Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1893-01-13
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1893 13 janvier 1893
Description : 1893/01/13 (N5746,A17). 1893/01/13 (N5746,A17).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
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ADMINISTRATION, RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
- ld - Hue Richer — 18
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DIX-SEPTIÈME ANNÉE — NUMERO 5746
CI VENDREDI 13 JANVIER 1893 CI
24 NIVOSE - AN fOl 0
LE RÔLE
DE
M. CARNOT
DANS LE PANAMA
Nous l'avons dit dès le premier jour,
et nous n'avons cessé de le répéter :
« On ne fera la lumière complète que
l'opinion publique exige sur les scanda-
les de Panama qu'en remontant à la
première tentative d'émission de va-
leurs à lots, c'est-à-dire à 1886. C'est
là qu'est le point de départ de l'affaire,
c'est là que sont les plus grosses res-
ponsabilités. »
L'événement vient de nous donner
raison : les aveux arrachés avant-hier
à M. de Lesseps ont fait éclater au grand
jour la culpabilité de M. Baïhaut, con-
vaincu d'un crime commis dans l'exer-
cice de ses fonctions.
Mais si la place de l'ancien ministre
des travaux publics est d'ores et déjà
marquée au banc des accusés que la
Cour d'assises attend, un autre ancien
ministre est dès maintenant mis sur la
sellette et aura à rendre compte du'rôle
,qu'il a joué dans l'affaire et des respon-
sabilités qu'il y a encourues.
Cet ancien ministre est M. Carnot,
L'historique des faits est là qui l'ac-
cuse et ne lui laisse aucune échappa-
toire pour se dérober aux explications
que l'opinion publique attend de lui.
C'est en 1885, que pour la première
fois l'idée d'une émission de valeurs à
lots fait son apparition. M. Brisson est
alors président du Conseil, M. Carnot,
ministre des finances, après avoir été
quelque temps ministre des travaux pu-
blics où il a été remplacé par M. De-
môle. La demande d'autorisation, pré-
sentée par M. de Lesseps, est soumise
au Conseil des ministres. Elle est re-
poussée sur l'examen qui en est fait en
commun et auquel prend part M. Carnot.
Peu après, M. de Lesseps revient à
la charge. Il obtient du gouvernement
qu'on enverra sur place un ingénieur
pour se rendre compte de l'état d'avan-
cement des travaux et des chances de
succès de l'entreprise. La mission de
M. Rousseau est décidée en Conseil
des ministres, M. Carnot étant pré-
sent.
i Quand M. Rousseau revient de Pa-
nama, M, Brisson a été remplacé com-
me président du Conseil par M. de Frey-
cinet. M. Baïhaut a le portefeuille des
travaux publics ; M. Carnot a conservé
celui des finances.
C'est M. Baïhaut qui reçoit le rapport
Rousseau. C'est lui qui prépare et qui
prend l'initiative de déposer, on sait
piaintenant à quel prix, la proposition
de loi autorisant l'émission des obliga-
tions à lots. Le million promis par la
Compagnie lève tous ses scrupules d'in-
génieur, le fait passer par dessus toutes
les objections signalées dans le rapport
'de M. Rousseau. Le projet est présenté
à la Chambre.
Mais la signature de M. Baïhaut n'y
figure pas seule. Le projet met en jeu
de gros intérêts financiers : à ce titre,
il est également du ressort du ministre
des finances. Et effectivement M. Carnot
le contre-signe, l'appuie de l'autorité
de son nom, y engage sa responsabilité
ministérielle.
Ainsi, du commencement à la fin, le
nom de M. Carnot se trouve mêlé à l'af-
faire. Il en a suivi toutes les phases.
Comme ministre des finances du ca-
binet Brisson en 1885, il a connu le rejet
de la première demande d'autorisation
d'émission de valeurs à lots ; par son
vote en conseil des ministres, il a con-
tribué à la faire repousser ; il a contribué
également à faire décider l'envoi de
M. Rousseau à Panama.
Comme ministre des finances du ca-
binet de Freycinet en 1886, il adhère au
projet qu'il repoussait un an aupara-
vant ; bien mieux, même il le fait sien
par sa signature.
Nons savons qu'invité à s'expliquer
devant la commission parlementaire de
1886, il déclara que, personnellement, il
tétait ni pour ni contre le projet.
Cette réponse serait déjà à donner
une idée de la conception, plus qu'é-
trange au point de vue constitutionnel,
que M. Carnot se faisait de la responsa-
bilité ministérielle. Une signature !
Qu'est cela ? Cela n'engage à rien.
Mais cette théorie gouvernementale,
trop commode, et le désir que pouvait
avoir M. Carnot de tirer son épingle du
jeu dans une affaire qu'il devait avoir
toutes sortes de raisons de prévoir mau-
vaise, ne sauraient prévaloir contre les
faits.
De par sa signature, apposée au bas
du projet, M. Carnot était pour le projet.
Et c'est ici que se posent toute une
série de questions qui réclament des
éclaircissements :
Comment se fait-il que M. Carnot ait
pu, d'une année à l'autre, changer d'avis
à ce point, et signer en 1886 un projet
qu'il repoussait avec ses collègues en
1885?
Comment, connaissant pour les avoir
partagés, les doutes qui s'étaient élevés
dans le précédent cabinet sur les chan-
ces de succès de l'entreprise et qui
avaient motivé le rejet de la demande
de la Compagnie et l'envoi de M. Rous-
seau sur place, n'en a-t-il pas fait part
à ses collègues du nouveau cabinet ?
Comment lui, ingénieur, et par con-
séquent mieux à même que qui que ce
soit d'apprécier les objections du rap-
port Rousseau, a-t-il pu se contenter du
résumé sommaire que M. Baïhaut a fait
de ce document en Conseil des minis-
tres et n'a-t-il pas, avant d'engager sa
signature et se responsabilité, tenu à
en prendre une connaissance complète
et approfondie ?
Personne assurément ne soupçonnera
M. Carnot de s'être déterminé, comme
M. Baïhaut, par des considérations
d'ordre pécuniaire. Mais alors, on est
en droit de se demander à quelles rai-
sons il a obéi, à quelles influences il a
cédé, quel mobile mystérieux se cache
derrière ce revirement subit ?
Telles sont les questions que se pose
l'opinion. Nous nous bornons pour au-
jourd'hui à les formuler. Nous atten-
dons la réponse que M. Carnot se doit
à lui-même, et doit au pays d'y faire.
Plus haute est la fonction qu'il occupe
dans l'Etat, plus impérieux pour lui est
le devoir de s'expliquer sur les contra-
dictions que nous relevons entre l'atti-
tude qu'il a eue en 1885 et celle qu'il a
eue en 1886.
C'est l'honneur même de la France et
de la République, dont il est le premier
magistrat et qu'il représente aux yeux
de l'étranger, qui est en jeu!
La parole est à M. Carnot pour s'ex-
pliquer.
LA DEMISSION DE M. JAMAIS
Un exemple consolant
Aux trois ministres « débarqués » par
leurs collègues, il faut ajouter M. Jamais
qui s'est débarqué lui-même, spontané-
ment et de propos délibéré.
M. Jamais n'a point voulu faire partie
d'un cabinet dans lequel le principal mi-
nistère, celui qui caractérise la politique
du gouvernement, était tenu par M. Ribot.
Républicain radical, M. Jamais n'a pas
voulu faire partie d'un cabinet centre-gau-
che, destiné à ne vivre — s'il vit — que
par le concours des réactionnaires plus ou
moins ralliés.
Cette fidélité à ses opinions et ce désin-
téressement du pouvoir honorent M. Ja-
mais. Il est consolant, en un moment où
les exemples de bassesse ne manquent
pas, de rencontrer des hommes de cœur
capables de faire simplement et résolu-
ment leur devoir.
RIEN À DÉCLARER!
Ministère sans orientation
On lit dans un journal :
Il est confirmé que, l'orientation du cabinet
étant considérée comme restant la même, il
n'y aura pas de déclaration ministérielle.
Nous comprenons, en effet, le silence du
gouvernement.
Le ministère n'avait pas d'orientation,
ni de politique. Il aura encore moins de
politique, encore moins d'orientation. Que
dirait-il à la Chambre ?
C'est une voiture vide qui passe à l'oc-
troi : elle n'a rien à déclarer.
GUERRE ET MARINE
La grande pensée du règne de M.
Ribot
M. Ribot a tenu à marquer son avène-
ment par une grande réforme.
Depuis plusieurs années, le parti répu-
blicain était unanime pour réclamer la
présence d'un membre du Parlement à la
tête des deux grandes administrations de
la guerre et de la marine. Il y voyait avec
raison une garantie contre les errements
financiers déplorables des militaires et
des marins de profession, contre les liber-
tés qu'ils ont l'habitude de prendre avec
le budget, contre l'esprit de coterie qui
préside ordinairement à leurs actes, sur-
tout en matière d'avancement.
Il lui paraissait, en outre, qu'un ministre
civil, pris nécessairement dans les raugs
du parti républicain, donnait, au point de
vue politique, une sécurité Qu'on ne trou-
verait jamais, à un égal degré, chez un
général et chez un amiral.
Mais l'intérêt de la République est ce
qui préoccupe le moins M. Ribot.
M. Ribot a des traditions réactionnaires;
il a choisi là première occasion pour y
revenir, au risque de témoigner ainsi à la
majorité républicaine le peu de cas qu'il
fait de ses préférences et de ses volontés
maintes fois affirmées.
La majorité, d'ailleurs, empochera ce
camouflet, comme elle a fait des précé-
dents.
Elle a si bon caractère, que M. Ribot
aurait bien tort de se gêner.
VAGABONDAGE
Les promenades d'un sous-secrétariat
Le sous-secrétariat des colonies est, dé-
cidément, en état de vagabondage. 11 passe
d'un ministère à l'autre et ne s'arrête
nulle part. De la marine au commerce, du
commerce à la marine, de la marine au
commerce encore une fois. C'est ainsi qu'on
assure la continuité des traditions et la
stabilité des services.
Mais le plus drôle de l'affaire c'est que
cette promenade circulaire est l'œuvre
des memes ministres sinon du même cabi-
net. Ce sont MM. Ribot et consorts qui ont
enlevé le sous-secrétariat au commerce —
où siégeait M. Roche, — pour le remettre
à la marine - où siéceaitm Cavaignac. Et
ce sont eux aujourd'hui qui le reprennent
à la marine pour le rendre à M. Siegfried.
C'est ce qu'on appelle de la suite dans
les idées.
LE MINISTÈRE RECONSTITUÉ
Mauvais replâtrage. — Dernières né-
gociations. — Les décrets à 1' « Of-
ficiel ». — Interpellation Hub-
ze bard.
Le ministère est reconstitué. Les décrets
nommant les ministres seront ce matin à
l'Officiel, et le cabinet, toujours présidé
par M. Ribot, se présentera aujourd'hui
devant la Chambre.
En voici la composition :
MM. RIBOT, président du Conseil, mi-
nistre de l'intérieur ;
BOURGEOIS, justice ;
DEVELLE, affaires étrangères ;
RIBOT (intérim), marine; t
Général LOIZILLON, guerre ;
Ch. DUPUY, instruction publique
et cultes;
TIRARD, finances ;
VI GER, agriculture ;
VIETTE, travaux publics;
SIEGFRIED, commerce ;
X., sous - secrétaire d'Etat aux
colonies.
Ainsi que nous le faisions pressentir
hier, M. Burdeau a maintenu son refus de
reprendre le portefeuille de la marine.
M. Ribot a alors offert ce portefeuille à
l'amiral Gervais, avec lequel il a eu une
entrevue dans la matinée d'hier.
L'amiral Gérvais, peu soucieux de s'em-
barquer dans cette mauvaise galère, capa-
ble de faire à peine un voyage de dix jours,
a, par politesse, demande quelques heures
pour donner sa réponse.
Dans la journée, il refusait définitive-
ment, en donnant pour raison qu'il était
préférable de ne pas changer le chef
d'état-major général de la flotte, et qu'il
était désireux de rester à ce poste pour
mener à bien la tâche entreprise.
M. Ribot a aussitôt télégraphié à un
vice-amiral, qu'on disait être M. Lefèvre,
et dont on attendait la réponse pour cons-
tituer définitivement le cabinet.
Mais comme cette réponse se faisait at-
tendre, M. Ribot, qui voulait aboutir à
toute force, a décidé de passer outre.
A l'Elysée
A cinq heures du soir, il conduisait tous
les titulaires de portefeuille à l'Elysée et
faisait contresigner par le président de la
République les décrets de nomination qui
paraîtront ce matin à lofficie t.
Cette formalité remplie, les ministres
échangeaient leurs vues dans un premier
conseil, sous l'œil inquiet de M. Carnot.
Cet échange de vues n'a pas duré moins
d'une heure et demie, ce qui prouve que
ça n'allait pas comme sur des roulettes.
On a d'abord examiné la question du
portefeuille de la marine. M. Ribot a dé-
claré qu'il fallait considérer cette question
comme une quantité négligeable, attendu
qu'il se chargeait de l'intérim au cas où
l'amiral pressenti n'accepterait pas ou
n'enverrait pas sa réponse dans la soirée.
On en trouverait un autre au besoin dans
les vingt-quatre heures.
On s'est ensuite occupé du sous-secré-
tariat d'Etat aux colonies.
M. Ribot a fait connaître qu'il avait in-
sisté auprès de M. Jamais pour le décider
à rester à son poste. «
Mais M. Jamais a persisté dans son re s
d'entrer dans la nouvelle combinaison en
le motivant par deux raisons ; la première,
que la présence de M. Ribot à la tête du
cabinet avec le ministère de l'intérieur,
donnait à l'orientation politique de ce ca-
binet une signification trop modérée et
que son programme radical ne lui per-
mettait pas de s'associer à cette politique;
la seconde, qu'il pouvait dépendre comme
sous-secrétaire d'Etat d'un ministre civil
de la marine, mais que sa situation deve-
nait fausse avec un amiral.
Tous les membres du conseil étant dési-
reux de conserver M. Jamais à la tête des
colonies on a décidé que le sous-secréta-
riat des colonies serait rattaché au minis-
tère du Commerce et qu'on insisterait à
nouveau auprès de M. Jamais pour le prier
de ne pas refuser son concours.
En cas de refus définitif, son successeur
serait désigné dans le prochain conseil qui
aura lieu samedi.
Devantla Chambre
Les ministres ont examiné ensuite l'at-
titude qu'il convenait de prendre devant
le Parlement. Après une assez longue dis-
cussion, il a été convenu qu'on ne ferait
aucune déclaration, ce qui simplifie les
choses, mais que le président du Conseil
se
choses, tiendrait prêt à répondre aux interpel-
lations qui pourraient lui être adressées,
notamment à celle de M. Hubbard.
Interpellation et dissolution
M. Hubbard doit en effet, interpeller
aujourd'hui môiuo le nouveau cabinet sur
la politique qu'il entend suivre en face des
manœuvres actuelles de la réaction et des
scandales quotidiens provoqués par des
dénonciations, la plupart du temps calom-
nieuses.
Le député de Seine-et-Oise demandera
notamment au gouvernement s'il ne re-
connaît pas la necessité d'avancer la date
des élections générales de 1893; c'est-à-
dire s'il ne serait pas partisan de la disso-
lution pour mettre fin à cette agitation
par une consultation des électeurs.
Comme conclusion M. Hubbard et plu-
sieurs de ses collègues déposeront un or-
dre du jour dans le sens de la dissolution.
La Marine
M. Ribot a télégraphié à l'amiral Lefè-
vre, commandant de l'escadre du Nord
pour lui offrir le portefeuille de la Marine.
La réponse de l'amiral Lefèvre n'étant pas
arrivée dans la soirée, le décret qui con-
cerne ce ministère portera à l'officiel au-
jourd'hui M. Ribot comme chargé de l'in-
térieur.
UN MONSIEUR BIEN PRESSÉ
Chef de cabinet avant la lettre
Les décrets de nomination des nouveaux
ministres ne paraîtront à l'Officiel que ce
matin, encore se pourrait-il qu'ils fussent
ajournés.
Bien que, par suite, il ne soit pas encore
Officiellement nommé, M. Viger, le nou-
veau ministre de l'agriculture, n'a pas hé-
sité à installer son chef de cabinet.
Voilà bien de la hâte. Malgré l'irrégu-
larité du procédé, on ne saurait trop en
vouloir au nouveau ministre : il a si peu
de temps à l'être que l'on conçoit qu'il se
presse d'en exercer les attributions.
LE FAMEUX X.
Nommez-le alors !
On lit dans le Courrier du soir :
On nous assure, d'après des renseignements
puisés à la meilleure source, que le fameuxX.,
titulaire d'un chèque non moins fameux, n'est
pas l'éminente personnalité étrangère désignée
par un journal du matin.
Si l'on sait, d'après les renseignements
puisés à la meilleure source, que le fameux
X. n'est pas le personnage visé, c'est
qu'on connait à la même source le vérita-
ble X. Que notre confrère le nomme
alors !
UN MANIFESTE
Socialistes et boulangistes
Nous recevons communication du docu-
ment qu'on va lire :
Français,
Comme l'empire, comme la monarchie de
juillet~ comme tous les régimes qui depuis un
juillet, n'ont représenté que la domination d'une
siècle
classe privilégiée et parasitaire, l'opportunisme
sombre à son tour dans le sang — Fourmies
— dans la boue — Panama — menaçant d'en-
traîner dans sa chute la Patrie et la Répu-
blique.
Assisterons-nous impassibles à cette dé-
composition générale et laisserons-nous, ou-
blieux du passé, la réaction mal déguisée ou
avouée, revenir au gouvernement à travers la
avouée, et le dégoût populaire ?
lassitude et le dégoût populaire?
Le salut ne peut venir que de vous, travail-
leurs des villes et des campagnes. Reprenez
en mains vos destinées !
Debout tous ! Ouvriers, commerçants, pro-
ducteurs de la main et du cerveau qui consti-
tuez et mettez en valeur l'avoir national !
Debout, pour faire justice des banquerou-
tiers, des voleurs et pour rendre la parole au
pays muselé par la Constiiution orléaniste de
1875.
Conservateur de l'exploitation économique
des masses, instrument de banditisme finan-
cier, obstacle à toute transformation sociale,
le système qui met aux mains d'une poignée de
malfaiteurs les pouvoirs publics, Chambres,
ministères, présidence, doit disparaître.
Ille taut, pour que la République soit la
Il le Riéapuut, blique, celle pour laquelle ont com-
vraie
battu et sont morts nos aînés : République
d'honnêteté et d'affranchissement.
Il le faut pour que la grande et généreuse
France retrouve avec la libre disposition d'elle-
même, la place d'avant-garde qu elle a si long-
temps et si glorieusement occupée dans le
monde. --
Il faut qu'au moyen d une Constituante ré-
publicaine, avec mandat impératif de reviser
notre constitution politique et économique,
nous organisions enfin le gouvernement du
peuple par le peuple.
Pour cela, en dehors de la force révolution-
naire, il n'y a qu'un moyen. Le suffrage uni-
versel.
C'est au suffrage universel, suprême res-
source légale, que nous faisons appel.
Pour le groupe des députés socialistes, les dé-
légués : Cluseret, Millerand, Granger, Lai-
sant. Moreau (du Nord), Ferroul, Turigny,
Couturier, Théron, Jourde, Lafargue, Chas-
saing, Laporte, Girodet, Ernest Roche.
Afin que le peuple ratifie lui-même le mani-
feste ci-dessus, un grand meeting public et
gratuit est organisé pour le samedi 14 janvier,
à 8 h. 1/2 du soir, au Tivoli-Vaux-Hall, rue de
la Douane.
Orateurs inscrits :
Pour le groupe socialiste de la Chambre des
députés : Ernest Roohe, Millerand, Granger,
Chassaing, Gabriel, Laisant, Jourde, Lafargue,
Ferroul Goussot, Chiché;
Pour la commission ouvrière socialiste du
travail : Boulé ;
Pour le comité central d'amnistie: Arnold ;
Pour le comité central socialiste révolution-
naire : Place ;
Pour le conseil local des chambres syndica-
les : Roussel ;
Pour la Ligue intransigeante socialiste :
Boicervoise ;
Pour le Parti ouvrier socialiste, Aggloméra-
tion parisienne : Jules Guesde ;
Pour l'Union des groupes révisionnistes :
Pagèze.
Tous les députés socialistes de la Chambre
assisteront au meeting.
Chaque orateur ne gardera la parole que
pendant dix minutes.
LE BUREAU : Président : Cluseret. — Asses-
seurs : Arnold, Boulé, Couturier, Fouilleule,
Garon, Granger, Lafargue, Millerand, Théron.
Secrétaire : A.-H. Montégut.
L'heure tardive à laquelle nous parvient
ce document ne nous laisse pas le temps
de l'apprécier.
Nous relevons, cependant, parmi les si-
gnatures de députés boulangistes, les noms
de MM. Millerand et Cluseret.
Nous serions curieux de savoir quel est,
sur ce manifeste, l'opinion de M. Goblet,
dont M. Millerand est le collaborateur le
plus autorisé.
PARAIT AUJOURD'HUI JEUDI
Le Supplément Littéraire Illustré de La Lanterne
LE PANAMA
EN POLICE CORRECTIONNELLE
LA DEUXIEME AUDIENCE
Interrogatoire de M. Marius Fontane.
— M. Cottu.- M. Eiffel. — La ques-
tion du matériel. — L'expert
Flory
Même public qu'hier dans la salle d'au-
dience; une seule jupe féminine tranche
au milieu des robes noires des avocats de
plus en plus envahissants; encore cet
échantillon du beau sexe est-il absolu-
ment vénérable à tous égards.
Des conversations animées s'engagent
dans les groupes, on commente vivement
les incidents d'hier, et l'on est générale-
ment d'accord pour penser que M. Baïhaut
portera le poids de cette affaire, après les
écrasantes révélations de M. de Lesseps.
Néanmoins cette audience n'a plus, com-
me hier, la saveur d'une première; on sent
que les dépositions qui vont être faites ne
seront guère qu'une répétition de ce qui
a été entendu mardi. Les plus curieux
parmi nos confrères essayent d'intervie-
wer les défenseurs, qui restent plus fermés
que ne l'étaient les coffres-forts de Pana-
ma, et qui se contentent de répondre par
des sourires énigmatiques à toutes les
questions qui leur sont posées.
Les journalistes se plaignent avec rai-
son de leur installation et de ne rien en-
tendre des dépositions. Il eût été bien
facile cependant de les installer dans la
vaste galerie qui coure le long de la salle,
là on aurait eu de l'espace, de la lumière,
et une excellente acoustique. M. le pre-
mier président s'est paraît-il montré abso-
lument hostile à cette disposition, nous ne
pouvons que le regretter à tous les égards.
Mais voici les trois coups traditionnels
qui se font entendre, sous la forme d'un
carillon de sonnettes électriques. Un grand
silence se produit et M. Périvier entre
suivi de ses assesseurs.
Avant d'ouvrir l'audience correction-
nelle la Cour installe quatre magistrats
récemment nommés, dont elle reçoit le
serment. Cette petite cérémonie est ex-
serment. d'ailleurs en quelques secondes et
les interrogatoires de l'affaire de Panama
reprennent leur cours. C'est M. Marius
Fontane qui a été entendu le premier hier.
M. Fontane
M. Fontane s'avance avec calme à la
barre.
— Vous avez été secrétaire général de la
Compagnie de Pa-
nama? lui demande
le président.
— Non, monsieur
le président, je rem-
plissais peut-être les
fonctions de secré-
taire général, mais
je n'en avais pas le
titre. Mes fonctions
ont d'ailleurs été as-
sez mal définies jus-
qu'au moment où j'ai
été nommé membre
du conseil d'adminis-
tration, puis membre
du comité de direc-
tion. Une maladie
que je - fis en 1887, et
qui amena chez moi des troubles cérébraux
causés par le surmenage, m'amena à donner
ma démission de ces fonctions en 1887, et M.
Charles de Lesseps me déchargea complète-
ment.
Mon principal rôle était l'entretien des rela-
tions avec la presse, et ces fonctions m'atti-
rèrent de vives inimitiés. Aussi des journaux
publièrent des notes dans lesquelles ma re-
traite était faussement interprétée. Je revins
alors à mon poste et m'occupai du canal de
Panama jusqu'en 1888. Mais à cette date j'eus
une fièvre typhoïde qui me mit dans l'obliga-
tion d'abandonner complètement mes fonctions.
— Est-ce en juillet 1888? Cela a son impor-
tance, demande le président.
— En juillet? je ne sais pas trop, mais c'est
dans le wursde l'été 1888.
— Vous étiez le secrétaire intime et le confi-
dent de M. Ferdinand de Lessep. N'avez-vous
pas eu, en cette qualité, à vous occuper des
traités de travaux?
— M. Marius Fontane, avec véhémence :
« Jamais je n'ai lu un seul de ces traités. »
— Mais alors que faisiez-vous donc, tout et
rien ? (On rit dans l'assistance). Savez-vous au
moins qui rédigeait les traités?
— Les ingénieurs de la Compagnie.
— Mais il devait bien y avoir un chef du
contentieux qui devait intervenir dans ces ré-
dactions ?
— Je ne le crois pas.
— C'est tout au moins vous qui, en votre
qualité de confident de M. de Lesseps, avez
rédigé, à l'époque des émissions, les lettres
aux obligataires et aux actionnaires ?
— M. de Lesseps me disait écrivez une let-
tre dans tel ou tel sens, je lui soumettais un
projet, souvent il le modifiait complètement.
— Mais en votre qualité de confident, de
conseiller, si vous voulez, vous avez dû savoir
tout ce qui se passait ?
-Non; je donnais simplement mon avis.
— Alors vous étiez un instrument purement
passif.
— Comme votre greffier, monsieur le pré-
sident.
—Non,pardon ne faites pas de semblables com-
paraisons; celle-ci n'est pas plus juste que celle
paraisons; celle-ci n'est ,£ a 7e Lesseps a propos
qui était faite hier par M. de Lesseps a propos
des fonds secrets. Le greffier de la cour se
borne à enregistrer ses arrêts, il n'a pas d'avis
à donner. j'étais souvent appelé à donner mon
— Moi j'étais souvent appelé à donner mon
avis.
— Alors, lorsqu'on a annoncé en 1886, de la
part de M. Ferdinand de Lesseps, qu'il ne fal-
lait que 600 millions, que le canal se termine-
rait dans deux ans, tout cela ne vous parais-
sait-il pas en contradiction avec les rapports
de MM. Boyer et Jacquier, ingénieurs?
— Je pensais que M. Ferdinand de Lesseps
croyait que ce qu'il disait était vrai.
— Oui, M. de Lesseps était un croyant ; mais
vous, personnellement ?
— Tout le monde croyait qu'avec M. Ferdi-
nand de Lesseps à la tête de l'entreprise le
percement de 1 isthme était chose réalisable.
Mais des spéculateurs se présentèrent, qui
nous suscitèrent toutes sortes d'ennuis et de
difficultés, s'efforçant même de répandre le
plus mauvais esprit dans le bas personnel de
la Compagnie.
Les journaux eux-mêmes, cependant, expri-
maient leur confiance dans l'entreprise.
— Oui, ceux qui étaient payés par vous.
Enfin, vous avez été 1 interprète principal
entre la presse et la Société. Vous avez même
inspiré directement un journal, le Télégraphe ?
— Il fallait bien défendre l'oeuvre attaquée et
pour cela epvoyer des notes, et en assurer l'in-
sertion en payant.
— Oui. Mais dans ces notes, vous n'hésitiez
pas à avancer des assertions mensongères.
Vous affirmiez, par exemple, que MM. Hersent
et Couvreux assuraient l'exécution des travaux
pour 512 millions. Vous saviez pourtant, à n'en
pas douter, que cela était inexact.
— C'étaient les entrepreneurs eux-mêmes
qui avaient donné cette évaluation
- Vous avez cependant senti la nécessité de
la rémunérer largement cette presse, à laquelle
vous demandiez un tel service. Pour l'émission
de 1832, par exemple, vous avez versé 1,362,000 fr.
- Oui, monsieur le président, c'est-à-dire
un et demi pour cent des frais de l'émission.
M. Barboux. - L'Etat lui-même fait de pa-
reils sacrif[ces.
M. Charles de Lesseps se levant alors
déclare que M. M.
Fontane est abso-
lument étranger
aux choses de l'é-
mission de 1888 —
la seule dont il
s'agisse, ici,- dit-il.
Il ne sait absolu-
ment rien, et il ne
peut rien savoir de
ce qui s'est passé.
Pour cette émis
sion les frais do
publicité n'ont pas
dépassé 7 millions,
dont il convient de
déduire un million
pour les frais d'une opération antérieure.
Lui seul Charles, de Lesseps, est respon-
sable. Et ces frais n'ont rien d'excessif si
on les compare à ceux faits par d'autres
sociétés en pareille occurrence.
Un incident
Ici se place un incident. M. l'avocat gé-
néral Rau ayant demandé de préciser les
chiffres, Me Du Buit se lève et dit :
— C'est vous, M. l'avocat général, qui devriez
fournir des chiffres exacts, précis, aux préve-
nus, qui ne peuvent les avoir gardés dans leur
mémoire.
Vous avez eu le dossier entre les mains. Nos
clients ont été au secret depuis un mois : ils
n'ont pu avoir les documents de l'instruction
sous les yeux, comme vous. Dans cette affaire,
il n'y a même pas de réquisitoire écrit qui sert
de base au débat public. L'instruction se fait
vraiment à l'audience.
L'incident est clos, dit M. le président,
d'ailleurs des incidents comme celui-ci,
cela ne fait pas de mal, ça repose (on rit) :
puis s'adressant à M. Fontane :
— Eh bien ! quoique ce soit en dehors de la
prévention, voulez-vous nous donner quelques
explications au sujet des bons au porteur con-
cernant la presse ?
— Il y avait alors dans certains journaux, dit
M. Fontane, trois catégories d'individus à satis-
faire dans les émissions : d'abord le proprié-
taire du journal, puis les rédacteurs et les fer-
miers des bulletins financiers. 33 0/0 allaient
au bulletin financier, le reste faisant retour au
journal.
Pourquoi, me suis-je demandé, payer trois
personnes, quand on n'est servi que par une ?
Je me suis donc adressé aux propriétaires
ou à ceux qui avaient la haute main, et je leur
ai dit : « Je n'aurai affaire qu'à vous, je voua
donnerai un peu plus, et je réaliserai encore
une économie. » De là les bons au porteur que
le bénéficiaire faisait encaisser s'il le voulait*
sans paraître. „
— Sous quel nom cela figurait-il dans la
comptabilité ?
— Cela figurait à la publicité, car ces bons
étaient la représentation du prix qu'aurait
coûté le payement ostensible de la publicité.
Pour ma part, je n'ai pas délivré pour plus
Pour ma part dé ces allocations.
de 60,000 francs de ces allocations.
M. Charles de Lesseps s'explique sur le
même point. Les plus grandes précautions,
dit-il, étaient prises pour que l'employé de
la caisse lui-même ne puisse connaître le
montant des sommes versées à chaque
journal, afin de ménager les susceptibili-
tés, le montant des versements pouvant
donner la mesure de l'influence attribuée
à chaque journal. Il m'est revenu depuis
mon arrestation qu'un journal voulait nous
intenter un procès, dit M. de Lesseps, par.,
ce qu'on avait fixé pour les sommes tou-.
chées par lui un chiffre qu'il estimait in-
férieur et qu'il jugeait de nature à dépré-
cier sa publicité.
— Cela est vrai, répond M. Périvier.
S'adressant à M. Fontane, le président
ajoute :
— Vous êtes inculpé d'abus de confiance
aussi, monsieur Fontane !
-- Depuis 1885, les fonds sont sortis de la
caisse soit pour publicité, soit pour diverses
opérations telles que constitution de syndicat,
commission. Eh bien, je n'ai été, depuis, mêlé
à rien. J'ignore même les noms des syndica-
taires.
— Que faisiez-vous donc au conseil de 1887 à
1888.
— Je n'ai -pu donner à M. de Lesseps qu'un
concours très intermittent. Mais rien n'aurait
pu me déterminer à abandonner mon poste.
M. Cottu
On entend ensuite M. Cottu, qui rem-
plaça M. Fontane au comité de direction.
— Quand êtes-vous entré au comité de direc-
tion ? lui demande le
président.
— En 1887.
— Quelles étaient
vos fonctions ?
— J'étais spéciale-
ment chargé de m'oc-
cuper de la direction
intérieure de la So-
ciété et du personnel.
- Eh bien, parlez-
nous un peu du per-
sonnel de Panama ?
Il était, dit-on, nom-
breux et compliqué.
—J'ai fait tous mes
efforts pour le ré-
duire sans pouvoil
toujours y réussir.
— Qui donc vous en empêchait ?
— Souvent M. de Lesseps lui-même.
— Qu'avez-vous fait ?
— Je me suis efforcé de régulariser la situa-
tion assez embrouillée, et cela se comprend fa-
cilement. Un employé nous arrivait de France,
désigné pour un poste. 11 tombait malade
au bout de quelques jours, il fallait le rem-
placer. Cela faisait deux titulaires pour le
même poste et il fallait payer des frais de ma-
ladie, d'indemnité, et souvent des frais de re-
tour.
— Est-il vrai qu'on acceptait avec la plus
grande facilité tout ce qui se présentait, même
des déclassés de tous pays ?
— Je n'ai jamais vu cela.
— Les employés chargés de vérifier les tra-
vaux des entrepreneurs ne vous trompaient-ils
pas?
— Je ne le pense pas.
— Enfin le personnel figurait pour une part
notable dans les frais généraux ; le total a été
de quinze millions pour Paris et de trente-cinq
millions pour Panama.
— C'est très possible.
Passons à un autre ordre d'idées, dit le
président.
— Vous avez aussi été mêlç à l'administra-
mms— ■ : = —- 1 : ; ■ : : — 1
ADMINISTRATION, RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
- ld - Hue Richer — 18
Les articles non insérés ne seront pas rendus
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PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5 FR.
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UN AN. 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le - Numéro : 5 centimes
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UN AN. 20 FR.
DIX-SEPTIÈME ANNÉE — NUMERO 5746
CI VENDREDI 13 JANVIER 1893 CI
24 NIVOSE - AN fOl 0
LE RÔLE
DE
M. CARNOT
DANS LE PANAMA
Nous l'avons dit dès le premier jour,
et nous n'avons cessé de le répéter :
« On ne fera la lumière complète que
l'opinion publique exige sur les scanda-
les de Panama qu'en remontant à la
première tentative d'émission de va-
leurs à lots, c'est-à-dire à 1886. C'est
là qu'est le point de départ de l'affaire,
c'est là que sont les plus grosses res-
ponsabilités. »
L'événement vient de nous donner
raison : les aveux arrachés avant-hier
à M. de Lesseps ont fait éclater au grand
jour la culpabilité de M. Baïhaut, con-
vaincu d'un crime commis dans l'exer-
cice de ses fonctions.
Mais si la place de l'ancien ministre
des travaux publics est d'ores et déjà
marquée au banc des accusés que la
Cour d'assises attend, un autre ancien
ministre est dès maintenant mis sur la
sellette et aura à rendre compte du'rôle
,qu'il a joué dans l'affaire et des respon-
sabilités qu'il y a encourues.
Cet ancien ministre est M. Carnot,
L'historique des faits est là qui l'ac-
cuse et ne lui laisse aucune échappa-
toire pour se dérober aux explications
que l'opinion publique attend de lui.
C'est en 1885, que pour la première
fois l'idée d'une émission de valeurs à
lots fait son apparition. M. Brisson est
alors président du Conseil, M. Carnot,
ministre des finances, après avoir été
quelque temps ministre des travaux pu-
blics où il a été remplacé par M. De-
môle. La demande d'autorisation, pré-
sentée par M. de Lesseps, est soumise
au Conseil des ministres. Elle est re-
poussée sur l'examen qui en est fait en
commun et auquel prend part M. Carnot.
Peu après, M. de Lesseps revient à
la charge. Il obtient du gouvernement
qu'on enverra sur place un ingénieur
pour se rendre compte de l'état d'avan-
cement des travaux et des chances de
succès de l'entreprise. La mission de
M. Rousseau est décidée en Conseil
des ministres, M. Carnot étant pré-
sent.
i Quand M. Rousseau revient de Pa-
nama, M, Brisson a été remplacé com-
me président du Conseil par M. de Frey-
cinet. M. Baïhaut a le portefeuille des
travaux publics ; M. Carnot a conservé
celui des finances.
C'est M. Baïhaut qui reçoit le rapport
Rousseau. C'est lui qui prépare et qui
prend l'initiative de déposer, on sait
piaintenant à quel prix, la proposition
de loi autorisant l'émission des obliga-
tions à lots. Le million promis par la
Compagnie lève tous ses scrupules d'in-
génieur, le fait passer par dessus toutes
les objections signalées dans le rapport
'de M. Rousseau. Le projet est présenté
à la Chambre.
Mais la signature de M. Baïhaut n'y
figure pas seule. Le projet met en jeu
de gros intérêts financiers : à ce titre,
il est également du ressort du ministre
des finances. Et effectivement M. Carnot
le contre-signe, l'appuie de l'autorité
de son nom, y engage sa responsabilité
ministérielle.
Ainsi, du commencement à la fin, le
nom de M. Carnot se trouve mêlé à l'af-
faire. Il en a suivi toutes les phases.
Comme ministre des finances du ca-
binet Brisson en 1885, il a connu le rejet
de la première demande d'autorisation
d'émission de valeurs à lots ; par son
vote en conseil des ministres, il a con-
tribué à la faire repousser ; il a contribué
également à faire décider l'envoi de
M. Rousseau à Panama.
Comme ministre des finances du ca-
binet de Freycinet en 1886, il adhère au
projet qu'il repoussait un an aupara-
vant ; bien mieux, même il le fait sien
par sa signature.
Nons savons qu'invité à s'expliquer
devant la commission parlementaire de
1886, il déclara que, personnellement, il
tétait ni pour ni contre le projet.
Cette réponse serait déjà à donner
une idée de la conception, plus qu'é-
trange au point de vue constitutionnel,
que M. Carnot se faisait de la responsa-
bilité ministérielle. Une signature !
Qu'est cela ? Cela n'engage à rien.
Mais cette théorie gouvernementale,
trop commode, et le désir que pouvait
avoir M. Carnot de tirer son épingle du
jeu dans une affaire qu'il devait avoir
toutes sortes de raisons de prévoir mau-
vaise, ne sauraient prévaloir contre les
faits.
De par sa signature, apposée au bas
du projet, M. Carnot était pour le projet.
Et c'est ici que se posent toute une
série de questions qui réclament des
éclaircissements :
Comment se fait-il que M. Carnot ait
pu, d'une année à l'autre, changer d'avis
à ce point, et signer en 1886 un projet
qu'il repoussait avec ses collègues en
1885?
Comment, connaissant pour les avoir
partagés, les doutes qui s'étaient élevés
dans le précédent cabinet sur les chan-
ces de succès de l'entreprise et qui
avaient motivé le rejet de la demande
de la Compagnie et l'envoi de M. Rous-
seau sur place, n'en a-t-il pas fait part
à ses collègues du nouveau cabinet ?
Comment lui, ingénieur, et par con-
séquent mieux à même que qui que ce
soit d'apprécier les objections du rap-
port Rousseau, a-t-il pu se contenter du
résumé sommaire que M. Baïhaut a fait
de ce document en Conseil des minis-
tres et n'a-t-il pas, avant d'engager sa
signature et se responsabilité, tenu à
en prendre une connaissance complète
et approfondie ?
Personne assurément ne soupçonnera
M. Carnot de s'être déterminé, comme
M. Baïhaut, par des considérations
d'ordre pécuniaire. Mais alors, on est
en droit de se demander à quelles rai-
sons il a obéi, à quelles influences il a
cédé, quel mobile mystérieux se cache
derrière ce revirement subit ?
Telles sont les questions que se pose
l'opinion. Nous nous bornons pour au-
jourd'hui à les formuler. Nous atten-
dons la réponse que M. Carnot se doit
à lui-même, et doit au pays d'y faire.
Plus haute est la fonction qu'il occupe
dans l'Etat, plus impérieux pour lui est
le devoir de s'expliquer sur les contra-
dictions que nous relevons entre l'atti-
tude qu'il a eue en 1885 et celle qu'il a
eue en 1886.
C'est l'honneur même de la France et
de la République, dont il est le premier
magistrat et qu'il représente aux yeux
de l'étranger, qui est en jeu!
La parole est à M. Carnot pour s'ex-
pliquer.
LA DEMISSION DE M. JAMAIS
Un exemple consolant
Aux trois ministres « débarqués » par
leurs collègues, il faut ajouter M. Jamais
qui s'est débarqué lui-même, spontané-
ment et de propos délibéré.
M. Jamais n'a point voulu faire partie
d'un cabinet dans lequel le principal mi-
nistère, celui qui caractérise la politique
du gouvernement, était tenu par M. Ribot.
Républicain radical, M. Jamais n'a pas
voulu faire partie d'un cabinet centre-gau-
che, destiné à ne vivre — s'il vit — que
par le concours des réactionnaires plus ou
moins ralliés.
Cette fidélité à ses opinions et ce désin-
téressement du pouvoir honorent M. Ja-
mais. Il est consolant, en un moment où
les exemples de bassesse ne manquent
pas, de rencontrer des hommes de cœur
capables de faire simplement et résolu-
ment leur devoir.
RIEN À DÉCLARER!
Ministère sans orientation
On lit dans un journal :
Il est confirmé que, l'orientation du cabinet
étant considérée comme restant la même, il
n'y aura pas de déclaration ministérielle.
Nous comprenons, en effet, le silence du
gouvernement.
Le ministère n'avait pas d'orientation,
ni de politique. Il aura encore moins de
politique, encore moins d'orientation. Que
dirait-il à la Chambre ?
C'est une voiture vide qui passe à l'oc-
troi : elle n'a rien à déclarer.
GUERRE ET MARINE
La grande pensée du règne de M.
Ribot
M. Ribot a tenu à marquer son avène-
ment par une grande réforme.
Depuis plusieurs années, le parti répu-
blicain était unanime pour réclamer la
présence d'un membre du Parlement à la
tête des deux grandes administrations de
la guerre et de la marine. Il y voyait avec
raison une garantie contre les errements
financiers déplorables des militaires et
des marins de profession, contre les liber-
tés qu'ils ont l'habitude de prendre avec
le budget, contre l'esprit de coterie qui
préside ordinairement à leurs actes, sur-
tout en matière d'avancement.
Il lui paraissait, en outre, qu'un ministre
civil, pris nécessairement dans les raugs
du parti républicain, donnait, au point de
vue politique, une sécurité Qu'on ne trou-
verait jamais, à un égal degré, chez un
général et chez un amiral.
Mais l'intérêt de la République est ce
qui préoccupe le moins M. Ribot.
M. Ribot a des traditions réactionnaires;
il a choisi là première occasion pour y
revenir, au risque de témoigner ainsi à la
majorité républicaine le peu de cas qu'il
fait de ses préférences et de ses volontés
maintes fois affirmées.
La majorité, d'ailleurs, empochera ce
camouflet, comme elle a fait des précé-
dents.
Elle a si bon caractère, que M. Ribot
aurait bien tort de se gêner.
VAGABONDAGE
Les promenades d'un sous-secrétariat
Le sous-secrétariat des colonies est, dé-
cidément, en état de vagabondage. 11 passe
d'un ministère à l'autre et ne s'arrête
nulle part. De la marine au commerce, du
commerce à la marine, de la marine au
commerce encore une fois. C'est ainsi qu'on
assure la continuité des traditions et la
stabilité des services.
Mais le plus drôle de l'affaire c'est que
cette promenade circulaire est l'œuvre
des memes ministres sinon du même cabi-
net. Ce sont MM. Ribot et consorts qui ont
enlevé le sous-secrétariat au commerce —
où siégeait M. Roche, — pour le remettre
à la marine - où siéceaitm Cavaignac. Et
ce sont eux aujourd'hui qui le reprennent
à la marine pour le rendre à M. Siegfried.
C'est ce qu'on appelle de la suite dans
les idées.
LE MINISTÈRE RECONSTITUÉ
Mauvais replâtrage. — Dernières né-
gociations. — Les décrets à 1' « Of-
ficiel ». — Interpellation Hub-
ze bard.
Le ministère est reconstitué. Les décrets
nommant les ministres seront ce matin à
l'Officiel, et le cabinet, toujours présidé
par M. Ribot, se présentera aujourd'hui
devant la Chambre.
En voici la composition :
MM. RIBOT, président du Conseil, mi-
nistre de l'intérieur ;
BOURGEOIS, justice ;
DEVELLE, affaires étrangères ;
RIBOT (intérim), marine; t
Général LOIZILLON, guerre ;
Ch. DUPUY, instruction publique
et cultes;
TIRARD, finances ;
VI GER, agriculture ;
VIETTE, travaux publics;
SIEGFRIED, commerce ;
X., sous - secrétaire d'Etat aux
colonies.
Ainsi que nous le faisions pressentir
hier, M. Burdeau a maintenu son refus de
reprendre le portefeuille de la marine.
M. Ribot a alors offert ce portefeuille à
l'amiral Gervais, avec lequel il a eu une
entrevue dans la matinée d'hier.
L'amiral Gérvais, peu soucieux de s'em-
barquer dans cette mauvaise galère, capa-
ble de faire à peine un voyage de dix jours,
a, par politesse, demande quelques heures
pour donner sa réponse.
Dans la journée, il refusait définitive-
ment, en donnant pour raison qu'il était
préférable de ne pas changer le chef
d'état-major général de la flotte, et qu'il
était désireux de rester à ce poste pour
mener à bien la tâche entreprise.
M. Ribot a aussitôt télégraphié à un
vice-amiral, qu'on disait être M. Lefèvre,
et dont on attendait la réponse pour cons-
tituer définitivement le cabinet.
Mais comme cette réponse se faisait at-
tendre, M. Ribot, qui voulait aboutir à
toute force, a décidé de passer outre.
A l'Elysée
A cinq heures du soir, il conduisait tous
les titulaires de portefeuille à l'Elysée et
faisait contresigner par le président de la
République les décrets de nomination qui
paraîtront ce matin à lofficie t.
Cette formalité remplie, les ministres
échangeaient leurs vues dans un premier
conseil, sous l'œil inquiet de M. Carnot.
Cet échange de vues n'a pas duré moins
d'une heure et demie, ce qui prouve que
ça n'allait pas comme sur des roulettes.
On a d'abord examiné la question du
portefeuille de la marine. M. Ribot a dé-
claré qu'il fallait considérer cette question
comme une quantité négligeable, attendu
qu'il se chargeait de l'intérim au cas où
l'amiral pressenti n'accepterait pas ou
n'enverrait pas sa réponse dans la soirée.
On en trouverait un autre au besoin dans
les vingt-quatre heures.
On s'est ensuite occupé du sous-secré-
tariat d'Etat aux colonies.
M. Ribot a fait connaître qu'il avait in-
sisté auprès de M. Jamais pour le décider
à rester à son poste. «
Mais M. Jamais a persisté dans son re s
d'entrer dans la nouvelle combinaison en
le motivant par deux raisons ; la première,
que la présence de M. Ribot à la tête du
cabinet avec le ministère de l'intérieur,
donnait à l'orientation politique de ce ca-
binet une signification trop modérée et
que son programme radical ne lui per-
mettait pas de s'associer à cette politique;
la seconde, qu'il pouvait dépendre comme
sous-secrétaire d'Etat d'un ministre civil
de la marine, mais que sa situation deve-
nait fausse avec un amiral.
Tous les membres du conseil étant dési-
reux de conserver M. Jamais à la tête des
colonies on a décidé que le sous-secréta-
riat des colonies serait rattaché au minis-
tère du Commerce et qu'on insisterait à
nouveau auprès de M. Jamais pour le prier
de ne pas refuser son concours.
En cas de refus définitif, son successeur
serait désigné dans le prochain conseil qui
aura lieu samedi.
Devantla Chambre
Les ministres ont examiné ensuite l'at-
titude qu'il convenait de prendre devant
le Parlement. Après une assez longue dis-
cussion, il a été convenu qu'on ne ferait
aucune déclaration, ce qui simplifie les
choses, mais que le président du Conseil
se
choses, tiendrait prêt à répondre aux interpel-
lations qui pourraient lui être adressées,
notamment à celle de M. Hubbard.
Interpellation et dissolution
M. Hubbard doit en effet, interpeller
aujourd'hui môiuo le nouveau cabinet sur
la politique qu'il entend suivre en face des
manœuvres actuelles de la réaction et des
scandales quotidiens provoqués par des
dénonciations, la plupart du temps calom-
nieuses.
Le député de Seine-et-Oise demandera
notamment au gouvernement s'il ne re-
connaît pas la necessité d'avancer la date
des élections générales de 1893; c'est-à-
dire s'il ne serait pas partisan de la disso-
lution pour mettre fin à cette agitation
par une consultation des électeurs.
Comme conclusion M. Hubbard et plu-
sieurs de ses collègues déposeront un or-
dre du jour dans le sens de la dissolution.
La Marine
M. Ribot a télégraphié à l'amiral Lefè-
vre, commandant de l'escadre du Nord
pour lui offrir le portefeuille de la Marine.
La réponse de l'amiral Lefèvre n'étant pas
arrivée dans la soirée, le décret qui con-
cerne ce ministère portera à l'officiel au-
jourd'hui M. Ribot comme chargé de l'in-
térieur.
UN MONSIEUR BIEN PRESSÉ
Chef de cabinet avant la lettre
Les décrets de nomination des nouveaux
ministres ne paraîtront à l'Officiel que ce
matin, encore se pourrait-il qu'ils fussent
ajournés.
Bien que, par suite, il ne soit pas encore
Officiellement nommé, M. Viger, le nou-
veau ministre de l'agriculture, n'a pas hé-
sité à installer son chef de cabinet.
Voilà bien de la hâte. Malgré l'irrégu-
larité du procédé, on ne saurait trop en
vouloir au nouveau ministre : il a si peu
de temps à l'être que l'on conçoit qu'il se
presse d'en exercer les attributions.
LE FAMEUX X.
Nommez-le alors !
On lit dans le Courrier du soir :
On nous assure, d'après des renseignements
puisés à la meilleure source, que le fameuxX.,
titulaire d'un chèque non moins fameux, n'est
pas l'éminente personnalité étrangère désignée
par un journal du matin.
Si l'on sait, d'après les renseignements
puisés à la meilleure source, que le fameux
X. n'est pas le personnage visé, c'est
qu'on connait à la même source le vérita-
ble X. Que notre confrère le nomme
alors !
UN MANIFESTE
Socialistes et boulangistes
Nous recevons communication du docu-
ment qu'on va lire :
Français,
Comme l'empire, comme la monarchie de
juillet~ comme tous les régimes qui depuis un
juillet, n'ont représenté que la domination d'une
siècle
classe privilégiée et parasitaire, l'opportunisme
sombre à son tour dans le sang — Fourmies
— dans la boue — Panama — menaçant d'en-
traîner dans sa chute la Patrie et la Répu-
blique.
Assisterons-nous impassibles à cette dé-
composition générale et laisserons-nous, ou-
blieux du passé, la réaction mal déguisée ou
avouée, revenir au gouvernement à travers la
avouée, et le dégoût populaire ?
lassitude et le dégoût populaire?
Le salut ne peut venir que de vous, travail-
leurs des villes et des campagnes. Reprenez
en mains vos destinées !
Debout tous ! Ouvriers, commerçants, pro-
ducteurs de la main et du cerveau qui consti-
tuez et mettez en valeur l'avoir national !
Debout, pour faire justice des banquerou-
tiers, des voleurs et pour rendre la parole au
pays muselé par la Constiiution orléaniste de
1875.
Conservateur de l'exploitation économique
des masses, instrument de banditisme finan-
cier, obstacle à toute transformation sociale,
le système qui met aux mains d'une poignée de
malfaiteurs les pouvoirs publics, Chambres,
ministères, présidence, doit disparaître.
Ille taut, pour que la République soit la
Il le Riéapuut, blique, celle pour laquelle ont com-
vraie
battu et sont morts nos aînés : République
d'honnêteté et d'affranchissement.
Il le faut pour que la grande et généreuse
France retrouve avec la libre disposition d'elle-
même, la place d'avant-garde qu elle a si long-
temps et si glorieusement occupée dans le
monde. --
Il faut qu'au moyen d une Constituante ré-
publicaine, avec mandat impératif de reviser
notre constitution politique et économique,
nous organisions enfin le gouvernement du
peuple par le peuple.
Pour cela, en dehors de la force révolution-
naire, il n'y a qu'un moyen. Le suffrage uni-
versel.
C'est au suffrage universel, suprême res-
source légale, que nous faisons appel.
Pour le groupe des députés socialistes, les dé-
légués : Cluseret, Millerand, Granger, Lai-
sant. Moreau (du Nord), Ferroul, Turigny,
Couturier, Théron, Jourde, Lafargue, Chas-
saing, Laporte, Girodet, Ernest Roche.
Afin que le peuple ratifie lui-même le mani-
feste ci-dessus, un grand meeting public et
gratuit est organisé pour le samedi 14 janvier,
à 8 h. 1/2 du soir, au Tivoli-Vaux-Hall, rue de
la Douane.
Orateurs inscrits :
Pour le groupe socialiste de la Chambre des
députés : Ernest Roohe, Millerand, Granger,
Chassaing, Gabriel, Laisant, Jourde, Lafargue,
Ferroul Goussot, Chiché;
Pour la commission ouvrière socialiste du
travail : Boulé ;
Pour le comité central d'amnistie: Arnold ;
Pour le comité central socialiste révolution-
naire : Place ;
Pour le conseil local des chambres syndica-
les : Roussel ;
Pour la Ligue intransigeante socialiste :
Boicervoise ;
Pour le Parti ouvrier socialiste, Aggloméra-
tion parisienne : Jules Guesde ;
Pour l'Union des groupes révisionnistes :
Pagèze.
Tous les députés socialistes de la Chambre
assisteront au meeting.
Chaque orateur ne gardera la parole que
pendant dix minutes.
LE BUREAU : Président : Cluseret. — Asses-
seurs : Arnold, Boulé, Couturier, Fouilleule,
Garon, Granger, Lafargue, Millerand, Théron.
Secrétaire : A.-H. Montégut.
L'heure tardive à laquelle nous parvient
ce document ne nous laisse pas le temps
de l'apprécier.
Nous relevons, cependant, parmi les si-
gnatures de députés boulangistes, les noms
de MM. Millerand et Cluseret.
Nous serions curieux de savoir quel est,
sur ce manifeste, l'opinion de M. Goblet,
dont M. Millerand est le collaborateur le
plus autorisé.
PARAIT AUJOURD'HUI JEUDI
Le Supplément Littéraire Illustré de La Lanterne
LE PANAMA
EN POLICE CORRECTIONNELLE
LA DEUXIEME AUDIENCE
Interrogatoire de M. Marius Fontane.
— M. Cottu.- M. Eiffel. — La ques-
tion du matériel. — L'expert
Flory
Même public qu'hier dans la salle d'au-
dience; une seule jupe féminine tranche
au milieu des robes noires des avocats de
plus en plus envahissants; encore cet
échantillon du beau sexe est-il absolu-
ment vénérable à tous égards.
Des conversations animées s'engagent
dans les groupes, on commente vivement
les incidents d'hier, et l'on est générale-
ment d'accord pour penser que M. Baïhaut
portera le poids de cette affaire, après les
écrasantes révélations de M. de Lesseps.
Néanmoins cette audience n'a plus, com-
me hier, la saveur d'une première; on sent
que les dépositions qui vont être faites ne
seront guère qu'une répétition de ce qui
a été entendu mardi. Les plus curieux
parmi nos confrères essayent d'intervie-
wer les défenseurs, qui restent plus fermés
que ne l'étaient les coffres-forts de Pana-
ma, et qui se contentent de répondre par
des sourires énigmatiques à toutes les
questions qui leur sont posées.
Les journalistes se plaignent avec rai-
son de leur installation et de ne rien en-
tendre des dépositions. Il eût été bien
facile cependant de les installer dans la
vaste galerie qui coure le long de la salle,
là on aurait eu de l'espace, de la lumière,
et une excellente acoustique. M. le pre-
mier président s'est paraît-il montré abso-
lument hostile à cette disposition, nous ne
pouvons que le regretter à tous les égards.
Mais voici les trois coups traditionnels
qui se font entendre, sous la forme d'un
carillon de sonnettes électriques. Un grand
silence se produit et M. Périvier entre
suivi de ses assesseurs.
Avant d'ouvrir l'audience correction-
nelle la Cour installe quatre magistrats
récemment nommés, dont elle reçoit le
serment. Cette petite cérémonie est ex-
serment. d'ailleurs en quelques secondes et
les interrogatoires de l'affaire de Panama
reprennent leur cours. C'est M. Marius
Fontane qui a été entendu le premier hier.
M. Fontane
M. Fontane s'avance avec calme à la
barre.
— Vous avez été secrétaire général de la
Compagnie de Pa-
nama? lui demande
le président.
— Non, monsieur
le président, je rem-
plissais peut-être les
fonctions de secré-
taire général, mais
je n'en avais pas le
titre. Mes fonctions
ont d'ailleurs été as-
sez mal définies jus-
qu'au moment où j'ai
été nommé membre
du conseil d'adminis-
tration, puis membre
du comité de direc-
tion. Une maladie
que je - fis en 1887, et
qui amena chez moi des troubles cérébraux
causés par le surmenage, m'amena à donner
ma démission de ces fonctions en 1887, et M.
Charles de Lesseps me déchargea complète-
ment.
Mon principal rôle était l'entretien des rela-
tions avec la presse, et ces fonctions m'atti-
rèrent de vives inimitiés. Aussi des journaux
publièrent des notes dans lesquelles ma re-
traite était faussement interprétée. Je revins
alors à mon poste et m'occupai du canal de
Panama jusqu'en 1888. Mais à cette date j'eus
une fièvre typhoïde qui me mit dans l'obliga-
tion d'abandonner complètement mes fonctions.
— Est-ce en juillet 1888? Cela a son impor-
tance, demande le président.
— En juillet? je ne sais pas trop, mais c'est
dans le wursde l'été 1888.
— Vous étiez le secrétaire intime et le confi-
dent de M. Ferdinand de Lessep. N'avez-vous
pas eu, en cette qualité, à vous occuper des
traités de travaux?
— M. Marius Fontane, avec véhémence :
« Jamais je n'ai lu un seul de ces traités. »
— Mais alors que faisiez-vous donc, tout et
rien ? (On rit dans l'assistance). Savez-vous au
moins qui rédigeait les traités?
— Les ingénieurs de la Compagnie.
— Mais il devait bien y avoir un chef du
contentieux qui devait intervenir dans ces ré-
dactions ?
— Je ne le crois pas.
— C'est tout au moins vous qui, en votre
qualité de confident de M. de Lesseps, avez
rédigé, à l'époque des émissions, les lettres
aux obligataires et aux actionnaires ?
— M. de Lesseps me disait écrivez une let-
tre dans tel ou tel sens, je lui soumettais un
projet, souvent il le modifiait complètement.
— Mais en votre qualité de confident, de
conseiller, si vous voulez, vous avez dû savoir
tout ce qui se passait ?
-Non; je donnais simplement mon avis.
— Alors vous étiez un instrument purement
passif.
— Comme votre greffier, monsieur le pré-
sident.
—Non,pardon ne faites pas de semblables com-
paraisons; celle-ci n'est pas plus juste que celle
paraisons; celle-ci n'est ,£ a 7e Lesseps a propos
qui était faite hier par M. de Lesseps a propos
des fonds secrets. Le greffier de la cour se
borne à enregistrer ses arrêts, il n'a pas d'avis
à donner. j'étais souvent appelé à donner mon
— Moi j'étais souvent appelé à donner mon
avis.
— Alors, lorsqu'on a annoncé en 1886, de la
part de M. Ferdinand de Lesseps, qu'il ne fal-
lait que 600 millions, que le canal se termine-
rait dans deux ans, tout cela ne vous parais-
sait-il pas en contradiction avec les rapports
de MM. Boyer et Jacquier, ingénieurs?
— Je pensais que M. Ferdinand de Lesseps
croyait que ce qu'il disait était vrai.
— Oui, M. de Lesseps était un croyant ; mais
vous, personnellement ?
— Tout le monde croyait qu'avec M. Ferdi-
nand de Lesseps à la tête de l'entreprise le
percement de 1 isthme était chose réalisable.
Mais des spéculateurs se présentèrent, qui
nous suscitèrent toutes sortes d'ennuis et de
difficultés, s'efforçant même de répandre le
plus mauvais esprit dans le bas personnel de
la Compagnie.
Les journaux eux-mêmes, cependant, expri-
maient leur confiance dans l'entreprise.
— Oui, ceux qui étaient payés par vous.
Enfin, vous avez été 1 interprète principal
entre la presse et la Société. Vous avez même
inspiré directement un journal, le Télégraphe ?
— Il fallait bien défendre l'oeuvre attaquée et
pour cela epvoyer des notes, et en assurer l'in-
sertion en payant.
— Oui. Mais dans ces notes, vous n'hésitiez
pas à avancer des assertions mensongères.
Vous affirmiez, par exemple, que MM. Hersent
et Couvreux assuraient l'exécution des travaux
pour 512 millions. Vous saviez pourtant, à n'en
pas douter, que cela était inexact.
— C'étaient les entrepreneurs eux-mêmes
qui avaient donné cette évaluation
- Vous avez cependant senti la nécessité de
la rémunérer largement cette presse, à laquelle
vous demandiez un tel service. Pour l'émission
de 1832, par exemple, vous avez versé 1,362,000 fr.
- Oui, monsieur le président, c'est-à-dire
un et demi pour cent des frais de l'émission.
M. Barboux. - L'Etat lui-même fait de pa-
reils sacrif[ces.
M. Charles de Lesseps se levant alors
déclare que M. M.
Fontane est abso-
lument étranger
aux choses de l'é-
mission de 1888 —
la seule dont il
s'agisse, ici,- dit-il.
Il ne sait absolu-
ment rien, et il ne
peut rien savoir de
ce qui s'est passé.
Pour cette émis
sion les frais do
publicité n'ont pas
dépassé 7 millions,
dont il convient de
déduire un million
pour les frais d'une opération antérieure.
Lui seul Charles, de Lesseps, est respon-
sable. Et ces frais n'ont rien d'excessif si
on les compare à ceux faits par d'autres
sociétés en pareille occurrence.
Un incident
Ici se place un incident. M. l'avocat gé-
néral Rau ayant demandé de préciser les
chiffres, Me Du Buit se lève et dit :
— C'est vous, M. l'avocat général, qui devriez
fournir des chiffres exacts, précis, aux préve-
nus, qui ne peuvent les avoir gardés dans leur
mémoire.
Vous avez eu le dossier entre les mains. Nos
clients ont été au secret depuis un mois : ils
n'ont pu avoir les documents de l'instruction
sous les yeux, comme vous. Dans cette affaire,
il n'y a même pas de réquisitoire écrit qui sert
de base au débat public. L'instruction se fait
vraiment à l'audience.
L'incident est clos, dit M. le président,
d'ailleurs des incidents comme celui-ci,
cela ne fait pas de mal, ça repose (on rit) :
puis s'adressant à M. Fontane :
— Eh bien ! quoique ce soit en dehors de la
prévention, voulez-vous nous donner quelques
explications au sujet des bons au porteur con-
cernant la presse ?
— Il y avait alors dans certains journaux, dit
M. Fontane, trois catégories d'individus à satis-
faire dans les émissions : d'abord le proprié-
taire du journal, puis les rédacteurs et les fer-
miers des bulletins financiers. 33 0/0 allaient
au bulletin financier, le reste faisant retour au
journal.
Pourquoi, me suis-je demandé, payer trois
personnes, quand on n'est servi que par une ?
Je me suis donc adressé aux propriétaires
ou à ceux qui avaient la haute main, et je leur
ai dit : « Je n'aurai affaire qu'à vous, je voua
donnerai un peu plus, et je réaliserai encore
une économie. » De là les bons au porteur que
le bénéficiaire faisait encaisser s'il le voulait*
sans paraître. „
— Sous quel nom cela figurait-il dans la
comptabilité ?
— Cela figurait à la publicité, car ces bons
étaient la représentation du prix qu'aurait
coûté le payement ostensible de la publicité.
Pour ma part, je n'ai pas délivré pour plus
Pour ma part dé ces allocations.
de 60,000 francs de ces allocations.
M. Charles de Lesseps s'explique sur le
même point. Les plus grandes précautions,
dit-il, étaient prises pour que l'employé de
la caisse lui-même ne puisse connaître le
montant des sommes versées à chaque
journal, afin de ménager les susceptibili-
tés, le montant des versements pouvant
donner la mesure de l'influence attribuée
à chaque journal. Il m'est revenu depuis
mon arrestation qu'un journal voulait nous
intenter un procès, dit M. de Lesseps, par.,
ce qu'on avait fixé pour les sommes tou-.
chées par lui un chiffre qu'il estimait in-
férieur et qu'il jugeait de nature à dépré-
cier sa publicité.
— Cela est vrai, répond M. Périvier.
S'adressant à M. Fontane, le président
ajoute :
— Vous êtes inculpé d'abus de confiance
aussi, monsieur Fontane !
-- Depuis 1885, les fonds sont sortis de la
caisse soit pour publicité, soit pour diverses
opérations telles que constitution de syndicat,
commission. Eh bien, je n'ai été, depuis, mêlé
à rien. J'ignore même les noms des syndica-
taires.
— Que faisiez-vous donc au conseil de 1887 à
1888.
— Je n'ai -pu donner à M. de Lesseps qu'un
concours très intermittent. Mais rien n'aurait
pu me déterminer à abandonner mon poste.
M. Cottu
On entend ensuite M. Cottu, qui rem-
plaça M. Fontane au comité de direction.
— Quand êtes-vous entré au comité de direc-
tion ? lui demande le
président.
— En 1887.
— Quelles étaient
vos fonctions ?
— J'étais spéciale-
ment chargé de m'oc-
cuper de la direction
intérieure de la So-
ciété et du personnel.
- Eh bien, parlez-
nous un peu du per-
sonnel de Panama ?
Il était, dit-on, nom-
breux et compliqué.
—J'ai fait tous mes
efforts pour le ré-
duire sans pouvoil
toujours y réussir.
— Qui donc vous en empêchait ?
— Souvent M. de Lesseps lui-même.
— Qu'avez-vous fait ?
— Je me suis efforcé de régulariser la situa-
tion assez embrouillée, et cela se comprend fa-
cilement. Un employé nous arrivait de France,
désigné pour un poste. 11 tombait malade
au bout de quelques jours, il fallait le rem-
placer. Cela faisait deux titulaires pour le
même poste et il fallait payer des frais de ma-
ladie, d'indemnité, et souvent des frais de re-
tour.
— Est-il vrai qu'on acceptait avec la plus
grande facilité tout ce qui se présentait, même
des déclassés de tous pays ?
— Je n'ai jamais vu cela.
— Les employés chargés de vérifier les tra-
vaux des entrepreneurs ne vous trompaient-ils
pas?
— Je ne le pense pas.
— Enfin le personnel figurait pour une part
notable dans les frais généraux ; le total a été
de quinze millions pour Paris et de trente-cinq
millions pour Panama.
— C'est très possible.
Passons à un autre ordre d'idées, dit le
président.
— Vous avez aussi été mêlç à l'administra-
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