Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-02-04
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 février 1896 04 février 1896
Description : 1896/02/04 (N6862,A20). 1896/02/04 (N6862,A20).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
Lu» Lanterne
Directeur Politique : Emile CORNUDET
Pour tout ce qui concerne l'Administration, s'adresser au
Directeur-Administrateur ; E. MAYER
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ABONNEMENTS
PARIS, SEINE ET SEINE-ET-OISE
UN MOIS 2FR.
TROIS MOIS 5FR.
SIX MOIS 9FR.
TO AN 18 FR.
20° ANNÉE — NUMÉRO 6862 16. PLUVIOSE — AN 104
flIAROI 4 FÉVRIER - 1896 - HARDI 4 FÉVRIER
Le Numéro : 5 Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN , 20 FR.
1 Rédacteur en Chef : A. MAUJAN *
Les articles non insérés ne sont pas rendus ,
Rédaction et Administration, t8, rue Rietièz
LIBRES PROPOS
LES JUGES DE MOULIMS
Vous souriez. Il y a de quoi. On a
quelque peine à se persuader qu'il existe
des juges dans le chef-lieu de l'Allier.
Et, certes, le scepticisme est surabon-
damment permis s'il faut se rapporter
aux spécimens que vient de mettre en
lumière le procès Colleville-Labussière.
Un moment, en lisant le compte rendu
de la première audience, je me suis de-
mandé si mes sens ne me trompaient
pas, si je n'étais pas le jouet d'un rêve.
Aux premiers mots sensationnels de
la déposition Loubareysse, j'avais at-
tendu, comme tout le monde, une obser-
vation, une réflexion, une protestation
du président. Mais celui-ci n'ayant pas
bougé, n'étant intervenu ni d'un mot, ni
d'un geste, ayant laissé dire purement
et simplement que le ministre de l'inté-
rieur avait donné de l'argent pour fa-
briquer la fausse liste des 104, une pen-
sée que je considérai comme un trait de
lumière se présenta à mon esprit et je
tressaillis en me disant :
« Oui, c'est bien cela ; ce procès est
» une mystification, les calomniateurs
» qu'on a l'air de poursuivre ont trouvé
» le moyen de renverser les rôles. Ils se
» sont substitués aux juges. Ils se sont
» déguisés en conseillers de Cour quel-
» conque, et ils occupent le siège des
* magistrats.
» C'est pourquoi Loubareysse a tant
» d'aplomb. Il sait qu'il peut débiter
» toutes les infamies qui lui passeront
» par la tête, sans risquer d'être seule-
» ment interrompu. Colleville est as-
» sesseur, et c'est Vitrac-Desroziers, en
» personne, qui préside !. »
Parole d'honneur ! L'explication était
énorme, prodigieuse. Assurément, elle
supposait des événements extraordinai-
res, le succès d'un complot fantastique.
Mais je n'en pouvais trouver d'autre, et
à l'heure présente, je n'ai pu réussir à
en découvrir une seule, dans l'ordre du
sens commun, qui soit à peu près satis-
faisante !
Depuis quand la Justice n'accorde-t-
elle plus aux dépositaires de la puis-
sance publique la protection qu'elle leur
doit comme à tous les citoyens ?
Est-ce que le respect du pouvoir et de
ceux qui l'exercent n'est pas à ses yeux
une des bases mêmes de l'ordre social?
Est-ce qu'elle ne connaît pas admira-
blement le délit qui consiste à exciter
les citoyens à la haine et au mépris du
gouvernement? Est-ce qu'elle a jamais
hésité à le punir alors même que le gou-
vernement était absolument méprisable
et odieux? Est-ce que la magistrature
s'est jamais gênée pour imposer silence
aux victimes du despotisme, quand elles
voulaient parler, et crier ,les vérités
vengeresses à la face de la tyrannie ?
Est-ce que tous les gouvernements n'ont
pas toujours pu compter sur elle pour
empêcher la vulgarisation des mystères
dont le secret importait à la sécurité ou
à la considération d'en haut ?
Est-ce parce que les hommes qui sont
au pouvoir n'ont rien à se reprocher,
parce qu'ils aiment la Liberté, parce
qu'ils sont dévoués à l'honnêteté pu-
blique, parce qu'ils veulent la justice,
que la Justice officielle les laisse impu-
nément salir ?
Depuis quand le porteur d'un casier
judiciaire, confortablement orné, peut-
il se risquer à placer deux mots dans le
prétoire sans que son dossier fasse en
quelque sorte explosion tout seul ? De-
puis quand les juges ne sont-ils plus
curieux, et ne se croient-ils plus investis
du soin de satisfaire spontanément la
curiosité publique ? Depuis quand n'ont-
ils plus le goût des biographies d'au-
dience qu'ils excellent à tourner? Depuis
quand ne trouvent-ils plus de bonne
guerre de dire à un témoin trop bavard
en même temps que sujet à caution :
« Pardon, vous voulez de la barre
» faire une tribune, apporter ici des ré-
» vélations sur le rôle de tel ou tel mi-
» nistre, enseigner publiquement les
» soi-disant dessous de la politique.
» Permettez-nous de regarder un peu
» les vôtres, et de vous communiquer
» les renseignements que nous avons
» sur vous-même ! » -
Ce sont là cependant notions et prati-
ques élémentaires du métier de juge.
Pourquoi donc les magistrats de Mou-
lins ont-ils négligé d'user de ces pré-
cautions primordiales ? Est-ce trahison,
est-ce ineptie, insuffisance profession-
nelle ?
Je laisse à M. le ministre de la Justice
le soin de prononcer sur la qualification
exacte qu'il convient d'appliquer à leur
cas. Une telle faute n'est certainement
pas de nature à laisser indifférent l'ho-
norable M. Ricard.
Mais, dès à présent, l'opinion a dégagé
l'enseignement général que comporte
l'incident. En présence de juges aussi
légers, aussi manifestement amateurs
de scandales, elle se demande si la jus-
tice est bien réellement administrée
partout et toujours avec toute la gra-
vité, avec tout le sérieux, avec toutes
les garanties qu'on est en droit d'en at-
tendre.
Voilà un fameux argument en faveur
de toutes les épurations, et qui prouve
combien le parti radical a raison de ré-
clamer la vigilance à l'endroit des hom-
mes qui à un titre ou à un autre repré-
sentent le pouvoir, l'autorité, la puis-
sance publique.
Une réforme profonde s'impose dans
l'organisation, dans les mœurs, dans le
personnel de la justice, comme partout
ailleurs. Nous en étions tous bien con-
vaincus, il y a quelque quinze ans. Et
puis nous avons oublié, nous avons dé-
sarmé bêtement. Les juges de Moulins
nous obligent à nous souvenir. Tant
mieux, après tout! Nous nous ressaisi-
rons plus tôt ; nous reviendrons plus tôt
au vieux programme de l'intelligence,
de l'énergie, de l'inflexibilité républi-
caine.
ALCESTE.
BLAME NÉCESSAIRE
L'incident qui s'est produit, à la
fin de la séance de samedi, à la
Chambre, mérite d'être souligné.
Répondant à une question, le prési-
dent du Conseil, et le ministre de la ma-
rine après lui, ont été amenés à décla-
rer : le'dernier, qu'il n'avait pas inspiré;
le premier, qu'il n'avait pas payé la pu-
blication de la fausse liste des 104 dans
le journal la France.
Etait-ce bien nécessaire ? Et,- en véri-
té, le gouvernement sera-t-il obligé sou-
vent de venir donner des démentis à
tous les Loubareysse qui s'aviseront de
l'accuser des procédés les plus odieux ?
Il est vrai que la complaisance ou
l'inertie du président des assises et du
procureur de Moulins, laissant passer
les calomnies de Loubareysse sans les
relever vertement, obligeait en quel-
que sorte le gouvernement à faire con-
naître au pays, du haut de la tribune,
combien peu de créance méritait un té-
moignage dont l'auteur est pourvu,
paraît-il, d'un casier judiciaire.
Il était bon surtout que le président
du Conseil blamât publiquement l'atti-
tude de la magistrature de Moulins, ce
qu'il a fait sobrement et sans la nom-
mer, aux applaudissements de la Gau-
che et du Centre.
Et maintenant, que M. Lalou se soit
vanté ou non d'avoir reçu de l'argent de
M. Bourgeois, comme le prétend Lou-
bareysse, qu'importe vraiment? Les
démentis formels donnés à l'accusation
par le président du Conseil et par le
ministre de la marine ne nous laissent
aucun doute.
Si ce n'est pas Loubareysse qui a dé-
naturé la vérité, c'est Lalou. Que ces
deux compères se débrouillent entre
eux L'un des deux a menti : que ce soit
l'un ou l'autre, peu nous chault.
La conviction des honnêtes gens est
faite.
Il est visible que, par ces campagnes
infâmes, on cherche à atteindre la Ré-
publique elle-même. Les républicains,
sans distinction de nuances, doivent
apercevoir le piège et se garder d'y tom-
ber.
On l'a compris, ce nous semble, sa-
medi à la Chambre, puisque non seule-
ment la Gauche, mais le Centre, ont
salué le Président du Conseil de vifs
applaudissements au moment où il des-
cendait de la tribune.
Emile Gornudet.
L'INCIDENT MIRMAN-MEYER
* Les procès-verbaux que nous avons pu-
bliés hier, concernant l'affaire Mirman-
Arthur Meyer, laissaient libres toutes les
conjectures. Les uns disaient: le duel s'im-
pose ; d'autres, il n'y aura pas rencontre.
Ce sont ces derniers qui ont eu raison. M.
Mirman, en effet, ayant déclaré, par une
lettre à MM. le colonel Sever et Gaston
Doumergue, députés, qu'il considérait leur
mission comme terminée. En raison des
différents commentaires qui accueillaient
sa décision, nous avons cru devoir deman-
der à l'honorable député de Reims de bien
vouloir nous confirmer verbalement la
clôture de l'incident.
- La décision que je viens de prendre.
nous déclare M. Mirman, n'a pas lieu de
surprendre ceux qui ont souci de leur di-
gnité. Gette décision esteçiseet bieô.erisf
et je la maintiendrai. Je ne puis me battre
avec M. Arthur Meyer !
— Mais vous aviez accepté la constitu-
tion d'un jury d'honneur et, conséquem-
ment, sa décision?
— Oui, mais cette constitution dp jury
d'honneur était la conséquence meme du
langage que j'ai tenu à la Chambre et
alors, à moins d'un malentendu, j'estime
que la décision rendue par les arbitres est
incomplète, car elle ne se prononce pas
sur les faits incriminés par moi.
J'avais spécifié qu'un jury décidât si une
personne, appartenant à la presse, ou au
Parlement, (en un mot ne faisant partie,
d'une façon quelconque, de ce que 1 on ap-
pelle le monde financier,) qui a passé les
traités auxquels fait allusion M.Vallé dans
son rapport, était parfaitement hono-
rable.
Or le jury a été absolument muet sur ce
point et comme je n'ai pas mandat de re-
faire une virginité à quiconque et que ce
n'est pas dans mon caractère, je refuse
formellement de me rencontrer avec M.
Arthur Meyer.
Th. Ghataignon.
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à 6 h. 3o matin.. 002 au-dessous de o.
La plus élevée du jour
à 4 h. 3o soir 108 au-dessus de o.
Temps probable pour aujourd'hui: Nuageux,
brumeux, température fraîche.
HiVVUV
Vertueuse Albion !
Le mariage ne va pas en ce moment à Lon-
dres et le juge sir Francis Jeame, qui a pour
tâche de présider la cour des divorces, se voit
très affairé.
Notons en passant deux cas sortant de l'or-
dinaire :
Un certain M. Herwitt demande et obtient
le divorce contre Mme Henvitt, jolie Parisienne
blonde au visage angélique, pincée deux fois
en flagrant délit d'adultère avec deux amou-
reux différents. Le plus âgé de ces heureux
mortels a dix-sept ans, l'autre seize. Place aux
jeunes!
Dans la deuxième affaire, le bookmaker Ro-
bert Jeffrey demande et obtient le divorce con-
tre son épouse Elisabeth Jeffrey, une adorable
enfant : toujours ivre, passant ses soirées dans
les tavernes, prenant ses amants à la demi-
douzaine.
Les Anglais ont bien raison de dire que ces
choses-là ne se voient que sur le continent.
wvvww
La Ville de Paris fera commencer incessam-
ment la construction de l'asile des fous alcooli-
ques, depuis si longtemps projeté.
Ce nouvel asile — qui porte à cinq le nombre
des établissements d'aliénés du département de
la Seine — sera édifié sur des terrains appar-
tenant au département, à'Ville-Evrard, au lieu
dit la « Maison Blanche », à proximité de l'éta-
blissement d'aliénés bien connu, mais complè-
tement distinct de lui à tous les points de vue.
Il comprendra un quartier pour les femmes
aliénées (8 pavillons) et 12 pavillons, contenant
sept cent places, pour les alcooliques.
'VWX'VVV»
A peine l'Académie a-t-elle procédé à deux
élections que l'on reçoit à l'Institut des lettres
de candidature aux fauteuils encore vacants.
Sait-on qu'un enfant émit jadis la prétention
d'entrer dans l'auguste Compagnie et qu'il fail-
lit réussir ? (Il est vrai que cet enfant était le
fils de Louis XIV).
A la mort de Corneille, en 1684, le duc du
Maine, âgé seulement de quatorze ans, fut pris
de la fantaisie de succéder au grand tragique
à l'Académie. Il confia son désir à Racinej alors
directeur de l'assemblée ; celui-ci, ayant con-
sulté ses collègues sur cette originale candida-
ture, fut tout surpris d'obtenir un assentiment
unanime. Racine, — affirment les mauvaises
langues de l'époque, — fut même chargé de
déclarer respectueusement au jeune prince que,
« lors même qu'il n'y aurait pas de place va-
cante, il n'y avait pas d'académicien qui ne se
fît un plaisir de mourn pour lui en laisser une.»
Mais Louis XIV intervint à temps : plus scru-
puleux que l'Académie, il se montra peu satis-
fait de la tentative capricieuse du fils de Mme
de Montespan, et ce fut Thomas Corneille qui
succéda à son frère.
",'
Le jeune empereur d'Allemagne a des idées
de plus en plus bizarres.
Guillaume II avait organisé, l'an dernier,
un concours pour compléter une statue antique
retrouvée sans tête à Pergame. Soixante artis-
tes tentèrent de reconstituer ce chef-d'œuvre
de la sculpture grecque ; les résultats furent
médiocres et l'on se rendit compte de la dis-
tance qui sépare l'art classique de la concep-
tion artistique moderne.
Cette année, l'empereur avait promis une ré-
compense de 2,000 marcs à l'artiste qui opére-
rait une reconstitution analogue de la Ménade
dansante.
Cette fois-ci, seulement 14 sculpteurs, dont
une femme, ont osé entreprendre ce travail in-
grat, et leurs productions sont tellement peu
satisfaisantes que Guillaume n'a pas cru de-
voir décerner le prix.
Il a ordonné un nouveau concours pour l'an-
née prochaine etporté la récompense à 3,000
marcs.
Il est douteux que les artistes allemands
soient mieux inspirés en 1897.
Maintenant, l'empereur d'Allemagne est-il
lui-même un juge compétent et un artiste?
C'est encore plus douteux.
wwww
Les journaux russes donnent l'énumération
et la description des insignes impériaux qu'on
enverra de Saint-Pétersbourg à Moscou pour
les fêtes du couronnement du tsar.
La pièce principale est la couronne, exécu-
tée dans le style byzantin et estimée à plus
de cinq millions de francs.
Elle se compose de deux parties symbolisant
l'empire d'Orient et l'empire d'Occident. Au
milieu se dresse un splendide rubis en forme
de poire, auquel sont fixés cinq diamants.
Cette merveilleuse pièce d'orfèvrerie fut com-
mandée par Catherine II au moment où elle
monta sur le trône.
Le sceptre que.le tsar Paul commanda pour
le jour de son couronnement, le 5 avril 1797,
est plus remarquable encore. Sa valeur pro-
vient surtout du magnifique diamant connu
sous le nom de « Lasaref » ou d' « Orlof ». Son
histoire est fort curieuse. Le « Lasaref » et le
« Koh-i-Noor » formaient, à eux deux, les
yeux du lion d'or qui gardait le trône du
c~u~Mq~ tls, Delhi Le « Lasaref » passa
longtemps pour un simple morceau de verre.
Enfin, un marchand arménien nommé Lasaref,
devinant l'immense valeur de cette pierre, l'a-
cheta et, au péril de sa vie, l'apporta à Saint-
Pétersbourg, où il l'offrit à Catherine II. Mais
la tsarine trouva que le prix exigé par Lasaref
était trop élevé. Le marchand arménien, congé-
dié, partit pour Amsterdam. C'est là que le
comte Alexis Orlof paya ce diamant plus de
deux millions de francs. Il le fit tailler et l'en-
voya en cadeau à Catherine II. En même temps,
il octroyait à Lasaref des lettres de noblesse et
lui reconnaissait une rente annuelle de deux
mille roubles.
L' « Orlof » pèse 199 3/4 carats, soit 8 carats
de plus que le « Koh-i-Noor »
IHVHW
MOT DE LA FIN
A Marseille.
— Hé bé, Marius, tu ne viens pas ce
soir au Cercle; nous dînons pour célébrer
un anniversaire.
— Eh ! mon povre, je ne puis pas, je
n'ai pas d'argent.
— Ah ! Marius, tu es bête ! Dire ça à un
vieil ami comme moi ! Vraiment tu es bête.
Aujourd'hui tu n'en as pas, moi j'en ai ;
demain je n'en aurai pas et tu en auras.
Viens donc, grand bêta. Tu ne mangeras
pas, voilà tout.
Passe-Partout.
LES ASSURANCES MIXTES
Le gouvernement, par l'organe de
MM. Doumer, ministre des finances,
et Mesureur, ministre du commerce, vient
de déposer un projet de loi tendant à au-
toriser la caisse d'assurances, en cas de
décès, à faire des assurances mixtes.
Cette réforme n'est pas de celles qui
passionnent l'opinion. Elle a un caractère
pratique qui exclut toute passion politi-
que ; c'est sans doute pour cette raison
qu'elle court le risque de passer inaperçue
malgré son importance et son utilité.
On sait qu'en l'état actuel de la législa-
tion, la Caisse d'assurances en cas de dé-
cès, fondée sous la garantie de l'Etat et
auprès de laquelle les sociétés de secours
mutuels pourraient trouver un concours
des plus précieux, est liée par la loi même
de son institution et n'est pas, dès lors, à
même de rendre tous les services qu'on
est en droit d'en attendre.
En effet, d'après l'article 7 de- la loi du
11 juillet 1868, les sociétés de secours mu-
tuels ne peuvent contracter, auprès de la
caisse de l'Etat, que des assurances col-
lectives en cas de décès, valables pour un
an seulement, et ayant pour objet d'assu-
rer, au décès de chacun de ses membres,
une somme fixe qui, en aucun cas, ne peut
excéder mille francs.
Il y a longtemps que la limitation des
droits de la caisse d'assurances paraît re-
grettable à tous les esprits libéraux qui
ont quelque compétence en matière d'as-
surance.
Et, pour notre part, il nous paraît né-
cessaire d'autoriser cette caisse à faire
également des assurances mixtes, qui ont
l'avantage de garantir les chefs de famille
contre le risque de décès prématuré et
contre le risque de vieillesse.
Aux termes du projet présenté par le
gouvernement, la caisse d'assurance en
cas de décès serait autorisée à passer, soit
avec les sociétés de secours mutuels, au
profit de leurs membres participants, soit
avec les contractants individuels ne faisant
point partie de Sociétés de secours mu-
tuels, des contrats d'assurance mixtes,
ayant pour but de garantir le payement?
d'un capital déterminé soit aux assurés
eux-mêmes, s'ils sont vivants à une époque
fixée d'avance, soit à leurs ayants droit,
et aussitôt après le décès, si les assurés
meurent avant cette époque.
Ajoutons que ces assurances ne pour-
ront se cumuler avec d'autres assurances
individuelles, en cas de décès, que jusqu'à
concurrence de 3,000 francs.
Enfin, la durée du contrat devra être
fixée de manière à ne pas reporter le terme
de l'assurance après l'âge de 65 ans.
Cette importante réforme se trouve com-
plétée par la disposition suivante : La
Caisse nationale des retraites pour la vieil-
lesse est autorisée à recevoir en un seul
versement le capital, à quelque somme
qu'il s'élève, qui proviendrait d'une assu-
rance mixte, contractée dans les condi-
tions qui précèdent, pour servir à la cons-
titution sur la tête de l'assuré ou de sa
veuve d'une rente viagère immédiate.
En votant ce projet de loi, la Chambre
fera une œuvre de justice et de solidarité
pratique.
A. Bonrceret.
LES ITALIlAi AlllipT
Rome, 2 février. — Les Choans auraient
opéré un rapide mouvement sur Adua et
auraient poussé leurs avant-postes jus-
qu'à Eutiscio. Les grand'gardes italiennes
sont au delà de Debradamo, occupant aussi
des positions aux approches d'Eutiscio.
Rome, 2 février. — Les explications offi-
cielles relatives à l'incident des officiers
prisonniers sont confuses, inacceptables.
Les dépêches des correspondants de
journaux en Afrique rapportent que les
officiers ne sont pas arrivés, malgré les
précédentes dépêches prétendant qu'ils
avaient été mis en liberté.
La confusion est énorme.
La famille Paoletti. de Livourne, a reçu
une dépêche de leur fils annonçant qu'il
est libre à Adigrat, tandis que les dépê-
ches officielles disent qu'il est prisonnier.
Le roi est très affecté par l'incident des
officiers. Il l'ignorait quand il a télégra-
phié au général Baratieri et au colonel
Galliano.
Rome, 2 février. — Les otages, confor-
mément aux négociations, auraient été ti-
rés au sort et non choisis par Ménélick.
Les journaux sont unanimes à se plain-
dre de la façon dont sont communiquées
les nouvelles et qui semblerait prouver
qu'une grande confusion règne dans le ser-
vice officiel des renseignements en Afri-
que.
Rome, 2 février. — L'Esercito assure que
le général Baratieri a commencé vendredi
un mouvement offensif, qui doit être ter-
miné aujourd'hui. Si Ménélick a pu dissi-
muler la marche du gros de son armée
derrière les avant-postes, et en allumant
des feux nombreux, de façon à faire croire
que le camp n'étaîirpas levé. et s'il est
arrivé ainsi à gagner une avance de
vingt-quatre heures, il sera difficile,
comme l'espérait Baratieri, d'attaquer les
Choans pendant leur déplacement. Le gé-
néral devrait alors se replier sur Senafé,
de façon à empêcher l'ennemi de s'établir
entre. Adigrat et Asmara. S'il battait
seulement l'arrière-garde des Choans,
cette victoire partielle ne changerait nul-
lement la situation.
UEsercito assure que l'expédition par le
Harrar est non seulement décidée, mais
reçoit déjà un commencement d'exécu-
tion.
L'Esercito continue à critiquer la capitu-
lation de Makallé, qui aurait été faite
contrairement aux règlements militaires
et invite le gouvernement à en publier le
texte.
Madrid, 2 février. — Le maréchal Marti-
nez Campos est débarqué, ce matin à qua-
tre heures, à la Corogne. Il d'est dirigé
aussitôt à la capitainerie générale, accom-
pagné des autorités. Aucun incident ne
s'est produit.
Rome, 2 février. — Hier, le ministre de
la guerre, le colonel d'état-major Paitta-
luga et le docteur Traversi ont eu une lon-
gue conférence avec le président du con-
seil.
Si nos informations sont exactes, dit le
Messagero, M. Crispi a voulu avoir l'opi-
nion de M. Traversi, qui connaît à fond
l'Afrique, et celle du colonel Paittaluga,
récemment revenu d'un voyage scientifi-
que et militaire dans le Tigré, au sujet des
positions à occuper dans le Tigré et le
Harrar lorsque les événements de la cam-
pagne actuelle d'Afrique seront devenus
favorables.
L'officieuse Nazione confirme l'entretien
et ajoute :
Il est à présumer qu'on a discuté l'éven-
tualité d'une action vers le Harrar.
Le Don Chisciotte publie une lettre d'A-
digrat datée du 13 janvier.
Cette lettre donne de nombreux détails
démontrant le manque de préparatifs et
les grandes difficultés rencontrées chaque
jour par le corps expéditionnaire.
Rome, 2 février. — On mande de Mas-
saouah à la date d'aujourd'hui :
Des nouvelles de Haousen annoncent
que les Choans ont profité de leurs rela-
tions pacifiques avec les Dankalis pour les
assaillir par trahison.
Les Choans ont brûlé Had-El-Agubo,
ont tué 600 Dankalis et en ont emmené un
gjand nombre en esclavage.
Rome, 2 février. — Des dépêches de
Massaouah aux journaux donnent des dé-
tails rétrospectifs sur la défense de Ma-
kallé.
Lorsque la garnison de Makallé quitta le
fort, toutes les réserves d'eau étaient épui-
sées, et les cadavres des Choans abandon-
nés depuis plusieurs jours aux alentours
avaient infecté l'atmosphère.
ÉLECTION LÉGISLATIVE
SOMME
Arrondissement de Montdidier
(Scrutin de ballottage)
Inscrits: 18.461 — Votants: 15.292
MM. Hennard, rép. prog. 8.039ELU
Klotz, rép. radical. 7.175
Au premier tour les voix s'étaient ainsi ré-
parties : MM. Klotz, 5,900 ; Hennard, 4,487 ; Ma-
thiot, rallié, 2,803 ; Nicoullaud, réactionnaire,
1,763 ; voix perdues, 53.
Entre le premier et le second tour de scrutin,
le réactionnaire s'était désisté en faveur du
rallié, M. Mathiot, qui lui-même s'était désisté,
ensuite, en faveur de M. Hennard.
LA LOI SUR LES HALLES
M. Audiffred vient de faire distribuer
à la Chambre des députés le rapport
supplémentaire par lequel la commission
présente le contre-projet que lui a soumis
le gouvernement.
Ce document confirme absolument tous
les renseignements donnés ici sur cette
question.
A la différence de la proposition du Sé-
nat, primitivement admise par la commis-
sion, le nouveau texte, au lieu de faire
nommer les commissaires aux ventes par
le préfet de police, permet à toute per-
sonne qui aura été inscrite sur une liste
dressée par le tribunal de commerce sur
justification de son honorabilité et de ses
qualités de Français, de procéder aux ven-
tes.
Un emplacement sera réservé sous les
pavillons pour la vente directe, par les
propriétaires et leurs représentants tem-
poraires, des denrées que les producteurs
désireront vendre sans s'adresser aux in-
termédiaires ordinaires.
Afin de prévenir les fraudes, le nouveau
texte défend aux mandataires habituels
d'avoir, en dehors des Halles, soit à Paris,
soit meme en province, des maisons de
commerce et de faire par conséquent au-
cune opération d'achat ou de vente soit
directement, soit par personnes interpo-
sées.
Enfin, il consacre le système de contrôle
que nous avons toujours préconisé : le re-
gistre à souches. Voici le passage du rap-
port de M. Audiffred qui s'y rapporte :
Elle les a astreints à une comptabilité facile,
peu coûteuse, qui dans ces derniers temps a
été expérimentée avec succès dans plusieurs
pavillons, et qui a pour but d'associer au con-
trôle de la vente l'inspecteur de police, le fort
qui transporte les marchandises et le public
qui assiste aux opérations. Les paragraphes 1,
2, 3 et 4 de l'article 7 déterminent les obliga-
tions fondamentales auxquelles seront soumis
les mandataires. Un règlement d'administra-
tion publique complétera ces dispositions.
Les paragraphes 1 à 4 sont ainsi conçus :
1° Chaque poste possédera un livre à sou-
ches, muni de deux Volants dont les mentions
seront concordantes ; le premier volant accom-
pagnera le lot jusqu'à la sortie du pavillon et
sera ensuite remis par le fort à l'inspecteur
principal ; le second, destiné à l'expéditeur,
énoncera, outre le prix de la vente, les frais
tarifés (transport, octroi, décharge, manuten-
tion par le service des forts, droit d'abri) ainsi
que le montant de la commission qui devra
comprendre tous les frais accessoires ;
2° Après la conclusion de chaque vente, le
prix énoncé sur le volant sera proclamé à haute
voix ;
3° Toute marchandise vendue devra sortir
immédiatement du pavillon ;
4° Les mandataires seront tenus de conser-
ver pendant trois ans le livre à souches pt tou-
tes autres pièces de comptabilité.
, Tout en continuant à penser qu'une loi
est inutile et que la simple révision parle
Conseil d'Etat du décret de 1878 eût été
suffisante pour réorganiser, d'une façon
satisfaisante et efficace, le régime des
ventes en gros aux Halles centrales, nous
reconnaissons que le nouveau texte nous
donne satisfaction sur presque tous les
points.
Il en est cependant deux que nous aimet
rions à voir amender en séance publique
Le deuxième paragraphe de l'article
premier dit : « A titre transitoire, quel-
ques pavillons resteront réservés à la
vente au détail, etc. » On pourrait, sans
inconvénient, substituer à ces mots le
texte suivant : Les emplacements recon-
nus nécessaires par le Conseil municipal
de Paris et par l'autorité communale pour
la vente au détail seront réservés dans
quelques pavillons.
La seconde modification que nous espé-
rons voir apporter au texte proposé, con-
cerne le paragraphe 3 de l'article 2, qui
détermine les conditions que devront rem-
plir les futurs mandataires, et est ainsi
libellée : « 3° Etre inscrit sur la liste
dressée à cet effet par le Tribunal de com-
merce, après avis de la Préfecture de
pohce. a
Que le tribunal s'entoure pour dresser
ses listes, de toutes garanties, cela nous
1 admettons parfaitement, mais il suffit
qu il engage sa responsabilité pour être
rassuré sur la façon dont il établira ces
listes et il nous paraît inutile et dangereux
de stipuler qu'il devra préalablement pren-
dre l'avis de la préfecture de police.
Ou cet avis l'obligera et alors la préfec.
ture de police pourra empêcher tel ou tel
candidat d'être admis pour des raisons
parfaitement étrangères à l'honorabilité
et aux aptitudes commerciales, ou il n'o-
bligera pas le tribunal et alors, comme il
reste toujours libre de le demander, il est
inutile de l'insérer dans la loi.
Nicolas Flamel.
LE DOIGT DE DIEU
Maulevrier, 2 février. — Un terrible accident
est arrivé hier matin à Maulevrier.
Au beau milieu de la sainte messe, huit me<
très de corniche se sont écroulés.
Il y a eu cinq morts et soixante blessés,
LA
CHRONIQUE
LA DAMNATION DE « FAUST D
Hier dimanche, la Damnation de Faustt
de Berlioz, figurait,à la fois, comme la se-
maine dernière, sur l'affiche de nos deux
principaux concerts symphoniques, et,
aussi bien au Cirque d'Eté qu'au Châtelet,
attirait un affluence considérable.
Cette partition, si fréquemment exécu-
tée, et toujours avec succès, est devenue
la plus populaire de toutes celles qui com-
posent le répertoire des séances musicale?
du dimanche.
Sait-on qu'à la fin de la présente année
il y aura cinquante ans que cette DamnaA
tion de Faust fut exécutée pour la pre*
mière fois ? Cette première audition eut
lieu à l'Opéra-Comique, en matinée. Quelle
différence entre l'impression d'alors et
celle produite aujourd'hui ! Il est curieux
de relire à ce propos le passage des Mé-
moires de Berlioz, où il est question de
cette représentation. Autant on témoigne
actuellement d'enthousiasme, autant on
était alors indifférent ! Ecoutez plutôt Berc
lioz :
C'était à la fin de novembre (1846), il tombait
de la neige, il faisait un temps affreux ; je
n'avais pas de cantatrice à la mode pour chan-
ter Marguerite; quant à Roger, qui chantait
Faust, et à Herman Léon, chargé du rôle dG
Méphistophélès, on les entendait tous les
jours dans ce même théâtre.
Il en résulta que je donnai Faust deux fois
avec une demi-salle. Le beau public de Paris,
celui qui va au concert, celui qui est censé
s'occuper de musique, resta tranquillement
chez lui, aussi peu soucieux de ma musique
que si j'eusse été le plus obscur élève du Con-
servatoire, et il n'y eut pas plus de monde à
l'Opéra-Comique à ces deux exécutions, que si
l'on y eut représenté le plus mesquin des opé-
ras de son répertoire. Rien, dans ma carrière
d'artiste, ne m'a plus profondément blessé que
cette indifférence inattendue.
Cette dernière phase n'apparaît-elle pas
particulièrement caractéristique quand on
voit cette Damnation de Faust si favora-
blement accueillie par le public de nos
jours que non seulement nos concerts
symphoniques se le disputent, mais que
même les directeurs de l'Opéra ont cher-
ché les moyens de l'adapter à la scène !
Et cette œuvre qui est aujourd'hui une
source de beaux bénéfices fut une cause de
ruine pour son auteur. Berlioz nous ap-
prend en effet qu'il s'endetta pour la faire
exécuter.
Il avait été obligé de louer la salle à ses
frais. On la lui avait fait payer seize cents
francs. Il ajoute que la copie des parties
d'orchestre lui avait coûté « une somme
énorme a. Ses ressources étaient épui-
sées.
« J'étais ruiné, s'écrie-t-il; je devais une
somme considérable que je n'avais pas.
Après deux jours d'inexprimables souf.,
frances morales, j'entrevis le moyen de
sortir d'embarras par un voyage en Rus-1
sie. »
On conçoit d'autant mieux le chagrin, la
déception de Berlioz que le sujet, tel qu'il
l'a traité, s'adaptait merveilleusement à sa
nature et qu'il avait marqué sa partition
d'une empreinte originale.
On peut dire que dans cet ouvrage Ber-
lioz se montre tout entier. Et d'abord,
avant même d'en avoir feuilleté les pages,
le titre seul nous est déjà une indication :
Damnation de Faust! Voilà qui sent terri-
blement son romantisme ! Berlioz ne peut
intituler sa partition simplement Faust
comme l'ont fait Goethe et les divers musi-
ciens qui se sont inspirés de ce poème 1
Il lui faut une étiquette ronflante et flam-
boyante, et, naturellement, la première
idée qui lui viendra, à lui le romantique à
tous crins, plongé dans ce milieu artis-
tique si prompt à l'exaltation et aux atti"
Directeur Politique : Emile CORNUDET
Pour tout ce qui concerne l'Administration, s'adresser au
Directeur-Administrateur ; E. MAYER
-
ABONNEMENTS
PARIS, SEINE ET SEINE-ET-OISE
UN MOIS 2FR.
TROIS MOIS 5FR.
SIX MOIS 9FR.
TO AN 18 FR.
20° ANNÉE — NUMÉRO 6862 16. PLUVIOSE — AN 104
flIAROI 4 FÉVRIER - 1896 - HARDI 4 FÉVRIER
Le Numéro : 5 Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN , 20 FR.
1 Rédacteur en Chef : A. MAUJAN *
Les articles non insérés ne sont pas rendus ,
Rédaction et Administration, t8, rue Rietièz
LIBRES PROPOS
LES JUGES DE MOULIMS
Vous souriez. Il y a de quoi. On a
quelque peine à se persuader qu'il existe
des juges dans le chef-lieu de l'Allier.
Et, certes, le scepticisme est surabon-
damment permis s'il faut se rapporter
aux spécimens que vient de mettre en
lumière le procès Colleville-Labussière.
Un moment, en lisant le compte rendu
de la première audience, je me suis de-
mandé si mes sens ne me trompaient
pas, si je n'étais pas le jouet d'un rêve.
Aux premiers mots sensationnels de
la déposition Loubareysse, j'avais at-
tendu, comme tout le monde, une obser-
vation, une réflexion, une protestation
du président. Mais celui-ci n'ayant pas
bougé, n'étant intervenu ni d'un mot, ni
d'un geste, ayant laissé dire purement
et simplement que le ministre de l'inté-
rieur avait donné de l'argent pour fa-
briquer la fausse liste des 104, une pen-
sée que je considérai comme un trait de
lumière se présenta à mon esprit et je
tressaillis en me disant :
« Oui, c'est bien cela ; ce procès est
» une mystification, les calomniateurs
» qu'on a l'air de poursuivre ont trouvé
» le moyen de renverser les rôles. Ils se
» sont substitués aux juges. Ils se sont
» déguisés en conseillers de Cour quel-
» conque, et ils occupent le siège des
* magistrats.
» C'est pourquoi Loubareysse a tant
» d'aplomb. Il sait qu'il peut débiter
» toutes les infamies qui lui passeront
» par la tête, sans risquer d'être seule-
» ment interrompu. Colleville est as-
» sesseur, et c'est Vitrac-Desroziers, en
» personne, qui préside !. »
Parole d'honneur ! L'explication était
énorme, prodigieuse. Assurément, elle
supposait des événements extraordinai-
res, le succès d'un complot fantastique.
Mais je n'en pouvais trouver d'autre, et
à l'heure présente, je n'ai pu réussir à
en découvrir une seule, dans l'ordre du
sens commun, qui soit à peu près satis-
faisante !
Depuis quand la Justice n'accorde-t-
elle plus aux dépositaires de la puis-
sance publique la protection qu'elle leur
doit comme à tous les citoyens ?
Est-ce que le respect du pouvoir et de
ceux qui l'exercent n'est pas à ses yeux
une des bases mêmes de l'ordre social?
Est-ce qu'elle ne connaît pas admira-
blement le délit qui consiste à exciter
les citoyens à la haine et au mépris du
gouvernement? Est-ce qu'elle a jamais
hésité à le punir alors même que le gou-
vernement était absolument méprisable
et odieux? Est-ce que la magistrature
s'est jamais gênée pour imposer silence
aux victimes du despotisme, quand elles
voulaient parler, et crier ,les vérités
vengeresses à la face de la tyrannie ?
Est-ce que tous les gouvernements n'ont
pas toujours pu compter sur elle pour
empêcher la vulgarisation des mystères
dont le secret importait à la sécurité ou
à la considération d'en haut ?
Est-ce parce que les hommes qui sont
au pouvoir n'ont rien à se reprocher,
parce qu'ils aiment la Liberté, parce
qu'ils sont dévoués à l'honnêteté pu-
blique, parce qu'ils veulent la justice,
que la Justice officielle les laisse impu-
nément salir ?
Depuis quand le porteur d'un casier
judiciaire, confortablement orné, peut-
il se risquer à placer deux mots dans le
prétoire sans que son dossier fasse en
quelque sorte explosion tout seul ? De-
puis quand les juges ne sont-ils plus
curieux, et ne se croient-ils plus investis
du soin de satisfaire spontanément la
curiosité publique ? Depuis quand n'ont-
ils plus le goût des biographies d'au-
dience qu'ils excellent à tourner? Depuis
quand ne trouvent-ils plus de bonne
guerre de dire à un témoin trop bavard
en même temps que sujet à caution :
« Pardon, vous voulez de la barre
» faire une tribune, apporter ici des ré-
» vélations sur le rôle de tel ou tel mi-
» nistre, enseigner publiquement les
» soi-disant dessous de la politique.
» Permettez-nous de regarder un peu
» les vôtres, et de vous communiquer
» les renseignements que nous avons
» sur vous-même ! » -
Ce sont là cependant notions et prati-
ques élémentaires du métier de juge.
Pourquoi donc les magistrats de Mou-
lins ont-ils négligé d'user de ces pré-
cautions primordiales ? Est-ce trahison,
est-ce ineptie, insuffisance profession-
nelle ?
Je laisse à M. le ministre de la Justice
le soin de prononcer sur la qualification
exacte qu'il convient d'appliquer à leur
cas. Une telle faute n'est certainement
pas de nature à laisser indifférent l'ho-
norable M. Ricard.
Mais, dès à présent, l'opinion a dégagé
l'enseignement général que comporte
l'incident. En présence de juges aussi
légers, aussi manifestement amateurs
de scandales, elle se demande si la jus-
tice est bien réellement administrée
partout et toujours avec toute la gra-
vité, avec tout le sérieux, avec toutes
les garanties qu'on est en droit d'en at-
tendre.
Voilà un fameux argument en faveur
de toutes les épurations, et qui prouve
combien le parti radical a raison de ré-
clamer la vigilance à l'endroit des hom-
mes qui à un titre ou à un autre repré-
sentent le pouvoir, l'autorité, la puis-
sance publique.
Une réforme profonde s'impose dans
l'organisation, dans les mœurs, dans le
personnel de la justice, comme partout
ailleurs. Nous en étions tous bien con-
vaincus, il y a quelque quinze ans. Et
puis nous avons oublié, nous avons dé-
sarmé bêtement. Les juges de Moulins
nous obligent à nous souvenir. Tant
mieux, après tout! Nous nous ressaisi-
rons plus tôt ; nous reviendrons plus tôt
au vieux programme de l'intelligence,
de l'énergie, de l'inflexibilité républi-
caine.
ALCESTE.
BLAME NÉCESSAIRE
L'incident qui s'est produit, à la
fin de la séance de samedi, à la
Chambre, mérite d'être souligné.
Répondant à une question, le prési-
dent du Conseil, et le ministre de la ma-
rine après lui, ont été amenés à décla-
rer : le'dernier, qu'il n'avait pas inspiré;
le premier, qu'il n'avait pas payé la pu-
blication de la fausse liste des 104 dans
le journal la France.
Etait-ce bien nécessaire ? Et,- en véri-
té, le gouvernement sera-t-il obligé sou-
vent de venir donner des démentis à
tous les Loubareysse qui s'aviseront de
l'accuser des procédés les plus odieux ?
Il est vrai que la complaisance ou
l'inertie du président des assises et du
procureur de Moulins, laissant passer
les calomnies de Loubareysse sans les
relever vertement, obligeait en quel-
que sorte le gouvernement à faire con-
naître au pays, du haut de la tribune,
combien peu de créance méritait un té-
moignage dont l'auteur est pourvu,
paraît-il, d'un casier judiciaire.
Il était bon surtout que le président
du Conseil blamât publiquement l'atti-
tude de la magistrature de Moulins, ce
qu'il a fait sobrement et sans la nom-
mer, aux applaudissements de la Gau-
che et du Centre.
Et maintenant, que M. Lalou se soit
vanté ou non d'avoir reçu de l'argent de
M. Bourgeois, comme le prétend Lou-
bareysse, qu'importe vraiment? Les
démentis formels donnés à l'accusation
par le président du Conseil et par le
ministre de la marine ne nous laissent
aucun doute.
Si ce n'est pas Loubareysse qui a dé-
naturé la vérité, c'est Lalou. Que ces
deux compères se débrouillent entre
eux L'un des deux a menti : que ce soit
l'un ou l'autre, peu nous chault.
La conviction des honnêtes gens est
faite.
Il est visible que, par ces campagnes
infâmes, on cherche à atteindre la Ré-
publique elle-même. Les républicains,
sans distinction de nuances, doivent
apercevoir le piège et se garder d'y tom-
ber.
On l'a compris, ce nous semble, sa-
medi à la Chambre, puisque non seule-
ment la Gauche, mais le Centre, ont
salué le Président du Conseil de vifs
applaudissements au moment où il des-
cendait de la tribune.
Emile Gornudet.
L'INCIDENT MIRMAN-MEYER
* Les procès-verbaux que nous avons pu-
bliés hier, concernant l'affaire Mirman-
Arthur Meyer, laissaient libres toutes les
conjectures. Les uns disaient: le duel s'im-
pose ; d'autres, il n'y aura pas rencontre.
Ce sont ces derniers qui ont eu raison. M.
Mirman, en effet, ayant déclaré, par une
lettre à MM. le colonel Sever et Gaston
Doumergue, députés, qu'il considérait leur
mission comme terminée. En raison des
différents commentaires qui accueillaient
sa décision, nous avons cru devoir deman-
der à l'honorable député de Reims de bien
vouloir nous confirmer verbalement la
clôture de l'incident.
- La décision que je viens de prendre.
nous déclare M. Mirman, n'a pas lieu de
surprendre ceux qui ont souci de leur di-
gnité. Gette décision esteçiseet bieô.erisf
et je la maintiendrai. Je ne puis me battre
avec M. Arthur Meyer !
— Mais vous aviez accepté la constitu-
tion d'un jury d'honneur et, conséquem-
ment, sa décision?
— Oui, mais cette constitution dp jury
d'honneur était la conséquence meme du
langage que j'ai tenu à la Chambre et
alors, à moins d'un malentendu, j'estime
que la décision rendue par les arbitres est
incomplète, car elle ne se prononce pas
sur les faits incriminés par moi.
J'avais spécifié qu'un jury décidât si une
personne, appartenant à la presse, ou au
Parlement, (en un mot ne faisant partie,
d'une façon quelconque, de ce que 1 on ap-
pelle le monde financier,) qui a passé les
traités auxquels fait allusion M.Vallé dans
son rapport, était parfaitement hono-
rable.
Or le jury a été absolument muet sur ce
point et comme je n'ai pas mandat de re-
faire une virginité à quiconque et que ce
n'est pas dans mon caractère, je refuse
formellement de me rencontrer avec M.
Arthur Meyer.
Th. Ghataignon.
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus
basse à 6 h. 3o matin.. 002 au-dessous de o.
La plus élevée du jour
à 4 h. 3o soir 108 au-dessus de o.
Temps probable pour aujourd'hui: Nuageux,
brumeux, température fraîche.
HiVVUV
Vertueuse Albion !
Le mariage ne va pas en ce moment à Lon-
dres et le juge sir Francis Jeame, qui a pour
tâche de présider la cour des divorces, se voit
très affairé.
Notons en passant deux cas sortant de l'or-
dinaire :
Un certain M. Herwitt demande et obtient
le divorce contre Mme Henvitt, jolie Parisienne
blonde au visage angélique, pincée deux fois
en flagrant délit d'adultère avec deux amou-
reux différents. Le plus âgé de ces heureux
mortels a dix-sept ans, l'autre seize. Place aux
jeunes!
Dans la deuxième affaire, le bookmaker Ro-
bert Jeffrey demande et obtient le divorce con-
tre son épouse Elisabeth Jeffrey, une adorable
enfant : toujours ivre, passant ses soirées dans
les tavernes, prenant ses amants à la demi-
douzaine.
Les Anglais ont bien raison de dire que ces
choses-là ne se voient que sur le continent.
wvvww
La Ville de Paris fera commencer incessam-
ment la construction de l'asile des fous alcooli-
ques, depuis si longtemps projeté.
Ce nouvel asile — qui porte à cinq le nombre
des établissements d'aliénés du département de
la Seine — sera édifié sur des terrains appar-
tenant au département, à'Ville-Evrard, au lieu
dit la « Maison Blanche », à proximité de l'éta-
blissement d'aliénés bien connu, mais complè-
tement distinct de lui à tous les points de vue.
Il comprendra un quartier pour les femmes
aliénées (8 pavillons) et 12 pavillons, contenant
sept cent places, pour les alcooliques.
'VWX'VVV»
A peine l'Académie a-t-elle procédé à deux
élections que l'on reçoit à l'Institut des lettres
de candidature aux fauteuils encore vacants.
Sait-on qu'un enfant émit jadis la prétention
d'entrer dans l'auguste Compagnie et qu'il fail-
lit réussir ? (Il est vrai que cet enfant était le
fils de Louis XIV).
A la mort de Corneille, en 1684, le duc du
Maine, âgé seulement de quatorze ans, fut pris
de la fantaisie de succéder au grand tragique
à l'Académie. Il confia son désir à Racinej alors
directeur de l'assemblée ; celui-ci, ayant con-
sulté ses collègues sur cette originale candida-
ture, fut tout surpris d'obtenir un assentiment
unanime. Racine, — affirment les mauvaises
langues de l'époque, — fut même chargé de
déclarer respectueusement au jeune prince que,
« lors même qu'il n'y aurait pas de place va-
cante, il n'y avait pas d'académicien qui ne se
fît un plaisir de mourn pour lui en laisser une.»
Mais Louis XIV intervint à temps : plus scru-
puleux que l'Académie, il se montra peu satis-
fait de la tentative capricieuse du fils de Mme
de Montespan, et ce fut Thomas Corneille qui
succéda à son frère.
",'
Le jeune empereur d'Allemagne a des idées
de plus en plus bizarres.
Guillaume II avait organisé, l'an dernier,
un concours pour compléter une statue antique
retrouvée sans tête à Pergame. Soixante artis-
tes tentèrent de reconstituer ce chef-d'œuvre
de la sculpture grecque ; les résultats furent
médiocres et l'on se rendit compte de la dis-
tance qui sépare l'art classique de la concep-
tion artistique moderne.
Cette année, l'empereur avait promis une ré-
compense de 2,000 marcs à l'artiste qui opére-
rait une reconstitution analogue de la Ménade
dansante.
Cette fois-ci, seulement 14 sculpteurs, dont
une femme, ont osé entreprendre ce travail in-
grat, et leurs productions sont tellement peu
satisfaisantes que Guillaume n'a pas cru de-
voir décerner le prix.
Il a ordonné un nouveau concours pour l'an-
née prochaine etporté la récompense à 3,000
marcs.
Il est douteux que les artistes allemands
soient mieux inspirés en 1897.
Maintenant, l'empereur d'Allemagne est-il
lui-même un juge compétent et un artiste?
C'est encore plus douteux.
wwww
Les journaux russes donnent l'énumération
et la description des insignes impériaux qu'on
enverra de Saint-Pétersbourg à Moscou pour
les fêtes du couronnement du tsar.
La pièce principale est la couronne, exécu-
tée dans le style byzantin et estimée à plus
de cinq millions de francs.
Elle se compose de deux parties symbolisant
l'empire d'Orient et l'empire d'Occident. Au
milieu se dresse un splendide rubis en forme
de poire, auquel sont fixés cinq diamants.
Cette merveilleuse pièce d'orfèvrerie fut com-
mandée par Catherine II au moment où elle
monta sur le trône.
Le sceptre que.le tsar Paul commanda pour
le jour de son couronnement, le 5 avril 1797,
est plus remarquable encore. Sa valeur pro-
vient surtout du magnifique diamant connu
sous le nom de « Lasaref » ou d' « Orlof ». Son
histoire est fort curieuse. Le « Lasaref » et le
« Koh-i-Noor » formaient, à eux deux, les
yeux du lion d'or qui gardait le trône du
c~u~Mq~ tls, Delhi Le « Lasaref » passa
longtemps pour un simple morceau de verre.
Enfin, un marchand arménien nommé Lasaref,
devinant l'immense valeur de cette pierre, l'a-
cheta et, au péril de sa vie, l'apporta à Saint-
Pétersbourg, où il l'offrit à Catherine II. Mais
la tsarine trouva que le prix exigé par Lasaref
était trop élevé. Le marchand arménien, congé-
dié, partit pour Amsterdam. C'est là que le
comte Alexis Orlof paya ce diamant plus de
deux millions de francs. Il le fit tailler et l'en-
voya en cadeau à Catherine II. En même temps,
il octroyait à Lasaref des lettres de noblesse et
lui reconnaissait une rente annuelle de deux
mille roubles.
L' « Orlof » pèse 199 3/4 carats, soit 8 carats
de plus que le « Koh-i-Noor »
IHVHW
MOT DE LA FIN
A Marseille.
— Hé bé, Marius, tu ne viens pas ce
soir au Cercle; nous dînons pour célébrer
un anniversaire.
— Eh ! mon povre, je ne puis pas, je
n'ai pas d'argent.
— Ah ! Marius, tu es bête ! Dire ça à un
vieil ami comme moi ! Vraiment tu es bête.
Aujourd'hui tu n'en as pas, moi j'en ai ;
demain je n'en aurai pas et tu en auras.
Viens donc, grand bêta. Tu ne mangeras
pas, voilà tout.
Passe-Partout.
LES ASSURANCES MIXTES
Le gouvernement, par l'organe de
MM. Doumer, ministre des finances,
et Mesureur, ministre du commerce, vient
de déposer un projet de loi tendant à au-
toriser la caisse d'assurances, en cas de
décès, à faire des assurances mixtes.
Cette réforme n'est pas de celles qui
passionnent l'opinion. Elle a un caractère
pratique qui exclut toute passion politi-
que ; c'est sans doute pour cette raison
qu'elle court le risque de passer inaperçue
malgré son importance et son utilité.
On sait qu'en l'état actuel de la législa-
tion, la Caisse d'assurances en cas de dé-
cès, fondée sous la garantie de l'Etat et
auprès de laquelle les sociétés de secours
mutuels pourraient trouver un concours
des plus précieux, est liée par la loi même
de son institution et n'est pas, dès lors, à
même de rendre tous les services qu'on
est en droit d'en attendre.
En effet, d'après l'article 7 de- la loi du
11 juillet 1868, les sociétés de secours mu-
tuels ne peuvent contracter, auprès de la
caisse de l'Etat, que des assurances col-
lectives en cas de décès, valables pour un
an seulement, et ayant pour objet d'assu-
rer, au décès de chacun de ses membres,
une somme fixe qui, en aucun cas, ne peut
excéder mille francs.
Il y a longtemps que la limitation des
droits de la caisse d'assurances paraît re-
grettable à tous les esprits libéraux qui
ont quelque compétence en matière d'as-
surance.
Et, pour notre part, il nous paraît né-
cessaire d'autoriser cette caisse à faire
également des assurances mixtes, qui ont
l'avantage de garantir les chefs de famille
contre le risque de décès prématuré et
contre le risque de vieillesse.
Aux termes du projet présenté par le
gouvernement, la caisse d'assurance en
cas de décès serait autorisée à passer, soit
avec les sociétés de secours mutuels, au
profit de leurs membres participants, soit
avec les contractants individuels ne faisant
point partie de Sociétés de secours mu-
tuels, des contrats d'assurance mixtes,
ayant pour but de garantir le payement?
d'un capital déterminé soit aux assurés
eux-mêmes, s'ils sont vivants à une époque
fixée d'avance, soit à leurs ayants droit,
et aussitôt après le décès, si les assurés
meurent avant cette époque.
Ajoutons que ces assurances ne pour-
ront se cumuler avec d'autres assurances
individuelles, en cas de décès, que jusqu'à
concurrence de 3,000 francs.
Enfin, la durée du contrat devra être
fixée de manière à ne pas reporter le terme
de l'assurance après l'âge de 65 ans.
Cette importante réforme se trouve com-
plétée par la disposition suivante : La
Caisse nationale des retraites pour la vieil-
lesse est autorisée à recevoir en un seul
versement le capital, à quelque somme
qu'il s'élève, qui proviendrait d'une assu-
rance mixte, contractée dans les condi-
tions qui précèdent, pour servir à la cons-
titution sur la tête de l'assuré ou de sa
veuve d'une rente viagère immédiate.
En votant ce projet de loi, la Chambre
fera une œuvre de justice et de solidarité
pratique.
A. Bonrceret.
LES ITALIlAi AlllipT
Rome, 2 février. — Les Choans auraient
opéré un rapide mouvement sur Adua et
auraient poussé leurs avant-postes jus-
qu'à Eutiscio. Les grand'gardes italiennes
sont au delà de Debradamo, occupant aussi
des positions aux approches d'Eutiscio.
Rome, 2 février. — Les explications offi-
cielles relatives à l'incident des officiers
prisonniers sont confuses, inacceptables.
Les dépêches des correspondants de
journaux en Afrique rapportent que les
officiers ne sont pas arrivés, malgré les
précédentes dépêches prétendant qu'ils
avaient été mis en liberté.
La confusion est énorme.
La famille Paoletti. de Livourne, a reçu
une dépêche de leur fils annonçant qu'il
est libre à Adigrat, tandis que les dépê-
ches officielles disent qu'il est prisonnier.
Le roi est très affecté par l'incident des
officiers. Il l'ignorait quand il a télégra-
phié au général Baratieri et au colonel
Galliano.
Rome, 2 février. — Les otages, confor-
mément aux négociations, auraient été ti-
rés au sort et non choisis par Ménélick.
Les journaux sont unanimes à se plain-
dre de la façon dont sont communiquées
les nouvelles et qui semblerait prouver
qu'une grande confusion règne dans le ser-
vice officiel des renseignements en Afri-
que.
Rome, 2 février. — L'Esercito assure que
le général Baratieri a commencé vendredi
un mouvement offensif, qui doit être ter-
miné aujourd'hui. Si Ménélick a pu dissi-
muler la marche du gros de son armée
derrière les avant-postes, et en allumant
des feux nombreux, de façon à faire croire
que le camp n'étaîirpas levé. et s'il est
arrivé ainsi à gagner une avance de
vingt-quatre heures, il sera difficile,
comme l'espérait Baratieri, d'attaquer les
Choans pendant leur déplacement. Le gé-
néral devrait alors se replier sur Senafé,
de façon à empêcher l'ennemi de s'établir
entre. Adigrat et Asmara. S'il battait
seulement l'arrière-garde des Choans,
cette victoire partielle ne changerait nul-
lement la situation.
UEsercito assure que l'expédition par le
Harrar est non seulement décidée, mais
reçoit déjà un commencement d'exécu-
tion.
L'Esercito continue à critiquer la capitu-
lation de Makallé, qui aurait été faite
contrairement aux règlements militaires
et invite le gouvernement à en publier le
texte.
Madrid, 2 février. — Le maréchal Marti-
nez Campos est débarqué, ce matin à qua-
tre heures, à la Corogne. Il d'est dirigé
aussitôt à la capitainerie générale, accom-
pagné des autorités. Aucun incident ne
s'est produit.
Rome, 2 février. — Hier, le ministre de
la guerre, le colonel d'état-major Paitta-
luga et le docteur Traversi ont eu une lon-
gue conférence avec le président du con-
seil.
Si nos informations sont exactes, dit le
Messagero, M. Crispi a voulu avoir l'opi-
nion de M. Traversi, qui connaît à fond
l'Afrique, et celle du colonel Paittaluga,
récemment revenu d'un voyage scientifi-
que et militaire dans le Tigré, au sujet des
positions à occuper dans le Tigré et le
Harrar lorsque les événements de la cam-
pagne actuelle d'Afrique seront devenus
favorables.
L'officieuse Nazione confirme l'entretien
et ajoute :
Il est à présumer qu'on a discuté l'éven-
tualité d'une action vers le Harrar.
Le Don Chisciotte publie une lettre d'A-
digrat datée du 13 janvier.
Cette lettre donne de nombreux détails
démontrant le manque de préparatifs et
les grandes difficultés rencontrées chaque
jour par le corps expéditionnaire.
Rome, 2 février. — On mande de Mas-
saouah à la date d'aujourd'hui :
Des nouvelles de Haousen annoncent
que les Choans ont profité de leurs rela-
tions pacifiques avec les Dankalis pour les
assaillir par trahison.
Les Choans ont brûlé Had-El-Agubo,
ont tué 600 Dankalis et en ont emmené un
gjand nombre en esclavage.
Rome, 2 février. — Des dépêches de
Massaouah aux journaux donnent des dé-
tails rétrospectifs sur la défense de Ma-
kallé.
Lorsque la garnison de Makallé quitta le
fort, toutes les réserves d'eau étaient épui-
sées, et les cadavres des Choans abandon-
nés depuis plusieurs jours aux alentours
avaient infecté l'atmosphère.
ÉLECTION LÉGISLATIVE
SOMME
Arrondissement de Montdidier
(Scrutin de ballottage)
Inscrits: 18.461 — Votants: 15.292
MM. Hennard, rép. prog. 8.039ELU
Klotz, rép. radical. 7.175
Au premier tour les voix s'étaient ainsi ré-
parties : MM. Klotz, 5,900 ; Hennard, 4,487 ; Ma-
thiot, rallié, 2,803 ; Nicoullaud, réactionnaire,
1,763 ; voix perdues, 53.
Entre le premier et le second tour de scrutin,
le réactionnaire s'était désisté en faveur du
rallié, M. Mathiot, qui lui-même s'était désisté,
ensuite, en faveur de M. Hennard.
LA LOI SUR LES HALLES
M. Audiffred vient de faire distribuer
à la Chambre des députés le rapport
supplémentaire par lequel la commission
présente le contre-projet que lui a soumis
le gouvernement.
Ce document confirme absolument tous
les renseignements donnés ici sur cette
question.
A la différence de la proposition du Sé-
nat, primitivement admise par la commis-
sion, le nouveau texte, au lieu de faire
nommer les commissaires aux ventes par
le préfet de police, permet à toute per-
sonne qui aura été inscrite sur une liste
dressée par le tribunal de commerce sur
justification de son honorabilité et de ses
qualités de Français, de procéder aux ven-
tes.
Un emplacement sera réservé sous les
pavillons pour la vente directe, par les
propriétaires et leurs représentants tem-
poraires, des denrées que les producteurs
désireront vendre sans s'adresser aux in-
termédiaires ordinaires.
Afin de prévenir les fraudes, le nouveau
texte défend aux mandataires habituels
d'avoir, en dehors des Halles, soit à Paris,
soit meme en province, des maisons de
commerce et de faire par conséquent au-
cune opération d'achat ou de vente soit
directement, soit par personnes interpo-
sées.
Enfin, il consacre le système de contrôle
que nous avons toujours préconisé : le re-
gistre à souches. Voici le passage du rap-
port de M. Audiffred qui s'y rapporte :
Elle les a astreints à une comptabilité facile,
peu coûteuse, qui dans ces derniers temps a
été expérimentée avec succès dans plusieurs
pavillons, et qui a pour but d'associer au con-
trôle de la vente l'inspecteur de police, le fort
qui transporte les marchandises et le public
qui assiste aux opérations. Les paragraphes 1,
2, 3 et 4 de l'article 7 déterminent les obliga-
tions fondamentales auxquelles seront soumis
les mandataires. Un règlement d'administra-
tion publique complétera ces dispositions.
Les paragraphes 1 à 4 sont ainsi conçus :
1° Chaque poste possédera un livre à sou-
ches, muni de deux Volants dont les mentions
seront concordantes ; le premier volant accom-
pagnera le lot jusqu'à la sortie du pavillon et
sera ensuite remis par le fort à l'inspecteur
principal ; le second, destiné à l'expéditeur,
énoncera, outre le prix de la vente, les frais
tarifés (transport, octroi, décharge, manuten-
tion par le service des forts, droit d'abri) ainsi
que le montant de la commission qui devra
comprendre tous les frais accessoires ;
2° Après la conclusion de chaque vente, le
prix énoncé sur le volant sera proclamé à haute
voix ;
3° Toute marchandise vendue devra sortir
immédiatement du pavillon ;
4° Les mandataires seront tenus de conser-
ver pendant trois ans le livre à souches pt tou-
tes autres pièces de comptabilité.
, Tout en continuant à penser qu'une loi
est inutile et que la simple révision parle
Conseil d'Etat du décret de 1878 eût été
suffisante pour réorganiser, d'une façon
satisfaisante et efficace, le régime des
ventes en gros aux Halles centrales, nous
reconnaissons que le nouveau texte nous
donne satisfaction sur presque tous les
points.
Il en est cependant deux que nous aimet
rions à voir amender en séance publique
Le deuxième paragraphe de l'article
premier dit : « A titre transitoire, quel-
ques pavillons resteront réservés à la
vente au détail, etc. » On pourrait, sans
inconvénient, substituer à ces mots le
texte suivant : Les emplacements recon-
nus nécessaires par le Conseil municipal
de Paris et par l'autorité communale pour
la vente au détail seront réservés dans
quelques pavillons.
La seconde modification que nous espé-
rons voir apporter au texte proposé, con-
cerne le paragraphe 3 de l'article 2, qui
détermine les conditions que devront rem-
plir les futurs mandataires, et est ainsi
libellée : « 3° Etre inscrit sur la liste
dressée à cet effet par le Tribunal de com-
merce, après avis de la Préfecture de
pohce. a
Que le tribunal s'entoure pour dresser
ses listes, de toutes garanties, cela nous
1 admettons parfaitement, mais il suffit
qu il engage sa responsabilité pour être
rassuré sur la façon dont il établira ces
listes et il nous paraît inutile et dangereux
de stipuler qu'il devra préalablement pren-
dre l'avis de la préfecture de police.
Ou cet avis l'obligera et alors la préfec.
ture de police pourra empêcher tel ou tel
candidat d'être admis pour des raisons
parfaitement étrangères à l'honorabilité
et aux aptitudes commerciales, ou il n'o-
bligera pas le tribunal et alors, comme il
reste toujours libre de le demander, il est
inutile de l'insérer dans la loi.
Nicolas Flamel.
LE DOIGT DE DIEU
Maulevrier, 2 février. — Un terrible accident
est arrivé hier matin à Maulevrier.
Au beau milieu de la sainte messe, huit me<
très de corniche se sont écroulés.
Il y a eu cinq morts et soixante blessés,
LA
CHRONIQUE
LA DAMNATION DE « FAUST D
Hier dimanche, la Damnation de Faustt
de Berlioz, figurait,à la fois, comme la se-
maine dernière, sur l'affiche de nos deux
principaux concerts symphoniques, et,
aussi bien au Cirque d'Eté qu'au Châtelet,
attirait un affluence considérable.
Cette partition, si fréquemment exécu-
tée, et toujours avec succès, est devenue
la plus populaire de toutes celles qui com-
posent le répertoire des séances musicale?
du dimanche.
Sait-on qu'à la fin de la présente année
il y aura cinquante ans que cette DamnaA
tion de Faust fut exécutée pour la pre*
mière fois ? Cette première audition eut
lieu à l'Opéra-Comique, en matinée. Quelle
différence entre l'impression d'alors et
celle produite aujourd'hui ! Il est curieux
de relire à ce propos le passage des Mé-
moires de Berlioz, où il est question de
cette représentation. Autant on témoigne
actuellement d'enthousiasme, autant on
était alors indifférent ! Ecoutez plutôt Berc
lioz :
C'était à la fin de novembre (1846), il tombait
de la neige, il faisait un temps affreux ; je
n'avais pas de cantatrice à la mode pour chan-
ter Marguerite; quant à Roger, qui chantait
Faust, et à Herman Léon, chargé du rôle dG
Méphistophélès, on les entendait tous les
jours dans ce même théâtre.
Il en résulta que je donnai Faust deux fois
avec une demi-salle. Le beau public de Paris,
celui qui va au concert, celui qui est censé
s'occuper de musique, resta tranquillement
chez lui, aussi peu soucieux de ma musique
que si j'eusse été le plus obscur élève du Con-
servatoire, et il n'y eut pas plus de monde à
l'Opéra-Comique à ces deux exécutions, que si
l'on y eut représenté le plus mesquin des opé-
ras de son répertoire. Rien, dans ma carrière
d'artiste, ne m'a plus profondément blessé que
cette indifférence inattendue.
Cette dernière phase n'apparaît-elle pas
particulièrement caractéristique quand on
voit cette Damnation de Faust si favora-
blement accueillie par le public de nos
jours que non seulement nos concerts
symphoniques se le disputent, mais que
même les directeurs de l'Opéra ont cher-
ché les moyens de l'adapter à la scène !
Et cette œuvre qui est aujourd'hui une
source de beaux bénéfices fut une cause de
ruine pour son auteur. Berlioz nous ap-
prend en effet qu'il s'endetta pour la faire
exécuter.
Il avait été obligé de louer la salle à ses
frais. On la lui avait fait payer seize cents
francs. Il ajoute que la copie des parties
d'orchestre lui avait coûté « une somme
énorme a. Ses ressources étaient épui-
sées.
« J'étais ruiné, s'écrie-t-il; je devais une
somme considérable que je n'avais pas.
Après deux jours d'inexprimables souf.,
frances morales, j'entrevis le moyen de
sortir d'embarras par un voyage en Rus-1
sie. »
On conçoit d'autant mieux le chagrin, la
déception de Berlioz que le sujet, tel qu'il
l'a traité, s'adaptait merveilleusement à sa
nature et qu'il avait marqué sa partition
d'une empreinte originale.
On peut dire que dans cet ouvrage Ber-
lioz se montre tout entier. Et d'abord,
avant même d'en avoir feuilleté les pages,
le titre seul nous est déjà une indication :
Damnation de Faust! Voilà qui sent terri-
blement son romantisme ! Berlioz ne peut
intituler sa partition simplement Faust
comme l'ont fait Goethe et les divers musi-
ciens qui se sont inspirés de ce poème 1
Il lui faut une étiquette ronflante et flam-
boyante, et, naturellement, la première
idée qui lui viendra, à lui le romantique à
tous crins, plongé dans ce milieu artis-
tique si prompt à l'exaltation et aux atti"
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