Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-01-13
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 86207 Nombre total de vues : 86207
Description : 13 janvier 1896 13 janvier 1896
Description : 1896/01/13 (N6840,A20). 1896/01/13 (N6840,A20).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7510255j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
Directeur Politique : Emile CORNUDET
Pour tout ce qui concerne VAdministration, s'adresser au
Directeur-Administrateur : E. MAYER
ABONNEMENTS
PARIS, SEINE ET SEHiE-ET-OISE
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN .:. 18 FR.
20e ANNÉE — NUMÉRO 6840 24 NIVÔSE — AN 104
LUNDI 13 JANVIER - 1896 - LUNDI 13 JANVIER
Le Numéro : 5 Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS -- -.
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
Rédacteur en Chef : A. MADJAN
Les articles non insérés ne sont pas rendus
Rédaction et Administration, 18, rue Richop
EN CARNAVAL
Nous sommes bien évidemment en
carnaval. L'Opéra inaugurait hier là
série de ses bals masqués et, indice
encore plus caractéristique, le jeune
Gamelle faisait une déclaration au peu-
ple français.
Qui pourrait nier, à ces signes déci-
sifs, que la période carnavalesque ne
J soit ouverte ?
: Pas fière d'ailleurs la déclaration du
jeune Gamelle. Elle s'est produite par
voie d'interview, sous la forme d'inter-
rogatoire, par demandes et réponses.
C'est un ami du prince qui, au mo-
ment de rentrer en France, lui aurait
demandé ce qu'il devait dire aux mo-
narchistes, et qui a envoyé à l'un des
rares journaux du parti, avec prière
d'en soigner la reproduction, le texte
des questions posées et des réponses
du prétendant.
Passons-les brièvement en revue les
Unes et les autres.
A cette question, que doivent faire les
amis de Gamelle, celui-ci aurait ré-
pondu entre deux asperges : ils doivent
se préparer.
Se préparer à quoi ? A le voir se pla-
cer à leur tête « pour se porter là où la
France aura besoin de lui. »
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Le Soleil lui-même, qui s'extasie sur
cette déclaration, et qui tente de l'ex-
pliquer, ne parvient qu'imparfaitement
à démêler ce que Gamelle a entendu
dire par ces paroles énigmatiques.
D'après l'organe princier, il paraî-
trait que le pays est dans un maré-
cage et que le duc d'Orléans est prêt à
l'en arracher. Seulement, ajoute avec
une judicieuse naïveté ce journal, le
prince « ne veut pas marcher seul ». Il
voudrait que ses amis se préparent à,
marcher avec lui.
Pour un homme, pour un jeune hom-
me ayant de si hautes visées et ne pré-
tendant à rien de moins qu'à tirer son
pays d'un marécage, l'aveu est singu-
lier. Il est seul, ce pauvre garçon, à
songer pour le moment à cette entre-
prise; tout seul, c'est lui-même qui le
dit, absolument seul en présence de ce
marécage.
- Et ses amis, où sont-ils ? Dans le ma-
récage sans doute, où ils sont eux-
mêmes tellement enfoncés qu'ils n'en
ont pas conscience puisque Gamelle
doit les adjurer de se préparer à en sor-
tir.
Allons, messieurs, quels sont ceux
d'entre vous qui veulent sortir du ma-
récage ? Etes-vous prêts ? Surtout ne
parlez pas tous à la fois.
Mais au fait, où est donc ce marécage ?
En quoi consiste-t-il?
Dans les difficultés de la situation,
jugées tellement graves par le jeune
Gamelle qu'il considère que lui seul est
capable de les résoudre.
Ces difficultés sont évidentes. Elles
proviennent d'abord de la constitution
du cabinet Bourgeois. Ce cabinet est un
pas vers le radicalisme.
La raison qu'en donne l'aimable Ga-
melle vaut son pesant d'or. Ce cabinet,
dit-il sérieusement, est radical parce
qu'il a fait voter des projets de loi pré-
sentés par les précédents cabinets, les-
quels n'étaient pas radicaux.
Quel génie! Il est décidément très
fort ce jeune homme. Comme on com-
prend qu'il chemine seul et qu'on ne
lasse pas troupe autour de lui.
Ce n'est pas tout. Il y a la situation
financière : elle aussi, elle a fait un
grand pas.
Quel est ce grand pas ? Ici le prince
devient de plus en plus énigmatique. Il
se borne à dire que personne ne peut
nier le mal parce que tout le monde le
voit.
A quoi Gamelle veut-il faire allusion ?
Est-ce au dépôt régulier du budget qui,
par le fait, nous ramène à une situation
financière normale, dont nous avions
depuis longtemps perdu le souvenir sous
les ministères d'Esprit nouveau chers
au jeune prince ?
Il y a encore Madagascar. Sur ce
point, Gamelle, qui s'y connaît, est par-
ticulièrement sévère. L'expédition, dit-
il, a montré les faiblesses de notre ad-
ministration. Sans doute; nous n'avons
nas attendu sa déclaration pour le cons-
tater ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est que
les faiblesses de cette administration
proviennent de son organisation encore
toute monarchique, à laquelle la Répu-
blique, entravée par la politique de ral-
liement, n'est pas encore parvenue à
substituer une organisation démocra-
tique.
C'est tout. Après s'être exprimé ainsi,
l&gEince s'est trouvé au bout de son
rouleau.
¡ La constitution d'un ministère ra-
rdrcal,qui fait simplement voter des pro-
jets présentés par des ministères non
radicaux; la situation financière, qui a
fait un pas qu'on ne définit pas ; l'expé-
dition de Madagascar, dont les respon-
sabilités ont été sanctionnées par la
chute du cabinet qui l'avait mal conduite,
voilà le marécage auquel il veut arra-
cher la France, à condition, par exem-
ple, de ne pas marcher tout seul.
Telles sont les calembredaines par
lesquelles le chienlit princier a cru de-
voir égayer la foule pour préluder aux
folies de la période carnavalesque.
Et dans un dernier déhanchement, il
ajoute : la monarchie, il n'y a que cela ;
préparez-vous messieurs, et ne me lais-
sez pas seul, comme vous le faites de-
puis trop longtemps, car je commence
à en avoir assez.
Pauvre garçon ! Il aimait trop les as-
perges ; elles ont fini par lui monter à
la tête.
Un bon conseil, puisqu'il n'aime pas
à marcher seul. Nous aurons prochaine-
ment la promenade du bœuf-gras : Ga-
melle pourra s'y montrer avec avan-
tage ; sa place est marquée dans le cor-
tège, il peut s'inscrire dès maintenant.
RAPHAEL PARÉ.
SCANDALE A LA SORBONNE
Grâce à nous ne savons quelles com-
plaisances coupables, un dominicain,
nomme Scheil, a pu s introduire dans l en-
seignement de la Sorbonne.
Sous prétexte de professer la philologie
assyrienne, M. Sc-heil apprendra à ses élè-
ves quelle langue employa l'âne de Ba-
laam dans la conversation mémorable que
cet intelligent quadrupède eut avec son
maître, et leur dira quel fut le dialecte dont
se servit Dieu quand il lava la tête de la
première femme, coupable d'avoir mangé
la pomme du Paradis terrestre.
la C'est le 6 janvier, au matin, que ce sin-
gulier professeur a inauguré son cours,
sous la protection d'élèves du séminaire
de Saint-Sulpice et de membres de la ligue
antimaçonnique, armés de cannes plom-
bées destinées à casser les reins des répu-
blicains qui auraientvoulu protester contre
ce scandale.
De républicains, il n'y en eut point à
cette inauguration, car l'Ecole nationale
des hautes études, comme honteuse du
choix qu'elle avait fait, avait annoncé le
premier cours, pour le sept janvier, par de
petites affiches blanches, collées nuitam-
ment sur les murs de la Sorbonne.
Ainsi voilà le cléricalisme campé en
pleins murs de l'Université. Il a suffi
au dominicain Scheil de montrer sa sou-
tane pour être admis d'emblée à occuper
une chaire d'où l'on a écarté nombre de
postulants laïques qui se présentaient
avec les titres les plus sérieux et les plus
recommandables.
Il est encore temps de réparer cette er-
reur et de rapporter une nomination qui a
causé un véritable scandale dans le monde
savant et dans le quartier des Ecoles.
Il appartient au ministre d'intervenir.
Quant au Conseil municipal, son devoir
est tout tracé. Il doit, si le dominicain
Scheil n'est pas renvoyé à son couvent,
supprimer la subvention de 36,000 francs
qu'il accorde chaque année à l'Ecole des
hautes études.
Ce n'est pas pour permettre à un domi-
nicain de parader dans une chaire et de
fausser l'esprit des jeunes gens que nous
payons des contributions.
La Sorbonne ne doit être ouverte qu'à
des savants sincères, qui ne subordonnent
pas leurs théories scientifiques à de ridi-
cules superstitions religieuses.
Le dominicain Scheil est un intrus, qui
prend la place d'un véritable professeur.
Les moines se sont mis en dehors de la
société ; qu'ils y restent.
M. AI.
SUICIDE DE JACQUES MEYER
On se souvient de Jacques Meyer, le
banquier qui, il y a quelques années, a été
mêlé à de nombreuses et retentissantes
affaires et, extradé de Belgique, avait subi
quinze mois de prison.
On sait également qu'il avait pour maî-
tresse une artiste, Mlle Marguerite
Ugalde.
Après avoir accompli sa peine, il se
lança de nouveau dans les affaires. Il ou-
vrit une maison de banque, 22, rue Saint-
Augustin où il occupait, depuis cinq ans,
au deuxième étage, un appartement de
2.000 francs.
M. Jacques Meyer dont le nom a été très
vivement mêlé à celui d'un ancien ministre
de la justice, s'est suicidé hier à trois
heures quarante-cinq de l'après-midi dans
son domicile.
Il avait passé une partie de la journée à
la Bourse. En sortant, il entra chez son
concierge, prit les lettres et monta à son
appartement. Vingt minutes après, plu-
sieurs personnes étant venues le deman-
der, l'un de ses employés, le jeune Emile
R., âgé de dix-sept ans, est allé frapper à
la porte du logement.
Ne recevant pas de réponse, il entra et
vit étendu dans un petit salon le cadavre
de M. Jacques Meyer au milieu d'une mare
de sing.
il avait à la tempe droite une Diessure
béante et tenait à la main un revolver.
M. Peschard, commissaire de police du
quartier Gaillon. accompagné du docteur
Fanquez, a procédé aux constatations d'u-
sage.
Le magistrat fit prévenir avec toutes les
formes possibles, Mme Meyer mère, 180,
faubourg Saint-Honoré. La pauvre femme
qui, en quelques mois, a perdu sa fille et sa
sœur, a, en apprenant la terrible nouvelle,
été en proie à une effrayante émotion. Sa
douleur était extrême.
M. Peschard a remis à Mme Meyer une
lettre de son fils.
Dans cette lettre, M. Meyer déclarait à
sa mère qu'il s'était tué parce qu'il n'avait
pu faire face à ses affaires.
Tout récemment, il avait fondé une so-
ciété industrielle ayant pour but de placer
dans divers endroits de la capitale des
fontaines réclames. Moyennant dix centi-
mes, on avait un seau d'eau chaude.
M. Peschard a remis également plusieurs
lettres de Jacques Meyer adressées par
celui-ci à, ses amis.
M. Jacques Meyer était âgé de quarante-
quatre ans.
Son suicide se rapporte-t-il aux affaires
Lebaudy? On ne le croit pas.
Toutefois un juge d'instruction a été
commis et aujourd'hui une enquête sera
faite.
Toujours est-il que les scellés ont été
apposés.
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus basse ,
à 8 h. matin. 503 au-dessous de o.
La plus élevée du jour
à 3 h. 20 soir (nÕ au-dessus de o.
Temps probable pour aiiîoiit-diiiii Beau,
peu nuageux, température basse.
Aujourd'hui dimanche, courses à Mar-
seille.
NOS FAVORIS
Prix de Provence : Lydie ou Brigitte.
Prix du Phare : Devisa ou Césarine.
Prix du Prado : Damoclès ou Javelot II.
Prix des Mimosas : Tire Larigot ou
Galimatia.
Dédié aux amateurs de courses de taureaux.
Pendant l'année qui vient de finir il n'a pas
été donné, tant en France qu'en Portugal et
en Espagne, moins de huit cent vingt et une
corridas de toros.
Le nombre des taureaux mis à mort est de
trois mille six cent cinquante-sept et celui des
chevaux éventrés de six mille.
Les matadores qui ont tué le plus de tau-
reaux sont: Guerrita, Bombita, Mazzantiui,
Fuentes et Reverte.
La manie processive n'est pas spéciale à la
Normandie, et certains paysans alsaciens ren-
draient assurément des points aux Normands
les plus retors.
D'après ce qu'on annonce de Schleithal, deux
fermiers de cet endroit se sont disputé, pen-
dant des années, la propriété d'un sentier sé-
parant leurs terres. Le procès leur a coûté, à
chacun, quelques milliers de marks. Il s'est
terminé par un jugement donnant gain de
cause à l'un des fermiers, mais accordant à
l'autre le droit de passage. Ce droit, le gagnant
a voulu le racheter; on a consulté le plan de
la commune, ainsi que le registre cadastral.
Déception pour les deux adversaires ! Le sen-
tier contesté n'appartient ni à l'un ni à l'autre ;
il appartient à la commune.
La fâcheuse manie, qui pousse les conserva-
teurs de nos musées à pourvoir de bras invrai-
semblables et de têtes absurdes les chefs-d'œu-
vre mutilés de la statuaire antique, se propage
de la plus inquiétante façon.
Jusqu'ici elle n'exerçait guère ses ravages
que parmi les archéologues, et les restaura-
tions impies qu'elle leur inspirait demeuraient
enfouies à l'état de projet en des brochures sa-
vantes et sans lecteurs. Mais voici que cette
manie fait un progrès sensible ; elle menace de
se répandre dans le peuple.
Un industriel sans respect vient, en effet,
d'imaginer un objet qu'on peut dénommer : la
lampe Vénus de Milo. L'infortunée déesse s'y
montre avec deux bras, élégamment arrondis
au-dessus de sa tête et qui soutiennent un ré-
cipient où l'on peut mettre de l'huile ou du pé-
trole. Le tout est en bronze. La lampe « Vénus
de Milo » est actuellement exposée aux vitrines
de quelques magasins.
JWWVWt
On ne s'est pas ennuyé, hier matin, à Saint-
Thomas-d'Aquin, où l'on célébrait le sensa-
tionnel mariage de la comtesse Le Roy de
Barde et de l'illustrissime Sar Péladan.
La cérémonie était fixée à onze heures pré-
cises. Mais l'exactitude n'est pas, il faut croire,
la politesse des sars. Les quarts d'heure, les
uns après les autres, tintaient à l'horloge, sans
qu'on vît arriver les futurs, et la forfle devenait
houleuse, impatiente. On frappait des pieds,
on criait comme au théâtre lorsque le rideau
ne se lève pas.
Ce n'est qu'à midi et demi que le cortège
fit son entrée. Le sar avait, pour la circons-
tance, renoncé à son costume d'astrologue ; il
était en habit, comme un marié de village, et
sa coiffure portait les traces d'un récent émon-
dage. V
Mais le plus joli, c'est sans doute le discours
du curé. Au lieu du traditionnel « Monsieur,
madame ! » il a donné du sar à l'époux.
Et la concurrence ?
On sait le bruit qui s'est fait récemment au-
tour de la publication, à Paris, d'un livre con-
tenant un certain nombre de lettres plus ou
moins compromettantes pour des personnages
vivants. Un correspondant de la Tribune de
New-York rapporte à ce propos que le prince
de Galles, pour empêcher toute indiscrétion
future, observe une extrême prudence en ce qui
concerne sa correspondance.
Le prince écrit rarement, si ce n'est à des
amis éprouvés et il prend toutes sortes de
précautions pour qu'aucun écrit de sa main ne
tombe entre des mains étrangères.
C'est ainsi que, parmi le haut personnel de
la maison du prince, il est de règle que qui.
conque en fait partie, désigne un collègue
comme exécuteur testamentaire chargé de dé-
pouiller les papiers, etc. en cas de décès; il va
sans dire que cet exécuteur -a pour mission
de s'assurer au'aucune lettre importante du
prince n'arrive au public sans son consente-
ment.
MOT DE LA FIN
— Alors, l'examen que vous subissez
pour le professorat est très difficile ?
— Je crois bien, on vous interroge sur
la psychologie, le calcul intégral, l'astro-
nomie, la théologie, l'analyse métaphy-
sique, la versification grecque.
— Saperlotte ! Et qu'est-ce que vous
aurez à enseigner ?
— La grammaire élémentaire.
P&sse fartcut.
ENFIN!
Ceux de nos confrères qui piaf-
faient d'impatience en attendant
que les temps prédits par M. Cavaignac
fussent arrivés, vont sans nul doute re-
trouver le calme qui convient aux cons-
ciences tranquilles.
Il faut, paraît-il, que les fenêtres de
la République soient ouvertes ou fer-
mées : eh bien, on vient de les ouvrir
dans les grandes largeurs, les réaction-
naires doivent être dans la joie.
Il eSt vrai que certains de leurs amis
se sont trouvés pincés dans le courant
d'air, et que leur vertu commence à
éternuer ferme.
On plaisantait quelque peu le minis-
tère de ses façons de justicier ; on osait
dire que son rigorisme était un rigo-
risme de carton, et qu'il s'arrangerait
pour étouffer — à l'anglaise — toutes
ces affaires si intéressantes et si mal-
propres.
Or, Arton va débarquer dans la mère-
patrie, et aura la gracieuseté de faire
des confidences de choix au bon juge.
Max Lebaudy, qui avait fait pas mal
parler de lui de son vivant, mène grand
bruit encore après sa mort.
Les excellents confrères, qui récla-
maient dare-dare l'épuration, commen-
cent à être épurés eux-mêmes.
Les sycophantes du papier noirci,
suivant l'expression judicieuse du Fi-
garo, vont coucher dans les bâtiments
de l'Etat.
Pour peu que la série continue, les
mêmes personnages vertueux, par
crainte d'un rhume, demanderont que
l'on ferme les fenêtres et que l'on bar-
ricade les volets de cette maison répu-
blicaine, décidément peu habitable.
C'est égal, il est permis de dire que
le gouvernement fait bien les choses.
J'espère que tout le monde sera con-
tent — jusqu'aux journaux qui ont été
plus spécialement mouchés, ces jours-
ci, et qui ont le droit de s'écrier fière-
ment : Enfin, nous aussi, nous en avons
un à Mazas !
A. M.
MORT Du DÉPUTÉ AVEZ
Le citoyen Avez, député de Levallois, est
mort, hier après-midi, d'une maladie de cœur.
M. Avez, qui sppartenait au groupe allema-
niste, avait été élu, le 3 septembre 1893, au
scrutin de ballottage, par 4,803 voix contre
3,810 accordées à M. Trébois, radical-socialiste.
Le député de Lavallois avait eu à la Cham-
bre une attitude très énergique qui l'avait tout
de suite mis en relief et lui avait valu l'estime
et la sympathie de ses adversaires eux-mêmes.
L'ANGLETERRE ET LE TRMSVÀAL
Berlin, 11 janvier. — La polémique à la-
quelle a donné lieu l'agression de Jameson
paraît à peu près apaisée, mais la question
des rapports du Transvaal avec l'Angle-
terre, soulevée par cet événement, préoc-
cupe toujours vivement le monde politi-
que.
On semble avoir adopté complètement,
dans les sphères officielles, le point de vue
du gouvernement du Transvaal, car on y
envisage la situation de la façon suivante :
La suzeraineté de l'Angleterre, reven-
diquée par les organes anglais, ne peut
exister en vertu du traité actuel, signé en
1884.
Le traité antérieur, signé en 1881, sou-
mettait, en effet, le Transvaal à la suzerai-
neté de la Grande-Bretagne, mais ce traité
fut annulé par celui de 1884, qui ne con-
tient aucune clause dont les Anglais pour-
raient se prévaloir pour imposer à la
République Sud-Africaine une protection
quelconque.
Londres, 11 janvier. — Le Times publie
la dépêche suivante:
Le désarmement de Johannesburg a été
opéré sans incident.
La crise est terminée. La nouvelle cause
un grand soulagement.
Vienne, 11 janvier. — Le Wiener Tage-
blait est d'avis que l'armement annoncé
avant tant de fracas d'une escadre volante
anglaise laissera le monde assez calme et
n'a, sans doute, d'autre but que de pro-
duire de l'effet en Angleterre même, où le
gou~rei,nement veuAt n leterre meine, oùL le
gouvernement veut donner satisfaction à
l'opinion publique surexcitée. Ce qui est
plus sérieux, cest la concentration des
troupes anglaises dans l'Afrique du Sud,
l'Angleterre nourrissant peut-être le pro-
jet de supprimer les républiques de Boers
du Transvaal et de l'Orange.
Londres, 11 janvier. — Le Daily News
rapporte que lord Charles Beresford a
élaboré un plan de défense navale dans
lequel Gibraltar et Malte jouent un grand
rôle.
Lord Beresford profitera d'un voyage à
Constantinople et en Egypte pour visiter
ces deux stations et pour vérifier en même
temps la justesse de ses calculs.
Le Daily Chronicle dit que les prépara-
tifs de la marine ont été très exagérés.
Le Daily News, au contraire, dit que
l'activité dans les arsenaux, au ministere
de la marine et au ministère de la guerre,
va toujours s'accentuant.
Lisbonne, 11 janvier. — Hier, à Lis-
bonne, à la Chambre des pairs, le premier
ministre, M. Hintze-Ribero, tout en décli-
nant une invitation à s'expliquer sur des
affaires « auxquelles (a-t-il dit) le Portugal
doit, en vertu de sa situation spéciale,
rester étranger » a exprimé des senti-
ments de déférence à l'égard du président
Kruger : sur quoi la Chambre a adopté une
résolution déclarant sa satisfaction de voir
la paix maintenue dans l'Afrique méridio-
nale.
Le Cap, 11 janvier. — Les délégués de
l'Etat libre d'Orange envoyés au Transvaal
pour discuter l'éventualité des secours de
l'Etat libre au Transvaal, suivant le traité
de Polchefstroom, ont rapporté au Rand
de Blœmfontein. la découverte de docu-
ments démontrant l'existence d'une vaste
conspiration contre l'indépendance du
Transvaal.
L'agitation dans le Rand et l'incursion
du docteur Jameson formaient une partie
de ce projet.
Sir H. Robinson n'aurait eu aucune con-
naissance de cette affaire.
Londres, 11 janvier. —Le Standard et le
Diqger's News, de Londres, ont reçu de
Johannesburg des informations tendant à
faire croire que la mise en liberté du doc-
teur Jameson dépendrait de l'abrogation
de la convention de Londres.
Berlin, 11 janvier. — La Gazette Natio-
nale dit à ce propos que, d'après un bruit
qui court à Prétoria, le gouvernement de
la République sud-africaine en appellera
probablement aux puissances européennes
si l'Angleterre s'oppose à ses justes re-
vendications.
Londres, 11 janvier. — Dans un article
consacré au Transvaal, la Westminster
Gazette exprime l'avis que M. Cecil Rhodes
ferait bien de s'embarquer immédiatement
pour l'Angleterre, afin de venir expliquer
a la commission d'enquête qui sera nom-
mée et au public anglais la genèse de la
crise récente. La feuille londonienne
ajoute que si l'ancien ministre ne venait
pas de son plein gré, on l'amènerait.
Berlin, 11 janvier. — La plupart des
journaux allemands, annonçant l'arrivée à
Paris du ministre du Transvaal accrédité à
la Haye et à Berlin, le jonkheer Beelaerts
van Blockland, ex-président de la seconde
Chambre des Etats généraux, se disent in-
formés que ce diplomate est chargé de
proposer à la France et à l'Allemagne une
conférènce internationale qui aurait pour
but de proclamer la neutralité du Trans-
vaal.
Berlin, 11 janvier. — La Gazette de Voss
publie une lettre d'un Anglais disant que
les dispositions belliqueuses de la popula-
tion anglaise dépassent les appréciations
des journaux.
Une déclaration de guerre de la part de
l'Allemagne serait accueillie avec enthou-
siasme; car, dit la lettre, l'opinion publique
anglaise réclamerait la destruction d un
empire que la Grande-Bretagne a contribué
à fonder, si satisfaction ne lui était pas
donnée de l'insulte qu'elle a reçue de l'em-
pereur d'Allemagne.
La Gazette de Voss cite cette lettre com.
me un exemple de l'irritation qui existe
contre l'Allemagne.
Johannesburg, 11 janvier. — On assure
que les membres du comité arrêtés seront
jugés par la haute cour,
Plusieurs membres de ce comité ont
pris la fuite.
Le système des passeports est en vi-
gueur partout au Transvaal.
Le Cap, 10 janvier. — La Chambre de
l'Etat Libre d Orange s'est -réunie en ses-
sion extraordinaire, en raison de la crise
du Transvaal.
En l'absence du président de la Répu-
blique qui n'est pas encore nommé, le pré-
sident par intérim a, dans son Message
d'ouverture, exprimé son indignation pour
la légèreté impardonnable, l'arrogance et
la présomption avec lesquelles un fonc-
tionnaire supérieur d'une puissance amie
avait violé en pleine paix le territoire du
Transvaal et risqué ainsi de troubler la
tranquillité du Sud de l'Afrique pendant
plusieurs générations.
Le Message exprime ensuite la satisfac-
tion pour la répudiation de cet acte par
M. Chamberlain et par le commissaire
britannique, ainsi que pour la victoire du
Transvaal.
Le président espère en. terminant que
l'intervention de sir Hercules Robinson
aura pour effet d'amener une solution pa-
cifique et raisonnable.
Bruxelles, 11 janvier. — La Gazette men-
tionne un bruit d'après lequel on prête au
roi des Belges l'intention, durant son sé-
jour à Londres, de servir d'intermédiaire
pour réconcilier la reine d'Angleterre et
l'empereur d'Allemagne.
Londres, 11 janvier. - Une dépêche de
Johannesburg annonce que la ville est
toujoujours calme. Il parait toutefois que
le président Krûger et sir Hercules Ro-
binson n'ont pu encore se mettre d'ac-
cord. En attendant Jameson et ses com-
pagnons sont toujours enfermés à la prison
de Prétoria, et on déclare officiellement
qu'ils seront maintenus prisonniers aussi
longtemps que toutes les craintes de con-
flit et d'agitation n'auront pas disparu à
Johannesburg.
A CARMAUX
Carmaux, 11 janvier. — Les adversaires du
parti socialiste continuent leur campagne de
récriminations et de calomnies. Pendant la
nuit, des affiches imprimées et dont le texte est
d'une violence extrême, ont été apposées sur
les murs de Carmaux. Ces affiches prennent
vivement à parti les citoyens Viviani, Gérault-
Richard et Jaurès, dans le but évident de se-
mer la discorde parmi les socialistes pour le
plus grand profit des Rességuier, des Reille et
des Solages.
Il faut espérer que les habitants de Carmaux
ne se laisseront pas prendre à d'aussi gros-
sières manœuvres.
M. FÉLIX FAURE UWITAL COCHIN
Le président de la République, accompagné
du général Tournier, secrétaire général de la
présidence, et de M. Le Gall, directeur du ca-
binet, a visité hier matin, à neuf heures, l'hô-
pital Cochin.
M. Félix Faure a été reçu à son arrivée à
l'hôpital, Dar MM. Rousselle. président du
Conseil municipal ; Baron, directeur de l'hôpi-
tal; le maire du 148 arrondissement et son pre-
mier adjoint ; les docteurs Brouardel, Bouillv,
Quentin, etc.
Le président s'est rendu tout d'abord dans
la salle des consultations où il a laissé une
somme pour être distribuée aux plus nécessi-
teux des malades. Il a ensuite parcouru les di..
verses salles de l'hôpital et a terminé sa visite
par 1 amphithéâtre, où tout le personnel était
réuni.
M. Félix Faure a remercié les médecins et
leurs aides de leur dévouement aux malades.
A vant de se retirer, le président a làissé une
certaine somme pour être employée, partie à
1 amélioration de l'ordinaire et partie à la cons-
titution d'un fonds de secours, afin de venir en
aide aux plus malheureux des malades, à leur
sortie de l'hôpital.
-Mo
LA TERREUR DES MARGUILLERS
La sage mesure qui consiste à sou.
mettre les comptes des fabriques aux
..,.. -.
règles generales de la comptabilité publi.
que jette le. clergé dans un véritabœ dé-
sarroi.
Il faut, en vérité, que ces comptes soient
bien embrouillés et bien louches pour que
ceux qui en ont la gestion éprouvent une
telle crainte à la seule idée que des ins-
pecteurs pourront mettre le nez dans leurs
livres.
M. de Cabrières, lui-même, nous ap-
prend, en gémissant, qu'il se produit, dans
le monde des fabriques, un véritable mou-
vement de terreur et de désertion.
Raison de plus pour appliquer rapide-
ment la loi. Quand des comptables trem-
blent et désertent, c'est le signe indubita.
ble que leur caisse est en bien mauvais
état.
L'AFFAIRE LEBAUDY
Un espion allemand. — M. Rosenthal.
— Le « Figaro » et son collabora-
teur. — Les interrogatoires. —
1 Arrestations imminentes.
Dés les premiers jours, nous avons dit
que l'instruction ouverte sur les chantages
dont a été victime Max Lebaudy serait
fertile en surprises, et en scandales.
Nous ne nous étions pas trompés en di-
sant qu'il y avait de tout dans l'efiroyable
bande qui s'était abattue sur la fortune du
jeune soldat.
Depuis l'arrestation de M. Rosenthal, dit
Jacques Saint-Cère, on commence à voir
un peu clair.
Le Figaro est une tribune réputée redou.
table, aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce
que M. Saint-Cère, se servant du titre de
collaborateur à ce journal, ait pu pratiquer
un véritable chantage sur un jeune homme
abruti par le jeu et distrait par les femmes.
Quel homme étrange que Rosenthal ! et
comme il savait jouer de sa situation pour
exploiter les naïfs.
Ce n'était pas, paraît-il, seulement un
maître-chanteur, c'était également un
agent de l'Allemagne.
Dernièrement un de nos ministres di-
sait en parlant de lui et de sa femme, qui
alla , t fr~e le Bismarck.
allait fréquemment à Berlin, chez le comte
Herbert de Bismarck.
« Je ne comprends pas qu'un journal
comme le Figaro fasse faire sa a politique
étrangère » par un homme aussi compro-
mettant que M. Rosenthal. »
Une autre personne dit un jour à ce mê-
me sujet :
«(C'est une maison charmante et vraiment
agréable que celle de Saint-Cère: la mai-
son y respire un air étranger, le casque à
pointe perce les tapisseries. »
C'était, en effet, une maison vraiment
agréable, Des hôtes intelligents et char-
meurs, un confort princier, une table splen-
dide, et avec cela une compagnie select
triée sur le volet. De nombreux artistes - -
tous des étoiles — passèrent par le salon
de larue Auber, de jeunes journalistes,
des hommes de lettres avides de se faire
connaître, allaient ainsi que des insectes
— mouches ou moustiques — se brûler à
la lumière de ce soleil aujourd'hui éteint.
Ils chantaient ses louanges, admiraient
ses articles, l'encensaient, le flattaient,
espérant qu'un jour cet admirable rasta-
quouère leur jetterait en pâture quelques
miettes de son fastueux banquet. Il les
utilisa tous, non pour leur trouver une
situation, mais pour lui procurer toutes
sortes de renseignements et recueillir les
documents qui devaient lui servir pour ses
articles du Figaro et ses correspondances
au New-York-IJerald.
Il recevaif également de nombreux offi-
ciers. Un pauvre diable de capitaine du
ministère de la guerre faillit même laisser
son honneur dans ce salon étrange pour
avoir gracieusement offert à la maîtresse
de la maison, l'hommage de quelques des-
sins représentant les forts des environs de
Paris.
Le ministre fut informé et n'eut rien de
plus pressé que d'envoyer dans une petite
ville de province l'officier qui faisait pas-
ser la galanterie avant son devoir.
Une espionne
Quelle est donc cette femme qui eut tant
de pouvoir et qui par son charme était
parvenue àdeveuir une nouvelle Lucy de
KauHa qui,: on s'en souvient, avait su pren-
dre dans ses filets le général de Cissey, mi-
nistre de la guerré, lequel n'avait plus de
secrets pour sa suggestive maîtresse V
Mme Saint-Cère n'est plus à Paris ; elle
a quitté la ca^tale il y a trois jours, sous
le prétexte d'allersoigner une des ses filles
malade en Allemagne, mais surtout pour
ne pas tomber entré- les mains de la jus-
tice française et se mettre à l'abri chez ses
véritables protecteurs : les Allemands.
Une vie d'aventures
Né à Paris, de parents allemands, Ar-
mand Roscnthal opta pour la nationalité
française. Après de médiocres études, il
s'engagea en 1873 ou 1874, dans un régi-
ment d'infanterie en garnison à Rouen. De
cette époque, on se rappelle une représen-
tation organisée par lui au théâtre des
Arts pour des inondés, représentation à
laquelle Mme Judic prêta son concours, et
un duel avec M. Pierre Decourcelle, où le
futur Jacques Saint-Cère fut blessé.
Rentré à Paris et muni d'un conseil judi-
ciaire. il y mena la vie d'un oisif riche et
fit la tète en compagnie d'une demi-mon-
daine, sœur naturelle du vicomte de Ci-
vry. A propos d'une paire de chevaux of-
ferts à Mlle Julia Baron et qu'il négligea
de payer, il prit contact avec la justice
Forcé de s'expatrier devant les menaces
Pour tout ce qui concerne VAdministration, s'adresser au
Directeur-Administrateur : E. MAYER
ABONNEMENTS
PARIS, SEINE ET SEHiE-ET-OISE
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN .:. 18 FR.
20e ANNÉE — NUMÉRO 6840 24 NIVÔSE — AN 104
LUNDI 13 JANVIER - 1896 - LUNDI 13 JANVIER
Le Numéro : 5 Centimes
PARIS ET DÉPARTEMENTS -- -.
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
Rédacteur en Chef : A. MADJAN
Les articles non insérés ne sont pas rendus
Rédaction et Administration, 18, rue Richop
EN CARNAVAL
Nous sommes bien évidemment en
carnaval. L'Opéra inaugurait hier là
série de ses bals masqués et, indice
encore plus caractéristique, le jeune
Gamelle faisait une déclaration au peu-
ple français.
Qui pourrait nier, à ces signes déci-
sifs, que la période carnavalesque ne
J soit ouverte ?
: Pas fière d'ailleurs la déclaration du
jeune Gamelle. Elle s'est produite par
voie d'interview, sous la forme d'inter-
rogatoire, par demandes et réponses.
C'est un ami du prince qui, au mo-
ment de rentrer en France, lui aurait
demandé ce qu'il devait dire aux mo-
narchistes, et qui a envoyé à l'un des
rares journaux du parti, avec prière
d'en soigner la reproduction, le texte
des questions posées et des réponses
du prétendant.
Passons-les brièvement en revue les
Unes et les autres.
A cette question, que doivent faire les
amis de Gamelle, celui-ci aurait ré-
pondu entre deux asperges : ils doivent
se préparer.
Se préparer à quoi ? A le voir se pla-
cer à leur tête « pour se porter là où la
France aura besoin de lui. »
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Le Soleil lui-même, qui s'extasie sur
cette déclaration, et qui tente de l'ex-
pliquer, ne parvient qu'imparfaitement
à démêler ce que Gamelle a entendu
dire par ces paroles énigmatiques.
D'après l'organe princier, il paraî-
trait que le pays est dans un maré-
cage et que le duc d'Orléans est prêt à
l'en arracher. Seulement, ajoute avec
une judicieuse naïveté ce journal, le
prince « ne veut pas marcher seul ». Il
voudrait que ses amis se préparent à,
marcher avec lui.
Pour un homme, pour un jeune hom-
me ayant de si hautes visées et ne pré-
tendant à rien de moins qu'à tirer son
pays d'un marécage, l'aveu est singu-
lier. Il est seul, ce pauvre garçon, à
songer pour le moment à cette entre-
prise; tout seul, c'est lui-même qui le
dit, absolument seul en présence de ce
marécage.
- Et ses amis, où sont-ils ? Dans le ma-
récage sans doute, où ils sont eux-
mêmes tellement enfoncés qu'ils n'en
ont pas conscience puisque Gamelle
doit les adjurer de se préparer à en sor-
tir.
Allons, messieurs, quels sont ceux
d'entre vous qui veulent sortir du ma-
récage ? Etes-vous prêts ? Surtout ne
parlez pas tous à la fois.
Mais au fait, où est donc ce marécage ?
En quoi consiste-t-il?
Dans les difficultés de la situation,
jugées tellement graves par le jeune
Gamelle qu'il considère que lui seul est
capable de les résoudre.
Ces difficultés sont évidentes. Elles
proviennent d'abord de la constitution
du cabinet Bourgeois. Ce cabinet est un
pas vers le radicalisme.
La raison qu'en donne l'aimable Ga-
melle vaut son pesant d'or. Ce cabinet,
dit-il sérieusement, est radical parce
qu'il a fait voter des projets de loi pré-
sentés par les précédents cabinets, les-
quels n'étaient pas radicaux.
Quel génie! Il est décidément très
fort ce jeune homme. Comme on com-
prend qu'il chemine seul et qu'on ne
lasse pas troupe autour de lui.
Ce n'est pas tout. Il y a la situation
financière : elle aussi, elle a fait un
grand pas.
Quel est ce grand pas ? Ici le prince
devient de plus en plus énigmatique. Il
se borne à dire que personne ne peut
nier le mal parce que tout le monde le
voit.
A quoi Gamelle veut-il faire allusion ?
Est-ce au dépôt régulier du budget qui,
par le fait, nous ramène à une situation
financière normale, dont nous avions
depuis longtemps perdu le souvenir sous
les ministères d'Esprit nouveau chers
au jeune prince ?
Il y a encore Madagascar. Sur ce
point, Gamelle, qui s'y connaît, est par-
ticulièrement sévère. L'expédition, dit-
il, a montré les faiblesses de notre ad-
ministration. Sans doute; nous n'avons
nas attendu sa déclaration pour le cons-
tater ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est que
les faiblesses de cette administration
proviennent de son organisation encore
toute monarchique, à laquelle la Répu-
blique, entravée par la politique de ral-
liement, n'est pas encore parvenue à
substituer une organisation démocra-
tique.
C'est tout. Après s'être exprimé ainsi,
l&gEince s'est trouvé au bout de son
rouleau.
¡ La constitution d'un ministère ra-
rdrcal,qui fait simplement voter des pro-
jets présentés par des ministères non
radicaux; la situation financière, qui a
fait un pas qu'on ne définit pas ; l'expé-
dition de Madagascar, dont les respon-
sabilités ont été sanctionnées par la
chute du cabinet qui l'avait mal conduite,
voilà le marécage auquel il veut arra-
cher la France, à condition, par exem-
ple, de ne pas marcher tout seul.
Telles sont les calembredaines par
lesquelles le chienlit princier a cru de-
voir égayer la foule pour préluder aux
folies de la période carnavalesque.
Et dans un dernier déhanchement, il
ajoute : la monarchie, il n'y a que cela ;
préparez-vous messieurs, et ne me lais-
sez pas seul, comme vous le faites de-
puis trop longtemps, car je commence
à en avoir assez.
Pauvre garçon ! Il aimait trop les as-
perges ; elles ont fini par lui monter à
la tête.
Un bon conseil, puisqu'il n'aime pas
à marcher seul. Nous aurons prochaine-
ment la promenade du bœuf-gras : Ga-
melle pourra s'y montrer avec avan-
tage ; sa place est marquée dans le cor-
tège, il peut s'inscrire dès maintenant.
RAPHAEL PARÉ.
SCANDALE A LA SORBONNE
Grâce à nous ne savons quelles com-
plaisances coupables, un dominicain,
nomme Scheil, a pu s introduire dans l en-
seignement de la Sorbonne.
Sous prétexte de professer la philologie
assyrienne, M. Sc-heil apprendra à ses élè-
ves quelle langue employa l'âne de Ba-
laam dans la conversation mémorable que
cet intelligent quadrupède eut avec son
maître, et leur dira quel fut le dialecte dont
se servit Dieu quand il lava la tête de la
première femme, coupable d'avoir mangé
la pomme du Paradis terrestre.
la C'est le 6 janvier, au matin, que ce sin-
gulier professeur a inauguré son cours,
sous la protection d'élèves du séminaire
de Saint-Sulpice et de membres de la ligue
antimaçonnique, armés de cannes plom-
bées destinées à casser les reins des répu-
blicains qui auraientvoulu protester contre
ce scandale.
De républicains, il n'y en eut point à
cette inauguration, car l'Ecole nationale
des hautes études, comme honteuse du
choix qu'elle avait fait, avait annoncé le
premier cours, pour le sept janvier, par de
petites affiches blanches, collées nuitam-
ment sur les murs de la Sorbonne.
Ainsi voilà le cléricalisme campé en
pleins murs de l'Université. Il a suffi
au dominicain Scheil de montrer sa sou-
tane pour être admis d'emblée à occuper
une chaire d'où l'on a écarté nombre de
postulants laïques qui se présentaient
avec les titres les plus sérieux et les plus
recommandables.
Il est encore temps de réparer cette er-
reur et de rapporter une nomination qui a
causé un véritable scandale dans le monde
savant et dans le quartier des Ecoles.
Il appartient au ministre d'intervenir.
Quant au Conseil municipal, son devoir
est tout tracé. Il doit, si le dominicain
Scheil n'est pas renvoyé à son couvent,
supprimer la subvention de 36,000 francs
qu'il accorde chaque année à l'Ecole des
hautes études.
Ce n'est pas pour permettre à un domi-
nicain de parader dans une chaire et de
fausser l'esprit des jeunes gens que nous
payons des contributions.
La Sorbonne ne doit être ouverte qu'à
des savants sincères, qui ne subordonnent
pas leurs théories scientifiques à de ridi-
cules superstitions religieuses.
Le dominicain Scheil est un intrus, qui
prend la place d'un véritable professeur.
Les moines se sont mis en dehors de la
société ; qu'ils y restent.
M. AI.
SUICIDE DE JACQUES MEYER
On se souvient de Jacques Meyer, le
banquier qui, il y a quelques années, a été
mêlé à de nombreuses et retentissantes
affaires et, extradé de Belgique, avait subi
quinze mois de prison.
On sait également qu'il avait pour maî-
tresse une artiste, Mlle Marguerite
Ugalde.
Après avoir accompli sa peine, il se
lança de nouveau dans les affaires. Il ou-
vrit une maison de banque, 22, rue Saint-
Augustin où il occupait, depuis cinq ans,
au deuxième étage, un appartement de
2.000 francs.
M. Jacques Meyer dont le nom a été très
vivement mêlé à celui d'un ancien ministre
de la justice, s'est suicidé hier à trois
heures quarante-cinq de l'après-midi dans
son domicile.
Il avait passé une partie de la journée à
la Bourse. En sortant, il entra chez son
concierge, prit les lettres et monta à son
appartement. Vingt minutes après, plu-
sieurs personnes étant venues le deman-
der, l'un de ses employés, le jeune Emile
R., âgé de dix-sept ans, est allé frapper à
la porte du logement.
Ne recevant pas de réponse, il entra et
vit étendu dans un petit salon le cadavre
de M. Jacques Meyer au milieu d'une mare
de sing.
il avait à la tempe droite une Diessure
béante et tenait à la main un revolver.
M. Peschard, commissaire de police du
quartier Gaillon. accompagné du docteur
Fanquez, a procédé aux constatations d'u-
sage.
Le magistrat fit prévenir avec toutes les
formes possibles, Mme Meyer mère, 180,
faubourg Saint-Honoré. La pauvre femme
qui, en quelques mois, a perdu sa fille et sa
sœur, a, en apprenant la terrible nouvelle,
été en proie à une effrayante émotion. Sa
douleur était extrême.
M. Peschard a remis à Mme Meyer une
lettre de son fils.
Dans cette lettre, M. Meyer déclarait à
sa mère qu'il s'était tué parce qu'il n'avait
pu faire face à ses affaires.
Tout récemment, il avait fondé une so-
ciété industrielle ayant pour but de placer
dans divers endroits de la capitale des
fontaines réclames. Moyennant dix centi-
mes, on avait un seau d'eau chaude.
M. Peschard a remis également plusieurs
lettres de Jacques Meyer adressées par
celui-ci à, ses amis.
M. Jacques Meyer était âgé de quarante-
quatre ans.
Son suicide se rapporte-t-il aux affaires
Lebaudy? On ne le croit pas.
Toutefois un juge d'instruction a été
commis et aujourd'hui une enquête sera
faite.
Toujours est-il que les scellés ont été
apposés.
ÉCHOS
Observations météorologiques :
Température la plus basse ,
à 8 h. matin. 503 au-dessous de o.
La plus élevée du jour
à 3 h. 20 soir (nÕ au-dessus de o.
Temps probable pour aiiîoiit-diiiii Beau,
peu nuageux, température basse.
Aujourd'hui dimanche, courses à Mar-
seille.
NOS FAVORIS
Prix de Provence : Lydie ou Brigitte.
Prix du Phare : Devisa ou Césarine.
Prix du Prado : Damoclès ou Javelot II.
Prix des Mimosas : Tire Larigot ou
Galimatia.
Dédié aux amateurs de courses de taureaux.
Pendant l'année qui vient de finir il n'a pas
été donné, tant en France qu'en Portugal et
en Espagne, moins de huit cent vingt et une
corridas de toros.
Le nombre des taureaux mis à mort est de
trois mille six cent cinquante-sept et celui des
chevaux éventrés de six mille.
Les matadores qui ont tué le plus de tau-
reaux sont: Guerrita, Bombita, Mazzantiui,
Fuentes et Reverte.
La manie processive n'est pas spéciale à la
Normandie, et certains paysans alsaciens ren-
draient assurément des points aux Normands
les plus retors.
D'après ce qu'on annonce de Schleithal, deux
fermiers de cet endroit se sont disputé, pen-
dant des années, la propriété d'un sentier sé-
parant leurs terres. Le procès leur a coûté, à
chacun, quelques milliers de marks. Il s'est
terminé par un jugement donnant gain de
cause à l'un des fermiers, mais accordant à
l'autre le droit de passage. Ce droit, le gagnant
a voulu le racheter; on a consulté le plan de
la commune, ainsi que le registre cadastral.
Déception pour les deux adversaires ! Le sen-
tier contesté n'appartient ni à l'un ni à l'autre ;
il appartient à la commune.
La fâcheuse manie, qui pousse les conserva-
teurs de nos musées à pourvoir de bras invrai-
semblables et de têtes absurdes les chefs-d'œu-
vre mutilés de la statuaire antique, se propage
de la plus inquiétante façon.
Jusqu'ici elle n'exerçait guère ses ravages
que parmi les archéologues, et les restaura-
tions impies qu'elle leur inspirait demeuraient
enfouies à l'état de projet en des brochures sa-
vantes et sans lecteurs. Mais voici que cette
manie fait un progrès sensible ; elle menace de
se répandre dans le peuple.
Un industriel sans respect vient, en effet,
d'imaginer un objet qu'on peut dénommer : la
lampe Vénus de Milo. L'infortunée déesse s'y
montre avec deux bras, élégamment arrondis
au-dessus de sa tête et qui soutiennent un ré-
cipient où l'on peut mettre de l'huile ou du pé-
trole. Le tout est en bronze. La lampe « Vénus
de Milo » est actuellement exposée aux vitrines
de quelques magasins.
JWWVWt
On ne s'est pas ennuyé, hier matin, à Saint-
Thomas-d'Aquin, où l'on célébrait le sensa-
tionnel mariage de la comtesse Le Roy de
Barde et de l'illustrissime Sar Péladan.
La cérémonie était fixée à onze heures pré-
cises. Mais l'exactitude n'est pas, il faut croire,
la politesse des sars. Les quarts d'heure, les
uns après les autres, tintaient à l'horloge, sans
qu'on vît arriver les futurs, et la forfle devenait
houleuse, impatiente. On frappait des pieds,
on criait comme au théâtre lorsque le rideau
ne se lève pas.
Ce n'est qu'à midi et demi que le cortège
fit son entrée. Le sar avait, pour la circons-
tance, renoncé à son costume d'astrologue ; il
était en habit, comme un marié de village, et
sa coiffure portait les traces d'un récent émon-
dage. V
Mais le plus joli, c'est sans doute le discours
du curé. Au lieu du traditionnel « Monsieur,
madame ! » il a donné du sar à l'époux.
Et la concurrence ?
On sait le bruit qui s'est fait récemment au-
tour de la publication, à Paris, d'un livre con-
tenant un certain nombre de lettres plus ou
moins compromettantes pour des personnages
vivants. Un correspondant de la Tribune de
New-York rapporte à ce propos que le prince
de Galles, pour empêcher toute indiscrétion
future, observe une extrême prudence en ce qui
concerne sa correspondance.
Le prince écrit rarement, si ce n'est à des
amis éprouvés et il prend toutes sortes de
précautions pour qu'aucun écrit de sa main ne
tombe entre des mains étrangères.
C'est ainsi que, parmi le haut personnel de
la maison du prince, il est de règle que qui.
conque en fait partie, désigne un collègue
comme exécuteur testamentaire chargé de dé-
pouiller les papiers, etc. en cas de décès; il va
sans dire que cet exécuteur -a pour mission
de s'assurer au'aucune lettre importante du
prince n'arrive au public sans son consente-
ment.
MOT DE LA FIN
— Alors, l'examen que vous subissez
pour le professorat est très difficile ?
— Je crois bien, on vous interroge sur
la psychologie, le calcul intégral, l'astro-
nomie, la théologie, l'analyse métaphy-
sique, la versification grecque.
— Saperlotte ! Et qu'est-ce que vous
aurez à enseigner ?
— La grammaire élémentaire.
P&sse fartcut.
ENFIN!
Ceux de nos confrères qui piaf-
faient d'impatience en attendant
que les temps prédits par M. Cavaignac
fussent arrivés, vont sans nul doute re-
trouver le calme qui convient aux cons-
ciences tranquilles.
Il faut, paraît-il, que les fenêtres de
la République soient ouvertes ou fer-
mées : eh bien, on vient de les ouvrir
dans les grandes largeurs, les réaction-
naires doivent être dans la joie.
Il eSt vrai que certains de leurs amis
se sont trouvés pincés dans le courant
d'air, et que leur vertu commence à
éternuer ferme.
On plaisantait quelque peu le minis-
tère de ses façons de justicier ; on osait
dire que son rigorisme était un rigo-
risme de carton, et qu'il s'arrangerait
pour étouffer — à l'anglaise — toutes
ces affaires si intéressantes et si mal-
propres.
Or, Arton va débarquer dans la mère-
patrie, et aura la gracieuseté de faire
des confidences de choix au bon juge.
Max Lebaudy, qui avait fait pas mal
parler de lui de son vivant, mène grand
bruit encore après sa mort.
Les excellents confrères, qui récla-
maient dare-dare l'épuration, commen-
cent à être épurés eux-mêmes.
Les sycophantes du papier noirci,
suivant l'expression judicieuse du Fi-
garo, vont coucher dans les bâtiments
de l'Etat.
Pour peu que la série continue, les
mêmes personnages vertueux, par
crainte d'un rhume, demanderont que
l'on ferme les fenêtres et que l'on bar-
ricade les volets de cette maison répu-
blicaine, décidément peu habitable.
C'est égal, il est permis de dire que
le gouvernement fait bien les choses.
J'espère que tout le monde sera con-
tent — jusqu'aux journaux qui ont été
plus spécialement mouchés, ces jours-
ci, et qui ont le droit de s'écrier fière-
ment : Enfin, nous aussi, nous en avons
un à Mazas !
A. M.
MORT Du DÉPUTÉ AVEZ
Le citoyen Avez, député de Levallois, est
mort, hier après-midi, d'une maladie de cœur.
M. Avez, qui sppartenait au groupe allema-
niste, avait été élu, le 3 septembre 1893, au
scrutin de ballottage, par 4,803 voix contre
3,810 accordées à M. Trébois, radical-socialiste.
Le député de Lavallois avait eu à la Cham-
bre une attitude très énergique qui l'avait tout
de suite mis en relief et lui avait valu l'estime
et la sympathie de ses adversaires eux-mêmes.
L'ANGLETERRE ET LE TRMSVÀAL
Berlin, 11 janvier. — La polémique à la-
quelle a donné lieu l'agression de Jameson
paraît à peu près apaisée, mais la question
des rapports du Transvaal avec l'Angle-
terre, soulevée par cet événement, préoc-
cupe toujours vivement le monde politi-
que.
On semble avoir adopté complètement,
dans les sphères officielles, le point de vue
du gouvernement du Transvaal, car on y
envisage la situation de la façon suivante :
La suzeraineté de l'Angleterre, reven-
diquée par les organes anglais, ne peut
exister en vertu du traité actuel, signé en
1884.
Le traité antérieur, signé en 1881, sou-
mettait, en effet, le Transvaal à la suzerai-
neté de la Grande-Bretagne, mais ce traité
fut annulé par celui de 1884, qui ne con-
tient aucune clause dont les Anglais pour-
raient se prévaloir pour imposer à la
République Sud-Africaine une protection
quelconque.
Londres, 11 janvier. — Le Times publie
la dépêche suivante:
Le désarmement de Johannesburg a été
opéré sans incident.
La crise est terminée. La nouvelle cause
un grand soulagement.
Vienne, 11 janvier. — Le Wiener Tage-
blait est d'avis que l'armement annoncé
avant tant de fracas d'une escadre volante
anglaise laissera le monde assez calme et
n'a, sans doute, d'autre but que de pro-
duire de l'effet en Angleterre même, où le
gou~rei,nement veuAt n leterre meine, oùL le
gouvernement veut donner satisfaction à
l'opinion publique surexcitée. Ce qui est
plus sérieux, cest la concentration des
troupes anglaises dans l'Afrique du Sud,
l'Angleterre nourrissant peut-être le pro-
jet de supprimer les républiques de Boers
du Transvaal et de l'Orange.
Londres, 11 janvier. — Le Daily News
rapporte que lord Charles Beresford a
élaboré un plan de défense navale dans
lequel Gibraltar et Malte jouent un grand
rôle.
Lord Beresford profitera d'un voyage à
Constantinople et en Egypte pour visiter
ces deux stations et pour vérifier en même
temps la justesse de ses calculs.
Le Daily Chronicle dit que les prépara-
tifs de la marine ont été très exagérés.
Le Daily News, au contraire, dit que
l'activité dans les arsenaux, au ministere
de la marine et au ministère de la guerre,
va toujours s'accentuant.
Lisbonne, 11 janvier. — Hier, à Lis-
bonne, à la Chambre des pairs, le premier
ministre, M. Hintze-Ribero, tout en décli-
nant une invitation à s'expliquer sur des
affaires « auxquelles (a-t-il dit) le Portugal
doit, en vertu de sa situation spéciale,
rester étranger » a exprimé des senti-
ments de déférence à l'égard du président
Kruger : sur quoi la Chambre a adopté une
résolution déclarant sa satisfaction de voir
la paix maintenue dans l'Afrique méridio-
nale.
Le Cap, 11 janvier. — Les délégués de
l'Etat libre d'Orange envoyés au Transvaal
pour discuter l'éventualité des secours de
l'Etat libre au Transvaal, suivant le traité
de Polchefstroom, ont rapporté au Rand
de Blœmfontein. la découverte de docu-
ments démontrant l'existence d'une vaste
conspiration contre l'indépendance du
Transvaal.
L'agitation dans le Rand et l'incursion
du docteur Jameson formaient une partie
de ce projet.
Sir H. Robinson n'aurait eu aucune con-
naissance de cette affaire.
Londres, 11 janvier. —Le Standard et le
Diqger's News, de Londres, ont reçu de
Johannesburg des informations tendant à
faire croire que la mise en liberté du doc-
teur Jameson dépendrait de l'abrogation
de la convention de Londres.
Berlin, 11 janvier. — La Gazette Natio-
nale dit à ce propos que, d'après un bruit
qui court à Prétoria, le gouvernement de
la République sud-africaine en appellera
probablement aux puissances européennes
si l'Angleterre s'oppose à ses justes re-
vendications.
Londres, 11 janvier. — Dans un article
consacré au Transvaal, la Westminster
Gazette exprime l'avis que M. Cecil Rhodes
ferait bien de s'embarquer immédiatement
pour l'Angleterre, afin de venir expliquer
a la commission d'enquête qui sera nom-
mée et au public anglais la genèse de la
crise récente. La feuille londonienne
ajoute que si l'ancien ministre ne venait
pas de son plein gré, on l'amènerait.
Berlin, 11 janvier. — La plupart des
journaux allemands, annonçant l'arrivée à
Paris du ministre du Transvaal accrédité à
la Haye et à Berlin, le jonkheer Beelaerts
van Blockland, ex-président de la seconde
Chambre des Etats généraux, se disent in-
formés que ce diplomate est chargé de
proposer à la France et à l'Allemagne une
conférènce internationale qui aurait pour
but de proclamer la neutralité du Trans-
vaal.
Berlin, 11 janvier. — La Gazette de Voss
publie une lettre d'un Anglais disant que
les dispositions belliqueuses de la popula-
tion anglaise dépassent les appréciations
des journaux.
Une déclaration de guerre de la part de
l'Allemagne serait accueillie avec enthou-
siasme; car, dit la lettre, l'opinion publique
anglaise réclamerait la destruction d un
empire que la Grande-Bretagne a contribué
à fonder, si satisfaction ne lui était pas
donnée de l'insulte qu'elle a reçue de l'em-
pereur d'Allemagne.
La Gazette de Voss cite cette lettre com.
me un exemple de l'irritation qui existe
contre l'Allemagne.
Johannesburg, 11 janvier. — On assure
que les membres du comité arrêtés seront
jugés par la haute cour,
Plusieurs membres de ce comité ont
pris la fuite.
Le système des passeports est en vi-
gueur partout au Transvaal.
Le Cap, 10 janvier. — La Chambre de
l'Etat Libre d Orange s'est -réunie en ses-
sion extraordinaire, en raison de la crise
du Transvaal.
En l'absence du président de la Répu-
blique qui n'est pas encore nommé, le pré-
sident par intérim a, dans son Message
d'ouverture, exprimé son indignation pour
la légèreté impardonnable, l'arrogance et
la présomption avec lesquelles un fonc-
tionnaire supérieur d'une puissance amie
avait violé en pleine paix le territoire du
Transvaal et risqué ainsi de troubler la
tranquillité du Sud de l'Afrique pendant
plusieurs générations.
Le Message exprime ensuite la satisfac-
tion pour la répudiation de cet acte par
M. Chamberlain et par le commissaire
britannique, ainsi que pour la victoire du
Transvaal.
Le président espère en. terminant que
l'intervention de sir Hercules Robinson
aura pour effet d'amener une solution pa-
cifique et raisonnable.
Bruxelles, 11 janvier. — La Gazette men-
tionne un bruit d'après lequel on prête au
roi des Belges l'intention, durant son sé-
jour à Londres, de servir d'intermédiaire
pour réconcilier la reine d'Angleterre et
l'empereur d'Allemagne.
Londres, 11 janvier. - Une dépêche de
Johannesburg annonce que la ville est
toujoujours calme. Il parait toutefois que
le président Krûger et sir Hercules Ro-
binson n'ont pu encore se mettre d'ac-
cord. En attendant Jameson et ses com-
pagnons sont toujours enfermés à la prison
de Prétoria, et on déclare officiellement
qu'ils seront maintenus prisonniers aussi
longtemps que toutes les craintes de con-
flit et d'agitation n'auront pas disparu à
Johannesburg.
A CARMAUX
Carmaux, 11 janvier. — Les adversaires du
parti socialiste continuent leur campagne de
récriminations et de calomnies. Pendant la
nuit, des affiches imprimées et dont le texte est
d'une violence extrême, ont été apposées sur
les murs de Carmaux. Ces affiches prennent
vivement à parti les citoyens Viviani, Gérault-
Richard et Jaurès, dans le but évident de se-
mer la discorde parmi les socialistes pour le
plus grand profit des Rességuier, des Reille et
des Solages.
Il faut espérer que les habitants de Carmaux
ne se laisseront pas prendre à d'aussi gros-
sières manœuvres.
M. FÉLIX FAURE UWITAL COCHIN
Le président de la République, accompagné
du général Tournier, secrétaire général de la
présidence, et de M. Le Gall, directeur du ca-
binet, a visité hier matin, à neuf heures, l'hô-
pital Cochin.
M. Félix Faure a été reçu à son arrivée à
l'hôpital, Dar MM. Rousselle. président du
Conseil municipal ; Baron, directeur de l'hôpi-
tal; le maire du 148 arrondissement et son pre-
mier adjoint ; les docteurs Brouardel, Bouillv,
Quentin, etc.
Le président s'est rendu tout d'abord dans
la salle des consultations où il a laissé une
somme pour être distribuée aux plus nécessi-
teux des malades. Il a ensuite parcouru les di..
verses salles de l'hôpital et a terminé sa visite
par 1 amphithéâtre, où tout le personnel était
réuni.
M. Félix Faure a remercié les médecins et
leurs aides de leur dévouement aux malades.
A vant de se retirer, le président a làissé une
certaine somme pour être employée, partie à
1 amélioration de l'ordinaire et partie à la cons-
titution d'un fonds de secours, afin de venir en
aide aux plus malheureux des malades, à leur
sortie de l'hôpital.
-Mo
LA TERREUR DES MARGUILLERS
La sage mesure qui consiste à sou.
mettre les comptes des fabriques aux
..,.. -.
règles generales de la comptabilité publi.
que jette le. clergé dans un véritabœ dé-
sarroi.
Il faut, en vérité, que ces comptes soient
bien embrouillés et bien louches pour que
ceux qui en ont la gestion éprouvent une
telle crainte à la seule idée que des ins-
pecteurs pourront mettre le nez dans leurs
livres.
M. de Cabrières, lui-même, nous ap-
prend, en gémissant, qu'il se produit, dans
le monde des fabriques, un véritable mou-
vement de terreur et de désertion.
Raison de plus pour appliquer rapide-
ment la loi. Quand des comptables trem-
blent et désertent, c'est le signe indubita.
ble que leur caisse est en bien mauvais
état.
L'AFFAIRE LEBAUDY
Un espion allemand. — M. Rosenthal.
— Le « Figaro » et son collabora-
teur. — Les interrogatoires. —
1 Arrestations imminentes.
Dés les premiers jours, nous avons dit
que l'instruction ouverte sur les chantages
dont a été victime Max Lebaudy serait
fertile en surprises, et en scandales.
Nous ne nous étions pas trompés en di-
sant qu'il y avait de tout dans l'efiroyable
bande qui s'était abattue sur la fortune du
jeune soldat.
Depuis l'arrestation de M. Rosenthal, dit
Jacques Saint-Cère, on commence à voir
un peu clair.
Le Figaro est une tribune réputée redou.
table, aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce
que M. Saint-Cère, se servant du titre de
collaborateur à ce journal, ait pu pratiquer
un véritable chantage sur un jeune homme
abruti par le jeu et distrait par les femmes.
Quel homme étrange que Rosenthal ! et
comme il savait jouer de sa situation pour
exploiter les naïfs.
Ce n'était pas, paraît-il, seulement un
maître-chanteur, c'était également un
agent de l'Allemagne.
Dernièrement un de nos ministres di-
sait en parlant de lui et de sa femme, qui
alla , t fr~e le Bismarck.
allait fréquemment à Berlin, chez le comte
Herbert de Bismarck.
« Je ne comprends pas qu'un journal
comme le Figaro fasse faire sa a politique
étrangère » par un homme aussi compro-
mettant que M. Rosenthal. »
Une autre personne dit un jour à ce mê-
me sujet :
«(C'est une maison charmante et vraiment
agréable que celle de Saint-Cère: la mai-
son y respire un air étranger, le casque à
pointe perce les tapisseries. »
C'était, en effet, une maison vraiment
agréable, Des hôtes intelligents et char-
meurs, un confort princier, une table splen-
dide, et avec cela une compagnie select
triée sur le volet. De nombreux artistes - -
tous des étoiles — passèrent par le salon
de larue Auber, de jeunes journalistes,
des hommes de lettres avides de se faire
connaître, allaient ainsi que des insectes
— mouches ou moustiques — se brûler à
la lumière de ce soleil aujourd'hui éteint.
Ils chantaient ses louanges, admiraient
ses articles, l'encensaient, le flattaient,
espérant qu'un jour cet admirable rasta-
quouère leur jetterait en pâture quelques
miettes de son fastueux banquet. Il les
utilisa tous, non pour leur trouver une
situation, mais pour lui procurer toutes
sortes de renseignements et recueillir les
documents qui devaient lui servir pour ses
articles du Figaro et ses correspondances
au New-York-IJerald.
Il recevaif également de nombreux offi-
ciers. Un pauvre diable de capitaine du
ministère de la guerre faillit même laisser
son honneur dans ce salon étrange pour
avoir gracieusement offert à la maîtresse
de la maison, l'hommage de quelques des-
sins représentant les forts des environs de
Paris.
Le ministre fut informé et n'eut rien de
plus pressé que d'envoyer dans une petite
ville de province l'officier qui faisait pas-
ser la galanterie avant son devoir.
Une espionne
Quelle est donc cette femme qui eut tant
de pouvoir et qui par son charme était
parvenue àdeveuir une nouvelle Lucy de
KauHa qui,: on s'en souvient, avait su pren-
dre dans ses filets le général de Cissey, mi-
nistre de la guerré, lequel n'avait plus de
secrets pour sa suggestive maîtresse V
Mme Saint-Cère n'est plus à Paris ; elle
a quitté la ca^tale il y a trois jours, sous
le prétexte d'allersoigner une des ses filles
malade en Allemagne, mais surtout pour
ne pas tomber entré- les mains de la jus-
tice française et se mettre à l'abri chez ses
véritables protecteurs : les Allemands.
Une vie d'aventures
Né à Paris, de parents allemands, Ar-
mand Roscnthal opta pour la nationalité
française. Après de médiocres études, il
s'engagea en 1873 ou 1874, dans un régi-
ment d'infanterie en garnison à Rouen. De
cette époque, on se rappelle une représen-
tation organisée par lui au théâtre des
Arts pour des inondés, représentation à
laquelle Mme Judic prêta son concours, et
un duel avec M. Pierre Decourcelle, où le
futur Jacques Saint-Cère fut blessé.
Rentré à Paris et muni d'un conseil judi-
ciaire. il y mena la vie d'un oisif riche et
fit la tète en compagnie d'une demi-mon-
daine, sœur naturelle du vicomte de Ci-
vry. A propos d'une paire de chevaux of-
ferts à Mlle Julia Baron et qu'il négligea
de payer, il prit contact avec la justice
Forcé de s'expatrier devant les menaces
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.51%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.51%.
- Collections numériques similaires Babinet Jacques Babinet Jacques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Babinet Jacques" or dc.contributor adj "Babinet Jacques")[Analyse de l'ouvrage de M. Roche, intitulé "Réflexions sur la théorie des phénomènes cométaires"] / par J. Babinet /ark:/12148/bd6t53703655.highres Exposé des nouvelles découvertes sur l'électricité et le magnétisme de MM. Oersted, Arago, Ampère, H. Davy, Biot, Erman, Schweiger, de La Rive, etc., par MM. Ampère,... et Babinet,... /ark:/12148/bpt6k53233964.highres
- Auteurs similaires Babinet Jacques Babinet Jacques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Babinet Jacques" or dc.contributor adj "Babinet Jacques")[Analyse de l'ouvrage de M. Roche, intitulé "Réflexions sur la théorie des phénomènes cométaires"] / par J. Babinet /ark:/12148/bd6t53703655.highres Exposé des nouvelles découvertes sur l'électricité et le magnétisme de MM. Oersted, Arago, Ampère, H. Davy, Biot, Erman, Schweiger, de La Rive, etc., par MM. Ampère,... et Babinet,... /ark:/12148/bpt6k53233964.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7510255j/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7510255j/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7510255j/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7510255j/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7510255j
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7510255j
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7510255j/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest