Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-01-13
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 86207 Nombre total de vues : 86207
Description : 13 janvier 1890 13 janvier 1890
Description : 1890/01/13 (N4650,A14). 1890/01/13 (N4650,A14).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7505377r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
~ABMINIST? ATION. RV-) -tfiTION ET ANNONCES
A PARIS
ILS — Rue ITt £ <•. £ * ei* — ¡¡ fl
Les articles non insérés ne seront pas rendus
}
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS S FR.
SIX MOIS S FR.
UN AN.13FR
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
k, PARIS ET DÉPARTEMENTS io
Le Numéro : 5 cen times
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FB.
TROIS MOIS 6 VH.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN. 20 FR.
1 --
QUATORZIEME ANNEE — NUMERO 4650
LUNDI 13 JANVIER 1890
® 24 NIVOSE — AN 98 (D
La « » est Je seul
journal îic.nçxjs ayant son impri-
merie et sa fabrique de papier.
les « petits Gambettas »
MM. Heinach et Spuller sont des
hommes d'Etat fort contents d'eux-
mêmes et fort sévères pour autrui.
Toute critique les i: rite et leur indi-
gnation est grande qu'un simple jour-
nal se permette de les prendre à par-
tie. C'est, parait-il, crime de lèse-ma-
jesté ; et sur le champ, on nous fait
dire par les journaux officieux que
nous manquons de patriotisme et que
nous attaquons M. Carnot.
C'est une sottise et c'est un men-
songe; nous l'avons expliqué déjà.
Mais quand les officieux sont en co-
lère, ils n'entendent et ne voient plus
rien ; c'est comme les dindons quand
ils font là roue. Il faut les toucher
avec la gaule pour qu'ils cessent de
glousser. :
Force nous est donc de répéter que
ce n'est pas nous, mais bien le Temps,
journal peu radical et point boulan-
giste, qui a donné comme sérieuse
l'annonce d'un voyage de M. Carnot à
Bruxelles..
Ce n'est pas nous qui avons accusé
M. Carnot d'avoir formé ce projet,
constitutionnel sans doute, mais infi-
niment dangereux. Nous nous sommes
bornés à demander que la nouvelle in-
quiétante donnée par le Temps fût dé-
mentie ; elle l'a été. Nous en avons fé-
licité M. le président de la République.
Où diable voit-on que nous ayons fait
campagne contre M. Carnot?
Encore une fois, afin que nul n'en
ignore, nous avons pour M. Carnot le
plus profond respect. Il ne représente
certainement pas toutes nos aspira-
tions ; mais un président de la Répu-
blique n'est pas un chef de parti, et M.
Carnot s'est tenu jusqu'ici trop correc-
tement dans son rôle constitutionnel
pour que nous nous préoccupions de
savoir à quelle nuance parlementaire
il pourrait bien appartenir. Ce n'est
donc pas nous qui le mettons à la brè-
che ; c'est MM. Reinach et Spuller qui,
fort incorrectement, se permettent de
découvrir M. Carnot pour se couvrir
eux-mêmes.
Donc laissons M. Carnot au-dessus
de ce débat et prenons la question où
elle est.
Nous avons dit et nous répétons qu'au
ministère des affaires étrangères, où
M. Spuller, mené à plènes guides par
M.. Reinach, vit dans la perpétuelle
préoccupation d'imiter Gambetta, la
grande politique du jour est « la po-
litique d'apaisement » t vis-à-vis de
l'Allemagne.
Nous l'avons dit et les grands hom-
mes d'Etat que nous critiquons ne le
nient pas précisément. Voire, M. Rei-
nach, directeur d'un journal, que peu
de personnes lisent, il est vrai, se fait
interviewer personnellement par un
autre journal a seule fin de déclarer
que nos critiques sont une injure à M.
Carnot et que M. Spuller est — avec
M. Reinach, évidemment — l'héritier
des grandes traditions politiques de
Gambetta.
C'est possible. Seulement on peut
être l' « héritier » sans être le « succes-
seur ». Gambetta continué par Spul-
ler, voire par Reinach, c'est dûr pour
Gambetta!
Non pas que l'un et l'autre soient
sans mérite. M. Reinach est un fort
en thème qui rédige, bien. Il a passa-
blement troussé l'acte d'accusation de
M. de Beaurepaire. Mais enfin, ce n'est
pas précisément un brevet de grand
diplomate et cela ne suffit peut-être
pas pour qu'il soit permis à M. Reinacb,
même monté sur le dos de M. Spuller,
de diriger à son gré les affaires exté-
rieures de la France.
Voilà notre opinion. Nous n'ignorons
pas qu'elle constitue aux yeux de M.
Reinach une hérésie subversive. Ils
sont comme cela une douzaine de
grands hommes tout neufs à qui l'on
n'ôterait pas de la tête qu'ils ont sauvé
la France. Ce sont eux qui, par les in-
nombrables maladresses où ils avaient
engagé M. Tirard, ont créé le bou-
langisme. Ceci par exemple, ils ne le
comprendront jamais. En revanche,
ils sont convaincus, mais convaincus
jusqu'aux moëlles, que sans eux, la
France était perdue. Donc, vous com-
prenez, il n'y a plus qu'eux pour me-
ner les affaires de la France.
Douce illusion! Ces braves gens qui
put failli tout perdre et qui n'étaient
capables de rien sauver— à moins que
ce ne fut le Capitole — sont tout ce
qu'ily a de plus encombrant au monde.
Ils ont déjà fatigué la Chambre; ils
entourent et, si on les laisse faire, ils
finiront par compromettre le président
de la République. Et comme, tout na-
turellement, au nom de la tradition
Gambetta, M. Spuller est à leur dis-
crétion, ils en profitent pour lui faire
commettre sous leur direction beau-
coup plus de sottises qu'il n'en aurait
commis à lui tout seul — ce qui pour-
tant est déjà plus que suffisant pour
la sécurité de la France.
Ce sont eux qui, toujours au nom de
« la grande tradition », ont embarqué
M. Spuller sur la grande route de
« l'apaisement » vis-à-vis de l'Italie.
Ces diplomates éminents se glorifient
comme d'un grand succès, de l'aboli-
tion des tarifs différentiels. Et déjà
M. Spuller est prêt à laisser l'Italie
drainer tranquillement les capitaux
français, en échange d'une « conces-
sion » qui est tout bonnement un, des
plus jolis traquenards qu'on nous ait
jamais tendus.
Voilà ce que nous disons et ce que
ne contredit point la plaidoirie offi-
cieuse du jeune Reinach.
Ce n'est pas, on voudra bien le re-
connaître «Mine campagne contre M.
Carnot » ; c'est tout simplement une
protestation contre la politique niaise
et périlleuse de MM. les « petits Gam-
bettas ».
L'ORIGINE D'UH FAUX BRUIT
Renvoyé à qui d3 droit
,". Nous recevons, avec pièces à l'appui, la
lettre suivante, sur laquelle nous appe-
lons l'attention des journaux qui ont ac
cusé la Lanterne d'avoir lancé ce « formi-
dable canard ».
Nous n'attendons pas du Temps qu'il
veuille bien dire ce qu'il pense des as-
sertions contenues dans cette lettre :son
silence embarrassé équivaut à un aveu.
Monsieur le directeur,
D'après l'Eclair M. Joseph Reinach aurait
dit au sujet des bruits de voyag-e de M. Car-
uot à Bruxelles pour s'y rencontrer avec
l'empereur d'Allemagne, que « c'est un rep-
tile de la Gazelle Nationale de Berlin qui a
forgé la nouvelle de toutes pièces », etc.
C'est absolument faux. Je me suis procuré
et je vous envoie sous ce pli le fameux arti-
cle de la Gazette Nationale (numéro du 3 jan-
vier) qui a été la cause de toute cette polé-
mique; vous n'y trouverez pas un mot sur
un pareil projet et vous y verrez que le jour-
naliste allemand se borne uniquement à
constater et à regretter le fait, qu'il ne pour-
rait pas être question d'une rencontre de
l'empereur avec le président.
Comme la Lanterne l'a déjà dit, c'est le
Temps qui a publié le premier la nouvelle
du bruit en question dans un télégramme
de Berlin du 4 janvier, que les journaux de
Barlin ont mentionné dans leurs numéros
du 6 janvier en indiquant comme source le
Temps.
Vous voyez que les journaux opportunistes
n'ont pas le droit de décliner la responsabi-
lité de cette nouvelle qui a tant ému l'opi-
nion publique.
Veuillez agréer, etc. S. M.
UN ARTICLE DE LA « LANTERNE »
La France et l'Allemagne
La Gazette Nationale reproduit la plus
grande partie de l'article suggéré à la
Lanterne par celui que la feuille alle-
mande avait elle-même publié et dont le
Temps, le premier, s'était fait l'écho en
France.
La Gazette ajoute :
Laissons reposer ces bruits de voyages et
d'entrevues, il n'en reste pas moins un fait
qui va mettre l'Europe en présence de déci-
sions précises à prendre. L'interrogation se
dresse devant toutes les nations, devant la
France tout autant que devant l'Allemagne :
de quelle laçon, dans quel sens la question
internationale résultant de l'échéance des
traités de commerce doit-elle être résolue ?
La Lanterne a donc deviné juste en tant
qu'elle voit dans cette question le point cen-
trai actuel de la politique européenne.
M. COULON
Un démenti maladroit
Un journal qui a la spécialité des bon-
nes causes — nous avons nommé l'Esta-
fette, organe de M. Jules Ferry - a voulu
hier prendre la défense de M. Coulon, à
propos de l'adjudication d'un lot de câbles
faite à une maison belge, adjudication
que nous avons annoncée dernièrement.
On va voir comment il se tire de cette
ingrate besogne :
La dernière adjudication, dit-il, comprenait
six lots, et non pas un seul lot, comme l'in-
sinuait notre confrère; sur ces six lots, cinq
seulement ont été adjugés : quatre à des
maisons françaises et un à un industriel
belge. Le sixième a été réservé, les offres
dépassant le prix maximum demandé.
L'Estafette reconnaît que M. Coulon a
laissé adjuger un lot à un industriel
belge. Alors, pourquoi nous reprocher do
l'avoir dit ?
Nous n'avons pas parlé des lots adju-
gés à des maisons françaises ? Mais nous
avions pour cela, une bonne raison, nous
ignorions les détails de cette adjudica-
tion qui avait été annoncée par 1 un de
nos confrères.
Du reste, tout le monde trouvera comme
nous que c'est beaucoup trop d'urne seule
adjudication faite à des étrangers.
Un tel acte, s'il n'y avait pour M. Cou-
Ion des grâces d'Etat, aurait dû suffire à
le faire révoquer la première fois qu'il
l'a commis, il y a quelques mois déjà.
A cette époque, il n'a même pas reçu
un blâme. Il aurait été bien bête de ne
pas recommencer !
Le SUPPLEMENT LlTTERAIRE
ILLUSTRE de La Lanterne parait deux
lois par semaine, ie* MARDI et ysmoasoii.
LE ROI D'ESPAGNE
ENTRE LA VIE ET LA MORT
Communication aux Chambres.- Syn-
cope de la reine-mère. — Le roi va.
mieux. — Télégrammes de
sympathie
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — Lecture a été
donnée au Sénat d'une communication
du président du Conseil demandant qu'en
raison de la démission donnée par le ca-
binet et de la maladie du roi, les Cham-
bres suspendent leurs séances jusqu'à ce
que la reine régente puisse de nouveau
exercer les fonctions royales.
Le président du Sénat, marquis de La
Habana, fait appel au patriotisme de la
Chambre pour qu'elle accède à la re-
quête du gouvernement.
M. Lasala, parlant au nom des conser-
vateurs, s associe aux paroles du mar-
quis de La Habana, et déclare que, dans
les tristes circonstances que traverse le
pays, tous les monarchistes soutiendront
le gouvernement.
La séance est levée aux cris de : Vive
le roi 1 vive la reine !
Aucun ministre n'était présent.
A la Chambre des députés
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — La communica-
tion lue au Sénat l'a été également à la
Chambre des députés.
Le président Alonzo Martinez a pro-
posé la suspension des séances.
M. Campogrande s'est associé à cette
proposition, au nom des conservateurs.
M. Martos s'est exprimé dans le même
sens.
Le général Lopez Dominguez a déclaré
qu'en ce moment les vrais monarchistes
ne désiraient qu'une chose : le retour du
roi a la santé.
Ces paroles ont été applaudies.
Le général Cassola a lait une déclara-
tion analogue à celle du général Lopez
Dominguez.
M. Gutierrez Véga, du groupe de M.
Romero Robledo, s'est joint aux précé-
dents orateurs.
Les républicains ont gardé le silence.
La séance a été levée aux cris de : Vive
le roi ! Vive la reine !
Défaillance de la régente
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — La régente a été
priée d'une syncope lorsque les médecins
consultants sont entrés dans la chambre
du roi. Elle s'est remise peu après.
Une foule immense se tient aux abords
du palaia et dans les rues adjacentes dans
l'attente des nouvelles.
Symptômes moins alarmants
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — On a observé que
le jeune roi, qui hier avait les yeux vi-
treux et un peu hagards, avait aujour-
d'hui le regard normal et qu'il supportait
mieux que les jours précédents les ali-
ments.
Des dépêches arrivent continuellement
de l'étranger au Palais et au ministère
des affaires étrangères. Les familles ré-
gnantes d'Autriche, d'Allemagne, d'An-
gleterre et de Portugal ont envoyé des
télégrammes de sympathie.
Le mieux persiste
(D un correspondant.)
Madrid, 11 janvier, 1 h. 15 matin. — Le
bulletin médical affiché hier soir au pa-
lais dit que le roi continue d'être tran-
quille, sans fièvre, mais que par inter-
valles il se produit des symtômes de col-
lapsus cardiaque.
D'après des informations postérieures,
ces symptômes auraient cessé.
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier, 3 h. 30 matin. — Le
bulletin de la santé du roi, de 2 heures
du matin porte que le calme continue et
qu'il ne s'est produit aucun accident.
Le dernier bnlletin
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. - Les nouvelles de
la santé du roi sont plus tranquilli-
santes. -
Le bulletin de dix heures du soir an-
nonçait que le roi n'avait plus de fièvre
et était assez tranquille, néanmoins, il
avait parfois des moments de faiblesse
durant quelques instants.
Les communications entre l'extérieur
et l'intérieur du palais ont été fermées
à onze heures, sauf pour les journalibtes.
En présence de cette amélioration, de
nombreux personnages de la cour ont
été se reposer.
Voici le bulletin de deux heures du
matin :
« L'état du roi se maintient sans nouvel
accident ; il est assez tranquille.
Une grande joie se manifeste au palais
où l'on a l'espoir de le sauver.
Le nonce s est rendu hier soir au palais
et, sur la prière de la reine Isabelle, a
célébré dans l'oratoire de la régente, à
deux heures et demie du matin, une
messe pour le rétablissement du roi.
A quatre heures, des nouvelles satis-
faisantes continuent de circuler au pa-
lais. On a réveillé le roi pour lui donner
un consommé avec de l'extrait de viande.
L'impression générale est meilleure.
L'espoir renaît de plus en plus; et,
sans que la gravité de l'état du roi ait
disparu, la situation s'est cependant amé-
liorée puisqu'il n'y a pas eu de rechute
et qu'aucun nouveau symptôme de col-
lapsus ne s'est manifesté.
La famille royale s'est retirée à quatre
heures et demie dans ses appartements
pour se reposer.
La régente s'est étendue sur un divan
auprès du lit de son fils pour prendre un
peu de repos.
Faiblesse et prostration
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — Le bulletin médi-
cal publié au Palais à une heure de l'a.
près midi est ainsi conçu :
« L'état du roi continue a être calme,
avec tendance à 1 assoupissement. Les
symptômes de prostration s'accentuent.
La fièvre a disparu et la faiblesse prédo-
mine. » ,
1 (D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier, 7 h. 30 soir. — Le
dernier bulletin officiel dit que le roi
continue à avoir des alternatives d'exci-
tation et d'abattement.
* La foule stationne devant le palais.
J A la frontière d'Espagne
(D'un correspondant)
Perpignan, 11 janvier. — Des mesures
très sévères sont prises sur la frontière
des Pyrénées-Orientales par les autorité3
militaires espagnoles, pour empêcherl'en-
trée des républicains exilés. Une surveil-
lance très active est exercée à Port-Bou,
Figuères, Puycerda, Lajonquera et sur
tous les points par où les révolutionnai-
res pourraient pénétrer. Des battues sont
organisées sur las montagnes frontières.
BILLET DU DIMANCHE
■ * li janvier
A Charles Laurent
Vous venez d'avoir une idée à la fois
élevée et généreuse.
Pourquoi, vous êtes-vous dit, l'Etat qui
protège les sculpteurs et les peintres ne
protégerait- il pas les littérateurs ---
Est-ce que Victor Hugo fait moins
d'honneur à notre patrie que M. Ingres?
cependant le premitr a dû lutter péni-
blement contre les difficultés de la vie,
tandis que le second recevait avec abon-
dance toutes les faveurs officielles.
Est-ce que Gérard de Nerval, l'auteur
admiré de Sylvie, mort. de misère et de
désespoir rue de la Lanterne, n'égale
pas en talent MM. X. ou MM. Y.,
peintres et sculpteurs comblés des com-
mandes de l'Etat ?
Si la question se posait en ces termes,
vous auriez cent fois raison, mon cher et
vaillant ami. La protection de l'art ne
doit pas être exclusive. Devant Périclès
ou devant Louis XIV, les poètes valent
les peintres. --'
J'appartiens, malheureusement peut.
être, à une école qui n'admet l'interven-
tion officielle en faveur de personne. Je
ne suis partisan ni des envois de Rome,
ni des envois d'Athènes, ni même des en-
vois de maurigaux, de sonnets et de ro-
mans.
Demandez la suppression de tout, nous
serons d'accord. Réclamer la protection
de quelqu'un ou de quelque chose, ici
nous nous séparerons.
LEtat, médiocre juge en matière de
sculpture et de tableaux, serait un ar-
bitre déplorable s'il s'agissait de littéra-
ture. 1 c
Je suis vieux et vous êtes jeune ; mais
il est telle époque où il donnait le pas à
M. Belmontet sur Auguste Vacquerie. Le
plus souvent, Flaubert avait tort devant
JVL Ponson du Terrail. Quant à Baude-
laire, il serait impitoyablement sacrifié à
tous les faiseurs de cantates.
Qui donc serait encouragé en pareille
occurrence ?
Les littérateurs qui, en prose ou en
vers, encenseraient les sénateurs et les
députés influents ou les ministres en
exercice. Assurément, mon cher confrère,
vous ne trouveriez pas que cette sorte de
gens littéraires mérite ûêtre encouragée.
EUe est digne de sauver le Capitole; mais
non de vivre à l'état de grand-prêtre de
la poésie.
Au surplus, il semble que nos collègues
du journalisme partagent cette opinion.
Lorsque, il y a plusieurs années du
temps où vous étiez déjà le ~coltabora-
teur d'Emile de Girardin, il fut question
de conserver au Journal officiel la criti-
que dramatique et la critique littéraire,
les publicistes du Parlement, sénateurs
et députés, se prononcèrent contre à l'u-
nanimité 1 On supprima ainsi d'un trait
de plume une subvention de 60,000 francs
qui aidait une vingtaine de littérateurs
très méritants à vivre.
Pas une seule protestation ne s'éleva
alors dans la presse républicaine. On eut
raison, l'art comme les lettres devant se
suffire sans aucune intervention officielle.
Cette conclusion, mon cher Laurent,
nous met à peu près d'accord, car il m'a
semblé que vous protestiez surtout con-
tre le privilège accordé aux chevaliers
de l'ébauchoir et du pinceau.
A cet égard, vous avez absolument rai-
son, la littérature française vaut lasculp
ture et la peinture françaises, —
C'est une iniquité que les uns aient
beaucoup quand les autres n'ont rien.
Mettre des couleurs sur la toile ne de-
manie pas plus de génie que mettre de
beaux vers sur le papier.
Combien faut-il ue kilomètres de pein-
ture pour égaler les pages merveilleuses
de Michelet sur Jeanne d'Arc.
Seulement, c'est au public — et au pu-
blic seul — à distribuer des récompenses.
On n'est pas digne d'être un peintre si
l'on ne sait pas souffrir pour son art. On
ne mérite point la gloire littéraire si l'on
n'est pas capable de supporter à cause
d'elle l'indifférence du public ou même
l'injustice passagère des contemporains.
ANATOLE DE LA FORGE.
RENTRÉE DES CHAMBRES
An Sénat et au palais Bourbon. —
Premières séances
La session ord nairedes Chambres pour
1890 s'ouvrira de plein droit mardi pro-
chain, 14 janvier. A la veille de cette re-
mise des travaux parlementaires, nous
allons indiquer dans quelles conditions
les chambres vont fonctionner et à quels
sujets de délibération elles se livreront
ou pourront se livrer.
Conformément au règlement, le secré-
tariat général de chaque Chambre vient
de fixer l'ordre du jour de la séance de
rentrée.
Au Sénat cet ordre du jour porte sim-
plement: « Tirage au sort des bureaux
et fixation de l'ordre du jour. » Suivant
l'usage consacré par son règlement, en
effet, le Sénat ne procède jamais le jour
de l'ouverture de la session à l'élection
de son bureau annuel. Cette élection est
toujours fixée à la séance qui suit celle
de rentrée. Le Sénat sera présidé mardi
prochain par son doyen d'âge qui est ac-
tuellement M. de Bondy, sénateur de
l'Indre, membre de la droite.
A la Chambre, au contraire, l'ordre du
jour comprend, conformément au règle-
ment, quatre scrutins pour l'élection du
président, des vices-présidents, des se-
crétaires et des questeurs. Selon toutes
probabilités ces scrutins pourront être
effectués en une seule séance. Les mem-
bres du bureau, nommés il y a deux
mois, seront tous réélus certainement
sans compétition.
La séance de rentrée sera présidée par
le doyen d'âge, qui est toujours M. Pierre
Blanc, député républicain de la Savoie.
Il sera assisté des six plus jeunes mem-
bres comme secrétaires d'âge.
La chambre, après l'élection de son
bureau annuel, sera appelée à fixer l'or-
dre de ses travaux.
Une première tâche s'imposera à elle :
celle de liquider l'opération de la vérifi-
cation des pouvoirs ; sur 576 élections
559 ont été vérifiées dans la session ex-
traordinaire dernière. (545 ont été vali-
dées et 14 invalidées).
Il reste à statuer sur 17 élections dont
15 non encore examinées et 2 soumises
à l'enquête.
Celle qui est inscrite en tête de l'ordre
du jour est l'élection scandaleuse de M.
Bischoffsheim.
Parmi les questions prêtes à être exa-
minées nous citerons :
La revision du règlement intérieur ; la
suppression des -livrets d'ouvriers, la
création des délégués mineurs, et plu-
sieurs questions ouvrières.
Puis viendront les questions suivantes:
Revision du Code d'instruction crimi-
nelle ; révision de la loi de 1867 sur les
sociétés; modification des droits de suc-
cession en vue de la distraction du pas-
sif; dérivation et adduction à Paris des
sources de l'Avre; modification de l'im-
pôt foncier et réforme des droits sur les
boissons, etc.
Terminons en rappelant que la réunion
indêpéndante des droites a décidé de sou-
lever, à propos des dernières vérifications
de pouvoirs, un débat général sur les pra-
tiques du gouvernement en matière élec-
torale.
Ce débat qui paraît devoir être soutenu
par M. Cassagnac fournira incontestable-
ment au cabinet l'occasion de s'expliquer
sur sa conduite au cours des dernières
élections et sur sa politique en général,
et de faire des déclarations précises.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Deux ministres absents. — Longue
discussion
Les ministres se sont réunis, hier, dans
l'après-midi, à l'Elysée, sous la présidence
de M. Carnot.
C'est la première réunion importante
que le Conseil des ministres ait tenu de.
puis la séparation des Chambres.
Tous les membres du cabinet étaient
présents à l'exception de MM. Rouvier et
Fallières.
Nous empruntons à l'àgence Havas le
compte-rendu de la séance du Conseil :
En prévision de la reprise des travaux
parlementaires et pour marquer l'attitude
que le gouvernement entend adopter, les
ministres ont décidé, à l'unanimité et sans
discussion, qu'ils demanderaient tout d'abord
la mise à l'ordre du jour de la Chambre des
projets déjà déposés qui intéressent les agri-
culteurs et les ouvriers.
Dans cet ordre d'idées, se référant aux dé-
bats qui ont eu lieu dans les conseils anté-
rieurs et auxquels le ministre des finances
a pris part, ils ont résolu de détacher du
budget et de faire un projet spécial des me-
sures qui concernent le dégrèvement, du
principal de l'impôt foncier.
Ces mesures ont surtout pour objet d'allé-
ger les charges, qui pèsent sur les petits
propriétaires, sans toutefois porter atteinte
au principe de l'impersonnaiité des cotes.
Elles seront définitivement arrêtées aussitôt
après le retour de M. Rouvier à Paris et pré-
sentées sans retard à la Ghambre.
Si le Parlement adopte la méthode de tra-
vail qui lui est proposée par le cabinet, le
Sénat aura d'abord a discuter le projet rela-
tif à la création des caisses de retraite pour
les ouvriers mineurs déjà adopté par la
Chambre.
Quant à la Chambre, elle achèvera la véri-
fication des pouvoirs de ses membres, puis
elle discutera les projets relatifs à la sup-
pression des livrets d'ouvriers et à la créa-
tion de délégués mineurs, projets qu'elle a
déjà examinés et qui lui reviennent du
Sénat. - -
M. de Freycinet. ministre de la guerre, a
soumis ensuite à l'approbation du Conseil
un projet tendant à modifier la loi du 20
mars 1880 sur le service ue l'état-major.
Enfin, M. Yves Guyot, ministre des tra-
vaux publics, a donné communication des
instructions qu'il va envoyer au préfet de la
Gironde relativement à la construction d'ap-
pontewents à faire à Pauillac par la Compa-
gnie transatlantique, en vue de permettre
aux grands navires d'opérer leur décharge-
ment à Pauillac.
La création de ces appontements ne peut
être préjudiciable au port de Bordeaux, puis-
que actuellement les grands navires qui ne
peuvent pénétrer dans le port sont obligés
d'effectuer à Pauillac le transbordement de
leurs passagers et de leurs marchandises.
L'Agence déclare que toutes ces résolu-
tions ont été prises à l'unanimité : les
feuilles officieuses en concluent que l'ac-
cord le plus parfait règne au sein du
ministère.
Nous ne demanderions pas mieux que
d'y croire, malheureusement nous ne pou-
vons nous empècher de remarquer que la
délibération ministérielle s'est prolongée
pondant plus de trois heures, ce qui
prouve que l'accord, s'il existe, a été as-
sez long à s'établir.
Quant à l'unanimité dont parle VAgence,
il convient également de remarquer
qu'elle s'est produite en l'absence de
deux ministres.
L'ALLEMAGNE ET LA RUSSIE
Un permis de chasse
Berlin, 11 janvier. — L'empereur Guil-
laume a fait demander au tsar l'autorisa-
tion de chasser le buffle sur les terres du
prince Radziwill, dans le territoire de
Minsk, en Lithuanie.
La réponse à cette demande n'est pas
encore parvenue à Berlin.
LES ENFANTS
LES DISTRIBUTIONS DE JOUETS
DANS LES HOPITAUX 4
Nos visites aux hôpitaux et nos dis.
tributions. — La « Lanterne » à
Trousseau, à Saint-Louis et à j
Tenon. — Les résultats d'une
bonne œuvre.
Nous avons continué hier nos distribu-
tions de jouets dans plusieurs hôpitaux
de Paris.
Le matin,- deux de nos collaborateurs
se sont rendus à 1 hôpital Saint-Louis;
l'après-midi, ç'a été le tour des hôpitaux
Trousseau et Tenon, où plusieurs de nos
collaborateurs ont présidé aux distribu-
tions de jouets, en compagnie du person-
nel de ces établissements. r"
Partout, les jouets de la Lanterne ont
été accueillis avec autant d'émotion que
de joie.
1 A l'hôpital Trousseau
A deux heures, deux collaborateurs de
la Lanterne se rendaient à l'hôpital Trous-
seau, 89, rue de Charenton. Ils ont étd
reçus aussitôt par l'économe, M. Jessar4
puis quelques instants après, par M. Guil- 1
iaume, directeur de l'établissement.
En an clin d'œil, les grands paniers
sont ouverts, les jouets classés par caté-
gories de sexe et d'âge. Puis, la part
respective des garçons et des filles est
dirigée sur les diverses salles de l'hô-
pital.
- Nous avons distribué des jouets et des
objets divers à une population enfantine
fort nombreuse. Au moment de notre vi-
site, en effet, l'hôpital Trousseau ne con-
tient pas moins de 187 garçons et de 193
filles. Grâce aux dispositions prises par
la Lanterne, tout ce monde a eu des jouets
et a été ravi. *
En compagnie de MM. Guillaume et
Jessart, nous parcourons les divers ser.
vices affectés aux petits garçons : méde-
cine, chirurgie. Les bébés nous accueil-
lent par des battements de mains; les
grands garçons sont émus. La surveillante «
générale, Mme Degouy, nous aide à com-
bler de cadeaux tous ces intéressants en-
fants. *
Quand chacun est content, quand on
entend résonner les trompettes et bruire
les tambours, nous nous rendons salle
Bazin, où les petits garçons atteints de
la teigne sont en traitement. A notre
entrée nous sommes accueillis très crâ-
nement par les cris de : Vive la Répu-
blique ! Vive la Lanterne 1
A l'issue de la distribution des jouets,
très émouvante, vu l'âge de certains de
ces enfants, l'un d'eux, le jeune Henry
Fleury, nous donne lecture d'une
adresse au nom de ses camarades : 1
Merci, messieurs, merci de toute * votre
sollicitude. Nous serons reconnaissants.
Nous aussi, nous vous aimerons, et plus
tard, loin peut-être de la maison qui nous
a donné asile, nous nous rappellerons qu'il
existe en France beaucoup de coeurs géné-
reux, et que nous aussi, nous sommes Fran-
çais.
Nous remercions le petit orateur, puis
nous allons rendre visite aux petites
filles.
Là, comme on le pense bien, nos jolies
poupées, nos raquettes, nos ballons ont
un grand succès. Le ravissement de ces
fillettes est vraiment réconfortant. Ah I
les lecteurs et les amis de la Lanterne ne
regretteront pas leur bonne action !
C'est dans la salle médicale des petites
filles que nous avons vu le plus de souf-
frances: les filles de seize et dix huit ans
y sont rapetissées par le rachitisme au'
point de ressembler à des gamines de
dix et douze ans. Une petite fille, minée
par une maladie de poitrine, est réduite
a l'état de véritable squelette.
Une autre, la curiosité médicale de Fhô-
pital Trousseau, est une pauvre rachi-
tique de quartorze ans, qui a la taille et
la figure d'un bébé de trois ans'!
Les petites teigneuses, qui ont pour
surveillante générale Mme Thibaut, nous
accueillent par un cantique en l'honneur.
des cadeaux de Noël. Tous ces enfants*
exultent de joie. Nous procédons à notre
distribution, au milieu d'une véritable
extase. Allons, les poupées, les raquet.
tes, les jeux collectifs, sortez d.es pa-
niers ! Il faut que tout le monde soit con- ;*
tent. -
A cinq heures, nous prenions congé dE)-
M. Guillaume en le félicitant sur l'excel-
lente tenue de l'hôpital Trousseau.
A Saint-Louis
Nous avons continué hier nos distribu-
tions de jouets dans les hôpitaux. C'est
par 1 hôpital Saint-Louis que nous avons
commencé. -
On sait que les 160 enfants soignés dans
cet établissement sont atteints de la même
infirmité : la teigne. Cette maladie, peu
dangereuse en somme, mais tenace et
douloureuse, est difficile à traiter; elle
apeure les parents, tracasse les pauvres
petits êtres qu'elle atteint, au point de
les rendre taciturnes et parfois méchants.
A la suite d'expériences nombreuses et
d'observations souvent répétées, le doc-
teur qui dirige, à Saint-Louis, ce service
spécial a inauguré, depuis deux ans, un
traitement dont on augure beaucoup de
bien et auquel on doit déjà des cures très
intéressantes.
Autrefois, il fallait douze ou quinze
mois, parfois des années pour débarras-
ser complètement les enfants; et comme
cette affection est très contagieuse : un
malade communique souvent à plusieurs
de ses camarades cette épouvantable tei-
gne, qui ronge le cuir, fait tomber les
cheveux et transforme en une plaie vive
et douloureuse les jolies petites têtes de
nos bébés.
Aujourd'hui on arrive à la guérison
complète en quelques mois seulement.
Ce résultat est obtenu par un procédé
assez dur. Il faut, plusieurs foisnar se-
maine, mettre au vif avec un instrument
tranchant, tous les boutons et frotter
cette plaie factice avec une lotion à base
sulfureuse.
Cette opération n'est pas, on le pense
bien, pour être agréable aux enfants, lis
ne s'y soumettent pas volontiers, quel-
ques-uns même se défendent, <~~&mdecins comme lea surveillants et tel in*
A PARIS
ILS — Rue ITt £ <•. £ * ei* — ¡¡ fl
Les articles non insérés ne seront pas rendus
}
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS S FR.
SIX MOIS S FR.
UN AN.13FR
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
k, PARIS ET DÉPARTEMENTS io
Le Numéro : 5 cen times
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS. 2 FB.
TROIS MOIS 6 VH.
SIX MOIS. 11 FR.
UN AN. 20 FR.
1 --
QUATORZIEME ANNEE — NUMERO 4650
LUNDI 13 JANVIER 1890
® 24 NIVOSE — AN 98 (D
La « » est Je seul
journal îic.nçxjs ayant son impri-
merie et sa fabrique de papier.
les « petits Gambettas »
MM. Heinach et Spuller sont des
hommes d'Etat fort contents d'eux-
mêmes et fort sévères pour autrui.
Toute critique les i: rite et leur indi-
gnation est grande qu'un simple jour-
nal se permette de les prendre à par-
tie. C'est, parait-il, crime de lèse-ma-
jesté ; et sur le champ, on nous fait
dire par les journaux officieux que
nous manquons de patriotisme et que
nous attaquons M. Carnot.
C'est une sottise et c'est un men-
songe; nous l'avons expliqué déjà.
Mais quand les officieux sont en co-
lère, ils n'entendent et ne voient plus
rien ; c'est comme les dindons quand
ils font là roue. Il faut les toucher
avec la gaule pour qu'ils cessent de
glousser. :
Force nous est donc de répéter que
ce n'est pas nous, mais bien le Temps,
journal peu radical et point boulan-
giste, qui a donné comme sérieuse
l'annonce d'un voyage de M. Carnot à
Bruxelles..
Ce n'est pas nous qui avons accusé
M. Carnot d'avoir formé ce projet,
constitutionnel sans doute, mais infi-
niment dangereux. Nous nous sommes
bornés à demander que la nouvelle in-
quiétante donnée par le Temps fût dé-
mentie ; elle l'a été. Nous en avons fé-
licité M. le président de la République.
Où diable voit-on que nous ayons fait
campagne contre M. Carnot?
Encore une fois, afin que nul n'en
ignore, nous avons pour M. Carnot le
plus profond respect. Il ne représente
certainement pas toutes nos aspira-
tions ; mais un président de la Répu-
blique n'est pas un chef de parti, et M.
Carnot s'est tenu jusqu'ici trop correc-
tement dans son rôle constitutionnel
pour que nous nous préoccupions de
savoir à quelle nuance parlementaire
il pourrait bien appartenir. Ce n'est
donc pas nous qui le mettons à la brè-
che ; c'est MM. Reinach et Spuller qui,
fort incorrectement, se permettent de
découvrir M. Carnot pour se couvrir
eux-mêmes.
Donc laissons M. Carnot au-dessus
de ce débat et prenons la question où
elle est.
Nous avons dit et nous répétons qu'au
ministère des affaires étrangères, où
M. Spuller, mené à plènes guides par
M.. Reinach, vit dans la perpétuelle
préoccupation d'imiter Gambetta, la
grande politique du jour est « la po-
litique d'apaisement » t vis-à-vis de
l'Allemagne.
Nous l'avons dit et les grands hom-
mes d'Etat que nous critiquons ne le
nient pas précisément. Voire, M. Rei-
nach, directeur d'un journal, que peu
de personnes lisent, il est vrai, se fait
interviewer personnellement par un
autre journal a seule fin de déclarer
que nos critiques sont une injure à M.
Carnot et que M. Spuller est — avec
M. Reinach, évidemment — l'héritier
des grandes traditions politiques de
Gambetta.
C'est possible. Seulement on peut
être l' « héritier » sans être le « succes-
seur ». Gambetta continué par Spul-
ler, voire par Reinach, c'est dûr pour
Gambetta!
Non pas que l'un et l'autre soient
sans mérite. M. Reinach est un fort
en thème qui rédige, bien. Il a passa-
blement troussé l'acte d'accusation de
M. de Beaurepaire. Mais enfin, ce n'est
pas précisément un brevet de grand
diplomate et cela ne suffit peut-être
pas pour qu'il soit permis à M. Reinacb,
même monté sur le dos de M. Spuller,
de diriger à son gré les affaires exté-
rieures de la France.
Voilà notre opinion. Nous n'ignorons
pas qu'elle constitue aux yeux de M.
Reinach une hérésie subversive. Ils
sont comme cela une douzaine de
grands hommes tout neufs à qui l'on
n'ôterait pas de la tête qu'ils ont sauvé
la France. Ce sont eux qui, par les in-
nombrables maladresses où ils avaient
engagé M. Tirard, ont créé le bou-
langisme. Ceci par exemple, ils ne le
comprendront jamais. En revanche,
ils sont convaincus, mais convaincus
jusqu'aux moëlles, que sans eux, la
France était perdue. Donc, vous com-
prenez, il n'y a plus qu'eux pour me-
ner les affaires de la France.
Douce illusion! Ces braves gens qui
put failli tout perdre et qui n'étaient
capables de rien sauver— à moins que
ce ne fut le Capitole — sont tout ce
qu'ily a de plus encombrant au monde.
Ils ont déjà fatigué la Chambre; ils
entourent et, si on les laisse faire, ils
finiront par compromettre le président
de la République. Et comme, tout na-
turellement, au nom de la tradition
Gambetta, M. Spuller est à leur dis-
crétion, ils en profitent pour lui faire
commettre sous leur direction beau-
coup plus de sottises qu'il n'en aurait
commis à lui tout seul — ce qui pour-
tant est déjà plus que suffisant pour
la sécurité de la France.
Ce sont eux qui, toujours au nom de
« la grande tradition », ont embarqué
M. Spuller sur la grande route de
« l'apaisement » vis-à-vis de l'Italie.
Ces diplomates éminents se glorifient
comme d'un grand succès, de l'aboli-
tion des tarifs différentiels. Et déjà
M. Spuller est prêt à laisser l'Italie
drainer tranquillement les capitaux
français, en échange d'une « conces-
sion » qui est tout bonnement un, des
plus jolis traquenards qu'on nous ait
jamais tendus.
Voilà ce que nous disons et ce que
ne contredit point la plaidoirie offi-
cieuse du jeune Reinach.
Ce n'est pas, on voudra bien le re-
connaître «Mine campagne contre M.
Carnot » ; c'est tout simplement une
protestation contre la politique niaise
et périlleuse de MM. les « petits Gam-
bettas ».
L'ORIGINE D'UH FAUX BRUIT
Renvoyé à qui d3 droit
,". Nous recevons, avec pièces à l'appui, la
lettre suivante, sur laquelle nous appe-
lons l'attention des journaux qui ont ac
cusé la Lanterne d'avoir lancé ce « formi-
dable canard ».
Nous n'attendons pas du Temps qu'il
veuille bien dire ce qu'il pense des as-
sertions contenues dans cette lettre :son
silence embarrassé équivaut à un aveu.
Monsieur le directeur,
D'après l'Eclair M. Joseph Reinach aurait
dit au sujet des bruits de voyag-e de M. Car-
uot à Bruxelles pour s'y rencontrer avec
l'empereur d'Allemagne, que « c'est un rep-
tile de la Gazelle Nationale de Berlin qui a
forgé la nouvelle de toutes pièces », etc.
C'est absolument faux. Je me suis procuré
et je vous envoie sous ce pli le fameux arti-
cle de la Gazette Nationale (numéro du 3 jan-
vier) qui a été la cause de toute cette polé-
mique; vous n'y trouverez pas un mot sur
un pareil projet et vous y verrez que le jour-
naliste allemand se borne uniquement à
constater et à regretter le fait, qu'il ne pour-
rait pas être question d'une rencontre de
l'empereur avec le président.
Comme la Lanterne l'a déjà dit, c'est le
Temps qui a publié le premier la nouvelle
du bruit en question dans un télégramme
de Berlin du 4 janvier, que les journaux de
Barlin ont mentionné dans leurs numéros
du 6 janvier en indiquant comme source le
Temps.
Vous voyez que les journaux opportunistes
n'ont pas le droit de décliner la responsabi-
lité de cette nouvelle qui a tant ému l'opi-
nion publique.
Veuillez agréer, etc. S. M.
UN ARTICLE DE LA « LANTERNE »
La France et l'Allemagne
La Gazette Nationale reproduit la plus
grande partie de l'article suggéré à la
Lanterne par celui que la feuille alle-
mande avait elle-même publié et dont le
Temps, le premier, s'était fait l'écho en
France.
La Gazette ajoute :
Laissons reposer ces bruits de voyages et
d'entrevues, il n'en reste pas moins un fait
qui va mettre l'Europe en présence de déci-
sions précises à prendre. L'interrogation se
dresse devant toutes les nations, devant la
France tout autant que devant l'Allemagne :
de quelle laçon, dans quel sens la question
internationale résultant de l'échéance des
traités de commerce doit-elle être résolue ?
La Lanterne a donc deviné juste en tant
qu'elle voit dans cette question le point cen-
trai actuel de la politique européenne.
M. COULON
Un démenti maladroit
Un journal qui a la spécialité des bon-
nes causes — nous avons nommé l'Esta-
fette, organe de M. Jules Ferry - a voulu
hier prendre la défense de M. Coulon, à
propos de l'adjudication d'un lot de câbles
faite à une maison belge, adjudication
que nous avons annoncée dernièrement.
On va voir comment il se tire de cette
ingrate besogne :
La dernière adjudication, dit-il, comprenait
six lots, et non pas un seul lot, comme l'in-
sinuait notre confrère; sur ces six lots, cinq
seulement ont été adjugés : quatre à des
maisons françaises et un à un industriel
belge. Le sixième a été réservé, les offres
dépassant le prix maximum demandé.
L'Estafette reconnaît que M. Coulon a
laissé adjuger un lot à un industriel
belge. Alors, pourquoi nous reprocher do
l'avoir dit ?
Nous n'avons pas parlé des lots adju-
gés à des maisons françaises ? Mais nous
avions pour cela, une bonne raison, nous
ignorions les détails de cette adjudica-
tion qui avait été annoncée par 1 un de
nos confrères.
Du reste, tout le monde trouvera comme
nous que c'est beaucoup trop d'urne seule
adjudication faite à des étrangers.
Un tel acte, s'il n'y avait pour M. Cou-
Ion des grâces d'Etat, aurait dû suffire à
le faire révoquer la première fois qu'il
l'a commis, il y a quelques mois déjà.
A cette époque, il n'a même pas reçu
un blâme. Il aurait été bien bête de ne
pas recommencer !
Le SUPPLEMENT LlTTERAIRE
ILLUSTRE de La Lanterne parait deux
lois par semaine, ie* MARDI et ysmoasoii.
LE ROI D'ESPAGNE
ENTRE LA VIE ET LA MORT
Communication aux Chambres.- Syn-
cope de la reine-mère. — Le roi va.
mieux. — Télégrammes de
sympathie
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — Lecture a été
donnée au Sénat d'une communication
du président du Conseil demandant qu'en
raison de la démission donnée par le ca-
binet et de la maladie du roi, les Cham-
bres suspendent leurs séances jusqu'à ce
que la reine régente puisse de nouveau
exercer les fonctions royales.
Le président du Sénat, marquis de La
Habana, fait appel au patriotisme de la
Chambre pour qu'elle accède à la re-
quête du gouvernement.
M. Lasala, parlant au nom des conser-
vateurs, s associe aux paroles du mar-
quis de La Habana, et déclare que, dans
les tristes circonstances que traverse le
pays, tous les monarchistes soutiendront
le gouvernement.
La séance est levée aux cris de : Vive
le roi 1 vive la reine !
Aucun ministre n'était présent.
A la Chambre des députés
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — La communica-
tion lue au Sénat l'a été également à la
Chambre des députés.
Le président Alonzo Martinez a pro-
posé la suspension des séances.
M. Campogrande s'est associé à cette
proposition, au nom des conservateurs.
M. Martos s'est exprimé dans le même
sens.
Le général Lopez Dominguez a déclaré
qu'en ce moment les vrais monarchistes
ne désiraient qu'une chose : le retour du
roi a la santé.
Ces paroles ont été applaudies.
Le général Cassola a lait une déclara-
tion analogue à celle du général Lopez
Dominguez.
M. Gutierrez Véga, du groupe de M.
Romero Robledo, s'est joint aux précé-
dents orateurs.
Les républicains ont gardé le silence.
La séance a été levée aux cris de : Vive
le roi ! Vive la reine !
Défaillance de la régente
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — La régente a été
priée d'une syncope lorsque les médecins
consultants sont entrés dans la chambre
du roi. Elle s'est remise peu après.
Une foule immense se tient aux abords
du palaia et dans les rues adjacentes dans
l'attente des nouvelles.
Symptômes moins alarmants
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — On a observé que
le jeune roi, qui hier avait les yeux vi-
treux et un peu hagards, avait aujour-
d'hui le regard normal et qu'il supportait
mieux que les jours précédents les ali-
ments.
Des dépêches arrivent continuellement
de l'étranger au Palais et au ministère
des affaires étrangères. Les familles ré-
gnantes d'Autriche, d'Allemagne, d'An-
gleterre et de Portugal ont envoyé des
télégrammes de sympathie.
Le mieux persiste
(D un correspondant.)
Madrid, 11 janvier, 1 h. 15 matin. — Le
bulletin médical affiché hier soir au pa-
lais dit que le roi continue d'être tran-
quille, sans fièvre, mais que par inter-
valles il se produit des symtômes de col-
lapsus cardiaque.
D'après des informations postérieures,
ces symptômes auraient cessé.
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier, 3 h. 30 matin. — Le
bulletin de la santé du roi, de 2 heures
du matin porte que le calme continue et
qu'il ne s'est produit aucun accident.
Le dernier bnlletin
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. - Les nouvelles de
la santé du roi sont plus tranquilli-
santes. -
Le bulletin de dix heures du soir an-
nonçait que le roi n'avait plus de fièvre
et était assez tranquille, néanmoins, il
avait parfois des moments de faiblesse
durant quelques instants.
Les communications entre l'extérieur
et l'intérieur du palais ont été fermées
à onze heures, sauf pour les journalibtes.
En présence de cette amélioration, de
nombreux personnages de la cour ont
été se reposer.
Voici le bulletin de deux heures du
matin :
« L'état du roi se maintient sans nouvel
accident ; il est assez tranquille.
Une grande joie se manifeste au palais
où l'on a l'espoir de le sauver.
Le nonce s est rendu hier soir au palais
et, sur la prière de la reine Isabelle, a
célébré dans l'oratoire de la régente, à
deux heures et demie du matin, une
messe pour le rétablissement du roi.
A quatre heures, des nouvelles satis-
faisantes continuent de circuler au pa-
lais. On a réveillé le roi pour lui donner
un consommé avec de l'extrait de viande.
L'impression générale est meilleure.
L'espoir renaît de plus en plus; et,
sans que la gravité de l'état du roi ait
disparu, la situation s'est cependant amé-
liorée puisqu'il n'y a pas eu de rechute
et qu'aucun nouveau symptôme de col-
lapsus ne s'est manifesté.
La famille royale s'est retirée à quatre
heures et demie dans ses appartements
pour se reposer.
La régente s'est étendue sur un divan
auprès du lit de son fils pour prendre un
peu de repos.
Faiblesse et prostration
(D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier. — Le bulletin médi-
cal publié au Palais à une heure de l'a.
près midi est ainsi conçu :
« L'état du roi continue a être calme,
avec tendance à 1 assoupissement. Les
symptômes de prostration s'accentuent.
La fièvre a disparu et la faiblesse prédo-
mine. » ,
1 (D'un correspondant)
Madrid, 11 janvier, 7 h. 30 soir. — Le
dernier bulletin officiel dit que le roi
continue à avoir des alternatives d'exci-
tation et d'abattement.
* La foule stationne devant le palais.
J A la frontière d'Espagne
(D'un correspondant)
Perpignan, 11 janvier. — Des mesures
très sévères sont prises sur la frontière
des Pyrénées-Orientales par les autorité3
militaires espagnoles, pour empêcherl'en-
trée des républicains exilés. Une surveil-
lance très active est exercée à Port-Bou,
Figuères, Puycerda, Lajonquera et sur
tous les points par où les révolutionnai-
res pourraient pénétrer. Des battues sont
organisées sur las montagnes frontières.
BILLET DU DIMANCHE
■ * li janvier
A Charles Laurent
Vous venez d'avoir une idée à la fois
élevée et généreuse.
Pourquoi, vous êtes-vous dit, l'Etat qui
protège les sculpteurs et les peintres ne
protégerait- il pas les littérateurs ---
Est-ce que Victor Hugo fait moins
d'honneur à notre patrie que M. Ingres?
cependant le premitr a dû lutter péni-
blement contre les difficultés de la vie,
tandis que le second recevait avec abon-
dance toutes les faveurs officielles.
Est-ce que Gérard de Nerval, l'auteur
admiré de Sylvie, mort. de misère et de
désespoir rue de la Lanterne, n'égale
pas en talent MM. X. ou MM. Y.,
peintres et sculpteurs comblés des com-
mandes de l'Etat ?
Si la question se posait en ces termes,
vous auriez cent fois raison, mon cher et
vaillant ami. La protection de l'art ne
doit pas être exclusive. Devant Périclès
ou devant Louis XIV, les poètes valent
les peintres. --'
J'appartiens, malheureusement peut.
être, à une école qui n'admet l'interven-
tion officielle en faveur de personne. Je
ne suis partisan ni des envois de Rome,
ni des envois d'Athènes, ni même des en-
vois de maurigaux, de sonnets et de ro-
mans.
Demandez la suppression de tout, nous
serons d'accord. Réclamer la protection
de quelqu'un ou de quelque chose, ici
nous nous séparerons.
LEtat, médiocre juge en matière de
sculpture et de tableaux, serait un ar-
bitre déplorable s'il s'agissait de littéra-
ture. 1 c
Je suis vieux et vous êtes jeune ; mais
il est telle époque où il donnait le pas à
M. Belmontet sur Auguste Vacquerie. Le
plus souvent, Flaubert avait tort devant
JVL Ponson du Terrail. Quant à Baude-
laire, il serait impitoyablement sacrifié à
tous les faiseurs de cantates.
Qui donc serait encouragé en pareille
occurrence ?
Les littérateurs qui, en prose ou en
vers, encenseraient les sénateurs et les
députés influents ou les ministres en
exercice. Assurément, mon cher confrère,
vous ne trouveriez pas que cette sorte de
gens littéraires mérite ûêtre encouragée.
EUe est digne de sauver le Capitole; mais
non de vivre à l'état de grand-prêtre de
la poésie.
Au surplus, il semble que nos collègues
du journalisme partagent cette opinion.
Lorsque, il y a plusieurs années du
temps où vous étiez déjà le ~coltabora-
teur d'Emile de Girardin, il fut question
de conserver au Journal officiel la criti-
que dramatique et la critique littéraire,
les publicistes du Parlement, sénateurs
et députés, se prononcèrent contre à l'u-
nanimité 1 On supprima ainsi d'un trait
de plume une subvention de 60,000 francs
qui aidait une vingtaine de littérateurs
très méritants à vivre.
Pas une seule protestation ne s'éleva
alors dans la presse républicaine. On eut
raison, l'art comme les lettres devant se
suffire sans aucune intervention officielle.
Cette conclusion, mon cher Laurent,
nous met à peu près d'accord, car il m'a
semblé que vous protestiez surtout con-
tre le privilège accordé aux chevaliers
de l'ébauchoir et du pinceau.
A cet égard, vous avez absolument rai-
son, la littérature française vaut lasculp
ture et la peinture françaises, —
C'est une iniquité que les uns aient
beaucoup quand les autres n'ont rien.
Mettre des couleurs sur la toile ne de-
manie pas plus de génie que mettre de
beaux vers sur le papier.
Combien faut-il ue kilomètres de pein-
ture pour égaler les pages merveilleuses
de Michelet sur Jeanne d'Arc.
Seulement, c'est au public — et au pu-
blic seul — à distribuer des récompenses.
On n'est pas digne d'être un peintre si
l'on ne sait pas souffrir pour son art. On
ne mérite point la gloire littéraire si l'on
n'est pas capable de supporter à cause
d'elle l'indifférence du public ou même
l'injustice passagère des contemporains.
ANATOLE DE LA FORGE.
RENTRÉE DES CHAMBRES
An Sénat et au palais Bourbon. —
Premières séances
La session ord nairedes Chambres pour
1890 s'ouvrira de plein droit mardi pro-
chain, 14 janvier. A la veille de cette re-
mise des travaux parlementaires, nous
allons indiquer dans quelles conditions
les chambres vont fonctionner et à quels
sujets de délibération elles se livreront
ou pourront se livrer.
Conformément au règlement, le secré-
tariat général de chaque Chambre vient
de fixer l'ordre du jour de la séance de
rentrée.
Au Sénat cet ordre du jour porte sim-
plement: « Tirage au sort des bureaux
et fixation de l'ordre du jour. » Suivant
l'usage consacré par son règlement, en
effet, le Sénat ne procède jamais le jour
de l'ouverture de la session à l'élection
de son bureau annuel. Cette élection est
toujours fixée à la séance qui suit celle
de rentrée. Le Sénat sera présidé mardi
prochain par son doyen d'âge qui est ac-
tuellement M. de Bondy, sénateur de
l'Indre, membre de la droite.
A la Chambre, au contraire, l'ordre du
jour comprend, conformément au règle-
ment, quatre scrutins pour l'élection du
président, des vices-présidents, des se-
crétaires et des questeurs. Selon toutes
probabilités ces scrutins pourront être
effectués en une seule séance. Les mem-
bres du bureau, nommés il y a deux
mois, seront tous réélus certainement
sans compétition.
La séance de rentrée sera présidée par
le doyen d'âge, qui est toujours M. Pierre
Blanc, député républicain de la Savoie.
Il sera assisté des six plus jeunes mem-
bres comme secrétaires d'âge.
La chambre, après l'élection de son
bureau annuel, sera appelée à fixer l'or-
dre de ses travaux.
Une première tâche s'imposera à elle :
celle de liquider l'opération de la vérifi-
cation des pouvoirs ; sur 576 élections
559 ont été vérifiées dans la session ex-
traordinaire dernière. (545 ont été vali-
dées et 14 invalidées).
Il reste à statuer sur 17 élections dont
15 non encore examinées et 2 soumises
à l'enquête.
Celle qui est inscrite en tête de l'ordre
du jour est l'élection scandaleuse de M.
Bischoffsheim.
Parmi les questions prêtes à être exa-
minées nous citerons :
La revision du règlement intérieur ; la
suppression des -livrets d'ouvriers, la
création des délégués mineurs, et plu-
sieurs questions ouvrières.
Puis viendront les questions suivantes:
Revision du Code d'instruction crimi-
nelle ; révision de la loi de 1867 sur les
sociétés; modification des droits de suc-
cession en vue de la distraction du pas-
sif; dérivation et adduction à Paris des
sources de l'Avre; modification de l'im-
pôt foncier et réforme des droits sur les
boissons, etc.
Terminons en rappelant que la réunion
indêpéndante des droites a décidé de sou-
lever, à propos des dernières vérifications
de pouvoirs, un débat général sur les pra-
tiques du gouvernement en matière élec-
torale.
Ce débat qui paraît devoir être soutenu
par M. Cassagnac fournira incontestable-
ment au cabinet l'occasion de s'expliquer
sur sa conduite au cours des dernières
élections et sur sa politique en général,
et de faire des déclarations précises.
LE CONSEIL DES MINISTRES
Deux ministres absents. — Longue
discussion
Les ministres se sont réunis, hier, dans
l'après-midi, à l'Elysée, sous la présidence
de M. Carnot.
C'est la première réunion importante
que le Conseil des ministres ait tenu de.
puis la séparation des Chambres.
Tous les membres du cabinet étaient
présents à l'exception de MM. Rouvier et
Fallières.
Nous empruntons à l'àgence Havas le
compte-rendu de la séance du Conseil :
En prévision de la reprise des travaux
parlementaires et pour marquer l'attitude
que le gouvernement entend adopter, les
ministres ont décidé, à l'unanimité et sans
discussion, qu'ils demanderaient tout d'abord
la mise à l'ordre du jour de la Chambre des
projets déjà déposés qui intéressent les agri-
culteurs et les ouvriers.
Dans cet ordre d'idées, se référant aux dé-
bats qui ont eu lieu dans les conseils anté-
rieurs et auxquels le ministre des finances
a pris part, ils ont résolu de détacher du
budget et de faire un projet spécial des me-
sures qui concernent le dégrèvement, du
principal de l'impôt foncier.
Ces mesures ont surtout pour objet d'allé-
ger les charges, qui pèsent sur les petits
propriétaires, sans toutefois porter atteinte
au principe de l'impersonnaiité des cotes.
Elles seront définitivement arrêtées aussitôt
après le retour de M. Rouvier à Paris et pré-
sentées sans retard à la Ghambre.
Si le Parlement adopte la méthode de tra-
vail qui lui est proposée par le cabinet, le
Sénat aura d'abord a discuter le projet rela-
tif à la création des caisses de retraite pour
les ouvriers mineurs déjà adopté par la
Chambre.
Quant à la Chambre, elle achèvera la véri-
fication des pouvoirs de ses membres, puis
elle discutera les projets relatifs à la sup-
pression des livrets d'ouvriers et à la créa-
tion de délégués mineurs, projets qu'elle a
déjà examinés et qui lui reviennent du
Sénat. - -
M. de Freycinet. ministre de la guerre, a
soumis ensuite à l'approbation du Conseil
un projet tendant à modifier la loi du 20
mars 1880 sur le service ue l'état-major.
Enfin, M. Yves Guyot, ministre des tra-
vaux publics, a donné communication des
instructions qu'il va envoyer au préfet de la
Gironde relativement à la construction d'ap-
pontewents à faire à Pauillac par la Compa-
gnie transatlantique, en vue de permettre
aux grands navires d'opérer leur décharge-
ment à Pauillac.
La création de ces appontements ne peut
être préjudiciable au port de Bordeaux, puis-
que actuellement les grands navires qui ne
peuvent pénétrer dans le port sont obligés
d'effectuer à Pauillac le transbordement de
leurs passagers et de leurs marchandises.
L'Agence déclare que toutes ces résolu-
tions ont été prises à l'unanimité : les
feuilles officieuses en concluent que l'ac-
cord le plus parfait règne au sein du
ministère.
Nous ne demanderions pas mieux que
d'y croire, malheureusement nous ne pou-
vons nous empècher de remarquer que la
délibération ministérielle s'est prolongée
pondant plus de trois heures, ce qui
prouve que l'accord, s'il existe, a été as-
sez long à s'établir.
Quant à l'unanimité dont parle VAgence,
il convient également de remarquer
qu'elle s'est produite en l'absence de
deux ministres.
L'ALLEMAGNE ET LA RUSSIE
Un permis de chasse
Berlin, 11 janvier. — L'empereur Guil-
laume a fait demander au tsar l'autorisa-
tion de chasser le buffle sur les terres du
prince Radziwill, dans le territoire de
Minsk, en Lithuanie.
La réponse à cette demande n'est pas
encore parvenue à Berlin.
LES ENFANTS
LES DISTRIBUTIONS DE JOUETS
DANS LES HOPITAUX 4
Nos visites aux hôpitaux et nos dis.
tributions. — La « Lanterne » à
Trousseau, à Saint-Louis et à j
Tenon. — Les résultats d'une
bonne œuvre.
Nous avons continué hier nos distribu-
tions de jouets dans plusieurs hôpitaux
de Paris.
Le matin,- deux de nos collaborateurs
se sont rendus à 1 hôpital Saint-Louis;
l'après-midi, ç'a été le tour des hôpitaux
Trousseau et Tenon, où plusieurs de nos
collaborateurs ont présidé aux distribu-
tions de jouets, en compagnie du person-
nel de ces établissements. r"
Partout, les jouets de la Lanterne ont
été accueillis avec autant d'émotion que
de joie.
1 A l'hôpital Trousseau
A deux heures, deux collaborateurs de
la Lanterne se rendaient à l'hôpital Trous-
seau, 89, rue de Charenton. Ils ont étd
reçus aussitôt par l'économe, M. Jessar4
puis quelques instants après, par M. Guil- 1
iaume, directeur de l'établissement.
En an clin d'œil, les grands paniers
sont ouverts, les jouets classés par caté-
gories de sexe et d'âge. Puis, la part
respective des garçons et des filles est
dirigée sur les diverses salles de l'hô-
pital.
- Nous avons distribué des jouets et des
objets divers à une population enfantine
fort nombreuse. Au moment de notre vi-
site, en effet, l'hôpital Trousseau ne con-
tient pas moins de 187 garçons et de 193
filles. Grâce aux dispositions prises par
la Lanterne, tout ce monde a eu des jouets
et a été ravi. *
En compagnie de MM. Guillaume et
Jessart, nous parcourons les divers ser.
vices affectés aux petits garçons : méde-
cine, chirurgie. Les bébés nous accueil-
lent par des battements de mains; les
grands garçons sont émus. La surveillante «
générale, Mme Degouy, nous aide à com-
bler de cadeaux tous ces intéressants en-
fants. *
Quand chacun est content, quand on
entend résonner les trompettes et bruire
les tambours, nous nous rendons salle
Bazin, où les petits garçons atteints de
la teigne sont en traitement. A notre
entrée nous sommes accueillis très crâ-
nement par les cris de : Vive la Répu-
blique ! Vive la Lanterne 1
A l'issue de la distribution des jouets,
très émouvante, vu l'âge de certains de
ces enfants, l'un d'eux, le jeune Henry
Fleury, nous donne lecture d'une
adresse au nom de ses camarades : 1
Merci, messieurs, merci de toute * votre
sollicitude. Nous serons reconnaissants.
Nous aussi, nous vous aimerons, et plus
tard, loin peut-être de la maison qui nous
a donné asile, nous nous rappellerons qu'il
existe en France beaucoup de coeurs géné-
reux, et que nous aussi, nous sommes Fran-
çais.
Nous remercions le petit orateur, puis
nous allons rendre visite aux petites
filles.
Là, comme on le pense bien, nos jolies
poupées, nos raquettes, nos ballons ont
un grand succès. Le ravissement de ces
fillettes est vraiment réconfortant. Ah I
les lecteurs et les amis de la Lanterne ne
regretteront pas leur bonne action !
C'est dans la salle médicale des petites
filles que nous avons vu le plus de souf-
frances: les filles de seize et dix huit ans
y sont rapetissées par le rachitisme au'
point de ressembler à des gamines de
dix et douze ans. Une petite fille, minée
par une maladie de poitrine, est réduite
a l'état de véritable squelette.
Une autre, la curiosité médicale de Fhô-
pital Trousseau, est une pauvre rachi-
tique de quartorze ans, qui a la taille et
la figure d'un bébé de trois ans'!
Les petites teigneuses, qui ont pour
surveillante générale Mme Thibaut, nous
accueillent par un cantique en l'honneur.
des cadeaux de Noël. Tous ces enfants*
exultent de joie. Nous procédons à notre
distribution, au milieu d'une véritable
extase. Allons, les poupées, les raquet.
tes, les jeux collectifs, sortez d.es pa-
niers ! Il faut que tout le monde soit con- ;*
tent. -
A cinq heures, nous prenions congé dE)-
M. Guillaume en le félicitant sur l'excel-
lente tenue de l'hôpital Trousseau.
A Saint-Louis
Nous avons continué hier nos distribu-
tions de jouets dans les hôpitaux. C'est
par 1 hôpital Saint-Louis que nous avons
commencé. -
On sait que les 160 enfants soignés dans
cet établissement sont atteints de la même
infirmité : la teigne. Cette maladie, peu
dangereuse en somme, mais tenace et
douloureuse, est difficile à traiter; elle
apeure les parents, tracasse les pauvres
petits êtres qu'elle atteint, au point de
les rendre taciturnes et parfois méchants.
A la suite d'expériences nombreuses et
d'observations souvent répétées, le doc-
teur qui dirige, à Saint-Louis, ce service
spécial a inauguré, depuis deux ans, un
traitement dont on augure beaucoup de
bien et auquel on doit déjà des cures très
intéressantes.
Autrefois, il fallait douze ou quinze
mois, parfois des années pour débarras-
ser complètement les enfants; et comme
cette affection est très contagieuse : un
malade communique souvent à plusieurs
de ses camarades cette épouvantable tei-
gne, qui ronge le cuir, fait tomber les
cheveux et transforme en une plaie vive
et douloureuse les jolies petites têtes de
nos bébés.
Aujourd'hui on arrive à la guérison
complète en quelques mois seulement.
Ce résultat est obtenu par un procédé
assez dur. Il faut, plusieurs foisnar se-
maine, mettre au vif avec un instrument
tranchant, tous les boutons et frotter
cette plaie factice avec une lotion à base
sulfureuse.
Cette opération n'est pas, on le pense
bien, pour être agréable aux enfants, lis
ne s'y soumettent pas volontiers, quel-
ques-uns même se défendent, <~~&mdecins comme lea surveillants et tel in*
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"Numba, la bibliothèque numérique du Cirad Numba, la bibliothèque numérique du Cirad /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "NmBA001" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"
- Auteurs similaires Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"Numba, la bibliothèque numérique du Cirad Numba, la bibliothèque numérique du Cirad /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "NmBA001" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7505377r/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7505377r/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7505377r/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7505377r/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7505377r
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7505377r
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7505377r/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest