Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-07-25
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 juillet 1892 25 juillet 1892
Description : 1892/07/25 (N5574,A16). 1892/07/25 (N5574,A16).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
ADMINISTRATION. RÉDACTION ET ANNONCES
A PARIS
I8 .- Rue Richep - 1S
Les articles non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5 FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN. 18 FR.
JOURfiAL POLITIQUE- QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS 1.1. :
Le Numéro :. E5 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS 11 FR.
UN AN. 20 FR.
SEIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5574
LUNDI 25 JUILLET 1892 .0
E) 7 THERMIDOR. — AN 100 ®
La «LANTERNE» est le. seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
LE PROCHAIN SCRUTIN
D'aujourd'huien huit auront lieu dans
toute la France, le département de la
Seine excepté, des élections pour le re-
nouvellement par moitié des Conseils
généraux et des Conseils d'arrondisse-
ment.
Le nombre des conseillers généraux
soumis au renouvellement est de 1,426;
celui des conseillers d'arrondissement
à renouveler est de 1,736.
Comme on le voit, sans avoir la mê-
me importance, au point de vue numé-
rique, que les élections qui ont eu lieu
au mois de mai dernier pour le renou-
vellement des Conseils municipaux, le
scrutin de dimanche prochain aura la
signification d'une consultation natio-
nale.
Nous n'avons, quant à nous, aucune
inquiétude sur les résultats à attendre
de cette consultation.
Elle sera, comme nous n'en doutons
pas, une nouvelle victoire pour la Ré-
publique.
Ainsi que nous l'avons reconnu à
l'occasion des élections municipales de
mai dernier, on pouvait à cette époque
concevoir quelques craintes.
On avait mené une campagne si au-
dacieuse et en même temps si hypo-
crite en faveur de la politique dite d'a-
paisement, et qui n'est qu'une politique
d'abdication entre les mains des an-
ciens partie ; le gouvernement avait eu
de telles défaillances et même de telles
complicités en présence des empiéte-
ments tentés par le cléricalisme sous
l'étiquette républicaine, qu'on avait
quelque sujet de redouter que le suf-
frage universel ne se fût laissé déso-
rienter et ne commît la faute de se li-
vrer à ses pires ennemis, soi-disant re-
conciliés avec la République.
Il n'en a rien été : avec une clair-
voyance et une fermeté qui déjouèrent
les manœuvres de la réaction, le pays,
abandonné par le pouvoir, se défendit
lui-même contre les entreprises des
partis déchus, auxquels il infligea une
mémorable et définitive défaite.
Il en sera de même dimanche pro-
chain. Le scrutin cantonal du 31 juillet
sera digne du scrutin municipal du
1er Mai.
Nous avons d'autant plus de raisons
de l'espérer, que les cantons n'ont pas
cessé de manifester la plus grande fer-
meté électorale.
D'après un relevé qui porte sur les
trois dernières années, il y a eu pen-
dant ce laps de temps 329 élections par-
tielles aux conseils généraux.
Eh bien, sur ces 329 élections, 272 ont
abouti à la nomination de conseillers
généraux républicains, les réactionnai-
res n'ayant pu se maintenir que dans
57 cantons.
La proportion est d'autant plus ras-
surante que ces élections ne se sont pas
limitées à certaines régions plus parti-
culièrement attachées à la République.
Elles ont eu lieu dans tous les départe-
ments à peu près.
La situation étant aujourd'hui beau-
coup plus nette qu'il y a quelque temps,
par suite de l'attitude un peu moins dé-
faillante du gouvernement ou pour
mieux dire de certains ministres, la
marche ascendante de l'idée républi-
caine ne fera que s'accentuer au scrutin
du 31 juillet, et nous aurons, ce jour-là,
une nouvelle victoire à enregistrer.
Il ne faudrait pas néanmoins que la
certitude du succès ralentît le zèle des
électeurs. Nous sommes sûrs de vain-
cre, mais c'est à condition que chacun
fasse énergiquement son devoir et ne
compte que sur soi-même.
Pour être défait et vaincu d'avance,
l'ennemi n'en doit pas moins être sur-
veillé de près.
N'ayant plus que cet atout dans son
jeu, il ne compte que sur l'apathie
que la certitude de vaincre peut en-
gendrer dans l'esprit des électeurs ré-
publicains.
Les réactionnaires n'ont plus que
d'infimes minorités, mais d'autant plus
actives et disciplinées qu'elles sont des
minorités.
Ils ont de plus pour eux l'incessante
propagande du clergé, propagande re-
doutable parce qu'elle est insaisissa-
ble, et que, par le confessionnal, elle
s'insinue secrètement au foyer même
de ceux contre lesquels elle s'exerce.
Il y a ensuite un autre danger à évi.
ter, et qui est propre au scrutin canto
nal : ce danger, c'est l'influence du
château.
Expulsés des emplois publics, les
réactionnaires se sont réfugiés dans
leurs gentilhommières; ils s'y sont cm
busqués, et de là, grâce à la fortune
qu'ils tiennent non de leur travail mais
de la faveur des anciens régimes, ils
bombardent la République de soi-
disant bonnes œuvres intéressées qu'ils
répandent, non par charité mais dans
un but électoral, parmi les populations
qui environnent leurs manoirs.
C'est un fait d'ailleurs à remarquer
que ces bonnes œuvres ne se produi-
sent guère qu'aux approches des scru-
tins.
Bien que, par leur intermittence
même, leur but soit visible, elles n'en
sont pas moins de nature à exercer une
certaine influence qui, en plusieurs
circonscriptions, peut fausser le scru-
tin.
Il faut s'attacher à détruire cette in-
fluence : il faut montrer aux popula-
tions ainsi sollicitées par les fortunes
réactionnaires, que si elles se laissaient
entraîner, ce serait de leur part ven-
dre leurs droits civiques pour un plat
de lentilles.
Ces bons de pain qu'on leur distribue,
ces vêtements chauds qu'on leur donne
pour les petits enfants, ces autorisa-
tions qu'on leur accorde de glaner, de
recueillir le bois mort dans les domai-
nes seigneuriaux, toutes ces gracieuse-
tés prodiguées grâce au milliard des
émigrés et à ce qui s'en est suivi, n'ont
qu'un but : faire servir les armes de la
liberté, c'est-à-dire le suffrage univer-
sel, à restituer les privilèges d'autre-
fois et à ramener sous la coupe de
leurs anciens exploiteurs, les citoyens
émancipés par la Révolution.
Quelque solidement établis que soient
aujourd'hui les principes démocrati-
ques, tant qu'il y aura en France une
corporation nobiliaire et une corpora-
tion cléricale, il faudra toujours se
méfier. Ce n'est pas pour rien que le
pape s'est fait socialiste, et qu'à sa
suite de grands seigneurs ont déclaré
vouloir s'intéresser aux souffrances
populaires.
Le meilleur moyen de déjouer tous
ces projets d'asservissement, c'est Ide
ne pas s'endormir dans la dangereuse
certitude que les principes justes se
défendent tout seuls, et de voter en
masse, envers et contre tous, pour la
République.
C'est ce que feront dimanche pro-
chain, les électeurs des cantons.
LES JÉSUITES A L'ÉTRANGER
Pas de musique pour la République
Les pères blancs du cardinal Lavigerie
n'ont pas fait école parmi les jésuites de
Madagascar.
C'est le Temps qui le constate avec
amertume à l'oct asion du récit d'une fête
qui a eu lieu à Tananarive et dans la-
quelle la musique des frères a joué les
airs nationaux de différents pays, y com-
pris le God save the Queen, en n cn ou-
bliant qu'un seul: la Marseillaise.
L'organe de la politique d'apaisement
rappelle que les pères jésuites de Mada-
gascar reçoivent une subvention du gou-
vernement pour renseignement du fran-
çais dans leurs écoles. Et voilà, s'écrie-
t-il douloureusement, le résultat de ces
sacrifices. Les élèves des jésuites jouent
le God save the Queen et ne jouent pas la
Marseilluisel
Ce qui nous étonne en cette affaire,
c'est 1 étonnement du Temps.
Les jésuites de Madagascar ne font pas
autre chose que ce que font leurs congé-
nères sur tous les points du globe, qu i!s
soient d'ailleurs jésuites, dominicains ou
d un autre ordre, bien que notre confrère
paraisse croire le contraire et oppose à
l'attitude des pères de Tananarive celle
des c ngrégations religieuses établies
dans d'autres légions, et qui, à l'en croire,
ne pensent qu'au développement de l'in-
fluen e française.
De la France, les uns comme les autres
ne connaissent que l'argent qu ils lui sou-
tirent. Pour le surplus, ils 1 ignorent.
Leur seule patrie est Rome. C'est pour
elle, et pour elle seule qu'ils travaillent.
———— )UU.M'
LA OUESTiON DU MAROC
Opinion d'un journal anglais
Londres, 23 juillet. — Le Daily Chroni-
de se demande quelles raisons aurait la
Grande-Bretagne de se lancer dans une
affaire au Maroc.
Notre longue occupation de l'Egypte
qui a été sans profit pour nous, dit-il, de-
vrait nous mettre en garde contre toute
velléité de recourir au sort des armes
dans l'empire de Mouley-Hassan.
Nous pouvons être sûrs que Ai. Glads-
tone ne répétera pas dans ce pays l'erreur
commise en Egypte ; et même dans ce
dernier cas, seion le témoignage de Ai.
JohnBright, ce n'est que lorsque Ai. Glads-
Lone vit son cabinet menace d'une désa-
grégation qu'il consentit à une interven-
tion armée en Egypte.
La Grande-Bretagne possède les trois
quarts du commerce du Maroc.
Cette circonstance nous autorise à
prendre les devants dans les négociations
en faveur du commerce européen au Ma-
roc, mais nous ne devons pas froisser les
susceptibilités des autres nations.
Il faut espérer que quand les négocia-
tions seront reprises à cet effet, on aura
trouvé le moyen d'obtenir la coopération
de la France.
LE BUDGET DES CULTES
DEPENSES OBLIGATOIRES ET DÉ-
PENSES FACULTATIVES
Dotations concordataires. — Les con-
grégations religieuses et le clergé
diocésain. — Les chiffres. —
Accroissements successifs
Ainsi que je l'ai déjà indiqué, le budget
des cultes tel qu'il est établi depuis de
nombreuses années, contient des dépen-
ses qui sont obligatoires en ce sens qu'el-
les sont imposées par la Convention con-
cordataire, et d'autres qui sont faculta-
tives pour l'Etat français parce que c'est
par la seule volonté de ses représentants
qu'elles ont été consenties.
Il n'y aqu'àsuivre un à un les ai-ticlesdu
Concordat et des lois organiques pour le
convaincre, que le pape qui stipulait pour
l'Eglise n'avait, au point de vue du tem-
porel, que deux ambitions : Rentrer en
possession des églises et des presbyières
et obtenir des traitements pour les évê-
ques et les curés.
Les autres ministres du culte devaient
se suffire au moyen des oblations des fi-
dèles et, en attendant, avec les pensions
viagères que l'on servait à quelques prê-
tres en vertu des lois de l'Assemblée na-
tionale. ,
, Tout le monde savait que les pensions-
allaient s'éteindre, mais on ne se préoc-
cupa pas d'en assurer la pérennité, espé-
rant que les libéralités des catholiques
suffiraient à entretenir les ministres qui
viendraient après. Et pour bien affirmer
cette pensée commune, le pre mier consul
consentit à autoriser des fondations en
faveur des églises, ce qui n'était pas une
mince concession à un-e époque où on
n'avait pas encore perdu le souvenir des
abus de l'ancien régime.
Si donc les choses avaient suivi leur
cours, l'Etat n'aurait pas eu à intervenir
dans le paiement des traitements des des-
servants et des vicaires.
Il est vrai qu'en 1801 il n'existait plus
de congrégations religieuses, que les lois
qui en proscrivaient la formation étaient
encore respectées, et on pouvait raison-
nablement admettre que les libéralités
des catholiques se concentrant sur les
églises permettraient la constitution d'une
somme de rentes suffisante pour fournir
à la subsistance du bas clergé.
Les lois révolutionnaires
Mais les lois révolutionnaires furent
bientôt transgressées : sous couleur de
charité, l'Empire rompit avec les rigueurs
des premiers temps, et toléra la formation
illégale des premières congrégations ; dès
lors la brèche fut ouverte et les dons af-
fluèrent vers les associations qui, sous les
régimes suivants, se multiplièrent à l'ex-
cès.
On oublia de faire des fondations en fa-
veur des églises, mais on en fit en faveur
des congrégations, et le clergé régulier
profi:a seul des libéralités qu'on avait
jugé devoir fournir aux frais du culte pro-
prement dit.
Il n'y a qu'à jeter les yeux sur les sta-
tistiques incomplètes que nous possédons
pour &e rendre compte que si les biens
des congrégations transformés en rentes
étaient affectés aux traitements du clergé
séculier, l'intervention de l'Etat serait
absolument inutile.
Le premier consul avait si bien escompté
le produit des obligations ou des dona-
tions, qu'il avait prémuni le clergé diocé-
sain contre toute concurrence.
Par l'article 44 du Concordat, il défend
d'ouvrir des chapelles ou des oratoires ;
par l'article 9 il interdit tout culte qui
ne serait pas exercé par les évêques ou
les curés, il entend leur réserver tous les
bénéfices.
Il défend toute fonction ecclésiastique
aux prêtres, même français, qui ne font
pas partie du clergé diucesain (art. 33).
jiais le clergé uiocésain ayant par le
fait, été privé de son monopole par suite
da la tolérance des congrégations, il fal-
lut bien lui trouver une compensation,
et c'e^t alors que l'Etat intervint pour
payer des sommes qu'il ne devait pas et
qu'on mit à sa charge, à la charge aussi
ues départements ou des communes, les
traitements des desservants et des vicai-
res, c'est-à-uire la presque totalité du
budget des cultes actuel.
Je sais bien que les casuistes de la cour
de Rome et de l'épiscopat, soutiennent
que les sommes sont payées à titre de
restitution et d'indemnité des biens de
FEglise aliénés pendant la période révo-
lutionnaire.
Il n'y a pas de pire erreur historique,
pas de pire hérésie .e droit.
Sous la monarchie
Sous la monarchie, l'Eglise ou les égli-
ses, comme les monasteres, possédaient
des biens et avaient la faculté de les
transmettre par suite d'une autorisation
de l'Etat qui avait permis l'établissement
de personnes morales absolument facti-
ces, vivant par cette autorisation, mais
disparaissent envers elle.
Dès que les lois de police, dont l'Etat
est le gardien, eurent proscrit l'existence
de ces personnes de droit purement arti-
ficielles, les biens qu'elles détenaient en
vue d'un service public juge inutile, de-
vinrent des biens vacants et sans maîtres
qui firent retour à l'Etat, en vertu d'une
législation qui n'a jamais été niée, de
même que le patrimoine d'une personne
décédée sans successeur lui est dévolu
et attribué.
il n'y a donc eu aucune spoliation et
l'Etat n'a fait que recueillir ce qui lui
appartenait en vertu-de sou droit incon-
testé de propriétaire de tout ce.qui, 3ur le
sol français, n'est pas attribué par des
conventions valables ou par. la loi à des
personnes déterminées.
Le pape ne reclama pas d'ailleurs et
tout fut réglé dans le Concordat sur de
nouvelles bases.
Ces bases sont connues ; on attribuait
au culte les édifices non aliénés et on
assurait un traitement ;.ux évêques et
aux curés. Rien de plus, rien de moins.
Il est dès lors facile de faire le compte
de ce que doit l'Etat au culte catholique.
Dix archevêques à 15,000 francs, cin-
quante évêques à 10,000 francs ; un curé
par canton, soit 2SG8 pour toute la France
à 1,250 fr. en moyenne et c'est tout. Ou
arrive ainsi à 4,235,003 francs pour le per.
sonnel.
Au lieu de cela nous payons 17 arche-
vêques et 67 évêques. 3,450 curés, 185 vi-
caires généraux 695 chanoines, 31,000
desservants et 7,000 vicaires, soit trente
sept millions passés ou trente-trois mil-
lions de plus que ce que nous devons.
C'est là ce qu'on appelle la persécution
religieuse. On n'est pas arrivé du premier
coup à ce chiffre, qu'on trouve naturel
aujourd'hui et qui aurait bien étonné le
premier consul ; il a été atteint par des
accroissements successifs dus, pour la
majeure partie, aux lois de finance de la
Restauration ou à des décrets de la fin de
l'Empire.
Mais comme cela a été observé, une loi
peut défaire ce qu'une loi précédente a
fait. et nous aurons à rechercher dans
quelle mesure il convient de revenir aux
conventions primitives, sans briser le
pacte concordataire.
L. DUPUY-DUTEMPS.
m. GLADSTONE
': Politique du nouveau cabinet
Londres, 23 juillet. — Contrairement aux
bruits qui ont couru, M. Gladstone, qui
était allé se reposer à Vraemar, est au-
jourd'hui à peu près complètement remis
de ses fatigues et il reviendra à Londres
dans deux ou trois jours. ,
On considère maintenant comme à peu
près certain que lord Rosebery prendra
la direction du Foreign-Office dans la
nouvelle administration.
Lord Kimberley serait appelé au minis-
tère des Indes.
Des renseignements particuliers et au-
torisés laissent croire qu'en effet M.
Gladstone a proposé le Foreign-Oifice à
lord Rosebery et que ce dernier a ac-
cepté.
La ligne générale du futur ministère
qu'il a fait accepter par les chefs du parti
libéral au sujet des affaires extérieures,
c'est qu'il n'y aura rien de changé à la po-
litique du cabinet précédent.
Toutefois, dans les cercles libéraux, on
assure que la politique extérieure du
nouveau cabinet revêtira un caractère
beaucoup plus modéré. dans les questions
dangereuses, comme celle du Maroc, par
exemple, et aussi dans les questions où
les intérêts anglais sont en conflit avec
les intérêts des autres pays.
EN BELGIQUE
1 Le procès des anarchistes
Liège, 23 juillet. — Le procès des anar-
chistes suit son cours sans donner lieu à
aucun incident digne d'être relevé.
,: Toute l'audience d'aujourd'hui a été
occupée par les plaidoyers des défen-
seurs.
Arrestation d'anarchistes
Liège, 23 juillet. —La police de sûreté
de Liège a arrêté ce matin deux anar-
chistes allemands qui se trouvaient ici
sous les noms de Monges et de Mange.
ils possèdent de faux papiers qui leur ont
été délivrés par un agent dont l'existence
a été constatée en Allemagne.
La police liégeoise à aussi arrêté hier
un mineur qui avait soustrait, il y a quel-
que temps, une grande quantité de car-
touches de dynamite.
Pris de frayeur lors du renvoi des anar-
chistes devant la cour d'assises de Liège,
il avait déposé ces cartou hes dans une
bouche d'égout de la rue Laveux.
11 a été écroué et mis au secret.
LA FRANCE ET LA SUISSE
Arrangement commercial
M. Lardy, au nom de la Suisse, et AL Ri.
bot, au nom de la France, ont signé hier
un arrangement qui reprenl un certain
nombre des articles contenus dans la pré-
cédente convention commerciale.
i a clause fondamentale de cet arrange-
ment comporte l'échange entre les deux
pays de leurs tarifs les plus réduits. S.
l'une des deux nations vient a relever cer-
tains droits, ce relèvement ne sera appii-,
cable à l'autre que l'année suivante.
La ratification de cet accord pourra être
retardée jusqu'à la fin de l'auuée, alla de
permettre aux deux gouvernements de
soumettre certains articles à l'approba-
tion de leurs Parlements respectas.
L'arrangement contient en outre une
convention littéraire qui comprend des
transactions réciproques.
LA CRISE EN ESPAGNE
'- Nouveaux déso.dres
Pontevedra, 23 juillet. — Les femmes
apportant à la ville des provisions des
villages voisins de l'ontevedra se sont
soulevées ce matin en arrivant aux portes
de la ville, contre le tarif de l'octroi.
Elles ont réussi à ameuter plusieurs
milliers de personnes, femmes pour la
plupart.
Elles, ont chassé les préposés, ont jeté
leur guérite et leur bascule à la rivière.
Puis, entrant en ville, elles lapidèrent le
maire qui voulait les arrêter, saccagèrent
le bureau central de l'octroi. Elles lapidè-
rent également les gardes municipaux
qui les sommaient de se disperser.
il fallut l'intervention des gendarmes
pour rétablir l'ordre; mais on craint qu'il
ne soit troublé demain.
UN FAUX BRUIT
L'incident de Nancy
Berlin, 23 juillet. — On ne sait absolu-
ment rien ici de l'incident dont parle un
journal de Nancy.
0,1 annonce d'autre part que la plus grande
surveillance a été exercée pendant i ajournée
de vendrcii c tre Avricourt et itemoacourt-
Mousscy par la d uane et la gendarmerie et
rien d'anormal n'a été signalé.
-
A LA FRONTIÈRE ESPAGNOLE
Mesures contre le commerce français
Madrid, 23 juillet. — On a adopté à la fron-
tière des mesures sanitaires pour les prove-
nances de France.
A L'HOTELJOE VILLE
RÉCEPTION DE M. MIZON
Un explorateur fatigué. — Les im-
pressions de la jeune S'Nabou. —
Vitraux et musique. — Quel-
que s boutades.
M. Mizon a résisté au brûlant soleil
d'Afrique, il a triomphé des fièvres perni-
cieuses et d'un climat meurtrier. C'était
un homme à l'épreuve de tous les assauts
et cependant hier nous l'avons vu suc-
comber sous nos yeux; trois discours pro-
noncés à l'Hôtel de Ville ont eu raison de
cette robustesse et de cette énergie.
C'est plein de santé que le hardi explo-
rateur a fait son entrée solennelle dans
le palais municipal, c'est pâle et défait
qu'il a dû quitter nos édiles.
Ah ! messieurs les discoureurs, vous
avez obtenu un beau résultat, et si votre
hôte avait pu exprimer franchement ses
impressions, il vous aurait répondu :
« Je m'ennuie et je voudrais bien m'en
aller ».
Il était deux heures et demie juste lors-
que le landau municipal qui avait été
prendre à son domicile M. Mizon, a fait son
entrée sous la voûte municipale.
Dans une seconde voiture venait la
jeune S'Nabou et les deux Arabes. -
La cérémonie officielle ,.
Tenez-vous beaucoup aux discours pro-
noncés ? Sans doute Ai. Sauton a- été im-
peccable de diction et de correction; l'ai-
mable président du Conseil municipal de
Paris est homme du monde et sait le prou-
ver en ces circonstances délicates.
M. Poubelle a parlé aussi, M. Mizon a
répondu avec cette modestie que nos lec-
teurs lui connaissent et qu'avaient souli-
gnée les orateurs précédents.
Rien de nouveau n'a été appris et ce
qu'il y avait de plus curieux dans le spec-
tacle, c'était l'air de joie mêlé d'effare-
ment de la petite négresse qui écarquil-
lait des yeux, répondait aux compliments
par de jolies petites mines de fillette co-
quette.
Et coquette elle 1 est, croyez m'en mes-
dames, il m'a suffi pour le constater de
voir le ravissement enfantin qu'elle a
éprouvé en recevant le beau collier d'or
aux armes de la Ville de Paris que M.
Sauton lui a offert galamment. Elle a em-
brassé avec effusion le président du Con-
seil et c'est certainement un des baisers
les plus sincères qu'il ait jamais reçu
d'une jeune fille.
La médaille de M. Mizon n'était pas
prête ; il en a reçu une épreuve et les
Arabes ont été gratifiés de revolvers
d'honneur.
Le lunch.
Mais en voici assez pour latpartie offi-
cielle ; on quitte cette salle des séances à
l'aspect un peu trop sollennel pour se
rendre dans les salons du bord de l'eau
où un lunch est-préparé.
Le lieutenant Mizon, très fatigué, ouvre
la marche avec le président et les deux
préfets ; les conseillers suivent, mélangés
de quelque députés, MM. Barodet et Me-
sureur entre autres.
Mlle S Nabou s'arrête en extase dans la
galerie pour admirer les superbes vitraux
qui représentent les armes de tous les
prévôts de Paris. Pour ses yeux que les
couleurs vives ravissent, c'est là un spec-
tacle merveilleux dont elle se détache
avec peine.
Nous voici au buffet. PendantqueM. Des-
champs qui tient à saluer, l'explorateur
au nom uu département de la Seine, pro-
nonce ave^ à propos une allocution nou-
velle, Mlle S' Nabou se réoand en gra-
cieusetés à l'adresse de ses hôtes, répond
aveo gentillesse aux dames, embrasse à
pleine bouche les enfants et entendant
tout d'un coup la musique de la garde
républicaine qui joue la marche indienne,
prend le bras de M. Davrillé des Essarts,
un de ses chevaliers servants en lui disant
en très bon français: Allons donc voir
Boum Boum.
Et la voi à partie, joyeuse et légère, à
l'autre bout de la salle, entraînant son ca-
valier qui cherche vainement à modérer
son allure et rougit un peu — vous en
conviendrez, monsieur le conseiller — de
cette production un peu inopinée.
— Mais elle parle admirablement le
français, dit un de mes voisins. -
— c'est à dire qu'elle ne parle même
pas j etit nègre ; elle n'a aucun accent,
c'est lort curieux.
— 11 est de fait, reprend un troisième,
que l'ami Rouanet a un langage beau-
coup plus. coloré.
L'ami Rouanet est trop fier et avec rai-
son, de son Midi, pour nous en vouloir
de la boutade.
Devant les cuivres, la jeune négresse
devient rêveuse.
Comment tous ces sons s'accordent-ils ?
Curieuse, elle s'approche d'une énorme
contrebasse béante, et semble effarée de
l'effet produit. Le tam-tam, par contre, la
réjouit fort. Cela lui rappelle sans duute
quelques airs du pays.
Mais la musique cesse; Mlle S'Nabou
dont la joie un moment délirante a com-
munique de brusques soubresauts à son
sopha se met à examiner les fresques qui
garnissent la salle, les statues qui orneut
les cheminées.
« En France, les pierres sont plus belles
que dans mon pays, conclue-t-elle ; mais
chez moi les arbres sont plus beaux qu'à
Paris."
pour de l'observation, voilà de l'obser-
vation.
Pendant ce temps le pauvre lieutenant
Mizon est obsède à 1 autre bout de la
salle ; l'esprit des convenances l'oblige à
rester, mais sa physionomie souffrante,
son pouls fiévreux protestent malgré lui
et il faut que ses hôtes, le préfet en tête,
l'invitent a venir se reposer dans un salon
réservé. Le pauvre officier est absolu-
ment à bout; trop de fleurs, messieurs, et
pas assez d'air.
Le voici qui se retire, heureux à ce
moment, mais au , désespoir de S'Nabou,
qui, femme bien élevée, se garde de pro-
tester, mais quitte à regret Boum-Boum
en train d'exécuter un air guerrier qui la
charme, la Marseillaise. S'Nabou applau-
dit de ses petites mains et demande qu'on
bisse.
Résigné, entre ses tortionnaires, le
lieutenant Mizon déjà près de la porte,
revient dans l'encadrement des dernières
colonnes, la casquette en main. écouter
une fois de plus 1 hymne national.
-
AU DAHOMEY
Cavalerie indigène -. Arrivée des
renforts
Le capitaine Crémieu-Foa, envoyé en
mission à Tunis pour recruter parmi les
spahis tunisiens des noirs nés en Afrique
occidentale et capables de faire campa-
gne au Bénin, vient de quitter Tunis pour
se rendre à Oran, où il s'embarquera le
4 août, sur le Mytho, qui aura à bord les
cadres envoyés de France.
Le ministre de la marine a reçu de Ko-
tonou une dépêche du colonel Doods lui
annonçant l'arrivée des paquebots Per-
namfruco et Stamboul, @ amenant des ren-
forts provenant du Sénégal.
CHRONIQUE DU DIMANCHE
L'OEIL
• hw»* -«M»
J'avais cru jusqu'ici, sur la foi du pro-
verbe, que dans le royaume des aveugles
les borgnes étaient rois.
Le commissaire central de Bourges
vient de changer tout cela.; grâce à lui le
chef-lieu du Cher est devedu un séjour
interdit aux borgnes, et où seuls les aveu-
gles ont accès.
Cet ostracisme impitoyable ne frappe,
je m'empresse de le dire, qu'une catégo-
rie tout à fait spéciale de victimes, mais
d'autant plus intéressantes que la parole
leur manque pour faire entendre leur pro.
testation contre la mesure qui vient de
les atteindre. Heureusement la presse est
là - pour venir en aide à leur mutisme
forcé.
f *
* ♦
Il n'en est pas un seul d'entre vous,
lecteurs, qui dans les fêtes foraines où
nous avons tous plus ou moins promené
l'exubérance de notre jeunesse, n'ait jeté
un regard- de désir sur un de ces borgnes.
Il planait là-liaut, tout là-haut, au som-
met de la pyramide multicolore et fragile
des faïences et des porcelaines du tour-
niquet, écrasant de son ventre pansu et
de ses flancs rebondis l'humble coquetier
et la modeste tasse. On eût dit, à voir sa
masse insolente et épanouie de bourgeois
parvenu, s'étaler au-dessus du prolétariat
de la vaisselle foraine — lui était de la
vaisselle de foire ce qui est très différent
- on eût dit que, pour une fois, le mot
de M. Prudhomme était devenu une vé-
rité et que l'édifice avait' sa propre base
pour couronnement.
Il était « n'a qu'un œil », il est vrai,
comme le héros du roman de ce pauvre
Cladel ; mais cet œil était si expressif, si
éloquent, si nuancé même dans sa trou-
blante fixité céruléenne; il suivait le
passant. et savait le retenir d'un regard si'
persuasif, si fasciuateur ; il le narguait si
gaiement du fondde sa retraiteaux blan-
cheurs nacrées quand la fortune avait
trahi l'esp ir du joueur malheureux ét
obstiné; il savait si bien se faire tour à
tour prometteur et narquois, placidement
bonhomme eteomiquement ironique, qu'à
lui seul il en valait deux, et que les lé-
gendes dont des novateurs plus hardis
qu'avisés avaient crû devoir 1 enrichir, —
« Ah ! petit polisson, je te vois ! » par
exemple, — loin d'ajouter, nuisaient p.u-
tôt à la clarté de son langage muet.
Dites, lecteurs, qui de vous au moins
une fois dans sa vie n'a cédé à l'attrac-
tion irrésistible de ce regard qui n'a
rêvé de décrocher cette ~tiuiûaltifl&ù on ne
boit pas et de la rapporter triomphale-
ment au logis sous un bras, tandis qu'à
l'autre se pendait, partagée entre la joie
du succès et l'espoir des émotions nou-
velles quelle eu attendait, la grisette,
gaie compagne de cette soirée de fête.
Hélas ! on avait beau engager contre le
vase fascinateur, à coups de tourniquet,
un duel aux reprises sans fin. Il restait
invariablement maître du terrain.
Il figurait à merveille le bonheur dont
a parlé Sully Prud'homme, ce bonheur
que la main n'atteint pas et qui n'est
qu'un rêve ; et de même qu'il est des
iruits, comme les abricots, dont la spé-
cialité est-dè manquer tous les ans,
il offrait cette particularité d'être tou- ,_.
jours à gagnèr et.de n'être jamais ga-
gné. -':
Tel quel cependant, il faisait, sinon 1*
tranquillité des parents, tout au moins il
joie des enfants qui voyaient volontier»
en lui une manière de croquemitaina
pour rire, et celle des poètes, ces grands
enfants cbez qui la vue de ce cyclope en
miniature, évoquait l'idée d'une création
virgilienne revue et mise au point par
Rabelais.
+ *
Mais les commissaires sont sans pitié
pour les plaisirs des poètes et des enfants.
Cet antagonisme inné de tempérament et
de goûts ne suffit pas cependant à expli-
quer l'acte de vandalisme par lequel ie
fonctionnaire qui préside à la police do
BuUrges est en train de s'illustrer.
On se perd en coujectures sur les véri-
tables causes do la rigueur déployée par
ce magistrat contre les vasas oculaires,
réputés innocents jusqu'ici, qui, pour
l'imagination populaire, suffisaient à s vu-
thétiser à eux seuls toute une foire.
Le commissaire de Bourges a découvert
tout à coup, disent les uns, tout un monda
d'obscénités dans l'œil symbolique dont
ces récipients sont ornés. Eh quoi ! obs-
cène! cet œil peint, inanimé, insensible,
et qui même, s'il était tout le contraire,
s il avait réellement la faculté de voir les
objets promis à son rayon visuel, en use-
rait dans une intimité si stricte et si ri-
goureusement hermétique qu'on ne pour-
rait sans une indiscrétion plus obscène
encore, constater le délit.
Voyez-vous le commissaire intervenant
entre cet œil et son objectif pour saisir au
passage l'outrage aux mœurs, pour arrê-
ter au vol l'attentat contre la pudeur de
cet orbite en porcelaine 1
*
« »
Une pareille idée n'a pu venir évidem-
ment qu'à la Ligue contre la licence des
rues. Jules Simon seul est capable d'a-
voir entrevu une obscénité dans la passi-
vité de ce malheureux regard vitrifié,
A PARIS
I8 .- Rue Richep - 1S
Les articles non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS. 5 FR.
SIX MOIS 9 FR.
UN AN. 18 FR.
JOURfiAL POLITIQUE- QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS 1.1. :
Le Numéro :. E5 centimes
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
UN MOIS 2 FR.
TROIS MOIS 6 FR.
SIX MOIS 11 FR.
UN AN. 20 FR.
SEIZIÈME ANNÉE — NUMÉRO 5574
LUNDI 25 JUILLET 1892 .0
E) 7 THERMIDOR. — AN 100 ®
La «LANTERNE» est le. seul journal
français ayant son imprimerie et sa
fabrique de papier.
LE PROCHAIN SCRUTIN
D'aujourd'huien huit auront lieu dans
toute la France, le département de la
Seine excepté, des élections pour le re-
nouvellement par moitié des Conseils
généraux et des Conseils d'arrondisse-
ment.
Le nombre des conseillers généraux
soumis au renouvellement est de 1,426;
celui des conseillers d'arrondissement
à renouveler est de 1,736.
Comme on le voit, sans avoir la mê-
me importance, au point de vue numé-
rique, que les élections qui ont eu lieu
au mois de mai dernier pour le renou-
vellement des Conseils municipaux, le
scrutin de dimanche prochain aura la
signification d'une consultation natio-
nale.
Nous n'avons, quant à nous, aucune
inquiétude sur les résultats à attendre
de cette consultation.
Elle sera, comme nous n'en doutons
pas, une nouvelle victoire pour la Ré-
publique.
Ainsi que nous l'avons reconnu à
l'occasion des élections municipales de
mai dernier, on pouvait à cette époque
concevoir quelques craintes.
On avait mené une campagne si au-
dacieuse et en même temps si hypo-
crite en faveur de la politique dite d'a-
paisement, et qui n'est qu'une politique
d'abdication entre les mains des an-
ciens partie ; le gouvernement avait eu
de telles défaillances et même de telles
complicités en présence des empiéte-
ments tentés par le cléricalisme sous
l'étiquette républicaine, qu'on avait
quelque sujet de redouter que le suf-
frage universel ne se fût laissé déso-
rienter et ne commît la faute de se li-
vrer à ses pires ennemis, soi-disant re-
conciliés avec la République.
Il n'en a rien été : avec une clair-
voyance et une fermeté qui déjouèrent
les manœuvres de la réaction, le pays,
abandonné par le pouvoir, se défendit
lui-même contre les entreprises des
partis déchus, auxquels il infligea une
mémorable et définitive défaite.
Il en sera de même dimanche pro-
chain. Le scrutin cantonal du 31 juillet
sera digne du scrutin municipal du
1er Mai.
Nous avons d'autant plus de raisons
de l'espérer, que les cantons n'ont pas
cessé de manifester la plus grande fer-
meté électorale.
D'après un relevé qui porte sur les
trois dernières années, il y a eu pen-
dant ce laps de temps 329 élections par-
tielles aux conseils généraux.
Eh bien, sur ces 329 élections, 272 ont
abouti à la nomination de conseillers
généraux républicains, les réactionnai-
res n'ayant pu se maintenir que dans
57 cantons.
La proportion est d'autant plus ras-
surante que ces élections ne se sont pas
limitées à certaines régions plus parti-
culièrement attachées à la République.
Elles ont eu lieu dans tous les départe-
ments à peu près.
La situation étant aujourd'hui beau-
coup plus nette qu'il y a quelque temps,
par suite de l'attitude un peu moins dé-
faillante du gouvernement ou pour
mieux dire de certains ministres, la
marche ascendante de l'idée républi-
caine ne fera que s'accentuer au scrutin
du 31 juillet, et nous aurons, ce jour-là,
une nouvelle victoire à enregistrer.
Il ne faudrait pas néanmoins que la
certitude du succès ralentît le zèle des
électeurs. Nous sommes sûrs de vain-
cre, mais c'est à condition que chacun
fasse énergiquement son devoir et ne
compte que sur soi-même.
Pour être défait et vaincu d'avance,
l'ennemi n'en doit pas moins être sur-
veillé de près.
N'ayant plus que cet atout dans son
jeu, il ne compte que sur l'apathie
que la certitude de vaincre peut en-
gendrer dans l'esprit des électeurs ré-
publicains.
Les réactionnaires n'ont plus que
d'infimes minorités, mais d'autant plus
actives et disciplinées qu'elles sont des
minorités.
Ils ont de plus pour eux l'incessante
propagande du clergé, propagande re-
doutable parce qu'elle est insaisissa-
ble, et que, par le confessionnal, elle
s'insinue secrètement au foyer même
de ceux contre lesquels elle s'exerce.
Il y a ensuite un autre danger à évi.
ter, et qui est propre au scrutin canto
nal : ce danger, c'est l'influence du
château.
Expulsés des emplois publics, les
réactionnaires se sont réfugiés dans
leurs gentilhommières; ils s'y sont cm
busqués, et de là, grâce à la fortune
qu'ils tiennent non de leur travail mais
de la faveur des anciens régimes, ils
bombardent la République de soi-
disant bonnes œuvres intéressées qu'ils
répandent, non par charité mais dans
un but électoral, parmi les populations
qui environnent leurs manoirs.
C'est un fait d'ailleurs à remarquer
que ces bonnes œuvres ne se produi-
sent guère qu'aux approches des scru-
tins.
Bien que, par leur intermittence
même, leur but soit visible, elles n'en
sont pas moins de nature à exercer une
certaine influence qui, en plusieurs
circonscriptions, peut fausser le scru-
tin.
Il faut s'attacher à détruire cette in-
fluence : il faut montrer aux popula-
tions ainsi sollicitées par les fortunes
réactionnaires, que si elles se laissaient
entraîner, ce serait de leur part ven-
dre leurs droits civiques pour un plat
de lentilles.
Ces bons de pain qu'on leur distribue,
ces vêtements chauds qu'on leur donne
pour les petits enfants, ces autorisa-
tions qu'on leur accorde de glaner, de
recueillir le bois mort dans les domai-
nes seigneuriaux, toutes ces gracieuse-
tés prodiguées grâce au milliard des
émigrés et à ce qui s'en est suivi, n'ont
qu'un but : faire servir les armes de la
liberté, c'est-à-dire le suffrage univer-
sel, à restituer les privilèges d'autre-
fois et à ramener sous la coupe de
leurs anciens exploiteurs, les citoyens
émancipés par la Révolution.
Quelque solidement établis que soient
aujourd'hui les principes démocrati-
ques, tant qu'il y aura en France une
corporation nobiliaire et une corpora-
tion cléricale, il faudra toujours se
méfier. Ce n'est pas pour rien que le
pape s'est fait socialiste, et qu'à sa
suite de grands seigneurs ont déclaré
vouloir s'intéresser aux souffrances
populaires.
Le meilleur moyen de déjouer tous
ces projets d'asservissement, c'est Ide
ne pas s'endormir dans la dangereuse
certitude que les principes justes se
défendent tout seuls, et de voter en
masse, envers et contre tous, pour la
République.
C'est ce que feront dimanche pro-
chain, les électeurs des cantons.
LES JÉSUITES A L'ÉTRANGER
Pas de musique pour la République
Les pères blancs du cardinal Lavigerie
n'ont pas fait école parmi les jésuites de
Madagascar.
C'est le Temps qui le constate avec
amertume à l'oct asion du récit d'une fête
qui a eu lieu à Tananarive et dans la-
quelle la musique des frères a joué les
airs nationaux de différents pays, y com-
pris le God save the Queen, en n cn ou-
bliant qu'un seul: la Marseillaise.
L'organe de la politique d'apaisement
rappelle que les pères jésuites de Mada-
gascar reçoivent une subvention du gou-
vernement pour renseignement du fran-
çais dans leurs écoles. Et voilà, s'écrie-
t-il douloureusement, le résultat de ces
sacrifices. Les élèves des jésuites jouent
le God save the Queen et ne jouent pas la
Marseilluisel
Ce qui nous étonne en cette affaire,
c'est 1 étonnement du Temps.
Les jésuites de Madagascar ne font pas
autre chose que ce que font leurs congé-
nères sur tous les points du globe, qu i!s
soient d'ailleurs jésuites, dominicains ou
d un autre ordre, bien que notre confrère
paraisse croire le contraire et oppose à
l'attitude des pères de Tananarive celle
des c ngrégations religieuses établies
dans d'autres légions, et qui, à l'en croire,
ne pensent qu'au développement de l'in-
fluen e française.
De la France, les uns comme les autres
ne connaissent que l'argent qu ils lui sou-
tirent. Pour le surplus, ils 1 ignorent.
Leur seule patrie est Rome. C'est pour
elle, et pour elle seule qu'ils travaillent.
———— )UU.M'
LA OUESTiON DU MAROC
Opinion d'un journal anglais
Londres, 23 juillet. — Le Daily Chroni-
de se demande quelles raisons aurait la
Grande-Bretagne de se lancer dans une
affaire au Maroc.
Notre longue occupation de l'Egypte
qui a été sans profit pour nous, dit-il, de-
vrait nous mettre en garde contre toute
velléité de recourir au sort des armes
dans l'empire de Mouley-Hassan.
Nous pouvons être sûrs que Ai. Glads-
tone ne répétera pas dans ce pays l'erreur
commise en Egypte ; et même dans ce
dernier cas, seion le témoignage de Ai.
JohnBright, ce n'est que lorsque Ai. Glads-
Lone vit son cabinet menace d'une désa-
grégation qu'il consentit à une interven-
tion armée en Egypte.
La Grande-Bretagne possède les trois
quarts du commerce du Maroc.
Cette circonstance nous autorise à
prendre les devants dans les négociations
en faveur du commerce européen au Ma-
roc, mais nous ne devons pas froisser les
susceptibilités des autres nations.
Il faut espérer que quand les négocia-
tions seront reprises à cet effet, on aura
trouvé le moyen d'obtenir la coopération
de la France.
LE BUDGET DES CULTES
DEPENSES OBLIGATOIRES ET DÉ-
PENSES FACULTATIVES
Dotations concordataires. — Les con-
grégations religieuses et le clergé
diocésain. — Les chiffres. —
Accroissements successifs
Ainsi que je l'ai déjà indiqué, le budget
des cultes tel qu'il est établi depuis de
nombreuses années, contient des dépen-
ses qui sont obligatoires en ce sens qu'el-
les sont imposées par la Convention con-
cordataire, et d'autres qui sont faculta-
tives pour l'Etat français parce que c'est
par la seule volonté de ses représentants
qu'elles ont été consenties.
Il n'y aqu'àsuivre un à un les ai-ticlesdu
Concordat et des lois organiques pour le
convaincre, que le pape qui stipulait pour
l'Eglise n'avait, au point de vue du tem-
porel, que deux ambitions : Rentrer en
possession des églises et des presbyières
et obtenir des traitements pour les évê-
ques et les curés.
Les autres ministres du culte devaient
se suffire au moyen des oblations des fi-
dèles et, en attendant, avec les pensions
viagères que l'on servait à quelques prê-
tres en vertu des lois de l'Assemblée na-
tionale. ,
, Tout le monde savait que les pensions-
allaient s'éteindre, mais on ne se préoc-
cupa pas d'en assurer la pérennité, espé-
rant que les libéralités des catholiques
suffiraient à entretenir les ministres qui
viendraient après. Et pour bien affirmer
cette pensée commune, le pre mier consul
consentit à autoriser des fondations en
faveur des églises, ce qui n'était pas une
mince concession à un-e époque où on
n'avait pas encore perdu le souvenir des
abus de l'ancien régime.
Si donc les choses avaient suivi leur
cours, l'Etat n'aurait pas eu à intervenir
dans le paiement des traitements des des-
servants et des vicaires.
Il est vrai qu'en 1801 il n'existait plus
de congrégations religieuses, que les lois
qui en proscrivaient la formation étaient
encore respectées, et on pouvait raison-
nablement admettre que les libéralités
des catholiques se concentrant sur les
églises permettraient la constitution d'une
somme de rentes suffisante pour fournir
à la subsistance du bas clergé.
Les lois révolutionnaires
Mais les lois révolutionnaires furent
bientôt transgressées : sous couleur de
charité, l'Empire rompit avec les rigueurs
des premiers temps, et toléra la formation
illégale des premières congrégations ; dès
lors la brèche fut ouverte et les dons af-
fluèrent vers les associations qui, sous les
régimes suivants, se multiplièrent à l'ex-
cès.
On oublia de faire des fondations en fa-
veur des églises, mais on en fit en faveur
des congrégations, et le clergé régulier
profi:a seul des libéralités qu'on avait
jugé devoir fournir aux frais du culte pro-
prement dit.
Il n'y a qu'à jeter les yeux sur les sta-
tistiques incomplètes que nous possédons
pour &e rendre compte que si les biens
des congrégations transformés en rentes
étaient affectés aux traitements du clergé
séculier, l'intervention de l'Etat serait
absolument inutile.
Le premier consul avait si bien escompté
le produit des obligations ou des dona-
tions, qu'il avait prémuni le clergé diocé-
sain contre toute concurrence.
Par l'article 44 du Concordat, il défend
d'ouvrir des chapelles ou des oratoires ;
par l'article 9 il interdit tout culte qui
ne serait pas exercé par les évêques ou
les curés, il entend leur réserver tous les
bénéfices.
Il défend toute fonction ecclésiastique
aux prêtres, même français, qui ne font
pas partie du clergé diucesain (art. 33).
jiais le clergé uiocésain ayant par le
fait, été privé de son monopole par suite
da la tolérance des congrégations, il fal-
lut bien lui trouver une compensation,
et c'e^t alors que l'Etat intervint pour
payer des sommes qu'il ne devait pas et
qu'on mit à sa charge, à la charge aussi
ues départements ou des communes, les
traitements des desservants et des vicai-
res, c'est-à-uire la presque totalité du
budget des cultes actuel.
Je sais bien que les casuistes de la cour
de Rome et de l'épiscopat, soutiennent
que les sommes sont payées à titre de
restitution et d'indemnité des biens de
FEglise aliénés pendant la période révo-
lutionnaire.
Il n'y a pas de pire erreur historique,
pas de pire hérésie .e droit.
Sous la monarchie
Sous la monarchie, l'Eglise ou les égli-
ses, comme les monasteres, possédaient
des biens et avaient la faculté de les
transmettre par suite d'une autorisation
de l'Etat qui avait permis l'établissement
de personnes morales absolument facti-
ces, vivant par cette autorisation, mais
disparaissent envers elle.
Dès que les lois de police, dont l'Etat
est le gardien, eurent proscrit l'existence
de ces personnes de droit purement arti-
ficielles, les biens qu'elles détenaient en
vue d'un service public juge inutile, de-
vinrent des biens vacants et sans maîtres
qui firent retour à l'Etat, en vertu d'une
législation qui n'a jamais été niée, de
même que le patrimoine d'une personne
décédée sans successeur lui est dévolu
et attribué.
il n'y a donc eu aucune spoliation et
l'Etat n'a fait que recueillir ce qui lui
appartenait en vertu-de sou droit incon-
testé de propriétaire de tout ce.qui, 3ur le
sol français, n'est pas attribué par des
conventions valables ou par. la loi à des
personnes déterminées.
Le pape ne reclama pas d'ailleurs et
tout fut réglé dans le Concordat sur de
nouvelles bases.
Ces bases sont connues ; on attribuait
au culte les édifices non aliénés et on
assurait un traitement ;.ux évêques et
aux curés. Rien de plus, rien de moins.
Il est dès lors facile de faire le compte
de ce que doit l'Etat au culte catholique.
Dix archevêques à 15,000 francs, cin-
quante évêques à 10,000 francs ; un curé
par canton, soit 2SG8 pour toute la France
à 1,250 fr. en moyenne et c'est tout. Ou
arrive ainsi à 4,235,003 francs pour le per.
sonnel.
Au lieu de cela nous payons 17 arche-
vêques et 67 évêques. 3,450 curés, 185 vi-
caires généraux 695 chanoines, 31,000
desservants et 7,000 vicaires, soit trente
sept millions passés ou trente-trois mil-
lions de plus que ce que nous devons.
C'est là ce qu'on appelle la persécution
religieuse. On n'est pas arrivé du premier
coup à ce chiffre, qu'on trouve naturel
aujourd'hui et qui aurait bien étonné le
premier consul ; il a été atteint par des
accroissements successifs dus, pour la
majeure partie, aux lois de finance de la
Restauration ou à des décrets de la fin de
l'Empire.
Mais comme cela a été observé, une loi
peut défaire ce qu'une loi précédente a
fait. et nous aurons à rechercher dans
quelle mesure il convient de revenir aux
conventions primitives, sans briser le
pacte concordataire.
L. DUPUY-DUTEMPS.
m. GLADSTONE
': Politique du nouveau cabinet
Londres, 23 juillet. — Contrairement aux
bruits qui ont couru, M. Gladstone, qui
était allé se reposer à Vraemar, est au-
jourd'hui à peu près complètement remis
de ses fatigues et il reviendra à Londres
dans deux ou trois jours. ,
On considère maintenant comme à peu
près certain que lord Rosebery prendra
la direction du Foreign-Office dans la
nouvelle administration.
Lord Kimberley serait appelé au minis-
tère des Indes.
Des renseignements particuliers et au-
torisés laissent croire qu'en effet M.
Gladstone a proposé le Foreign-Oifice à
lord Rosebery et que ce dernier a ac-
cepté.
La ligne générale du futur ministère
qu'il a fait accepter par les chefs du parti
libéral au sujet des affaires extérieures,
c'est qu'il n'y aura rien de changé à la po-
litique du cabinet précédent.
Toutefois, dans les cercles libéraux, on
assure que la politique extérieure du
nouveau cabinet revêtira un caractère
beaucoup plus modéré. dans les questions
dangereuses, comme celle du Maroc, par
exemple, et aussi dans les questions où
les intérêts anglais sont en conflit avec
les intérêts des autres pays.
EN BELGIQUE
1 Le procès des anarchistes
Liège, 23 juillet. — Le procès des anar-
chistes suit son cours sans donner lieu à
aucun incident digne d'être relevé.
,: Toute l'audience d'aujourd'hui a été
occupée par les plaidoyers des défen-
seurs.
Arrestation d'anarchistes
Liège, 23 juillet. —La police de sûreté
de Liège a arrêté ce matin deux anar-
chistes allemands qui se trouvaient ici
sous les noms de Monges et de Mange.
ils possèdent de faux papiers qui leur ont
été délivrés par un agent dont l'existence
a été constatée en Allemagne.
La police liégeoise à aussi arrêté hier
un mineur qui avait soustrait, il y a quel-
que temps, une grande quantité de car-
touches de dynamite.
Pris de frayeur lors du renvoi des anar-
chistes devant la cour d'assises de Liège,
il avait déposé ces cartou hes dans une
bouche d'égout de la rue Laveux.
11 a été écroué et mis au secret.
LA FRANCE ET LA SUISSE
Arrangement commercial
M. Lardy, au nom de la Suisse, et AL Ri.
bot, au nom de la France, ont signé hier
un arrangement qui reprenl un certain
nombre des articles contenus dans la pré-
cédente convention commerciale.
i a clause fondamentale de cet arrange-
ment comporte l'échange entre les deux
pays de leurs tarifs les plus réduits. S.
l'une des deux nations vient a relever cer-
tains droits, ce relèvement ne sera appii-,
cable à l'autre que l'année suivante.
La ratification de cet accord pourra être
retardée jusqu'à la fin de l'auuée, alla de
permettre aux deux gouvernements de
soumettre certains articles à l'approba-
tion de leurs Parlements respectas.
L'arrangement contient en outre une
convention littéraire qui comprend des
transactions réciproques.
LA CRISE EN ESPAGNE
'- Nouveaux déso.dres
Pontevedra, 23 juillet. — Les femmes
apportant à la ville des provisions des
villages voisins de l'ontevedra se sont
soulevées ce matin en arrivant aux portes
de la ville, contre le tarif de l'octroi.
Elles ont réussi à ameuter plusieurs
milliers de personnes, femmes pour la
plupart.
Elles, ont chassé les préposés, ont jeté
leur guérite et leur bascule à la rivière.
Puis, entrant en ville, elles lapidèrent le
maire qui voulait les arrêter, saccagèrent
le bureau central de l'octroi. Elles lapidè-
rent également les gardes municipaux
qui les sommaient de se disperser.
il fallut l'intervention des gendarmes
pour rétablir l'ordre; mais on craint qu'il
ne soit troublé demain.
UN FAUX BRUIT
L'incident de Nancy
Berlin, 23 juillet. — On ne sait absolu-
ment rien ici de l'incident dont parle un
journal de Nancy.
0,1 annonce d'autre part que la plus grande
surveillance a été exercée pendant i ajournée
de vendrcii c tre Avricourt et itemoacourt-
Mousscy par la d uane et la gendarmerie et
rien d'anormal n'a été signalé.
-
A LA FRONTIÈRE ESPAGNOLE
Mesures contre le commerce français
Madrid, 23 juillet. — On a adopté à la fron-
tière des mesures sanitaires pour les prove-
nances de France.
A L'HOTELJOE VILLE
RÉCEPTION DE M. MIZON
Un explorateur fatigué. — Les im-
pressions de la jeune S'Nabou. —
Vitraux et musique. — Quel-
que s boutades.
M. Mizon a résisté au brûlant soleil
d'Afrique, il a triomphé des fièvres perni-
cieuses et d'un climat meurtrier. C'était
un homme à l'épreuve de tous les assauts
et cependant hier nous l'avons vu suc-
comber sous nos yeux; trois discours pro-
noncés à l'Hôtel de Ville ont eu raison de
cette robustesse et de cette énergie.
C'est plein de santé que le hardi explo-
rateur a fait son entrée solennelle dans
le palais municipal, c'est pâle et défait
qu'il a dû quitter nos édiles.
Ah ! messieurs les discoureurs, vous
avez obtenu un beau résultat, et si votre
hôte avait pu exprimer franchement ses
impressions, il vous aurait répondu :
« Je m'ennuie et je voudrais bien m'en
aller ».
Il était deux heures et demie juste lors-
que le landau municipal qui avait été
prendre à son domicile M. Mizon, a fait son
entrée sous la voûte municipale.
Dans une seconde voiture venait la
jeune S'Nabou et les deux Arabes. -
La cérémonie officielle ,.
Tenez-vous beaucoup aux discours pro-
noncés ? Sans doute Ai. Sauton a- été im-
peccable de diction et de correction; l'ai-
mable président du Conseil municipal de
Paris est homme du monde et sait le prou-
ver en ces circonstances délicates.
M. Poubelle a parlé aussi, M. Mizon a
répondu avec cette modestie que nos lec-
teurs lui connaissent et qu'avaient souli-
gnée les orateurs précédents.
Rien de nouveau n'a été appris et ce
qu'il y avait de plus curieux dans le spec-
tacle, c'était l'air de joie mêlé d'effare-
ment de la petite négresse qui écarquil-
lait des yeux, répondait aux compliments
par de jolies petites mines de fillette co-
quette.
Et coquette elle 1 est, croyez m'en mes-
dames, il m'a suffi pour le constater de
voir le ravissement enfantin qu'elle a
éprouvé en recevant le beau collier d'or
aux armes de la Ville de Paris que M.
Sauton lui a offert galamment. Elle a em-
brassé avec effusion le président du Con-
seil et c'est certainement un des baisers
les plus sincères qu'il ait jamais reçu
d'une jeune fille.
La médaille de M. Mizon n'était pas
prête ; il en a reçu une épreuve et les
Arabes ont été gratifiés de revolvers
d'honneur.
Le lunch.
Mais en voici assez pour latpartie offi-
cielle ; on quitte cette salle des séances à
l'aspect un peu trop sollennel pour se
rendre dans les salons du bord de l'eau
où un lunch est-préparé.
Le lieutenant Mizon, très fatigué, ouvre
la marche avec le président et les deux
préfets ; les conseillers suivent, mélangés
de quelque députés, MM. Barodet et Me-
sureur entre autres.
Mlle S Nabou s'arrête en extase dans la
galerie pour admirer les superbes vitraux
qui représentent les armes de tous les
prévôts de Paris. Pour ses yeux que les
couleurs vives ravissent, c'est là un spec-
tacle merveilleux dont elle se détache
avec peine.
Nous voici au buffet. PendantqueM. Des-
champs qui tient à saluer, l'explorateur
au nom uu département de la Seine, pro-
nonce ave^ à propos une allocution nou-
velle, Mlle S' Nabou se réoand en gra-
cieusetés à l'adresse de ses hôtes, répond
aveo gentillesse aux dames, embrasse à
pleine bouche les enfants et entendant
tout d'un coup la musique de la garde
républicaine qui joue la marche indienne,
prend le bras de M. Davrillé des Essarts,
un de ses chevaliers servants en lui disant
en très bon français: Allons donc voir
Boum Boum.
Et la voi à partie, joyeuse et légère, à
l'autre bout de la salle, entraînant son ca-
valier qui cherche vainement à modérer
son allure et rougit un peu — vous en
conviendrez, monsieur le conseiller — de
cette production un peu inopinée.
— Mais elle parle admirablement le
français, dit un de mes voisins. -
— c'est à dire qu'elle ne parle même
pas j etit nègre ; elle n'a aucun accent,
c'est lort curieux.
— 11 est de fait, reprend un troisième,
que l'ami Rouanet a un langage beau-
coup plus. coloré.
L'ami Rouanet est trop fier et avec rai-
son, de son Midi, pour nous en vouloir
de la boutade.
Devant les cuivres, la jeune négresse
devient rêveuse.
Comment tous ces sons s'accordent-ils ?
Curieuse, elle s'approche d'une énorme
contrebasse béante, et semble effarée de
l'effet produit. Le tam-tam, par contre, la
réjouit fort. Cela lui rappelle sans duute
quelques airs du pays.
Mais la musique cesse; Mlle S'Nabou
dont la joie un moment délirante a com-
munique de brusques soubresauts à son
sopha se met à examiner les fresques qui
garnissent la salle, les statues qui orneut
les cheminées.
« En France, les pierres sont plus belles
que dans mon pays, conclue-t-elle ; mais
chez moi les arbres sont plus beaux qu'à
Paris."
pour de l'observation, voilà de l'obser-
vation.
Pendant ce temps le pauvre lieutenant
Mizon est obsède à 1 autre bout de la
salle ; l'esprit des convenances l'oblige à
rester, mais sa physionomie souffrante,
son pouls fiévreux protestent malgré lui
et il faut que ses hôtes, le préfet en tête,
l'invitent a venir se reposer dans un salon
réservé. Le pauvre officier est absolu-
ment à bout; trop de fleurs, messieurs, et
pas assez d'air.
Le voici qui se retire, heureux à ce
moment, mais au , désespoir de S'Nabou,
qui, femme bien élevée, se garde de pro-
tester, mais quitte à regret Boum-Boum
en train d'exécuter un air guerrier qui la
charme, la Marseillaise. S'Nabou applau-
dit de ses petites mains et demande qu'on
bisse.
Résigné, entre ses tortionnaires, le
lieutenant Mizon déjà près de la porte,
revient dans l'encadrement des dernières
colonnes, la casquette en main. écouter
une fois de plus 1 hymne national.
-
AU DAHOMEY
Cavalerie indigène -. Arrivée des
renforts
Le capitaine Crémieu-Foa, envoyé en
mission à Tunis pour recruter parmi les
spahis tunisiens des noirs nés en Afrique
occidentale et capables de faire campa-
gne au Bénin, vient de quitter Tunis pour
se rendre à Oran, où il s'embarquera le
4 août, sur le Mytho, qui aura à bord les
cadres envoyés de France.
Le ministre de la marine a reçu de Ko-
tonou une dépêche du colonel Doods lui
annonçant l'arrivée des paquebots Per-
namfruco et Stamboul, @ amenant des ren-
forts provenant du Sénégal.
CHRONIQUE DU DIMANCHE
L'OEIL
• hw»* -«M»
J'avais cru jusqu'ici, sur la foi du pro-
verbe, que dans le royaume des aveugles
les borgnes étaient rois.
Le commissaire central de Bourges
vient de changer tout cela.; grâce à lui le
chef-lieu du Cher est devedu un séjour
interdit aux borgnes, et où seuls les aveu-
gles ont accès.
Cet ostracisme impitoyable ne frappe,
je m'empresse de le dire, qu'une catégo-
rie tout à fait spéciale de victimes, mais
d'autant plus intéressantes que la parole
leur manque pour faire entendre leur pro.
testation contre la mesure qui vient de
les atteindre. Heureusement la presse est
là - pour venir en aide à leur mutisme
forcé.
f *
* ♦
Il n'en est pas un seul d'entre vous,
lecteurs, qui dans les fêtes foraines où
nous avons tous plus ou moins promené
l'exubérance de notre jeunesse, n'ait jeté
un regard- de désir sur un de ces borgnes.
Il planait là-liaut, tout là-haut, au som-
met de la pyramide multicolore et fragile
des faïences et des porcelaines du tour-
niquet, écrasant de son ventre pansu et
de ses flancs rebondis l'humble coquetier
et la modeste tasse. On eût dit, à voir sa
masse insolente et épanouie de bourgeois
parvenu, s'étaler au-dessus du prolétariat
de la vaisselle foraine — lui était de la
vaisselle de foire ce qui est très différent
- on eût dit que, pour une fois, le mot
de M. Prudhomme était devenu une vé-
rité et que l'édifice avait' sa propre base
pour couronnement.
Il était « n'a qu'un œil », il est vrai,
comme le héros du roman de ce pauvre
Cladel ; mais cet œil était si expressif, si
éloquent, si nuancé même dans sa trou-
blante fixité céruléenne; il suivait le
passant. et savait le retenir d'un regard si'
persuasif, si fasciuateur ; il le narguait si
gaiement du fondde sa retraiteaux blan-
cheurs nacrées quand la fortune avait
trahi l'esp ir du joueur malheureux ét
obstiné; il savait si bien se faire tour à
tour prometteur et narquois, placidement
bonhomme eteomiquement ironique, qu'à
lui seul il en valait deux, et que les lé-
gendes dont des novateurs plus hardis
qu'avisés avaient crû devoir 1 enrichir, —
« Ah ! petit polisson, je te vois ! » par
exemple, — loin d'ajouter, nuisaient p.u-
tôt à la clarté de son langage muet.
Dites, lecteurs, qui de vous au moins
une fois dans sa vie n'a cédé à l'attrac-
tion irrésistible de ce regard qui n'a
rêvé de décrocher cette ~tiuiûaltifl&ù on ne
boit pas et de la rapporter triomphale-
ment au logis sous un bras, tandis qu'à
l'autre se pendait, partagée entre la joie
du succès et l'espoir des émotions nou-
velles quelle eu attendait, la grisette,
gaie compagne de cette soirée de fête.
Hélas ! on avait beau engager contre le
vase fascinateur, à coups de tourniquet,
un duel aux reprises sans fin. Il restait
invariablement maître du terrain.
Il figurait à merveille le bonheur dont
a parlé Sully Prud'homme, ce bonheur
que la main n'atteint pas et qui n'est
qu'un rêve ; et de même qu'il est des
iruits, comme les abricots, dont la spé-
cialité est-dè manquer tous les ans,
il offrait cette particularité d'être tou- ,_.
jours à gagnèr et.de n'être jamais ga-
gné. -':
Tel quel cependant, il faisait, sinon 1*
tranquillité des parents, tout au moins il
joie des enfants qui voyaient volontier»
en lui une manière de croquemitaina
pour rire, et celle des poètes, ces grands
enfants cbez qui la vue de ce cyclope en
miniature, évoquait l'idée d'une création
virgilienne revue et mise au point par
Rabelais.
+ *
Mais les commissaires sont sans pitié
pour les plaisirs des poètes et des enfants.
Cet antagonisme inné de tempérament et
de goûts ne suffit pas cependant à expli-
quer l'acte de vandalisme par lequel ie
fonctionnaire qui préside à la police do
BuUrges est en train de s'illustrer.
On se perd en coujectures sur les véri-
tables causes do la rigueur déployée par
ce magistrat contre les vasas oculaires,
réputés innocents jusqu'ici, qui, pour
l'imagination populaire, suffisaient à s vu-
thétiser à eux seuls toute une foire.
Le commissaire de Bourges a découvert
tout à coup, disent les uns, tout un monda
d'obscénités dans l'œil symbolique dont
ces récipients sont ornés. Eh quoi ! obs-
cène! cet œil peint, inanimé, insensible,
et qui même, s'il était tout le contraire,
s il avait réellement la faculté de voir les
objets promis à son rayon visuel, en use-
rait dans une intimité si stricte et si ri-
goureusement hermétique qu'on ne pour-
rait sans une indiscrétion plus obscène
encore, constater le délit.
Voyez-vous le commissaire intervenant
entre cet œil et son objectif pour saisir au
passage l'outrage aux mœurs, pour arrê-
ter au vol l'attentat contre la pudeur de
cet orbite en porcelaine 1
*
« »
Une pareille idée n'a pu venir évidem-
ment qu'à la Ligue contre la licence des
rues. Jules Simon seul est capable d'a-
voir entrevu une obscénité dans la passi-
vité de ce malheureux regard vitrifié,
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