Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-10-09
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 octobre 1888 09 octobre 1888
Description : 1888/10/09 (N4189,A12). 1888/10/09 (N4189,A12).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/08/2012
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JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
PARIS ET DÉPARTEMENTS
1 Le Numéro : 5 centimes
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DOUZIEME ANNÉE - NUMÉRO 4189
w
Mardi 9 Octobre 1888
17 Vendémiaire — An 97
Foutes les réformes à vau l'eau
Décidément, ce n'est pas cette année
que la question de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat fera un pas en
ivant.
L'occasion était belle, cependant, si-
aon pour réaliser cette grande réforme
qui figure, depuis si longtemps, dans
le programme du parti républicain, du
moins pour effectuer un progrès dans
la voie de l'affranchissement de l'Etat
vis-à-vis de l'Eglise, et cela sans por-
ter aucune atteinte à la loi du Concor-
dat.
Cette loi, on le sait, a stipulé l'éta-
blissement d'un nombre déterminé de
sièges épiscopaux. Or, ni l'archevêché
de Cambrai, ni l'évêché de Gap, deve-
nus vacant depuis quelque temps par
la mort des titulaires, ne sont des siè-
ges concordataires. Ils n'ont été insti-
tués que plusieurs années après le
Concordat.
Le gouvernement était donc parfai-
tement autorisé, aux termes mêmes
du Concordat, à ne pas donner de
successeurs aux deux prélats défunts.
Non seulement il y était autorisé,
mais même il n'avait pas le droit de
pourvoir aux vacances, le parlement
ayant, l'an dernier, opéré sur les cré-
dits du bubget des cultes une réduc-
tion de dix mille francs en spécifiant
qu'il serait procédé, par voie d'extinc-
tion à la suppression de tous les siè-
ges non concordataires.
Dans cette situation rien de plus
simple pour le gouvernement que de
s'en tenir au concordat et de suppri-
mer les deux sièges devenus vacants.
M. Ferrouillat en a jugé autrement
et il a rétabli le crédit de dix mille
francs dans son budget. La commis-
sion la rayé. Là-dessus échange d'ex-
plications entre celle-ci et le ministre,
à la suite desquelles il a été convenu
que le crédit ne serait pas rétabli,
mais cela uniquement par des raisons
fiscales, et que le gouvernement aurait
toute licence de nommer un archevê-
que de Cambrai et un évêque de Gap,
en prenant les fonds nécessaires à
leur traitement sur les disponibilités
du budget des cultes.
La commisssion a donc volontaire-
ment laissé échapper l'occasion qui
s'offrait à elle d'en revenir, sur un
point capital, celui du nombre des siè-
ges épiscopaux, à la stricte exécution
du traité concordataire.
Nous pouvons le regretter, mais
nous n'en sommes nullement surpris.
Il y a quelque temps que nous sa-
vons, et que nous avons dit ici même,
qu'il n'y avait plus aucune réforme,
petite ou grande, à attendre de la
Chambre actuelle.
Cette Chambre a épuisé toute sa
force vitale, n'a jamais été excessive
— cette pauvre Chambre de 1885 est
née anémique — elle en est arrivée à
set état de caducité, où toute action
demandant tant soit peu d'énergie et
de volonté est impossible.
Nous avons tellement le sentiment
de cette impuissance irrémédiable de
la Chambre que, depuis un certain
temps, nous avons cessé de lui rien
demander en fait de réformes. A quoi
bon perdre son temps et son encre à
demander aux gens ce qu'on sait qu'ils
ne peuvent donner.
Réforme judiciaire, réforme de l'as-
siette de l'impôt, réforme de notre
Code de procédure et de nos lois pé-
nales.réforme administrative, etc..etc.,
toutes ces réformes inscrites au pro-
gramme radical, nous nous abstenons
systématiquement de les rappeler à la
Chambre, parce que nous la savons
incapable désormais d'en accomplir
aucune.
Voilà pourquoi nous avons tant
réclamé, et nous réclamons encore, la
dissolution et les élections générales
au commencement de l'année pro-
chaine. Que la chambre aille jusqu'au
bout de son mandat et c'est une année
de perdue pour les réformes qu'at-
tend le pays. C'est une année d'agita-
tions stériles, sans autre résultat que
l'accroissement de la lassitude géné-
rale.
Non, il n'y rien à espérer de cette
Chambre de 1885, quime renferme plus
aucun élément de vitalité. Ce qui vient
de se passer à propos des deux sièges
non concordataires de Cambrai et de
Gap en est une preuve de plus, ajoutée
à tant d'autres.
La question est donc de savoir si
l'on veut rester encore un an à piétiner
sur place ou si l'on veut aborder enfin,
d'une façon sérieuse, l'étude et la so-
lution des grands problèmes politi-
ques, religieux, financiers, etc., qui
intéressent le présent et l'avenir de la
République.
Dans le premier cas, il n'y a qu'à fer-
mer les yeux, en attendant le coup qui
peut frapper à mort la République.
Dans le second cas, la dissolution
s'impose. Aveugle qui ne le voit pas.
LE VOYAGE IMPÉRIAL
Les toasts impériaux. — La presse
russe.
(D'un correspondant)
Saint-Pétersbourg, 6 octobre.—Les toasts
des empereurs d'Autriche et d'Allemagne
impressionnent désagréablement le pu-
blic et la presse russe. En substituant aux
assurances attendues ici au sujet des sa-.
tisfactions à donner aux réclamations de
la Russie dans la question bulgare, des
paroles qui font trop sonner la note mili-
taire, et en donnant un relief trop dé-
monstratif à leur alliance, les deux em-
pereurs ont sensiblement amoindri les
espérances inspirées par l'entrevue de
Peterhof, après laquelle l'opinion russe
croyait que Guillaume II, convaincu des
intentions pacifiques de la Russie, indi-
querait nettement à Vienne les limites
dans lesquelles l'Autriche pourrait comp-
ter sur l'appui de l'Allemagne.
Chasse impériale
(D'un correspondant)
Muerzsteg, 7 octobre. — La chasse à la-
quelle ont pris part les deux empereurs
et leurs invités a été très brillante.
Quatre-vingts chamois ou chevreuils
ont été abattus. L'empereur François-
Joseph a tué un chamois. Quant à l'em-
pereur Guillaume, il n'a pas été heureux
et n'a pu abattre aucune pièce.
Hier soir, le public a été admis dans le
parc à la curée aux flambeaux, à laquelle
assistaient les deux empereurs et le roi
de Saxe.
L'empereur Guillaume, toujours raide,
fumait une pipe immense pendant que
l'empereur François-Joseph s'entretenait
familièrement avec les assistants.
Personne n était en tenue, à l'exception
d'un officier d'artillerie prussienne.
Demandez chez tous les libraires et
marchands de journaux le Supplément
de la Lanterne, 5 centimes le numéro.
AU BOURGET
L'UNION DES SOCIÉTÉS DE TIR ET
D'INSTRUCTION MILITAIRE
Attaque et défense du Bourget. — Ma-
nœuvres militaires. — Prise du
pont par le bataillon de l'Union.
- Le général Jeanningros.
- Le banquet. - Les dis-
cours. — Le défilé.
Il y a quelques semaines, nous relations
avec plaisir les nombreux succès obtenus
aux Tuileries, le 8 juillet dernier, par
l'Union des Sociétés de tir et d'instruc-
tion militaire de la région de Paris dont
M. Edmond Dollfus est l'actif, dévoué et
généreux président. S'occupant avec un
soin jaloux de cette patriotique jeunesse,
qu'il est heureux de préparer pour l'ave-
nir, il nous conviait hier, au Bourget, pour
assister à de véritables manœuvres mili-
taires.
Les sociétés
Sept cent quatre-vingt-dix jeunes gens
y ont pris part.
L'ennemi était représenté par les so-
ciétés Pro Patria, la Liberté du 2e et l'Es-
pérance du 19°, soit en tout 250 hommes
commandés par le lieutenant Tranchart
et l'instructeur Matifas.
Il avait pour mission de défendre le
Bourget.
Le bataillon de l'Union, fort de trois
compagnies de 180 élèves chacune et
commandé par le capitaine Gérard, était
supposé faire partie de la défense mobile
du fort d'Aubervilliers. Ayant appris que
l'ennemi cantonné sur la ligne de Stams
à Louvres venait d'occuper le Bourget,
il devait se porter à sa rencontre et l'en
déloger.
Les Sociétés qui formaient le bataillon
de l'Union étaient les suivantes : Diderot,
les Eclaireurs de Belleville, les Francs-
Tireurs de Clichy, la France du 16°. l'Ar-
gus, la Frontière de Saint-Denis, Garde-
à-Vous, l'Avenir du 17e, les Flobutistes,
les Amis français, les Volontaires du 18e,
Sambre-et-Meuse, l'Union des volontaires
du 5e, les Chasseurs topographes, les
Francs-Tireurs des Batignolles, la Fran-
çaise de Neuilly, les Francs-Tireurs du 1-5e.
la Bastille, les Gravilliers, l'Avenir du
18e et l'Avant-Garde.
L'ennemi portait un manchon blanc à
la casquette et le bataillon de l'union
avait la casquette en drap de couleur
foncé.
Le départ
Les Sociétés avaient, de très grand
matin, pris les dispositions nécessaires
pour l'heure du départ de leur siège so-
cial et le transport des armes en voiture
à la porte de t landre, de manière à se
trouver à hait.heures précises sur la
route nationale de Paris à Lille. à six
cents mètres en avant du fort d'Auber-
villiers sur le ruisseau de Mont-Fort, à
deux cents mètres en arrière du chemin
de grande communication de Bondy à
Saint-Denis.
Chaque Société est allée ensuite occuper
les positions qui lui étaient assignées et
la manœuvre a commencé.
Les manœuvres
Le général Jeanningros, MM. Edmond
Dollfus, Mesureur, député, Richard, con-
seiller municipal, le colonel Cahart et un
grand nombre de représentants de l'ar-
mée et de la presse, étaient sur le pont
du chemin de fer, près de la gare du
Bourget, d'où ils assistaient à toutes les
opérations,
Au début, une avant-garde, commandée
par M. Riou, président des Eclaireurs de
Belleville et Diderot réunis, reçut la
mission d'aller prendre possession du
pont pendant que la deuxième compagnie,
commandée par M. - Pritz de Saint-Denis,
devait occuper la voie ferrée.
A ce moment les éclaireurs ennemis
s'emparèrent de la gare et tirèrent de nom-
breux coups de fusil.
L'avant-garde du bataillon de l'Union
s'étant aperçu que le pont était également
occupé, se rejeta sur le fort d'Aubervil-
lier.
La troisième compagnie, commandée
par M. Cheret, fut envoyée à son secours.
La deuxième compagnie, arrivée au
chemin de fer, ayant repoussé l'ennemi,
pris possession de la gare aux marchan-
dises.
Le capitaine Gérard rappela à ce mo-
ment la troisième compagnie qui vint lui
servir de soutien pendant que la pre-
mière commandée par M. Lecomte, ins-
tructeur des volontaires du cinquième,
ouvrait le feu sur les fuyards et les re-
foulait dans la direction du Drancy.
La prise du Bourget
L'ennemi se replia alors sur le pont.
Les première et deuxième compagnies
firent un mouvement tournant, sautant des
fossés d'un et deux mètres, firent de
nombreux prisonniers, et mettant baïon-
nette au canon s'emparèrent du pont du
Bourget.
Les arbitres, le commandant Bessart,
le capitaine Lefèvre, le lieutenant Le-
dantec et les sous-lieutenants Warnier et
Vasseau ont proclamé vainqueur les so-
ciétés formant le bataillon de l'Union.
Il est impossible de se faire une idée
de l'entrain qu'avaient tous ces jeunes
gens. On eut dit que c'était pour de bon,
ils marchaient, couraient, chargeaient,
avec une rage endiablée.
Un moment M. Mesureur fut obligé
d'intervenir entre deux détachements
pour calmer leur ardeur.
Le général Jeanningros
Le général Jeanningros a fait alors for-
mer le cercle, puis a, d'une voix vibrante
et chaleureuse, fait la critique des opéra-
tions. Il a encouragé les jeunes gens, les
a félicités de leur entrain, et a terminé
en leur disant « qu'un jour ils seraient
appelés à venger leurs ainés tombés en
lb70, sur ce meme terrain où ils venaient
de manœuvrer o.
Ces paroles ont été saluées d'unanimes
applaudissements.
Le déjeuner
Les sociétés se sont ensuite formées en
colonnes et ont traversé toute la ville du
Bourget. Les habitants, heureux, sa-
luaient de leurs acclamations ces coura-
geux jeunes gens.
C'était l'heure du déjeuner , chacun
avait faim, aussi c'était un plaisir de les
voir bivouaquer, placer leurs marmites,
faire^ la soupe, et dévorer les provisions
qu'ils avaient.
Pendant ce temps, M. Edmond Dollfus.
recevait ses invités à l'hôtel de Bourgo-
gne, dans un amical et fraternel banquet.
Etaient assis à ses côtés le général
Jeanningros, M. Mesureur, notre direc-
teur M. Eugène Mayer, M. Richard, MM.
Cahart, Detalle, Simian, Benard, Bazin,
Gérard, Lognon, etc.
Au dessert, M. Edmond Dollfus, dans
un langage ému, a remercié vivement
l'armée, la presse et les pouvoirs publics du
concours constant qu'ils lui donnent dans
l'œuvre qu'il a entreprise, c'est-à-dire la
formation de bataillons d'adultes ayant
une bonne instruction militaire. Il a porté
un toast très applaudi à l'armée et à la
presse.
Le général Jeanningros, après lui, a pro-
noncé quelques paroles patriotiques.
Notre directeur, M. Eugène Mayer, re-
mereleM. Dollfus et le général Jeanningros
des paroles sympathiques qu'ils ont adres-
sées à la presse. Ne voulant pas faire un
long discours, parce que le rôle d'un
journaliste est de voir et d'entendre, il
croit pourtant de son devoir de déclarer
que les sociétés d'adultes sont le trait
d'union entre les bataillons scolaires et
l'armée ! Il se déclare ardent partisan de
leur création et prend l'engagement de
défendre leur cause, car elles seront l'ar-
mée de l'ordre et non celles du désordre.
Il est certain d'être suivi par tous ses
confrères, car, comme la presse l'a si
bien montré en 1870 à la défense du
Bourget, elle est toujours unie, sans dis-
tinction d'opinion, lorsqu'il s'agit de la
patrie.
Ce discours a été très vivement ac-
clamé.
D'autres discours ont été prononcés par
MM. Mesureur, Richard et le capitaine
Bazin, puis on s'est rendu aux monuments
commémoratifs, élevés aux soldats morts
en 1870.
Devant les monuments
La revue des sociétés, qui ont défilé
dans un ordre parfait, a été passée par
M. le général jeanningros, qui a salué les
morts du Bourget et donné leur sacrifice
héroïque comme modèle à tous ces jeu-
nes gens.
Au moment de se séparer, M. Edmond
Dollfus a présenté au général M. Pierre-
Alexandre Dubray, pompier de la coin*
mune du Bourget depuis quarante ans et
ouvrier mécanicien dans la même usine
depuis quarante-neuf ans. M. Jeanningros
l'a vivement félicité.
Les manoeuvres d'hier ont été fort bien
exécutées. Elles se continueront tous les
ans et maintiendront entre les diverses
Sociétés une émulation et un entrain qui
ne pourront fournir que d'excellents ré-
sultats. Elles sont une consolation pour
le présent et une espérance pour l'a-
venir.
EN VAUCLUSE
Une lettre de M. Michel
M. Michel, député de Vaucluse, adresse
la lettre suivante au Petit Marseillais:
Carpentras,5 octobre.
A la suite d'une réunion donnée, à Cavail-
lon, par mon collègue et ami Gaillard, un
ordre du jour a été voté par l'assemblée. Il
y est dit qu'on a confiance en Gaillard et
qu'on blâme les autres députés de Vaucluse
d'avoir adhéré au boulangisme.
Ce blâme ne saurait matteiudre.
Un des premiers j'ai énergiquement com-
battu cette politique néfaste qui, d'après moi,
ne peut servir que nos adversaires en désa-
grégeant les forces républicaines.
Ennemi acharné du pouvoir personnel, je
n'ai jamais compris qu'on s'attachât à la
fortune d'un homme.
Mes idées à ce sujet sont tellement con-
nues que j'ai eu quelque raison d'être étonné
en lisant l'ordre du jour auquel je fais al-
lusion.
cette déclaration suffira, je l'espère, pour
dissiper toute équivoque.
Veuillez agréer, etc.
ALFRED MICHEL.
Une réunion & Avignon
(D'un correspondant)
Avignon, 7 octobre. — M. Gaillard, dé-
puté, a rendu compte de son mandat dans
une réunion publique de 400 personnes
environ. Il a d'abord déclaré qu'il était
autorisé à parler aussi au nom de son
collègue M. Alfred Michel.
Après avoir critiqué la politique suivie
par ses collègues MM. Saint-Martin et
Laguerre, il s'est déclaré favorable au
maintien du ministère Floquet jusqu'à
la fin de la législature.
M. Pourquery, maire d'Avignon, est in-
tervenu dans la discussion. Il s'est dé-
claré partisan des idées émises par M.
Gaillard et prêt à les faire prévaloir
quand le moment sera venu.
La réunion, quelque peu houleuse, mais
favorable à M. Gaillard, a voté un ordre
du jour de confiance en sa faveur.
L'INCIDENT NUMA GILLY
La lettre de M. Gilly à M. Andrieux.
— Une fumisterie
Nîmes, 7 octobre. — Le Petit Midi de ce
soir déclare que la lettre publiée hier par
la France comme une réponse de M. Gilly
à M. Andrieux est l'œuvre d'un mystifi-
cateur.
Sa teneur ayant inspiré des doutes à
quelques-uns des amis de M. Numa Gilly,
un rédacteur du Petit Midi est allé 1 in-
terviewer.
Le député du Gard lui a déclaré qu'il
n'avait écrit aucune lettre à M. Andrieux
et le prie de démentir celle publiée hier
soir et qui lui était attribuée.
A SOISSuNS
Notification du décret de dissolution
aux bons frères de SaintçMédard
• (De notre correspondant particulier)
Soissons, 7 octobre. - La notification du
décret de la dissolution de la congréga-
tion des frères de Saint-Joseph dite de
Citeaux, a été faite par le commissaire
de police, au père Robert, sous-direc-
teur de la succursale de Saint-Médard.
Aucun incident.
Le père Robert va quitter les lieux et
bientôt l'établissement de Saint-Médard
sera complètement laïcisé.
DANS LES AMBASSADES
Le mariage du fils de M. de Moûy
On annonce le mariage de M. de Moüy,
fils de notre ambassadeur à Rome près le
Quirinal, avec Mlle Tiby, petite-fille de
M. Cuviller-Fleury, l'honorable académi-
cien.
LES ETRANGERS
DANS LES DIFFÉRENTS PAYS D'EU
ROPE
Lois sur les étrangers dans tous le^
pays. — Taxes et amendes. — Siwv
veillance secrète. — Hospitalité ",
de la France. — L'effet de la
- nouvelle loi à Paris.
Le décret relatif aux étrangers qui ~en~
d'entrer en vigueur a été très sévèrement
apprécié dans certains pays. Pour se confw
vaincre que ces récriminations ne sont
point justifiées, il suffit de jeter un coup
d'œil pour voir ce qui se passe au delàder
nos frontières. Celui qui écrit ces lignes
a beaucoup voyagé et il va rendre compte
des expériences qu'il a faites dans ses
pérégrinations. Comme ce sont les jour-
naux de Bismarck qui ont crié le plus
fort, je commencerai par la Prusse.
En Prusse -------
A peine avais-je mis les pieds dans une
auberge de Berlin, qu'on me présenta une
déclaration à signer qui renfermait tout
un questionnaire.
J'avais pourtant pris la précaution da
prévenir, en arrivant, l'hôtelier, que je:
me proposais de ne passer que quelques
jours dans la capitale de Guillaume. Je
dus quand même déclarer qui j'étais, d'où
je venais, ma profession, mon deraier do-
micile, je dus dire également où je mq
proposais d'aller en quittant cette maison
hospitalière !
Vous voyez, combien ces formalités
sont plus nombreuses et plus vexatoires
que celles du nouveau décret qui ne con-
cerne même pas l'étranger en passage. A
Berlin, quiconque n'est pas né sur le sol
germain est obligé, en débarquant, de
répondre à à la minutieuse série de ques-
tions que je viens d'énumérer.
Les expulsions
Si l'étranger, après cette première
épreuve, désire encore prolonger son
séjour sur la terre allemande, il doit sur
le champ se rendre à la Polizei où l'on
exige que les documents qu'il présente
aient été visés par le consul allemand,
résidant au pays d'où il est venu. S'il n'a
pas songé à cette mesure de prudence, il
est immédiatement expulsé sans autre
forme de procès. D'ailleurs, les expul-
sions se pratiquent en Prusse avec un
sans-gêne inouï. Les Français et les Rus-
ses, principalement, se voient tous les
jours refuser le droit de domicile, sans
qu'on prenne la peine de leur expliquer
pourquoi.
Quand on pratique l'hospitalité d'une
manière aussi baTDare, il semble qu'on
devrait avoir la pudeur de crier un peu
moins fort contre un pays qui cherche
simplement à se rendre compte de la
quantité et de la qualité des étrangers
qui viennent s'établir chez lui, sans leur
occasionner aucun préjudice. -
En Autriche
On n'est pas plus coulant pour les
étrangers à Vienne qu'à Berlin. Là, de
même, dès que vous arrivez, que ce soit
pour descendre à l'hôtel ou chez des pa-
rents, il faut aussitôt se déclarer melden.
Une fois, étant en visite chez des *amis,
j'ai oublié pendant vingt-quatre heures"
de faire cette déclaration. Eh bien ! te
lendemain déjà je recevais une invitation
à me présenter devant le polizeikomis-
saer, qui, après un interrogatoire sévère,
me mit à lu gulden d'amende, soit 20 fr.
20 francs pour un retard de vingt-quatre
heures, c'est bien payé 1
En Suisse
A Genève et dans toute la Suisse, tout
étranger et même tout Suisse apparte-
nant à un autre canton, doit, au bout do
six semaines, demander un permis de sé-
jour qui coûte 3 francs par an et doit être
renouvelé chaque année. Comme la
Suisse compte probablement 100,000 Fran-
çais, c'est à peu près 300,000 francs par
an que les Français paient à la Suisse
pour avoir le droit d'habiter son terri-
toire.
En Belgique
La déclaration officielle est obligatoire
pour tous les étrangers dès qu'ils entrent
en Belgique. Ordinairemont la police
belge ne se contente pas des documents
qu'on lui présente et cherche à contrôler
les déclarations qui lui sont faites Coin-
FEUILLETON DU 9 OCTOBRE
3
Charbons ardents
PAR
EDMOND BAZIRE
II
— SUITE —
Le soir, au dîner, il interrogeait,
constatait les progrès accomplis, -se
réjouissait, avait des félicitations
pour la maîtresse t Ce vieux garçon
avait des instincts de père. Il oubliait
Lenoir et, penché sur l'insouciance de
la mignonne, il se disait, tout pénétré
d'une émotion envahissante : « Mais
je suis heureux ! »
Le vendredi seulement il recevait.
C'était régulièrement le même per-
sonnel. Des collègues graves, bons
mangeurs, qui discutaient, rappelaient
des incidents d'audience, égratignant
çà et là un absent, tout en dégustant
l'excellente cuisine du cordon bleu
qu'on appelait volontiers la jeune
Adèle, parce qu'elle avait soixante-
douze ans !
Tant que Juliette n'était pas cou-
chée, la consigne était de se tenir sur
la réserve, de n'aborder aucune ques-
tion qui pût effaroucher ses oreilles,
susciter une réflexion. On lui concé-
dait tous les droits, et, pour plaire à
l'amphitryon, on lui laissait le dé de
la conversation. C'était elle qui prési-
dait véritablement ces invités, dont
plusieurs étaient , présidents. On se
mettait à son niveau, on l'écoutait.
Tout une gâterie !.
Elle partie, les idées changeaient
bien un peu, mais Desmares s'ennuyait,
ramenait l'entretien sur sa Juliette,
vantait ses procédés d'instruction.
— Dites plutôt d'obstruction, riposta
brutalement, à la 9n d'un repas, un
avocat général qui avait beaucoup
vécu et beaucoup observé. Vous la gar-
dez trop pour vous et pas assez pour
elle. C'est très beau, la vie comme
vous la concevez. Mais c'est une vie
qui n'existe pas. Que de déceptions
vous préparez à la femme que sera Ju-
liette ! Le cloître est mauvais et vous
lui faites un cloître en miniature et
plus dangereux avec le frottement des
caractères en moins.
— Bah ! bah ! Laissez faire. Elle ne
sera que trop tôt initiée aux laideurs
de la société, qui n'est pas si laide
après tout qu'on le prétend.
Et l'avertissement ne servit de rien.
Le lendemain fut pareil à ia veille. Ju-
liette poursuivit ses études auxquelles
du reste elle avait pris goût, sans être
jamais mêlée au mouvement extérieur.
Le bon ami Desmares, Mme Philippe,
la jeune Adèle, c'étaittoute sa sphère.
Meek, son plus éloquent confident,
partagea son amitié avec un chat épa-
noui, au pelage gris fer et tigré, qui la
griffait gentiment, et un sansonnet in-
fatigable qui parlait comme un avocat,
sans venir jamais au bout de ses dis-
cours.
Les années s'écoulèrent de la sorte,
régulièrement, sans incidents, sans,
trouble, et la jolie tête blonde se meu-
blait peu à peu. Juliette possédait une
merveilleuse mémoire, ses progrès
étonnaient et ravissaient.
A quinze ans, elle était une fine de-
moiselle, très élégante, la taille légè-
rement formée, la figare intelligente
et douce. Une beauté, non, mais une
grâce délicate qui attirait. Elle parlait
d'une voix bien timbrée, sur tous les
sujets, connaissait la musique de l'i-
talien et les difficultés de l'anglais. Elle
peignait de spirituelles aquarelles et
ne manquait pas d'un certain virtuo-
sisme au piano. C'était une personne
accomplie.
— Eh bien! vous voyez, disait quel-
quefois Desmares à son ami l'avocat-
général, vous voyez que je n'avais pas
tort. C'est un ange 1
- Oui, oui. répondait le sceptique,
mais les anges m'inquiètent. La terre
n'est pas le paradis.
III
En vieillissant, Desmares commen-
çait à éprouver le besoin d'être aidé. Il
n'abandonnait pas le travail, il aimait
ses études et sa carrière, mais il goû-
tait un certain plaisir au repos, se las-
sait de compulser ses dossiers, s'ou-
bliait avec Juliette en des causeries
prolongées. Il lui arrivait de désirer
un peu de liberté. Son cerveau, bien
organisé pourtant, avait des lourdeurs.
Il avait peine à sortir de chez lui pour
se rendre au palais et prenait, les jours
de soleil, des détours d'écolier flâneur.
Mais, consciencieux, il se disait qu'il
manquait à son devoir, qu'il n'accom-
plissait pas sa tâche, et il résolut de
s'attacher un secrétaire.
Toujours méticuleux, il chercha lon-
guement, et ce ne fut qu'après bien des
tâtonnements, des informations, pres-
que une enquête, qu'il fixa son choix
sur un jeune homme qui lui fut pré-
senté, avec raison du reste, comme
un modèle. C'était un Rouennais, d'ex-
cellente famille, qui avait, de bonne
heure, perdu ses parents, était resté
seul, sans fortune, à la suite du vol
flagrant d'un notaire. Philosophe, s'il
avait beaucoup pleuré les siens, il ne
pleura pas son argent. Lesté de quel-
ques milliers de francs, débris miséra-
ble de l'opulence passée, il était venu
à Paris, avait suivi les cours de l'Ecole
de droit, tout en cherchant des débou-
chés littéraires et sans négliger non
plus les plaisirs de son âge. 11 n'était
ni paresseux, ni débauché, ni puritain.
Il s'était fait un petit nom parmi les
jeunes poètes chercheurs qui, sans re-
nier le romantisme, essaient de, se
créer une originalité, restent dans la
grande famille et cependant devien-
nent quelqu'un.
Le soir, un peu tard, après avoir pé-
nétré les articles du code, il s'en allait
en rêvant d'un sonnet ou d'un pantoum,
bavarder avec les amis. et les amies.
Bien équilibré, ouvert, causeur gai, il
adorait parler et rire, et son exubé-
rance normande faisait taire souvent
des exubérances provençales.
C'était au physique un grand garçon
très maigre — un mauche à balai
comme on dit, — à la figure pâle et légè-
rement creusée, aux cheveux noirs et
frisés. Un camarade l'avait appelé « le
méridional du Nord a. Il se plaisait
dans les milieux les plus opposés,
et ne comprenait pas que l'on ne
variât pas sa vie. La variété, c'était la
passion à laquelle il était fidèle j en
amour principalement.
- Travaillons le matin, disait-il, tra-
vaillons l'après-midi, mais le soir,
zut, alors!
Or, vers les dix heures, une après
dîner, il fit son entrée dans une des
salles du café de l'Odéon, où se réu-
nissait son groupe, un groupe aima-
ble et facile de bons compagnons et
de jolies compagnes.
Ils étaient-là, une dizaine, attablés,
fumant, buvant, devisant.
— Tiens! Fauvel, s'écria l'un d'eux.
— Il n'est pas mort 1 fit une belle
rousse qui se leva aussitôt et se pen-
dit à son cou.
— Pas mort du tout, répondit le
jeune homme, un peu enterré seule-
ment.
— Une quinzaine d'absence 1
— Lâcheur !
— Faux frère !
— Homme rangé ! *
— Prends tu un bock ?
— J'en prendrai plutôt deux !
Et il s'assit, assiégé de questions cu-
rieuses.
- Alors, monsieur devient sérieux ?
- Ma foi oui, ma jeannette, il faut
bien l'être un peu, pièr .MJiafiX&ie.
trop ! Je l'ai été toute la journée, mais
à cette heure ci.
— N,i,ni.
- Justement, c'est fini.
- Et tu es content ?
- Très content.
- En somme, demanda un gros gar-
çon rosé, tout rond et tout cordial, ta
position dans la société ?
— Eh ! mon vieux Boutin, je secré-
tarise avec ardeur chez un magistral
bon enfant qui me traite à merveilles
me donne à déjeuner, me comble de
douceurs et me garde souvent pour id
repas du tantôt.
— On mange en famille ?
— En famille, non. — 11 n'a pas dâ
famille. — C'est un célibataire qui vif
entre une fille adoptive et une gouver4 ,
nante. ,
— Ah ! ah ! jeune ? la fille adoptive
— Plus que jeune.
— Mûre y la gouvernante ?
— A peu près mûre.
— Et tu ne t'ennuies pas?
— Mais non. Pourquoi m'ennuie-
rais-je? Tous ces gens-là sont char-
mants, d'une humeur égale, préve-
nants, passablement naïfs. la naivete
ça me change !
— Insolent ( interrompit Jeannette
— Tu es bête, ma fille, ça ne ma
change pas pour toi. — Garçon, une
tournée! — Et puis, tu vois, je vkna
me retremper, et je reviendrai* Ob. J
je M suis pas esclave! Que la he",n«
soit faite et bien faite, cela enik
'{.*- suite à demain)
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Les articles non insérés ne seront pas rendus
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DOUZIEME ANNÉE - NUMÉRO 4189
w
Mardi 9 Octobre 1888
17 Vendémiaire — An 97
Foutes les réformes à vau l'eau
Décidément, ce n'est pas cette année
que la question de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat fera un pas en
ivant.
L'occasion était belle, cependant, si-
aon pour réaliser cette grande réforme
qui figure, depuis si longtemps, dans
le programme du parti républicain, du
moins pour effectuer un progrès dans
la voie de l'affranchissement de l'Etat
vis-à-vis de l'Eglise, et cela sans por-
ter aucune atteinte à la loi du Concor-
dat.
Cette loi, on le sait, a stipulé l'éta-
blissement d'un nombre déterminé de
sièges épiscopaux. Or, ni l'archevêché
de Cambrai, ni l'évêché de Gap, deve-
nus vacant depuis quelque temps par
la mort des titulaires, ne sont des siè-
ges concordataires. Ils n'ont été insti-
tués que plusieurs années après le
Concordat.
Le gouvernement était donc parfai-
tement autorisé, aux termes mêmes
du Concordat, à ne pas donner de
successeurs aux deux prélats défunts.
Non seulement il y était autorisé,
mais même il n'avait pas le droit de
pourvoir aux vacances, le parlement
ayant, l'an dernier, opéré sur les cré-
dits du bubget des cultes une réduc-
tion de dix mille francs en spécifiant
qu'il serait procédé, par voie d'extinc-
tion à la suppression de tous les siè-
ges non concordataires.
Dans cette situation rien de plus
simple pour le gouvernement que de
s'en tenir au concordat et de suppri-
mer les deux sièges devenus vacants.
M. Ferrouillat en a jugé autrement
et il a rétabli le crédit de dix mille
francs dans son budget. La commis-
sion la rayé. Là-dessus échange d'ex-
plications entre celle-ci et le ministre,
à la suite desquelles il a été convenu
que le crédit ne serait pas rétabli,
mais cela uniquement par des raisons
fiscales, et que le gouvernement aurait
toute licence de nommer un archevê-
que de Cambrai et un évêque de Gap,
en prenant les fonds nécessaires à
leur traitement sur les disponibilités
du budget des cultes.
La commisssion a donc volontaire-
ment laissé échapper l'occasion qui
s'offrait à elle d'en revenir, sur un
point capital, celui du nombre des siè-
ges épiscopaux, à la stricte exécution
du traité concordataire.
Nous pouvons le regretter, mais
nous n'en sommes nullement surpris.
Il y a quelque temps que nous sa-
vons, et que nous avons dit ici même,
qu'il n'y avait plus aucune réforme,
petite ou grande, à attendre de la
Chambre actuelle.
Cette Chambre a épuisé toute sa
force vitale, n'a jamais été excessive
— cette pauvre Chambre de 1885 est
née anémique — elle en est arrivée à
set état de caducité, où toute action
demandant tant soit peu d'énergie et
de volonté est impossible.
Nous avons tellement le sentiment
de cette impuissance irrémédiable de
la Chambre que, depuis un certain
temps, nous avons cessé de lui rien
demander en fait de réformes. A quoi
bon perdre son temps et son encre à
demander aux gens ce qu'on sait qu'ils
ne peuvent donner.
Réforme judiciaire, réforme de l'as-
siette de l'impôt, réforme de notre
Code de procédure et de nos lois pé-
nales.réforme administrative, etc..etc.,
toutes ces réformes inscrites au pro-
gramme radical, nous nous abstenons
systématiquement de les rappeler à la
Chambre, parce que nous la savons
incapable désormais d'en accomplir
aucune.
Voilà pourquoi nous avons tant
réclamé, et nous réclamons encore, la
dissolution et les élections générales
au commencement de l'année pro-
chaine. Que la chambre aille jusqu'au
bout de son mandat et c'est une année
de perdue pour les réformes qu'at-
tend le pays. C'est une année d'agita-
tions stériles, sans autre résultat que
l'accroissement de la lassitude géné-
rale.
Non, il n'y rien à espérer de cette
Chambre de 1885, quime renferme plus
aucun élément de vitalité. Ce qui vient
de se passer à propos des deux sièges
non concordataires de Cambrai et de
Gap en est une preuve de plus, ajoutée
à tant d'autres.
La question est donc de savoir si
l'on veut rester encore un an à piétiner
sur place ou si l'on veut aborder enfin,
d'une façon sérieuse, l'étude et la so-
lution des grands problèmes politi-
ques, religieux, financiers, etc., qui
intéressent le présent et l'avenir de la
République.
Dans le premier cas, il n'y a qu'à fer-
mer les yeux, en attendant le coup qui
peut frapper à mort la République.
Dans le second cas, la dissolution
s'impose. Aveugle qui ne le voit pas.
LE VOYAGE IMPÉRIAL
Les toasts impériaux. — La presse
russe.
(D'un correspondant)
Saint-Pétersbourg, 6 octobre.—Les toasts
des empereurs d'Autriche et d'Allemagne
impressionnent désagréablement le pu-
blic et la presse russe. En substituant aux
assurances attendues ici au sujet des sa-.
tisfactions à donner aux réclamations de
la Russie dans la question bulgare, des
paroles qui font trop sonner la note mili-
taire, et en donnant un relief trop dé-
monstratif à leur alliance, les deux em-
pereurs ont sensiblement amoindri les
espérances inspirées par l'entrevue de
Peterhof, après laquelle l'opinion russe
croyait que Guillaume II, convaincu des
intentions pacifiques de la Russie, indi-
querait nettement à Vienne les limites
dans lesquelles l'Autriche pourrait comp-
ter sur l'appui de l'Allemagne.
Chasse impériale
(D'un correspondant)
Muerzsteg, 7 octobre. — La chasse à la-
quelle ont pris part les deux empereurs
et leurs invités a été très brillante.
Quatre-vingts chamois ou chevreuils
ont été abattus. L'empereur François-
Joseph a tué un chamois. Quant à l'em-
pereur Guillaume, il n'a pas été heureux
et n'a pu abattre aucune pièce.
Hier soir, le public a été admis dans le
parc à la curée aux flambeaux, à laquelle
assistaient les deux empereurs et le roi
de Saxe.
L'empereur Guillaume, toujours raide,
fumait une pipe immense pendant que
l'empereur François-Joseph s'entretenait
familièrement avec les assistants.
Personne n était en tenue, à l'exception
d'un officier d'artillerie prussienne.
Demandez chez tous les libraires et
marchands de journaux le Supplément
de la Lanterne, 5 centimes le numéro.
AU BOURGET
L'UNION DES SOCIÉTÉS DE TIR ET
D'INSTRUCTION MILITAIRE
Attaque et défense du Bourget. — Ma-
nœuvres militaires. — Prise du
pont par le bataillon de l'Union.
- Le général Jeanningros.
- Le banquet. - Les dis-
cours. — Le défilé.
Il y a quelques semaines, nous relations
avec plaisir les nombreux succès obtenus
aux Tuileries, le 8 juillet dernier, par
l'Union des Sociétés de tir et d'instruc-
tion militaire de la région de Paris dont
M. Edmond Dollfus est l'actif, dévoué et
généreux président. S'occupant avec un
soin jaloux de cette patriotique jeunesse,
qu'il est heureux de préparer pour l'ave-
nir, il nous conviait hier, au Bourget, pour
assister à de véritables manœuvres mili-
taires.
Les sociétés
Sept cent quatre-vingt-dix jeunes gens
y ont pris part.
L'ennemi était représenté par les so-
ciétés Pro Patria, la Liberté du 2e et l'Es-
pérance du 19°, soit en tout 250 hommes
commandés par le lieutenant Tranchart
et l'instructeur Matifas.
Il avait pour mission de défendre le
Bourget.
Le bataillon de l'Union, fort de trois
compagnies de 180 élèves chacune et
commandé par le capitaine Gérard, était
supposé faire partie de la défense mobile
du fort d'Aubervilliers. Ayant appris que
l'ennemi cantonné sur la ligne de Stams
à Louvres venait d'occuper le Bourget,
il devait se porter à sa rencontre et l'en
déloger.
Les Sociétés qui formaient le bataillon
de l'Union étaient les suivantes : Diderot,
les Eclaireurs de Belleville, les Francs-
Tireurs de Clichy, la France du 16°. l'Ar-
gus, la Frontière de Saint-Denis, Garde-
à-Vous, l'Avenir du 17e, les Flobutistes,
les Amis français, les Volontaires du 18e,
Sambre-et-Meuse, l'Union des volontaires
du 5e, les Chasseurs topographes, les
Francs-Tireurs des Batignolles, la Fran-
çaise de Neuilly, les Francs-Tireurs du 1-5e.
la Bastille, les Gravilliers, l'Avenir du
18e et l'Avant-Garde.
L'ennemi portait un manchon blanc à
la casquette et le bataillon de l'union
avait la casquette en drap de couleur
foncé.
Le départ
Les Sociétés avaient, de très grand
matin, pris les dispositions nécessaires
pour l'heure du départ de leur siège so-
cial et le transport des armes en voiture
à la porte de t landre, de manière à se
trouver à hait.heures précises sur la
route nationale de Paris à Lille. à six
cents mètres en avant du fort d'Auber-
villiers sur le ruisseau de Mont-Fort, à
deux cents mètres en arrière du chemin
de grande communication de Bondy à
Saint-Denis.
Chaque Société est allée ensuite occuper
les positions qui lui étaient assignées et
la manœuvre a commencé.
Les manœuvres
Le général Jeanningros, MM. Edmond
Dollfus, Mesureur, député, Richard, con-
seiller municipal, le colonel Cahart et un
grand nombre de représentants de l'ar-
mée et de la presse, étaient sur le pont
du chemin de fer, près de la gare du
Bourget, d'où ils assistaient à toutes les
opérations,
Au début, une avant-garde, commandée
par M. Riou, président des Eclaireurs de
Belleville et Diderot réunis, reçut la
mission d'aller prendre possession du
pont pendant que la deuxième compagnie,
commandée par M. - Pritz de Saint-Denis,
devait occuper la voie ferrée.
A ce moment les éclaireurs ennemis
s'emparèrent de la gare et tirèrent de nom-
breux coups de fusil.
L'avant-garde du bataillon de l'Union
s'étant aperçu que le pont était également
occupé, se rejeta sur le fort d'Aubervil-
lier.
La troisième compagnie, commandée
par M. Cheret, fut envoyée à son secours.
La deuxième compagnie, arrivée au
chemin de fer, ayant repoussé l'ennemi,
pris possession de la gare aux marchan-
dises.
Le capitaine Gérard rappela à ce mo-
ment la troisième compagnie qui vint lui
servir de soutien pendant que la pre-
mière commandée par M. Lecomte, ins-
tructeur des volontaires du cinquième,
ouvrait le feu sur les fuyards et les re-
foulait dans la direction du Drancy.
La prise du Bourget
L'ennemi se replia alors sur le pont.
Les première et deuxième compagnies
firent un mouvement tournant, sautant des
fossés d'un et deux mètres, firent de
nombreux prisonniers, et mettant baïon-
nette au canon s'emparèrent du pont du
Bourget.
Les arbitres, le commandant Bessart,
le capitaine Lefèvre, le lieutenant Le-
dantec et les sous-lieutenants Warnier et
Vasseau ont proclamé vainqueur les so-
ciétés formant le bataillon de l'Union.
Il est impossible de se faire une idée
de l'entrain qu'avaient tous ces jeunes
gens. On eut dit que c'était pour de bon,
ils marchaient, couraient, chargeaient,
avec une rage endiablée.
Un moment M. Mesureur fut obligé
d'intervenir entre deux détachements
pour calmer leur ardeur.
Le général Jeanningros
Le général Jeanningros a fait alors for-
mer le cercle, puis a, d'une voix vibrante
et chaleureuse, fait la critique des opéra-
tions. Il a encouragé les jeunes gens, les
a félicités de leur entrain, et a terminé
en leur disant « qu'un jour ils seraient
appelés à venger leurs ainés tombés en
lb70, sur ce meme terrain où ils venaient
de manœuvrer o.
Ces paroles ont été saluées d'unanimes
applaudissements.
Le déjeuner
Les sociétés se sont ensuite formées en
colonnes et ont traversé toute la ville du
Bourget. Les habitants, heureux, sa-
luaient de leurs acclamations ces coura-
geux jeunes gens.
C'était l'heure du déjeuner , chacun
avait faim, aussi c'était un plaisir de les
voir bivouaquer, placer leurs marmites,
faire^ la soupe, et dévorer les provisions
qu'ils avaient.
Pendant ce temps, M. Edmond Dollfus.
recevait ses invités à l'hôtel de Bourgo-
gne, dans un amical et fraternel banquet.
Etaient assis à ses côtés le général
Jeanningros, M. Mesureur, notre direc-
teur M. Eugène Mayer, M. Richard, MM.
Cahart, Detalle, Simian, Benard, Bazin,
Gérard, Lognon, etc.
Au dessert, M. Edmond Dollfus, dans
un langage ému, a remercié vivement
l'armée, la presse et les pouvoirs publics du
concours constant qu'ils lui donnent dans
l'œuvre qu'il a entreprise, c'est-à-dire la
formation de bataillons d'adultes ayant
une bonne instruction militaire. Il a porté
un toast très applaudi à l'armée et à la
presse.
Le général Jeanningros, après lui, a pro-
noncé quelques paroles patriotiques.
Notre directeur, M. Eugène Mayer, re-
mereleM. Dollfus et le général Jeanningros
des paroles sympathiques qu'ils ont adres-
sées à la presse. Ne voulant pas faire un
long discours, parce que le rôle d'un
journaliste est de voir et d'entendre, il
croit pourtant de son devoir de déclarer
que les sociétés d'adultes sont le trait
d'union entre les bataillons scolaires et
l'armée ! Il se déclare ardent partisan de
leur création et prend l'engagement de
défendre leur cause, car elles seront l'ar-
mée de l'ordre et non celles du désordre.
Il est certain d'être suivi par tous ses
confrères, car, comme la presse l'a si
bien montré en 1870 à la défense du
Bourget, elle est toujours unie, sans dis-
tinction d'opinion, lorsqu'il s'agit de la
patrie.
Ce discours a été très vivement ac-
clamé.
D'autres discours ont été prononcés par
MM. Mesureur, Richard et le capitaine
Bazin, puis on s'est rendu aux monuments
commémoratifs, élevés aux soldats morts
en 1870.
Devant les monuments
La revue des sociétés, qui ont défilé
dans un ordre parfait, a été passée par
M. le général jeanningros, qui a salué les
morts du Bourget et donné leur sacrifice
héroïque comme modèle à tous ces jeu-
nes gens.
Au moment de se séparer, M. Edmond
Dollfus a présenté au général M. Pierre-
Alexandre Dubray, pompier de la coin*
mune du Bourget depuis quarante ans et
ouvrier mécanicien dans la même usine
depuis quarante-neuf ans. M. Jeanningros
l'a vivement félicité.
Les manoeuvres d'hier ont été fort bien
exécutées. Elles se continueront tous les
ans et maintiendront entre les diverses
Sociétés une émulation et un entrain qui
ne pourront fournir que d'excellents ré-
sultats. Elles sont une consolation pour
le présent et une espérance pour l'a-
venir.
EN VAUCLUSE
Une lettre de M. Michel
M. Michel, député de Vaucluse, adresse
la lettre suivante au Petit Marseillais:
Carpentras,5 octobre.
A la suite d'une réunion donnée, à Cavail-
lon, par mon collègue et ami Gaillard, un
ordre du jour a été voté par l'assemblée. Il
y est dit qu'on a confiance en Gaillard et
qu'on blâme les autres députés de Vaucluse
d'avoir adhéré au boulangisme.
Ce blâme ne saurait matteiudre.
Un des premiers j'ai énergiquement com-
battu cette politique néfaste qui, d'après moi,
ne peut servir que nos adversaires en désa-
grégeant les forces républicaines.
Ennemi acharné du pouvoir personnel, je
n'ai jamais compris qu'on s'attachât à la
fortune d'un homme.
Mes idées à ce sujet sont tellement con-
nues que j'ai eu quelque raison d'être étonné
en lisant l'ordre du jour auquel je fais al-
lusion.
cette déclaration suffira, je l'espère, pour
dissiper toute équivoque.
Veuillez agréer, etc.
ALFRED MICHEL.
Une réunion & Avignon
(D'un correspondant)
Avignon, 7 octobre. — M. Gaillard, dé-
puté, a rendu compte de son mandat dans
une réunion publique de 400 personnes
environ. Il a d'abord déclaré qu'il était
autorisé à parler aussi au nom de son
collègue M. Alfred Michel.
Après avoir critiqué la politique suivie
par ses collègues MM. Saint-Martin et
Laguerre, il s'est déclaré favorable au
maintien du ministère Floquet jusqu'à
la fin de la législature.
M. Pourquery, maire d'Avignon, est in-
tervenu dans la discussion. Il s'est dé-
claré partisan des idées émises par M.
Gaillard et prêt à les faire prévaloir
quand le moment sera venu.
La réunion, quelque peu houleuse, mais
favorable à M. Gaillard, a voté un ordre
du jour de confiance en sa faveur.
L'INCIDENT NUMA GILLY
La lettre de M. Gilly à M. Andrieux.
— Une fumisterie
Nîmes, 7 octobre. — Le Petit Midi de ce
soir déclare que la lettre publiée hier par
la France comme une réponse de M. Gilly
à M. Andrieux est l'œuvre d'un mystifi-
cateur.
Sa teneur ayant inspiré des doutes à
quelques-uns des amis de M. Numa Gilly,
un rédacteur du Petit Midi est allé 1 in-
terviewer.
Le député du Gard lui a déclaré qu'il
n'avait écrit aucune lettre à M. Andrieux
et le prie de démentir celle publiée hier
soir et qui lui était attribuée.
A SOISSuNS
Notification du décret de dissolution
aux bons frères de SaintçMédard
• (De notre correspondant particulier)
Soissons, 7 octobre. - La notification du
décret de la dissolution de la congréga-
tion des frères de Saint-Joseph dite de
Citeaux, a été faite par le commissaire
de police, au père Robert, sous-direc-
teur de la succursale de Saint-Médard.
Aucun incident.
Le père Robert va quitter les lieux et
bientôt l'établissement de Saint-Médard
sera complètement laïcisé.
DANS LES AMBASSADES
Le mariage du fils de M. de Moûy
On annonce le mariage de M. de Moüy,
fils de notre ambassadeur à Rome près le
Quirinal, avec Mlle Tiby, petite-fille de
M. Cuviller-Fleury, l'honorable académi-
cien.
LES ETRANGERS
DANS LES DIFFÉRENTS PAYS D'EU
ROPE
Lois sur les étrangers dans tous le^
pays. — Taxes et amendes. — Siwv
veillance secrète. — Hospitalité ",
de la France. — L'effet de la
- nouvelle loi à Paris.
Le décret relatif aux étrangers qui ~en~
d'entrer en vigueur a été très sévèrement
apprécié dans certains pays. Pour se confw
vaincre que ces récriminations ne sont
point justifiées, il suffit de jeter un coup
d'œil pour voir ce qui se passe au delàder
nos frontières. Celui qui écrit ces lignes
a beaucoup voyagé et il va rendre compte
des expériences qu'il a faites dans ses
pérégrinations. Comme ce sont les jour-
naux de Bismarck qui ont crié le plus
fort, je commencerai par la Prusse.
En Prusse -------
A peine avais-je mis les pieds dans une
auberge de Berlin, qu'on me présenta une
déclaration à signer qui renfermait tout
un questionnaire.
J'avais pourtant pris la précaution da
prévenir, en arrivant, l'hôtelier, que je:
me proposais de ne passer que quelques
jours dans la capitale de Guillaume. Je
dus quand même déclarer qui j'étais, d'où
je venais, ma profession, mon deraier do-
micile, je dus dire également où je mq
proposais d'aller en quittant cette maison
hospitalière !
Vous voyez, combien ces formalités
sont plus nombreuses et plus vexatoires
que celles du nouveau décret qui ne con-
cerne même pas l'étranger en passage. A
Berlin, quiconque n'est pas né sur le sol
germain est obligé, en débarquant, de
répondre à à la minutieuse série de ques-
tions que je viens d'énumérer.
Les expulsions
Si l'étranger, après cette première
épreuve, désire encore prolonger son
séjour sur la terre allemande, il doit sur
le champ se rendre à la Polizei où l'on
exige que les documents qu'il présente
aient été visés par le consul allemand,
résidant au pays d'où il est venu. S'il n'a
pas songé à cette mesure de prudence, il
est immédiatement expulsé sans autre
forme de procès. D'ailleurs, les expul-
sions se pratiquent en Prusse avec un
sans-gêne inouï. Les Français et les Rus-
ses, principalement, se voient tous les
jours refuser le droit de domicile, sans
qu'on prenne la peine de leur expliquer
pourquoi.
Quand on pratique l'hospitalité d'une
manière aussi baTDare, il semble qu'on
devrait avoir la pudeur de crier un peu
moins fort contre un pays qui cherche
simplement à se rendre compte de la
quantité et de la qualité des étrangers
qui viennent s'établir chez lui, sans leur
occasionner aucun préjudice. -
En Autriche
On n'est pas plus coulant pour les
étrangers à Vienne qu'à Berlin. Là, de
même, dès que vous arrivez, que ce soit
pour descendre à l'hôtel ou chez des pa-
rents, il faut aussitôt se déclarer melden.
Une fois, étant en visite chez des *amis,
j'ai oublié pendant vingt-quatre heures"
de faire cette déclaration. Eh bien ! te
lendemain déjà je recevais une invitation
à me présenter devant le polizeikomis-
saer, qui, après un interrogatoire sévère,
me mit à lu gulden d'amende, soit 20 fr.
20 francs pour un retard de vingt-quatre
heures, c'est bien payé 1
En Suisse
A Genève et dans toute la Suisse, tout
étranger et même tout Suisse apparte-
nant à un autre canton, doit, au bout do
six semaines, demander un permis de sé-
jour qui coûte 3 francs par an et doit être
renouvelé chaque année. Comme la
Suisse compte probablement 100,000 Fran-
çais, c'est à peu près 300,000 francs par
an que les Français paient à la Suisse
pour avoir le droit d'habiter son terri-
toire.
En Belgique
La déclaration officielle est obligatoire
pour tous les étrangers dès qu'ils entrent
en Belgique. Ordinairemont la police
belge ne se contente pas des documents
qu'on lui présente et cherche à contrôler
les déclarations qui lui sont faites Coin-
FEUILLETON DU 9 OCTOBRE
3
Charbons ardents
PAR
EDMOND BAZIRE
II
— SUITE —
Le soir, au dîner, il interrogeait,
constatait les progrès accomplis, -se
réjouissait, avait des félicitations
pour la maîtresse t Ce vieux garçon
avait des instincts de père. Il oubliait
Lenoir et, penché sur l'insouciance de
la mignonne, il se disait, tout pénétré
d'une émotion envahissante : « Mais
je suis heureux ! »
Le vendredi seulement il recevait.
C'était régulièrement le même per-
sonnel. Des collègues graves, bons
mangeurs, qui discutaient, rappelaient
des incidents d'audience, égratignant
çà et là un absent, tout en dégustant
l'excellente cuisine du cordon bleu
qu'on appelait volontiers la jeune
Adèle, parce qu'elle avait soixante-
douze ans !
Tant que Juliette n'était pas cou-
chée, la consigne était de se tenir sur
la réserve, de n'aborder aucune ques-
tion qui pût effaroucher ses oreilles,
susciter une réflexion. On lui concé-
dait tous les droits, et, pour plaire à
l'amphitryon, on lui laissait le dé de
la conversation. C'était elle qui prési-
dait véritablement ces invités, dont
plusieurs étaient , présidents. On se
mettait à son niveau, on l'écoutait.
Tout une gâterie !.
Elle partie, les idées changeaient
bien un peu, mais Desmares s'ennuyait,
ramenait l'entretien sur sa Juliette,
vantait ses procédés d'instruction.
— Dites plutôt d'obstruction, riposta
brutalement, à la 9n d'un repas, un
avocat général qui avait beaucoup
vécu et beaucoup observé. Vous la gar-
dez trop pour vous et pas assez pour
elle. C'est très beau, la vie comme
vous la concevez. Mais c'est une vie
qui n'existe pas. Que de déceptions
vous préparez à la femme que sera Ju-
liette ! Le cloître est mauvais et vous
lui faites un cloître en miniature et
plus dangereux avec le frottement des
caractères en moins.
— Bah ! bah ! Laissez faire. Elle ne
sera que trop tôt initiée aux laideurs
de la société, qui n'est pas si laide
après tout qu'on le prétend.
Et l'avertissement ne servit de rien.
Le lendemain fut pareil à ia veille. Ju-
liette poursuivit ses études auxquelles
du reste elle avait pris goût, sans être
jamais mêlée au mouvement extérieur.
Le bon ami Desmares, Mme Philippe,
la jeune Adèle, c'étaittoute sa sphère.
Meek, son plus éloquent confident,
partagea son amitié avec un chat épa-
noui, au pelage gris fer et tigré, qui la
griffait gentiment, et un sansonnet in-
fatigable qui parlait comme un avocat,
sans venir jamais au bout de ses dis-
cours.
Les années s'écoulèrent de la sorte,
régulièrement, sans incidents, sans,
trouble, et la jolie tête blonde se meu-
blait peu à peu. Juliette possédait une
merveilleuse mémoire, ses progrès
étonnaient et ravissaient.
A quinze ans, elle était une fine de-
moiselle, très élégante, la taille légè-
rement formée, la figare intelligente
et douce. Une beauté, non, mais une
grâce délicate qui attirait. Elle parlait
d'une voix bien timbrée, sur tous les
sujets, connaissait la musique de l'i-
talien et les difficultés de l'anglais. Elle
peignait de spirituelles aquarelles et
ne manquait pas d'un certain virtuo-
sisme au piano. C'était une personne
accomplie.
— Eh bien! vous voyez, disait quel-
quefois Desmares à son ami l'avocat-
général, vous voyez que je n'avais pas
tort. C'est un ange 1
- Oui, oui. répondait le sceptique,
mais les anges m'inquiètent. La terre
n'est pas le paradis.
III
En vieillissant, Desmares commen-
çait à éprouver le besoin d'être aidé. Il
n'abandonnait pas le travail, il aimait
ses études et sa carrière, mais il goû-
tait un certain plaisir au repos, se las-
sait de compulser ses dossiers, s'ou-
bliait avec Juliette en des causeries
prolongées. Il lui arrivait de désirer
un peu de liberté. Son cerveau, bien
organisé pourtant, avait des lourdeurs.
Il avait peine à sortir de chez lui pour
se rendre au palais et prenait, les jours
de soleil, des détours d'écolier flâneur.
Mais, consciencieux, il se disait qu'il
manquait à son devoir, qu'il n'accom-
plissait pas sa tâche, et il résolut de
s'attacher un secrétaire.
Toujours méticuleux, il chercha lon-
guement, et ce ne fut qu'après bien des
tâtonnements, des informations, pres-
que une enquête, qu'il fixa son choix
sur un jeune homme qui lui fut pré-
senté, avec raison du reste, comme
un modèle. C'était un Rouennais, d'ex-
cellente famille, qui avait, de bonne
heure, perdu ses parents, était resté
seul, sans fortune, à la suite du vol
flagrant d'un notaire. Philosophe, s'il
avait beaucoup pleuré les siens, il ne
pleura pas son argent. Lesté de quel-
ques milliers de francs, débris miséra-
ble de l'opulence passée, il était venu
à Paris, avait suivi les cours de l'Ecole
de droit, tout en cherchant des débou-
chés littéraires et sans négliger non
plus les plaisirs de son âge. 11 n'était
ni paresseux, ni débauché, ni puritain.
Il s'était fait un petit nom parmi les
jeunes poètes chercheurs qui, sans re-
nier le romantisme, essaient de, se
créer une originalité, restent dans la
grande famille et cependant devien-
nent quelqu'un.
Le soir, un peu tard, après avoir pé-
nétré les articles du code, il s'en allait
en rêvant d'un sonnet ou d'un pantoum,
bavarder avec les amis. et les amies.
Bien équilibré, ouvert, causeur gai, il
adorait parler et rire, et son exubé-
rance normande faisait taire souvent
des exubérances provençales.
C'était au physique un grand garçon
très maigre — un mauche à balai
comme on dit, — à la figure pâle et légè-
rement creusée, aux cheveux noirs et
frisés. Un camarade l'avait appelé « le
méridional du Nord a. Il se plaisait
dans les milieux les plus opposés,
et ne comprenait pas que l'on ne
variât pas sa vie. La variété, c'était la
passion à laquelle il était fidèle j en
amour principalement.
- Travaillons le matin, disait-il, tra-
vaillons l'après-midi, mais le soir,
zut, alors!
Or, vers les dix heures, une après
dîner, il fit son entrée dans une des
salles du café de l'Odéon, où se réu-
nissait son groupe, un groupe aima-
ble et facile de bons compagnons et
de jolies compagnes.
Ils étaient-là, une dizaine, attablés,
fumant, buvant, devisant.
— Tiens! Fauvel, s'écria l'un d'eux.
— Il n'est pas mort 1 fit une belle
rousse qui se leva aussitôt et se pen-
dit à son cou.
— Pas mort du tout, répondit le
jeune homme, un peu enterré seule-
ment.
— Une quinzaine d'absence 1
— Lâcheur !
— Faux frère !
— Homme rangé ! *
— Prends tu un bock ?
— J'en prendrai plutôt deux !
Et il s'assit, assiégé de questions cu-
rieuses.
- Alors, monsieur devient sérieux ?
- Ma foi oui, ma jeannette, il faut
bien l'être un peu, pièr .MJiafiX&ie.
trop ! Je l'ai été toute la journée, mais
à cette heure ci.
— N,i,ni.
- Justement, c'est fini.
- Et tu es content ?
- Très content.
- En somme, demanda un gros gar-
çon rosé, tout rond et tout cordial, ta
position dans la société ?
— Eh ! mon vieux Boutin, je secré-
tarise avec ardeur chez un magistral
bon enfant qui me traite à merveilles
me donne à déjeuner, me comble de
douceurs et me garde souvent pour id
repas du tantôt.
— On mange en famille ?
— En famille, non. — 11 n'a pas dâ
famille. — C'est un célibataire qui vif
entre une fille adoptive et une gouver4 ,
nante. ,
— Ah ! ah ! jeune ? la fille adoptive
— Plus que jeune.
— Mûre y la gouvernante ?
— A peu près mûre.
— Et tu ne t'ennuies pas?
— Mais non. Pourquoi m'ennuie-
rais-je? Tous ces gens-là sont char-
mants, d'une humeur égale, préve-
nants, passablement naïfs. la naivete
ça me change !
— Insolent ( interrompit Jeannette
— Tu es bête, ma fille, ça ne ma
change pas pour toi. — Garçon, une
tournée! — Et puis, tu vois, je vkna
me retremper, et je reviendrai* Ob. J
je M suis pas esclave! Que la he",n«
soit faite et bien faite, cela enik
'{.*- suite à demain)
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