Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-11-17
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 novembre 1891 17 novembre 1891
Description : 1891/11/17 (N5323,A15). 1891/11/17 (N5323,A15).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
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JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
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UN AN. 20 FR.
m
QUINZIEME ANNÉE - NUMÉRO 5323
8 MARDI 17 NOVEMBRE 1891 la
, 26 BRUMAIRE — AN 100 8
La « lâJLWTERWE » est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
LA GRÈVE DES MINEURS
Les délégués des mines du bassin
houiller du Pas-de-Calais, réunis hier
en assemblée générale à Lens, ont dé-
cidé la grève générale.
Cette grave résolution est le résultat
d'une agitation dont l'origine remonte à
"plus d'un mois.
Jusqu'à la dernière heure, nous avions
espéré que la grève générale pourrait
être conjurée. Le vote plébiscitaire au-
quel elle avait donné lieu préalable-
ment à la réunion d'hier montrait les
ouvriers mineurs divisés, non pas sur
le fond même des revendications pré-
sentées aux Compagnies, mais sur l'op-
portunité et sur l'efficacité du moyen
extrême auquel leurs délégués viennent
de recourir pour les faire aboutir.
Une minorité importante inclinait à
la continuation du travail ; les chefs du
syndicat, de leur côté, témoignaient peu
d'empressement pour une grève dont
le plus clair résultat leur paraissait de..
voir être d'absorber rapidement, sans
bénéfice aucun pour les ouvriers, les
maigres ressources des caisses syndi-
cales.
Les dispositions belliqueuses ont pré-
valu néanmoins dans l'assemblée géné-
rale ; mais les partisans de la continua-
tion du travail ont fait une belle dé-
fense, la grève n'a été votée qu'à deux
voix de majorité et il faut rendre cette
justice à M. Basly que, si ses conseils
n'ont pas été suivis, il s'est employé à
la combattre avec un courage et un bon
sens dignes d'éloges.
", Dans ces conditions, il est permis
d'espérer que le dernier mot n'en est
pas dit et que la première efferves-
cence passée, les inspirations de la sa-
gesse reprendront le dessus.
Nous l'avons dit maintes fois ici
et nous ne saurions trop le répéter. La
grève est une arme dangereuse, une
arme à deux tranchants qui ne blesse
pas seulement ceux contre lesquels
elle est dirigée. Dans les conflits entre
le capital et le travail, le capital a un
auxiliaire qui lui vient puissamment
en aide : le temps. Il peut attendre; il
peut « tenir le coup » jusqu'à ce que la
misère lui ramène les ouvriers, à
inoins que ceux-ci n'aient des ressour-
ces suffisantes pour traverser la crise
d'un chômage prolongé.
Est-ce le cas pour les mineurs du
Pas-de-Calais? Ce sont les chefs du
syndicat eux-mêmes qui se chargent de
répondre : non. Ce n'est donc pas seu-
lement la grève que la réunion géné-
rale de Lens a décrétée hier : c'est aussi
et surtout la misère générale, au seuil
Cle l'hiver et pour combien de temps ?
On ne voit donc pas bien à qui elle
peut profiter, à moins que ce ne soit aux
charbonnages étrangers, aux Compa-
gnies houillères d'Allemagne et d'Angle-
terre qui suivent les événements avec
une sollicitude, sur le désintéresse-
ment de laquelle les ouvriers mineurs
du Pas-de-Calais peuvent difficilement
se faire illusion.
„ Tout le travail que ceux-ci s'apprê-
.tent à perdre, tous les salaires auxquels
ils renoncent, c'est autant de gagné
par l'ennemi, nous voulons dire par la
concurrence étrangère? Ne se sont-ils
condamnés à la misère et aux privations
que pour grossir les dividendes des
capitalistes de Londres ou de Berlin?
Si encore cette résolution extrême
eût été le seul recours des mineurs
contre les abus dont ils réclament la
Cessation, on aurait compris cette dé-
claration de guerre. Mais non, et c'est
là qu'éclatent la légèreté et - l'inconsé-
quence de ceux qui ont poussé les délé-
gués dans cettè voie.
Quel est l'objet principal des reven-
dications des mineurs, celui qui leur
tient le plus à cœur, celui sur lequel a
porté hier toute la discussion? C'est la
réorganisation de leur caisse de secours
et de retraites.
Actuellement, la gestion de cette
caisse, alimentée au moyen de prélève-
ments sur les salaires, est tout en-
tière entre les mains des Compagnies;
les mineurs demandent à y participer,
à avoir voix au chapitre. Rien de pius
naturel, rien de plus légitime.
Mais en quoi une grève peut-elle leur
faire obtenir la satisfaction qu'ils ré-
clament sur ce point? A-t-elle été né-
cessaire pour faire voter par la législa-
ture précédente une loi qui leur donne
précisément gain de cause? Est-elle
^avantage nécessaire pour faire voter
la même loi par le Sénat, qui en est
actuellement saisi et devant lequel le
gouvernement s'engageait formellement
par un télégramme adressé au président
de la réunion de Lens, à la soutenir de
tous ses efforts.
N'est-il pas à craindre plutôt que
cette bonne volonté du gouvernement
ne vienne échouer contre les résistan-
ces d'une assemblée qui n'est déjà que
trop portée à se mettre en travers des
réformes sociales., et qui ne manquera
pas d'invoquer sa dignité pour se refu-
ser à délibérer sous la pression d'une
grève ?
Les délégués semblaient l'avoir com-
pris, puisqu'ils ont commencé par déci-
der l'envoi au Parlement d'une déléga-
tion chargée de le prier de hâter l'adop-
tion du projet de loi relatif à la caisse
de retraites et de secours des ouvriers
mineurs.
Pourquoi ne pas s'en être tenus à
cette motion qui, en témoignant de la
confiance des délégués dans le Parle-
ment, et dans l'emploi des moyens pa-
cifiques, ne pouvait que créer autour
de leurs revendications une atmosphère
sympathique dont celles-ci auraient bé-
néficié ?
Pourquoi, l'instant d'après, par une
contradiction qui s'explique difficile-
ment, avoir en quelque sorte annulé ce
vote de confiance et, sans attendre les
résultats de cet armistice, substitué
l'état de guerre à la trêve.
Il ne peut y avoir là qu'un malen-
tendu.
Oui, les ouvriers mineurs sont fondés
à demander que le gouvernement et le
Parlement leur viennent en aide, mais
à condition qu'ils commencent par s'ai-
der eux-mêmes.
Cette attitude, moitié pacifique, moi-
tié belliqueuse ne peut que compromet-
tre leurs intérêts. L'opinion publique
admettra difficilement qu'ils se présen-
tent au Parlement tenant d'une main
l'arme de la grève, de l'autre le rameau
d'olivier d'un recours à la loi.
Il sera toujours temps, hélas ! d'en
venir aux dernières extrémités. Mais
que, du moins, ce ne soit qu'après avoir
épuisé tous les moyens de conciliation.
C'est le conseil de M. Basly; c'est le
nôtre ; ce sera celui de tous les vérita-
bles amis des ouvriers mineurs.
LA GRÈVE DE LENS
La réunion d'hier. — Discours de M.
Basly. — La grève est décidée
C'est hier qu'a eu lieu la réunion des dé-
légués mineurs à Lens.
Avant la réunion, M. Basly avait reçu
de M. Constans un télégramme lui faisant
connaître que le gouvernement consen-
tait à reprendre le projet de loi sur les
caisses de secours et de retraite actuelle-
ment au Sénat et voté par la précédente
législature.
La séance est ouverte à midi, sous la
présidence de M. Basly.
Environ 120 délégués y assistent.
M. Lamendin, secrétaire général du
syndicat du Pas-de-Calais, donne lecture
des réponses des Compagnies.
Le secrétaire général du syndicat des
mineurs du Pas-de-Calais donne lecture
d'une lettre de M. Jouveneau, secrétaire
général des mineurs de l'Escarpelle et de
celle de M. Rondet. de Saint-Etienne, se-
crétaire de la fédération des mineurs de
France.
La lettre de M. Jouveneau annonce
qu'un vote aura lieu aujourd'hui dans le
bassin du Nord et qu'il en fera connaître
demain le résultat.
La lettre de M. Rondet dit qu'il a man-
qué de temps pour consulter les mineurs
du bassin de la Loire.
La discussion
La discussion commence.
Les délégués des mines de Béthune
parlent en faveur du chômage.
Ceux des mines de Meurchin et de Car-
vin se déclarent contre la grève.
Puis un délégué de chaque Compagnie
vient parler dans le sens de la majorité
des votes émis dans sa section.
M. Basly se lève et, prenant la parole,
contre la grève générale, s'exprime ainsi :
Ma situation de député m'autorise à inter-
venir dans le conflit qui menace d'éclater.
Permettez-moi de vous faire remarquer
que la situation n'est pas la même qu'en
1889.
Les industriels étrangers se sont vus alors
forcés, en raison du développement de leurs
industries, de venir s'approvisionner chez
nous, ce qui a déterminé une hausse sur les
charbons du Nord et du Pas-de-Calais.
M. Basly fait l'historique de la grève
d'Anzin, faisant entrevoir les misères qui
sont la conséquence du chômage. Il invite
les délégués à réfléchir. Il dit :
Sur sept revendications que vous formulez
six ressortent du gouvernement. Et j'ai en
ma qualité de député, cherché hier à parer à
un eonflit.
Aussi est-ce avec satisfaction que je vous
informe que le gouvernement est disposé à
reprendre le projet de loi sur les caisses de
secours et de retraites des mineurs actuelle-
ment au Sénat et voté par la précédente lé-
gislature.
En conséquence, je vous demande d'ajour-
ner la grève el, d'envoyer avec moi, à Paris
di s délégués qui auront la mission de pré-
senter les doléances des ouvriers au prési-
dent du Conseil ues ministres, en invitant le
gouvernement à donner satisfaction sur ce
point. Une l'ois cette satisfaction obtenue, les
mineurs auront conquis une belle victoire
qui améliorera beaucoup leur situation.
M. Basly parle du nouveau projet de
création d'une chambre du travail qui li-
rait composée moitié de patrons, moitié
d'ouvriers; institution à laquelle nous au-
rons recours, dit il, en vue d'arbitrages,
lorsque les compagnies refuseront de faire
droit à nos revendications.
M. Basly insiste pour que les délégués
accepteat l'ocre du gouvernement, en di-
sant qu'actuellement les charbons sont en
baisse de soixante centimes en Allemagne,
ce qui, en présence du mouvement qui se
produit ici, signifie : Venez vous appro-
sionner chez nous.
M. Basly reconnaît qu'en parlant ainsi
contre le chômage, il endosse une grande
responsabilité, mais qu'en cette circons-
tance il met son mandat de député au-
dessus de ses intérêts.
Les délégués
Après un long débat, on choisit dix dé-
légués, qui iront à Paris.
Un mouvement hostile se produit alors
dans le fond de la salie et des cris de : Pas
de délégation ! Grève immédiate ! se font
entendre. Il est alors décidé qu'on procé-
dera sur cette question par appel no-
minal à un scrutin secret.
Le vote est ouvert.
Le dépouillement des votes donne 48
voix pour la grève générale, 46 pour l'en-
voi dune délégation à Paris et 1 bulletin
blanc.
La grève générale est proclamée.
M. Basly dit qu'il estime avoir fait son
devoir en faisant la proposition d'envoyer
une délégation à Paris ; mais, maintenant
que la majorité s'est prononcée, il se
range de son côté.
Il ajoute que les mineurs peuvent
compter sur tout son concours ; que, du
reste, il interpellera le gouvernement,
cette semaine, sur la situation faite aux
mineurs du bassin du Pas-de-Calais.
L'assemblée remercie M. Basly de son
attitude franche et lui vote à l'unanimité
des félicitations.
Les délégués regagnent la gare pour
retourner chez eux organiser ce soir
même des réunions en vue du chômage.
INFORMATIONS
Le chef de cabinet de M. Floquet
Par arrêté en date de ce jour, M. René Re-
noult, avocat à la Cour d'appel, secrétaire
particulier de M. Floquet, président de la
Chambre des députés, est nommé chef du ca-
binet, en remplacement de M. Doumer, élu
député de l'Yonne.
M. Floquet ne pouvait faire un meilleur
choix.
Un député poursuivi
M. Habert, juge, avait été chargé d'une
instruction contre un nommé Bénard, direc-
teur de la Caisse centrale de Paris, arrêté il
y a un an environ, puis laissé en liberté pro-
visoire.
M. Bénard était inculpé d'escroqueries,
parce qu'il trouvait très simple de remettre
à ceux qui lui versaient des fonds, une action
de sa banque plutôt que le titre qu'ils avaient
réellement souscrit.
L'information, ouverte par le Parquet, a ré-
vélé que M. Bénard n'était pas seul directeur
de cet établissement.
L'associé, ou plutôt le véritable directeur,
était, parait-il, un député boulangiste bien
connu, M. Boude au.
Le dossier de cette affaire vient d'être
transmis à M. Seligmann, substitut du pro-
cureur de la République, chargé de préparer
le réquisitoire.
L'examen attentif du dossier établira la
part de culpabilité de Bénart, et si M. Bou-
deau doit être impliqué dans l'affaire.
Dans ce dernier cas, une demande en au-
torisation de poursuites serait adressée à la
Chambre.
Mort d'un député
Le général de division en retraite Charles-
Nicolas de Lacretelle, député conservateur
de Maine-et-Loire, est mort hier à Paris, en
son domicile.
Né en 1822, le général avait pris sa retraite
en 1887.
L'élection de Saint-Sever
M. Yves Boucau, candidat républicain à
l'élection du 8 novembre, à Saint-Sever, vient
de se désister et d'inviter ses électeurs à vo-
ter au scrutin de ballottage pour M. Constant
Dulau, le candidat républicain qui a obtenu
le plus de voix au premier tour.
Election au conseil général
Les élections au Conseil général pour le
canton de Lille-centre, ont donné les résul-
tats suivants :
MM. Ovigneur, républicain, 2,078 voix élu.
Werquin fils, radical, 1,051 voix. Mas, 938
voix.
L'ARCHEVÊQUE DE SENS
Nouvelle de sa mort
Une dépêche de Sens annonce que M.
Bernadou, cardinal-archevêque, est mort
hier matin à 8 h. 45.
Né en 1816, M. Bernadou avait été pro-
mu à l'archevêché de Sens en 1867.
Ce prélat se distinguait parmi les évê-
ques français comme l'un des moins agres-
sifs.
M. Bernadou était l'un des rares évê-
ques qui ne se sont pas associés à l'atti-
tude rebelle dont M. Gouthe-Soulard de-
vra prochainement rendre compte devant
la justice.
La mort de l'archevêque de Sens surve-
nant dans les circonstances actuelles, ap-
paraîtra aux âmes dévotes comme une
punition infligée à la modération relative
de ce prélat.
LE
SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE ILLUSTRÉ
DE
La Lanterne
QUI PARAIT AUJOURD'HUI LUNDI
CONTIENT :
L'Inverse, par MONTJOYEUX ; Sur une
pelotte, par J. RICARD ; Le pot aux
roses, par POMPON ; Vœux secrets, par
AUGUSTE JEHAN ; Le Bâtard, par CAMILLE
LEMONNIER; Les trois billets, par ÀNDRÉ
CHADOURNE ; Comédie parisienne, par
LA FERTÉ, Les Sept Péchés capitaux,
par GAVROCHE, etc., etc.
Plus la suite des intéressants feuil-
letons : Maurice Le Grandier, par Louis
DÉPRET; Madame La Boule, par OSCAR
MÉTÉNIER, et Tromperie suprême, par
MAURICE VAUCAIRE.
Enfin : Le Rat de ville et le Rat des
champs, dessin par notre collaborateur
GIL BAER.
LE SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE ILLLUSTRÉ
DE
La Lanterne
5oent. LE NUMERO £ » ceaê,
CHOSES MUNICIPALES
LA POLITIQUE DU « RIEN »
Le Métropolitain. - Le principa voté.
— Changement d'opinion. — Démis-
sion de M. Caron. — Un projet
de rapport.
Le Conseil municipal a voté le 25 juillet,
par 60 voix, contre 3 ou 4, le principe du
Métropolitain : c'est une belle majorité.
Il déclarait en même temps qu'il désirait
qu'il passât par la rue Réaumur. Il ajou-
tait quelques lignes nouvelles au tracé
primitif.
Bien. Voilà la situation.
Alors le ministre des travaux publics
annonce qu'il accepte les nouveaux tra-
cés. M. le Préfet de la Seine apporte 50
millions, proposés par le Crédit Foncier,
dans des conditions de bon marché telles
que la Ville de Paris n'en a jamais obte-
nues : M. Alphand développe un pro-
gramme comprenant 200 millions de tra-
vaux qui intéressent les divers quartiers
de Paris,
La troisième commission nomme M.
Caron rapporteur, et M. Caron fait un
rapport approuvant le projet. Il est pro-
bable que M. Caron n'avait pas été nom-
mé sans que la commission eût discuté.
Elle adoptait donc le projet.
Mais le jour où M. Caron vient déposer
son rapport, voilà la commission qui n'a
plus la même opinion. A une voix de ma-
jorité. par 7 contre 6, elle se déclare ad-
versaire de l'opération de la rue Réaumur.
M. Caron, alors, donne sa démission de
rapporteur, et il n'y a plus ni rapport, ni
rapporteur.
La 3° commission est toujours saisie.
Elle se réunit mardi prochain pour exa-
miner de nouveau cette question. Si elle
persiste dans son vote, il faudra qu'elle
nomme un nouveau rapporteur.
Le rapport probable
Nous voulons lui faciliter la - tâche pour
que la question ne soit pas retardée par
de nouveaux atermoiements et nous al-
lons lui indiquer tout de suite les termes
de son rapport.
Les voici :
» Messieurs, le Conseil municipal a dé-
cidé le principe du Métropolitain ; mais
vous savez que, selon son habitude, il
s'est réservé de faire tout son possible
pour empêcher ce projet d'aboutir.
» Le Conseil municipal a décidé le per-
cement de la rue Réaumur; mais vous
n'ignorez pas la signification du vote du
25 juillet : nous considérions alors que
nous ne pouvions pas avoir d'argent pour
ce travail ; nous savions que les ressour-
ces de la ville ne comportaient pas d'ex-
cédent disponible.
» Nous pensions donc que ce vœu en fa-
veur de la rue Réaumur, était un moyen
honnête pour ajourner la question du Mé-
tropolitain, qui nous permettrait de faire
semblant de faire quelque chose tout en
ne faisant rien.
» L'administration nous a joué tla mau-
vaise plaisanterie, avec le Crédit foncier,
de nous mettre à même d'opérer ce per-
cement.
» C'est cette mise en demeure que nous
trouvons impertinente, contre laquelle
nous protestons, et ce motif seul est suf-
fisant pour que nous refusions le perce-
ment de la rue Réaumur que nous avions
réclamé.
» Messieurs, en agissant ainsi, nous res-
tons fidèles à la politique que nous n'a-
vons cessé de suivre au Conseil munici-
pal. Nous avons considéré que nous avions
le devoir de repousser sysiématiquement
tous les projets qui nous seraient présen-
tés.
» Nous ne voulons ni percement de la
rue Réaumur ni d'autres percements, ni
le Métropolitain. Considérant que le de-
voir du Conseil municipal est d'agir com-
me le Chien du Jardinier, il ne peut pas
faire le Métropolitain, mais il entend em-
pêcher le gouvernement de le faire, »
La poliîique du Conseil municipal
Voila la belle politique du Conseil mu-
nicipal! Il croit que les habitants des
deuxième et troisième arrondissements,
que les entrepreneurs, les maçons, les
terrassiers, les serruriers, les charpen-
tiers, les menuisiers, les peintres, les ta-
pissiers le remercieront de ne pas faire
la rue Réaumur pour empêcher de faire
le Métropolitain.
Il croit que tous ceux qui attendent si
longtemps les omnibus sous la pluie, dans
le froid, dans la neige, lui seront recon.
naissants de ces tentatives pour priver
Paris du moyen de transport le plus dé-
mocratique !
Et si le ministre des travaux publics
fait, pour le Métropolitain, ce qu'il a fait
pour les tramways de la banlieue en sus-
pens depuis 1882, s'il résoud la question
en dehors du Conseil municipal, après
avoir employé tous les moyens de per-
suasion, de quel côté sera l'opinion pu-
blique.
Ce que l'opinion publique déteste le plus,
c'est l'impuissance érigée en système,
c'est la négation continuelle, c'est la po-
litique du rien, et c'est celle du Conseil
municipal.
LETTRE DÉMOCRATIQUE
SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE
L'ÉTAT
Cette réforme nécessaire fait son che-
min. Elle entre peu à peu dans l'esprit
des hommes politiques qui -réfléchissent
assez pour se mettre au-dessus des pré-
juge ou des passions réactionnaires du
moment.
Nous n'en retenons d'autre symptôme
que l'évolua on libérale de certains écri-
vains conservateurs.
Jusqu'ici ils paient montrés récalci.
trants à toute idée de réforme en ce genre.
Aujourd'hui, bon gré, îiial gré, ils s'huma-
nisent et sont obligés de reconnaître la
possibilité d'un progrès inévitable.
Ces écrivains ne passent, certainement
pas pour des hommes irréligieux, ils cè-
dent il l'évidence des faits. AJissi décla-
rent ils qu'il faut en prévision de l'avenir
s'habituer à examiner de sang-frola J hy-
pothèse, réalisable dans un temps plus 0;1
moins éloigné, de la séparation des Eglises
et de l'Etat. C'est le moyen de n'être pas
pris à l'improviste par l'accomplissement
de cette réforme si longtemps attendue.
Les publicistes qui raisonnent de la
sorte, font acte de sagesse politique. Car
enfin ce ne sera pas l'intolérance cléricale
qui parviendra jamais à enrayer l'élan de
la France contemporaine vers la sépara-
tion définitive des Eglises et de l'Etat.
Cet acte d'affranchissement mutuel s'im-
pose à la conscience des patriotes de tous
les partis comme une inéluctable néces-
sité.
C'est tellement vrai que, hier encore, un
homme qui ne saurait être suspect de ré-
publicanisme, le cardinal Manning, ar-
chevêque de Westminster, interrogé par
un journaliste parisien, lui répondait tex-
tuellement :
« J'espère qu'après l'expérience des der-
*
nières années en France, le clergé se pro-
noncera pour la suppression du budget
des cultes. qu'il vive des seules res-
sources des fidèles, il se sentira infiniment
plus indépendant et j'ajoute plus riche
pour le bien de l'Eglise tout entière.
» Il y a longtemps que je pense ainsi.
Je n'ignore point que cette idée rencon-
tre beaucoup d'adversaires dans le clergé
français.
» Monseignenr Darboy, avec qui j'étais
intimement lié et avec qui je discutais
cette question, me disait :
» — Dans les villes, ce sera parfait,
mais dans les campagnes?
» Je répondais en lui citant l'exemple
de l'Irlande et de l'Amérique, où les égli-
ses non payées par l'Etat, sont des plus
prospères. Je suis plus convaincu que ja-
mais que là est la vraie solution des rap-
ports entre l'Eglise et l'Etat. »
Cet aveu recueilli de la bouche même
d'un des cardinaux les plus respectés de
la chrétienté doit avoir sa valeur auprès
des catholiques qui ne sont point fanati-
sés, et nous venons de constater avec
plaisir qu'il y en a encore t
Malheureusement le clergé de France
est actuellement, sous des apparences
conciliantes, plus ultramontain que jamais.
C'est à peine si de temps en temps un
esprit avancé ose élever la voix pour
s'avouer gallican 1
A de très rares exceptions près, tous
les prêtres dans les villes et les campa-
gnes emboîtent le pas aux évêques et
marchent au commandement comme des
soldats à la suite de leurs chefs.
La discipline règne dans les rangs de
l'armée cléricale. Son avant-garde a beau
chanter la Marseillaise avec les Pères
blancs de M. Lavigerie, cette armée
n'en reste pas moins prête à tous les
combats contre la République, ses insti-
tutions, ses lois scolaires et ses lois mi-
litaires.
La levée de crosses en faveur du mé-
tropolitain de Provence le prouve assez.
Heureusement, en dépit des lettres d'a-
dhésion adressées par soixante-cinq évê-
ques de France à ce pieux faiseur de le-
çons, notre pays n'est pas dupe de cette
manœuvre qui choque les instincts de cour-
toisie de notre race gauloise.
Le peuple voit très clairement dans ces
démonstrations politico-religieuses une
attaque au gouvernement démocratique
que la France a choisi de préférence au
gouvernement des curés ayant comme
nouvel apôtre et martyr saint Gouthe-
Soulard en personne.
ANATOLE DE LA FORGE.
l'f NSEIGNEMENT CONGRÉGANISTE
Un enfant assassin
Nous recevons de Nancy la dépêche sui-
vante :
Un enfant de onze ans, nommé Riot, qu'un
agent poursuivait pour avoir volé des cahiers
à l'école des frères de la paroisse de la cathé-
drale de Nancy, dont il fait partie, rencontrant
sur sa route deux petits garçons, tira son cou-
teau et frappa l'un de ces enfants. Pierre
Bahé, âgé de neuf ans, qui tomba inondé de
sang.
Riot, arrêté peu après, montra un incroyable
sang-froid. On espère sauver Pierre Balié.
Gageons que les journaux cléricaux qui,
chaque jour, vantent la supériorité morale
de l'enseignement congréganiste, ne souf-
fleront mot de cette précocité criminelle.
MEETING LIBERAL
Manifestation contre les garanties
papales
Milan, 15 novembre. — Le meeting or-
ganisé contre le premier article de la
Constitution en faveur de l'abolition des
garanties papales a été tenu aujourd'hui,
a une heure de lapres-mldl: au théâtre
Canobbiana.
Les notabilités des partis socialiste,
radical et anarchiste étaient présentes.
M. Mussi, président, blâme le président
du Conseil d'avoir dit, dans son discours
de la Scala, que la loi des garanties était
une loi statutaire. L'Etat ne doit pas avoir
de religion.
Il est déplorable, dit-il, que des hom-
mes arrivés au pouvoir, des démocrates
principalement, malgré leurs principes
rationnalistes, n'aient pas combattu l'in-
fluence religieuse et cléricale.
Lecture est faite ensuite des adhésions
au meeting, entre autres celle du cercle
de Nathan, de Saint-Appiano. Cette adhé-
sion commence par des inj ures contre la
papauté.
L'inspecteur de police Ballanti empê-
che M. Lazzari de poursuivre sa lecture
et déclare que la réunion est dissoute.
LA CRISE ElESPAGNE
Bruits d'emprunt
Madrid. 15 novembre, — On assure que
le Conseil des ministres aurait reconnu
la nécessité immédiate de l'emprunt de
250 millions : s'il y a besoin de plus, on
augmenteralii la dette flottante.
La Banque se contenterait, quant apié-
sent, de recevoir du Trésor 60 millions.
On dit, mais en termes très vagues, que
les Cortès auront peut-être à se pronon-
cer sur le projet de convertir la dette ex-
térieure en intérieure. Le brtilt court éga-
lement que l'on ferait un emprunt plus
fort.
Il se confirme que la Banque élèvera
avant peu l'escompte à 5 0/0.
Tous ces bruits indiquent que la situa-
tion financière reste toujours aussi criti-
nie et inquiétante.
LA MORT AUI GOSSES
PLUS DE QUATRE-CENTS VICTIMES
Concurrença déloyale. — « Bonsoir
monsieur. » — De café en café. —
Le débit de la place Clichy. —
Trois morts à l'hôpital Bau-
jon. — Les accusés.
Dans le drame le plus sombre, se trouve
toujours un personnage chargé de donner
la note gaie. C'est Floury, quij'dans l'épou-
vantable drame (les Batignolles, remplit ce
rôle. Abélard Floury n'était point, paraît-
il; d une fidélité exemplaire à sa vieille.
Héloïse, et ne se gênait pas, lorsque les
clientes lui semblaient jolies et appé-
tissantes pour prélever une dîme en na-
ture sur les honoraires qu'il était chargé
d'encaisser. Ces détails ne furent point
ignorés de Constance Thomas, ils exaspé-
rèrent la jalousie de l'horrible mégère, et
elle se sépara de celui qu'elle appelait,
dans ses moments de tendres épanche-
ments « mon voyou ».
Dès lors s'établit une concurrence achar-
née entre les deux anciens amants. Floury
fit répandre dans Clichy le bruit que lui
seul était désormais possesseur de la
bonne méthode pour décrocher les gosses
« sans mal ni douleur » en même temps
qu'il apostait près du domicile de son.
ancienne maîtresse, des individus char-
gés de détourner à son profit la clientèle.
Floury faisait tout ce qui concerne son
état, nulle besogne ne lui répugnait. Cet
homme avait des procédés de génie pour
faire disparaître les traces du crime et
savait allier dans ces circonstances, avec
un prodigieux cynisme le plaisant et l'o-
dieux. C'est ainsi qu'ayant à faire dispa-
raître un embryon à la suite d'un avorte-
ment pratiqué sur la demoiselle Augus-
tiue Lemoing, domestique d'une femme
galante, il se rendit près d'une bouche
d'égout, et, après s'être assuré que per-
sonne ne l'observait, sortant le fœtus du
panier dans lequel il l'avait apporté, il le
lança dans l'égout; s'inclinant en même
temps profondément et chapeau bas, il
disait de sa voix la plus goguenarde : Bon-
soir, monsieur t
Une autre fois, il achetait un grand pot
de fleurs, plaçait au fond l'objet encom-
brant et plantait par-dessus un superbe
pied de reines-marguerites, puis le visage
contrit, et la larme à l'œil, il partait, son
pot de fleur sous le bras, au cimetière de
Clichy, où il le déposait comme une pieu-
se offrande sur une tombe de belle appa-
rence.
Un jour enfin se présente, chez Floury,
une femme galante en superbe toilette;
l'opérateur juge du premier coup d'œil
qu'il peut enfler ses prix, et demande cin-
quante francs qui lui sont de suite versés.
Mais, après le départ de la cliente, ar-
rive une des rabatteuses de Floury qui
lui apprend que la patiente est repartie
dans un équipage attelé d'un beau poney
qui l'attendait à la porte.
-Un poney ! s'écrie Floury désespéré de
n'avoir pas su tirer un meilleur parti
d'une si belle occasion et vexé dans son
amour-propre.
— Oui, un vrai poney 1 Ca doit être une
femme chic celle-là, vous lui avez pris au
moins cent francs.
Certainement, répond Floury, désireux
de sauver l'honneur professionnel, et pour
que vous profitiez de cette bonne aubaine,
voilà cinq francs pour vous.
Les arrestations
Mais il ne pouvait suffire à la police
d'avoir arrêté les deux principaux acteurs
de ce drame, il fallait encore pouvoir li-
vrer à la justice ceux qui avaient rempli
les rôles secondaires et qui avaient été
les auxiliaires plus ou moins actifs du hi-
deux couple Thomas, et enfin, celles qui
avaient participé aux crimes en se li-
vrant aux mains de l'avorteuse.
Au moment de son arrestation, Clé-
mence Tnomas, pressée de questions par
le juge d'instruction Poucet, avait bien
donné quelques noms de femmes s'étant
confiées à ses mains, mais elle n'avait pu ou
voulu donner leurs adresses. «Mes clientes,
avait-elle dit, sont toutes des habituées
des cafés de Montmartre et des Batignol-
les, si je les voyais, je les reconnaîtrais
bien. »
La police eut alors l'idée de faire pro-
mener la femme Thomas entre deux
agents sur le théâtre de ses anciens ex-
ploits. On allait de café en café, consom-
mant aux frais de la sûreté, puis on visita
les bals publics et les cafés concerts. Clé-
mence Thomas rencontrait-elle une de
ses anciennes pratiques, elle l'abordait,
prétendait avoir une communication im-
portante à lui faire, et lui demandait son
adresse, aussitôt prise en note par les
agents. On opéra ainsi une soixantaine
d'arrestations.
Les rabatteurs
Le couple Thomas-Fioury, et plus tard
Floury tout seul, lorsqu'il opéra pour son
propre compte, eurent un grand nombre
d'auxiliaires. Au premier rang de ceux-ci,
se placent les époux Andouze, qui tenaient
un petit débit de vin au no 14 de la placq
Clichy.
Peu de buveurs fréquentaient chez les
époux Andouze, aussi ces derniers trou-
vèrent-ils avec bonheur une nouvelle et
précieuse mine de ressources à exploiter
en favorisant les agissements de la Tho-
mas et de « son voyou ». Mais c'est sur-
tout lorsqu'ils devinrent les logeurs de
Floury, à la suite de sa brouille avec sa
maîtresse, que leur concours devint ac-
tif et particulièrement intéressé.
Andouze, qui avait fait les aveux les
plus cyniques est décédé au cours de l'ia!
formation.
Outre les époux Andouze, Clémence
Thomas et Floury avaient aussi recours à
la femme Vignaud, qui, après avoir été
débarrassée d'un gênant embonpoint par
la Thomas, était devenue sa peorvoyeu-
se. Il faut citer encore la femme Viemonfc
qui, elle aussi, était une porteuse de pain*
C'est cette femme qui, au dire de la ThO-:
mas, lui a procuré le plus grand nombre
de sujets. Plus de cinquante, a déclaré
l'avorteuse.
A côté de ces deux femmes, nous troa»v
vons encore une bouchère de la rue d'O.
Jess-a, la femme Lefèvre, connue dans Soa.
quaïMer pour son immoralité. J
ElèfQ de la Thomas, qui lui avait révéli 1
son procOuo cette femme s'est vantée
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QUINZIEME ANNÉE - NUMÉRO 5323
8 MARDI 17 NOVEMBRE 1891 la
, 26 BRUMAIRE — AN 100 8
La « lâJLWTERWE » est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
LA GRÈVE DES MINEURS
Les délégués des mines du bassin
houiller du Pas-de-Calais, réunis hier
en assemblée générale à Lens, ont dé-
cidé la grève générale.
Cette grave résolution est le résultat
d'une agitation dont l'origine remonte à
"plus d'un mois.
Jusqu'à la dernière heure, nous avions
espéré que la grève générale pourrait
être conjurée. Le vote plébiscitaire au-
quel elle avait donné lieu préalable-
ment à la réunion d'hier montrait les
ouvriers mineurs divisés, non pas sur
le fond même des revendications pré-
sentées aux Compagnies, mais sur l'op-
portunité et sur l'efficacité du moyen
extrême auquel leurs délégués viennent
de recourir pour les faire aboutir.
Une minorité importante inclinait à
la continuation du travail ; les chefs du
syndicat, de leur côté, témoignaient peu
d'empressement pour une grève dont
le plus clair résultat leur paraissait de..
voir être d'absorber rapidement, sans
bénéfice aucun pour les ouvriers, les
maigres ressources des caisses syndi-
cales.
Les dispositions belliqueuses ont pré-
valu néanmoins dans l'assemblée géné-
rale ; mais les partisans de la continua-
tion du travail ont fait une belle dé-
fense, la grève n'a été votée qu'à deux
voix de majorité et il faut rendre cette
justice à M. Basly que, si ses conseils
n'ont pas été suivis, il s'est employé à
la combattre avec un courage et un bon
sens dignes d'éloges.
", Dans ces conditions, il est permis
d'espérer que le dernier mot n'en est
pas dit et que la première efferves-
cence passée, les inspirations de la sa-
gesse reprendront le dessus.
Nous l'avons dit maintes fois ici
et nous ne saurions trop le répéter. La
grève est une arme dangereuse, une
arme à deux tranchants qui ne blesse
pas seulement ceux contre lesquels
elle est dirigée. Dans les conflits entre
le capital et le travail, le capital a un
auxiliaire qui lui vient puissamment
en aide : le temps. Il peut attendre; il
peut « tenir le coup » jusqu'à ce que la
misère lui ramène les ouvriers, à
inoins que ceux-ci n'aient des ressour-
ces suffisantes pour traverser la crise
d'un chômage prolongé.
Est-ce le cas pour les mineurs du
Pas-de-Calais? Ce sont les chefs du
syndicat eux-mêmes qui se chargent de
répondre : non. Ce n'est donc pas seu-
lement la grève que la réunion géné-
rale de Lens a décrétée hier : c'est aussi
et surtout la misère générale, au seuil
Cle l'hiver et pour combien de temps ?
On ne voit donc pas bien à qui elle
peut profiter, à moins que ce ne soit aux
charbonnages étrangers, aux Compa-
gnies houillères d'Allemagne et d'Angle-
terre qui suivent les événements avec
une sollicitude, sur le désintéresse-
ment de laquelle les ouvriers mineurs
du Pas-de-Calais peuvent difficilement
se faire illusion.
„ Tout le travail que ceux-ci s'apprê-
.tent à perdre, tous les salaires auxquels
ils renoncent, c'est autant de gagné
par l'ennemi, nous voulons dire par la
concurrence étrangère? Ne se sont-ils
condamnés à la misère et aux privations
que pour grossir les dividendes des
capitalistes de Londres ou de Berlin?
Si encore cette résolution extrême
eût été le seul recours des mineurs
contre les abus dont ils réclament la
Cessation, on aurait compris cette dé-
claration de guerre. Mais non, et c'est
là qu'éclatent la légèreté et - l'inconsé-
quence de ceux qui ont poussé les délé-
gués dans cettè voie.
Quel est l'objet principal des reven-
dications des mineurs, celui qui leur
tient le plus à cœur, celui sur lequel a
porté hier toute la discussion? C'est la
réorganisation de leur caisse de secours
et de retraites.
Actuellement, la gestion de cette
caisse, alimentée au moyen de prélève-
ments sur les salaires, est tout en-
tière entre les mains des Compagnies;
les mineurs demandent à y participer,
à avoir voix au chapitre. Rien de pius
naturel, rien de plus légitime.
Mais en quoi une grève peut-elle leur
faire obtenir la satisfaction qu'ils ré-
clament sur ce point? A-t-elle été né-
cessaire pour faire voter par la législa-
ture précédente une loi qui leur donne
précisément gain de cause? Est-elle
^avantage nécessaire pour faire voter
la même loi par le Sénat, qui en est
actuellement saisi et devant lequel le
gouvernement s'engageait formellement
par un télégramme adressé au président
de la réunion de Lens, à la soutenir de
tous ses efforts.
N'est-il pas à craindre plutôt que
cette bonne volonté du gouvernement
ne vienne échouer contre les résistan-
ces d'une assemblée qui n'est déjà que
trop portée à se mettre en travers des
réformes sociales., et qui ne manquera
pas d'invoquer sa dignité pour se refu-
ser à délibérer sous la pression d'une
grève ?
Les délégués semblaient l'avoir com-
pris, puisqu'ils ont commencé par déci-
der l'envoi au Parlement d'une déléga-
tion chargée de le prier de hâter l'adop-
tion du projet de loi relatif à la caisse
de retraites et de secours des ouvriers
mineurs.
Pourquoi ne pas s'en être tenus à
cette motion qui, en témoignant de la
confiance des délégués dans le Parle-
ment, et dans l'emploi des moyens pa-
cifiques, ne pouvait que créer autour
de leurs revendications une atmosphère
sympathique dont celles-ci auraient bé-
néficié ?
Pourquoi, l'instant d'après, par une
contradiction qui s'explique difficile-
ment, avoir en quelque sorte annulé ce
vote de confiance et, sans attendre les
résultats de cet armistice, substitué
l'état de guerre à la trêve.
Il ne peut y avoir là qu'un malen-
tendu.
Oui, les ouvriers mineurs sont fondés
à demander que le gouvernement et le
Parlement leur viennent en aide, mais
à condition qu'ils commencent par s'ai-
der eux-mêmes.
Cette attitude, moitié pacifique, moi-
tié belliqueuse ne peut que compromet-
tre leurs intérêts. L'opinion publique
admettra difficilement qu'ils se présen-
tent au Parlement tenant d'une main
l'arme de la grève, de l'autre le rameau
d'olivier d'un recours à la loi.
Il sera toujours temps, hélas ! d'en
venir aux dernières extrémités. Mais
que, du moins, ce ne soit qu'après avoir
épuisé tous les moyens de conciliation.
C'est le conseil de M. Basly; c'est le
nôtre ; ce sera celui de tous les vérita-
bles amis des ouvriers mineurs.
LA GRÈVE DE LENS
La réunion d'hier. — Discours de M.
Basly. — La grève est décidée
C'est hier qu'a eu lieu la réunion des dé-
légués mineurs à Lens.
Avant la réunion, M. Basly avait reçu
de M. Constans un télégramme lui faisant
connaître que le gouvernement consen-
tait à reprendre le projet de loi sur les
caisses de secours et de retraite actuelle-
ment au Sénat et voté par la précédente
législature.
La séance est ouverte à midi, sous la
présidence de M. Basly.
Environ 120 délégués y assistent.
M. Lamendin, secrétaire général du
syndicat du Pas-de-Calais, donne lecture
des réponses des Compagnies.
Le secrétaire général du syndicat des
mineurs du Pas-de-Calais donne lecture
d'une lettre de M. Jouveneau, secrétaire
général des mineurs de l'Escarpelle et de
celle de M. Rondet. de Saint-Etienne, se-
crétaire de la fédération des mineurs de
France.
La lettre de M. Jouveneau annonce
qu'un vote aura lieu aujourd'hui dans le
bassin du Nord et qu'il en fera connaître
demain le résultat.
La lettre de M. Rondet dit qu'il a man-
qué de temps pour consulter les mineurs
du bassin de la Loire.
La discussion
La discussion commence.
Les délégués des mines de Béthune
parlent en faveur du chômage.
Ceux des mines de Meurchin et de Car-
vin se déclarent contre la grève.
Puis un délégué de chaque Compagnie
vient parler dans le sens de la majorité
des votes émis dans sa section.
M. Basly se lève et, prenant la parole,
contre la grève générale, s'exprime ainsi :
Ma situation de député m'autorise à inter-
venir dans le conflit qui menace d'éclater.
Permettez-moi de vous faire remarquer
que la situation n'est pas la même qu'en
1889.
Les industriels étrangers se sont vus alors
forcés, en raison du développement de leurs
industries, de venir s'approvisionner chez
nous, ce qui a déterminé une hausse sur les
charbons du Nord et du Pas-de-Calais.
M. Basly fait l'historique de la grève
d'Anzin, faisant entrevoir les misères qui
sont la conséquence du chômage. Il invite
les délégués à réfléchir. Il dit :
Sur sept revendications que vous formulez
six ressortent du gouvernement. Et j'ai en
ma qualité de député, cherché hier à parer à
un eonflit.
Aussi est-ce avec satisfaction que je vous
informe que le gouvernement est disposé à
reprendre le projet de loi sur les caisses de
secours et de retraites des mineurs actuelle-
ment au Sénat et voté par la précédente lé-
gislature.
En conséquence, je vous demande d'ajour-
ner la grève el, d'envoyer avec moi, à Paris
di s délégués qui auront la mission de pré-
senter les doléances des ouvriers au prési-
dent du Conseil ues ministres, en invitant le
gouvernement à donner satisfaction sur ce
point. Une l'ois cette satisfaction obtenue, les
mineurs auront conquis une belle victoire
qui améliorera beaucoup leur situation.
M. Basly parle du nouveau projet de
création d'une chambre du travail qui li-
rait composée moitié de patrons, moitié
d'ouvriers; institution à laquelle nous au-
rons recours, dit il, en vue d'arbitrages,
lorsque les compagnies refuseront de faire
droit à nos revendications.
M. Basly insiste pour que les délégués
accepteat l'ocre du gouvernement, en di-
sant qu'actuellement les charbons sont en
baisse de soixante centimes en Allemagne,
ce qui, en présence du mouvement qui se
produit ici, signifie : Venez vous appro-
sionner chez nous.
M. Basly reconnaît qu'en parlant ainsi
contre le chômage, il endosse une grande
responsabilité, mais qu'en cette circons-
tance il met son mandat de député au-
dessus de ses intérêts.
Les délégués
Après un long débat, on choisit dix dé-
légués, qui iront à Paris.
Un mouvement hostile se produit alors
dans le fond de la salie et des cris de : Pas
de délégation ! Grève immédiate ! se font
entendre. Il est alors décidé qu'on procé-
dera sur cette question par appel no-
minal à un scrutin secret.
Le vote est ouvert.
Le dépouillement des votes donne 48
voix pour la grève générale, 46 pour l'en-
voi dune délégation à Paris et 1 bulletin
blanc.
La grève générale est proclamée.
M. Basly dit qu'il estime avoir fait son
devoir en faisant la proposition d'envoyer
une délégation à Paris ; mais, maintenant
que la majorité s'est prononcée, il se
range de son côté.
Il ajoute que les mineurs peuvent
compter sur tout son concours ; que, du
reste, il interpellera le gouvernement,
cette semaine, sur la situation faite aux
mineurs du bassin du Pas-de-Calais.
L'assemblée remercie M. Basly de son
attitude franche et lui vote à l'unanimité
des félicitations.
Les délégués regagnent la gare pour
retourner chez eux organiser ce soir
même des réunions en vue du chômage.
INFORMATIONS
Le chef de cabinet de M. Floquet
Par arrêté en date de ce jour, M. René Re-
noult, avocat à la Cour d'appel, secrétaire
particulier de M. Floquet, président de la
Chambre des députés, est nommé chef du ca-
binet, en remplacement de M. Doumer, élu
député de l'Yonne.
M. Floquet ne pouvait faire un meilleur
choix.
Un député poursuivi
M. Habert, juge, avait été chargé d'une
instruction contre un nommé Bénard, direc-
teur de la Caisse centrale de Paris, arrêté il
y a un an environ, puis laissé en liberté pro-
visoire.
M. Bénard était inculpé d'escroqueries,
parce qu'il trouvait très simple de remettre
à ceux qui lui versaient des fonds, une action
de sa banque plutôt que le titre qu'ils avaient
réellement souscrit.
L'information, ouverte par le Parquet, a ré-
vélé que M. Bénard n'était pas seul directeur
de cet établissement.
L'associé, ou plutôt le véritable directeur,
était, parait-il, un député boulangiste bien
connu, M. Boude au.
Le dossier de cette affaire vient d'être
transmis à M. Seligmann, substitut du pro-
cureur de la République, chargé de préparer
le réquisitoire.
L'examen attentif du dossier établira la
part de culpabilité de Bénart, et si M. Bou-
deau doit être impliqué dans l'affaire.
Dans ce dernier cas, une demande en au-
torisation de poursuites serait adressée à la
Chambre.
Mort d'un député
Le général de division en retraite Charles-
Nicolas de Lacretelle, député conservateur
de Maine-et-Loire, est mort hier à Paris, en
son domicile.
Né en 1822, le général avait pris sa retraite
en 1887.
L'élection de Saint-Sever
M. Yves Boucau, candidat républicain à
l'élection du 8 novembre, à Saint-Sever, vient
de se désister et d'inviter ses électeurs à vo-
ter au scrutin de ballottage pour M. Constant
Dulau, le candidat républicain qui a obtenu
le plus de voix au premier tour.
Election au conseil général
Les élections au Conseil général pour le
canton de Lille-centre, ont donné les résul-
tats suivants :
MM. Ovigneur, républicain, 2,078 voix élu.
Werquin fils, radical, 1,051 voix. Mas, 938
voix.
L'ARCHEVÊQUE DE SENS
Nouvelle de sa mort
Une dépêche de Sens annonce que M.
Bernadou, cardinal-archevêque, est mort
hier matin à 8 h. 45.
Né en 1816, M. Bernadou avait été pro-
mu à l'archevêché de Sens en 1867.
Ce prélat se distinguait parmi les évê-
ques français comme l'un des moins agres-
sifs.
M. Bernadou était l'un des rares évê-
ques qui ne se sont pas associés à l'atti-
tude rebelle dont M. Gouthe-Soulard de-
vra prochainement rendre compte devant
la justice.
La mort de l'archevêque de Sens surve-
nant dans les circonstances actuelles, ap-
paraîtra aux âmes dévotes comme une
punition infligée à la modération relative
de ce prélat.
LE
SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE ILLUSTRÉ
DE
La Lanterne
QUI PARAIT AUJOURD'HUI LUNDI
CONTIENT :
L'Inverse, par MONTJOYEUX ; Sur une
pelotte, par J. RICARD ; Le pot aux
roses, par POMPON ; Vœux secrets, par
AUGUSTE JEHAN ; Le Bâtard, par CAMILLE
LEMONNIER; Les trois billets, par ÀNDRÉ
CHADOURNE ; Comédie parisienne, par
LA FERTÉ, Les Sept Péchés capitaux,
par GAVROCHE, etc., etc.
Plus la suite des intéressants feuil-
letons : Maurice Le Grandier, par Louis
DÉPRET; Madame La Boule, par OSCAR
MÉTÉNIER, et Tromperie suprême, par
MAURICE VAUCAIRE.
Enfin : Le Rat de ville et le Rat des
champs, dessin par notre collaborateur
GIL BAER.
LE SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE ILLLUSTRÉ
DE
La Lanterne
5oent. LE NUMERO £ » ceaê,
CHOSES MUNICIPALES
LA POLITIQUE DU « RIEN »
Le Métropolitain. - Le principa voté.
— Changement d'opinion. — Démis-
sion de M. Caron. — Un projet
de rapport.
Le Conseil municipal a voté le 25 juillet,
par 60 voix, contre 3 ou 4, le principe du
Métropolitain : c'est une belle majorité.
Il déclarait en même temps qu'il désirait
qu'il passât par la rue Réaumur. Il ajou-
tait quelques lignes nouvelles au tracé
primitif.
Bien. Voilà la situation.
Alors le ministre des travaux publics
annonce qu'il accepte les nouveaux tra-
cés. M. le Préfet de la Seine apporte 50
millions, proposés par le Crédit Foncier,
dans des conditions de bon marché telles
que la Ville de Paris n'en a jamais obte-
nues : M. Alphand développe un pro-
gramme comprenant 200 millions de tra-
vaux qui intéressent les divers quartiers
de Paris,
La troisième commission nomme M.
Caron rapporteur, et M. Caron fait un
rapport approuvant le projet. Il est pro-
bable que M. Caron n'avait pas été nom-
mé sans que la commission eût discuté.
Elle adoptait donc le projet.
Mais le jour où M. Caron vient déposer
son rapport, voilà la commission qui n'a
plus la même opinion. A une voix de ma-
jorité. par 7 contre 6, elle se déclare ad-
versaire de l'opération de la rue Réaumur.
M. Caron, alors, donne sa démission de
rapporteur, et il n'y a plus ni rapport, ni
rapporteur.
La 3° commission est toujours saisie.
Elle se réunit mardi prochain pour exa-
miner de nouveau cette question. Si elle
persiste dans son vote, il faudra qu'elle
nomme un nouveau rapporteur.
Le rapport probable
Nous voulons lui faciliter la - tâche pour
que la question ne soit pas retardée par
de nouveaux atermoiements et nous al-
lons lui indiquer tout de suite les termes
de son rapport.
Les voici :
» Messieurs, le Conseil municipal a dé-
cidé le principe du Métropolitain ; mais
vous savez que, selon son habitude, il
s'est réservé de faire tout son possible
pour empêcher ce projet d'aboutir.
» Le Conseil municipal a décidé le per-
cement de la rue Réaumur; mais vous
n'ignorez pas la signification du vote du
25 juillet : nous considérions alors que
nous ne pouvions pas avoir d'argent pour
ce travail ; nous savions que les ressour-
ces de la ville ne comportaient pas d'ex-
cédent disponible.
» Nous pensions donc que ce vœu en fa-
veur de la rue Réaumur, était un moyen
honnête pour ajourner la question du Mé-
tropolitain, qui nous permettrait de faire
semblant de faire quelque chose tout en
ne faisant rien.
» L'administration nous a joué tla mau-
vaise plaisanterie, avec le Crédit foncier,
de nous mettre à même d'opérer ce per-
cement.
» C'est cette mise en demeure que nous
trouvons impertinente, contre laquelle
nous protestons, et ce motif seul est suf-
fisant pour que nous refusions le perce-
ment de la rue Réaumur que nous avions
réclamé.
» Messieurs, en agissant ainsi, nous res-
tons fidèles à la politique que nous n'a-
vons cessé de suivre au Conseil munici-
pal. Nous avons considéré que nous avions
le devoir de repousser sysiématiquement
tous les projets qui nous seraient présen-
tés.
» Nous ne voulons ni percement de la
rue Réaumur ni d'autres percements, ni
le Métropolitain. Considérant que le de-
voir du Conseil municipal est d'agir com-
me le Chien du Jardinier, il ne peut pas
faire le Métropolitain, mais il entend em-
pêcher le gouvernement de le faire, »
La poliîique du Conseil municipal
Voila la belle politique du Conseil mu-
nicipal! Il croit que les habitants des
deuxième et troisième arrondissements,
que les entrepreneurs, les maçons, les
terrassiers, les serruriers, les charpen-
tiers, les menuisiers, les peintres, les ta-
pissiers le remercieront de ne pas faire
la rue Réaumur pour empêcher de faire
le Métropolitain.
Il croit que tous ceux qui attendent si
longtemps les omnibus sous la pluie, dans
le froid, dans la neige, lui seront recon.
naissants de ces tentatives pour priver
Paris du moyen de transport le plus dé-
mocratique !
Et si le ministre des travaux publics
fait, pour le Métropolitain, ce qu'il a fait
pour les tramways de la banlieue en sus-
pens depuis 1882, s'il résoud la question
en dehors du Conseil municipal, après
avoir employé tous les moyens de per-
suasion, de quel côté sera l'opinion pu-
blique.
Ce que l'opinion publique déteste le plus,
c'est l'impuissance érigée en système,
c'est la négation continuelle, c'est la po-
litique du rien, et c'est celle du Conseil
municipal.
LETTRE DÉMOCRATIQUE
SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE
L'ÉTAT
Cette réforme nécessaire fait son che-
min. Elle entre peu à peu dans l'esprit
des hommes politiques qui -réfléchissent
assez pour se mettre au-dessus des pré-
juge ou des passions réactionnaires du
moment.
Nous n'en retenons d'autre symptôme
que l'évolua on libérale de certains écri-
vains conservateurs.
Jusqu'ici ils paient montrés récalci.
trants à toute idée de réforme en ce genre.
Aujourd'hui, bon gré, îiial gré, ils s'huma-
nisent et sont obligés de reconnaître la
possibilité d'un progrès inévitable.
Ces écrivains ne passent, certainement
pas pour des hommes irréligieux, ils cè-
dent il l'évidence des faits. AJissi décla-
rent ils qu'il faut en prévision de l'avenir
s'habituer à examiner de sang-frola J hy-
pothèse, réalisable dans un temps plus 0;1
moins éloigné, de la séparation des Eglises
et de l'Etat. C'est le moyen de n'être pas
pris à l'improviste par l'accomplissement
de cette réforme si longtemps attendue.
Les publicistes qui raisonnent de la
sorte, font acte de sagesse politique. Car
enfin ce ne sera pas l'intolérance cléricale
qui parviendra jamais à enrayer l'élan de
la France contemporaine vers la sépara-
tion définitive des Eglises et de l'Etat.
Cet acte d'affranchissement mutuel s'im-
pose à la conscience des patriotes de tous
les partis comme une inéluctable néces-
sité.
C'est tellement vrai que, hier encore, un
homme qui ne saurait être suspect de ré-
publicanisme, le cardinal Manning, ar-
chevêque de Westminster, interrogé par
un journaliste parisien, lui répondait tex-
tuellement :
« J'espère qu'après l'expérience des der-
*
nières années en France, le clergé se pro-
noncera pour la suppression du budget
des cultes. qu'il vive des seules res-
sources des fidèles, il se sentira infiniment
plus indépendant et j'ajoute plus riche
pour le bien de l'Eglise tout entière.
» Il y a longtemps que je pense ainsi.
Je n'ignore point que cette idée rencon-
tre beaucoup d'adversaires dans le clergé
français.
» Monseignenr Darboy, avec qui j'étais
intimement lié et avec qui je discutais
cette question, me disait :
» — Dans les villes, ce sera parfait,
mais dans les campagnes?
» Je répondais en lui citant l'exemple
de l'Irlande et de l'Amérique, où les égli-
ses non payées par l'Etat, sont des plus
prospères. Je suis plus convaincu que ja-
mais que là est la vraie solution des rap-
ports entre l'Eglise et l'Etat. »
Cet aveu recueilli de la bouche même
d'un des cardinaux les plus respectés de
la chrétienté doit avoir sa valeur auprès
des catholiques qui ne sont point fanati-
sés, et nous venons de constater avec
plaisir qu'il y en a encore t
Malheureusement le clergé de France
est actuellement, sous des apparences
conciliantes, plus ultramontain que jamais.
C'est à peine si de temps en temps un
esprit avancé ose élever la voix pour
s'avouer gallican 1
A de très rares exceptions près, tous
les prêtres dans les villes et les campa-
gnes emboîtent le pas aux évêques et
marchent au commandement comme des
soldats à la suite de leurs chefs.
La discipline règne dans les rangs de
l'armée cléricale. Son avant-garde a beau
chanter la Marseillaise avec les Pères
blancs de M. Lavigerie, cette armée
n'en reste pas moins prête à tous les
combats contre la République, ses insti-
tutions, ses lois scolaires et ses lois mi-
litaires.
La levée de crosses en faveur du mé-
tropolitain de Provence le prouve assez.
Heureusement, en dépit des lettres d'a-
dhésion adressées par soixante-cinq évê-
ques de France à ce pieux faiseur de le-
çons, notre pays n'est pas dupe de cette
manœuvre qui choque les instincts de cour-
toisie de notre race gauloise.
Le peuple voit très clairement dans ces
démonstrations politico-religieuses une
attaque au gouvernement démocratique
que la France a choisi de préférence au
gouvernement des curés ayant comme
nouvel apôtre et martyr saint Gouthe-
Soulard en personne.
ANATOLE DE LA FORGE.
l'f NSEIGNEMENT CONGRÉGANISTE
Un enfant assassin
Nous recevons de Nancy la dépêche sui-
vante :
Un enfant de onze ans, nommé Riot, qu'un
agent poursuivait pour avoir volé des cahiers
à l'école des frères de la paroisse de la cathé-
drale de Nancy, dont il fait partie, rencontrant
sur sa route deux petits garçons, tira son cou-
teau et frappa l'un de ces enfants. Pierre
Bahé, âgé de neuf ans, qui tomba inondé de
sang.
Riot, arrêté peu après, montra un incroyable
sang-froid. On espère sauver Pierre Balié.
Gageons que les journaux cléricaux qui,
chaque jour, vantent la supériorité morale
de l'enseignement congréganiste, ne souf-
fleront mot de cette précocité criminelle.
MEETING LIBERAL
Manifestation contre les garanties
papales
Milan, 15 novembre. — Le meeting or-
ganisé contre le premier article de la
Constitution en faveur de l'abolition des
garanties papales a été tenu aujourd'hui,
a une heure de lapres-mldl: au théâtre
Canobbiana.
Les notabilités des partis socialiste,
radical et anarchiste étaient présentes.
M. Mussi, président, blâme le président
du Conseil d'avoir dit, dans son discours
de la Scala, que la loi des garanties était
une loi statutaire. L'Etat ne doit pas avoir
de religion.
Il est déplorable, dit-il, que des hom-
mes arrivés au pouvoir, des démocrates
principalement, malgré leurs principes
rationnalistes, n'aient pas combattu l'in-
fluence religieuse et cléricale.
Lecture est faite ensuite des adhésions
au meeting, entre autres celle du cercle
de Nathan, de Saint-Appiano. Cette adhé-
sion commence par des inj ures contre la
papauté.
L'inspecteur de police Ballanti empê-
che M. Lazzari de poursuivre sa lecture
et déclare que la réunion est dissoute.
LA CRISE ElESPAGNE
Bruits d'emprunt
Madrid. 15 novembre, — On assure que
le Conseil des ministres aurait reconnu
la nécessité immédiate de l'emprunt de
250 millions : s'il y a besoin de plus, on
augmenteralii la dette flottante.
La Banque se contenterait, quant apié-
sent, de recevoir du Trésor 60 millions.
On dit, mais en termes très vagues, que
les Cortès auront peut-être à se pronon-
cer sur le projet de convertir la dette ex-
térieure en intérieure. Le brtilt court éga-
lement que l'on ferait un emprunt plus
fort.
Il se confirme que la Banque élèvera
avant peu l'escompte à 5 0/0.
Tous ces bruits indiquent que la situa-
tion financière reste toujours aussi criti-
nie et inquiétante.
LA MORT AUI GOSSES
PLUS DE QUATRE-CENTS VICTIMES
Concurrença déloyale. — « Bonsoir
monsieur. » — De café en café. —
Le débit de la place Clichy. —
Trois morts à l'hôpital Bau-
jon. — Les accusés.
Dans le drame le plus sombre, se trouve
toujours un personnage chargé de donner
la note gaie. C'est Floury, quij'dans l'épou-
vantable drame (les Batignolles, remplit ce
rôle. Abélard Floury n'était point, paraît-
il; d une fidélité exemplaire à sa vieille.
Héloïse, et ne se gênait pas, lorsque les
clientes lui semblaient jolies et appé-
tissantes pour prélever une dîme en na-
ture sur les honoraires qu'il était chargé
d'encaisser. Ces détails ne furent point
ignorés de Constance Thomas, ils exaspé-
rèrent la jalousie de l'horrible mégère, et
elle se sépara de celui qu'elle appelait,
dans ses moments de tendres épanche-
ments « mon voyou ».
Dès lors s'établit une concurrence achar-
née entre les deux anciens amants. Floury
fit répandre dans Clichy le bruit que lui
seul était désormais possesseur de la
bonne méthode pour décrocher les gosses
« sans mal ni douleur » en même temps
qu'il apostait près du domicile de son.
ancienne maîtresse, des individus char-
gés de détourner à son profit la clientèle.
Floury faisait tout ce qui concerne son
état, nulle besogne ne lui répugnait. Cet
homme avait des procédés de génie pour
faire disparaître les traces du crime et
savait allier dans ces circonstances, avec
un prodigieux cynisme le plaisant et l'o-
dieux. C'est ainsi qu'ayant à faire dispa-
raître un embryon à la suite d'un avorte-
ment pratiqué sur la demoiselle Augus-
tiue Lemoing, domestique d'une femme
galante, il se rendit près d'une bouche
d'égout, et, après s'être assuré que per-
sonne ne l'observait, sortant le fœtus du
panier dans lequel il l'avait apporté, il le
lança dans l'égout; s'inclinant en même
temps profondément et chapeau bas, il
disait de sa voix la plus goguenarde : Bon-
soir, monsieur t
Une autre fois, il achetait un grand pot
de fleurs, plaçait au fond l'objet encom-
brant et plantait par-dessus un superbe
pied de reines-marguerites, puis le visage
contrit, et la larme à l'œil, il partait, son
pot de fleur sous le bras, au cimetière de
Clichy, où il le déposait comme une pieu-
se offrande sur une tombe de belle appa-
rence.
Un jour enfin se présente, chez Floury,
une femme galante en superbe toilette;
l'opérateur juge du premier coup d'œil
qu'il peut enfler ses prix, et demande cin-
quante francs qui lui sont de suite versés.
Mais, après le départ de la cliente, ar-
rive une des rabatteuses de Floury qui
lui apprend que la patiente est repartie
dans un équipage attelé d'un beau poney
qui l'attendait à la porte.
-Un poney ! s'écrie Floury désespéré de
n'avoir pas su tirer un meilleur parti
d'une si belle occasion et vexé dans son
amour-propre.
— Oui, un vrai poney 1 Ca doit être une
femme chic celle-là, vous lui avez pris au
moins cent francs.
Certainement, répond Floury, désireux
de sauver l'honneur professionnel, et pour
que vous profitiez de cette bonne aubaine,
voilà cinq francs pour vous.
Les arrestations
Mais il ne pouvait suffire à la police
d'avoir arrêté les deux principaux acteurs
de ce drame, il fallait encore pouvoir li-
vrer à la justice ceux qui avaient rempli
les rôles secondaires et qui avaient été
les auxiliaires plus ou moins actifs du hi-
deux couple Thomas, et enfin, celles qui
avaient participé aux crimes en se li-
vrant aux mains de l'avorteuse.
Au moment de son arrestation, Clé-
mence Tnomas, pressée de questions par
le juge d'instruction Poucet, avait bien
donné quelques noms de femmes s'étant
confiées à ses mains, mais elle n'avait pu ou
voulu donner leurs adresses. «Mes clientes,
avait-elle dit, sont toutes des habituées
des cafés de Montmartre et des Batignol-
les, si je les voyais, je les reconnaîtrais
bien. »
La police eut alors l'idée de faire pro-
mener la femme Thomas entre deux
agents sur le théâtre de ses anciens ex-
ploits. On allait de café en café, consom-
mant aux frais de la sûreté, puis on visita
les bals publics et les cafés concerts. Clé-
mence Thomas rencontrait-elle une de
ses anciennes pratiques, elle l'abordait,
prétendait avoir une communication im-
portante à lui faire, et lui demandait son
adresse, aussitôt prise en note par les
agents. On opéra ainsi une soixantaine
d'arrestations.
Les rabatteurs
Le couple Thomas-Fioury, et plus tard
Floury tout seul, lorsqu'il opéra pour son
propre compte, eurent un grand nombre
d'auxiliaires. Au premier rang de ceux-ci,
se placent les époux Andouze, qui tenaient
un petit débit de vin au no 14 de la placq
Clichy.
Peu de buveurs fréquentaient chez les
époux Andouze, aussi ces derniers trou-
vèrent-ils avec bonheur une nouvelle et
précieuse mine de ressources à exploiter
en favorisant les agissements de la Tho-
mas et de « son voyou ». Mais c'est sur-
tout lorsqu'ils devinrent les logeurs de
Floury, à la suite de sa brouille avec sa
maîtresse, que leur concours devint ac-
tif et particulièrement intéressé.
Andouze, qui avait fait les aveux les
plus cyniques est décédé au cours de l'ia!
formation.
Outre les époux Andouze, Clémence
Thomas et Floury avaient aussi recours à
la femme Vignaud, qui, après avoir été
débarrassée d'un gênant embonpoint par
la Thomas, était devenue sa peorvoyeu-
se. Il faut citer encore la femme Viemonfc
qui, elle aussi, était une porteuse de pain*
C'est cette femme qui, au dire de la ThO-:
mas, lui a procuré le plus grand nombre
de sujets. Plus de cinquante, a déclaré
l'avorteuse.
A côté de ces deux femmes, nous troa»v
vons encore une bouchère de la rue d'O.
Jess-a, la femme Lefèvre, connue dans Soa.
quaïMer pour son immoralité. J
ElèfQ de la Thomas, qui lui avait révéli 1
son procOuo cette femme s'est vantée
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