Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-01-07
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 janvier 1892 07 janvier 1892
Description : 1892/01/07 (N5374,A16). 1892/01/07 (N5374,A16).
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
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SEIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5374
JEUDI 7 JANVIER 1892 0
17 Nivoss - AN 100 ®
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français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
BËGRËVEHEHT SENATORIAL
* Qui donc prétend que le Sénat refuse
de s'occuper du budget ?
fi s'en occupe si bien qu'il a passé
toute sa séance d'hier à repousser, pour
la troisième fois, le dégrèvement sur
les pétroles voté à trois reprises par la
Chambre sur la proposition de M. Viette.
Après cet effort considérable, qui dé-
note autant d'ardeur au travail que
d'esprit de suite, les vieillards têtus du
Luxembourg sont rentrés chez eux
avec la conviction qu'ils n'avaient pas
perdu leur journée.
Ils ne l'ont pas perdue, en effet, puis-
qu'ils n'ont rien fait, ce qui est essen-
tiellement la fonction de la moitié du
Parlement que l'Estafette appelle la
Chambre haute. Cet avortement ne les
a pas empêchés de se camper, le poing
sur la hanche, et de regarder bien en
face l'autre Chambre, dans une de ces
attitudes que, passé un certain âge. on
qualifie volontiers de viriles.
Virilité, dans la langue sénatoriale,
signifie mauvaise humeur : on fait ce
qu'on peut.
Mais ce n'est pas dans cette nouvelle
manifestation de l'esprit de résistance
du Sénat qu'a résidé l'originalité de la
séance d'hier. On y a eu la bonne for-
tune d'entendre M. Ferry, qui a mené
toute l'affaire, déclarer qu'il était d'ac-
cord avec tout le monde : avec le gou-
vernement, avec la Chambre, et que le
dégrèvement n'avait pas de plus chaud
partisan que lui-même.
Et on l'accuse, le pauvre homme, de
Souffler la discorde et de pousser au
conflit. La discorde, le connit ! De quoi
lui parlez-vous? Il s'agit d'entente, d'a-
paisement, de conciliation et pas d'au-
tre chose.
Ainsila commission des douanes, dont
il est le président, avait d'abord pensé à
maintenir purement et simplement les
droits primitifs sur le pétrole, pour
toute l'année 1892. Arrive le ministre
des finances : « Si le Sénat ne mainte-
nait les droits que jusqu'au 1er octobre,
on verrait alors à voter une loi spéciale
de détaxe ».
Loi spéciale ! s'est dit immédiate-
ment M. J. Ferry avec ce flair sénato-
rial qui le caractérise ; voilà notre af-
faire. Les lois spéciales n'aboutissent
jamais! Prenons acte de la promesse
du gouvernement qui n'engage que lui.
Quant à nous, nous trouverons tou-
jours en temps opportun, le moyen de
l'aider à ne pas le tenir.
Voilà l'excellent tour queM. J. Ferry,
toujours-facétieux, a joué à la majorité
de la Chambre qui par trois votes suc-
cessifs, émis en huit jours, a affirmé sa
volonté très arrêtée de dégrever les
pétroles.
Il est vrai que des dégrèvements on
n'en veut pas entendre parler au Sénat.
M. Dauphin, le compère de M. J. Ferry,
l'a dit en termes très nets : il a fait son
■ rneâ culpâ de ceux que le Parlement
vota en 1878.
;. Des augmentations de droits sur les
objets les plus nécessaires à la con-
sommation, tant qu'on voudra et même
plus qu'on ne voudra ; mais une atté-
nuation de ceux qui grèvent le pain du
pauvre, le vêtement du petit contri-
buable, l'éclairage et la force motrice
employés par l'ouvrier, jamais de la
vie, plutôt mourir !
t Sur quoi M. Dauphin qui a également
le mot pour rire, a accusé M. Tolain qui
insistait pour l'adoption des résolutions
votées au Palais-Bourbon, de ne rien
3faire pour amener la conciliation entre
les deux Chambres.
Nous allons voir demain quel succès
: auront devant la Chambre les procédés
de conciliation soufflés par M. J. Ferry,
et recommandés par M. Dauphin.
; La Chambre n'a aucune raison de re-
venir sur un vote qu'elle a émis par
trois fois !
( Alors!
-.., Alors ! c'est un petit conflit nouveau
^venant se greffer sur le gros conflit
budgétaire. Au point où nous en som-
mes, et puisque le Sénat en a pris bra-
: vement son parti, autant vaut qu'il en
soit ainsi.
L'opinion publique aime les situa-
tions très nettes : la netteté de celle-di
ne laisse rien à désirer. D'un côté, la
Chambre des députés, la seule qui re-
présente le pays et qui ait qualité pour
voter l'impôt ; de l'autre, une Assem-
blée d'invalides de la politique, sans
mandat budgétaire, arrêtant et le bud.
get et les dégrèvements,
C'est un joli jeu que celui qui consiste
à mettre des bâtons dans les roues :
mais c'est un jeu auquel le bâton court
plus de risque que les roues.
L'AFFAIRE DE PANAMA
La recherche des responsabilités
La Chambre a pris hier, à l'unanimité
de 509 votants, une résolution invitant le
gouvernement à exercer « une répression
énergique et rapide contre tous ceux qui
ont une responsabilité engagée dans l'en-
treprise du Panama ».
Ce dont on peut s'étonner, c'est que
les représentants de l'action publique
aient eu besoin d'un vote de la Chambre
pour faire leur devoir contre les orga-
nisateurs de cette entreprise qui devait
être le plus gigantesque travail du dix-
neuvième siècle et qui n'en a été jusqu'ici
que la plus colossale fumisterie.
Rapports mensongers, prévisions ficti-
ves, majoration de dépenses, travaux sur-
payés, fortunes scandaleuses édifiées en
un clin d'œil, tout ce qui peut entacher
une affaire de fraude se trouve réuni dans
celle-ci.
Enfin, l'heure de rendre des comptes a
sonné pour les éditeurs responsables et
les bénéficiaires de cette lucrative mysti-
fication.
Malheureusement, si l'on voit bien ce
qu'ils peuvent avoir à y perdre, on voit
trop aussi que les malheureux actionnai-
res n'ont pas grand'chose à y gagner. Ce
ne sont pas les quelques millions de res-
titutions ou de responsabilités pécuniai-
res qui leur seront alloués qui pourront
apporter un soulagement efficace à tant
de misères ni réparer tant de ruines.
Si la Chambre a voulu, en effet, que
tout le passé fut liquidé, elle a refusé non
moins nettement de s'engager pour l'a-
venir. Elle s'est bornée a renvoyer au
gouvernement les pétitions des porteurs
de titres, ce qui veut dire, en style par-
lementaire, qu'elle ne peut rien pour
eux.
C'est le résultat que nous avions laissé
prévoir.
Qu'en pensent les porteurs de titres qui
se sont laissés prendre aux belles pro-
messes de certains de nos confrères ?
UN NOUVEL EMPRUNT RUSSE
Opérations complexes
Il est question d'un nouvel emprunt
russe. Si nos renseignements sont exacts,
et nous avons tout lieu de le croire, l'opé-
ration, pour laquelle des pourparlers sont
déjà engagés, serait double, en ce sens
qu elle comprendrait à la fois une conver-
sion et un emprunt, et ne s'éloignerait
pas du chiffre d'un milliard.
Un représentant du ministre des finan-
ces de Russie, en ce moment à Paris, a
également entamé des négociations avec
un groupe de banquiers pour la revente
des 250 millions de rentes du dernier em-
prunt 3 0/0 que le gouvernement russe
avait rachetés pour enrayer le mouvement
de baisse qui s'était produit après l'émis-
sion du mois de novembre.
AU SENAT
Les tarifs douaniers. — Tout au
pétrole
A peine ouverte, la séance est suspen-
due afin de permettre à la commission
des douanes de conférer avec le gouver-
nement en ce qui concerne les droits sur
les pétroles.
M. Dauphin apporte enfin, sur le coup
de auatre heures, son rapport sur les ta-
rifs 'douaniers, retour de la Chambre.
M. Rouvier, ministre des finances, an-
nonce que le gouvernement est d'accord
avec la commission, à part une question ;
de forme.
M. Ferry, au nom de la commission des
douanes, annonce que la commission
accepte le changement proposé par le
gouvernement.
Le no 197 (pétroles) serait maintenu au
tableau en substituant aux chiffres votés
par la Chambre (7 et 12 fr.) les droits de
t8 et 25 fr. qui existent actuellement sur
les pétroles.
M. Tolain proteste. Il voit avec raison
dans cette mesure l'ajournement du dé-
grèvement des pétroles.
M. Rouvier reparaît à la tribune :
Le gouvernement, dit-il, n'est pas hostile
en principe au dégrèvement du pétrole, mais
il estime qu'il est prudent d'en ajourner l'exé-
cution jusqu'au budget de 1893.
Il lui paraît que la proposition de la com-
mission laisse la question entière, puisque
le gouvernement est décidé à présenter,
avant le 1" octobre, une loi sur la détaxe du
pétrole.
Nous prenons ferme cet engagement, de fa-
çon à ce que la loi puisse être appliquée le
1" octobre au plus tard.
Il en résultera un dégrèvement égal à ce-
lui que la Chambre a voulu faire, sans qu'il
soit possible de rien préciser dès à présent
on ce qui concerne l'écart entre les pétroles
bruts et raffinés.
Quant à la répercussion sur le budget, nous
considérons qu'il en résulterait pour le Trc-
sor une perte de 5 millions, si on ne trouvait
ti.oyen de la compenser. Ce moyen pourrait
être d'ajourner d'un mois le dégrèvement sur
la grande vitesse. Ce dé.ai d'un mois s'impo-
serait, quand même il ne s'agirait pas de
boucher le trou fait dans le budget par les
pétroles.
M. Dauphin, rapporteur général, déclare
que la commission accepte en principe le
dégrèvement du pétrole, mais qu'elle ne
peut encore fixer la date de ce dégrève-
ment.
-- On passe au vote.
Par 223 voix contre 18, le Sénat adopte
les nouvelles propositions de la commis-
sion.
Le numéro 197 est modifié en consé.
quence.
L'article 1er (texte de la Chambre) est
adopté ainsi que les articles 16 et 17.
Par 205 voix contre 4, l'ensemble du
projet de loi sur les tarifs douaniers est
voté.
Séance demain pour discuter ce qu'aura
fait la Chambre.
PARAIT LE LUNDI ET LE JEUDI
- Le Supplément Littéraire Illustré de La Lanterne
- Le Numéro ; li Centimes
A LA CHAMBRE
LA QUESTION DU PANAMA
Les victimes d'erreurs judiciaires. —
Les rapports Krantz et Thévenet.
- Le vote
De deux à cinq des spécialistes comme
MM. Bovier-Lapierre, Pourquery de Bois-
serin et Fallières s'escriment sur divers
amendements à la proposition de loi rela-
tive aux victimes d'erreurs judiciaires.
L'article unique de la loi a pour objet
de modifier les articles 443 et 446 du Code
d'instruction criminelle.
Le premier amendement déposé par M.
Pontois est adopté.
En voici les termes :
Dans tous les cas où une indemnité sera
accordée aux victimes d'erreurs judiciaires,
en vertu de la présente loi, il sera inséré au
Journal officiel de la République française
une notice résumant la décision judiciaire
qui a reconnu le droit à l'indemnité et qui en
a fixé le quantum.
Une disposition additionnelle de M. Bo-
vier-Lapierre créant le principe d'une
« réparation pécuniaire de l'Etat dans le
cas d'innocence déclaré » ayant été ad-
mis par la Chambre, elle a été, après une
très longue, très savante et très correcte
discussion, renvoyée à la commission.
Le Panama
On attaque ensuite la discussion des*
rapports de MM. Krantz et Thévenet sur
les pétitions de Panama.
C'est M. Gauthier de Clagny qui prend
le premier la parole. Il faut trancher la
question et ne pas recourir à un renvoi
pur et simple au gouvernement.
Le devoir du ministre de la justice est
de faire avec activité une enquête judi-
ciaire qui établisse les responsabilités ;
celui du gouvernement est de faire savoir
la conduite qu'il compte tenir et s'il est
oui ou non dans l'intention d'agir officieu-
sement auprès des sociétés de crédit.
En un mot qu'il dise ce qu'il compte
faire pour le Panama; et qu'il prenne
l'avis de la Chambre pour agir avec plus
d'autorité.
Ça n'est pas bien méchant, cômme vous
voyez ; mais ça a suffi pour mettre dans
un grand état de surexcitation M. Moins-
trois-voix. Le brave homme s'écrie tout à
coup : « Il faut agir en faisant arrêter les
voleurs! »
Le garde des sceaux répond que l'ins-
truction est ouverte qu'elle a été confiéa à
un magistrat éminent (M. Prinet) qui fait
son devoir pour arriver a la découverte
de la vérité.
La discussion
Sur cette réponse, la discussion s'en-
gage. M. C. Dreyfus — passons son opinion
sur le Panama — estime que le ministre
de la justice insistera auprès du Parquet
pour que prompte justice soit faite.
Le rapporteur d'une des deux commis-
sions — car deux commissions ont été
saisies de la question tour à tour, — M.
Krantz, vient donner quelques explica-
tions sur son premier rapport. Il les donne
même assez longuement.
Il y a eu, dit-il, deux sortes de pétitions.
Celles qui expriment le désir de voir le
gouvernement inviter le Crédit foncier à
prendre la direction de la nouvelle com-
pagnie du Panama.
celles qui demandent que des poursui-
tes soient intentées.
Nous écartons les premières. Nous de-
mandons le renvoi des secondes au minis-
tre de la justice et au ministre des affai-
res étrangères suivant leur nature.
M. Krantz s'exprime en ces termes à ce
sujet :
Nous désirons, comme toute la Chambre,
que la lumière soit faite ; que des poursuites
soient ordonnées, si cela paraît nécessaire,
qu'elles aboutissent, s'il y a lieu. Nous dési-
rons enfin,dans l'intérêt de tous, que la jus-
tice, pour boîteuse qu'elle soit, n'arrive pas
trop tard.
Ce qui force M. Fallières à jurer ses
grande dieux que le juge chargé de l'af-
aire n'a pas perdu une minute.
Il caractérise ainsi l'intention du gou-
vernement :
Le renvoi ne signifie rien, et ce sera une
illusion de plus que vous aurez fait naître
chez ces malheureux souscripteurs. Sous
cette impression, ils apporteront une fois de
plus leur argent à une oeuvre dont vous ne
pouvez leur garantir le succès, ou bien cette
intervention du gouvernement sera effective,
et alors vous serez amenés à appuyer avec
l'argent des contribuables l'entreprise de Pa-
nama.
Il est donc indispensable que la Chambre
connaisse la portée du vote qu'etle va émet-
tre. Pour la commission, elle estime que l'en-
treprise de Panama est une affaire privée, et
elle demande à la Chambre de passer à l'or-
dre du jour pur et simple sur les pétitions
rapportées par la 14" commission.
M. Le Provost de Launay réclame, sur
l'air des Lampions, un peu de lumière ;
c'est pour la forme.
Le rapporteur de la seconde commis-
sion, M. Thévenet, vient à son tour de-
mander le renvoi au gouvernement des
pétitions.
Nous avons pensé, dit-il, qu'il ne serait pas
impossible que le gouvernement, usant de s a
haute autorité et considérant les 1 milliard
300 millions de capitaux français engagés dans
l'entreprise, intervînt officieusement pour
aider, sans aucune garantie ni responsabili-
té, à la reconstitution de cette affaire.
Votre commission conclut donc au renvoi de
toutes ces pétitions à MM. les minissres des
finances, des travaux publics et des affaires
étrangères, tout en affi mant que le Gouver-
nement et le Parlement n'ont encouru et ne
sauraient encourir dans toute cette affaire
aucune responsabilité.
Le vote
Nous rentrons un instant dans les bavar-
dages avec MM. Douviile-Maillefeu, Le
Provost de Launay et Gauthier de Clagny
et la question se pose ainsi :
La commission présidée par M. Krantz
demande le renvoi de certaines pétitions
au ministre de la justice et des autres au
ministre des affaires étrangères.
La commission présidée par M. Thévenet
propose le renvoi aux ministres des finan-
ces, des affaires étrangères et des travaux
publics de toutes les pétitions.
M. Douviile-Maillefeu fait mettre aux
voix l'ordre du jour pur et simple qui est
repoussé par 275 voix contre 229.
Deux nouveaux ordres du jour sont
alors en présence.
Un de M. Provost de Launay ainsi
conçu: :
La Chambre, convaincue que la confiance
publique dans la possibilité de l'entreprise
de Panama ne peut en aucun cas exister
avant que la lumière soit faite sur toutes les
responsabilités, invite le gouvernement à ac-
tiver les poursuites commencées contre les
administrateurs.
L'autre, de MM. Saint-Germain et Pey-
tral, en ces termes :
La Chambre, désirant qu'une répression
énergique et rapide ait lieu contre tous ceux
qui ont encouru des responsabilités dans
^affaire du Panama, passe à l'ordre du jour.
Le ministre des finances ne voit aucune
raison pour s'opposer au renvoi des péti-
tions au gouvernement, à condition qu'il
soit bien entendu que son intervention
soit toute officieuse et qu'en aucune me-
sure les finances de l'Etat et la responsa-
bilité du gouvernement ne seront enga-
gées.
Après lui, le garde des sceaux affirme
que l'instruction se poursuit et que rien
n'empêchera la lumière de se faire.
Cette promesse satisfait les plus diffici-
les et, à l'unanimité de 509 votants, on
les etl, 'ordre du jour Saint-Germain-Pey-
vote
tral, auquel tout le monde a fini par se
rallier.
Comme conclusion, M. Floquet met aux
voix les conclusions des deux commis-
sions, c'est-à-dire, en somme, le renvoi
des pétitions au gouvernement.
", Elles sont adoptées à 38 < voix con-
tre 101.
Nous ne voudrions pas dire, irrévéren-
cieusement, que c'est peut-être là un em-
plâtre sur une jambe de bois ; mais nous
pensons que tout ça est bien. plato-
nique.
Les pétroles
En fin de séance, M. Jules Roche dé-
pose, pour la troisième fois, le projet de
loi relatif aux tarifs des douanes, retour
du Sénat. C'est la fameuse querelle des
pétroles. M. Viette se prépare pour jeudi.
EN BULGARIE
Grave nouvelle non confirmée
Le Courrier du Soir publiait hier l'in-
formation que voici :
Une dépêche qui nous parvient de Vienne
nous dit qu'on vient de recevoir dans cette
ville la nouvelle que la Bulgarie aurait pro-
clamé son indépendance.
Aux Affaires étrangères, on n'a pas la con-
firmation de cette grave nouvelle.
Dans l'intérêt de la paix européenne, nous
nous plaisons encore à croire qu'elle est sans
fondement et qu'elle n'a été mise en circula-
tion dans un milieu favorable à la Bulgarie
que pour impressionner le monde diplomati-
que et faire le jeu de Stambouloff, mal en-
gagé dans l'incident franco-bulgare.
A l'heure où nous terminons le journal,
aucune dépêche ne nous est parvenue
concernant cette grave nouvelle.
BI. DE MAUPASSANT
Sa santé. — Dernières nouvelles
Il est absolument acquis que M. de Mau-
passant est en proie à des troubles ner-
veux fort graves, mais on n'est pas en-
core d'accord sur les détails de sa tenta-
tive de suicide. Il paraît qu'il ne s'est
point servi d'un rasoir, mais d'un couteau
japonais. Cela expliquerait que sa bles-
sure ait eu si peu de gravité.
Le Littoral de Cannes raconte de la fa-
çon suivante le suicide :
Samedi, à dix heures, M. de Maupassant
voulut se remettre à son roman l'Angelus.
Après un quart-d'heure d'efforts, ne pouvant
y parvenir, une nuit profonde se faisant en
son cerveau, il se leva eu proie à une surex-
citation très vive, frappa un violent coup de
poing sur la table et prononça ces mots à
haute voix : « Puisqu'il en est ainsi, mieux
encore mourir. Allons, encore un homme au
rancart. »
C'est alors qu'il se serait porté un coup
à la gorge.
Pour procéder à la suture de la plaie, il
fallut que les matelots du Bel-Ami main-
tinssent M. de Maupassant à grand'peine.
Une dépêche de Cannes affirme, d'au-
tre part, que M. de Maupassant avait fait
venir, il y a quelque temps, son avoué de
Paris et avait pris ses dispositions testa-
mentaires.
Un de nos confrères a reçu de M. Paul
Ollendorf, l'éditeur des œuvres de Mau-
passant, les déclarations suivantes :
D'après les nouvelles que j'ai reçues aujour-
d'hui de Cannes, a dit en substance M. Paul
Ollendorff, il est exact, en effet/que M. Guy
de Maupassant ait tenté de se suicider, ainsi
qu'il a été dit, dans la nuit de vendredi à sa-
medi. Toutefois, je ne pense pas qu'on doive
dire qu'il ait pris cette funeste détermination
sous l'influence d'un accès de fièvre chaude.
C'est plutôt, à mon avis, sous l'empire d'une
crise de nerfs plus terrible que les autres.
qu'il a été poussé à tenter ce coup désespéré.
Voici les deux dernières lettres que M. Guy
de Maupassant m'a écrites de Cannes. La
première porte la date du 26 décembre. Dans
l'un des passages de cette lettre, qui ne dé-
note d'ailleurs aucun trouble intellectuel, il
me dit : « J'ai toujours des douleurs terri-
bles. » Cependant, la seconde de ses lettres
que j'ai reçue avant-hier, et qui est écrite
d'un style et d'une main très ferme, constate
une légère amélioration dans son état : « Je
vais beaucoup mieux, me dit-il, mais avec des
souffrances intolérables. » Que faut-il con-
clure de cela ?
Samedi, quelques heures avant sa ten-
tative de suicide, M. de Maupassant avait
fait payer par "son valet de chambre le
loyer du châlet d' « Isère » qu'il habite,
propriété de M. Gautier, rédacteur en
chef du Littoral. Ce fait donne à croire que
Maupassant avait prémédité son suicide.
Dans la journée de dimanche, le malade
a tenté de rouvrir la plaie qu'il s'est faite
à la gorge dans le but de provoquer une
hémorrhagie. A l'heure actuelle, il est
très agité; ses amis et les médecins veil-
lent à son chevet. On parle toujours de le
conduire'dans une maison de santé.
AU MAROC
Envoi d'un bâtiment français
Le ministère des affaires étrangères a
été avisé que les troubles qui ont éclaté
àTangeront un caractère purement local;
c'est à l'administration indigène qu'une
partie de la population de Tanger en veut
et non pas aux étrangers qui habitent la
ville.
Néanmoins, le gouvernement français a
jugé utile, en présence de certaines éven-
tualités possibles, d'envoyer un bâtiment
de guerre dans les eaux de Tanger. En
conséquence des ordres reçus, le Cosmao
est parti de Toulon hier matin à six heures.
Intervention de l'Angleterre
Madrid, 5 janvier. — On mande de Tan-
ger :
L'hostilité des tribus contre le pacha
augmente.
Une canonnière anglaise vient d'arri-
ver ; on croit qu'elle sera suivie d'une es-
cadre appartenant à la même nation.
Le bruit court que le ministre d'Angle-
terre aurait prévenu le pacha que s'il ne
pouvait pas, en cas de nécessité, garan-
tir la sécurité de la ville, il ferait débar-
quer des marins anglais pour protéger ses
nationaux.
A M. DE DOUVILLE-MAILLEFEU
La reconnaissance d'un peuple
On parle très sérieusement d'élever sur
une des principales places de Sofia une
statue à un héros aussi modeste qu'origi-
nal, au député d'Abbeville, M. de Dou-
ville-Maillefeu pour le dévouement dont
il a fait preuve dans la séance de lundi
dernier..
Sur le socle cette inscription : A M. de
Douviile-Maillefeu les Butgares reconnais-
sants.
Avec un courage surhumain, s'élançant
au milieu du feu. d'une discussion sur
la question bulgare, il a sauvé. la répu-
tation de M. Stambouloff, menacée par
un pauvre malade du nom de Millevoye.
Cet acte héroïque a rempli d'enthou-
siasme le peuple bulgare tout entier.
Sur les boulevards, les camelots ven-
dent depuis lors un bibelot qui est devenu
la question du jour : C'est une photogra-
phie de M. de Douville-Maillefeu en empe-
reur d'Orient avec ces mots : Cherchez le
Bulgare. et les trois voix auxquelles le
député d'Abbeville doit son siège.
L'honorable défenseur des a peuples
libres » a reçu déjà une adresse de félici-
tation; on parle d'une décoration spé-
ciale.
La joie de M. de Douville-Maillefeu est
sans borne ; à la Chambre il la manifeste
par des accès variés qui inquiètent par-
fois ses amis et ses voisins.
AUTOUR DES CHAMBRES
La réforme administrative
Plusieurs députés ont déposé des proposi-
tions tendant a la réforme administrative. La
commission chargée de les examiner cùnclut
à la nomination d'une commission de trente-
trois membres chargée d'étudier la revision
des services administratifs. L-i commission
devra proposer à la Chambre des mesuies
qu'elle jugera utiles au bon fonctionnement
des services ou à l'intérêt des fi. ances publi-
ques. -
La question des pétroles
La commission des douanes de la Chambre
se réunira aujourd'hui pour examiner encore
une fois cette fameuse question des pétroles.
Il est probable qu'elle acceptera les chiffres
du Sénat, mais cela ne peut pas avoir d'in-
ffuence sur le vote de la Chambre qui s'est
déjà prononcée cinq fois sur la question. M.
Viette est, d'ailleurs, décidé à maintenir son
amendement.
INFORMATIONS
Le directeur des haras
Le président de la République a signé lucr,
sur la proposition de M. Develle. ministre de
l'agriculture, un décret par lequel M. Plazen,
inspecteur général, est nommé directeur des
haras, en remplacement de M. de Cormette,
admis, sur sa demande, à faire valoir ses
droits à la retraite.
Convocation d'électeurs
La convocation des délégués sénatoriaux de
la Charente-Inférieure, en vue de pourvoir
au remplacement de M. Didier, décédé, est
fixée au 17 janvier. L'élection aura lieu le 21
février.
L'élection d'Annecy
Un comité réactionnaire vient de présenter
la candidature de M. Agnellet. ultrarnontain,
contre la candidature du docteur Thonion.
républicain..
M. Raisin, radical, a refusé de laisser poser
sa candidature.
L'INFLUENZA
En Angleterre
L'infiuenza fait de grands ravages dans
plusieurs parties de l'Angleterre, dit la
Pall Mall Gazette, entre autres à Hers-
houm- vV alton-on - Thomes, Aglesbury, Lu-
ton, Canterbury, Dunstable, dans le Dor-
setshire, le sud du Yorkshire et dans
plusieurs villes de l'Irlande. A Guernesey
on signale un grand nombre de cas et
plusieurs décès.
En Italie
Gênes, 5 janvier.— La ville est très
éprouvée par l'influenza. L'archevêque en
est atteint.
On s'attend à un dénouement fatal.
Milan, 5 janvier.—L'infiuenza sévit avec
violence à Milan-
Les écoles commuuales sont fermées
pour huit jours faute de personnel.
En Belgique
Bruxelles, 5 janvier. — Bulletin de santé
du docteur Aubrun sur l'état de M. Bou-
rée :
L'amélioration d'hier s'est maintenue.
La nuit a été meilleure. La faiblesse est
moins grande.
L'état général de Mme Bourée s'amé-
liore. Les symptômes pulmonaires sont
moins intenses.
Le mieux s'accentue dans l'état de santé
du prince Ourousoff.
Mons, 5 janvier. — L'infiuenza sévit
avec intensité dans tout le Borinage. A
Mons, on relève plus de décès que pen-
dant la grande épidémie cholérique de
1867.
UNE MESURE DISCIPLINAIRE
Maltre Laguerre
Il n'était bruit hier, dans les couloirs
du Palais de Justice, que de la radiation
d'un avocat du tableau de l'ordre. Cette
grande mesure qui frappait, disait-on, un
des membres du Parlement, ferait beau-
coup de bruit, étant donnée la personna-
lité qui-était atteinte.
il s'agit, paraît-il, de Me Laguerre
AU BRÉSIL
COMMENT LE DICTATEUR DA FON-
SECA A ÉTÉ RENVERSE
La Constitution brésilienne. — Soldat
ambitieux. — L'état de siège. —
Révolution. — Courageuse ré-
sistance. — Chute du dic-
tateur.
Bien que nos lecteurs connaissent, par nos
dépêches, les événements qui se sont récem-
ment produits au Brésil, nous croyons inté-
ressant de mettre sous leurs yeux la lettre
suivante, qui nous a été envoyée par un de
nos abonnés :
Le télégraphe a dû vous signaler les
derniers événements qui se sont succédé
au Brésil et les causes qui ont amené la
chute du président Deoaoro da Fonseca.
Cependant comme ces événements sont
dus en partie à l'Etat de Rio Grande du
Sud et que les motifs détaillés ne seront
pas publiés, je vous adresse la présente
afin que vous puissiez les transmettre
aux nombreux républicains français, lec-
teurs de votre estimable journal, et qu'ils
soient assurés qu'au Brésil ainsi que dans
toutes les Républiques, le pouvoir person-
nel d'un homme, à quelque titre que ce
soit, ne sera jamais au-dessus de la loi
délibérée par les élus du peuple.
Je vais donc vous expliquer lès faits
tels qu'ils se sont passés, en les abré-
geant toutefois, wk
Une province républicaine
Comme je vous le disais iplus haut, le
mérite de la chute de l'aspirant dictateur
revient principalement au Rio Grande du
Sud, Etat que j'ai l'honneur d'habiter. Cet
Etat a une population de 1,200,000 habi-
tants avec une superficie à peu près égale
à celle de la France.
C'est, après celui de Saint-Paul, le plus
prospère des Etats du Brésil..
L'armée brésilienne étant composée, en
temps de paix, de 25,000 hommes, il y en
a ici 10,000, pour couvrir la frontière des
républiques de l'Uruguay et Argentine.
La Constitution brésilienne, un peu sem-
blable à la nôtre de 1848, contient entre
autres, l'article suivant :
« Lorsque le président de la République
jugera un projet de loi, voté par les
Chambres, inconstitutionnel ou contraire
aux intérêts de la nation, il ne le sanc-
tionnera pas, retournant ce projet au Sé-
nat. Il sera soumis à une nouvelle discus-
sion et sera considéré approuvé s'il réuni
alors en sa faveur les deux tiers des suf-
frages des sénateurs présents à la discus-
sion. Il sera, de cette façon, considéré
comme loi. »
Les Chambres ayant approuvé un pro.
jet de loi sur la responsabilité présiden-
tielle, le maréchal Déodoro, conseillé par
son ministre, le baron de Lucena (nou-
veau Broglie), refusa de sanctionner ce
projet ; l'ayant retourné au Sénat il fut
approuvé de nouveau par une grande ma-
jorité.
Dissolution du Congrès
C'est alors que le président, malgré la
Constitution qui le lui défendait, dissout le
Congrès en déclarant que c'était pour
mettre fin aux luttes du pouvoir exécutif
et du Parlement. Déclarant aussi qu'il
convoquerait une Constituante qui aurait
à re viser la Constitution dans le sens qu'il
indiquerait, etc., etc.
Quoique les Brésiliens n'aiment pas à
être gouvernés par des militaires, ils
avaient élu président de la République le
maréchal Déodoro, pour le récompenser
d'avoir été le principal fondateur de la
République. r
Déodoro est un soldat ambitieux, inca-
pable de gouverner son pays, il avait pris
pour chancelier un monarchiste, le baron
de Lucena, homme généralement détesté,
qui rêvait sans doute de faire jouer à
Ueodoro le rôle de Napoléon III et d'en
être le Morny.
Après la dissolution des Chambres, la
ville de Rio fut déclarée en état de siège,
il fut établi un tribunal militaire pour ju-
ger les délits politiques ; les journaux re-
çurent l'ordre de ne censurer aucun des
actes du gouvernement sous peine de
prison contre tous les rédacteurs.
Le Congrès n'eut pas la force de résis-
ter, mais l'Etat de Rio Grande du Sud,
animé du désir de ne pas perdre sa li-
berté dont il est très jaloux, se révolta
aussitôt. Le peuple, aidé des militaires,
renversa aussitôt; le gouvernement d'E-
tat établi à Porto-Alegre, pour n'avoir
pas voulu se déclarer aussitôt contre lq
dictateur.
Il n'y eut aucune effusion de sang.
L'indépendance de Rio Grande
Il fut établi un gouvernement à Porto-
Alègre, présidé par un des chefs républi-
cains, Assis Brazil. Son premier acte fut
de décréter lïndépendance de Rio Grande
jusqu'à ce que Deodoro quitte le pouvoir
ou qu'il rétablisse le Congrès.
La révolution a. surtout été faite par
l'armée de Rio Grande qui préférait ser-
vir la liberté plutôt que le despotisme,
La garde nationale s'arma aussitôt, il sa
forma des bataillons de jeunes gens inti-
tulés « bataillons patriotiques o, de sorte
que l'on organisa une armée prête à mar-
cher sur Rio, suivant que -les circonstan-
ces l'indiqueraient. La direction en f::t
confiée au général Zorio, le neveu d'un
des héros de la campagne du Paraguay.
Aucune violence ne fut exercée contre
les rares partisans du président Déodoro;
le plus grand calme fut observé et il n'y
eut qu'une mort à déplorer, ce fut celle
d'un général qui fut tué pour avoir voulu
résister. 1
On envoya ensuite au gouvernement
dictatorial l'intéressant télégramme sui-
vant:
« Tout le Rio-Grande du Sud s'est réso-
lument révolté contre le dictateur Deo.,
doro : Après quatre jours de campagne
toute la population s'est révoltée en orgac
nisant une force de 50,000 hommes aI'més.
Après avoir pris une attitude hostile con<
tre la dictature, embrassant victorieuse»
ment la cause de la liberté, le président
de l'Etat a été déposé et on a acclamé, un
comité révolutionnaire provisoire.
» Vive la République, vive la liberté, à
bas le despotisme,..
Le 15 novembre, le baron de Lucensa
ayant télégraphié au nouveau président
d'Etat nour lui dire par ironie que l'anni-
': ,--- - -
, , Lai" Lanterne
MMINISTRATION. REDACTION ET ANNONCES
A PARIS
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SEIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5374
JEUDI 7 JANVIER 1892 0
17 Nivoss - AN 100 ®
Xa eliA.îtfTERWlB» est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
BËGRËVEHEHT SENATORIAL
* Qui donc prétend que le Sénat refuse
de s'occuper du budget ?
fi s'en occupe si bien qu'il a passé
toute sa séance d'hier à repousser, pour
la troisième fois, le dégrèvement sur
les pétroles voté à trois reprises par la
Chambre sur la proposition de M. Viette.
Après cet effort considérable, qui dé-
note autant d'ardeur au travail que
d'esprit de suite, les vieillards têtus du
Luxembourg sont rentrés chez eux
avec la conviction qu'ils n'avaient pas
perdu leur journée.
Ils ne l'ont pas perdue, en effet, puis-
qu'ils n'ont rien fait, ce qui est essen-
tiellement la fonction de la moitié du
Parlement que l'Estafette appelle la
Chambre haute. Cet avortement ne les
a pas empêchés de se camper, le poing
sur la hanche, et de regarder bien en
face l'autre Chambre, dans une de ces
attitudes que, passé un certain âge. on
qualifie volontiers de viriles.
Virilité, dans la langue sénatoriale,
signifie mauvaise humeur : on fait ce
qu'on peut.
Mais ce n'est pas dans cette nouvelle
manifestation de l'esprit de résistance
du Sénat qu'a résidé l'originalité de la
séance d'hier. On y a eu la bonne for-
tune d'entendre M. Ferry, qui a mené
toute l'affaire, déclarer qu'il était d'ac-
cord avec tout le monde : avec le gou-
vernement, avec la Chambre, et que le
dégrèvement n'avait pas de plus chaud
partisan que lui-même.
Et on l'accuse, le pauvre homme, de
Souffler la discorde et de pousser au
conflit. La discorde, le connit ! De quoi
lui parlez-vous? Il s'agit d'entente, d'a-
paisement, de conciliation et pas d'au-
tre chose.
Ainsila commission des douanes, dont
il est le président, avait d'abord pensé à
maintenir purement et simplement les
droits primitifs sur le pétrole, pour
toute l'année 1892. Arrive le ministre
des finances : « Si le Sénat ne mainte-
nait les droits que jusqu'au 1er octobre,
on verrait alors à voter une loi spéciale
de détaxe ».
Loi spéciale ! s'est dit immédiate-
ment M. J. Ferry avec ce flair sénato-
rial qui le caractérise ; voilà notre af-
faire. Les lois spéciales n'aboutissent
jamais! Prenons acte de la promesse
du gouvernement qui n'engage que lui.
Quant à nous, nous trouverons tou-
jours en temps opportun, le moyen de
l'aider à ne pas le tenir.
Voilà l'excellent tour queM. J. Ferry,
toujours-facétieux, a joué à la majorité
de la Chambre qui par trois votes suc-
cessifs, émis en huit jours, a affirmé sa
volonté très arrêtée de dégrever les
pétroles.
Il est vrai que des dégrèvements on
n'en veut pas entendre parler au Sénat.
M. Dauphin, le compère de M. J. Ferry,
l'a dit en termes très nets : il a fait son
■ rneâ culpâ de ceux que le Parlement
vota en 1878.
;. Des augmentations de droits sur les
objets les plus nécessaires à la con-
sommation, tant qu'on voudra et même
plus qu'on ne voudra ; mais une atté-
nuation de ceux qui grèvent le pain du
pauvre, le vêtement du petit contri-
buable, l'éclairage et la force motrice
employés par l'ouvrier, jamais de la
vie, plutôt mourir !
t Sur quoi M. Dauphin qui a également
le mot pour rire, a accusé M. Tolain qui
insistait pour l'adoption des résolutions
votées au Palais-Bourbon, de ne rien
3faire pour amener la conciliation entre
les deux Chambres.
Nous allons voir demain quel succès
: auront devant la Chambre les procédés
de conciliation soufflés par M. J. Ferry,
et recommandés par M. Dauphin.
; La Chambre n'a aucune raison de re-
venir sur un vote qu'elle a émis par
trois fois !
( Alors!
-.., Alors ! c'est un petit conflit nouveau
^venant se greffer sur le gros conflit
budgétaire. Au point où nous en som-
mes, et puisque le Sénat en a pris bra-
: vement son parti, autant vaut qu'il en
soit ainsi.
L'opinion publique aime les situa-
tions très nettes : la netteté de celle-di
ne laisse rien à désirer. D'un côté, la
Chambre des députés, la seule qui re-
présente le pays et qui ait qualité pour
voter l'impôt ; de l'autre, une Assem-
blée d'invalides de la politique, sans
mandat budgétaire, arrêtant et le bud.
get et les dégrèvements,
C'est un joli jeu que celui qui consiste
à mettre des bâtons dans les roues :
mais c'est un jeu auquel le bâton court
plus de risque que les roues.
L'AFFAIRE DE PANAMA
La recherche des responsabilités
La Chambre a pris hier, à l'unanimité
de 509 votants, une résolution invitant le
gouvernement à exercer « une répression
énergique et rapide contre tous ceux qui
ont une responsabilité engagée dans l'en-
treprise du Panama ».
Ce dont on peut s'étonner, c'est que
les représentants de l'action publique
aient eu besoin d'un vote de la Chambre
pour faire leur devoir contre les orga-
nisateurs de cette entreprise qui devait
être le plus gigantesque travail du dix-
neuvième siècle et qui n'en a été jusqu'ici
que la plus colossale fumisterie.
Rapports mensongers, prévisions ficti-
ves, majoration de dépenses, travaux sur-
payés, fortunes scandaleuses édifiées en
un clin d'œil, tout ce qui peut entacher
une affaire de fraude se trouve réuni dans
celle-ci.
Enfin, l'heure de rendre des comptes a
sonné pour les éditeurs responsables et
les bénéficiaires de cette lucrative mysti-
fication.
Malheureusement, si l'on voit bien ce
qu'ils peuvent avoir à y perdre, on voit
trop aussi que les malheureux actionnai-
res n'ont pas grand'chose à y gagner. Ce
ne sont pas les quelques millions de res-
titutions ou de responsabilités pécuniai-
res qui leur seront alloués qui pourront
apporter un soulagement efficace à tant
de misères ni réparer tant de ruines.
Si la Chambre a voulu, en effet, que
tout le passé fut liquidé, elle a refusé non
moins nettement de s'engager pour l'a-
venir. Elle s'est bornée a renvoyer au
gouvernement les pétitions des porteurs
de titres, ce qui veut dire, en style par-
lementaire, qu'elle ne peut rien pour
eux.
C'est le résultat que nous avions laissé
prévoir.
Qu'en pensent les porteurs de titres qui
se sont laissés prendre aux belles pro-
messes de certains de nos confrères ?
UN NOUVEL EMPRUNT RUSSE
Opérations complexes
Il est question d'un nouvel emprunt
russe. Si nos renseignements sont exacts,
et nous avons tout lieu de le croire, l'opé-
ration, pour laquelle des pourparlers sont
déjà engagés, serait double, en ce sens
qu elle comprendrait à la fois une conver-
sion et un emprunt, et ne s'éloignerait
pas du chiffre d'un milliard.
Un représentant du ministre des finan-
ces de Russie, en ce moment à Paris, a
également entamé des négociations avec
un groupe de banquiers pour la revente
des 250 millions de rentes du dernier em-
prunt 3 0/0 que le gouvernement russe
avait rachetés pour enrayer le mouvement
de baisse qui s'était produit après l'émis-
sion du mois de novembre.
AU SENAT
Les tarifs douaniers. — Tout au
pétrole
A peine ouverte, la séance est suspen-
due afin de permettre à la commission
des douanes de conférer avec le gouver-
nement en ce qui concerne les droits sur
les pétroles.
M. Dauphin apporte enfin, sur le coup
de auatre heures, son rapport sur les ta-
rifs 'douaniers, retour de la Chambre.
M. Rouvier, ministre des finances, an-
nonce que le gouvernement est d'accord
avec la commission, à part une question ;
de forme.
M. Ferry, au nom de la commission des
douanes, annonce que la commission
accepte le changement proposé par le
gouvernement.
Le no 197 (pétroles) serait maintenu au
tableau en substituant aux chiffres votés
par la Chambre (7 et 12 fr.) les droits de
t8 et 25 fr. qui existent actuellement sur
les pétroles.
M. Tolain proteste. Il voit avec raison
dans cette mesure l'ajournement du dé-
grèvement des pétroles.
M. Rouvier reparaît à la tribune :
Le gouvernement, dit-il, n'est pas hostile
en principe au dégrèvement du pétrole, mais
il estime qu'il est prudent d'en ajourner l'exé-
cution jusqu'au budget de 1893.
Il lui paraît que la proposition de la com-
mission laisse la question entière, puisque
le gouvernement est décidé à présenter,
avant le 1" octobre, une loi sur la détaxe du
pétrole.
Nous prenons ferme cet engagement, de fa-
çon à ce que la loi puisse être appliquée le
1" octobre au plus tard.
Il en résultera un dégrèvement égal à ce-
lui que la Chambre a voulu faire, sans qu'il
soit possible de rien préciser dès à présent
on ce qui concerne l'écart entre les pétroles
bruts et raffinés.
Quant à la répercussion sur le budget, nous
considérons qu'il en résulterait pour le Trc-
sor une perte de 5 millions, si on ne trouvait
ti.oyen de la compenser. Ce moyen pourrait
être d'ajourner d'un mois le dégrèvement sur
la grande vitesse. Ce dé.ai d'un mois s'impo-
serait, quand même il ne s'agirait pas de
boucher le trou fait dans le budget par les
pétroles.
M. Dauphin, rapporteur général, déclare
que la commission accepte en principe le
dégrèvement du pétrole, mais qu'elle ne
peut encore fixer la date de ce dégrève-
ment.
-- On passe au vote.
Par 223 voix contre 18, le Sénat adopte
les nouvelles propositions de la commis-
sion.
Le numéro 197 est modifié en consé.
quence.
L'article 1er (texte de la Chambre) est
adopté ainsi que les articles 16 et 17.
Par 205 voix contre 4, l'ensemble du
projet de loi sur les tarifs douaniers est
voté.
Séance demain pour discuter ce qu'aura
fait la Chambre.
PARAIT LE LUNDI ET LE JEUDI
- Le Supplément Littéraire Illustré de La Lanterne
- Le Numéro ; li Centimes
A LA CHAMBRE
LA QUESTION DU PANAMA
Les victimes d'erreurs judiciaires. —
Les rapports Krantz et Thévenet.
- Le vote
De deux à cinq des spécialistes comme
MM. Bovier-Lapierre, Pourquery de Bois-
serin et Fallières s'escriment sur divers
amendements à la proposition de loi rela-
tive aux victimes d'erreurs judiciaires.
L'article unique de la loi a pour objet
de modifier les articles 443 et 446 du Code
d'instruction criminelle.
Le premier amendement déposé par M.
Pontois est adopté.
En voici les termes :
Dans tous les cas où une indemnité sera
accordée aux victimes d'erreurs judiciaires,
en vertu de la présente loi, il sera inséré au
Journal officiel de la République française
une notice résumant la décision judiciaire
qui a reconnu le droit à l'indemnité et qui en
a fixé le quantum.
Une disposition additionnelle de M. Bo-
vier-Lapierre créant le principe d'une
« réparation pécuniaire de l'Etat dans le
cas d'innocence déclaré » ayant été ad-
mis par la Chambre, elle a été, après une
très longue, très savante et très correcte
discussion, renvoyée à la commission.
Le Panama
On attaque ensuite la discussion des*
rapports de MM. Krantz et Thévenet sur
les pétitions de Panama.
C'est M. Gauthier de Clagny qui prend
le premier la parole. Il faut trancher la
question et ne pas recourir à un renvoi
pur et simple au gouvernement.
Le devoir du ministre de la justice est
de faire avec activité une enquête judi-
ciaire qui établisse les responsabilités ;
celui du gouvernement est de faire savoir
la conduite qu'il compte tenir et s'il est
oui ou non dans l'intention d'agir officieu-
sement auprès des sociétés de crédit.
En un mot qu'il dise ce qu'il compte
faire pour le Panama; et qu'il prenne
l'avis de la Chambre pour agir avec plus
d'autorité.
Ça n'est pas bien méchant, cômme vous
voyez ; mais ça a suffi pour mettre dans
un grand état de surexcitation M. Moins-
trois-voix. Le brave homme s'écrie tout à
coup : « Il faut agir en faisant arrêter les
voleurs! »
Le garde des sceaux répond que l'ins-
truction est ouverte qu'elle a été confiéa à
un magistrat éminent (M. Prinet) qui fait
son devoir pour arriver a la découverte
de la vérité.
La discussion
Sur cette réponse, la discussion s'en-
gage. M. C. Dreyfus — passons son opinion
sur le Panama — estime que le ministre
de la justice insistera auprès du Parquet
pour que prompte justice soit faite.
Le rapporteur d'une des deux commis-
sions — car deux commissions ont été
saisies de la question tour à tour, — M.
Krantz, vient donner quelques explica-
tions sur son premier rapport. Il les donne
même assez longuement.
Il y a eu, dit-il, deux sortes de pétitions.
Celles qui expriment le désir de voir le
gouvernement inviter le Crédit foncier à
prendre la direction de la nouvelle com-
pagnie du Panama.
celles qui demandent que des poursui-
tes soient intentées.
Nous écartons les premières. Nous de-
mandons le renvoi des secondes au minis-
tre de la justice et au ministre des affai-
res étrangères suivant leur nature.
M. Krantz s'exprime en ces termes à ce
sujet :
Nous désirons, comme toute la Chambre,
que la lumière soit faite ; que des poursuites
soient ordonnées, si cela paraît nécessaire,
qu'elles aboutissent, s'il y a lieu. Nous dési-
rons enfin,dans l'intérêt de tous, que la jus-
tice, pour boîteuse qu'elle soit, n'arrive pas
trop tard.
Ce qui force M. Fallières à jurer ses
grande dieux que le juge chargé de l'af-
aire n'a pas perdu une minute.
Il caractérise ainsi l'intention du gou-
vernement :
Le renvoi ne signifie rien, et ce sera une
illusion de plus que vous aurez fait naître
chez ces malheureux souscripteurs. Sous
cette impression, ils apporteront une fois de
plus leur argent à une oeuvre dont vous ne
pouvez leur garantir le succès, ou bien cette
intervention du gouvernement sera effective,
et alors vous serez amenés à appuyer avec
l'argent des contribuables l'entreprise de Pa-
nama.
Il est donc indispensable que la Chambre
connaisse la portée du vote qu'etle va émet-
tre. Pour la commission, elle estime que l'en-
treprise de Panama est une affaire privée, et
elle demande à la Chambre de passer à l'or-
dre du jour pur et simple sur les pétitions
rapportées par la 14" commission.
M. Le Provost de Launay réclame, sur
l'air des Lampions, un peu de lumière ;
c'est pour la forme.
Le rapporteur de la seconde commis-
sion, M. Thévenet, vient à son tour de-
mander le renvoi au gouvernement des
pétitions.
Nous avons pensé, dit-il, qu'il ne serait pas
impossible que le gouvernement, usant de s a
haute autorité et considérant les 1 milliard
300 millions de capitaux français engagés dans
l'entreprise, intervînt officieusement pour
aider, sans aucune garantie ni responsabili-
té, à la reconstitution de cette affaire.
Votre commission conclut donc au renvoi de
toutes ces pétitions à MM. les minissres des
finances, des travaux publics et des affaires
étrangères, tout en affi mant que le Gouver-
nement et le Parlement n'ont encouru et ne
sauraient encourir dans toute cette affaire
aucune responsabilité.
Le vote
Nous rentrons un instant dans les bavar-
dages avec MM. Douviile-Maillefeu, Le
Provost de Launay et Gauthier de Clagny
et la question se pose ainsi :
La commission présidée par M. Krantz
demande le renvoi de certaines pétitions
au ministre de la justice et des autres au
ministre des affaires étrangères.
La commission présidée par M. Thévenet
propose le renvoi aux ministres des finan-
ces, des affaires étrangères et des travaux
publics de toutes les pétitions.
M. Douviile-Maillefeu fait mettre aux
voix l'ordre du jour pur et simple qui est
repoussé par 275 voix contre 229.
Deux nouveaux ordres du jour sont
alors en présence.
Un de M. Provost de Launay ainsi
conçu: :
La Chambre, convaincue que la confiance
publique dans la possibilité de l'entreprise
de Panama ne peut en aucun cas exister
avant que la lumière soit faite sur toutes les
responsabilités, invite le gouvernement à ac-
tiver les poursuites commencées contre les
administrateurs.
L'autre, de MM. Saint-Germain et Pey-
tral, en ces termes :
La Chambre, désirant qu'une répression
énergique et rapide ait lieu contre tous ceux
qui ont encouru des responsabilités dans
^affaire du Panama, passe à l'ordre du jour.
Le ministre des finances ne voit aucune
raison pour s'opposer au renvoi des péti-
tions au gouvernement, à condition qu'il
soit bien entendu que son intervention
soit toute officieuse et qu'en aucune me-
sure les finances de l'Etat et la responsa-
bilité du gouvernement ne seront enga-
gées.
Après lui, le garde des sceaux affirme
que l'instruction se poursuit et que rien
n'empêchera la lumière de se faire.
Cette promesse satisfait les plus diffici-
les et, à l'unanimité de 509 votants, on
les etl, 'ordre du jour Saint-Germain-Pey-
vote
tral, auquel tout le monde a fini par se
rallier.
Comme conclusion, M. Floquet met aux
voix les conclusions des deux commis-
sions, c'est-à-dire, en somme, le renvoi
des pétitions au gouvernement.
", Elles sont adoptées à 38 < voix con-
tre 101.
Nous ne voudrions pas dire, irrévéren-
cieusement, que c'est peut-être là un em-
plâtre sur une jambe de bois ; mais nous
pensons que tout ça est bien. plato-
nique.
Les pétroles
En fin de séance, M. Jules Roche dé-
pose, pour la troisième fois, le projet de
loi relatif aux tarifs des douanes, retour
du Sénat. C'est la fameuse querelle des
pétroles. M. Viette se prépare pour jeudi.
EN BULGARIE
Grave nouvelle non confirmée
Le Courrier du Soir publiait hier l'in-
formation que voici :
Une dépêche qui nous parvient de Vienne
nous dit qu'on vient de recevoir dans cette
ville la nouvelle que la Bulgarie aurait pro-
clamé son indépendance.
Aux Affaires étrangères, on n'a pas la con-
firmation de cette grave nouvelle.
Dans l'intérêt de la paix européenne, nous
nous plaisons encore à croire qu'elle est sans
fondement et qu'elle n'a été mise en circula-
tion dans un milieu favorable à la Bulgarie
que pour impressionner le monde diplomati-
que et faire le jeu de Stambouloff, mal en-
gagé dans l'incident franco-bulgare.
A l'heure où nous terminons le journal,
aucune dépêche ne nous est parvenue
concernant cette grave nouvelle.
BI. DE MAUPASSANT
Sa santé. — Dernières nouvelles
Il est absolument acquis que M. de Mau-
passant est en proie à des troubles ner-
veux fort graves, mais on n'est pas en-
core d'accord sur les détails de sa tenta-
tive de suicide. Il paraît qu'il ne s'est
point servi d'un rasoir, mais d'un couteau
japonais. Cela expliquerait que sa bles-
sure ait eu si peu de gravité.
Le Littoral de Cannes raconte de la fa-
çon suivante le suicide :
Samedi, à dix heures, M. de Maupassant
voulut se remettre à son roman l'Angelus.
Après un quart-d'heure d'efforts, ne pouvant
y parvenir, une nuit profonde se faisant en
son cerveau, il se leva eu proie à une surex-
citation très vive, frappa un violent coup de
poing sur la table et prononça ces mots à
haute voix : « Puisqu'il en est ainsi, mieux
encore mourir. Allons, encore un homme au
rancart. »
C'est alors qu'il se serait porté un coup
à la gorge.
Pour procéder à la suture de la plaie, il
fallut que les matelots du Bel-Ami main-
tinssent M. de Maupassant à grand'peine.
Une dépêche de Cannes affirme, d'au-
tre part, que M. de Maupassant avait fait
venir, il y a quelque temps, son avoué de
Paris et avait pris ses dispositions testa-
mentaires.
Un de nos confrères a reçu de M. Paul
Ollendorf, l'éditeur des œuvres de Mau-
passant, les déclarations suivantes :
D'après les nouvelles que j'ai reçues aujour-
d'hui de Cannes, a dit en substance M. Paul
Ollendorff, il est exact, en effet/que M. Guy
de Maupassant ait tenté de se suicider, ainsi
qu'il a été dit, dans la nuit de vendredi à sa-
medi. Toutefois, je ne pense pas qu'on doive
dire qu'il ait pris cette funeste détermination
sous l'influence d'un accès de fièvre chaude.
C'est plutôt, à mon avis, sous l'empire d'une
crise de nerfs plus terrible que les autres.
qu'il a été poussé à tenter ce coup désespéré.
Voici les deux dernières lettres que M. Guy
de Maupassant m'a écrites de Cannes. La
première porte la date du 26 décembre. Dans
l'un des passages de cette lettre, qui ne dé-
note d'ailleurs aucun trouble intellectuel, il
me dit : « J'ai toujours des douleurs terri-
bles. » Cependant, la seconde de ses lettres
que j'ai reçue avant-hier, et qui est écrite
d'un style et d'une main très ferme, constate
une légère amélioration dans son état : « Je
vais beaucoup mieux, me dit-il, mais avec des
souffrances intolérables. » Que faut-il con-
clure de cela ?
Samedi, quelques heures avant sa ten-
tative de suicide, M. de Maupassant avait
fait payer par "son valet de chambre le
loyer du châlet d' « Isère » qu'il habite,
propriété de M. Gautier, rédacteur en
chef du Littoral. Ce fait donne à croire que
Maupassant avait prémédité son suicide.
Dans la journée de dimanche, le malade
a tenté de rouvrir la plaie qu'il s'est faite
à la gorge dans le but de provoquer une
hémorrhagie. A l'heure actuelle, il est
très agité; ses amis et les médecins veil-
lent à son chevet. On parle toujours de le
conduire'dans une maison de santé.
AU MAROC
Envoi d'un bâtiment français
Le ministère des affaires étrangères a
été avisé que les troubles qui ont éclaté
àTangeront un caractère purement local;
c'est à l'administration indigène qu'une
partie de la population de Tanger en veut
et non pas aux étrangers qui habitent la
ville.
Néanmoins, le gouvernement français a
jugé utile, en présence de certaines éven-
tualités possibles, d'envoyer un bâtiment
de guerre dans les eaux de Tanger. En
conséquence des ordres reçus, le Cosmao
est parti de Toulon hier matin à six heures.
Intervention de l'Angleterre
Madrid, 5 janvier. — On mande de Tan-
ger :
L'hostilité des tribus contre le pacha
augmente.
Une canonnière anglaise vient d'arri-
ver ; on croit qu'elle sera suivie d'une es-
cadre appartenant à la même nation.
Le bruit court que le ministre d'Angle-
terre aurait prévenu le pacha que s'il ne
pouvait pas, en cas de nécessité, garan-
tir la sécurité de la ville, il ferait débar-
quer des marins anglais pour protéger ses
nationaux.
A M. DE DOUVILLE-MAILLEFEU
La reconnaissance d'un peuple
On parle très sérieusement d'élever sur
une des principales places de Sofia une
statue à un héros aussi modeste qu'origi-
nal, au député d'Abbeville, M. de Dou-
ville-Maillefeu pour le dévouement dont
il a fait preuve dans la séance de lundi
dernier..
Sur le socle cette inscription : A M. de
Douviile-Maillefeu les Butgares reconnais-
sants.
Avec un courage surhumain, s'élançant
au milieu du feu. d'une discussion sur
la question bulgare, il a sauvé. la répu-
tation de M. Stambouloff, menacée par
un pauvre malade du nom de Millevoye.
Cet acte héroïque a rempli d'enthou-
siasme le peuple bulgare tout entier.
Sur les boulevards, les camelots ven-
dent depuis lors un bibelot qui est devenu
la question du jour : C'est une photogra-
phie de M. de Douville-Maillefeu en empe-
reur d'Orient avec ces mots : Cherchez le
Bulgare. et les trois voix auxquelles le
député d'Abbeville doit son siège.
L'honorable défenseur des a peuples
libres » a reçu déjà une adresse de félici-
tation; on parle d'une décoration spé-
ciale.
La joie de M. de Douville-Maillefeu est
sans borne ; à la Chambre il la manifeste
par des accès variés qui inquiètent par-
fois ses amis et ses voisins.
AUTOUR DES CHAMBRES
La réforme administrative
Plusieurs députés ont déposé des proposi-
tions tendant a la réforme administrative. La
commission chargée de les examiner cùnclut
à la nomination d'une commission de trente-
trois membres chargée d'étudier la revision
des services administratifs. L-i commission
devra proposer à la Chambre des mesuies
qu'elle jugera utiles au bon fonctionnement
des services ou à l'intérêt des fi. ances publi-
ques. -
La question des pétroles
La commission des douanes de la Chambre
se réunira aujourd'hui pour examiner encore
une fois cette fameuse question des pétroles.
Il est probable qu'elle acceptera les chiffres
du Sénat, mais cela ne peut pas avoir d'in-
ffuence sur le vote de la Chambre qui s'est
déjà prononcée cinq fois sur la question. M.
Viette est, d'ailleurs, décidé à maintenir son
amendement.
INFORMATIONS
Le directeur des haras
Le président de la République a signé lucr,
sur la proposition de M. Develle. ministre de
l'agriculture, un décret par lequel M. Plazen,
inspecteur général, est nommé directeur des
haras, en remplacement de M. de Cormette,
admis, sur sa demande, à faire valoir ses
droits à la retraite.
Convocation d'électeurs
La convocation des délégués sénatoriaux de
la Charente-Inférieure, en vue de pourvoir
au remplacement de M. Didier, décédé, est
fixée au 17 janvier. L'élection aura lieu le 21
février.
L'élection d'Annecy
Un comité réactionnaire vient de présenter
la candidature de M. Agnellet. ultrarnontain,
contre la candidature du docteur Thonion.
républicain..
M. Raisin, radical, a refusé de laisser poser
sa candidature.
L'INFLUENZA
En Angleterre
L'infiuenza fait de grands ravages dans
plusieurs parties de l'Angleterre, dit la
Pall Mall Gazette, entre autres à Hers-
houm- vV alton-on - Thomes, Aglesbury, Lu-
ton, Canterbury, Dunstable, dans le Dor-
setshire, le sud du Yorkshire et dans
plusieurs villes de l'Irlande. A Guernesey
on signale un grand nombre de cas et
plusieurs décès.
En Italie
Gênes, 5 janvier.— La ville est très
éprouvée par l'influenza. L'archevêque en
est atteint.
On s'attend à un dénouement fatal.
Milan, 5 janvier.—L'infiuenza sévit avec
violence à Milan-
Les écoles commuuales sont fermées
pour huit jours faute de personnel.
En Belgique
Bruxelles, 5 janvier. — Bulletin de santé
du docteur Aubrun sur l'état de M. Bou-
rée :
L'amélioration d'hier s'est maintenue.
La nuit a été meilleure. La faiblesse est
moins grande.
L'état général de Mme Bourée s'amé-
liore. Les symptômes pulmonaires sont
moins intenses.
Le mieux s'accentue dans l'état de santé
du prince Ourousoff.
Mons, 5 janvier. — L'infiuenza sévit
avec intensité dans tout le Borinage. A
Mons, on relève plus de décès que pen-
dant la grande épidémie cholérique de
1867.
UNE MESURE DISCIPLINAIRE
Maltre Laguerre
Il n'était bruit hier, dans les couloirs
du Palais de Justice, que de la radiation
d'un avocat du tableau de l'ordre. Cette
grande mesure qui frappait, disait-on, un
des membres du Parlement, ferait beau-
coup de bruit, étant donnée la personna-
lité qui-était atteinte.
il s'agit, paraît-il, de Me Laguerre
AU BRÉSIL
COMMENT LE DICTATEUR DA FON-
SECA A ÉTÉ RENVERSE
La Constitution brésilienne. — Soldat
ambitieux. — L'état de siège. —
Révolution. — Courageuse ré-
sistance. — Chute du dic-
tateur.
Bien que nos lecteurs connaissent, par nos
dépêches, les événements qui se sont récem-
ment produits au Brésil, nous croyons inté-
ressant de mettre sous leurs yeux la lettre
suivante, qui nous a été envoyée par un de
nos abonnés :
Le télégraphe a dû vous signaler les
derniers événements qui se sont succédé
au Brésil et les causes qui ont amené la
chute du président Deoaoro da Fonseca.
Cependant comme ces événements sont
dus en partie à l'Etat de Rio Grande du
Sud et que les motifs détaillés ne seront
pas publiés, je vous adresse la présente
afin que vous puissiez les transmettre
aux nombreux républicains français, lec-
teurs de votre estimable journal, et qu'ils
soient assurés qu'au Brésil ainsi que dans
toutes les Républiques, le pouvoir person-
nel d'un homme, à quelque titre que ce
soit, ne sera jamais au-dessus de la loi
délibérée par les élus du peuple.
Je vais donc vous expliquer lès faits
tels qu'ils se sont passés, en les abré-
geant toutefois, wk
Une province républicaine
Comme je vous le disais iplus haut, le
mérite de la chute de l'aspirant dictateur
revient principalement au Rio Grande du
Sud, Etat que j'ai l'honneur d'habiter. Cet
Etat a une population de 1,200,000 habi-
tants avec une superficie à peu près égale
à celle de la France.
C'est, après celui de Saint-Paul, le plus
prospère des Etats du Brésil..
L'armée brésilienne étant composée, en
temps de paix, de 25,000 hommes, il y en
a ici 10,000, pour couvrir la frontière des
républiques de l'Uruguay et Argentine.
La Constitution brésilienne, un peu sem-
blable à la nôtre de 1848, contient entre
autres, l'article suivant :
« Lorsque le président de la République
jugera un projet de loi, voté par les
Chambres, inconstitutionnel ou contraire
aux intérêts de la nation, il ne le sanc-
tionnera pas, retournant ce projet au Sé-
nat. Il sera soumis à une nouvelle discus-
sion et sera considéré approuvé s'il réuni
alors en sa faveur les deux tiers des suf-
frages des sénateurs présents à la discus-
sion. Il sera, de cette façon, considéré
comme loi. »
Les Chambres ayant approuvé un pro.
jet de loi sur la responsabilité présiden-
tielle, le maréchal Déodoro, conseillé par
son ministre, le baron de Lucena (nou-
veau Broglie), refusa de sanctionner ce
projet ; l'ayant retourné au Sénat il fut
approuvé de nouveau par une grande ma-
jorité.
Dissolution du Congrès
C'est alors que le président, malgré la
Constitution qui le lui défendait, dissout le
Congrès en déclarant que c'était pour
mettre fin aux luttes du pouvoir exécutif
et du Parlement. Déclarant aussi qu'il
convoquerait une Constituante qui aurait
à re viser la Constitution dans le sens qu'il
indiquerait, etc., etc.
Quoique les Brésiliens n'aiment pas à
être gouvernés par des militaires, ils
avaient élu président de la République le
maréchal Déodoro, pour le récompenser
d'avoir été le principal fondateur de la
République. r
Déodoro est un soldat ambitieux, inca-
pable de gouverner son pays, il avait pris
pour chancelier un monarchiste, le baron
de Lucena, homme généralement détesté,
qui rêvait sans doute de faire jouer à
Ueodoro le rôle de Napoléon III et d'en
être le Morny.
Après la dissolution des Chambres, la
ville de Rio fut déclarée en état de siège,
il fut établi un tribunal militaire pour ju-
ger les délits politiques ; les journaux re-
çurent l'ordre de ne censurer aucun des
actes du gouvernement sous peine de
prison contre tous les rédacteurs.
Le Congrès n'eut pas la force de résis-
ter, mais l'Etat de Rio Grande du Sud,
animé du désir de ne pas perdre sa li-
berté dont il est très jaloux, se révolta
aussitôt. Le peuple, aidé des militaires,
renversa aussitôt; le gouvernement d'E-
tat établi à Porto-Alegre, pour n'avoir
pas voulu se déclarer aussitôt contre lq
dictateur.
Il n'y eut aucune effusion de sang.
L'indépendance de Rio Grande
Il fut établi un gouvernement à Porto-
Alègre, présidé par un des chefs républi-
cains, Assis Brazil. Son premier acte fut
de décréter lïndépendance de Rio Grande
jusqu'à ce que Deodoro quitte le pouvoir
ou qu'il rétablisse le Congrès.
La révolution a. surtout été faite par
l'armée de Rio Grande qui préférait ser-
vir la liberté plutôt que le despotisme,
La garde nationale s'arma aussitôt, il sa
forma des bataillons de jeunes gens inti-
tulés « bataillons patriotiques o, de sorte
que l'on organisa une armée prête à mar-
cher sur Rio, suivant que -les circonstan-
ces l'indiqueraient. La direction en f::t
confiée au général Zorio, le neveu d'un
des héros de la campagne du Paraguay.
Aucune violence ne fut exercée contre
les rares partisans du président Déodoro;
le plus grand calme fut observé et il n'y
eut qu'une mort à déplorer, ce fut celle
d'un général qui fut tué pour avoir voulu
résister. 1
On envoya ensuite au gouvernement
dictatorial l'intéressant télégramme sui-
vant:
« Tout le Rio-Grande du Sud s'est réso-
lument révolté contre le dictateur Deo.,
doro : Après quatre jours de campagne
toute la population s'est révoltée en orgac
nisant une force de 50,000 hommes aI'més.
Après avoir pris une attitude hostile con<
tre la dictature, embrassant victorieuse»
ment la cause de la liberté, le président
de l'Etat a été déposé et on a acclamé, un
comité révolutionnaire provisoire.
» Vive la République, vive la liberté, à
bas le despotisme,..
Le 15 novembre, le baron de Lucensa
ayant télégraphié au nouveau président
d'Etat nour lui dire par ironie que l'anni-
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