Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-01-13
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1888 13 janvier 1888
Description : 1888/01/13 (N3919,A12). 1888/01/13 (N3919,A12).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7506104g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
ADMINISTRATION, RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
I8 - Bue nicher ** 18
Les ar4iclea non insérés ftô seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARia
UN IIOIS. S FIL
TROIS MOIS. S FR.
SIX MOIS 9FR.
UN AN. d8 J
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le Numéro : 6 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN UOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN. 20 FR.
DOUZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 3919
Vendredi 13 Janvier 1888
24 NivÔse An 96
DANS QUELQUES JOURS
La Lanterne
COMMENCERA
Le comte Pierrot
GRAND ROMAN INÉDIT
PAR
G. GRISON ET L. SURESNES
Le comte Pierrot est l'œuvre
Commune de deux auteurs qui, vivant
au milieu des mystères parisiens, sont
à même chaque jour de les étudier et
de les approfondir.
C'est un récit mouvementé, plein
d'action et d'intérêt, où les scènes de
sentiment alternent avec les incidents
dramatiques. Des personnages de tous
les mondes y défilent à tour de rôle,
et l'on voit l'ouvrier en présence du
gentilhomme, l'honnêteté et le travail
luttant contre l'astuce et le crime.
Nous sommes persuadés que le nou-
veau feuilleton de La Lanterne
Le comte Pierrot
obtiendra auprès de nos lecteurs un
grand et légitime succès.
La dignité de la justice
La magi strature française se signale :
l'affaire Wilson compte un scandale de
plus et c'est la justice qui l'a fait.
On en trouvera plus loin les détails.
Depuis le commencement de cette
abominable affaire des décorations,
c'est une question bien douteuse de
savoir d'où vient le pire scandale et si
ce n'est pas des magistrats bien plus
que des accusés.
Jusqu'à présent, la justice n'a rendu
guère d'arrêts ; mais elle n'a guère re-
fusé de services. Rivalisant de basses
complaisances avec la police, elle s'est
empressée de ne pas arrêter M. d'An-
dlauetdenepas poursuivre M. Wilson.
Aussi longtemps que M. Grévy est resté
& l'Elysée, M. Wilson n'a jamais été
qu'un témoin distingué qui faisait à la
justice l'honneur d'aller chez elle.
On avait pour lui desr égards et tel
magistrat qui recevait sa déposition
lui demandait sa protection bienveil-
tante en signant le procès-verbal.
Aujourd'hui, c'est contre lui qu'on
fait du zèle. Pendant que certains s'ef-
forcent d'enterrer l'affaire, d'autres
travaillent à s'en faire un marchepied.
Des procédés incompatibles avec la di-
gnité de la justice ont été mis en œu-
vre et le juge d'instruction n'a pas re-
culé devant ces moyens odieux que la
police emploie volontiers et qui sont la
cause principale de la déconsidération
universelle dont elle jouit.
Ces procédés honteux, les honnêtes
gens les réprouvent avec énergie. Ce
sont les vilenies courantes de la prati-
que policière, et nous les avons stig-
matisés cent fois. Mais, transportés
dans le domaine de la justice, ils re-
vêtent un caractère d'odieux et d'infa-
mie qui les rend absolument intoléra-
bles. Que pour obtenir l'aveu d'un cou-
pable le juge recoure à un abus de
confiance, à une façon de faux moral,
c'est la négation de toute justice et de
toute honnêteté.
Qu'un magistrat s'attable avec des
prévenus et boive — à leurs frais —
pour arracher des aveux à leur ivresse,
c'est une indignité qui soulève le dé-
goût. Cela, nous le déplorons, parce
que ces mauvaises mœurs nuisent à la
justice plus qu'à personne.
Ce n'est pas le fait d'un honnête
lionme de banqueter avec des gens
tarési pour les faire arrêter au dessert,
après surtout qu'ils ont payé l'addition.
Un magistrat qui comprend aussi mal
la dignité de ses fonctions et l'honneur
de la justice n est pas un magistrat,
tout au plus un policier.
Le garde dss sceaux a donc bien fait
de déférer M. le juge d'instruction à la
juridiction disciplinaire. Mais il faut et
il importe que la chose s'explique au
grand jour e; que l'opinion publique ne
puisse point s'y méprendre. Or, préci-
sément on l'a surexcitée et mise en
suspicion.
Ce qui rend surtout dangereux le
scandale de la fin, c'est le scandale du
commencement. Si M. Wilson était à
Mazas, le cas de M. Vigneau serait la
chose du monde la plus simple, On di-
rait : le juge a fait du zèle pour avoir
de l'avancement. Il a commis, par bas-
sesse, une infamie. On le révoque et
on a raison.
Voilà ce qu'il faudra faire compren-
dre à l'opinion publique. Ce ne sera
peut-être pas aussi facile qu'on pour-
rait le croire. Oh ! si la juridiction dis-
ciplinaire dt la Cour de cassation était
une juridiction de grand jour, la chose
irait de soi. Mais ce jugement à huis-
clos, en secret, en famille, ne satisfait
ni ne rassure point l'opinion publique.
Elle en suspecte également et l'indul-
gence et la sévérité.
Si l'on ne veut pas que l'opinion s'é-
gare, il la faut éclairer. Si l'on ne veut
pas qu'elle suspecte et le gouvernement
et la justice, il faut ne rien cacher, il
faut tout dire, il faut faire sur toutes
choses la pleine lumière et le grand
jour.
Les honnêtes gens, en France, en-
tendent que personne, si haut placé
soit-il, ne demeure au-dessus des
lois.
C'est pour cela que l'affaire Wilson
a produit une crise parlementaire, puis
une crise présidentielle. Mais la per-
version de la justice est plus grave
encore que l'impunité d'un coupable.
Les lois criminelles en France ne
donnent pas déjà trop de garanties aux
justiciables pour qu'il soit permis de
les violer et d'y introduire les pires
procédés de l'arbitraire policier.
Nous apprenons à la dernière heure
qu'une interpellation va se produire
demain à la Chambre. Nous espérons
que la lumière se fera. Il en est be-
soin.
LE SUPPLÉMENT DE LA « LANTERNE»
Le second numéro du supplément
transformé. — A nos lecteurs
Demain sera mis en vente le second nu-
méro du supplément de la Lanterne trans-
formé.
Nos lecteurs ont tous pu se rendre
compte par le premier numéro de l'impor-
tance de cette transformation.
Nous publierons demain le sommaire
du second numéro, que nous croyons en-
core plus intéressant que le premier.
La Lanterne est parvenue à donner à ses
lecteurs le recueil littéraire le plus inté-
ressant et le plus varié.
C'est ainsi que dans le supplément de
demain on trouvera les noms les plus il-
lustres de la littérature moderne : Al-
phonse Daudet, Emile Zola, Catulle. Men-
dès, Paul Arène, Aurélien Scholl, Pierre
Loti, Gustave Nadaud, Glatigny, Georges
Ohnet, Paul Déroulède,. etc., etc.
-- UN DUEL TRAGIQUE
Chez M. Anatole de la Forge. — Une
information inexacte
On lisait hi/n* dans le Paris :
m
Un officier anemand avait mal parlé d'une
joune fille française. Un officier de notre ar-
mée, parent de cette jeune fille, demanda ré-
paration à l'insulteur.
Une rencontre, reconnue inévitable, vient
d'avoir lieu à la frontière belge.
Notre compatriote avait pour premier té-
moin vi députe de Paris dont le nom est sy-
nonym", de courage et d'honneur.
Le duel était au pistolet, à vingt-cinq pas,
au visé.
L'Allemand a visé la tête du Français et
n'a touché que son képi.
Le Français a visé la poitrine de l'Alle-
mand, qui a été tué raide.
Nous nous sommes immédiatement
rendus chez M. Anatole de la Forge, que
les mots de courage et d'honneur dési-
gnaient très clairement. « On a du con-
fondre deux affaires, nous a dit l'honorable
député de la Seine. Celle à laquelle je
viens d'être mêlé ressemble par certains
côtés à celle racontée par le Paris. Il Va-
gissait de deux familles honorables et une
jeune fille était également en cause, mais
le dénouement n'est pas le même car
l'affaire a été arrangée à l'amiable. Je vais
d'ailleurs adresser à ce sujet un mot au
rédacteur en chef du Paris.
« Il se peut qu'un autre duel ait eu lieu
en Belgique; en tous cas j'en ignore les
détails y étant complètement étranger. »
L'AFFAIRE LEGRAND
Une décoration ancienne. — Le cas
de M. Dautresme
Un détail assez curieux.
M. Dautresme, qui a rempli les jour-
naux de ses lettres, au commencement des
affaires Wilson, protestant qu'il n'avait ja-
mais décoré M. Jacquot, par exemple, est
resté coi ces jours-ci.
Il avait une bonne raison pour cela.
C'est lui, en effet, qui avait décoré M.
Legrand, ainsi d'ailleurs que tous les
négociants d'Anvers et d'Amsterdam, à
la suite des rapports de M. Nivert,
l'homme d'affaires de M. Wilson.
La Chambre pourrait peut-être deman-
der quelques explications à ce sujet à
M. Dautresme.
LA PROPSITION DE M. MICHELIN
M. Michelin déposera aujourd'hui, sur
le bureau de la Chambre, une proposition
tendant à assurer la permanence des mi-
nistres de la guerre, de la marine et des
affaires étrangères, et, par suite, la con-
tinuité dans la direction de ces trois mi-
nistères.
Pour atteindre ce but M. Michelin pro-
pose que ces trois ministres soient affran-
chis de la solidarité politique avec les au-
tres membres du cabinet et ne soient res-
ponsables que de leurs actes personnels.
UN JUGE RÉVOQUÉ
LE JUGE D'INSTRUCTION VIGNEAU
EST RELEVÉ DE SES FONCTIONS
UNE NOUVELLE PHASE DE L'AF-
FAIRE WILSON
Une surprise émouvante. - Explica-
tions peu claires. — Devant la
cour de cassation. — Faits gra-
ves.- Conversation télépho-
nique. — Autres accusa-
tions. — Les racon-
tars. — Un juge
interrogé.
Hier matin, le Journal officiel publiait
le décret dont voici la teneur :
Le président de la République française,
Sur le rapport du garde des sceaux, minis-
tre de la justice,
Décrète :
Article premier. - M. Vigneau, juge d'ins-
truction au tribunal de première instance de
la Seine, est relevé de ses fonctions de juge
d'instruction. Il reprendra celles de simple
juge à partir de la notification du présent dé-
cret..
Art. 2. - Le garde des sceaux, ministre de
la justice, est chargé de l'exécution du pré-
sent décret.
Fait à Paris, le 10 janvier 1888.
CARNOT.
Par le président de la République :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
A. FALUÈRES.
A la cour de cassation
Une note officieuse de l'agence Havas
parvenait quelques heures plus tard aux
journaux du soir. La voici :
A la suite du décret relevant M. Vigneau
de ses fonctions de juge d'instruction au tri-
bunal de la Seine, qui a paru au Journal
officiel de ce matin, ce magistrat a été déféré
au conseil supérieur de la magistrature pour
avoir, au cours de l'instruction de l'affaire
Wilson et femme Ratazzi, procédé dans les
conditions contraires à la loi et à la dignité
professionnelle.
Cette note quelque peu trouble (et peut-
être rédigée exprès par des personnages
intéressés à ne pas se montrer clairs et
limpides) a besoin d'éclaircissements.
Bien qu'il semble tout d'abord assez dif-
ficile de la commenter, les renseigne-
ments que nous avons recueillis nous per-
mettront de le faire, ainsi qu'on va le
voir. -
Il est vrai que M. Vigneau chargé, il y
a quelques jours à peine, de l'instruction
non point d'une des affaires Wilson, mais
de toutes les affairés Wilson, s'est vu re-
tirer tout à coup les dossiers qui lui
avaient été confiés, et que demain, assu-
rait-on à la dernière heure au Palais,
« au premier jour », disent les moins pré-
cis, la cour de cassation se réunira pour
examiner le cas de M. Vigneau.
Le cas de M. Vigneau
Mais quel est doncie cas de M. le juge
d'instruction Vigneau T
Quels sont donc les «conditions con-
traires à la loi et à la dignité profession-
les » dans lesquelles il s'est placé pour
instruire l'affaire Wilson ?
M. Vigneau aurait, paraît-il, pris une
fausse qualité pour se procurer certains
renseignements qu'il jugeait utiles à
l'instruction dont il était chargé.
Et le Temps indiquait ainsi, hier soir.
la procédure suivie à l'égard du juge
d'instruction si inopinément relevé de
ses fonctions.
En l'absence de M. le premier président
Périvier, M. Ducreux, le plus ancien des pré-
sidents de chambre à la cour de Paris, a ou-
vert immédiatsment une enquête, a entendu
M. Vigneau etlJtt;dans la soirée, adressé son
rapport au garqe des sceaux. Le ministre, sur
le vu de ce raffut, a immédiatement fait si-
gner un décret retirant l'instruction d'une
manière générale à M. Vigneau et a résolu de
le déférer au conseil supérieur de la magis-
trature.
On sait qu'aux termes de l'article 13 de la
loi du 31 août 1883, c'est la cour de cassation
toutes chambres réunies, qui constitua le
conseil supérieur de la magistrature.
Sur les réquisitions de M. la procureur gé-
néral Ronjat, la Cour de cassation va m
réunir.
Le garde des sceaux a longuement conffes
à ce sujet, hier matin, avec le procureur gé-
néral prés la Cour de cassation, le procureur
général près la cour de Paris et le procureur
de la République.
Voici, en quelques mots, les états de
service de M. Vigneau.
Le 8 mai 1869, il était nommé juge sup-
pléant au tribunal de Dieppe;
Le 29 août 1873, il était appelé aux mê-
mes fonctions à Châteaudun ;
Le 3 août 1876, il arrivait à Nogent-le-
Rotrou, comme substitut du procureur de
la République ;
la Le 30 août 1879, il était nommé au mima
poste à Epernay ;
Le 9 mars 1880, il prend pour la première
fois les fonctions de juge d'instruction à
Troyes;
Le 16 mars 1882, on l'appelle comme
procureur de la République, à Troyes;
Le 22 mars 1884, il est nommé substitut
près du tribunal de la Seine j puis le 16
juillet 1886, juge i enfin, juge d'instruc-
tion le 9 août 1887.
Le coup du téléphone
En fait, voici ce qui s'est passé et ce
qui a provoqué la mesure qui frappe
M. Vigneau.
Le juge d'instruction Vigneau stachar.
nant à la recherche de Ja vérité avec une
ardeur qui l'a fait franchir les limites
d'une instruction ordinaire n'a pas craint,
à l'issue d'un interrogatoire que lui-même
avait fait subir à M. Legrand de se rendre
à une cabine téléphonique située avenue
Marceau et de téléphoner, en prenant
le nom de M. Wilson, à celui qu'il ve-
nait d'interroger pour lui demander des
renseignements sur ce qui venait de se
passer dans le cabinet du juge d'instruc-
tion.
Entre autres paroles échangées il y au-
rait eu les suivantes : *
- C'est bien M. Legrand qui est à l'ap-
pareil ? Moi je suis l'avenue d'Iéna.
- Oui! t
- Dites-moi, cela s'est bien passé ?
- Certainement. Rien n'a été dit de
trop.
— Et les lettres de Mme Ratazzi sont en
sûreté ?
- Soyez tranquille, elles sont garées.
Il nous a été impossible de nous procu-
rer la suite de cette intéressante conver-
sation téléphonique, mais pas n'est besoin
d'en connaître le mot à mot pour en devi-
ner le sens.
M. Vigneau saute, en quittant la cabine
de l'avenue d'Iéna, dans le cabinet du
procureur de la République, et il lui tient
ce langage, le visage rayonnant d'une
victoire dificilement gagnée, longuement
disputée :
— Monsieur le procureur de la Républi-
que, je viens vous dire que nous pouvons
et devons faire arrêter M. Wilson, immé-
diatement. Je viens d'acquérir moi-même
les preuves de sa culpabilité, de sa con-
nivence avec M. Legrand, avec la Ratazzi
et conséquemment avec tous les autres
prévenus.
— Mais comment ? par quel moyen ?
Et M. Vigneau, avec un fonds de naïveté
que nous sommes vraiment surpris de
rencontrer chez un juge d'instruction, de
débiner le truc, qu on nous passe l'ex-
pression, mais en ces sales affaires c'est
encore la langue française qui craint le
moins de voir son honnêteté bravée.
Il répète même en quels termes il aurait
engagé la conversation, au téléphone,
avec M. Legrand.
— Halloî Je suis votre ami Wilson, ne
'f"ttI gênez pas, vous pouvez tout me ra-
conter. Hallo ! hallo 1
M. Bernard, procureur de la Républi-
que stupéfait, fit observer à M. Vigneau
qu'il venait de commettre un acte abso-
lument répréhensible.
M. Vigneau répondit qu'il n'avait agi
de la sorte que dans l'intérêt de la vérité
et en vue de provoquer des aveux.
Au Palais de justice
Jamais la salle des Pas-Perdus n'avait
eu, de mémoire d'avocat et de plaideur,
l'aspect qu'elle présentait aujourd'hui. Ce
n'était plus le temple de la discrétion,
mais la ruche bourdonnante et jacasse
cherchant les nouvelles et grossissant les
potins.
Nous devons rapporter ceux qui ont
couru le long de la journée, à simple titre
de renseignement, bien entendu, car il y a
lieu d'attendre jusqu'à demain pour dé-
brouiller ce nouvel écheveau qui viçnt
brouiller ce n,u ùll gurae l'affaire Wilson,
s'enchevêtrer autour de l'affaire Wilson,
déjà si touttue.,
Les potins
M. Vigneau, aurait invité Ribaudeau à
déjeuner, un matin - et depuis qu'il est
saisi des dossiers Wilson — dans un éta-
blissement public voisin du Palais.
Il aurait renouvelé ces invitations dé-
jeunatoires ou plutôt dînatoires, deux fois
encore, à l'idéue des interrogatoires su-
bis par Ribaudeau et il aurait accepté
de son incité une bouteille de champa-
gne.
Le soir même de ces agapes de juge à
prévenu, il aurait fait incarcérer Ribau-
eau.
M. Vigneau, fils de l'ancien administra-
teur des propriétés des princes d'Orléans
à Dreux, d'après certains racontars, se
serait livré à ces excès de zèle en vue de
décrocher un siège de conseiller à la
cour.
Le procureur de la République lui re-
proche surtout d'être bavard et de racon-
ter à tous venants les plus minces détails
des instructions par lui conduites. Il se
complait dans la satisfaction de lui-même,
dit son chef hiérarchique.
Ce que dit M. Vigneau
Au milieu de toute cette agitation il est
intéressant de savoir ce que pense ou plu-
tôt ce que dit M. Vigneau de sa révocation
— car si le mot n'est pas à l'Officiel, il n'y
a pas à s'y tromper, la chose y est et la
sanction ne se fera pas attendre plus de
vingt-quatre heures.
Assiégé pendant toute la journée d'hier
M. Vigneau, très guilleret, très calme et
semblant sur de lui-même, n'a cessé de
répondre à tous les questionneurs :
— Je ne puis rien vous dire, je dois me
tenir sur la plus grande réserve mais je
suis tranquille, j'ai fait mon devoirr.
Ou bien :
— Soyez sans crainte, je dirai tout ce
qu'il faudra dire, quand il le faudra, et je
ne m'afflige nullement de la disgrâce qui
m'atteint aujourd'hui.
A d'autres, il dit/:
— Ce coup me frappe cruellement, je
ne veux pas faire d'objections, j'ai 18 ans
de services loyaux.
Autres versions
Paris attribue à des raisons tout autres
la disgrâce de M. Vigneau :
Dans le monde du Palais et de la magistra-
ture, la mesure dont M. Vigneau vient d'être
l'objet n'a surpris personne.
On s'étonnait même qu'on ne lui eût pas
encore enlevé les fonctions de juge d'instruc-
tion qu'il avait comprises et qu'il remplissait
à son honneur.
Depuis que l'affaire Wilson a paru prendre
entre ses mains une tournure facheuse pour
le gendre de M. Grévy, M. Vigneau n'a pas
cessé d'être sollicité, par ses chefs mêmes en
faveur de l'inculpé.
Le parquet général serait notamment Inter-
venu avec persistance pour qu'on ne greffât
pas une nouvelle poursuite sur la première.
On cite encore les adjurations pressantes
d'un des premiers magistrats de la cour.
A toutes les demandes faites auprès de lui
en faveur de M. Wilson. M. Vigneau avait
opposé sa plus grande fermeté.
« Quelles qu'en soient les conséquences,
» avait-il dit, je ferai mon devoir tout mon
» devoir.
Le décret qui le remplace dans les fonctions
de simple juge s'explique donc tout naturel-
lement.
On ne pouvait en effet, sans trop de cynis-
me, enlever à M. Vigneau l'instruction de la
seule affaire Wilson.
C'est, à la vérité, une disgrâce, car généra-
lement les juges d instruction n'abandonnent
ce service que fcour une situation supérieure
dans la magistrature. Par exemple, M. Benoît,
qui a été nommé conseiller à la cour.
Ajoutons qu'on se montre mécontent au
parquet des renseignements très exacts que
la presse se procure.
Ordre a même été donné hier de ne laisser
pénétrer aucun journaliste dans la galerie des
juges d'instruction.
Seront seules admises les personnes assi-
gnées.
f A la Chambre
L'affaire Vigneau fait, à la Chambre,
non moins de bruit qu'au Palais, et s'il y
avait eu séance hier, nul doute qu'il ne
s'y soit produit quelques incidents.
M. Develle, qui semblait très au cou-
rant, racontait dans les couloirs de la
Chambre l'incident du téléphone, et il
parlait aussi de serrures plus ou moins
crochetées, de correspondances saisies
avec un sans-gêne.
Ces détails sont confirmés par un jour-
nal du soir s
M. Vigneau aurait fait une perquisition au
domicile du nommé Hébert, et, en l'absence
de celui-ci et en présence seulement de sa
femme, il aurait forcé un secrétaire avec des
clefs qu'il avait sur lui et aurait mis pèle-
mêle dans sa poche sans apposer aucune es-
pèce de scellés.
M. Vigneau aurait également saisi des pa-
piers au siège de la Correspondance républi-
caine sans procéder à l'apposition des scellés.
M. Vigneau aurait procédé à un interroga-
toire de Ribaudeau à Mazas, en allant le sur-
prendre à minuit.
Il aurait enfin mandé chez lui la femme de
Ribaudeau et lui aurait conseillé d engager
son mari à charger le plus possible M. Wil-
son.
En ce qui concerne les pièces compro-
mettantes pour des personnages politi-
ques, ayant appartenu ou appartenant au
monde officiel, saisies dans les bureaux
de la Correspondance républicaine, nous
croyons savoir que la nouvelle est exacte
mais que les papiers saisis ne concernent
nullement les anaires dont le tribunal est
saisi actuellement et ne peuvent être
l'objet d'aucune instruction judiciaire.
Enfin l'on attribue à l'excès des com-
munications faites à la presse par M.
Vigneau, les mesures pris es contre lui.
M. Vigneau s'en défend avec beaucoup
de vivacité et ne veut rien dire, en de-
hors des banalités que nous avons repro-
duites plus haut.
Qui héritera du dossier Wilson?
Telle est la question qui se pose depuis
hier.
Quel juge d'instruction se dévouera, car
en vérité il semble que ce dossier brûle
les doigts de tous ceux qui le touchent.
La question Wilson reste entière, M.
Wilson demeure inculpé ; le réquisitoire
en vertu duquel il a été inculpé subsiste.
Mais le commencement d'instruction
auquel avait procédé M. Vigneau, se
trouvant vicié par l'acte irrégulier repro-
ché à ce magistrat, l'instruction devra
être recommencée par un nouveau juge.
Quel sera ce nouveau juge ?
Personne n'était officiellement désigné
hier, mais on mettait en avant au Palais
le nom de M. Guillot.
LA COMIHISSKM D'ENQUÊTE
Le mobilier national
La commission a repris hier ses tra-
vaux. '-
Elle a d'abord entendu M. Carret, rappor-
teur de la sous-commission des corres-
pOJdances.
M. Farcy a ensuite été entendu.
Le député de la Seine a signalé certains
abus qui se seraient produits dans la ré-
gie du mobilier national tels que : copie
de meubles, défaut d'inventaire, trans-
ports de meubles et fournitures pour
compte de particuliers faits par des em-
ployés du mobilier national, etc. etc.
M. Farcy cite ensuite diverses dépen-
ses qui, au lieu d'être faites sur les cré-
dits alloués à la présidence de la Répu-
blique auraient été payés sur d'autres
crédits.
M. Leydet a fait observer que le bud-
get de l'Etat porte des crédits d'entretien
et de réparation pour chaque palais na-
tional v
M. Farcy a répondu que cela était
exact, mais qu'un inspecteur général réu-
nissait aujourd'hui toutes ces attributions
et appliquait de préférence à un palais,
les bonis des autres; des dépenses per-
sonnelles ont été couvertes par ces cré-
dits ou virements. f
Les abus de la marine
M. Farcy termine, en signalant des dé-
penses excessives et certains abus du
ministère de la marine, dont la troisième
sous-commission est saisie.
La comptabilité de la guerre
M. Farcy signale ensuite certains abus
dans la comptabilité de la guerre et de la
marine. Depuis très longtemps, il les a si-
gnalés plusieurs fois à la commission du
budget et à la tribune de la Chambre,
mais toujours sans résultat.
Ces abus, ces défauts de contrôle et
même les soupçons de pots de vin ont été
souvent signalés sous 1 Empire.
Il cite divers faits importants que la
commission retient.
Il affirme, par exemple, que l'ex-capi-
taine Doineau, celui qui, sous l'empire,
arrêtait les diligences en Algérie, et qui
a été condamné, touche une pension,
ou l'a touchée tout au moins jusqu'en
1873.
L'INCIDENT DE FLORENCE
Un mémoire du corps consulaire
Florence, il janvier. — Le corps consulaire
s'est réuni sous la présidence de son doyen,
le consul d'Angleterre.
Il a examiné la question de savoir s'il était
possible de reconnaître à un magistrat d'or-
dre inférieur) tel qu'un juge de paix, la qua-
lité et la compétence requises pour distin-
guer, dans l'habitation d'un consul, les lo-
caux qui jouissent des immunités consacrées
par les conventions internationales et des lo-
caux qui ne sont pas dans ce cas.
Le corps consulaire s'est prononcé pour la
négative. Il a consigné son opinion dans un
mémoire qui sera remis à M. Crispi.
LA RUIfrE DU COMMERCE
Le National contient un article dans le-
quel il représente le commerce en gros
ruiné par le projet de la commission du
hudget. *
Le commerce en gros s'était cru ruiné
jusqu'à présent par la régie.
Cet article est signé « un négociant en
vins et spiritueux ».
Par une étrange anomalie, il paraît pen-
ser et juger en rat de cave. -
Nous répondrons demain à ses asser-
tlOn.
A L'EXTERIEUR
FORMATION D'ALLIANCES PROi
BABLES
Le désoccord autrichien. — La mis
sion de lord Churchill. — Une al-
liance anglo-franco-russe.
Nos renseignements particuliers nous
permettent de préciser la situation ac-
tuelle des diverses puissances.
Tout d'abord la Russie éclairée complè-
tement sur les visées allemandes s'eloi-
gne de plus en plus de la triple alliance
telle qu elle constituée aujourd'hui.
Le czar, de sans côté, sait ce qu'il doit
penser de l'amitié allemande et des bons
soins de M. de Bismarck. Le chancelier
avait gagné les sympathies russes en ré.
vélant à la police certains complots nihi-
listes ; depuis l'arrestation de Haupt, on
sait que M. de Bismarck les préparait
lui-même avec le chef de police Krue-
ger.
Le czar continue donc ses armements
et, sous le prétexte de dislocations, il a
fait informer les puissances par les atta-
chés militaires que quelques troupes se-
raient encore envoyées à la frontière
ouest de l'Empire.
En un mot, la concentration des troupes
russes continue.
Un revirement s'est produit, pendant
ce temps en Autriche et un courant d'opi.
nion pousse le gouvernement austro-hon-
grois à résister aux conseils de l'Alle-
magne.
Les Autrichiens ont fini par reconnaître
que les Allemands ne visent que leur in-
térêt personnel dans tous les actes qu'ils
suggèrent aux puissances alliées. Tantôt
M. de Bismarck leur conseille d'attaquer
la Russie, tantôt le chancelier dissuade
l'Autriche de s'attacher à la question
bulgare.
Il pourrait se faire que d'ici peu la fa-
meuse triple alliance ne soit plus qu'un
mythe.
D'un autre côté, l'Angleterre a envoyé
en Russie un de ses hommes d'Etat, lord
Churchill.
Ce personnage, très sympathique à la
France est, dit-on, très satisfait de son
voyage ; il est fort possible que l'envoyé
anglais soit allé traiter à Saint-Péters..
bourg l'entrée de l'Angleterre dans l'ac-
cord franco-russe.
Dans ce cas, on peut considérer comme
certaine l'immobilisation de l'Italie. Cette
puissance ne peut, en effet, prendre part
à un conflit européen que si ses côtes
sont protégées par l'escadre anglaise. se
Donc, en résumé, la triple alliance se
désagrège par suite du mauvais vouloir
de l'Autriche. L'Angleterre est bien près
d'opposer la triple alliance alo-franco.
russe à l'union branlante des puissances
centrales.
D'un autre côté, l'Italie devient prison
nière de l'immense étendue de ses côtes
maritimes, qu'elle serait obligée de dé-
fendre. Enfin la Russie continue ses mous
vements de concentration.
Nous croyons que l'année se passera
sans conflit, car ce serait la ruine de l'Al-
lemagne si elle déclarait la guerre dans
les circonstances actuelles.
Au Parlement hongrois
(D'un correspondant)
Budapest, 11 janvier. — Dans la séan-
ce de la Chambre des députés de Hongrie,
M. Helfy interpelle le gouvernement au
sujet des armements de la Russie. Il de-
mande si le ministre des affaires étran-
gères a interrogé le gouvernement russe
touchant la cause et le but de ces prépa.
ratifs inattendus.
M. Helfy désire également savoir si le
gouvesnement austro-hongrois maintient
d'une façon inébranlable le programma
qu'il a adopté en 18»6 concernant la Bul-
garie.
- Il demande, en outre, si le gouverne-
ment ne juge pas utile de proposer la
convocation d'une conférence interna-
tionale, en vue de résoudre la question
bulgare dans le sens de ce programma. Et
si, dans le cas où les efforts très sincères
qui sont faits dans l'intérêt du maintien
de la paix seraient infructueux, le gou-
vernement croit pouvoir compter sur
l'alliance de l'Allemagne et de l'Italie.
M. Perczel demande si le gouvernement
ne juge pas opportun de nommer catégo-
riquement la Russie, non seulement de
cesser ses armements, mais aussi de ré-
duire l'effectif de ses troupes à la fron-
tiêre dans une mesure qui garantisse la
sécurité de l'Autriche-Hongrie.
Nous ajouterons que si la Hongrie est
absolument inféodée à l'Allemagne, par
contre 1 Autriche est hostile à cette puis-
sance.
Ceci explique la contradiction que nous
constatons entre les tendances du gou-
vernement autrichien et 1 attitude dei
députés hongrois.
Une autre interpellation
(D'un correspondant)
Vienne, 11 janvier. — En outre de l'in..
terpellation de M. Helpy, un autre dé-
puté, M. Perezet a adressé au ministre
hongrois une autre interpellation sur le
but et la portée de la triple alliance.
« Je demande, a dit M. Perezet, si IQ
gouvernement ne considère pas comme
opportun d'inaugurer une politique extéc
neure qui mettrait fin aux intrigues per-
turbatrices de la Russie et d'insister avea
tout le poids de notre position comme
grande puissance pour que la solution da
fa question bulgare et partant de a ques-
Ition orientale, solution qui doit se baser
sur les droits nationaux. ne soit pas em.
pêchée par une immixtion indue »..
Ni M. Tisza, ni le ministère n'ont encore
fixé un jour pour répondre à ces interpel.
lations, mais il y a lieu de croire que ces
réponses seront analogues aux déclara-
tions que le comte Kainoky fit aux délé-
gations.
Les armements de la Russie
v (D'un correspondant)
Vienrle, 11 janvier: — On signale tou.
jours de nouveaux mouvements de trou.
pes à l'ouest et au sud de la Russie. Dans
A PARIS
I8 - Bue nicher ** 18
Les ar4iclea non insérés ftô seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARia
UN IIOIS. S FIL
TROIS MOIS. S FR.
SIX MOIS 9FR.
UN AN. d8 J
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le Numéro : 6 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN UOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN. 20 FR.
DOUZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 3919
Vendredi 13 Janvier 1888
24 NivÔse An 96
DANS QUELQUES JOURS
La Lanterne
COMMENCERA
Le comte Pierrot
GRAND ROMAN INÉDIT
PAR
G. GRISON ET L. SURESNES
Le comte Pierrot est l'œuvre
Commune de deux auteurs qui, vivant
au milieu des mystères parisiens, sont
à même chaque jour de les étudier et
de les approfondir.
C'est un récit mouvementé, plein
d'action et d'intérêt, où les scènes de
sentiment alternent avec les incidents
dramatiques. Des personnages de tous
les mondes y défilent à tour de rôle,
et l'on voit l'ouvrier en présence du
gentilhomme, l'honnêteté et le travail
luttant contre l'astuce et le crime.
Nous sommes persuadés que le nou-
veau feuilleton de La Lanterne
Le comte Pierrot
obtiendra auprès de nos lecteurs un
grand et légitime succès.
La dignité de la justice
La magi strature française se signale :
l'affaire Wilson compte un scandale de
plus et c'est la justice qui l'a fait.
On en trouvera plus loin les détails.
Depuis le commencement de cette
abominable affaire des décorations,
c'est une question bien douteuse de
savoir d'où vient le pire scandale et si
ce n'est pas des magistrats bien plus
que des accusés.
Jusqu'à présent, la justice n'a rendu
guère d'arrêts ; mais elle n'a guère re-
fusé de services. Rivalisant de basses
complaisances avec la police, elle s'est
empressée de ne pas arrêter M. d'An-
dlauetdenepas poursuivre M. Wilson.
Aussi longtemps que M. Grévy est resté
& l'Elysée, M. Wilson n'a jamais été
qu'un témoin distingué qui faisait à la
justice l'honneur d'aller chez elle.
On avait pour lui desr égards et tel
magistrat qui recevait sa déposition
lui demandait sa protection bienveil-
tante en signant le procès-verbal.
Aujourd'hui, c'est contre lui qu'on
fait du zèle. Pendant que certains s'ef-
forcent d'enterrer l'affaire, d'autres
travaillent à s'en faire un marchepied.
Des procédés incompatibles avec la di-
gnité de la justice ont été mis en œu-
vre et le juge d'instruction n'a pas re-
culé devant ces moyens odieux que la
police emploie volontiers et qui sont la
cause principale de la déconsidération
universelle dont elle jouit.
Ces procédés honteux, les honnêtes
gens les réprouvent avec énergie. Ce
sont les vilenies courantes de la prati-
que policière, et nous les avons stig-
matisés cent fois. Mais, transportés
dans le domaine de la justice, ils re-
vêtent un caractère d'odieux et d'infa-
mie qui les rend absolument intoléra-
bles. Que pour obtenir l'aveu d'un cou-
pable le juge recoure à un abus de
confiance, à une façon de faux moral,
c'est la négation de toute justice et de
toute honnêteté.
Qu'un magistrat s'attable avec des
prévenus et boive — à leurs frais —
pour arracher des aveux à leur ivresse,
c'est une indignité qui soulève le dé-
goût. Cela, nous le déplorons, parce
que ces mauvaises mœurs nuisent à la
justice plus qu'à personne.
Ce n'est pas le fait d'un honnête
lionme de banqueter avec des gens
tarési pour les faire arrêter au dessert,
après surtout qu'ils ont payé l'addition.
Un magistrat qui comprend aussi mal
la dignité de ses fonctions et l'honneur
de la justice n est pas un magistrat,
tout au plus un policier.
Le garde dss sceaux a donc bien fait
de déférer M. le juge d'instruction à la
juridiction disciplinaire. Mais il faut et
il importe que la chose s'explique au
grand jour e; que l'opinion publique ne
puisse point s'y méprendre. Or, préci-
sément on l'a surexcitée et mise en
suspicion.
Ce qui rend surtout dangereux le
scandale de la fin, c'est le scandale du
commencement. Si M. Wilson était à
Mazas, le cas de M. Vigneau serait la
chose du monde la plus simple, On di-
rait : le juge a fait du zèle pour avoir
de l'avancement. Il a commis, par bas-
sesse, une infamie. On le révoque et
on a raison.
Voilà ce qu'il faudra faire compren-
dre à l'opinion publique. Ce ne sera
peut-être pas aussi facile qu'on pour-
rait le croire. Oh ! si la juridiction dis-
ciplinaire dt la Cour de cassation était
une juridiction de grand jour, la chose
irait de soi. Mais ce jugement à huis-
clos, en secret, en famille, ne satisfait
ni ne rassure point l'opinion publique.
Elle en suspecte également et l'indul-
gence et la sévérité.
Si l'on ne veut pas que l'opinion s'é-
gare, il la faut éclairer. Si l'on ne veut
pas qu'elle suspecte et le gouvernement
et la justice, il faut ne rien cacher, il
faut tout dire, il faut faire sur toutes
choses la pleine lumière et le grand
jour.
Les honnêtes gens, en France, en-
tendent que personne, si haut placé
soit-il, ne demeure au-dessus des
lois.
C'est pour cela que l'affaire Wilson
a produit une crise parlementaire, puis
une crise présidentielle. Mais la per-
version de la justice est plus grave
encore que l'impunité d'un coupable.
Les lois criminelles en France ne
donnent pas déjà trop de garanties aux
justiciables pour qu'il soit permis de
les violer et d'y introduire les pires
procédés de l'arbitraire policier.
Nous apprenons à la dernière heure
qu'une interpellation va se produire
demain à la Chambre. Nous espérons
que la lumière se fera. Il en est be-
soin.
LE SUPPLÉMENT DE LA « LANTERNE»
Le second numéro du supplément
transformé. — A nos lecteurs
Demain sera mis en vente le second nu-
méro du supplément de la Lanterne trans-
formé.
Nos lecteurs ont tous pu se rendre
compte par le premier numéro de l'impor-
tance de cette transformation.
Nous publierons demain le sommaire
du second numéro, que nous croyons en-
core plus intéressant que le premier.
La Lanterne est parvenue à donner à ses
lecteurs le recueil littéraire le plus inté-
ressant et le plus varié.
C'est ainsi que dans le supplément de
demain on trouvera les noms les plus il-
lustres de la littérature moderne : Al-
phonse Daudet, Emile Zola, Catulle. Men-
dès, Paul Arène, Aurélien Scholl, Pierre
Loti, Gustave Nadaud, Glatigny, Georges
Ohnet, Paul Déroulède,. etc., etc.
-- UN DUEL TRAGIQUE
Chez M. Anatole de la Forge. — Une
information inexacte
On lisait hi/n* dans le Paris :
m
Un officier anemand avait mal parlé d'une
joune fille française. Un officier de notre ar-
mée, parent de cette jeune fille, demanda ré-
paration à l'insulteur.
Une rencontre, reconnue inévitable, vient
d'avoir lieu à la frontière belge.
Notre compatriote avait pour premier té-
moin vi députe de Paris dont le nom est sy-
nonym", de courage et d'honneur.
Le duel était au pistolet, à vingt-cinq pas,
au visé.
L'Allemand a visé la tête du Français et
n'a touché que son képi.
Le Français a visé la poitrine de l'Alle-
mand, qui a été tué raide.
Nous nous sommes immédiatement
rendus chez M. Anatole de la Forge, que
les mots de courage et d'honneur dési-
gnaient très clairement. « On a du con-
fondre deux affaires, nous a dit l'honorable
député de la Seine. Celle à laquelle je
viens d'être mêlé ressemble par certains
côtés à celle racontée par le Paris. Il Va-
gissait de deux familles honorables et une
jeune fille était également en cause, mais
le dénouement n'est pas le même car
l'affaire a été arrangée à l'amiable. Je vais
d'ailleurs adresser à ce sujet un mot au
rédacteur en chef du Paris.
« Il se peut qu'un autre duel ait eu lieu
en Belgique; en tous cas j'en ignore les
détails y étant complètement étranger. »
L'AFFAIRE LEGRAND
Une décoration ancienne. — Le cas
de M. Dautresme
Un détail assez curieux.
M. Dautresme, qui a rempli les jour-
naux de ses lettres, au commencement des
affaires Wilson, protestant qu'il n'avait ja-
mais décoré M. Jacquot, par exemple, est
resté coi ces jours-ci.
Il avait une bonne raison pour cela.
C'est lui, en effet, qui avait décoré M.
Legrand, ainsi d'ailleurs que tous les
négociants d'Anvers et d'Amsterdam, à
la suite des rapports de M. Nivert,
l'homme d'affaires de M. Wilson.
La Chambre pourrait peut-être deman-
der quelques explications à ce sujet à
M. Dautresme.
LA PROPSITION DE M. MICHELIN
M. Michelin déposera aujourd'hui, sur
le bureau de la Chambre, une proposition
tendant à assurer la permanence des mi-
nistres de la guerre, de la marine et des
affaires étrangères, et, par suite, la con-
tinuité dans la direction de ces trois mi-
nistères.
Pour atteindre ce but M. Michelin pro-
pose que ces trois ministres soient affran-
chis de la solidarité politique avec les au-
tres membres du cabinet et ne soient res-
ponsables que de leurs actes personnels.
UN JUGE RÉVOQUÉ
LE JUGE D'INSTRUCTION VIGNEAU
EST RELEVÉ DE SES FONCTIONS
UNE NOUVELLE PHASE DE L'AF-
FAIRE WILSON
Une surprise émouvante. - Explica-
tions peu claires. — Devant la
cour de cassation. — Faits gra-
ves.- Conversation télépho-
nique. — Autres accusa-
tions. — Les racon-
tars. — Un juge
interrogé.
Hier matin, le Journal officiel publiait
le décret dont voici la teneur :
Le président de la République française,
Sur le rapport du garde des sceaux, minis-
tre de la justice,
Décrète :
Article premier. - M. Vigneau, juge d'ins-
truction au tribunal de première instance de
la Seine, est relevé de ses fonctions de juge
d'instruction. Il reprendra celles de simple
juge à partir de la notification du présent dé-
cret..
Art. 2. - Le garde des sceaux, ministre de
la justice, est chargé de l'exécution du pré-
sent décret.
Fait à Paris, le 10 janvier 1888.
CARNOT.
Par le président de la République :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
A. FALUÈRES.
A la cour de cassation
Une note officieuse de l'agence Havas
parvenait quelques heures plus tard aux
journaux du soir. La voici :
A la suite du décret relevant M. Vigneau
de ses fonctions de juge d'instruction au tri-
bunal de la Seine, qui a paru au Journal
officiel de ce matin, ce magistrat a été déféré
au conseil supérieur de la magistrature pour
avoir, au cours de l'instruction de l'affaire
Wilson et femme Ratazzi, procédé dans les
conditions contraires à la loi et à la dignité
professionnelle.
Cette note quelque peu trouble (et peut-
être rédigée exprès par des personnages
intéressés à ne pas se montrer clairs et
limpides) a besoin d'éclaircissements.
Bien qu'il semble tout d'abord assez dif-
ficile de la commenter, les renseigne-
ments que nous avons recueillis nous per-
mettront de le faire, ainsi qu'on va le
voir. -
Il est vrai que M. Vigneau chargé, il y
a quelques jours à peine, de l'instruction
non point d'une des affaires Wilson, mais
de toutes les affairés Wilson, s'est vu re-
tirer tout à coup les dossiers qui lui
avaient été confiés, et que demain, assu-
rait-on à la dernière heure au Palais,
« au premier jour », disent les moins pré-
cis, la cour de cassation se réunira pour
examiner le cas de M. Vigneau.
Le cas de M. Vigneau
Mais quel est doncie cas de M. le juge
d'instruction Vigneau T
Quels sont donc les «conditions con-
traires à la loi et à la dignité profession-
les » dans lesquelles il s'est placé pour
instruire l'affaire Wilson ?
M. Vigneau aurait, paraît-il, pris une
fausse qualité pour se procurer certains
renseignements qu'il jugeait utiles à
l'instruction dont il était chargé.
Et le Temps indiquait ainsi, hier soir.
la procédure suivie à l'égard du juge
d'instruction si inopinément relevé de
ses fonctions.
En l'absence de M. le premier président
Périvier, M. Ducreux, le plus ancien des pré-
sidents de chambre à la cour de Paris, a ou-
vert immédiatsment une enquête, a entendu
M. Vigneau etlJtt;dans la soirée, adressé son
rapport au garqe des sceaux. Le ministre, sur
le vu de ce raffut, a immédiatement fait si-
gner un décret retirant l'instruction d'une
manière générale à M. Vigneau et a résolu de
le déférer au conseil supérieur de la magis-
trature.
On sait qu'aux termes de l'article 13 de la
loi du 31 août 1883, c'est la cour de cassation
toutes chambres réunies, qui constitua le
conseil supérieur de la magistrature.
Sur les réquisitions de M. la procureur gé-
néral Ronjat, la Cour de cassation va m
réunir.
Le garde des sceaux a longuement conffes
à ce sujet, hier matin, avec le procureur gé-
néral prés la Cour de cassation, le procureur
général près la cour de Paris et le procureur
de la République.
Voici, en quelques mots, les états de
service de M. Vigneau.
Le 8 mai 1869, il était nommé juge sup-
pléant au tribunal de Dieppe;
Le 29 août 1873, il était appelé aux mê-
mes fonctions à Châteaudun ;
Le 3 août 1876, il arrivait à Nogent-le-
Rotrou, comme substitut du procureur de
la République ;
la Le 30 août 1879, il était nommé au mima
poste à Epernay ;
Le 9 mars 1880, il prend pour la première
fois les fonctions de juge d'instruction à
Troyes;
Le 16 mars 1882, on l'appelle comme
procureur de la République, à Troyes;
Le 22 mars 1884, il est nommé substitut
près du tribunal de la Seine j puis le 16
juillet 1886, juge i enfin, juge d'instruc-
tion le 9 août 1887.
Le coup du téléphone
En fait, voici ce qui s'est passé et ce
qui a provoqué la mesure qui frappe
M. Vigneau.
Le juge d'instruction Vigneau stachar.
nant à la recherche de Ja vérité avec une
ardeur qui l'a fait franchir les limites
d'une instruction ordinaire n'a pas craint,
à l'issue d'un interrogatoire que lui-même
avait fait subir à M. Legrand de se rendre
à une cabine téléphonique située avenue
Marceau et de téléphoner, en prenant
le nom de M. Wilson, à celui qu'il ve-
nait d'interroger pour lui demander des
renseignements sur ce qui venait de se
passer dans le cabinet du juge d'instruc-
tion.
Entre autres paroles échangées il y au-
rait eu les suivantes : *
- C'est bien M. Legrand qui est à l'ap-
pareil ? Moi je suis l'avenue d'Iéna.
- Oui! t
- Dites-moi, cela s'est bien passé ?
- Certainement. Rien n'a été dit de
trop.
— Et les lettres de Mme Ratazzi sont en
sûreté ?
- Soyez tranquille, elles sont garées.
Il nous a été impossible de nous procu-
rer la suite de cette intéressante conver-
sation téléphonique, mais pas n'est besoin
d'en connaître le mot à mot pour en devi-
ner le sens.
M. Vigneau saute, en quittant la cabine
de l'avenue d'Iéna, dans le cabinet du
procureur de la République, et il lui tient
ce langage, le visage rayonnant d'une
victoire dificilement gagnée, longuement
disputée :
— Monsieur le procureur de la Républi-
que, je viens vous dire que nous pouvons
et devons faire arrêter M. Wilson, immé-
diatement. Je viens d'acquérir moi-même
les preuves de sa culpabilité, de sa con-
nivence avec M. Legrand, avec la Ratazzi
et conséquemment avec tous les autres
prévenus.
— Mais comment ? par quel moyen ?
Et M. Vigneau, avec un fonds de naïveté
que nous sommes vraiment surpris de
rencontrer chez un juge d'instruction, de
débiner le truc, qu on nous passe l'ex-
pression, mais en ces sales affaires c'est
encore la langue française qui craint le
moins de voir son honnêteté bravée.
Il répète même en quels termes il aurait
engagé la conversation, au téléphone,
avec M. Legrand.
— Halloî Je suis votre ami Wilson, ne
'f"ttI gênez pas, vous pouvez tout me ra-
conter. Hallo ! hallo 1
M. Bernard, procureur de la Républi-
que stupéfait, fit observer à M. Vigneau
qu'il venait de commettre un acte abso-
lument répréhensible.
M. Vigneau répondit qu'il n'avait agi
de la sorte que dans l'intérêt de la vérité
et en vue de provoquer des aveux.
Au Palais de justice
Jamais la salle des Pas-Perdus n'avait
eu, de mémoire d'avocat et de plaideur,
l'aspect qu'elle présentait aujourd'hui. Ce
n'était plus le temple de la discrétion,
mais la ruche bourdonnante et jacasse
cherchant les nouvelles et grossissant les
potins.
Nous devons rapporter ceux qui ont
couru le long de la journée, à simple titre
de renseignement, bien entendu, car il y a
lieu d'attendre jusqu'à demain pour dé-
brouiller ce nouvel écheveau qui viçnt
brouiller ce n,u ùll gurae l'affaire Wilson,
s'enchevêtrer autour de l'affaire Wilson,
déjà si touttue.,
Les potins
M. Vigneau, aurait invité Ribaudeau à
déjeuner, un matin - et depuis qu'il est
saisi des dossiers Wilson — dans un éta-
blissement public voisin du Palais.
Il aurait renouvelé ces invitations dé-
jeunatoires ou plutôt dînatoires, deux fois
encore, à l'idéue des interrogatoires su-
bis par Ribaudeau et il aurait accepté
de son incité une bouteille de champa-
gne.
Le soir même de ces agapes de juge à
prévenu, il aurait fait incarcérer Ribau-
eau.
M. Vigneau, fils de l'ancien administra-
teur des propriétés des princes d'Orléans
à Dreux, d'après certains racontars, se
serait livré à ces excès de zèle en vue de
décrocher un siège de conseiller à la
cour.
Le procureur de la République lui re-
proche surtout d'être bavard et de racon-
ter à tous venants les plus minces détails
des instructions par lui conduites. Il se
complait dans la satisfaction de lui-même,
dit son chef hiérarchique.
Ce que dit M. Vigneau
Au milieu de toute cette agitation il est
intéressant de savoir ce que pense ou plu-
tôt ce que dit M. Vigneau de sa révocation
— car si le mot n'est pas à l'Officiel, il n'y
a pas à s'y tromper, la chose y est et la
sanction ne se fera pas attendre plus de
vingt-quatre heures.
Assiégé pendant toute la journée d'hier
M. Vigneau, très guilleret, très calme et
semblant sur de lui-même, n'a cessé de
répondre à tous les questionneurs :
— Je ne puis rien vous dire, je dois me
tenir sur la plus grande réserve mais je
suis tranquille, j'ai fait mon devoirr.
Ou bien :
— Soyez sans crainte, je dirai tout ce
qu'il faudra dire, quand il le faudra, et je
ne m'afflige nullement de la disgrâce qui
m'atteint aujourd'hui.
A d'autres, il dit/:
— Ce coup me frappe cruellement, je
ne veux pas faire d'objections, j'ai 18 ans
de services loyaux.
Autres versions
Paris attribue à des raisons tout autres
la disgrâce de M. Vigneau :
Dans le monde du Palais et de la magistra-
ture, la mesure dont M. Vigneau vient d'être
l'objet n'a surpris personne.
On s'étonnait même qu'on ne lui eût pas
encore enlevé les fonctions de juge d'instruc-
tion qu'il avait comprises et qu'il remplissait
à son honneur.
Depuis que l'affaire Wilson a paru prendre
entre ses mains une tournure facheuse pour
le gendre de M. Grévy, M. Vigneau n'a pas
cessé d'être sollicité, par ses chefs mêmes en
faveur de l'inculpé.
Le parquet général serait notamment Inter-
venu avec persistance pour qu'on ne greffât
pas une nouvelle poursuite sur la première.
On cite encore les adjurations pressantes
d'un des premiers magistrats de la cour.
A toutes les demandes faites auprès de lui
en faveur de M. Wilson. M. Vigneau avait
opposé sa plus grande fermeté.
« Quelles qu'en soient les conséquences,
» avait-il dit, je ferai mon devoir tout mon
» devoir.
Le décret qui le remplace dans les fonctions
de simple juge s'explique donc tout naturel-
lement.
On ne pouvait en effet, sans trop de cynis-
me, enlever à M. Vigneau l'instruction de la
seule affaire Wilson.
C'est, à la vérité, une disgrâce, car généra-
lement les juges d instruction n'abandonnent
ce service que fcour une situation supérieure
dans la magistrature. Par exemple, M. Benoît,
qui a été nommé conseiller à la cour.
Ajoutons qu'on se montre mécontent au
parquet des renseignements très exacts que
la presse se procure.
Ordre a même été donné hier de ne laisser
pénétrer aucun journaliste dans la galerie des
juges d'instruction.
Seront seules admises les personnes assi-
gnées.
f A la Chambre
L'affaire Vigneau fait, à la Chambre,
non moins de bruit qu'au Palais, et s'il y
avait eu séance hier, nul doute qu'il ne
s'y soit produit quelques incidents.
M. Develle, qui semblait très au cou-
rant, racontait dans les couloirs de la
Chambre l'incident du téléphone, et il
parlait aussi de serrures plus ou moins
crochetées, de correspondances saisies
avec un sans-gêne.
Ces détails sont confirmés par un jour-
nal du soir s
M. Vigneau aurait fait une perquisition au
domicile du nommé Hébert, et, en l'absence
de celui-ci et en présence seulement de sa
femme, il aurait forcé un secrétaire avec des
clefs qu'il avait sur lui et aurait mis pèle-
mêle dans sa poche sans apposer aucune es-
pèce de scellés.
M. Vigneau aurait également saisi des pa-
piers au siège de la Correspondance républi-
caine sans procéder à l'apposition des scellés.
M. Vigneau aurait procédé à un interroga-
toire de Ribaudeau à Mazas, en allant le sur-
prendre à minuit.
Il aurait enfin mandé chez lui la femme de
Ribaudeau et lui aurait conseillé d engager
son mari à charger le plus possible M. Wil-
son.
En ce qui concerne les pièces compro-
mettantes pour des personnages politi-
ques, ayant appartenu ou appartenant au
monde officiel, saisies dans les bureaux
de la Correspondance républicaine, nous
croyons savoir que la nouvelle est exacte
mais que les papiers saisis ne concernent
nullement les anaires dont le tribunal est
saisi actuellement et ne peuvent être
l'objet d'aucune instruction judiciaire.
Enfin l'on attribue à l'excès des com-
munications faites à la presse par M.
Vigneau, les mesures pris es contre lui.
M. Vigneau s'en défend avec beaucoup
de vivacité et ne veut rien dire, en de-
hors des banalités que nous avons repro-
duites plus haut.
Qui héritera du dossier Wilson?
Telle est la question qui se pose depuis
hier.
Quel juge d'instruction se dévouera, car
en vérité il semble que ce dossier brûle
les doigts de tous ceux qui le touchent.
La question Wilson reste entière, M.
Wilson demeure inculpé ; le réquisitoire
en vertu duquel il a été inculpé subsiste.
Mais le commencement d'instruction
auquel avait procédé M. Vigneau, se
trouvant vicié par l'acte irrégulier repro-
ché à ce magistrat, l'instruction devra
être recommencée par un nouveau juge.
Quel sera ce nouveau juge ?
Personne n'était officiellement désigné
hier, mais on mettait en avant au Palais
le nom de M. Guillot.
LA COMIHISSKM D'ENQUÊTE
Le mobilier national
La commission a repris hier ses tra-
vaux. '-
Elle a d'abord entendu M. Carret, rappor-
teur de la sous-commission des corres-
pOJdances.
M. Farcy a ensuite été entendu.
Le député de la Seine a signalé certains
abus qui se seraient produits dans la ré-
gie du mobilier national tels que : copie
de meubles, défaut d'inventaire, trans-
ports de meubles et fournitures pour
compte de particuliers faits par des em-
ployés du mobilier national, etc. etc.
M. Farcy cite ensuite diverses dépen-
ses qui, au lieu d'être faites sur les cré-
dits alloués à la présidence de la Répu-
blique auraient été payés sur d'autres
crédits.
M. Leydet a fait observer que le bud-
get de l'Etat porte des crédits d'entretien
et de réparation pour chaque palais na-
tional v
M. Farcy a répondu que cela était
exact, mais qu'un inspecteur général réu-
nissait aujourd'hui toutes ces attributions
et appliquait de préférence à un palais,
les bonis des autres; des dépenses per-
sonnelles ont été couvertes par ces cré-
dits ou virements. f
Les abus de la marine
M. Farcy termine, en signalant des dé-
penses excessives et certains abus du
ministère de la marine, dont la troisième
sous-commission est saisie.
La comptabilité de la guerre
M. Farcy signale ensuite certains abus
dans la comptabilité de la guerre et de la
marine. Depuis très longtemps, il les a si-
gnalés plusieurs fois à la commission du
budget et à la tribune de la Chambre,
mais toujours sans résultat.
Ces abus, ces défauts de contrôle et
même les soupçons de pots de vin ont été
souvent signalés sous 1 Empire.
Il cite divers faits importants que la
commission retient.
Il affirme, par exemple, que l'ex-capi-
taine Doineau, celui qui, sous l'empire,
arrêtait les diligences en Algérie, et qui
a été condamné, touche une pension,
ou l'a touchée tout au moins jusqu'en
1873.
L'INCIDENT DE FLORENCE
Un mémoire du corps consulaire
Florence, il janvier. — Le corps consulaire
s'est réuni sous la présidence de son doyen,
le consul d'Angleterre.
Il a examiné la question de savoir s'il était
possible de reconnaître à un magistrat d'or-
dre inférieur) tel qu'un juge de paix, la qua-
lité et la compétence requises pour distin-
guer, dans l'habitation d'un consul, les lo-
caux qui jouissent des immunités consacrées
par les conventions internationales et des lo-
caux qui ne sont pas dans ce cas.
Le corps consulaire s'est prononcé pour la
négative. Il a consigné son opinion dans un
mémoire qui sera remis à M. Crispi.
LA RUIfrE DU COMMERCE
Le National contient un article dans le-
quel il représente le commerce en gros
ruiné par le projet de la commission du
hudget. *
Le commerce en gros s'était cru ruiné
jusqu'à présent par la régie.
Cet article est signé « un négociant en
vins et spiritueux ».
Par une étrange anomalie, il paraît pen-
ser et juger en rat de cave. -
Nous répondrons demain à ses asser-
tlOn.
A L'EXTERIEUR
FORMATION D'ALLIANCES PROi
BABLES
Le désoccord autrichien. — La mis
sion de lord Churchill. — Une al-
liance anglo-franco-russe.
Nos renseignements particuliers nous
permettent de préciser la situation ac-
tuelle des diverses puissances.
Tout d'abord la Russie éclairée complè-
tement sur les visées allemandes s'eloi-
gne de plus en plus de la triple alliance
telle qu elle constituée aujourd'hui.
Le czar, de sans côté, sait ce qu'il doit
penser de l'amitié allemande et des bons
soins de M. de Bismarck. Le chancelier
avait gagné les sympathies russes en ré.
vélant à la police certains complots nihi-
listes ; depuis l'arrestation de Haupt, on
sait que M. de Bismarck les préparait
lui-même avec le chef de police Krue-
ger.
Le czar continue donc ses armements
et, sous le prétexte de dislocations, il a
fait informer les puissances par les atta-
chés militaires que quelques troupes se-
raient encore envoyées à la frontière
ouest de l'Empire.
En un mot, la concentration des troupes
russes continue.
Un revirement s'est produit, pendant
ce temps en Autriche et un courant d'opi.
nion pousse le gouvernement austro-hon-
grois à résister aux conseils de l'Alle-
magne.
Les Autrichiens ont fini par reconnaître
que les Allemands ne visent que leur in-
térêt personnel dans tous les actes qu'ils
suggèrent aux puissances alliées. Tantôt
M. de Bismarck leur conseille d'attaquer
la Russie, tantôt le chancelier dissuade
l'Autriche de s'attacher à la question
bulgare.
Il pourrait se faire que d'ici peu la fa-
meuse triple alliance ne soit plus qu'un
mythe.
D'un autre côté, l'Angleterre a envoyé
en Russie un de ses hommes d'Etat, lord
Churchill.
Ce personnage, très sympathique à la
France est, dit-on, très satisfait de son
voyage ; il est fort possible que l'envoyé
anglais soit allé traiter à Saint-Péters..
bourg l'entrée de l'Angleterre dans l'ac-
cord franco-russe.
Dans ce cas, on peut considérer comme
certaine l'immobilisation de l'Italie. Cette
puissance ne peut, en effet, prendre part
à un conflit européen que si ses côtes
sont protégées par l'escadre anglaise. se
Donc, en résumé, la triple alliance se
désagrège par suite du mauvais vouloir
de l'Autriche. L'Angleterre est bien près
d'opposer la triple alliance alo-franco.
russe à l'union branlante des puissances
centrales.
D'un autre côté, l'Italie devient prison
nière de l'immense étendue de ses côtes
maritimes, qu'elle serait obligée de dé-
fendre. Enfin la Russie continue ses mous
vements de concentration.
Nous croyons que l'année se passera
sans conflit, car ce serait la ruine de l'Al-
lemagne si elle déclarait la guerre dans
les circonstances actuelles.
Au Parlement hongrois
(D'un correspondant)
Budapest, 11 janvier. — Dans la séan-
ce de la Chambre des députés de Hongrie,
M. Helfy interpelle le gouvernement au
sujet des armements de la Russie. Il de-
mande si le ministre des affaires étran-
gères a interrogé le gouvernement russe
touchant la cause et le but de ces prépa.
ratifs inattendus.
M. Helfy désire également savoir si le
gouvesnement austro-hongrois maintient
d'une façon inébranlable le programma
qu'il a adopté en 18»6 concernant la Bul-
garie.
- Il demande, en outre, si le gouverne-
ment ne juge pas utile de proposer la
convocation d'une conférence interna-
tionale, en vue de résoudre la question
bulgare dans le sens de ce programma. Et
si, dans le cas où les efforts très sincères
qui sont faits dans l'intérêt du maintien
de la paix seraient infructueux, le gou-
vernement croit pouvoir compter sur
l'alliance de l'Allemagne et de l'Italie.
M. Perczel demande si le gouvernement
ne juge pas opportun de nommer catégo-
riquement la Russie, non seulement de
cesser ses armements, mais aussi de ré-
duire l'effectif de ses troupes à la fron-
tiêre dans une mesure qui garantisse la
sécurité de l'Autriche-Hongrie.
Nous ajouterons que si la Hongrie est
absolument inféodée à l'Allemagne, par
contre 1 Autriche est hostile à cette puis-
sance.
Ceci explique la contradiction que nous
constatons entre les tendances du gou-
vernement autrichien et 1 attitude dei
députés hongrois.
Une autre interpellation
(D'un correspondant)
Vienne, 11 janvier. — En outre de l'in..
terpellation de M. Helpy, un autre dé-
puté, M. Perezet a adressé au ministre
hongrois une autre interpellation sur le
but et la portée de la triple alliance.
« Je demande, a dit M. Perezet, si IQ
gouvernement ne considère pas comme
opportun d'inaugurer une politique extéc
neure qui mettrait fin aux intrigues per-
turbatrices de la Russie et d'insister avea
tout le poids de notre position comme
grande puissance pour que la solution da
fa question bulgare et partant de a ques-
Ition orientale, solution qui doit se baser
sur les droits nationaux. ne soit pas em.
pêchée par une immixtion indue »..
Ni M. Tisza, ni le ministère n'ont encore
fixé un jour pour répondre à ces interpel.
lations, mais il y a lieu de croire que ces
réponses seront analogues aux déclara-
tions que le comte Kainoky fit aux délé-
gations.
Les armements de la Russie
v (D'un correspondant)
Vienrle, 11 janvier: — On signale tou.
jours de nouveaux mouvements de trou.
pes à l'ouest et au sud de la Russie. Dans
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