Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-03-04
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 mars 1896 04 mars 1896
Description : 1896/03/04 (N6891,A20). 1896/03/04 (N6891,A20).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
Directeur Politique : Emile CORNUDET
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UN MOIS. 2FR.
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20' ANNÉE — NUMÉRO 61391 15 VENTÔSE — AN 194
MERCREDI 4 MARS — 1896 - MERCREDI 4 MARS
't'if'
Le Numéro : 6 Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS
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UN AN 20 FR.
i Rédacteur en Chef : A. MADJAN ,
Les articles non insérés me sont pu rendus
Rédaction et Administratif 18, rue Riches
LE VEAU D'OR
Si M. Félix Faure, dans son voyage
triomphal du Midi, a des moments assez
agréables, il faut avouer qu'il a aussi de
fichus quarts d'heure.
Je le plains, notamment, d'avoir été
obligé d'écouter jusqu'au bout, le sou-
rire poli et ennuyé aux lèvres, le dis-
cours élucubré par M. Aynard, grand
économiste devant l'Eternel et président
de la chambre de commerce de Lyon.
Tout n'est pas rose dans la vie d'un
président, allez, et le discours satisfait
de cet éminent centrier a dû jeter un
peu de noir dans l'esprit de M. Félix
Faure.
M. Aynard a chanté un hymne hyper-
bolique en l'honneur du capital, qui ne
fut jamais à pareille noce.
Il l'a encensé, magnifié et couronné
de tendres adjectifs et d'adverbes supé-
rieurs.
Il l'a présenté comme la grande force
matérielle et morale de ce bas monde ;
jl l'a désigné, dans des phrases d'un
superbe prud'hommesque, comme la
préoccupation, le but et l'idéal de toute
politique.
Le commerce et l'industrie pour
M. Aynard, il n'y a que cela ! Le reste
compte peu ou prou chez une nation que
l'Art, sous ses différentes formes et sous
ses diverses inspirations, a grandie
cependant dans une éclatante supério-
rité sur les autres peuples.
Pour ce copieux économiste, c'est le
haut commerce qui a la direction du
pays.
En dehors de ce monde des affaires,
du' monde où l'on gagne de l'argent,
tout n'e?t qu'agitation ou frivolité.
La grandeur d'un peuple se mesure à
l'aune comme de la flanelle, et c'est du
haut d'un comptoir que les hommes d'é-
taf, qui ont l'œil, contemplent la foule et
les réformes!
Ce qui plaît surtout dans la harangue
de M. Aynard, c'est la tranquillité avec
laquelle il expose les revendications de
ce pauvre Capital qui dépérit de jour en
jour, alors que l'ouvrier, le bienheureux
ouvrier, voit sa part grossir de plus en
plus (sic).
Cette affirmation a stupéfié, paraît-il,
le président de la République, qui ne se
doutait certes pas, en venant à Lyon,
que la question sociale était si près
d'être résolue par le seul M. Aynard.
Si les choses marchaient de ce train,
le capital se trouverait, en effet, un beau
matin sur le pavé, et serait dans la
triste nécessité de tendre la main au
salaire.
Une belle revanche, savez-vous, mon-
sieur Aynard !
Malheureusement, les jours prédits
par le député du Centre sont loin d'être
arrivés, et les capitalistes, les banquiers
et - autres rentiers ne sont pas encore
réduits à la mendicité.
En attendant, les pouvoirs publics
auront le devoir de s'intéresser à cette
question du salaire qui est le fond de la
question sociale.
Et il est un moyen — que M. Aynard et
ses amis combattent ardemment — de
soulager le travailleur et d'augmenter
ses médiocres émoluments, c'est de di-
minuer, dans une large proportion, les
lourdes charges fiscales qui l'écrasent
en lui enlevant presque le quart de son
salaire.
Le cabinet Bourgeois a tenté, par
l'établissement d'un impôt sur le revenu,
qui dégrèverait les petits contribuables,
de résoudre une partie du problème.
Et pendant que les Radicaux essaient
ainsi d'une meilleure répartition de
l'impôt, les économistes du Centre,
figés dans leur formule égoïste et étroite,
déplorent la détresse du Capital et cher-
chent à sauver la mise de la grosse
finance par l'écrasement du petit tra-
vailleur.
Eh bien, nous espérons que le pro-
blème sera.discuté, à bref délai, avec
toute l'ampleur qu'il mérite.
Il s'agit de l'orientation même de la
politique économique.
Il s'agit de savoir si la Démocratie
pourra être tenue en échec par quelques
privilégiés.
- Le ministre des finances a nettement
circonscrit le débat devant la commis-
sion du budget.
Chacun peut dès lors prendre ses
positions de combat pour le jour de la
discussion publique.
M. Aynard vient de marquer la sienne.
Avec lui, au moins, ou sait de quoi il
retourne.
M. Félix Faure, ne pouvant répondre
politiquement au discours du président
de la Chambre de commerce de Lyon,
s'est contenté de riposter par quelques
phrases assez sèches.
On a compris.
Inutile de dire que les journaux réac-
tionnaires portent aux nues la petite
manifestation oratoire de M. Aynard,
qui triomphe, en leurs articles, dans
toute la largeur de ses pompeuses pé-
riodes.
Pour être complet, nous prévenons
nos parfaits économistes que les ou-
vriers appréteurs de soie, qui n'ont pu,
n'étant pas de la fête, savourer la ri-
chesse de style de leur malheureux
patron, travaillent tous les jours de six
heures du matin à minuit.
Tous les avantages, quoi !
C'est égal, il eût été dommage de ne
pas se mettre sous l'oeil le discours de
M. Aynard.
Jamais l'argent n'avait étalé aussi
insolemment ses prétentieuses réclama-
tions. ,.'
Jamais le veau d'or n'avait beuglé de
façon aussi formidable.
Jamais la Richesse n'avait tendu aussi
audacieusement la main.
Mes bons amis, les ouvriers, un petit
sou, s'il vous plaît, pour le Capital qui
meurt de faim !
A. MAUJAN.
L'IMPOT SUR LE REVENU
La commission du budget a commencé
hier l'examen des articles du projet du
gouvernement sur le revenu.
M. Merlou a demandé que la commission
provoquât l'avis de tous les syndicats
agricoles et ouvriers sur l'impôt sur le re-
venu.
Cette proposition démocratique a été
repoussée.
La commission a ensuite adopté la réso-
lution suivante :
La commission du budget, maintenant et
complétant sa déclaration précédente, décide
qu'elle recevra jusqu'au 8 mars toutes les com-
munications relatives à l'impôt sur le revenu
qu'on voudra bien lui adresser.
Passant ensuite à l'examen des sept pre-
miers articles du projet d'impôt sur le re-
venu, plusieurs membres de la commission
ont tenté de démontrer que les mesures
proposées par le ministre des finances
sont inapplicables; mais aucune décision
n'a été prise.
M. Boucher (des Vosges) a soutenu que,
en considérant comme revenu imposable
l'amortissement industriel, le ministre a
confondu l'amortissement financier, qui
est une prime pour la constitution d'un
capital ou la diminution d'une dette, c'est-
à-dire pour un enrichissement, avec l'a-
mortissement industriel, qui est une prime
contre l'amoindrissement, la disparition
de l'instrument de production et, par con-
séquent, du revenu. ,
Cet impôt, suivant l'avis de M. Boucher,
serait antiéconomique.
Il constituerait une véritable amende
édictée contre l'industrie progressive et
contre la sincérité des bilans.
M. Marty a critiqué la disposition rela-
tive aux étrangers qui seront soumis à
l'impôt général sur le revenu au bout de
six mois de séjour dans notre pays, non
pas seulement d'après ce qu'ils possèdent
en France, mais encore d'après ce qu'ils
possèdent dans leur pays, ce qui fait qu'ils
payeront deux fois pour les mêmes biens :
une fois chez eux et une fois chez nous.
La commission continuera aujourd'hui
l'examen de cette question.
LES ITALIENS EN AFRIQUE
Rome, 2 mars. — On mande de Lodi :
Le départ des soldats pour l'Afrique a
donné lieu à des manifestations hostiles
au gouvernement.
A Milan et à Rovigo, des meetings so-
cialistes ont été interdits par les autori-
tés.
La société démocratique de Folignon a
voté un ordre du jour contre la désas-
treuse aventure africaine. Les socialistes
et les démocrates de Biella ont pris l'ini-
tiative d'une agitation contre l'entreprise
africaine.
M. Zanardelli, empêché par la maladie
de participer aux travaux parlementaires,
adresse à un ami une lettre dans laquelle
il déclare que le devoir impérieux de tous
les indépendants est de lutter contre le
gouvernement qu'il juge sévèrement.
Le sénateur Casareto adresse aux jour-
naux de Gênes une lettre violente contre
l'entreprise africaine. Autrefois, écrit-il,
on disait : « perdre les colonies et sauver la
patrie. » On dit aujourd'hui : « perdre la
patrie, mais conquérir des colonies. » Dieu
veuille que l'opinion et le Parlement sau-
vent l'Italie.
Le président du conseil adresse une let-
tre aux députés de la majorité pour les
inviter à se trouver à l'ouverture de la
Chambre.
Comme celui du Don Marzio le corres-
pondant du Corriere affirme que les routes
sont semées de cadavres de mulets et de
chameaux. De nombreuses caisses de vi-
vres et de munitions ont été abandonnées
par suite de la mort des quadrupèdes qui
les transportaient.
Rome, 2 mars. — De Venise, Brescia,
Palerme, on signale d'importants meetings
antiafricains. v
Un banquet, organisé par le comité ré-
publicain, a eu lieu hier à Milan malgré la
défense du préfet. Cinq cents personnes
environ Y assistaient. Trois cents autres
n'ont pu y prendre part par suite du man-
que de places.
Parmi les convives se trouvaient les dé-
putés Engel, Taroni, Zavattari, Vendimini,
Laurenzana Zabeo, Pellegrini. De nom-
breuses adhésions sont parvenues de plu-
sieurs villes de la Lombardie et de la Ro-
magne.
Au dessert, des discours et des toasts
contre la politique africaine et la Consti-
tution ont été prononcés.
Le banquet s'est terminé par une ma-
nifestation organisée sur la place du
Dôme.
La police et la troupe sont intervenues ;
quatorze arrestations ont été opérées.
Rome, 2 mars. — Une réunion anti afri-
caine a eu lieu aujourd'hui à Rome malgré
la défense des autorités.
Elle a été très agitée.
M. Barzilaï, député, et plusieurs orateurs
ont prononcé des discours d'une extrême
violence qui ont été accueillis par les cris
de : « Vive Ménélik ! A bas Crispi ! Vive le
socialisme et la Révolution sociale ! »
La réunion a voté un ordre du jour blâ-
mant la campagne d'Abyssinie et enga-
geant le peuple à se prononcer contre l'ex-
pédition.
Rome, 2 mars. — Le mouvement anti-
africain dirigé par les députés de l'opposi-
tion continue.
A Pavia, le député Rampoldi a prononcé
un violent discours.
MM. Cavallotti, Mussi et Zavattari en-
voient leur adhésion,
A Parme, à Crémone, à Ferrare, à An-
cône, à Turin, les réunions ont été inter-
dites.
Un meeting, dont les promoteurs étaient
les sénateurs Casareto et Gagliardo, a
également été interdit à Gênes.
Rome, 2 mars. — Il circule des bruits
contradictoires sur le motif du retour de
M. Crispi.
Le président du conseil, arrivé hier
matin, s'est trouvé indisposé et est reparti
pour Naples dans la nuit. Personne ne
croit qu'il s'agisse d'affaires de famille,
comme l'affirment les amis de M. Crispi.
La version laplus accréditée, c'est qu'il a dû
conférer avec le roi, au sujet d'importantes
nouvelles d'Afrique, arrivées dans la jour-
née d'hier. Le bruit qu'il s'agirait d'une
nouvelle prorogation du Parlement, cir-
cule avec persistance, mais il trouve peu
de crédit.
Rome, 2 mars.— Aujourd'hui Crispi ar-
rivait à la gare, juste au moment où la
foule attendait le général Heush pour lui
faire une ovation. Un policier, trop zélé,
poussa le cri de : « vive Crispi ! a. mais
aussitôt, de la foule partit une formidable
bordée de sifflets. Quand le général Heush
parut, il fut acclamé frénétiquement.
Rome, 2 mars. — Les dépêches d'Afrique
semblent confirmer la nouvelle de l'inves-
tissement de Kassala par les Madhistes,
qui paraît un fait accompli. On dit que les
Madhistes sont très bien armés.
Rome, 2 mars. — A Trévico, dans la pro-
vince d'Avellino, la foule exaspérée par la
façon dont les impôts étaient répartis a
envahi l'Hôtel de Ville. Les carabiniers
ont repoussé les assaillants. Un homme a
été tué.
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à 8 h. matin - - 400 au-dessus de o.
La plus élevée du jour
à 2 h. 3o soir 10no au-dessus de o.
Temps probable pour aujourd'hui: Nuageux,
température modérée.
VWiiUH
Le musée impérial historique de Moscou
vient de recevoir en cadeau le drapeau de soie
tricolore qui surmontait l'édifice du Cercle
militaire de Paris pendant la visite des ma-
rins russes en 1893 et qui lui a été envoyé en
témoignage de l'amitié unissant la France à la
Russie.
Ce drapeau à été aussitôt joint à la collec-
tion d'objets rappelant les solennités des vi-
sites navales de Cronstadt et de Toulon, pré-
cieusement conservés par le musée mosco-
vite.
Une revue anglaise, The Lancet, annonce
que, dans un hôpital de Londres, une femme
vient de mettre au monde un garçon, mesu-
rant 55 centimètres et pesant 7 kilogrammes.
L'accouchement se fit très rapidement et les
suites furent absolument normales.
La femme est une grande multipare ; elle a
eu 14 enfants.
A propos du séjour que vient de faire à Lyon
M. Félix Faure, sait-on ce qu'est devenu le
landan dans lequel se trouvait M. Carnot quand
il fut atteint par le poignard de Caserio ? De-
puis l'assassinat, il se trouve remisé à l'hôtel
de ville, en attendant un autre logement.
M. Gailleton, maire de Lyon, a refusé de des-
saisir la ville de ce souvenir historique au pro-
fit d'un Anglais qui en offrait un million.
Quant au poignard de Caserio, il se trouve
entre les mains de M. Cunisset-Carnot, procu-
reur général à Dijon, et gendre du défunt pré-
sident.
C'est un reporter lyonnais qui possède la
casquette dont Caserio était coiffé au moment
du crime.
La partie du ruban rouge du grand-cordon
de la Légion d'honneur transpercée par la lame
est gardée par M. le docteur Masson, député
de Lyon, qui donna les premiers soins à M.
Carnot.
Quant au linge et aux vêtements portés par
la victime, c'est Mme Carnot, sa veuve, qui
conserve cette douloureuse relique.
Ménélik, qui donne aux Italiens tant de fil
à retordre, n'est pas seulement roi des rois et
empereur d'Ethiopie,
A ces titres imposants, le descendant de
Salomon et de la reine de Saba en joint un
autre qui complète son originalité. Le puissant
négus est. devinez quoi? Ménélik est félibre
de Paris.
Il y a une dizaine d'années, l'explorateur
Paul Soleillet revint d'Abyssinie à Paris, en
compagnie d'un neveu de Ménélik, auprès du-
quel il jouait le rôle de Mentor. Un soir, il em-
mena à une réunion du Félibrige son auguste
pupille.
Les bons félibres, si hospitaliers aux visi-
teurs de toute provenance, firent au parent du
négus une réception enthousiaste. Et ils déci-
dèrent par acclamation d'inscrire ce jeune hom-
me et Ménélik lui-même sur les listes du Féli-
brige. L'Ethiopie est au midi de la Loire,
n'est-ce pas?
Le négus se montra, affirme-t-on, très tou-
ché de cet honneur dont il. n'a peut-être pas
bien saisi toute la portée.
Ajoutons que sur les registres du Félibrige
figure la reine de Roumanie, Carmen Sylva.
MOT DE LA FIN
Relevé dans les annonces cette amusante
coquille :
A VENDRE
Un beau corps de femme
Avec 47 h. 53 a. 57 c. de terres labou-
rables.
Femme pour ferme, c'est assez joli,
n'est-ce pas ?
Passe-Partout.
LES INFRACTIONS AU CONCORDAT
Le Conseil des ministres s'est occupé, dans
une de ses dernières séances, des infractions
au Concordat, résultant de la promulgation,
avant tout enregistrement, dans certains dio-
cès, de lettres apostoliques qui ordonnent un
jcuèbsi, lé national, ainsi que de la réunion géné-
rale des évêques de France provoquée à Reims
par le cardinal Langénieux à l'occasion du cen-
tenaire du baptême de Clovis.
Le Conseil doit prendre une décision à ce su-
jet, aussitôt la reprise de ses délibérations.
*
CiuBA
Madrid, 2 mars. — Au ministère de la
marine règne la plus grande activité. Des
ordres ont été envoyés aux arsenaux du
Ferrol, de Carthagène et de Cadix pour
armer avant le 15 mars le cuirassé Pelayo,
les croiseurs de première classe Oquendo,
Maria-Teresa et Viscaya, le croiseur de se-
conde classe Alphonse XIII, l'aviso-tor-
pilleur Destructor et cinq canonnières. On
appellera 6,000 marins pour les équipages
de ces bâtiments et pour armer quinze va-
peurs de la Compagnie transatlantique
chargés du transport des troupes et du
matériel de guerre.
Le ministère de la guerre, lui aussi, ac-
tive les achats de fusils Mauser et de mu-
nitions en Allemagne.
D'après les statistiques publiées par les
journaux, on a expédié à Cuba, depuis le
commencement de l'insurrection, 118,000
hommes. La garnison de l'île était déjà de
13,000.
A la fin de février, l'insurrection a déjà
coûté à l'Espagne plus de 250 millions de
francs ; la seconde année elle lui coûtera
375 millions.
Chaque soldat espagnol à Cuba revient,
en ce moment, à 2,500 francs annuelle-
ment. 1
Pendant la première année de l'insur-
rection, du 25 février 1895 au 25 février
1896, on n'a enregistré que 406 morts pro-
venant du fait des combats, mais 3,472 cau-
sées par la fièvre jaune et d'autres mala-
dies.
Washington, 2 mars. — Les cercles offi-
ciels tendent à croire que le gouvernement
espagnol n'est pas responsable de la ma-
nifestation qui a eu lieu hier à Barcelone.
Il n'y a eu là, disent-ils, qu'une manifesta-
tion de la populace.
Le sénateur Sherman croit que cette af-
faire ne soulèvera pas de difficultés entre
les deux gouvernements.
M. Hitt, président du comité des affaires
étrangères de la Chambre, espère que l'Es-
pagne exprimera ses regrets et offrira une
réparation.
Madrid, 2 mars. — Au cours de la visite
qu'il a faite, dans la soirée, au consul des
Etats-Unis, le gouverneur de la Catalogne
a exprimé à ce personnage toutes ses ex-
cuses et ses regrets pour la manifestation
qui a eu lieu pendant l'après-midi.
Madrid, 2 mars. - L'linparcial relève les
paroles prononcées par les sénateurs amé-
ricains au sujet de la possibilité d'une
guerre avec l'Espagne :
C'est là, dit le journal, une provocation in-
qualifiable et sans raison. Si ce désir de la
guerre, répondait à une offense faite par l'Es-
pagne, les sénateurs américains accompliraient
un devoir ; mais aucune provocation n'ayant
été adressée aux Etats-Unis, seule la croyance
que nous sommes faibles peut engendrer ce dé-
sir. Or, ceux qui demandent la lutte parce
qu'ils comptent, non xur leur valeur, mais sur
la faiblesse de l'ennemi, sont des lâches.
L'Impartial ajoute :
Les Américains portent sur nous des juge-
ments téméraires quant aux résultats d'une
guerre hispano-américaine.
Le journal dit ensuite que le langage de
mauvais goût des représentants américains
ne doit surprendre personne. Les sénateurs
des Etats-Unis sont en effet habitués à se
lancer de grossières insultes, sans jamais
croiser le fer ni échanger de balles.
Voilà, dit l'Impartial, les lâches qui deman-
dent la guerre. On attend plus froidement la
mort avec la conscience et le cœur tranquilles
qu'avec la poche remplie de dollars.
En terminant, le journal conseille de
nouveau aux Espagnols de garder leur
sérénité et de réserver toute leur énergie
pour le moment opportun.
La Havane, 2 mars. — Les journaux sont
unanimes à condamner l'attitude du Sé-
nat américain qu'ils considèrent comme
une souillure de la politique internationale
des Etats-Unis.
Les journaux libéraux et même autono-
mistes déclarent que des bandits ne peu-
vent pas être reconnus comme belligérants.
L'opinion est indignée, mais le général
Weylerrecommande la prudence.
Les renforts espagnols sont, à leur rri-
vée, l'objet d'ovations enthousiastes.
Suivant le Heealdo, le président de la
République de l'Equateur a adressé à la
régente une lettre pour lui demander l'in-
dépendance de Cuba. Le même journal
croit que la motion reconnaissant les in-
surgés comme belligérants sera adoptée à
la Chambre des représentants à Washing-
ton, par 300 voix contre 80.
Londres, 2 mars. — Le Daily Telegraph,
parlant de l'affaire de Cuba, dit que le
renvoi du maréchal Martinez Campos à
Cuba avec des pouvoirs plus étendus pour
faire des concessions au parti modéré
cubain et le rappel immédiat du général
Weyler pourraient peut-être aplanir les
difficultés et rendre possible un règlement
satisfaisant d'une question délicate ; autre-
ment l'Espagne devra se résigner à son
sort, car ce serait pure folie de sa part
d'engager une guerre ruineuse avec les
Etats-Unis.
Londres. 2 mars. — Le Daily Chronicie
se livre à une étude comparative des
forces espagnoles et américaines. Si on en
croit le journal anglais, les Etats-Unis ne
feraient qu'une bouchée de l'Espagne soit
sur terre, soit sur mer. Voici un aperçu de
la façon dont le Daily Chronicle envisage
l'avenir.
Si l'on en vient à une guerre navale, les
Etats-Unis balayeront simplement l'Es-
pagne des mers.
Les Etats-Unis peuvent employer plu-
sieurs navires pour couler chaque trans-
port espagnol.
New-York, 2 mars. — A quelques excep-
tions près, tous les journaux sont favo-
rables à la résolution du Sénat, relative à
Cuba.
Le gouvernement américain a décidé,
faute de preuves, que le Bermuda, trans-
portant une expédition de flibustiers à
Cuba, capturé récemment, serait rendu à
ses propriétaires ainsi que les armes et les
munitions saisies à bord. On pense même
que les poursuites contre les hommes de
1 équipage seront abandonnées.
Madrid, 2 mars. — Le Heraldo invite ce
matin tous les Espagnols qui occupent des
postes de consuls, de vice-consuls' ou d'a-
gents commerciaux des Etats-Unis à don-
ner leur démission en manière de protes-
tation contre Je vote du Sénat américain.
Washington, 2 mars. - M. Taylor. mi-
nistre des Etats-Unis, à Madrid, @ annonce
que l'Espagne a offert une réparation
complète pour la manifestation de Barce-
lone.
Madrid, 2 mars. — On assure que quel-
ques armateurs italiens ont offert de vendre
ou de louer des steamers à l'Espagne pour
les armer en corsaires en cas de guerre
avec les Etats-Unis.
Madrid, 2 mars. - Un rassemblement
d'étudiants s'est produit devant l'Univer-
sité, dans le but de faire une nouvelle ma-
nifestation contre les Etats-Unis ; mais le
préfet avec la gendarmerie a résolu de
l'empêcher.
Les rues aboutissant à la place où se
trouve la Légation américaine ont été oc-
cupées par la gendarmerie à pied et à che-
val.
MENACES DE GUERRE
Washington, 2 mars. — La Chambre des
représentants adopte par 175 voix contre 19
la proposition de discuter immédiatement
la résolution relative à Cuba.
Le Sénat adopte le projet de renforcer
de mille hommes les équipages de la flotte,
et en cas de nécessité, d enrôler la milice
navale et d'affréter des vaisseaux trans-
ports.
Le sénateur Gorman introduit une réso-
lution demandant au ministre de la ma-
rine de nommer une commission pour
examiner l'île de Navassa près de Cuba
pour y établir un dépôt de charbon.
SCANDALE A LA SALLE PÉTRELLE
Hier soir, vers huit heures, une véritable
bagarre a eu lieu salle Pétrelle.
L'abbé Dumont développait ce thème : « La
vie sans Dieu », lorsqu'un assistant demanda
la parole contradictoirement.
Sébastien Faure se trouvait à ce moment
dans la salle avec quelques-uns de ses amis.
On le siffla, on le hua. une bataille s'ensui.
vit, au cours de laquelle des coups furent
échangés.
Il ne fallut pas moins que l'intervention d'une
escouade de gardiens de la paix pour séparer
les combattants.
M. Sébastien Faure doit revenir à la pro-
chaine conférence, lundi prochain.
Ce scandale ne se serait pas produit si les
ministres de la religion se montraient moins
violents et moins agressifs envers ceux qui ne
partagent pas leur manière de voir.
L'EXPOSITION DE 1900
La Société centrale des architectes français
vient d'adresser, à la suite de son assemblée
générale une protestation au ministre du com-
merce contre un passage du rapport déposé
par M. Bouge, député, au nom de la commis-
sion de l'Exposition.
M. Bouge ayant dit qu'une protestation au-
rait été faite par l'Association des architectes
parisiens en faveur du maintien du Palais de
l'Industrie, la Société centrale attire l'attention
du ministre sur le fait qu'aucune des quatre
sociétés d'architectes qui ont leur siège à Paris
ne porte le titre d'Association des architectes
parisiens.
D'autre part, aucune de ces quatre sociétés
n'a, à sa connaissance, manifesté publiquement
d'opinion à propos du projet de la commission
supérieure.
La Société des architectes déclare, au con-
traire, approuver pleinement le rapport de
M. Guadet sur le concours de 1895.
MANIFESTATIONS* SÉNATORIALES
OÉ Le Sénat estvaincu mais non dompté.
Il va falloir continuer à le surveiller
de très près, car son impuissance actuelle,
récemment démontrée par sa reculade de-
vant la Chambre, n'en est pas moins dou-
blée de fort mauvaises intentions qui, un
jour ou l'autre, le pousseront de nouveau à
essayer de troubler le fonctionnement ré-
gulier de la République démocratique.
Ces mauvaises intentions se sont affir-
mées hier dans les couloirs du Luxembourg,
à l'occasion du renouvellement des bureaux
de la Gauche républicaine et de l'Union
républicaine.
Les discours que les présidents de ces
groupes, M. Bernard-Lavergne d'une part,
et M. Demôle d'autre part, ont prononcés
en prenant possession du fauteuil sont de
nouvelles et provocantes protestations
contre la politique de réformes démocrati-
ques poursuivie par le cabinet radical.
Pour M. Bernard Lavergne, le projet de
réforme de l'impôt serait une étape vers le
collectivisme : à ce titre, le Sénat a le
devoir de combattre énergiquement et le
projet et le gouvernement qui le présente.
M. Bernard Lavergne, qui s'est longue-
ment étendu sur ce point, a oublié de dire
en quoi l'impôt sur le revenu lui semble
avoir un caractère collectiviste. Il eût,
d'ailleurs, été bien embarrassé de le dire.
Le collectivisme étant l'absorption par
l'Etat, et à son profit, de toutes les pro-
priétés individuelles, il est absurde de
prétendre qu'un mode d'impôt qui consa-
cre tout particulièrement ces propriétés
dans leur forme individuelle, puisque le fisc
en fait la base de ses évaluations, a quoi
que ce soit de commua avec le collecti-
visme, -
M. Bernard Lavergne qui, pour la satis-
faction de ses rancunes contre Je suffrage
universel, trouve plus commode d'affirmer
que de démontrer, conclut en déclarant
suparbement que la Chambre du suffrage
restreint saura faire son devoir, lequel
consiste, suivant lui, à opposer un obsta-
cle irréductible à l'action réformatrice dur
ministère radical et de la Chambre popu-
laire.
M. Demôle n'a pas été moins agressil
que son collègue.
Pour lui, c'est au nom des principes de
89 qu'il faut combattre la réforme fiscale.
Avec autant d'aplomb que M. Bernard
Lavergne, il affirme que l'impôt sur le
revenu, qui a pour but et qui aura pour
résultat d'égaliser les charges sociales en
les déterminant pour chaque contribuable
d'après le chiffre de ses facultés, serait
contraire au principe d'égalité posé par la
Révolution de 89 et constituerait un atten-
tat à la dignité humaine !
M. Demôle, qui s'est institué le gardien
de l'égalité et le défenseur de la dignité
humaine, ne permettra pas qu'on y touche
et il invite le Sénat à se joindre à lui pour
tenir en échec les projets de réforme de la
Chambre du suffrage universel.
Une chose peut étonner, c'est que M.
Demôle, qui se dit si féru des principes de
89, qu'il invoque d'ailleurs avec l'a. propos
que nous venons de signaler, ne paraisse
pas se preoccuper de ce que ces principes
edictent en matière constitutionnelle.
Que M. Demôle se reporte aux délibéra-
tions de l'assemblée de 89, la même qui
formula les immortels principes, il y verra
M. Demole prouverait beaucoup mieux
la sincérité de son attachement aux prin-
cipes de la Révolution, si, déblatérant
moins contre la Chambre populaire, il pro-
posait la suppression du Sénat.
Quoi qu'il en soit, M. Demôle et M. Ber-
nard-Lavergne viennent de démontrer à
nouveau que cette suppression est néces-
saire et que ce n'est qu'à ce prix que la
République pourra poursuivre son déve-
loppement pacifique et régulier dans le
sens démocratique.
Raphaël Paré.
LE VOYAGE PRESIDENTIEL
DE LYON A TOULON
Le départ de Lyon.—L'arrivée à Mar*
seille, à Toulon. — Les réceptions.
— Dans les hôpitaux et à bord
du « Formidable M.— Le dé-
part pour Cannes.
(De notre envoyé spécial.)
Lyon, 2 mars. - En se rendant à la gare,
le chef de l'Etat est passé devant la nou-
velle Ecole de santé militaire qui était ma,
gnifiquement pavoisée et illuminée.
Les élèves, en grande tenue, étaient
massés sur le perron de l'école.
Ils ont salué le président au passage.
Marsett!e,2mars.— Le train présidentiel
est arrivé à six heures douze.
A 500 mètres environ de la gare de Mar.
seille, il s'est arrêté.
L'amiral Brown de Colstoun, préfet ma-
ritime de Toulon; le général Zurlinden,
commandant en chef du 148 corps, et M.
Bret. préfet du Var, sont montés dans le
wagon voisin de celui du président. M.
Deffès, préfet des Bouches-du-Rhône.
se trouvait sur le quai. Le président, qui
reposait, ne s'est pas montre.
A six heures dix-huit, le train a repria
sa course sur Toulon.
A Toulon
Toulon, 2 mars. — Le train présidentiel
est arrivé avec quelques minâtes de re-
tard.
Le président de la République a été reçu
à sa descente du train, par MM. Lockroy,
ministre de la marine ; Ferrero, maire de
Toulon; les amiraux Gervais et Cuvelier
de Cuverville, le contre-amiral Michel, chef
d'état-major du préfet maritime; les géné-
raux Turot et Dodds ; les membres du con-
seil municipal ; MM. Abel et Joseph Jour-
dan, députes; M. Bayol, récemment élu
sénateur, etc.
Au moment où le président entre dans
le salon d'honneur, deux corbeilles de fleurs
lui sont remises par une ancienne canti-
nière de la garde mobile du Var et par la
société de prévoyance du P. L. M.
Dans le salon d'honneur, M. Ferrero,
maire de Toulon: prononce l'allocution
suivante :
Monsieur le président de la flépublique,
soyez le bienvenu au milieu de cette laborieuse
et honnête population dont vous allez enten-
dre éclater les sincères et unanimes acclama-
tions.
Au nom de la ville de Toulon, au nom de
son Conseil municipal, j'ai l'honneur de voua
présenter l'assurance de tout notre attachement
à la République. Permettez-moi, monsieur lq
président, au nom de tous nos concitoyens, dQ
vous remercier d'avoir bien voulu venir vous
enquérir par vous-même des intérêts du pre-
mier port de guerre de France.
Nous vous sommes reconnaissants, sachant
combien sont pénibles les constantes préoccu"
pations du chef de l'Etat, d'avoir distrait en
notre faveur quelques heures d'un temps Prêt
cieux. Nous avons le ferme espoir que votra
venue parmi nous sera le point de départ d'uliq
ère nouvelle pour cette ville à laquelle déjà"
vous avez donné tant de preuves de votre haute
sollicitude.
Ce bienveillant intérêt que vous nous portez,
monsieur le président, vous a valu la respec-
tueuse affection de tous les citoyens de Tou-
Ion qui, pendant votre trop court passage par-
mi eux, ne cesseront de vous donner des preu-
ves de leur attachement à votre personne qui
représente avec tant de dignité notre chère
patrie.
En vous exprimant toute notre gratitude, je
suis heureux de pouvoir aussi souhaiter la
bienvenue à MM. les ministres qui vous ont
accompagné. Ils recevront aussi l'accueil qui
est dû à leur constant souci du bien de la chose
publique, car Toulon sait que le gouvernement
tout entier, étroitement groupé autour du chef
de l'Etat, veut le bien, la prospérité et la gran-
deur de la France.
M. Félix Faure répond quelques mots de
remerciements.
Le cortège se dirige ensuite vers la cour
de la gare où sont rangés les officiers et
sous-officiers qui doivent recevoir des dé-
corations.
Voici la liste des décorations remises
par le président :
Légion d'honneur. — Chevaliers : M. Caillot
lieutenant de vaisseau; Durain, capitaine d'in%
Pôur tout ce qui concerne l'Administration, s'adresser au
-1.1. Directeur-Administrateur : E. MAYER
ABONNEMENTS *.
PARIS, SEINE ET SEINE-ET-OISB
UN MOIS. 2FR.
TROIS- MOÏS. SpR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN 18 FR.
20' ANNÉE — NUMÉRO 61391 15 VENTÔSE — AN 194
MERCREDI 4 MARS — 1896 - MERCREDI 4 MARS
't'if'
Le Numéro : 6 Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS 11 FR.
UN AN 20 FR.
i Rédacteur en Chef : A. MADJAN ,
Les articles non insérés me sont pu rendus
Rédaction et Administratif 18, rue Riches
LE VEAU D'OR
Si M. Félix Faure, dans son voyage
triomphal du Midi, a des moments assez
agréables, il faut avouer qu'il a aussi de
fichus quarts d'heure.
Je le plains, notamment, d'avoir été
obligé d'écouter jusqu'au bout, le sou-
rire poli et ennuyé aux lèvres, le dis-
cours élucubré par M. Aynard, grand
économiste devant l'Eternel et président
de la chambre de commerce de Lyon.
Tout n'est pas rose dans la vie d'un
président, allez, et le discours satisfait
de cet éminent centrier a dû jeter un
peu de noir dans l'esprit de M. Félix
Faure.
M. Aynard a chanté un hymne hyper-
bolique en l'honneur du capital, qui ne
fut jamais à pareille noce.
Il l'a encensé, magnifié et couronné
de tendres adjectifs et d'adverbes supé-
rieurs.
Il l'a présenté comme la grande force
matérielle et morale de ce bas monde ;
jl l'a désigné, dans des phrases d'un
superbe prud'hommesque, comme la
préoccupation, le but et l'idéal de toute
politique.
Le commerce et l'industrie pour
M. Aynard, il n'y a que cela ! Le reste
compte peu ou prou chez une nation que
l'Art, sous ses différentes formes et sous
ses diverses inspirations, a grandie
cependant dans une éclatante supério-
rité sur les autres peuples.
Pour ce copieux économiste, c'est le
haut commerce qui a la direction du
pays.
En dehors de ce monde des affaires,
du' monde où l'on gagne de l'argent,
tout n'e?t qu'agitation ou frivolité.
La grandeur d'un peuple se mesure à
l'aune comme de la flanelle, et c'est du
haut d'un comptoir que les hommes d'é-
taf, qui ont l'œil, contemplent la foule et
les réformes!
Ce qui plaît surtout dans la harangue
de M. Aynard, c'est la tranquillité avec
laquelle il expose les revendications de
ce pauvre Capital qui dépérit de jour en
jour, alors que l'ouvrier, le bienheureux
ouvrier, voit sa part grossir de plus en
plus (sic).
Cette affirmation a stupéfié, paraît-il,
le président de la République, qui ne se
doutait certes pas, en venant à Lyon,
que la question sociale était si près
d'être résolue par le seul M. Aynard.
Si les choses marchaient de ce train,
le capital se trouverait, en effet, un beau
matin sur le pavé, et serait dans la
triste nécessité de tendre la main au
salaire.
Une belle revanche, savez-vous, mon-
sieur Aynard !
Malheureusement, les jours prédits
par le député du Centre sont loin d'être
arrivés, et les capitalistes, les banquiers
et - autres rentiers ne sont pas encore
réduits à la mendicité.
En attendant, les pouvoirs publics
auront le devoir de s'intéresser à cette
question du salaire qui est le fond de la
question sociale.
Et il est un moyen — que M. Aynard et
ses amis combattent ardemment — de
soulager le travailleur et d'augmenter
ses médiocres émoluments, c'est de di-
minuer, dans une large proportion, les
lourdes charges fiscales qui l'écrasent
en lui enlevant presque le quart de son
salaire.
Le cabinet Bourgeois a tenté, par
l'établissement d'un impôt sur le revenu,
qui dégrèverait les petits contribuables,
de résoudre une partie du problème.
Et pendant que les Radicaux essaient
ainsi d'une meilleure répartition de
l'impôt, les économistes du Centre,
figés dans leur formule égoïste et étroite,
déplorent la détresse du Capital et cher-
chent à sauver la mise de la grosse
finance par l'écrasement du petit tra-
vailleur.
Eh bien, nous espérons que le pro-
blème sera.discuté, à bref délai, avec
toute l'ampleur qu'il mérite.
Il s'agit de l'orientation même de la
politique économique.
Il s'agit de savoir si la Démocratie
pourra être tenue en échec par quelques
privilégiés.
- Le ministre des finances a nettement
circonscrit le débat devant la commis-
sion du budget.
Chacun peut dès lors prendre ses
positions de combat pour le jour de la
discussion publique.
M. Aynard vient de marquer la sienne.
Avec lui, au moins, ou sait de quoi il
retourne.
M. Félix Faure, ne pouvant répondre
politiquement au discours du président
de la Chambre de commerce de Lyon,
s'est contenté de riposter par quelques
phrases assez sèches.
On a compris.
Inutile de dire que les journaux réac-
tionnaires portent aux nues la petite
manifestation oratoire de M. Aynard,
qui triomphe, en leurs articles, dans
toute la largeur de ses pompeuses pé-
riodes.
Pour être complet, nous prévenons
nos parfaits économistes que les ou-
vriers appréteurs de soie, qui n'ont pu,
n'étant pas de la fête, savourer la ri-
chesse de style de leur malheureux
patron, travaillent tous les jours de six
heures du matin à minuit.
Tous les avantages, quoi !
C'est égal, il eût été dommage de ne
pas se mettre sous l'oeil le discours de
M. Aynard.
Jamais l'argent n'avait étalé aussi
insolemment ses prétentieuses réclama-
tions. ,.'
Jamais le veau d'or n'avait beuglé de
façon aussi formidable.
Jamais la Richesse n'avait tendu aussi
audacieusement la main.
Mes bons amis, les ouvriers, un petit
sou, s'il vous plaît, pour le Capital qui
meurt de faim !
A. MAUJAN.
L'IMPOT SUR LE REVENU
La commission du budget a commencé
hier l'examen des articles du projet du
gouvernement sur le revenu.
M. Merlou a demandé que la commission
provoquât l'avis de tous les syndicats
agricoles et ouvriers sur l'impôt sur le re-
venu.
Cette proposition démocratique a été
repoussée.
La commission a ensuite adopté la réso-
lution suivante :
La commission du budget, maintenant et
complétant sa déclaration précédente, décide
qu'elle recevra jusqu'au 8 mars toutes les com-
munications relatives à l'impôt sur le revenu
qu'on voudra bien lui adresser.
Passant ensuite à l'examen des sept pre-
miers articles du projet d'impôt sur le re-
venu, plusieurs membres de la commission
ont tenté de démontrer que les mesures
proposées par le ministre des finances
sont inapplicables; mais aucune décision
n'a été prise.
M. Boucher (des Vosges) a soutenu que,
en considérant comme revenu imposable
l'amortissement industriel, le ministre a
confondu l'amortissement financier, qui
est une prime pour la constitution d'un
capital ou la diminution d'une dette, c'est-
à-dire pour un enrichissement, avec l'a-
mortissement industriel, qui est une prime
contre l'amoindrissement, la disparition
de l'instrument de production et, par con-
séquent, du revenu. ,
Cet impôt, suivant l'avis de M. Boucher,
serait antiéconomique.
Il constituerait une véritable amende
édictée contre l'industrie progressive et
contre la sincérité des bilans.
M. Marty a critiqué la disposition rela-
tive aux étrangers qui seront soumis à
l'impôt général sur le revenu au bout de
six mois de séjour dans notre pays, non
pas seulement d'après ce qu'ils possèdent
en France, mais encore d'après ce qu'ils
possèdent dans leur pays, ce qui fait qu'ils
payeront deux fois pour les mêmes biens :
une fois chez eux et une fois chez nous.
La commission continuera aujourd'hui
l'examen de cette question.
LES ITALIENS EN AFRIQUE
Rome, 2 mars. — On mande de Lodi :
Le départ des soldats pour l'Afrique a
donné lieu à des manifestations hostiles
au gouvernement.
A Milan et à Rovigo, des meetings so-
cialistes ont été interdits par les autori-
tés.
La société démocratique de Folignon a
voté un ordre du jour contre la désas-
treuse aventure africaine. Les socialistes
et les démocrates de Biella ont pris l'ini-
tiative d'une agitation contre l'entreprise
africaine.
M. Zanardelli, empêché par la maladie
de participer aux travaux parlementaires,
adresse à un ami une lettre dans laquelle
il déclare que le devoir impérieux de tous
les indépendants est de lutter contre le
gouvernement qu'il juge sévèrement.
Le sénateur Casareto adresse aux jour-
naux de Gênes une lettre violente contre
l'entreprise africaine. Autrefois, écrit-il,
on disait : « perdre les colonies et sauver la
patrie. » On dit aujourd'hui : « perdre la
patrie, mais conquérir des colonies. » Dieu
veuille que l'opinion et le Parlement sau-
vent l'Italie.
Le président du conseil adresse une let-
tre aux députés de la majorité pour les
inviter à se trouver à l'ouverture de la
Chambre.
Comme celui du Don Marzio le corres-
pondant du Corriere affirme que les routes
sont semées de cadavres de mulets et de
chameaux. De nombreuses caisses de vi-
vres et de munitions ont été abandonnées
par suite de la mort des quadrupèdes qui
les transportaient.
Rome, 2 mars. — De Venise, Brescia,
Palerme, on signale d'importants meetings
antiafricains. v
Un banquet, organisé par le comité ré-
publicain, a eu lieu hier à Milan malgré la
défense du préfet. Cinq cents personnes
environ Y assistaient. Trois cents autres
n'ont pu y prendre part par suite du man-
que de places.
Parmi les convives se trouvaient les dé-
putés Engel, Taroni, Zavattari, Vendimini,
Laurenzana Zabeo, Pellegrini. De nom-
breuses adhésions sont parvenues de plu-
sieurs villes de la Lombardie et de la Ro-
magne.
Au dessert, des discours et des toasts
contre la politique africaine et la Consti-
tution ont été prononcés.
Le banquet s'est terminé par une ma-
nifestation organisée sur la place du
Dôme.
La police et la troupe sont intervenues ;
quatorze arrestations ont été opérées.
Rome, 2 mars. — Une réunion anti afri-
caine a eu lieu aujourd'hui à Rome malgré
la défense des autorités.
Elle a été très agitée.
M. Barzilaï, député, et plusieurs orateurs
ont prononcé des discours d'une extrême
violence qui ont été accueillis par les cris
de : « Vive Ménélik ! A bas Crispi ! Vive le
socialisme et la Révolution sociale ! »
La réunion a voté un ordre du jour blâ-
mant la campagne d'Abyssinie et enga-
geant le peuple à se prononcer contre l'ex-
pédition.
Rome, 2 mars. — Le mouvement anti-
africain dirigé par les députés de l'opposi-
tion continue.
A Pavia, le député Rampoldi a prononcé
un violent discours.
MM. Cavallotti, Mussi et Zavattari en-
voient leur adhésion,
A Parme, à Crémone, à Ferrare, à An-
cône, à Turin, les réunions ont été inter-
dites.
Un meeting, dont les promoteurs étaient
les sénateurs Casareto et Gagliardo, a
également été interdit à Gênes.
Rome, 2 mars. — Il circule des bruits
contradictoires sur le motif du retour de
M. Crispi.
Le président du conseil, arrivé hier
matin, s'est trouvé indisposé et est reparti
pour Naples dans la nuit. Personne ne
croit qu'il s'agisse d'affaires de famille,
comme l'affirment les amis de M. Crispi.
La version laplus accréditée, c'est qu'il a dû
conférer avec le roi, au sujet d'importantes
nouvelles d'Afrique, arrivées dans la jour-
née d'hier. Le bruit qu'il s'agirait d'une
nouvelle prorogation du Parlement, cir-
cule avec persistance, mais il trouve peu
de crédit.
Rome, 2 mars.— Aujourd'hui Crispi ar-
rivait à la gare, juste au moment où la
foule attendait le général Heush pour lui
faire une ovation. Un policier, trop zélé,
poussa le cri de : « vive Crispi ! a. mais
aussitôt, de la foule partit une formidable
bordée de sifflets. Quand le général Heush
parut, il fut acclamé frénétiquement.
Rome, 2 mars. — Les dépêches d'Afrique
semblent confirmer la nouvelle de l'inves-
tissement de Kassala par les Madhistes,
qui paraît un fait accompli. On dit que les
Madhistes sont très bien armés.
Rome, 2 mars. — A Trévico, dans la pro-
vince d'Avellino, la foule exaspérée par la
façon dont les impôts étaient répartis a
envahi l'Hôtel de Ville. Les carabiniers
ont repoussé les assaillants. Un homme a
été tué.
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à 8 h. matin - - 400 au-dessus de o.
La plus élevée du jour
à 2 h. 3o soir 10no au-dessus de o.
Temps probable pour aujourd'hui: Nuageux,
température modérée.
VWiiUH
Le musée impérial historique de Moscou
vient de recevoir en cadeau le drapeau de soie
tricolore qui surmontait l'édifice du Cercle
militaire de Paris pendant la visite des ma-
rins russes en 1893 et qui lui a été envoyé en
témoignage de l'amitié unissant la France à la
Russie.
Ce drapeau à été aussitôt joint à la collec-
tion d'objets rappelant les solennités des vi-
sites navales de Cronstadt et de Toulon, pré-
cieusement conservés par le musée mosco-
vite.
Une revue anglaise, The Lancet, annonce
que, dans un hôpital de Londres, une femme
vient de mettre au monde un garçon, mesu-
rant 55 centimètres et pesant 7 kilogrammes.
L'accouchement se fit très rapidement et les
suites furent absolument normales.
La femme est une grande multipare ; elle a
eu 14 enfants.
A propos du séjour que vient de faire à Lyon
M. Félix Faure, sait-on ce qu'est devenu le
landan dans lequel se trouvait M. Carnot quand
il fut atteint par le poignard de Caserio ? De-
puis l'assassinat, il se trouve remisé à l'hôtel
de ville, en attendant un autre logement.
M. Gailleton, maire de Lyon, a refusé de des-
saisir la ville de ce souvenir historique au pro-
fit d'un Anglais qui en offrait un million.
Quant au poignard de Caserio, il se trouve
entre les mains de M. Cunisset-Carnot, procu-
reur général à Dijon, et gendre du défunt pré-
sident.
C'est un reporter lyonnais qui possède la
casquette dont Caserio était coiffé au moment
du crime.
La partie du ruban rouge du grand-cordon
de la Légion d'honneur transpercée par la lame
est gardée par M. le docteur Masson, député
de Lyon, qui donna les premiers soins à M.
Carnot.
Quant au linge et aux vêtements portés par
la victime, c'est Mme Carnot, sa veuve, qui
conserve cette douloureuse relique.
Ménélik, qui donne aux Italiens tant de fil
à retordre, n'est pas seulement roi des rois et
empereur d'Ethiopie,
A ces titres imposants, le descendant de
Salomon et de la reine de Saba en joint un
autre qui complète son originalité. Le puissant
négus est. devinez quoi? Ménélik est félibre
de Paris.
Il y a une dizaine d'années, l'explorateur
Paul Soleillet revint d'Abyssinie à Paris, en
compagnie d'un neveu de Ménélik, auprès du-
quel il jouait le rôle de Mentor. Un soir, il em-
mena à une réunion du Félibrige son auguste
pupille.
Les bons félibres, si hospitaliers aux visi-
teurs de toute provenance, firent au parent du
négus une réception enthousiaste. Et ils déci-
dèrent par acclamation d'inscrire ce jeune hom-
me et Ménélik lui-même sur les listes du Féli-
brige. L'Ethiopie est au midi de la Loire,
n'est-ce pas?
Le négus se montra, affirme-t-on, très tou-
ché de cet honneur dont il. n'a peut-être pas
bien saisi toute la portée.
Ajoutons que sur les registres du Félibrige
figure la reine de Roumanie, Carmen Sylva.
MOT DE LA FIN
Relevé dans les annonces cette amusante
coquille :
A VENDRE
Un beau corps de femme
Avec 47 h. 53 a. 57 c. de terres labou-
rables.
Femme pour ferme, c'est assez joli,
n'est-ce pas ?
Passe-Partout.
LES INFRACTIONS AU CONCORDAT
Le Conseil des ministres s'est occupé, dans
une de ses dernières séances, des infractions
au Concordat, résultant de la promulgation,
avant tout enregistrement, dans certains dio-
cès, de lettres apostoliques qui ordonnent un
jcuèbsi, lé national, ainsi que de la réunion géné-
rale des évêques de France provoquée à Reims
par le cardinal Langénieux à l'occasion du cen-
tenaire du baptême de Clovis.
Le Conseil doit prendre une décision à ce su-
jet, aussitôt la reprise de ses délibérations.
*
CiuBA
Madrid, 2 mars. — Au ministère de la
marine règne la plus grande activité. Des
ordres ont été envoyés aux arsenaux du
Ferrol, de Carthagène et de Cadix pour
armer avant le 15 mars le cuirassé Pelayo,
les croiseurs de première classe Oquendo,
Maria-Teresa et Viscaya, le croiseur de se-
conde classe Alphonse XIII, l'aviso-tor-
pilleur Destructor et cinq canonnières. On
appellera 6,000 marins pour les équipages
de ces bâtiments et pour armer quinze va-
peurs de la Compagnie transatlantique
chargés du transport des troupes et du
matériel de guerre.
Le ministère de la guerre, lui aussi, ac-
tive les achats de fusils Mauser et de mu-
nitions en Allemagne.
D'après les statistiques publiées par les
journaux, on a expédié à Cuba, depuis le
commencement de l'insurrection, 118,000
hommes. La garnison de l'île était déjà de
13,000.
A la fin de février, l'insurrection a déjà
coûté à l'Espagne plus de 250 millions de
francs ; la seconde année elle lui coûtera
375 millions.
Chaque soldat espagnol à Cuba revient,
en ce moment, à 2,500 francs annuelle-
ment. 1
Pendant la première année de l'insur-
rection, du 25 février 1895 au 25 février
1896, on n'a enregistré que 406 morts pro-
venant du fait des combats, mais 3,472 cau-
sées par la fièvre jaune et d'autres mala-
dies.
Washington, 2 mars. — Les cercles offi-
ciels tendent à croire que le gouvernement
espagnol n'est pas responsable de la ma-
nifestation qui a eu lieu hier à Barcelone.
Il n'y a eu là, disent-ils, qu'une manifesta-
tion de la populace.
Le sénateur Sherman croit que cette af-
faire ne soulèvera pas de difficultés entre
les deux gouvernements.
M. Hitt, président du comité des affaires
étrangères de la Chambre, espère que l'Es-
pagne exprimera ses regrets et offrira une
réparation.
Madrid, 2 mars. — Au cours de la visite
qu'il a faite, dans la soirée, au consul des
Etats-Unis, le gouverneur de la Catalogne
a exprimé à ce personnage toutes ses ex-
cuses et ses regrets pour la manifestation
qui a eu lieu pendant l'après-midi.
Madrid, 2 mars. - L'linparcial relève les
paroles prononcées par les sénateurs amé-
ricains au sujet de la possibilité d'une
guerre avec l'Espagne :
C'est là, dit le journal, une provocation in-
qualifiable et sans raison. Si ce désir de la
guerre, répondait à une offense faite par l'Es-
pagne, les sénateurs américains accompliraient
un devoir ; mais aucune provocation n'ayant
été adressée aux Etats-Unis, seule la croyance
que nous sommes faibles peut engendrer ce dé-
sir. Or, ceux qui demandent la lutte parce
qu'ils comptent, non xur leur valeur, mais sur
la faiblesse de l'ennemi, sont des lâches.
L'Impartial ajoute :
Les Américains portent sur nous des juge-
ments téméraires quant aux résultats d'une
guerre hispano-américaine.
Le journal dit ensuite que le langage de
mauvais goût des représentants américains
ne doit surprendre personne. Les sénateurs
des Etats-Unis sont en effet habitués à se
lancer de grossières insultes, sans jamais
croiser le fer ni échanger de balles.
Voilà, dit l'Impartial, les lâches qui deman-
dent la guerre. On attend plus froidement la
mort avec la conscience et le cœur tranquilles
qu'avec la poche remplie de dollars.
En terminant, le journal conseille de
nouveau aux Espagnols de garder leur
sérénité et de réserver toute leur énergie
pour le moment opportun.
La Havane, 2 mars. — Les journaux sont
unanimes à condamner l'attitude du Sé-
nat américain qu'ils considèrent comme
une souillure de la politique internationale
des Etats-Unis.
Les journaux libéraux et même autono-
mistes déclarent que des bandits ne peu-
vent pas être reconnus comme belligérants.
L'opinion est indignée, mais le général
Weylerrecommande la prudence.
Les renforts espagnols sont, à leur rri-
vée, l'objet d'ovations enthousiastes.
Suivant le Heealdo, le président de la
République de l'Equateur a adressé à la
régente une lettre pour lui demander l'in-
dépendance de Cuba. Le même journal
croit que la motion reconnaissant les in-
surgés comme belligérants sera adoptée à
la Chambre des représentants à Washing-
ton, par 300 voix contre 80.
Londres, 2 mars. — Le Daily Telegraph,
parlant de l'affaire de Cuba, dit que le
renvoi du maréchal Martinez Campos à
Cuba avec des pouvoirs plus étendus pour
faire des concessions au parti modéré
cubain et le rappel immédiat du général
Weyler pourraient peut-être aplanir les
difficultés et rendre possible un règlement
satisfaisant d'une question délicate ; autre-
ment l'Espagne devra se résigner à son
sort, car ce serait pure folie de sa part
d'engager une guerre ruineuse avec les
Etats-Unis.
Londres. 2 mars. — Le Daily Chronicie
se livre à une étude comparative des
forces espagnoles et américaines. Si on en
croit le journal anglais, les Etats-Unis ne
feraient qu'une bouchée de l'Espagne soit
sur terre, soit sur mer. Voici un aperçu de
la façon dont le Daily Chronicle envisage
l'avenir.
Si l'on en vient à une guerre navale, les
Etats-Unis balayeront simplement l'Es-
pagne des mers.
Les Etats-Unis peuvent employer plu-
sieurs navires pour couler chaque trans-
port espagnol.
New-York, 2 mars. — A quelques excep-
tions près, tous les journaux sont favo-
rables à la résolution du Sénat, relative à
Cuba.
Le gouvernement américain a décidé,
faute de preuves, que le Bermuda, trans-
portant une expédition de flibustiers à
Cuba, capturé récemment, serait rendu à
ses propriétaires ainsi que les armes et les
munitions saisies à bord. On pense même
que les poursuites contre les hommes de
1 équipage seront abandonnées.
Madrid, 2 mars. — Le Heraldo invite ce
matin tous les Espagnols qui occupent des
postes de consuls, de vice-consuls' ou d'a-
gents commerciaux des Etats-Unis à don-
ner leur démission en manière de protes-
tation contre Je vote du Sénat américain.
Washington, 2 mars. - M. Taylor. mi-
nistre des Etats-Unis, à Madrid, @ annonce
que l'Espagne a offert une réparation
complète pour la manifestation de Barce-
lone.
Madrid, 2 mars. — On assure que quel-
ques armateurs italiens ont offert de vendre
ou de louer des steamers à l'Espagne pour
les armer en corsaires en cas de guerre
avec les Etats-Unis.
Madrid, 2 mars. - Un rassemblement
d'étudiants s'est produit devant l'Univer-
sité, dans le but de faire une nouvelle ma-
nifestation contre les Etats-Unis ; mais le
préfet avec la gendarmerie a résolu de
l'empêcher.
Les rues aboutissant à la place où se
trouve la Légation américaine ont été oc-
cupées par la gendarmerie à pied et à che-
val.
MENACES DE GUERRE
Washington, 2 mars. — La Chambre des
représentants adopte par 175 voix contre 19
la proposition de discuter immédiatement
la résolution relative à Cuba.
Le Sénat adopte le projet de renforcer
de mille hommes les équipages de la flotte,
et en cas de nécessité, d enrôler la milice
navale et d'affréter des vaisseaux trans-
ports.
Le sénateur Gorman introduit une réso-
lution demandant au ministre de la ma-
rine de nommer une commission pour
examiner l'île de Navassa près de Cuba
pour y établir un dépôt de charbon.
SCANDALE A LA SALLE PÉTRELLE
Hier soir, vers huit heures, une véritable
bagarre a eu lieu salle Pétrelle.
L'abbé Dumont développait ce thème : « La
vie sans Dieu », lorsqu'un assistant demanda
la parole contradictoirement.
Sébastien Faure se trouvait à ce moment
dans la salle avec quelques-uns de ses amis.
On le siffla, on le hua. une bataille s'ensui.
vit, au cours de laquelle des coups furent
échangés.
Il ne fallut pas moins que l'intervention d'une
escouade de gardiens de la paix pour séparer
les combattants.
M. Sébastien Faure doit revenir à la pro-
chaine conférence, lundi prochain.
Ce scandale ne se serait pas produit si les
ministres de la religion se montraient moins
violents et moins agressifs envers ceux qui ne
partagent pas leur manière de voir.
L'EXPOSITION DE 1900
La Société centrale des architectes français
vient d'adresser, à la suite de son assemblée
générale une protestation au ministre du com-
merce contre un passage du rapport déposé
par M. Bouge, député, au nom de la commis-
sion de l'Exposition.
M. Bouge ayant dit qu'une protestation au-
rait été faite par l'Association des architectes
parisiens en faveur du maintien du Palais de
l'Industrie, la Société centrale attire l'attention
du ministre sur le fait qu'aucune des quatre
sociétés d'architectes qui ont leur siège à Paris
ne porte le titre d'Association des architectes
parisiens.
D'autre part, aucune de ces quatre sociétés
n'a, à sa connaissance, manifesté publiquement
d'opinion à propos du projet de la commission
supérieure.
La Société des architectes déclare, au con-
traire, approuver pleinement le rapport de
M. Guadet sur le concours de 1895.
MANIFESTATIONS* SÉNATORIALES
OÉ Le Sénat estvaincu mais non dompté.
Il va falloir continuer à le surveiller
de très près, car son impuissance actuelle,
récemment démontrée par sa reculade de-
vant la Chambre, n'en est pas moins dou-
blée de fort mauvaises intentions qui, un
jour ou l'autre, le pousseront de nouveau à
essayer de troubler le fonctionnement ré-
gulier de la République démocratique.
Ces mauvaises intentions se sont affir-
mées hier dans les couloirs du Luxembourg,
à l'occasion du renouvellement des bureaux
de la Gauche républicaine et de l'Union
républicaine.
Les discours que les présidents de ces
groupes, M. Bernard-Lavergne d'une part,
et M. Demôle d'autre part, ont prononcés
en prenant possession du fauteuil sont de
nouvelles et provocantes protestations
contre la politique de réformes démocrati-
ques poursuivie par le cabinet radical.
Pour M. Bernard Lavergne, le projet de
réforme de l'impôt serait une étape vers le
collectivisme : à ce titre, le Sénat a le
devoir de combattre énergiquement et le
projet et le gouvernement qui le présente.
M. Bernard Lavergne, qui s'est longue-
ment étendu sur ce point, a oublié de dire
en quoi l'impôt sur le revenu lui semble
avoir un caractère collectiviste. Il eût,
d'ailleurs, été bien embarrassé de le dire.
Le collectivisme étant l'absorption par
l'Etat, et à son profit, de toutes les pro-
priétés individuelles, il est absurde de
prétendre qu'un mode d'impôt qui consa-
cre tout particulièrement ces propriétés
dans leur forme individuelle, puisque le fisc
en fait la base de ses évaluations, a quoi
que ce soit de commua avec le collecti-
visme, -
M. Bernard Lavergne qui, pour la satis-
faction de ses rancunes contre Je suffrage
universel, trouve plus commode d'affirmer
que de démontrer, conclut en déclarant
suparbement que la Chambre du suffrage
restreint saura faire son devoir, lequel
consiste, suivant lui, à opposer un obsta-
cle irréductible à l'action réformatrice dur
ministère radical et de la Chambre popu-
laire.
M. Demôle n'a pas été moins agressil
que son collègue.
Pour lui, c'est au nom des principes de
89 qu'il faut combattre la réforme fiscale.
Avec autant d'aplomb que M. Bernard
Lavergne, il affirme que l'impôt sur le
revenu, qui a pour but et qui aura pour
résultat d'égaliser les charges sociales en
les déterminant pour chaque contribuable
d'après le chiffre de ses facultés, serait
contraire au principe d'égalité posé par la
Révolution de 89 et constituerait un atten-
tat à la dignité humaine !
M. Demôle, qui s'est institué le gardien
de l'égalité et le défenseur de la dignité
humaine, ne permettra pas qu'on y touche
et il invite le Sénat à se joindre à lui pour
tenir en échec les projets de réforme de la
Chambre du suffrage universel.
Une chose peut étonner, c'est que M.
Demôle, qui se dit si féru des principes de
89, qu'il invoque d'ailleurs avec l'a. propos
que nous venons de signaler, ne paraisse
pas se preoccuper de ce que ces principes
edictent en matière constitutionnelle.
Que M. Demôle se reporte aux délibéra-
tions de l'assemblée de 89, la même qui
formula les immortels principes, il y verra
M. Demole prouverait beaucoup mieux
la sincérité de son attachement aux prin-
cipes de la Révolution, si, déblatérant
moins contre la Chambre populaire, il pro-
posait la suppression du Sénat.
Quoi qu'il en soit, M. Demôle et M. Ber-
nard-Lavergne viennent de démontrer à
nouveau que cette suppression est néces-
saire et que ce n'est qu'à ce prix que la
République pourra poursuivre son déve-
loppement pacifique et régulier dans le
sens démocratique.
Raphaël Paré.
LE VOYAGE PRESIDENTIEL
DE LYON A TOULON
Le départ de Lyon.—L'arrivée à Mar*
seille, à Toulon. — Les réceptions.
— Dans les hôpitaux et à bord
du « Formidable M.— Le dé-
part pour Cannes.
(De notre envoyé spécial.)
Lyon, 2 mars. - En se rendant à la gare,
le chef de l'Etat est passé devant la nou-
velle Ecole de santé militaire qui était ma,
gnifiquement pavoisée et illuminée.
Les élèves, en grande tenue, étaient
massés sur le perron de l'école.
Ils ont salué le président au passage.
Marsett!e,2mars.— Le train présidentiel
est arrivé à six heures douze.
A 500 mètres environ de la gare de Mar.
seille, il s'est arrêté.
L'amiral Brown de Colstoun, préfet ma-
ritime de Toulon; le général Zurlinden,
commandant en chef du 148 corps, et M.
Bret. préfet du Var, sont montés dans le
wagon voisin de celui du président. M.
Deffès, préfet des Bouches-du-Rhône.
se trouvait sur le quai. Le président, qui
reposait, ne s'est pas montre.
A six heures dix-huit, le train a repria
sa course sur Toulon.
A Toulon
Toulon, 2 mars. — Le train présidentiel
est arrivé avec quelques minâtes de re-
tard.
Le président de la République a été reçu
à sa descente du train, par MM. Lockroy,
ministre de la marine ; Ferrero, maire de
Toulon; les amiraux Gervais et Cuvelier
de Cuverville, le contre-amiral Michel, chef
d'état-major du préfet maritime; les géné-
raux Turot et Dodds ; les membres du con-
seil municipal ; MM. Abel et Joseph Jour-
dan, députes; M. Bayol, récemment élu
sénateur, etc.
Au moment où le président entre dans
le salon d'honneur, deux corbeilles de fleurs
lui sont remises par une ancienne canti-
nière de la garde mobile du Var et par la
société de prévoyance du P. L. M.
Dans le salon d'honneur, M. Ferrero,
maire de Toulon: prononce l'allocution
suivante :
Monsieur le président de la flépublique,
soyez le bienvenu au milieu de cette laborieuse
et honnête population dont vous allez enten-
dre éclater les sincères et unanimes acclama-
tions.
Au nom de la ville de Toulon, au nom de
son Conseil municipal, j'ai l'honneur de voua
présenter l'assurance de tout notre attachement
à la République. Permettez-moi, monsieur lq
président, au nom de tous nos concitoyens, dQ
vous remercier d'avoir bien voulu venir vous
enquérir par vous-même des intérêts du pre-
mier port de guerre de France.
Nous vous sommes reconnaissants, sachant
combien sont pénibles les constantes préoccu"
pations du chef de l'Etat, d'avoir distrait en
notre faveur quelques heures d'un temps Prêt
cieux. Nous avons le ferme espoir que votra
venue parmi nous sera le point de départ d'uliq
ère nouvelle pour cette ville à laquelle déjà"
vous avez donné tant de preuves de votre haute
sollicitude.
Ce bienveillant intérêt que vous nous portez,
monsieur le président, vous a valu la respec-
tueuse affection de tous les citoyens de Tou-
Ion qui, pendant votre trop court passage par-
mi eux, ne cesseront de vous donner des preu-
ves de leur attachement à votre personne qui
représente avec tant de dignité notre chère
patrie.
En vous exprimant toute notre gratitude, je
suis heureux de pouvoir aussi souhaiter la
bienvenue à MM. les ministres qui vous ont
accompagné. Ils recevront aussi l'accueil qui
est dû à leur constant souci du bien de la chose
publique, car Toulon sait que le gouvernement
tout entier, étroitement groupé autour du chef
de l'Etat, veut le bien, la prospérité et la gran-
deur de la France.
M. Félix Faure répond quelques mots de
remerciements.
Le cortège se dirige ensuite vers la cour
de la gare où sont rangés les officiers et
sous-officiers qui doivent recevoir des dé-
corations.
Voici la liste des décorations remises
par le président :
Légion d'honneur. — Chevaliers : M. Caillot
lieutenant de vaisseau; Durain, capitaine d'in%
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