qui me concerne, &
l'aise pour l'affronter, parce qu'à cette tri-
bune, à .la tribune du Sénat, dans le pays, j'a-
vais déjà déclaré que la paix du monde, sa
tranquillité, sa restauration financière dé-
pendrait d'un effort de solidarité entre les
nations et qu'il fallait une solidarité, non de
quelques peuples, mais de tous les peuples de
l'Europe pour atteindre à ce résultat. >
Mais une telle réunion pourrait présenter
des dangers. Il y a des contacts graves, dan-
gereux; des questions vitales pour nous, pour-
raient être remises en jeu. Est-il possible de
livrer les intérêts français au hasard de tel-
les rencontres ! -
Toutes les garanties ont été obtenues
Aussi, le Président du Conseil a-t-il mis les
garanties à obtenir au premier rang de ses
préoccupations.
« Elles ont été réglées avant toutes les
autres, affirme-t-il. Il est parfaitement décidé
qu'à l'ordre du jour de cette conférence le
.problème des réparations ne sera évoqué ni
de près ni de loin ; que les traités signés,
dont de traité de Versailles, ne feront l'ob-
jet d'aucune discussion ; que
ranties qui s'y trouvent inscrites pour la
France seront hors de débat. Cela est décidé,
arrêté : il n'y a pas à revenir sur ce point.
« Une telle assemblée, où se réunissent tous
les peuples, serait-il admissible qu'elle tînt
ses assises, la France absente ? ».
Cependant le tumulte va augmentant ; M.
Raoul Péret tente en vain d'imposer silence
aux interrupteurs, et l'orateur peut à peine
se faire entendre, lorsqu'il explique, que de
tels accords exigent la présence des Chefs
de gouvernement, et indique quel sera leur
caractère.
Les buts économiques et politiques
« L'ordre du jour de cette conférence, ex..
'plique-t-il, a un caractère économique et finan"
cier. Il vise notamment la stabilisation-du
change. Il y a là, sans doute, des questions
qui sortent du domaine mystique, des ques-
tions ardues. On est porté à les négliger. Ce
sont celles pourtant dont la solution produit
les grands résultats. Aujourd'hui, si le ma-
laise est tel dans le monde entier, c'est qu'il
y a des pays dont la monnaie varie du simplg
au double, selon les circonstances, et du solix
au matin.
« Un autrse problème s'est posé aussi, proi
blème important pour le maintien de la paix.
Les peuples qui viendront là s'engageront à
reconnaître les frontières de leurs voisins. »
Comme à droite on affecte de, rire, M.
Briand fait observer que les engagements de
ce genre constituent des traités, et qu'il
n'existe pas d'autres moyens d'assurer la
paix.
< Si l'Allemagne, fait-il observer, avait
appris avant 1914 qu'il y avait une entente en-
tre la France et la Grande-Bretagne pour faire -
face à son agression, la guerre n'aurait sans
doute pas été déclarée. » (Applaudissements à.
gauche et à l'extrême gauche..- Interruption
à droite et au centre.)
———————————————. -.*. C6!> - —' ———"
La France touchera la totalité de ce qui lui est dû
Faiblement soutenu à gauche, violemment in-
terrompu ailleurs, le Président du Conseil
aborde la question des réparations.
« L'Allemagne, rappelle-t-il, a demandé un
moratorium, et a dit : Sur -les états de paye-
ment de 1922, je demande un délai et une
réduction.
« La commission des réparations est saisie
de l'affaire. Elle a le droit, à la majorité, d'ac-
corder ces délais et réductions.
« Dans cette commission, la France n'a pas
la majorité. Elle ne peut imposer sa volonté.
Si elle avait cette majorité, l'idée du mora-
torium. évidemment, ne serait même pas en-
visagée, mais la majorité pour le morato-
rium est certaine. »
Ce dernier mot qui tombe lourdement, pro-
duit une sensation profonde, et qui se traduit
par un redoublement de bruit :
« Croyez-moi, poursuit l'orateur, votre inté-
rêt est de m'écouter. Vous le pouvez d'autant
plus que la question de Gouvernement ne se
pose pas et ne peut se poser. » (Mouvements.)
Naturellement ces paroles soulèvent une
vive émotion-«Quest-e que cela v-ut dire ?»
s'écrie M. Gast. — Vous le saurez tout à
l'heure » répond M. Briand, qui expose ce
qu'il a fait pour remédier à cette situation :
« Nous avons dit, indique-t-il, étant donné
ce que nous avons souffert, étant données no-
tre situation financière et notre position mo-
rale vis-à-vis de l'Allemagne, que nous ne pou-
vions pas admettre que l'année 1922 nous pré-
judiciât d'un centime. Nous avons réclamé
tout notre dû.
« Si des délais sont accordés, nous n'en-
tendons pas que la même situation se repré-
sente en 1923 : aussi exigeons-nous qu'un
contrôle oblige l'Allemagne à faire le geste
qu'elle n'a pas fait jusqu'ici »
Le Président du Conseil s.fflnue qu'il n'a
été exercé aucune pression sur nos alliés
belges.
« Des discussions cordiales, fraternelles, se
sont engagées. Les experts ont envisagé di-
vers systèmes. Ils ne sont pas d'accord SUT
le total à exiger de l'Allemagne. Mais ce qui
est certain — et je tiens à le dire à la Cham-
bre, car c'est ici que s'engagent les respon-
sabilités de demain — c'est que la France tou-
chera exactement la totalité de son dû. L'An-
gleterre fait une grande partie du sacrifice
à cet effet ; nos amis belges, et je les en re-
mercie cordialement, en consentent aussi leur
part. » (Interruptions à droite.)
Les avantages obtenus
D'autre part, la France a obtenu, et dans un
sens avantageux pour elle, la modification
d'accords antérieurs. La Sarre, pour la-
qùelle l'Allemagne nous demandait 1,100 mil.
lions, ne figurera à notre passif que pour
300 millions. — La question du prix fob, qui
représentait pour la France 400 millions, est
résolue à notre avantage. — L'accord de Wies.
baden, qui avait soulevé les plus vives contes-
tations de la part de nos alliés, est reconnu.
Comme la droite interrompt, le président
du Conseil fait observer avec ironie que cer-
tains problèmes ne sont importants que lors-
qu'ils constituent des obstacles sous les pas
des gouvernements. Quand ils sont résolus, ils
p'ont plus aucune valeur.
« Mais cela n'a plus d'importance entre
nous, » ajoute-t-il ; et cette indication, qui pré-
cise ses intentions, provoque un mouvement
d'étonnement.
Cependant cela ne calme pas le tapage ;]
;et il se prépare à descendre de la tribune.
lorsque de vifs applaudissements l'y zappel.
lent./ 41
Et U continue
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aux Bureaux du Journal
ES LA LANTERNE DOIT ETRE VENDUE DIX CENTIMES A PARIS ET EN PROVINCE
468 ANNEE - N° 16.238
VENDREDI
13
JANVIER 1922
Directeur-Rédacteur en chef :
FELIX HAUTFORT
Les manuscrits non insérés
ne sont pas rendus
M. BRIAND A RENVERSÉ SON MINISTÈRE
Après avoir fait l'accord entre les membres de son gouvernement et lui, M. Briand
s'est présenté devant la Chambre pour y faire une déclaration et. a démissionné
: : ooooooo-
M. RAYMOND POINCARÉ EST CHARGÉ DE FORMER LE NOUVEAU CABINET
+a+o+o+o+o+o+o+ )+0+0+0+0+0+0+0+
1
Le retour et la chute triomphale
—— —
Le metteur en scène de ce coup de
théâtre, est d'une prestigieuse habileté.
C0 n'est pas l'orateur qui sut triompher
hier ; il n'avait pas, dans la hâte d'un
jeu quelque peu cruel, l'éclat accoutumé
de ses moyens ; c'est le manœuvrier qui
fit la retraite la plus glorieuse dont on
puisse garder le souvenir dans nos fas-
tes parlementaires.
Retenez bien le temps : 9 h. 4, M.
Briand débarque à la gare de Lyon,
'il h. 10, les journalistes apprennent à
l'Elysée que l'accord ministériel est
[« complet et unanime », 15 h. 25, le Pré-
sident du Conseil monte 'à" la tribune de
: la Chambre, 16 h. 35, 'le cabinet est dé-
miissionnaire.
Ainsi se précipita un dénouement qui
fierait merveilleux si nous n'assistions
qu'à une tragi-comédie. Mais il s'agit
de la. France, et c'est cela qu'il ne nous
est pas possible d'oublier.
H. Briand a pourtant pesé les consé-
quences d'une détermination aussi gra-
-ye que celle qu'il avait certainement
[prise au départ de Cannes. Il connaît
assez le Parlement pour savoir que les
déclarations qu'il était en mesure de
ifaire lui assureraient la majorité ; il
n'a cependant pas hésité à prendre la
responsabilité d'une démission qui peut
ibriser les espérances nées d'un projet
accord franco-anglais, et d'un rappro-
chement interalliés.
Pourtant, qui blâmera le Président du
Conseîl d'avoir renoncé à poursuivre sa
tâche dans des conditions qui répu-
gnaient autant à son patriotisme qu'à
fea dignité ? Imagine-t-on un plénipoten-
tiaire, discutant sous le coup d'inces-
santes obj urgations, menacé à chaque
heure par [es démonstrations de ses ad-
versaires, par les accusations outragean-
tes de commissions brusquement éri-
gées -' au mépris de toutes règles par-
lementaires—en Comité de Salut Public?
Tandis que M. Lloyd George, sûr de
Représenter l'opinion britannique, tenait
avec sérénité un jeu soigneusement pré-
paré, M. Briand devait lutter, pour son
pays, avec la crainte constante de voir
:ses intentions travesties, ses actes inter-
prétés par la mauvaise foi de ses en-
nemis.
Faute d'une confiance sans laquelle
.H sentait son infériorité, M. Aristide
; Briand se retire, sachant trop bien qu'il
p'a pas le droit de risquer un si vaste
enjeu sans, avoir au moins cette force
que donne la certitude d'agir avec l'as-
sentiment d'un peuple.
La crise ouverte hier, si brusquement,
n'a pas manqué de causer quelque stu-
peur parmi ceux qui considéraient, com-
me de simples brimades, des actes sus-
ceptibles de troubler dans le plus grave
moment, les hommes de bonne volonté
aux prises avec les calamités mondiales.
L'accueil fait au Président dès son ap-
parition à la tribune était glacial, l'ova-
tion dont il a été honoré en quittant l'hé-
micycle, fut magnifique : elle exprimait
tumultueusement un regret tardif.
L'opposition si ardente, si implaca-
blement résolue à assurer la chute du
« Traître », apparut alors dans l'extrême
embarras d'une victoire inattendue. On
eût voulu chasser ignominieusement ce
lutteur qui abandonnait dignement le
terrain, après avoir mis de son côté la
justice et la raison.
Ayant démontré qu'il avait accompli
pour son pays le devoir qu'il s'était tra-
cé, sans rien abandonner ni des ac-
quisitions du passé, ni des espoirs de
l'avenir, M. Briand se retire, parce qu'un
noble scrupule lui est venu. Il ne peut
supporter qu'un doute puisse naître dans
l'esprit de ceux dont il veut la con-
fiance.
, Si M. Briand a droit à la retraite,
s'il est quitte envers son devoir et sa
conscience, il reste à reconnaître où
est l'intérêt de notre pays dans une crise
sans précédent. Le Président qui vient
de démissionner a pris librement sa
décision ; il lui appartenait de faire front
contre la violence de ses adversaires dé-
clarés et la perfidie d'un brelan de ses
collaborateurs. Un autre ministère Briand
pourrait poursuivre l'œuvre du minis-
tère Briand défunt. M. Millerand le vou-
dra-t-il ?
En cette journée d'hier si grosse d'in-
cidents, nous avons vu clairement une
monstrueuse incompatibilité entre la po-
litique de la majorité élue le 16 novem-
bre 1919 et la politique possible.
Quel que soit le gouvernement de de-
main, il sera lui-même victime d'un
antagonisme irrémédiable ; il devra fai-
re la politique possible et renoncer à la
politique insensée dont rêvaient les can-
didats du Bloc National'lorsqu'ils of-
fraient à leurs électeurs des réparations
intégrales et les milliards de l'Allemagne
vaincue. j
Et c'est pour cela qu'à la fin de la brè-
ve séance où l'on vit M. Briand sortir
dans une apothéose, le cri « Dissolu-
tion ! » domina Je fracas des applaudis-
sements.
Félix HAUTFORT.
M. Briand était d'accord avec tous ses ministres
,
Voici quel est le communiqué officiel qui
S. été publié hier matin à l'issue du conseil
des ministres, auquel assistait M. Briand, ar-
fivé de Cannes quelques heures avant :
« Le président du Conseil a expose à ses
•collègues l'état des négociations de Cannes
et dans sa délibération le Conseil s'est mis
'jen accord complet et unanime avec M. Aris-
tide Briand. -
M. Bonnevay, garda des sceaux, a fait. si-
gner par le président de la République un
décret aux termes duquel M. Kuntz, procu-
reur général" près le tribunal supérieur de
Strasbourg, est nommé conseiller à la Cour
;de cassation en remplacement de M. Daniel,
admis à la retraite.
Le président de la République a signé le
projet de loi portant amnistie d'infractions
prévues et punies par le Code de justice mi-
litaire des armées de terre et de mer.
V Autour du Conseil
Les délibérations ont commencé à 11 heu-
yes et se sont prolongées jusqu'à 1 h. 10. De
très nombreux membres de la presse atten-
daient dans la cour de l'Elysée les ministres
fi leur sortie du conseil.
M. Barthou sortit le premier et passa d'un
'pas rapide au milieu de nos confrères et, se
dérobant à toutes déclarations, leur jeta ces
mots à la volée : i Messieurs, saluez en moi
Je plus ancien des journalistes !» -
Puis, ce fut M. Colrat, sous-secrétaire d'E-
tat à l'intérieur, qui se borna à dire : « Les
Unanimités se suivent et ne se ressemblent
bas ! »
De son côté, M. Léon Bérard, ministre de
l'instruction publique, traduisant l'impreséioa
ique lui laissait la longue délibération du
Conseil, déclara : « Tout cela se terminerait
par un éclatant succès à la Chambre que je
n'en serais pas étonné !»
Aristide Briand s'arrêtent QU&1--,
ques instants au milieu de nos confrères, leur
déclara
« Eh bien ! mais c'est tout simple, j'ai mis
le Conseil au courant de ce qui s'était fait à
Cannes. » Et il ajouta : « De ce qui s'y est
fait, mais non pas de ce qui y a été dit. »
Puis, comme on lui demandait s'il se ren-
drait cet après-midi à la Chambre : « Mais
très certainement, répondit-il, ne faut-il pas
que je me rencontre aveo elle au moins une
dernière fois
Entre le Conseil des ministres et la séance
de la Chambre
M. Briand, au sortir du Conseil des mi-
nistres, paraissait en plein accord, « en
toute cordialité et en toute confiance » se-
Ion le cliché traditionnel, avec ses collè-
gues du cabinet.. Il était parvenu, au cours
de la discussion, à les ranger tous à son
point de vue et à faire entériner par eux,
en quelque sorte, toutes les décisions prises
à Cannes.
L'entrevue qu'il eut ensuite avec les prin-
cipaux membres de l'Entente démocratique
de la Chambre ne démentit point ces heu-
reux pronostics et tous les ministres, y com-
pris et surtout ceux de l'Entente elle-même,
répandirent bientôt dans les couloirs,' avant
'la séance, les bruits les plus optimistes. Tout
était arrangé ; le président du Conseil avait
en poche un traité excellent avec l'Angla-
terre, etc., etc.
Cependant il semble bien que, dès ce mo-
ment, la décision de M. Briand de partir
spontanément était déjà arrêtée. On dit
qu'avisant M. Viviani, dans le salon des
Quatre-Colonnes, peu avant la séance, il
lui confia sa volonté de s'en aller. Et com-
me le député de la Creuse le pressait de res-
ter, d'attendre au moins un vote du Parle-
ment, M. Briand lui laissa entendre que sa
décision était irrévocable. < -—^
M. Millerand accepte la démission
- <>eo---
M. Aristide Briand, président du Conseil,
après avoir quitté la Chambre, s'est rendu à
l'Elysée avec les membres de son cabinet pour
présenter sa démission au président de la
République.
A 17 h. 10, les ministres ont quitté l'Elysée.
M. Doumer, l'un des premiers sortis, nous dé-
clare, narquois r
— La démission est acceptée. Vous pouvez
la rédiger ; vous connaissez dans quelle for-
me cela se fait à l'ordinaire.
M. Barthou survient.
— Eh bien ! noué dit-il, me voici redevenu
journaliste !
Mais voici le président du Conseil. Il nous
dit :
— J'ai remis ia démission du cabinet au
président de la République, qui l'a acceptée.
« J'ai remercié, en mon nom et au nom de
mes collègues, M. Millerand de la confiance
dont il nous avait investis.
« Le président de la République, de son
côté, a bien voulu nous marquer le regret qu'il
a à se séparer de nous.
— Votre démission est-elle définitive, mon-
sieur le Président ?
— Oui, définitive !
— Et la Conférence de Cannes ?. Que
vont faire les délégués là-bas ?.
— Ils rentreront chez eux. On va les pré-
venir.
— Et la Conférence de Gênes ? Croyez-
vous qu'elle se réunisse ?
— Certainement, ne serait-ce que pour cette
question du change.
Le Président réfléchit un instant, puis il
ajoute :
— Sans cela, on va à des catastrophes !
— Pourtant, monsieur le Président, votre
discours a été accueilli avec attention par la
Chambre et avec faveur, même sur de nom-
breux bancs.
Le Président ne répond pas directement.
PouTsuivant sa pensée, il dit encore :
— C'était impossible ! Il faut être mieux
soutenu que cela. Ce serait à recommencer.
Un autre que moi ira à Gênes.
Et le Président monte rapidement en auto
pour se rendre aux Affaires étrangères.
La lettre de démission du Cabinet Briand
Voici le texte de la lettre par laquelle M.
Aristide Briand a remis la démission du Ca-
binet au Président de la République :
a Paris, 12 janvier 1922.
« Monsieur le Président de la République,
« Nous avons l'honneur de vous remettre
notre démission, en vous priant de vouloir
bien agréer, avec nos remerciements pour la
confiance que vous avez mise en nous, l'ex-
pression de notre respectueux dévouement ».
« Signé : ARISTIDE BRIAND ».
M. Briand annonce sa démission
à M. Lloyd George
Dès son retour au ministère des affaires
étrangères, M. Aristide Briand, président du
Conseil, a adressé un télégramme à M. Lloyd
George, président du Conseil Suprême par in-
térim, pour s'excuser auprès de lui de ne pou-
voir retourner à Cannes, « les événements po-
litiques l'ayant amené à donner sa démis-
sion ».
*
«*
V oici le texte du télégramme que M. Briand
a adressé à M. Lloyd George pour l'informer
de sa démission : :
Le Ministre des Affaires étrangères,
à M. Lloyd George, président du Con-
seil Suprême, à Cannes. *
En présence des circonstances politiques
que j'ai trouvées à mon arrivée à Paris, j'ai
considéré qu'il ne m'était pas possible de con-
server la présidence du Conseil.
Ayant remis la démission du Cabinet à M.
le Président de la République, je ne puis re-
tourner à Cannes pour participer aux tra-
vaux du Conseil Suprême. Je vous prie de le
communiquer à nos collègues délégués et de
vouloir bien leur exprimer, en même temps
que mes excuses, le regret que j'ai d'avoir dû
cesser ma collaboration avec eux.
En ce qui vous concerne, mon cher monsieur
(Lloyd George, je suis particulièrement peiné
'de n'avoir pu achever avec vous les conversa-
tions que nous avions engagées dans l'intérêt
'de nos deux pays et celui de la* paix de l'Eu-
rope et que j'aurais été si heureux de conduire
à un bon résultat final.
J'espère, que mon successeur les reprendra
avec vous et que, plus favorisé que moi, il
pourra réaliser les desseins que nous avions
en vue.
Je vous prie d'agréer l'expression de mes
sentiments les meilleurs et les plus dévoués.
Signé : ARISTIDE BRIAND.
M. Briand s'est entretenu avec M. Viviani
Au cours de la soirée, M. Aristide Briand
a reçu la visite de nombreux amis personnels,
notamment de M. Viviani, ancien président
du Conseil.
,
Les premières coDsullalluDs du iPtfMMi)UftSpunt t de la République
1 ■■ 1 ■ ■
Commençant sans tarder ses consultations,
le Président de la République a mandé à l'E-
lysée le président de la Chambre et le prési-
dent du Sénat.
M. Raoul Péret, arrivé le premier, conféra
pendant quelques minutes avec M. Millerand.
A sa sortie de l'Elysée, interrogé par les
journalistes présents, il a déclaré que dans
l'entretien qu'il venait d'avoir avec le Chef
de l'Etat, il avait été amené à lui dire que
la Constitution ne s'opposait pas au rappel
de M. Aristide Briand, celui-ci n'ayant pas
été renversé par un vote de la Chambre.
Mais, après avoir procédé avec le Président
de la République à l'examen de la situation
générale, M. Raoul Péret a déclaré que.. per-
sonnellement, il avait indiqué au Président
le nom de M. Poincaré.
Quelques minutes plus tard, M. Léon Bour-
geois, que la séance du Sénat avait retenu,
au Luxembourg, arrivait à l'Elysée. Son en-
tretien avec le Président de la République fut
également très bref.
Comme M. Raoul Péret, M. Léon Bourgeois
indiqua au Président de la République le nom
de M. Poincaré, comme celui de Ha personna-
lité la plus qualifiée pour dénouer la crise
actuelle.
M. Poincaré à l'Elysée
Après ces deux consultations, le Président
de la République pria M. Poincaré de passer
dans la soiré au palais présidentiel.
Le sénateur de la Meuse conféra avec M.
MiHerand de 9 heures jusqu'à 10 h. 5. Aux
journalistes qui l'attendaient à la sortie pour
l'interviewer, il répondit simplement :
— Adressez-vous au Président de la Répu-
blique, j'ai l'habitude de ne rien dire.
Cependant, l'air satisfait de M. Poincaré
en disait beaucoup plus que ses paroles.
Quelques instants plus tard, la note sui-
vante était communiquée aux journaux :
Le Président de la République a prié- M.
Raymond Poincaré de passer à l'Elysée et lui
a demandé d'acçepter la mission de former le
nouveau Cabinet.
M. Poincaré a déclaré qu'il verrait demain
quelques-uns de ses amis et qu'il apporterait
dans la journée sa réponse.
On a l'impression que cette réponse sera
rapide et que la combinaison sera prête, au
moins dans zea grandes lignes, aujourd'hui
vers midi.
M. Loucheur rentre à Paris
Cannes, 12 janvier. — M. Loucheur ayant
été mis au courant des événements politiques
survenus cet après-midi à Paris, s'est rendu
immédiatement auprès de ^hacyn d8.::; chefs
des délégations alliées qui prenaient part au
Conseil Suprême pour les informer des évé-
nements survenue.
La nouvelle de la démission de M. Briand
a causé une vive émotion, tant parmi les
membres de - la délégation française que dans
les délégations alliées, ,
M. Loucheur a, en outre, annoncé qu'il par-
tirait ce soir même de Cannes, à 19 heures.
Les autres membres de la délégation fran-
çaise demeureront ici en attendant.
Le Conseil Suprême est suspendu
En présence des événements, M. Lloyd
George a décidé de suspendre la session du
Consei,l Suprême.
La délégation allemande qui venait d'ar-
river à Cannes retournera à Paris où elle
sera entendue par la Commission des Répa-
rations.
La mission de M. Albert Sarraut
M. Briand, chargé d'expédier les affaires
courantes, a télégraphié dans la soirée à M.
Albert Sarraut, ministre des Colonies, qu'il
demeurait le plénipotentiaire chargé des in-
térêts de la France à la Conférence de was-
hington.
Quelques opinions sur la crise
Veut-on quelques opinions avec nom d'au-
teur ? Voici :
M. de Belcastel (extrême droite) dit en
substance : - Tant mieux. C'est un aver-
tissement salutaire à l'Angleterre ; un bon
coup de balai ; j'espère qu'il nous délivrera
de la politique des concessions.
M. Paul-Boncouy (extrême gauche) : —
Briand ne pouvait agir autrement qu'il a
fait ; des membres de sa majorité se mon-
traient trop hostiles. Il n'aurait pas eu à
Cannes assez d'autorité. La Chambre l'a
voulu : tant pis pour elle. Qu'elle pratique
maintenant sa politique ; elle sera bientôt
au pied du mur et la France sera isolée
dans une Europe encore toute pleine de
bruits de guerre.
M. Peyroux (Entente démocratique) :
— C'est un désastre. Briand aurait eu sa
majorité. C'est un homme de grande va-
leur, maître de lui-même, d'une Intelligen-
ce hors de pair, le meilleur négociateur fran-
çais. Pourquoi a-t-il cédé à un mouvement
d'humeur ?.
M. Marc Sangnier (catholique) : — Nous
y marchons, à la politique d'isolement. Je
ne puis que regretter la chute d'un cabinet
qui suivait une politique sage que j'ai tou-
jours défendue. Il va s'ensuivre une ef-
froyable tension dans les rapports franco-
anglais.
M. Herriot (radicaux-socialistes) : —
Très habilement, les Allemands essayent
d'articuler le problème des réparations sur
celui de la reconstitution économique de
l'Europe, alors que ce sont deux questions
bien différentes. C'est un jeu auquel notre
nouveau gouvernement ne devra pas se prê-
ter.
M. Andrieux (gauche républicaine) : '—
Qui je crois devoir être appelé h l'Elysée ?
M. Poincaré, en sa qualité d'ancien prési-
dent de la République. C'est un (précédent
QWt M, Millerand voudra créer, 1
lie discours de M. Briand à la Chambre
«-oto-*—•
Ce que j'ai fait, je suis venu le dire, dit
celui-ci. Eh bien ! d'autres feront mieux.
(Vifs applaudissements à gauche et au cen-
tre ; les députés se lèvent et applaudissent
le Président du Conseil).
Ceci est textuellement extrait de l'analyti-
que et c'est sans doute la première fois, que
'les comptes rendus parlementaires ont enregis-
tré en ces termes, la chute d'un gouvernement.
La séance d'hier fut, en effet, paradoxale, dé-
concertante et poignante.
Sans tenir compte de l'effort énorme qu'il
s'était imposé, la Chambre fit d'abord à M.
'Briand un accueil hostile jusqu'à l'inconve-
nance. A peine quelques maigres applaudisse-
ments se perdaient-ils parfois au milieu du
tumuilte et des interruptions. Les vieux ga-
biers de la galère parlementaire disaient que
ça sentait la crise à plein nez.
Mais lorsque d'un geste fait de lassitude
et d'écœurement, le Président du Conseil lais-
sa tomber le dur fardeau du pouvoir, aussitôt
un revirement inattendu se produisit. Tan-
dis qu'à droite, les vainqueurs avaient la mine
piteuse, les centres et les gauches, les deux
tiers à peu près de la Chambre, debout accla-
maient le vaincu.
C'est au milieu d'aipplaudissements de
sympathie enthousiaste que se déroula le dé-
filé traditionnel et d'ordinaire funèbre, des
membres du Gouvernement quittant la salle.
J'ai bien compris hier l'expression du vieux
Montaigne quand il nous parle de la « Défaite
Triomphante ».
3L.-A. SÉAITCE
Dès le début de la séance, M. Raoul Péret,
en prenant place au bureau, prononce le dis-
cours,, publié plus loin et qui est haché d'ap-
plaudissements frénétiques, particulièrement
sur les points touchant à la situation actuelle.
Quand il fait allusion à la Belgique, les dé-
putés se lèvent et l'acclament ; et une ovation
plus-enthousiaste accueille sa. -conclusion.
Dès qu'il a fini, le Président du Conseil
monte à la tribune. Il est visiblement las ;
sa voix reste basse, et ne retrouve que par
instants ses belles sonorités coutumières. II
commence au milieu des conversations et des
bruits.
M. BRIAND A LA TRIBUNE
Tout d'abord, il s'efforce de mettre en lu-
mière les responsabilités de ceux qui l'ont
contraint à interrompre les travaux de la Con-
férence - pour venir à Paris :
« Messieurs, dit-il, au moment où je monte
à cette tribune, je ne suis pas sûr que, dans
l'intérêt de la France, je ne devrais pas être
ailleurs qu'ici. (Très bien ! très bien ! à gau-
che et à l'extrême-gauche. — Mouvements di-
vers).
« Si je suis venu, malgré la conférence à
laquelle je participais, c'est que j'ai considéré
qu'il était de mon devoir de dissiper certai-
nes inquiétudes et de dire aux représentants
du pays et. au pays lui-même, la vérité sur
des négociations dénaturées et défigurées par
des informations tendancieuses ou menson-
gères.B.
Il rappelle, qu'avant de partir pour Cannes,
il avait, au Sénat et à la Chambre, fait con-
naître ses intentions. Au surplus, la situation
reste entière :
« Le Gouvernement ne vous met pas en face
du fait accompli. Je vous apporte des expli-
cations dans des conditions où bien peu de
gouvernements se sont expliqués devant la
Chambre (Applaudissements à gauche et sur
quelques bancs au centre), c'est-à-dire, alorp.
même qu'une conférence est en plein cours
de ses travaux.
« Que ce soit pour faciliter des transactions
et des résultats, je n'oserai pas aller jusqu'à
l'affirmer ; mais que ce soit une nécessité
dans l'état présent de l'opinion, c'est une réa.
Iité dont j'avais le devoir de tenir compte.
J'en ai tenu compte, et c'est pourquoi je suis,
à cette heure, au milieu de vous.».
La Conférence de Gênes
Après avoir brièvement rappelé quels
étaient les points qui devaient être traités 'à.:
Cannes, il examine les conditions dans les-
quelle a été décidée la Conférence de Gênes.
Sans doute, notre force suffirait à garantir
notre sécurité sur nos frontières ; mais sur
mer on peut redouter des actes de guerre,
dont nous subirions les répercussions.
« Donc, déclare l'orateur, il est nécessaire
que les peuples se réunissent pour mettre un
peu d'ordre dans ce désordre, un peu de sé-
curité dans cet état d'insécurité. C'est - le
premier problème qu'a affronté la conférence
de Cannes. J'étais, en ce qui me concerne, &
l'aise pour l'affronter, parce qu'à cette tri-
bune, à .la tribune du Sénat, dans le pays, j'a-
vais déjà déclaré que la paix du monde, sa
tranquillité, sa restauration financière dé-
pendrait d'un effort de solidarité entre les
nations et qu'il fallait une solidarité, non de
quelques peuples, mais de tous les peuples de
l'Europe pour atteindre à ce résultat. >
Mais une telle réunion pourrait présenter
des dangers. Il y a des contacts graves, dan-
gereux; des questions vitales pour nous, pour-
raient être remises en jeu. Est-il possible de
livrer les intérêts français au hasard de tel-
les rencontres ! -
Toutes les garanties ont été obtenues
Aussi, le Président du Conseil a-t-il mis les
garanties à obtenir au premier rang de ses
préoccupations.
« Elles ont été réglées avant toutes les
autres, affirme-t-il. Il est parfaitement décidé
qu'à l'ordre du jour de cette conférence le
.problème des réparations ne sera évoqué ni
de près ni de loin ; que les traités signés,
dont de traité de Versailles, ne feront l'ob-
jet d'aucune discussion ; que
ranties qui s'y trouvent inscrites pour la
France seront hors de débat. Cela est décidé,
arrêté : il n'y a pas à revenir sur ce point.
« Une telle assemblée, où se réunissent tous
les peuples, serait-il admissible qu'elle tînt
ses assises, la France absente ? ».
Cependant le tumulte va augmentant ; M.
Raoul Péret tente en vain d'imposer silence
aux interrupteurs, et l'orateur peut à peine
se faire entendre, lorsqu'il explique, que de
tels accords exigent la présence des Chefs
de gouvernement, et indique quel sera leur
caractère.
Les buts économiques et politiques
« L'ordre du jour de cette conférence, ex..
'plique-t-il, a un caractère économique et finan"
cier. Il vise notamment la stabilisation-du
change. Il y a là, sans doute, des questions
qui sortent du domaine mystique, des ques-
tions ardues. On est porté à les négliger. Ce
sont celles pourtant dont la solution produit
les grands résultats. Aujourd'hui, si le ma-
laise est tel dans le monde entier, c'est qu'il
y a des pays dont la monnaie varie du simplg
au double, selon les circonstances, et du solix
au matin.
« Un autrse problème s'est posé aussi, proi
blème important pour le maintien de la paix.
Les peuples qui viendront là s'engageront à
reconnaître les frontières de leurs voisins. »
Comme à droite on affecte de, rire, M.
Briand fait observer que les engagements de
ce genre constituent des traités, et qu'il
n'existe pas d'autres moyens d'assurer la
paix.
< Si l'Allemagne, fait-il observer, avait
appris avant 1914 qu'il y avait une entente en-
tre la France et la Grande-Bretagne pour faire -
face à son agression, la guerre n'aurait sans
doute pas été déclarée. » (Applaudissements à.
gauche et à l'extrême gauche..- Interruption
à droite et au centre.)
———————————————. -.*. C6!> - —' ———"
La France touchera la totalité de ce qui lui est dû
Faiblement soutenu à gauche, violemment in-
terrompu ailleurs, le Président du Conseil
aborde la question des réparations.
« L'Allemagne, rappelle-t-il, a demandé un
moratorium, et a dit : Sur -les états de paye-
ment de 1922, je demande un délai et une
réduction.
« La commission des réparations est saisie
de l'affaire. Elle a le droit, à la majorité, d'ac-
corder ces délais et réductions.
« Dans cette commission, la France n'a pas
la majorité. Elle ne peut imposer sa volonté.
Si elle avait cette majorité, l'idée du mora-
torium. évidemment, ne serait même pas en-
visagée, mais la majorité pour le morato-
rium est certaine. »
Ce dernier mot qui tombe lourdement, pro-
duit une sensation profonde, et qui se traduit
par un redoublement de bruit :
« Croyez-moi, poursuit l'orateur, votre inté-
rêt est de m'écouter. Vous le pouvez d'autant
plus que la question de Gouvernement ne se
pose pas et ne peut se poser. » (Mouvements.)
Naturellement ces paroles soulèvent une
vive émotion-«Quest-e que cela v-ut dire ?»
s'écrie M. Gast. — Vous le saurez tout à
l'heure » répond M. Briand, qui expose ce
qu'il a fait pour remédier à cette situation :
« Nous avons dit, indique-t-il, étant donné
ce que nous avons souffert, étant données no-
tre situation financière et notre position mo-
rale vis-à-vis de l'Allemagne, que nous ne pou-
vions pas admettre que l'année 1922 nous pré-
judiciât d'un centime. Nous avons réclamé
tout notre dû.
« Si des délais sont accordés, nous n'en-
tendons pas que la même situation se repré-
sente en 1923 : aussi exigeons-nous qu'un
contrôle oblige l'Allemagne à faire le geste
qu'elle n'a pas fait jusqu'ici »
Le Président du Conseil s.fflnue qu'il n'a
été exercé aucune pression sur nos alliés
belges.
« Des discussions cordiales, fraternelles, se
sont engagées. Les experts ont envisagé di-
vers systèmes. Ils ne sont pas d'accord SUT
le total à exiger de l'Allemagne. Mais ce qui
est certain — et je tiens à le dire à la Cham-
bre, car c'est ici que s'engagent les respon-
sabilités de demain — c'est que la France tou-
chera exactement la totalité de son dû. L'An-
gleterre fait une grande partie du sacrifice
à cet effet ; nos amis belges, et je les en re-
mercie cordialement, en consentent aussi leur
part. » (Interruptions à droite.)
Les avantages obtenus
D'autre part, la France a obtenu, et dans un
sens avantageux pour elle, la modification
d'accords antérieurs. La Sarre, pour la-
qùelle l'Allemagne nous demandait 1,100 mil.
lions, ne figurera à notre passif que pour
300 millions. — La question du prix fob, qui
représentait pour la France 400 millions, est
résolue à notre avantage. — L'accord de Wies.
baden, qui avait soulevé les plus vives contes-
tations de la part de nos alliés, est reconnu.
Comme la droite interrompt, le président
du Conseil fait observer avec ironie que cer-
tains problèmes ne sont importants que lors-
qu'ils constituent des obstacles sous les pas
des gouvernements. Quand ils sont résolus, ils
p'ont plus aucune valeur.
« Mais cela n'a plus d'importance entre
nous, » ajoute-t-il ; et cette indication, qui pré-
cise ses intentions, provoque un mouvement
d'étonnement.
Cependant cela ne calme pas le tapage ;]
;et il se prépare à descendre de la tribune.
lorsque de vifs applaudissements l'y zappel.
lent./ 41
Et U continue
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