Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-08-05
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 août 1892 05 août 1892
Description : 1892/08/05 (N5585,A16). 1892/08/05 (N5585,A16).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
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A PARIS
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ABONNEMENTS1
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS.. 5 FR.
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UN AN 18 FR.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le Numéro : 5 centimes
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TROIS MOIS 6 FR.
SIX mois 11 FR.
UN AN. 20 FR.
SEIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5585
VENDREDI 5 AOUT 1892 .-.
18 THERMIDOR. — AN 103 0
La « LANTERNE» est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
PROCEDES DE RALLIE
Décidément, c'est Gazeau qui a fait
le coup. Du moins, jl l'avoue.
Nos lecteurs connaissent l'incident.
Candidat aux élections pour le Con-
seil général dans le canton de Tours-
sud, ledit Gazeau qui, se rendant
compte de sa nullité, a la manie des
recommandations, avait sollicité d'un
certain nombre de ses amis plus ou
moins en vue, des lettres laudatives à
l'appui de sa candidature.
Ces lettres reçues, il les avait fait
tirer à un chiffre considérable d'exem-
plaires dont il s'était empressé d'inon-
der le canton sur lequel il avait jeté
son dévolu.
Parmi ces recommandations, il y en
eut une qui attira dès l'abord l'atten-
tion. Elle portait comme en-tête : Li-
gue populaire pour la revendication des
libertés publiques. Bordeaux. Prési-
dent : Etienne Lamy, ancien député.
Elle était signée du nom de M. Gaston
David. Sous ce nom, on lisait la men-
tion suivante : Beau-frère de M. Sadi
Carnot, président de la République.
On comprend l'émoi que cette lettre,
dont la signature se trouvait apostillée
d'un tel nom, souleva parmi les répu-
blicains du canton.
M. Gazeau, réactionnaire avéré mal-
gré l'étiquette vaguement républicaine
qu'il avait prise pour la circonstance,
se présentant aux électeurs sous le pa-
tronage du président de la République!
Ce fut une stupéfaction générale.
On crut tout d'abord à une audacieuse
plaisanterie.
On attendait un désaveu au moins
indirect de l'Elysée, en tout cas une
protestation formelle du beau-frère de
M. Carnot.
Ni l'Elysée, ni M. Gaston David ne
donnèrent signe de vie.
C'était donc vrai, le président de la
République, par l'entremise de son
beau-frère, mettait l'autorité de son
nom au service d'une candidature poli-
tiquement décriée !
Le scandale étant à son comble, les
républicains du canton envoyèrent
quelques exemplaires de cette lettre à
la Lanterne pour l'informer du fait, lui
demandant ce qu'il fallait en penser.
Nous avouons que malgré tout, et
bien que la connivence de l'Elysée avec
les ralliés soit malheureusement dé-
montrée, nous ne pûmes nous défen-
dre d'un profond étonnement au reçu
de ces documents.
Mais il n'y avait pas à en douter, le
nom de M. Carnot figurait en toutes
lettres au bas du papier électoral re-
commandant chaudement la candida-
ture d'un réactionnaire.
Nous fîmes notre devoir : nous pu-
bliâmes la lettre en l'accompagnant
des commentaires qu'elle comportait.
Là-dessus le scrutin eut lieu ; M. Ga-
zeau remporta la veste qu'il méritait,
et aussitôt les désaveux de la recom-
mandation présidentielle, si vainement
attendus dans le canton de Tours-Sud
avant le jour de l'élection, commen-
cèrent à affluer.
Ce furent d'abord les journaux offi-
cieux qui déclarèrent en termes indi-
gnés que le président de la République
était incapable d'une pareille incorrec-
tion.
Puis vint le tour de M. Gaston David
qui. ayant supporté en silence l'abus
que l'on faisait de sa lettre pendant la
période électorale, se réveilla tout à
coup de sa torpeur après l'échec de son
candidat, et nous requit d'insérer im-
médiatement une protestation catégo-
rique contre l'adjonction a sa signature
de la mention relative à sa parenté pré-
sidentielle.
Enfin, voici M. Gazeau lui-même qui
nous écrit aussi sa petite lettre, non
pour protester, celui-là, mais pour
nous donner le mot de l'énigme.
C'est lui qui a tout fait ; c'est lui qui,
ayant reçu la lettre de M. Gaston Da-
vid, y a ajouté en tête le nom de M.
Lamy, ancien député, et en queue celui
de M. Carnot, ancien député aussi et
actuellement président de la Répu-
blique.
Mais dépêchons-nous de donner cette
lettre. Elle est inénarrable : tout com-
mentaire en affaiblirait la haute sa-
veur.
La voici
A monsieur le directeur de la Lanterne
Monsieur le directeur,
< On me communique votre article de diS
manche sur M. G. Divid. Effectivement j'ai
eu le plaisir d'être en correspondance avec
lui. Mais je tiens à établir que jamais il ne
s'est prévalu de sa parenté avec M. Carnot.
et que jamais il n'a signé : beau-frère de
M. Carnot.
J'ajoute encore que s'il a bien voulu m'a-
dresser des vœux chaleureux pour le succès
de ma candidature et celui de mon pro-
gramme, qui est celui de la Ligue populaire,
l'en-tête des lettres de la Ligue ne porte
point non plus le nom de M. Lamy, pré-
sident.
Le bon sens, d'ailleurs, ne permettait au-
cun doute à cet égard, et vous auriez été
l'avant-dernier, ap: ès votre correspondant, à
vous y laisser tromper.
En ce qui me concerne, s'il y a eu là pro-
cédé électoral, il n'entaclie guère la loyauté
(iu candidat,et je prétends n'en devoir compte
qu'à MM. Lamy et G. David. J'attends d'ail-
leurs que des candidats plus scrupuleux que
moi me jettent la première pierre.
Je compte, monsieur, sur vocre loyauté vis-
à-vis de M. Gaston David pour insérer cette
lettre.
Agréez, monsieur, mes sentiments bien
distingués.
E. GAZEAU.
Tours, 2 août 1892.
Que pensez-vous de l'épitre ? N'est-
ce pas exquis, comme cynisme et com-
me jésuitisme?
Ah! M. Gazeau, ancien magistrat,
paraît-il, est d'une jolie force.
Il avoue, sans avouer.
Il déclare que, dans sa correspon-
dance avec lui, M. Gaston David ne
s'est pas prévalu de sa parenté.
Puis, omettant de dire que c est lui qui
de sa propre main a ajouté la mention
dont il s'agit, il saute tout de suite à
l'appréciation du « procédé électoral »
qui, insinue-t-ii, ne lui semble guère
entacher sa loyauté.
En effet, quel crime a-t-il donc com-
mis cet excellent Gazeau ? Il a apostillé
lui-même, du nom du président' de la
République, sa candidature.
N'est-ce pas la un acte aussi inno-
cent que celui du banquiste qui,
sans penser à mal, aj oute quelques zé-
ros sur une traite tirée en sa faveur?
Et voilà les mœurs de ces gens-là !
Voilà comment les ralliés entendent
l'honneur !
Un faux en écritures publiques et tel
qu en bonne morale il serait punissable
des travaux forcés, c'est un procédé
tout simple qui n'entache pas la
loyauté.
— Du reste, ajoute M. Gazeau, cela
ne regarde que moi et ceux d on j'ai
falsifié la signature. Je prétends n'en
devoir compte qu'à eux.
N'en déplaise à ce délicat person-
nage, son acte est un attentat à l'hon-
nêteté publique et, comme tel, il relève
du tribunal de l'opinion, sans préjudice
des poursuites que les victimes de la
fraude pourront, s'il leur convient,
intenter devant la justice.
Ce procédé électoral, qui dénote une
morale si particulière, il nous appar-
tient d'autant plus de le juger qu il ca-
ractérise la politique de tout un parti.
Ancien monarchiste, ancien fioulan-
giste, ancien complice de tous les par-
tis hostiles à la République, M. Gazeau
est le type du rallié à nos institutions.
Mentant aux électeurs en se disant
faussement le protégé de M. Carnot, il
leur ment aussi audacieusement quand
il se proclame républicain.
Ne jugeant pas son honneur entaché
quand il commet un faux, comment hé-
siterait-il à se prévaloir de sentiments
républicains qui ne sont pas les siens?
La voilà, la politique du rallié; ce
n'est, du commencement à la fin, qu'une
falsification éhontée.
Le pays d'ailleurs a démasqué tous
ces faussaires ; il a pris leurs menson-
gères professions de foi pour les en
souffleter.
Il a vu clair dans le jeu des Gazeaux à
double fond ; et, dans un énergique
haut de cœur, il les a expulsés de la
République qu'ils avaient tenté de cro-
cheter.
Justice est faite.
Il nous reste toutefois à déplorer l'in-
cident Gazeau.
Ce n'est pas sans un sentiment de
honte que nous constatons qu'il a fallu
l'attestation de ce personnage pour
écarter le soupçon qui pesait sur la
correction de M. Carnot en matière
électorale.
Il est vivement à désirer qu'il n'y ait
plus lieu d'invoquer en faveur du pré-
sident de la République le témoignage
d'un Gazeau.
UN AUTRE RALLIE
M. Gauthier (de Clagny)
M. Gauthier (de Clagny), député, nous
adresse la lettre suivante au sujet de no-
tre compte rendu des résultats du scrutin
de dimanche dernier :
Monsieur le directeur,
Dans le compte rendu des élections séna-
toriales, vous m'avez classé sous une déno-
mination inexacte.
J'ai été élu comme candidat républicain,
avec un programme nettement républicain.
Veuillez agréer, monsieur le directeur,
l'assurance de ma considération la plus dis-
tinguée.
A. GAUTHIER (DE CLAGNY).
Si nous avons commis une erreur tou-
chant les opinions de M: Gauthier (de. Cla-
gny), on avouera qu'elle était inévitable.
Elu comme boulangiste en 1889, estam-
pillé par l'aspirant dictateur en compa-
gnie des réactionnaires qui, à cette épo-
que, composaient exclusivement le parti
du général, M. Gauthier (de Glagny) n'avait
aucun titre à ce que nous lui décernions
l'épithète de républicain.
Il parait que depuis il s'est rallié à la
République. 11 ne s'en suit pas qu'il soit
devenu républicain.
Quoiqu'il en soit, nous donnons acte de
sa déclaration à M. Gauthier en le priant,
pour éviter toute erreur ultérieure, de
nous tenir au courant des évolutions po-
litiques qu'il pourrait être tenté de faire
à l'avenir, si le vent venait à changer.
TROP UE ZElEI
Entourage compromettant
L'article que l'on va lire a été publié
hier dans la Justice, sous la signature de
M, Camille Pelletan :
Nous n'avons pris aucune part à la polé-
mique soulevée dans les journaux sur la ré-
élection présidentielle, l'heure ou la ques-
tion se posera d'une façon utile étant encore
un peu éloig iée.
Mais il e-t impossible de ne point remar-
quer que la réponse qui semb e la plus ély-
séenne, à ce que l'on a dit à ce sujeo, a paru,
hier matin dans le Figaro.
Le F garo déclare que M. Carnot n'est pour
rien dans cette réponse. Nous le croyons
sans peine. — Il ajoute que M. Brugèrc n'y
a pas non plus collabore. — Nous voulons
l'espérer. Nous tenons pour certain que M.
Brugèie n'a plus d'autre pensée que de con-
duire sa division au feu:
Mais la note du Figaro n'en manifeste pas
moins des préoccupations d'entourage aux-
quelles il serait temps de mettre un terme.
Ce n'est point le président de la Républi-
que que la Constitution charge de choisir le
président de la Répuulique. Et l'un des mé-
rites de M. Carnot est précisément d'avoir
obtenu, sans l'avoir sollicite, le poste impor-
tant qu'il occupe.
Le Figaro essaye de faire croire que la di-
gnité du pouvoir peut jouer un rôle dans
l'ailaiie. La plaisanterie est un peu f,;rte,
Quelle question de dignité, pour le pouvoir,
peut dépendre de la solution à adopter sur la
durée des pouvoirs présidentiels ?
On p rie môme de stabiliié. C'est une plai-
santerie encore plus forte. La stabilité de
nos institutions n'est heureusement enfer-
mée dans aucun nom propre.
Il serait à souhaiter que l'entourage du pré-
sident ne semblât pas chercher à compro-
mettre son nom. M. Crunot ne peut-il donc
pas so débarrasser des ennemis qu'il a chez
lui?
INFOMATIONS
Ouverture de la chasse
Le ministre de l'intérieur a décidé quo la
date de l'ou erture de la chasse pour les de-
partements de la première zone serait fixée
au 21 août, pour la seconde zone au 23 août,
et pour la troisième au 4 septembre.
Elections sénatoriales
Les électeurs sénatoriaux de Saône-et-
Loire sont convoques pour le 18 septembre,
à l'effet de pro., étier au remplacement de M.
Matney. décédé.
Les consens municipaux du département se
réuniront lu 14 août pour nomuicr leurs délé-
gués sénatoriaux.
, Chaire d'agriculture
Le ministre de l'agviculture vient d'insti-
tuer une chaire spéciale d'agriculture à
arrondissement de lIaugé (Maine-
et-Loire).
Le titulaire de cette chaire devra faire cha-
que année :
1* Un cours d'adu tes à Beaufort et dans
les coaimunes rurales qui seront désignées,
pendant le mois de mars de chaque année ;
2' Un cours régulier d'agriculture au col-
lège de Beaufort.
GUILLAUME Il EN ANGLETERRE
Lord Salisbury. Dlaer chez la reine
Cowes, 3 août. — Contrairement à ce
qui avait été primitivement arrêté, l'em-
pereur d'Allemagne dînera ce soir à Os-
borne avec la reine. Le marquis et la mar-
quise de balisbury seront au nombre des
convives.
La reine offrira demain un grand ban-
quet à bord du yacht royal Victoria aiid
Albert; elle y sera représentée par le prin-
ce de Galles.
Insuccès persistant
Cowes, 3 août. — Les yachts do l'empe-
reur d'Aliemagae et du prince Henri ont
pris part à des courses aujourd'hui mais
sans aucun succès.
AU CONGO.
Les réclamations françaises
Nous croyons savoir que le gouverne-
ment français maintient dans leur teneur
complète les réclamations qu'il a adres
sées a l'état libre du Congo.
LE
SUPPLÉMENT LITTERAIRE ILLUSTRÉ
DE
La Lanterne
QUI PARAIT AUJOURD'HUI JEUDI
CONTIENT :
Au Maillot, par RICHARD O'MONROY;
Pour Souper, par HUGUES LE Houx;
L'Entr'acte, par JEAN AJALBERT; La
Morte embaumée, par MAURICE HOLLI-
NAT; Un Père, par GEORGES DE Lvs ; A
Mia, par EMILE GOUDEAU ; La Photogra-
phie, par VAIIENNE, etc., etc. -
Plus la suite des intéressants feuille-
tons : Le Pavé de l'Enfer, par M. MAU-
RICE DRACK; Mademoiselle Jaufre, par
MARCEL PREVOST ; Une vieille Maîtresse,
par J.BARBEY D'AUREVILLY.
Enfin : Un Projet qui dépasse son
but, dessin, par SAINT-LJREIGNAN.
LE SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE ILLUSTRÉ
DB
La Lanterne
QUI PARAIT LES LUNDI ET JEUDI
EST EN VENTE PARTOUT
S~ LE NUMERO 5Mt
-. EN ITALIE
LES FINANCES ET LE DÉFICIT
Embarras du cabinet. — Emprunts
avortés. — L'or tunisien. — Cui-
rassés et fortifications. — Dy-
namitards encouragés.
(De notre correspondant particulier)
Rome, 1er août. — La situation du ca-
binet Giolitti, devient chaque jour plus
embarrassée. M. Grimildi, le nouveau
ministre du Trésor et des finances, ne
cache point son ennui. Plein de bunne
volonté et d'illusions, il avait espéré ré-
soudre le problème, fût-ce au prix d'im-
pôts nouveaux ou d'emprunts. Il comp-
tait sur un petit déficit de iJU millions à
combler, mais voilà que les recettes ont
donné 50 millions de moins que les pré-
visions ; cela fait d'un coup 80 millions
de déficit, sans compter 35 autres pour
erreurs d'additions ou pour transpositions
de crédits, erreurs reconnues aujourd'hui.
Bref, à la rentrée, il va falloir accuser
i Bref, à 120 millions de déficit. M. Gri-
ilis
maldi, qui est cependant le plus souple et
le pius élastique des mathématiciens, en
donne sa langue au chat.
Il devait prendre quelques jours de re-
pos. Il y renonce. Il lui faut persister à
pâlir sur l'équilibre d'une balance impos-
sible à équilibrer.
On aurait voulu contracter un petit em-
prunt. M. Genala fait une tournée en
.France à ce sujet. La chose ne va pas
toute seule, et la direction du mouve-
ment des îonds publics a Rome publie
pour l'aider une note bien amusante.
(jette note constate que, depuis un an,
(ce n'est pas trop tôt) un grand nombre
de titres de rente italienne ont émigré en
Allemagne eL elle conclut : « Il faut nous
a en féliciter, car ceci prouve combien
» notre rente est estimée à l'étranger! »
On reçoit un coup de pied quelque part ;
il faut s'en féliciter, cela prouve que la
rondeur du derrière attirait le pied du
voisin. Rien à dire à cela. Les Français
pourront, d'ici à l'an prochain, doubler la
satisfaction du directeur du mouvement
en Italie.
Expédients financiers
L'emprunt devenu presque impossible,
on a sougé à la cession de la îvgie des
tabacs. L'affaire était presque conclue en
France ; au dernier moment certains coo-
pérants ont hésité devant l'opinion publi-
que. L'affaire est en suspens. On attend
i'issue ues lêies de Gênes pour la repren-
dre.
On s'est borné pour l'instant à rendre
un décret qui admet les monnaies d'or tu-
nisiennes au cours légal. Parbleu ! ou ne
voit pas un jaunet en Jtaiie. La Tunisie
va donner les siens, en échange desquels
on lui remettra ce papier devenu impos-
sible à changer dans la péninsule.
il y a là un gros danger pour la Tu-
nisie. Elle va se trouver avant peu en-
combrée de billets de 5 et 10 francs et
des écus italiens en dépôt dans les Ban-
ques. Qu'en fera -t-elle ? Si elle compte
sur la France p -ur les ébouler, il faut es-
pérer quo nos Administrations publiques
y mettront obstacle. -
Les armements
N'oublions rien, pas même qu'on met en
chantier en ce moment un cun'assé de 110
mètres, de 13,5uO chevaux et de 50 ca-
nons, sans compter les 8 canons de 159
des toureiles, auquel on va donner le nom
de Furio CamÛlo, en réponse à notre
Brennus.
N'oublions pas davantage cette petite
information reproduite par tous les jour-
naux : « On étudie au ministère de la
guerre le plan d'une seconde ligne de
fortifications alpines qui devra être cons-
truite dans le pais brei délai. Cette nou-
velle ligne de fortifications est nécessitée
par les travaux axecutés sur la frontière
française depuis le ministère Freycinet».
lions Français, courez apporter votre
or à l'Italie, pour qu'elle construise ses
cuirassés et ses fortifications 1
Crise économique et politique
Si le ministère est embarrassé financiè-
rement, il ne l'est pas moins dans l'ordre
économique et politique. On a constaté
que dans la Vaiteline on payait en impôt
'lU 0/0 du revenu; à Rome 65; en Lombar-
die, 30;j en Vénétie, 40. En Toscane, en
Busiucate, en Sardaigne, les petits ren-
tiers abandonnent leurs propriétés au
percepteur, ne pouvant plus payer les
taxes. Allez donc frapper un pays de nou-
veaux impôts dans de telles conditions.
bn politique, la lutte se dessine nette-
ment.
Giolitti travaille pour lui. Il n'aura pas
de pires ennemis dans trois mois que
et Zanardelli, bien qu'il suive leur
politique. il ne veut pas tirer les mar-
rons pour d'autres. Seulement ses adver-
saires sont uangereux et il est douteux que
Giolitti trouve moyen de les mater.
Procès anarchiste
Ce ne sera certainement pas avec des in-
cidents comme celui de la prison centrale
à Rome, qui fait comparer l'Italie à une
simple Bulgarie et Giolitti à btambou-
lolï.
On sait qu'après avoir subi dix-huit
mois de prison préventive, - Cipriani a été
condamne comme anarchiste, coupable
u'avoir excité le peuple à la révolce, en
1890, le 1er mai. On sait aussi qu après ces
dix-huit mois, Cipriani et ses 61 co-accu-
tés ont dû subir trois muis de débats, en-
fermés' dans une cage, comme des fau-
ves.
i ,a plupart des condamnés en ont rap-
pelé.
- Le procès n'est pas jugé en appel. Les
condamnés de pre uière instance ne sont
donc que des détenus, ayant uroit de com-
muniquer avec certaines personnes, no-
tauiment leurs avocats, et de recevoir
certaines correspondances, notamment
des comités électoraux. Enfin, personne
n'ignore qu il y a deux catégories d'anar-
cmstes, les uns, les dynainitards, qui veu-
lent la propagande par le crime, les au-
tres, les apôtres qui s'en tiennent aux
écrits, aux discours, à la propagande par
l'éducation, la persuasion. Cipriani est de
ces derniers. Le gouvernement italien,
en le détenant pour un délit qu'il n'a pas
commis, commet donc déjà une lourde
faute.
il l'a aggravée singulièrement en en;
voyant des -alguazils dans la cellule de
Cipriani, sous prétexte de perquisition
sur lui-même. Révolté, Cipriani refusa de
se laisser toucher. « J'en ai assez des
» vexations odieuses, honteuses de votre
» gouvernement. Il me traite comme si
» j'étais hors la loi, hors la socié-té, c'est
» une honte ! »
Et Cipriani résista aux cinq ou six
sbires qui lui déchirèrent ses vetements,
lui arrachèrent ses cheveux et sa barbe,
et le rossèrent atrocement! Voilà ce qui
se passe, en 1892, dans les prisons romai-
nes de la triple alliance !
Est-ce qu'elles ont désormais quel-
que chose a envier aux prisons du Saint-
Qffice, dont la Lanterne remet les hor-
reurs si opportunément en lumière! La
péninsule, il faut le reconnaître, a tres-
sailli. Alors Giolitti s'est excusé en ac-
cusant les ambassadeurs de Vienne, de Ber-
lin et de Paris de lui avoir porté les
preuves que Cipriani correspondait de sa
prison avec les, narchistes étrangers.
Que Vienne et Berlin aient parlé ainsi,
c'est possible, et ils n'ont fait que mentir.
Mais que .\J. Giolitti ait cru devoir mêler
M. Billot à l'incident, c'est là un crime de
lèse-convenances. Notre ambassadeur, je
suis en mesure de l'affirmer, n'a jamais
dénoncé Cipriani à l'autorité italienne.
Un bon voisin
Savez-vous ce qu'el e fait des anarchis-
tes (dynamitards ceux-là) l'autorité ita-
lienne, quand elle s'aperçoit qu'ils ne
cherchent à travailler qu'en France? Elle
les relâche. Une preuve, la voici :
Un anarchiste, nommé M., a été ar-
rêté à Turin pour avoir tenté des confé-
rences contre l'ordre, la société, les insti-
tutions, etc. Une perquisition a amené la
découverte, chez lui, de nombreux pla-
cards, écrits incendiaires, auto^raphies
contenant vingt recettes et moyens de
fabriquer et employer des engins dyna-
mitards et incendiaires, appels autogra-
pitiés à employer ces engins à un jour
donné, etc.: etc., liste d'affiliés, etc., en-
fin l'autographie faite par ledit M. de la
lettre adressée aux jurés de Montbrison,
lurs du procès Ravachol. C'est avec ce
bagage que M. s'est présenté au tribu-
bunai de Turin.
— Vous aviez l'intention d'attenter aux
jours du roi ? lui dit le président.
— Jamais de la vie 1 répond l'accusé.
— Aux institutions monarchiques?
— Pas davantage.
— Au mariage ?
— Encore moins.
— C'est bien. Vous êtes libre I
LES ANARCHISTES
Charles Friedlingfdorf, dit Il « Alle-
mand », dit « Petit Charles ».
Notre série de portraits d'anarchistes
s'enrichit d'un sujet nouveau : Charles
Friedlingfdorf, le compagnon allemand,
arrêté il y a Quel-
ques jours à la
place de la Bourse.
Charles Fried-
lingfdorf est né à
Cologne le 7 juin
1870. Profession :
anarchiste inter-
national — travail
peu fatigant et de-
mandant peu d'ap-
prentissage.
Arrêté le 22 juil-
let sur la place de
la Bourse par des
riediingfdorf agents de la bri-
gade des recher-
ches, Friedlingfdorf refusa d'abord de
donner son nom.
L'insistance qu'il mettait à cacher son
identité fit croire que l'on se trouvait en
présence de Placide Schouppe, l'anar-
chiste fameux, évadé en 1891 du bague de
la Guyane, en même temps que Pini, re-
pris quelques jours plus tard.
Mais Friedlingfdorf, après quelques
jours de cellule, se décida à parler; il dit
d'abord s'appeler Karl Henri, puis Char-
les, dit Petit Charles, et enfin, sur les
instances de M. Atthalin et de M. Bertil-
lon, qui était parvenu à retrouver son
portrait dans les pièces du service de
mensuration, l'anarchiste finit par « se
déboutonner » et entra dans la voie des
aveux. Grâce aux indications qu'il fournit,
la police arrêtait le lendemain les époux
Ferdinand, et les révelations faites par
ces derniers amèneront sans doute de
nouvelles arrestations importantes.
EN BELGIQUE
La revision. — Nouvel ajournement.
Bruxelles, 3 août. - La commission par-
lementaire, chargée d'étudier les projets
de revision, s'est réunie ce matin de dix
heures à midi et demi.
La commission a procédé d'abord à la
nomination de son bureau. Elle s'est en-
tretenue ensuite du programme à suivre
pour arriver rapidement à terminer ses
travaux. Les membres de la commission
ont décidé d'adresser au gouvernement
une série de questions : elle a demandé
entre autres un tableau satistique établis-
sant quel serait le nombre total des élec-
teurs dans le cas où l'on a-corderait le
droit de suffrage à tous ceux qui ont 21
ans et 2 ans de résidence, ou à tous ceux
qui ont 15 ans d'âge et 1, 2 ou 3 ans de ré-
sidence, etc.
Pour que le gouvernement ait le temps
de se procurer ces renseignements, la
commission s'est ajournée au mois d'oc-
tobre ; à cette époque, elle tiendra trois
séances par semaines.
Tous les pr jets parlementaires seront
traduits en flamand.
AU MAROC
Bataille imminente
Tanger, 3 août. — La cavalerie et l'in-
fanterie marocaines se préparent à livrer
une grande bataille aux Angherites sa-
medi prochain.
De nouveaux contingents arrivent cha-
que semaine de l'intérieur pour se join-
dre à l'expédition marocaine contre les
insurgés,
Dimanche et hier, on a expédié de Tan-
ger à Fez 50 caisses de munitions et 10,000
n.hu~ ¡
UNE MARATRE
UN ENFANT COUPÉ EN MORCEAUX
La découverte du cadavre. — Résumé
des faits. — Mutisme absolu. —
Le verdict.
Le 21 mars dernier, la Lanterne publiait
une dépêche de son correspondant parti-
culier de Cliâtellerault, annonçant qu'on
venait de découvrir à Ingrandes, dans un
ruisseau, le cadavre découpé d'un enfant
dont le sexe ne put tout d'abord être éta-
bli.
Le lendemain, des détails complets que
nous recevions nous permettaient de pu-
blier un article des plus circonstanciés et
accompagné de dessins.
C'est gràce à la publicité faite autour
de cette affaire par la Lanterne que la
justice, après avoir égaré ses sou-pçons
sur une fam.lle de saltimbanques, a fini
par mettre la main sur la véritable cou-
pable, la fille Marie-Zoé Marquet, mère
de la victime.
L'acte d'accusation
L'acte d'accusation reproduit les condi-
tions dans lesquelles le crime fut décou-
vert. Ce document est à ce point confor-
me aux renseignements que nous avons
publiés, qu'il nous suffira d'un rapide ré-
sumé pour remémorer l'affaire.
Le dimanche 20 mars, entre 3 et 4 heuq
res de l'après-midi, des jeunes gens
étaient occupés à chercher des appâts d&
pèche le long d'un ruisseau situé dans la
commune d'ingrandes, lorsqu'ils aperçu-
rent sous le pont de la Palu l un sac émer-
geant de l'eau très peu profonde à cet
endroit; ils retirèrent ce sac à l'aide d'une
perche et l'ouvrirent. Il contenait le troac
horriblement uutilé d'un enfant dont on
avait coupé la tête et arraché les mem-
bres, les cavités thoraciques et abdomi-
nales, qui étaient béantes, laissaient voir
les poumons, le cœur et le foie, les autres
organes avaient été enlevés.
En l'absence des organes essentiel?; les
premières constatations médicales ne
permirent pas de reconnaître le sexe de
la victime et de détermiuer exactement
son âge; mais après un nouvelle examen
il put être étanii que ce cadavre était
celui d'un garçon d'environ 5 ans, dont la
mort devait être attriouée à une asphyxie
par suffocation. Aucune disparition d'en-
fant n'ayant éLé constatée dans la région,
il semblait tout'd'abord qu'un pareil crime
n'avait pu être commis que par des étran-
gers ; mais bientôt les soupçons se por-
tèrent sur une fine installée depuis peu
de temps dans la rue Villevert, à Châtel-
lerault.
Cette fille n'était autre que Marie Mar-
quet qui se faisait appeler veuve Joubert,
du nom d'un de ses amants actuellement
sous les drapeaux. -
- Marie Marquet, qui était mère de deux
enfants avalt amené avec elle le plus
jeune, ua petit garçon de 5 ans, en venant -
habiter rue Vilievert, or les voisins ne
voyaient plus cet enfant depuis plusieurs
jours.
Culpabilité
La gendarmerie, prévenue de cette dis-
parition, l'iuterrogea, celle-ci répondit
que Sun enfant se trouvait depuis une
quinzaine do jours chez une de ces tantes,
à Archigny. Mais aussitôt, elle quittait
furtivement son domi.ile et, après avoir
loué une chamure dans le faubourg de
Châteauneuf, a l'autre extrémité de Châ.
tellerauit, craignant sans doute de ne pas
être en sûreté, elle se réfugia à Poitiers.
Une perquisition fut faite à son domi-
citei. elle amena la découverte dans la
fosse d'aisances de vis ères humains et
de la casquette à moitié brùlee de son
fils. Cette découverte ne laissait plus au-
cun douw sur la culpabilité de la fille
Aiarquet; le 4 avril elle était arrêtée à
Poitiers; le bruit de son arrestation s'y (
était déjà répandu et l'on dut prendre des
mesures de précaution pour la soustraire
aux fureurs de la foule dont l'indignation
était à son comble.
L'accusé renouvela immédiatement de.
vant le j uge d'instruction les aveux qu'elle
avait laiis quelques heures auparavant à.
la gendarmerie. Elle prétendit seulement
avoir agi à l instigation de Gustave Jou-
bert, son amant, qui l'aurait menacée de
la quitter si elle n'arrivait pas à se dé-
faire de son enfant.
L'information a démontré la fausseté de
cette accusation.
Les renseignements recueillis sur les'
antécédents de l'accusée sont mauvais ; sa
moralité est déplorable. Elle accoucha una
première fois d'une fille que ses grands
parents sont forcés de recueillir et d'éle-
ver. Lorsqu'elle devient mère une seconde
fois, elle manifeste à plusieurs reprises1
l'inteution d'abandonner son enfant.
A l'audience
L'accusée aussitôt entrée dans la salle
d'audience, met son mouchoir sur ses.
yeux et refuse obstinément de répondre.
Quarante témoins sont cités. Deux d'en-
tre eux qui ne comparaissent pas, sont
condamnés à une amende de cent francs.
En présence du de la fille
Marquet, le président passe à l'examen
des faits.
11 ommence par rappeler les antécé.
dents de l'accusee, les deux grossesses,
la liaison avec le fils Joubert qui rompit
définitivement avec elle, avant le crime ;
l'assassinat et le découpage du cadavre,
qui eut lieu dans la cuisine et avec une
énergie et une précision telles que l'on,
crut tout d'abord qu'il avait été fait par
un boucher.
Que sout devenus la tête et les bras de
l'enfant?
L'interrogatoire auquel l'accusée a tou-
jours refusé de répundre, étant terminé,
M. Druet, l'avocat dé.enseur, dépose des
conclusions tendant à ce que l'affaire soit*
renvoyée à une autre session pour exa-1
men médical de la fille Marquet. Mais la
Cour rejette ces conclusions et il est pro-
cédé à l'interrogatoire des témoins.
Audition des témoins
Albert Limousin est le jeune homme
qui a découvert le sac contenant le ca-
davre. 11 est entendu le premier. Vient
ensuite le maréchal des logis de gendar-
merie de Ghâtellerault qui a commencé
l'enquête.
Le long défilé de témoins n'a rien ajH
pris de nouveau. La déposition des clu-
A PARIS
I8 - Rue Richer — 1S
Les articles non insérés ne seront pas rendus
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JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le Numéro : 5 centimes
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UN AN. 20 FR.
SEIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5585
VENDREDI 5 AOUT 1892 .-.
18 THERMIDOR. — AN 103 0
La « LANTERNE» est le seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
PROCEDES DE RALLIE
Décidément, c'est Gazeau qui a fait
le coup. Du moins, jl l'avoue.
Nos lecteurs connaissent l'incident.
Candidat aux élections pour le Con-
seil général dans le canton de Tours-
sud, ledit Gazeau qui, se rendant
compte de sa nullité, a la manie des
recommandations, avait sollicité d'un
certain nombre de ses amis plus ou
moins en vue, des lettres laudatives à
l'appui de sa candidature.
Ces lettres reçues, il les avait fait
tirer à un chiffre considérable d'exem-
plaires dont il s'était empressé d'inon-
der le canton sur lequel il avait jeté
son dévolu.
Parmi ces recommandations, il y en
eut une qui attira dès l'abord l'atten-
tion. Elle portait comme en-tête : Li-
gue populaire pour la revendication des
libertés publiques. Bordeaux. Prési-
dent : Etienne Lamy, ancien député.
Elle était signée du nom de M. Gaston
David. Sous ce nom, on lisait la men-
tion suivante : Beau-frère de M. Sadi
Carnot, président de la République.
On comprend l'émoi que cette lettre,
dont la signature se trouvait apostillée
d'un tel nom, souleva parmi les répu-
blicains du canton.
M. Gazeau, réactionnaire avéré mal-
gré l'étiquette vaguement républicaine
qu'il avait prise pour la circonstance,
se présentant aux électeurs sous le pa-
tronage du président de la République!
Ce fut une stupéfaction générale.
On crut tout d'abord à une audacieuse
plaisanterie.
On attendait un désaveu au moins
indirect de l'Elysée, en tout cas une
protestation formelle du beau-frère de
M. Carnot.
Ni l'Elysée, ni M. Gaston David ne
donnèrent signe de vie.
C'était donc vrai, le président de la
République, par l'entremise de son
beau-frère, mettait l'autorité de son
nom au service d'une candidature poli-
tiquement décriée !
Le scandale étant à son comble, les
républicains du canton envoyèrent
quelques exemplaires de cette lettre à
la Lanterne pour l'informer du fait, lui
demandant ce qu'il fallait en penser.
Nous avouons que malgré tout, et
bien que la connivence de l'Elysée avec
les ralliés soit malheureusement dé-
montrée, nous ne pûmes nous défen-
dre d'un profond étonnement au reçu
de ces documents.
Mais il n'y avait pas à en douter, le
nom de M. Carnot figurait en toutes
lettres au bas du papier électoral re-
commandant chaudement la candida-
ture d'un réactionnaire.
Nous fîmes notre devoir : nous pu-
bliâmes la lettre en l'accompagnant
des commentaires qu'elle comportait.
Là-dessus le scrutin eut lieu ; M. Ga-
zeau remporta la veste qu'il méritait,
et aussitôt les désaveux de la recom-
mandation présidentielle, si vainement
attendus dans le canton de Tours-Sud
avant le jour de l'élection, commen-
cèrent à affluer.
Ce furent d'abord les journaux offi-
cieux qui déclarèrent en termes indi-
gnés que le président de la République
était incapable d'une pareille incorrec-
tion.
Puis vint le tour de M. Gaston David
qui. ayant supporté en silence l'abus
que l'on faisait de sa lettre pendant la
période électorale, se réveilla tout à
coup de sa torpeur après l'échec de son
candidat, et nous requit d'insérer im-
médiatement une protestation catégo-
rique contre l'adjonction a sa signature
de la mention relative à sa parenté pré-
sidentielle.
Enfin, voici M. Gazeau lui-même qui
nous écrit aussi sa petite lettre, non
pour protester, celui-là, mais pour
nous donner le mot de l'énigme.
C'est lui qui a tout fait ; c'est lui qui,
ayant reçu la lettre de M. Gaston Da-
vid, y a ajouté en tête le nom de M.
Lamy, ancien député, et en queue celui
de M. Carnot, ancien député aussi et
actuellement président de la Répu-
blique.
Mais dépêchons-nous de donner cette
lettre. Elle est inénarrable : tout com-
mentaire en affaiblirait la haute sa-
veur.
La voici
A monsieur le directeur de la Lanterne
Monsieur le directeur,
< On me communique votre article de diS
manche sur M. G. Divid. Effectivement j'ai
eu le plaisir d'être en correspondance avec
lui. Mais je tiens à établir que jamais il ne
s'est prévalu de sa parenté avec M. Carnot.
et que jamais il n'a signé : beau-frère de
M. Carnot.
J'ajoute encore que s'il a bien voulu m'a-
dresser des vœux chaleureux pour le succès
de ma candidature et celui de mon pro-
gramme, qui est celui de la Ligue populaire,
l'en-tête des lettres de la Ligue ne porte
point non plus le nom de M. Lamy, pré-
sident.
Le bon sens, d'ailleurs, ne permettait au-
cun doute à cet égard, et vous auriez été
l'avant-dernier, ap: ès votre correspondant, à
vous y laisser tromper.
En ce qui me concerne, s'il y a eu là pro-
cédé électoral, il n'entaclie guère la loyauté
(iu candidat,et je prétends n'en devoir compte
qu'à MM. Lamy et G. David. J'attends d'ail-
leurs que des candidats plus scrupuleux que
moi me jettent la première pierre.
Je compte, monsieur, sur vocre loyauté vis-
à-vis de M. Gaston David pour insérer cette
lettre.
Agréez, monsieur, mes sentiments bien
distingués.
E. GAZEAU.
Tours, 2 août 1892.
Que pensez-vous de l'épitre ? N'est-
ce pas exquis, comme cynisme et com-
me jésuitisme?
Ah! M. Gazeau, ancien magistrat,
paraît-il, est d'une jolie force.
Il avoue, sans avouer.
Il déclare que, dans sa correspon-
dance avec lui, M. Gaston David ne
s'est pas prévalu de sa parenté.
Puis, omettant de dire que c est lui qui
de sa propre main a ajouté la mention
dont il s'agit, il saute tout de suite à
l'appréciation du « procédé électoral »
qui, insinue-t-ii, ne lui semble guère
entacher sa loyauté.
En effet, quel crime a-t-il donc com-
mis cet excellent Gazeau ? Il a apostillé
lui-même, du nom du président' de la
République, sa candidature.
N'est-ce pas la un acte aussi inno-
cent que celui du banquiste qui,
sans penser à mal, aj oute quelques zé-
ros sur une traite tirée en sa faveur?
Et voilà les mœurs de ces gens-là !
Voilà comment les ralliés entendent
l'honneur !
Un faux en écritures publiques et tel
qu en bonne morale il serait punissable
des travaux forcés, c'est un procédé
tout simple qui n'entache pas la
loyauté.
— Du reste, ajoute M. Gazeau, cela
ne regarde que moi et ceux d on j'ai
falsifié la signature. Je prétends n'en
devoir compte qu'à eux.
N'en déplaise à ce délicat person-
nage, son acte est un attentat à l'hon-
nêteté publique et, comme tel, il relève
du tribunal de l'opinion, sans préjudice
des poursuites que les victimes de la
fraude pourront, s'il leur convient,
intenter devant la justice.
Ce procédé électoral, qui dénote une
morale si particulière, il nous appar-
tient d'autant plus de le juger qu il ca-
ractérise la politique de tout un parti.
Ancien monarchiste, ancien fioulan-
giste, ancien complice de tous les par-
tis hostiles à la République, M. Gazeau
est le type du rallié à nos institutions.
Mentant aux électeurs en se disant
faussement le protégé de M. Carnot, il
leur ment aussi audacieusement quand
il se proclame républicain.
Ne jugeant pas son honneur entaché
quand il commet un faux, comment hé-
siterait-il à se prévaloir de sentiments
républicains qui ne sont pas les siens?
La voilà, la politique du rallié; ce
n'est, du commencement à la fin, qu'une
falsification éhontée.
Le pays d'ailleurs a démasqué tous
ces faussaires ; il a pris leurs menson-
gères professions de foi pour les en
souffleter.
Il a vu clair dans le jeu des Gazeaux à
double fond ; et, dans un énergique
haut de cœur, il les a expulsés de la
République qu'ils avaient tenté de cro-
cheter.
Justice est faite.
Il nous reste toutefois à déplorer l'in-
cident Gazeau.
Ce n'est pas sans un sentiment de
honte que nous constatons qu'il a fallu
l'attestation de ce personnage pour
écarter le soupçon qui pesait sur la
correction de M. Carnot en matière
électorale.
Il est vivement à désirer qu'il n'y ait
plus lieu d'invoquer en faveur du pré-
sident de la République le témoignage
d'un Gazeau.
UN AUTRE RALLIE
M. Gauthier (de Clagny)
M. Gauthier (de Clagny), député, nous
adresse la lettre suivante au sujet de no-
tre compte rendu des résultats du scrutin
de dimanche dernier :
Monsieur le directeur,
Dans le compte rendu des élections séna-
toriales, vous m'avez classé sous une déno-
mination inexacte.
J'ai été élu comme candidat républicain,
avec un programme nettement républicain.
Veuillez agréer, monsieur le directeur,
l'assurance de ma considération la plus dis-
tinguée.
A. GAUTHIER (DE CLAGNY).
Si nous avons commis une erreur tou-
chant les opinions de M: Gauthier (de. Cla-
gny), on avouera qu'elle était inévitable.
Elu comme boulangiste en 1889, estam-
pillé par l'aspirant dictateur en compa-
gnie des réactionnaires qui, à cette épo-
que, composaient exclusivement le parti
du général, M. Gauthier (de Glagny) n'avait
aucun titre à ce que nous lui décernions
l'épithète de républicain.
Il parait que depuis il s'est rallié à la
République. 11 ne s'en suit pas qu'il soit
devenu républicain.
Quoiqu'il en soit, nous donnons acte de
sa déclaration à M. Gauthier en le priant,
pour éviter toute erreur ultérieure, de
nous tenir au courant des évolutions po-
litiques qu'il pourrait être tenté de faire
à l'avenir, si le vent venait à changer.
TROP UE ZElEI
Entourage compromettant
L'article que l'on va lire a été publié
hier dans la Justice, sous la signature de
M, Camille Pelletan :
Nous n'avons pris aucune part à la polé-
mique soulevée dans les journaux sur la ré-
élection présidentielle, l'heure ou la ques-
tion se posera d'une façon utile étant encore
un peu éloig iée.
Mais il e-t impossible de ne point remar-
quer que la réponse qui semb e la plus ély-
séenne, à ce que l'on a dit à ce sujeo, a paru,
hier matin dans le Figaro.
Le F garo déclare que M. Carnot n'est pour
rien dans cette réponse. Nous le croyons
sans peine. — Il ajoute que M. Brugèrc n'y
a pas non plus collabore. — Nous voulons
l'espérer. Nous tenons pour certain que M.
Brugèie n'a plus d'autre pensée que de con-
duire sa division au feu:
Mais la note du Figaro n'en manifeste pas
moins des préoccupations d'entourage aux-
quelles il serait temps de mettre un terme.
Ce n'est point le président de la Républi-
que que la Constitution charge de choisir le
président de la Répuulique. Et l'un des mé-
rites de M. Carnot est précisément d'avoir
obtenu, sans l'avoir sollicite, le poste impor-
tant qu'il occupe.
Le Figaro essaye de faire croire que la di-
gnité du pouvoir peut jouer un rôle dans
l'ailaiie. La plaisanterie est un peu f,;rte,
Quelle question de dignité, pour le pouvoir,
peut dépendre de la solution à adopter sur la
durée des pouvoirs présidentiels ?
On p rie môme de stabiliié. C'est une plai-
santerie encore plus forte. La stabilité de
nos institutions n'est heureusement enfer-
mée dans aucun nom propre.
Il serait à souhaiter que l'entourage du pré-
sident ne semblât pas chercher à compro-
mettre son nom. M. Crunot ne peut-il donc
pas so débarrasser des ennemis qu'il a chez
lui?
INFOMATIONS
Ouverture de la chasse
Le ministre de l'intérieur a décidé quo la
date de l'ou erture de la chasse pour les de-
partements de la première zone serait fixée
au 21 août, pour la seconde zone au 23 août,
et pour la troisième au 4 septembre.
Elections sénatoriales
Les électeurs sénatoriaux de Saône-et-
Loire sont convoques pour le 18 septembre,
à l'effet de pro., étier au remplacement de M.
Matney. décédé.
Les consens municipaux du département se
réuniront lu 14 août pour nomuicr leurs délé-
gués sénatoriaux.
, Chaire d'agriculture
Le ministre de l'agviculture vient d'insti-
tuer une chaire spéciale d'agriculture à
arrondissement de lIaugé (Maine-
et-Loire).
Le titulaire de cette chaire devra faire cha-
que année :
1* Un cours d'adu tes à Beaufort et dans
les coaimunes rurales qui seront désignées,
pendant le mois de mars de chaque année ;
2' Un cours régulier d'agriculture au col-
lège de Beaufort.
GUILLAUME Il EN ANGLETERRE
Lord Salisbury. Dlaer chez la reine
Cowes, 3 août. — Contrairement à ce
qui avait été primitivement arrêté, l'em-
pereur d'Allemagne dînera ce soir à Os-
borne avec la reine. Le marquis et la mar-
quise de balisbury seront au nombre des
convives.
La reine offrira demain un grand ban-
quet à bord du yacht royal Victoria aiid
Albert; elle y sera représentée par le prin-
ce de Galles.
Insuccès persistant
Cowes, 3 août. — Les yachts do l'empe-
reur d'Aliemagae et du prince Henri ont
pris part à des courses aujourd'hui mais
sans aucun succès.
AU CONGO.
Les réclamations françaises
Nous croyons savoir que le gouverne-
ment français maintient dans leur teneur
complète les réclamations qu'il a adres
sées a l'état libre du Congo.
LE
SUPPLÉMENT LITTERAIRE ILLUSTRÉ
DE
La Lanterne
QUI PARAIT AUJOURD'HUI JEUDI
CONTIENT :
Au Maillot, par RICHARD O'MONROY;
Pour Souper, par HUGUES LE Houx;
L'Entr'acte, par JEAN AJALBERT; La
Morte embaumée, par MAURICE HOLLI-
NAT; Un Père, par GEORGES DE Lvs ; A
Mia, par EMILE GOUDEAU ; La Photogra-
phie, par VAIIENNE, etc., etc. -
Plus la suite des intéressants feuille-
tons : Le Pavé de l'Enfer, par M. MAU-
RICE DRACK; Mademoiselle Jaufre, par
MARCEL PREVOST ; Une vieille Maîtresse,
par J.BARBEY D'AUREVILLY.
Enfin : Un Projet qui dépasse son
but, dessin, par SAINT-LJREIGNAN.
LE SUPPLÉMENT LITTÉRAIRE ILLUSTRÉ
DB
La Lanterne
QUI PARAIT LES LUNDI ET JEUDI
EST EN VENTE PARTOUT
S~ LE NUMERO 5Mt
-. EN ITALIE
LES FINANCES ET LE DÉFICIT
Embarras du cabinet. — Emprunts
avortés. — L'or tunisien. — Cui-
rassés et fortifications. — Dy-
namitards encouragés.
(De notre correspondant particulier)
Rome, 1er août. — La situation du ca-
binet Giolitti, devient chaque jour plus
embarrassée. M. Grimildi, le nouveau
ministre du Trésor et des finances, ne
cache point son ennui. Plein de bunne
volonté et d'illusions, il avait espéré ré-
soudre le problème, fût-ce au prix d'im-
pôts nouveaux ou d'emprunts. Il comp-
tait sur un petit déficit de iJU millions à
combler, mais voilà que les recettes ont
donné 50 millions de moins que les pré-
visions ; cela fait d'un coup 80 millions
de déficit, sans compter 35 autres pour
erreurs d'additions ou pour transpositions
de crédits, erreurs reconnues aujourd'hui.
Bref, à la rentrée, il va falloir accuser
i Bref, à 120 millions de déficit. M. Gri-
ilis
maldi, qui est cependant le plus souple et
le pius élastique des mathématiciens, en
donne sa langue au chat.
Il devait prendre quelques jours de re-
pos. Il y renonce. Il lui faut persister à
pâlir sur l'équilibre d'une balance impos-
sible à équilibrer.
On aurait voulu contracter un petit em-
prunt. M. Genala fait une tournée en
.France à ce sujet. La chose ne va pas
toute seule, et la direction du mouve-
ment des îonds publics a Rome publie
pour l'aider une note bien amusante.
(jette note constate que, depuis un an,
(ce n'est pas trop tôt) un grand nombre
de titres de rente italienne ont émigré en
Allemagne eL elle conclut : « Il faut nous
a en féliciter, car ceci prouve combien
» notre rente est estimée à l'étranger! »
On reçoit un coup de pied quelque part ;
il faut s'en féliciter, cela prouve que la
rondeur du derrière attirait le pied du
voisin. Rien à dire à cela. Les Français
pourront, d'ici à l'an prochain, doubler la
satisfaction du directeur du mouvement
en Italie.
Expédients financiers
L'emprunt devenu presque impossible,
on a sougé à la cession de la îvgie des
tabacs. L'affaire était presque conclue en
France ; au dernier moment certains coo-
pérants ont hésité devant l'opinion publi-
que. L'affaire est en suspens. On attend
i'issue ues lêies de Gênes pour la repren-
dre.
On s'est borné pour l'instant à rendre
un décret qui admet les monnaies d'or tu-
nisiennes au cours légal. Parbleu ! ou ne
voit pas un jaunet en Jtaiie. La Tunisie
va donner les siens, en échange desquels
on lui remettra ce papier devenu impos-
sible à changer dans la péninsule.
il y a là un gros danger pour la Tu-
nisie. Elle va se trouver avant peu en-
combrée de billets de 5 et 10 francs et
des écus italiens en dépôt dans les Ban-
ques. Qu'en fera -t-elle ? Si elle compte
sur la France p -ur les ébouler, il faut es-
pérer quo nos Administrations publiques
y mettront obstacle. -
Les armements
N'oublions rien, pas même qu'on met en
chantier en ce moment un cun'assé de 110
mètres, de 13,5uO chevaux et de 50 ca-
nons, sans compter les 8 canons de 159
des toureiles, auquel on va donner le nom
de Furio CamÛlo, en réponse à notre
Brennus.
N'oublions pas davantage cette petite
information reproduite par tous les jour-
naux : « On étudie au ministère de la
guerre le plan d'une seconde ligne de
fortifications alpines qui devra être cons-
truite dans le pais brei délai. Cette nou-
velle ligne de fortifications est nécessitée
par les travaux axecutés sur la frontière
française depuis le ministère Freycinet».
lions Français, courez apporter votre
or à l'Italie, pour qu'elle construise ses
cuirassés et ses fortifications 1
Crise économique et politique
Si le ministère est embarrassé financiè-
rement, il ne l'est pas moins dans l'ordre
économique et politique. On a constaté
que dans la Vaiteline on payait en impôt
'lU 0/0 du revenu; à Rome 65; en Lombar-
die, 30;j en Vénétie, 40. En Toscane, en
Busiucate, en Sardaigne, les petits ren-
tiers abandonnent leurs propriétés au
percepteur, ne pouvant plus payer les
taxes. Allez donc frapper un pays de nou-
veaux impôts dans de telles conditions.
bn politique, la lutte se dessine nette-
ment.
Giolitti travaille pour lui. Il n'aura pas
de pires ennemis dans trois mois que
et Zanardelli, bien qu'il suive leur
politique. il ne veut pas tirer les mar-
rons pour d'autres. Seulement ses adver-
saires sont uangereux et il est douteux que
Giolitti trouve moyen de les mater.
Procès anarchiste
Ce ne sera certainement pas avec des in-
cidents comme celui de la prison centrale
à Rome, qui fait comparer l'Italie à une
simple Bulgarie et Giolitti à btambou-
lolï.
On sait qu'après avoir subi dix-huit
mois de prison préventive, - Cipriani a été
condamne comme anarchiste, coupable
u'avoir excité le peuple à la révolce, en
1890, le 1er mai. On sait aussi qu après ces
dix-huit mois, Cipriani et ses 61 co-accu-
tés ont dû subir trois muis de débats, en-
fermés' dans une cage, comme des fau-
ves.
i ,a plupart des condamnés en ont rap-
pelé.
- Le procès n'est pas jugé en appel. Les
condamnés de pre uière instance ne sont
donc que des détenus, ayant uroit de com-
muniquer avec certaines personnes, no-
tauiment leurs avocats, et de recevoir
certaines correspondances, notamment
des comités électoraux. Enfin, personne
n'ignore qu il y a deux catégories d'anar-
cmstes, les uns, les dynainitards, qui veu-
lent la propagande par le crime, les au-
tres, les apôtres qui s'en tiennent aux
écrits, aux discours, à la propagande par
l'éducation, la persuasion. Cipriani est de
ces derniers. Le gouvernement italien,
en le détenant pour un délit qu'il n'a pas
commis, commet donc déjà une lourde
faute.
il l'a aggravée singulièrement en en;
voyant des -alguazils dans la cellule de
Cipriani, sous prétexte de perquisition
sur lui-même. Révolté, Cipriani refusa de
se laisser toucher. « J'en ai assez des
» vexations odieuses, honteuses de votre
» gouvernement. Il me traite comme si
» j'étais hors la loi, hors la socié-té, c'est
» une honte ! »
Et Cipriani résista aux cinq ou six
sbires qui lui déchirèrent ses vetements,
lui arrachèrent ses cheveux et sa barbe,
et le rossèrent atrocement! Voilà ce qui
se passe, en 1892, dans les prisons romai-
nes de la triple alliance !
Est-ce qu'elles ont désormais quel-
que chose a envier aux prisons du Saint-
Qffice, dont la Lanterne remet les hor-
reurs si opportunément en lumière! La
péninsule, il faut le reconnaître, a tres-
sailli. Alors Giolitti s'est excusé en ac-
cusant les ambassadeurs de Vienne, de Ber-
lin et de Paris de lui avoir porté les
preuves que Cipriani correspondait de sa
prison avec les, narchistes étrangers.
Que Vienne et Berlin aient parlé ainsi,
c'est possible, et ils n'ont fait que mentir.
Mais que .\J. Giolitti ait cru devoir mêler
M. Billot à l'incident, c'est là un crime de
lèse-convenances. Notre ambassadeur, je
suis en mesure de l'affirmer, n'a jamais
dénoncé Cipriani à l'autorité italienne.
Un bon voisin
Savez-vous ce qu'el e fait des anarchis-
tes (dynamitards ceux-là) l'autorité ita-
lienne, quand elle s'aperçoit qu'ils ne
cherchent à travailler qu'en France? Elle
les relâche. Une preuve, la voici :
Un anarchiste, nommé M., a été ar-
rêté à Turin pour avoir tenté des confé-
rences contre l'ordre, la société, les insti-
tutions, etc. Une perquisition a amené la
découverte, chez lui, de nombreux pla-
cards, écrits incendiaires, auto^raphies
contenant vingt recettes et moyens de
fabriquer et employer des engins dyna-
mitards et incendiaires, appels autogra-
pitiés à employer ces engins à un jour
donné, etc.: etc., liste d'affiliés, etc., en-
fin l'autographie faite par ledit M. de la
lettre adressée aux jurés de Montbrison,
lurs du procès Ravachol. C'est avec ce
bagage que M. s'est présenté au tribu-
bunai de Turin.
— Vous aviez l'intention d'attenter aux
jours du roi ? lui dit le président.
— Jamais de la vie 1 répond l'accusé.
— Aux institutions monarchiques?
— Pas davantage.
— Au mariage ?
— Encore moins.
— C'est bien. Vous êtes libre I
LES ANARCHISTES
Charles Friedlingfdorf, dit Il « Alle-
mand », dit « Petit Charles ».
Notre série de portraits d'anarchistes
s'enrichit d'un sujet nouveau : Charles
Friedlingfdorf, le compagnon allemand,
arrêté il y a Quel-
ques jours à la
place de la Bourse.
Charles Fried-
lingfdorf est né à
Cologne le 7 juin
1870. Profession :
anarchiste inter-
national — travail
peu fatigant et de-
mandant peu d'ap-
prentissage.
Arrêté le 22 juil-
let sur la place de
la Bourse par des
riediingfdorf agents de la bri-
gade des recher-
ches, Friedlingfdorf refusa d'abord de
donner son nom.
L'insistance qu'il mettait à cacher son
identité fit croire que l'on se trouvait en
présence de Placide Schouppe, l'anar-
chiste fameux, évadé en 1891 du bague de
la Guyane, en même temps que Pini, re-
pris quelques jours plus tard.
Mais Friedlingfdorf, après quelques
jours de cellule, se décida à parler; il dit
d'abord s'appeler Karl Henri, puis Char-
les, dit Petit Charles, et enfin, sur les
instances de M. Atthalin et de M. Bertil-
lon, qui était parvenu à retrouver son
portrait dans les pièces du service de
mensuration, l'anarchiste finit par « se
déboutonner » et entra dans la voie des
aveux. Grâce aux indications qu'il fournit,
la police arrêtait le lendemain les époux
Ferdinand, et les révelations faites par
ces derniers amèneront sans doute de
nouvelles arrestations importantes.
EN BELGIQUE
La revision. — Nouvel ajournement.
Bruxelles, 3 août. - La commission par-
lementaire, chargée d'étudier les projets
de revision, s'est réunie ce matin de dix
heures à midi et demi.
La commission a procédé d'abord à la
nomination de son bureau. Elle s'est en-
tretenue ensuite du programme à suivre
pour arriver rapidement à terminer ses
travaux. Les membres de la commission
ont décidé d'adresser au gouvernement
une série de questions : elle a demandé
entre autres un tableau satistique établis-
sant quel serait le nombre total des élec-
teurs dans le cas où l'on a-corderait le
droit de suffrage à tous ceux qui ont 21
ans et 2 ans de résidence, ou à tous ceux
qui ont 15 ans d'âge et 1, 2 ou 3 ans de ré-
sidence, etc.
Pour que le gouvernement ait le temps
de se procurer ces renseignements, la
commission s'est ajournée au mois d'oc-
tobre ; à cette époque, elle tiendra trois
séances par semaines.
Tous les pr jets parlementaires seront
traduits en flamand.
AU MAROC
Bataille imminente
Tanger, 3 août. — La cavalerie et l'in-
fanterie marocaines se préparent à livrer
une grande bataille aux Angherites sa-
medi prochain.
De nouveaux contingents arrivent cha-
que semaine de l'intérieur pour se join-
dre à l'expédition marocaine contre les
insurgés,
Dimanche et hier, on a expédié de Tan-
ger à Fez 50 caisses de munitions et 10,000
n.hu~ ¡
UNE MARATRE
UN ENFANT COUPÉ EN MORCEAUX
La découverte du cadavre. — Résumé
des faits. — Mutisme absolu. —
Le verdict.
Le 21 mars dernier, la Lanterne publiait
une dépêche de son correspondant parti-
culier de Cliâtellerault, annonçant qu'on
venait de découvrir à Ingrandes, dans un
ruisseau, le cadavre découpé d'un enfant
dont le sexe ne put tout d'abord être éta-
bli.
Le lendemain, des détails complets que
nous recevions nous permettaient de pu-
blier un article des plus circonstanciés et
accompagné de dessins.
C'est gràce à la publicité faite autour
de cette affaire par la Lanterne que la
justice, après avoir égaré ses sou-pçons
sur une fam.lle de saltimbanques, a fini
par mettre la main sur la véritable cou-
pable, la fille Marie-Zoé Marquet, mère
de la victime.
L'acte d'accusation
L'acte d'accusation reproduit les condi-
tions dans lesquelles le crime fut décou-
vert. Ce document est à ce point confor-
me aux renseignements que nous avons
publiés, qu'il nous suffira d'un rapide ré-
sumé pour remémorer l'affaire.
Le dimanche 20 mars, entre 3 et 4 heuq
res de l'après-midi, des jeunes gens
étaient occupés à chercher des appâts d&
pèche le long d'un ruisseau situé dans la
commune d'ingrandes, lorsqu'ils aperçu-
rent sous le pont de la Palu l un sac émer-
geant de l'eau très peu profonde à cet
endroit; ils retirèrent ce sac à l'aide d'une
perche et l'ouvrirent. Il contenait le troac
horriblement uutilé d'un enfant dont on
avait coupé la tête et arraché les mem-
bres, les cavités thoraciques et abdomi-
nales, qui étaient béantes, laissaient voir
les poumons, le cœur et le foie, les autres
organes avaient été enlevés.
En l'absence des organes essentiel?; les
premières constatations médicales ne
permirent pas de reconnaître le sexe de
la victime et de détermiuer exactement
son âge; mais après un nouvelle examen
il put être étanii que ce cadavre était
celui d'un garçon d'environ 5 ans, dont la
mort devait être attriouée à une asphyxie
par suffocation. Aucune disparition d'en-
fant n'ayant éLé constatée dans la région,
il semblait tout'd'abord qu'un pareil crime
n'avait pu être commis que par des étran-
gers ; mais bientôt les soupçons se por-
tèrent sur une fine installée depuis peu
de temps dans la rue Villevert, à Châtel-
lerault.
Cette fille n'était autre que Marie Mar-
quet qui se faisait appeler veuve Joubert,
du nom d'un de ses amants actuellement
sous les drapeaux. -
- Marie Marquet, qui était mère de deux
enfants avalt amené avec elle le plus
jeune, ua petit garçon de 5 ans, en venant -
habiter rue Vilievert, or les voisins ne
voyaient plus cet enfant depuis plusieurs
jours.
Culpabilité
La gendarmerie, prévenue de cette dis-
parition, l'iuterrogea, celle-ci répondit
que Sun enfant se trouvait depuis une
quinzaine do jours chez une de ces tantes,
à Archigny. Mais aussitôt, elle quittait
furtivement son domi.ile et, après avoir
loué une chamure dans le faubourg de
Châteauneuf, a l'autre extrémité de Châ.
tellerauit, craignant sans doute de ne pas
être en sûreté, elle se réfugia à Poitiers.
Une perquisition fut faite à son domi-
citei. elle amena la découverte dans la
fosse d'aisances de vis ères humains et
de la casquette à moitié brùlee de son
fils. Cette découverte ne laissait plus au-
cun douw sur la culpabilité de la fille
Aiarquet; le 4 avril elle était arrêtée à
Poitiers; le bruit de son arrestation s'y (
était déjà répandu et l'on dut prendre des
mesures de précaution pour la soustraire
aux fureurs de la foule dont l'indignation
était à son comble.
L'accusé renouvela immédiatement de.
vant le j uge d'instruction les aveux qu'elle
avait laiis quelques heures auparavant à.
la gendarmerie. Elle prétendit seulement
avoir agi à l instigation de Gustave Jou-
bert, son amant, qui l'aurait menacée de
la quitter si elle n'arrivait pas à se dé-
faire de son enfant.
L'information a démontré la fausseté de
cette accusation.
Les renseignements recueillis sur les'
antécédents de l'accusée sont mauvais ; sa
moralité est déplorable. Elle accoucha una
première fois d'une fille que ses grands
parents sont forcés de recueillir et d'éle-
ver. Lorsqu'elle devient mère une seconde
fois, elle manifeste à plusieurs reprises1
l'inteution d'abandonner son enfant.
A l'audience
L'accusée aussitôt entrée dans la salle
d'audience, met son mouchoir sur ses.
yeux et refuse obstinément de répondre.
Quarante témoins sont cités. Deux d'en-
tre eux qui ne comparaissent pas, sont
condamnés à une amende de cent francs.
En présence du de la fille
Marquet, le président passe à l'examen
des faits.
11 ommence par rappeler les antécé.
dents de l'accusee, les deux grossesses,
la liaison avec le fils Joubert qui rompit
définitivement avec elle, avant le crime ;
l'assassinat et le découpage du cadavre,
qui eut lieu dans la cuisine et avec une
énergie et une précision telles que l'on,
crut tout d'abord qu'il avait été fait par
un boucher.
Que sout devenus la tête et les bras de
l'enfant?
L'interrogatoire auquel l'accusée a tou-
jours refusé de répundre, étant terminé,
M. Druet, l'avocat dé.enseur, dépose des
conclusions tendant à ce que l'affaire soit*
renvoyée à une autre session pour exa-1
men médical de la fille Marquet. Mais la
Cour rejette ces conclusions et il est pro-
cédé à l'interrogatoire des témoins.
Audition des témoins
Albert Limousin est le jeune homme
qui a découvert le sac contenant le ca-
davre. 11 est entendu le premier. Vient
ensuite le maréchal des logis de gendar-
merie de Ghâtellerault qui a commencé
l'enquête.
Le long défilé de témoins n'a rien ajH
pris de nouveau. La déposition des clu-
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