Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-02-18
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 février 1892 18 février 1892
Description : 1892/02/18 (N567,A9). 1892/02/18 (N567,A9).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7502610p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
Neuvième année. N" 567
ABONNEMENTS AD SUPPLEMENT
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Trois mois. »fr. »
Bis mois 3 ISO
Un au « •>
5 cent. le Na
Les manuscrits non Insérés ne 90QI
pas rendus.
La Lanterne
-------- SUPPLÉMENT ----- LITTÉRAIRE
11 PARAISSANT DEUX FOIS PAR SEMAINE
i8 Février 1593
ABONNEMENTS Il SUPPLÉIEIT
ÉTRANGER (UNION POSTALA UNIVERSELLE)
Trois mois. air. »
Six mois. « *,
PBML.,. to •
le N" cent 5
Les manuscrits non Insérés ne sont
pas rendus
SOMMAIRE
lvY NX tfAOPASSAMf i Les Tombales.
RICHARD O'MONROY: Flagrant délit.
GEORGES D'ESPARBÈS : Assuérus.
MAURICE ROLLINAT : Les Yeux.
SALOMON D'HYX : 81 fait si froid.
ALEXANDRE BOUTIQUE : L'Abdication.
PAUL VERLAINE : Mon Rêve familier.
MAX NOËL: Causerie Financière.
Petite Chronique des Lettres et des Arts.
Problèmes et Jeux d'esprit.
Petite Correspondance.
J. BARBEY D'AUREVILLY: Une Vieille maîtresse (feuil-
leton).
OSCAR MÉTÉNTER : Madame la Boule (feuilleton.)
QUSTAVE CLACDIN : Store Baissé feuilleton).
GIL BABR : La Nourrice distraite (dessin).
LES TOMBALES
Les cinq amis achevaient de dîner, cinq
hommes du monde mûrs, riches, trois
mariés, deux restés garçons. Ils se réu-
nissaient ainsi tous les mois, en souvenir
de leur jeunesse, et, après avoir dîner, ils
tausaient jusqu'à deux heures du matin.
LES TOMBALES
Restés amis intimes, et se plaisant en-
semble, ils trouvaient peut-être là les
meilleurs soirs dans la vie. On bavardait
sur tout, sur tout ce qui occupe et amuse
les Parisiens; c'étaient entre eux, comme
dans la plupart des salons, d'ailleurs, une
espèce de recommencement parlé de la
lecture des journaux du matin.
Un des plus gais était Joseph de Bar
don, célibataire et vivant la vie pari
sienne de la façon la plus complète et la
plus fantaisiste. Ce n'était point un dé-
bauché ni un dépravé, mais un curieux,
un joyeux encore jeune ; car il avait à
peine quarante ans. Homme du monde
dans le sens le plus, large et le plus bien-
veillant que puisse mériter ce mot, doué
de beaucoup d'esprit sans grande profon-
deur, d'un savoir varié sans érudition
vraie, d'une compréhension agile sans
pénétration sérieuse, il tirait de ses obser-
vations, de ses aventures, de tout ce qu'il
voyait, rencontrait et trouvait, des anec-
dotes de roman comique et philosophique
en même temps, et des remarques humo-
ristiques qui lui faisaient par la ville une
grande réputation d'intelligence.
C'était l'orateur du dîner il avait la
sienne, chaque fois, son histoire, sur la-
quelle on comptait. Il se mit à la dire
sans qu'on l'en eût prié.
Fumant, les coudes sur la table, un
verre de fine Champagne à moitié plein
devant son' assiette, engourdi dans une
atmosphère de tabac aromatisée par le
café chaud, il semblait chez lui tout à fait
comme certains êtres sont chez eux abso-
lument en certains lieux et en certains
moments, comme une dévote dans une
chapelle, comme un ooisson rouge dans
son bocal.
Il dit, entre deux bouffées de fumée :
« Il m'est arrivé une singulière aven-
ture il v a quelque temps. »
Toutes les bouches demandèrent pres-
que ensemble : « Racontez. »
Il reprit:
— Volontiers. Vous savez que je me
promène beaucoup dans Paris, comme
les bibelotiers qui fouillent les vitrines.
Moi je guette les spectacles, les gens, tout
ce qui passe, et tout ce qui se passe,
Or, vers la mi-septembre, il faisait très
beau temps à ce moment-là, je sortis de
chez moi, une après-midi, sans savoir où
j'irais. On a toujours un vague désir de
faire une visite à une jolie femme quel-
conque. On choisit dans sa galerie, on les
compare dans sa pensée, on pèse l'inté-
rêt qu'elles vous inspirent, le charme
qu'elles vous imposent et on se décide
enfin suivant l'attraction du jour. Mais
quand le soleil est très beau et l'air tiède
ils vous enlèvent souvent toute envie de
visites.
Le soleil était beau, et l'air tiède ; j'al-
lumai un cigare et je m'en allai tout bête-
ment sur le boulevard extérieur. Puis
comme je flânais, l'idée me vint de pous-
ser jusqu'au cimetière Montmartre et d'y
entrer.
J'aime beaucoup les cimetières, moi, çà
me repose et me mëlancolise, j'en ai
besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis
là-dedans, de ceux qu'on ne va plus voir ;
et j'y vais encore, moi, de temps en
temps.
Justement, dans ce cimetière Mont-
martre, j'ai une histoire de cœur, une
maîtresse qui m'avait beaucoup pincé,
très ému, une charmante petite femme
dont le souvenir, en même temps qu'il
me peine énormément, me donne des
regrets. des regrets de toute nature.
Et je vais rêver sur sa tombe. C'est fini
pour elle.
Et puis, j'aime aussi les cimetières,
parce que ce sont des villes mons-
trueuses, prodigieusement habitées. Son-
gez donc à ce qu'il y a de morts dans ce
petit espace, à toutes les générations
de Parisiens qui sont logés là, pour tou-
jours, troglodytes déiinitifs enfermés dans
leurs petits cavaux, dans leurs petits
trous couverts d'une pierre ou marqués
d'une croix, tandis que les vivants
occupent tant de place et font tant de
bruit, ces imbéciles.
Puis encore, dans les cimetières, il y a
des monuments presque aussi intéres-
sants que dans les musées. Le tombeau
de Cavaignac m'a fait songer, je l'avoue.
sans le comparer, à ce chef-d-œuvre de
Jean Goujon : le corps de Louis de Brézé,
couché dans la chapelle souterraine de H
cathédrale de Rouen; tout l'art dit mo-.
derne et réaliste est venu'de là, Mes-
sieurs. Ce mort, Louis de Brézé, qui vient
de mourir est plus vrai, plus terrible,
plus fait de chair inanimée, convulsée
encore par l'agonie, que tous les cada-
vres qu'on tortionne aujourd'hui-sur les
tombes.
Mais, au cimetière Montmartre on
peut encore admirer le monument de
Baudin, qui a de la grandeur ; celui de
Gautier, celui de Murger, où j'ai vu l'au-
tre jour une seule pauvre couronne d'im-
mortelles jaunes, apportée par qui ? par
la dernière grisette, très vieille, et con-
cierge aux environs, peut-être ? C'est une
jolie statuette de Millet, mais que détrui-
sent l'abandon et la saleté. Chante la
jeunesse, ô Murger !
Me voici donc entrant dans le cimetière
Montmartre, et tout à coup imprégné de
tristesse, d'une tristesse qui ne faisait
pas trop de mal, d ailleurs, une de ces
tristesses qui vous font penser, quand on
se porte bien : « Ça n'est pas drôle, cet
endroit-là, mais le moment n'est pas en-
core venu pour moi. »
L'impression de l'automne de cette hu-
midité tiède qui sent la mort des feuilles
et le soleil affaibli, fatigué, anémique,
aggravaient en la poétisant la sensation
de solitude et de fin définitive flottant sur
ce lieu, qui sent la mort des hommes.
Je m'en allais à petits pas dans ces rues
de tombes, où les voisins ne voisinent
point, ne couchent plus ensemble et ne
lisent pas de journaux. Et je me mis,
moi, à lire les épitaphes. Ça, par exem-
ple, c'est la chose la plus amusante du
monde. Jamais Labiche, jamais Meilhac
ne m'ont fait rire comme le comique de
la prose tombale. Ah ! quels livres supé-
rieurs à ceux de Paul de Kock pour ou-
vrir la rate que ces plaques de marbre et
ces croix où les parents des morts ont
épanché leurs regrets, leurs vœux pour
le bonheur du disparu dans l'autre monde,
et leur espoir de le rejoindre — bla-
gueurs !
Mais j'adore surtout, dans ce cimetière,
la partie abandonnée, solitaire, pleine de
grands ifs et de cyprès, vieux quartier
des anciens morts qui redeviendra bien-
tôt un quartier neuf, dont on abattra les
arbres verts, nourris de cadavres hu-
mains, pour aligner les récents trépasses
sous de petites galettes de marbre.
Quand j'eus erré là le temps de me ra-
fraîchir l'esprit, je compris que j'allais
m'ennuyer et qu'il fallait porter au der-
nier lit de ma petite amie l'hommage
fidèle de mon souvenir. J'avais le cœur
un peu serré en arrivant près de sa tombe.
Pauvre chère, elle était si gentille, et si
amoureuse, et si blanche, et si fraîche.
et maintenant. si on ouvrait ça.
Penché sur la grille de fer, je lui dis
tout bas ma peine, qu'elle n'entendit
point sans d mte, et jallais partir quand
je vis une femme en noir, en grand deuil,
qui s'agenouillait sur le tombeau voisin.
Son voile de crèpe relevé laissait aper-
cevoir une jolie tête blonde, dont les
cheveux en bandeaux semblaient éclairés
par une lumière d'aurore sous la nuit de
sa coiffure. Je restai.
Certes, elle devait souffrir d'une pro-
fonde douleur. Elle avait enfoui son re-
gard dans ses mains, et rigide, en une
méditation de statue, partie en ses re-
grets égrenant dans 1 ombre des yeux
cachés et fermés le chapelet torturant
des souvenirs, elle semblait elle-même
être une morte qui penserait à un mort.
Puis tout à coup je devinai qu'elle allait
pleurer, je le devinai à un petit mouve-
ment du dos, pareil à un frisson de vent
dans un saule. Elle pleura doucement
d'abord, puis plus fort, avec des mouve-
ments rapides du cou et des épaules.
Soudain elle découvrit ses yeux. Ils
étaient pleins de larmes et charmants,
des yeux de folle qu elle promena autour
d'elle, en une sorte de réveil de cau-
chemar. Elle me vit la regarder, parut
honteuse et se cacha encore toute la
figure, dans ses mains. Alors ses sanglots
devinrent convulsifs, et sa tête lentement
se pencha vers le marbre. Elle y posa son
front, et son voile se revendant autour
d'elle couvrit les angles blancs de la
sépulture aimée, comme un deuil nou-
veau. Je l'entenuis gémir, puis elle s'af-
faissa, sa joue sur la dalle, et demeura
immobile, sans connaissance.
Je me précipitai vers elle, je lui frappai
dans les mains, je soufflai sur ses pau-
pières, tout en lisant l'épitaphe très
simple. « Ici repose Louis-Théudore Carrel
capitaine d'infanterie de marine, tué par
l'ennemi, au Tonkin. Priez pour lui. »
Cette mort remontait à quelques mois.
Je fus attendri jusqu'aux larmes, et je re.
doublai mes soins. Ils réussirent ; elle re-
vint à elle. J'avais l'air très ému — je ne
suis pas trop mal, je n'ai pas quarante
ans. — Je compris à son premier regard
qu'elle serait polie et reconnaissante. Elle
le fut, avec d'autres larmes, et son his-
toire contée, sortie par fragments de sa
poitrine haletante, la mort de J'officier
tombé au Tonkin, au bout d'un an de ma-
riage, après l'avoir épousée par amour,
car, orpheline de père et de mère, elle
avait tout juste la dot réglementaire.
Je la consolai, je la réconfortai, je la
soulevai, je la relevai.
Puis je lui dis :
— Ne restez pas ici. Venez.
Elle murmura :
— Je suis incapable de marcher.
— Je vais vous soutenir.
— Merci, Monsieur, vous êtes bon. Vous
veniez également ici pleurer un mort ?
— Oui, Madame. >
- Une morte?
— Oui, Madame.
— Votre femme ?
— Une amie.
— On peut aimer une amie autant que
sa femme, la passion n'a pas de loi.
— Oui, Madame.
Et nous voilà partis ensemble, elle ap-
puyée snr moi, moi la portant presque
par les chemins du cimetière. Quand nous
en fûmes sortis, elle murmura, défail-
lante :
— Je crois que je vais me trouver
mal.
— Voulez-vous entrer quelque part,
prendre quelque chose ?
— Oui, Monsieur.
J'aperçus un restaurant, un de ces res-
taurants où les amis des morts vont fêter
la corvée finie. Nous y entrâmes, et je
lui fis boire une tasse de thé bien chaud
qui parut la ranimer. Un vague sourire
lui vint aux lèvres. Et elle me parla
d'elle. C'était si triste, si triste d être
toute seule dans la vie, toute seule chez
soi, nuit et jour. de n'avoir plus personne
à qui donner de l'affection, de la confiance,
de l'intimité.
Cela avait l'air sincère. C'était gentil
dans sa bouche. Je m'attendrissais. Elle
était fort jeune, vingt ans peut-être. Je
lui fis des compliments, qu'elle accepta
fort bien. Puis, comme l'heure passait, je
lui proposai de la reconduire chez elle,
avec une voiture. Elle accepta, et, dans
le fiacre, nous restâmes tellement l'ua
contre l'autre, épaule contre épaule, que
nos chaleurs se mêlaient à travers les vê-
tements, ce qui est bien la chose la plus
troublante du monde.
FLAGRANT DÉLIT
Quand la voiture fut arrêtée à sa mai-
son, elle murmura : « Je me sens incapa-
ble de monter seule mon escalier, car je
demeure au quatrième. Vous avez été si
bon; voulez-vous encore me donner le
bras jusqu'à mon logis ? »
Je m'empressai d'accepter. Elle monta
lentement, en soufflant beaucoup ; puis,
devant sa porte, elle ajouta :
— Entrez donc quelques instants, pour
que je puisse vous remercier.
Et j'entrai, parbleu.
C'était modeste, même un peu pauvre
mais simple et bien arrangé, chez elle.
Nous nous assîmes côte à côte sur un
petit canapé et elle me parla de nouveau
de sa solitude.
Elle sonna sa bonne afin de m'offrii
quelque chose à boire. La boone ne vint
pas. J'en fus ravis en supposant que cette
bonne-là ne devait être que du matin i
ce qu'on appelle une femme de ménage.
Elle avait ôté son chapeau. Elle était
vraiment gentille avec ses yeux clairs
fixés sur moi, si bien fixés, si clairs que
j'eus une tentation terrible et j'y cédai.'
Je la saisis dans mes bras, et sur ses
paupières qui se fermèrent soudain, je
mis des baisers. des baisers. des bai-
sers tant et plus. J
Elle se débattait en me repoussant et
répétant: < Finissez. finissez. finissez
donc. »
Quel sens donnait-elle à ce mot, En des
cas pareils « finir. peut en avoir au
moins deux. Pour la faire taire je passai
des yeux à la bouche, et je donnai aa
mot « flnir » la conclusion que je préfég
rais. Elle ne résista pas trop, et quano
nous nous regardâmes de nouveau, après
cet outrage à la mémoire du capitaine tué
au Tonkin, elle avait un air alangui,
attendri, résigné, qui dissipa mes inquié-
tudes.
Alors je fus galant, empressé et recon-
naissant. Et après une nouvelle causerie
d'une heure environ, je lui demandai :
— Où dînez-vous ?
— Dans un petit restaurant des envi-
rons.
- Toute seule?
FEUILLETON DU 18 FÉVRIER 1892
(23)
UNE
VIEILLI MAITRiSI
PAR
J. BARBEY D'AUREVILLY
PREMIÈRE PARTIE
IX
L'ëgoïsme A deux
^,r — Suite —
a A la fin de cette année, marquise,
nous partîmes pour l'Italie et pour le
Tyrol. Pendant quatre ans, à dater de
eette époque, soit que nous ayions
voyagé, soit que nous soyions revenus
séjourner à Paris, Vellini et moi nous
ne nous sommes pas séparés. Jamais
Lara ne fut suivi plus fidèlement par
son page que je ne l'ai été par cette
femme, associée à ma vie errante, et
qui, en toutes choses, voulait partager
mon destin. Il n'est pas un danger que
j'ai couru auquel elle ne se soittemérai-
rement exposée. L'amour seul — comme
elle le ressentait — l'eût entraînée par-
tout sur mes pas, mais l'espèce d'ame
qu'elle avait lui rendit cette existence
plus facile. Orgueil, imagination, besoin
d'aventures, tout cela fermentait en
elle autant qu'en moi. Elle me disait
souvent : « Mon âme est jumelle de la
tienne, » — et c'était trop vrai; car
c'était l'occasion de ces luttes longues
et cruelles dont je vous ai parlé déjà,
et qui s'élevaient entre nous du sein
même de la volupté.
Elle avait l'art de soulever mes pas-
sions avec les bizarreries ou les résis-
tances de son orgueil, et elle m'exaspé-
rait tellement avec ses incroyables ca-
prices, quand j'avais le plus besoin de
la langueur d'une femme et de son dé-
licieux abandon, que je me surprenais
à lever sur elle une main irritée; trans-
port dont je lui demandais pardon, à
travers mille baisers, une minute après.
Elle, de son côté, n'était pas plus douce.
Je l'ai bien des fois désarmée de son
cuchillo au moment où elle allait s'en
servir contre moi, pour qui elle eût
donné sa vie. Vous sentez, marquise,
que pour résister à ses violences, il
fallait un lien forgé dans l'enfer d'une
passion implacable. Aussi ne le traî-
nions-nous pas comme une chaîne, ce
lien d'âme et de corps éprouvé aux
flammes du plaisir ! Nous l'emportions
comme une emprise brûlante dont nous
étions fiers. Attachés ainsi l'un à l'autre,
nous traversâmes une partie de l'Eu-
rope sans la voir. Aveugles pour tout
ce qui n'était pas nous-mêmes, ni les
monuments de la nature et des arts, ni
les originalités des peuples, ne purent
nous tirer de la stupidité abjecte ou
sublime d'une passion qui anéantissait
l'univers. Peu d'événements étaient de
nature à modifier une telle vie, une
telle absorption de deux êtres dans une
même pensée. Le seul pourtant qui
pût ajouter à la profondeur "de nos sen-
timents arriva. Nous eûmes un enfant.
« Il était dit par la Destinée que rien
de ce qui devait intéresser Vellini ou
l'amour que j'avais pour elle, ne res-
semblerait aux choses ordinaires de la
vie, à ces circonstances plus ou moins
vulgaires qui sont à peu près les mêmes
pour tous. L'enfant de Vellini vint
avant terme. Elle le mit au monde au
pied des Alpes, sur le bord d'un torrent
où nous allions nous promener presque
tous les jours dans l'été de 18. et qui
se trouvait à une assez forte distance
du chalet que nous habitions. C'est là
que les douleurs la surprirent. J'avais
la tête sur ses genoux. Je la vis pâlir
tout à coup, et je ne sais quel effare-
ment d'angoisse passer dans ses pro-
fonds yeux noirs, qui pleuvaient leur
feu dans les miens et qui m'intercep-
taient le ciel. Nous étions trop loin de
tout secours humain pour que j'osasse
la quitter. Elle accoucha comme une
des créatures du désert, comme une
fille de la nature, d'un enfant qui sem-
blait devoir vivre, tant il était sain,
fort et beau. Si, trente mois plus tard,
nous le perdîmes, ce fut d'une maladie
violente. Vellini, dont tous les senti-
ments se teignaient de sensations,
montra à cette enfant — c'était une
fille — une passion qui ressemblait
presque à l'amour des femelles pour
leurs petits.
a Ah ! je l'aimerai — disait elle —
comme m'aima ma mère. » Je savais
comment la duchesse, sa mère, l'avait
aimée. De Mareuil me l'avait raconté ;
elle-même m'avait confirmé cette his-
toire. Elle me ressuscita donc ces éper-
dûments d'amour maternel qui étaient
tombés convulsivement sur son berceau
et qui avaient embrasé son enfance,
libre et adorée. Elle, pourtant, comme
la duchesse sa mère, n'avait point à
prendre ce change sublime et cruel
d'un amour contre un autre amour; à
reporter d'un être mort tous les senti-
ments de son cœur sur un enfant qui
le rappelle. J'étais vivant, j'étais près
d elle, je l'aimais avec un délire plus
fort que tous les orages qui passaient
parfois entre nous. Mais, pour une âme
comme la sienne, la passion maternelle,
se serait dégradée si elle avait pu tom-
ber jusqu'à n être qu'un dédommage-
ment de l'amour. Non ! son sentiment
pour sa fille ne relevait que de lui-
même, comme celui qu'elle avait pour
moi; car elle n'était pas de ces femmes
chez qui la mère tue tout ou diminue
tout, quand elles sont mères. Elle avait
le cœur assez grand pour deux.
« Ma chère marquise, les trente mois
de l'existence de notre enfant passèrent
avec la rapidité d'un beau rêve, mêlé,
sans l'interrompre, à cette âpre réalité
de l'amour Qui nous étreigrnait Au ber-
ce au de sa fille comme partout. Vellini
était toujours, comme elle l'avait dit,
la maîtresse de Ryno de Marigny. Que
de fois entrecroisâmes-nous nos bai-
sers au-dessus de notre fillette endor-
mie et lui fîmes-nous, dans son sommeil,
comme un dôme de mystérieuses ca-
resses ! Mais ces moments de douce et
rêveuse tendresse ne duraient pas. Il y
avait dans cette brune fille de Malaga,
dernière palpitation peut-être de ce
sang Mauresqus qui, en coulant, pendant
des siècles, sur tous les bûchers de
l'Espagne, les avait mieux allumés que
les torches des bourreaux, une sen-
suelle ardeur incorrigible qui se retrou-
vait encore dans les plus chastes
instincts de son être. Plus tard, si sa
fille eût vécu, les transports dont elle
était 1 objet auraient eu certainement
leur danger. Ils auraient troublé son
repos. Ils auraient pu éveiller de trop
bonne heure cette volupté qui dort si
bien dans l'innocence, mais Vellini ne
se doutait pas qu'on pût aimer sa fille
autrement qu'elle aimait la sienne. Elle
obéissait à sa nature. Elle agissait, à
son insu, avec la spontanéité irrésistible
des plus magnifiques sensations. Je
savais cela; je me le répétais; mais la
passion que j'avais pour elle souffrait
cependant de la voir si esclave et si
idolâtre!
Les folies quelle faisait avec sa fille
avaient je ne sais qu'elle ressemblance
avec d'autres folies que je connaissais.
C'étaient des cris, des frénésies, presque
des lèchements de bête fauve. Elle
suçait ces grands yeux qui la regar-
daient, sans rien comprendre à toutes
ces furies maternelles. Elle mordait
amoureusement toute cette jeune et
délicate chair où filtraient les premières
fraîcheurs de la vie. Spectacle agitant
pour mon âme! Le père était moins fort
que l'amant jaloux! — a Qu'as-tu,
Ryno?. me disait-elle, en relevant
une tête ivre du visage de sa fille,
qu elle emportait dans ses bras. —
« Ah! — reprenait-elle, lisant dans ma
pensée et s'enivrant encore davantage
du bonheur de me voir si misérable-
ment ialoux, — n'es-tu ças mon enfant
aussi?. » Et jetant là sa fille, au risque
de la briser, elle s élançait à moi, m'en-
tourait de ses bras fragiles comme s'ils
eussent été faits de fer, me soulevait
et me portait, en riant jusqu'à l'extré-
mité de la chambre. Alors elle appor-
tait et roulait sa tête sous la mienne.
Ah! oui, c'étaient là des démences!
Mais n'avez-vous pas voulu les savoir,
marquise ? C'étaient des démences dont
une grande douleur ne put pas même
nous guérir. Nous perdîmes notre en-
fant. Nous étions à Trieste. Elle expira
après cinq jours et cinq nuits de souf-
frances aiguës et une agonie dont nous
partageâmes les tortures.
Le désespoir de Vellini fut d'abord
muet et terrible; car pour cette femme
qui criait de bonheur quand elle était
heureuse, ce silence dans lequel elle
resta plongée avait quelque chose de
plus tragique que les pleurs et que les
sanglots. Je craignis un instant pour
sa raison. Elle ne voulait pas aban
donner le cadavre de son enfant. La
bouche entr'ouverte, hérissée, rigide,
vous l'auriez prise pour une statue de
l'Horreur. Ce ne fut que quand un
voile bleuâtre, plus épais et plus affreux
que celui de la mort fut descendu sur
le front de la pauvre petite trépassée,
qu'elle comprit la nécessité de s'en
séparer.
Seulement, l'idée que l'être à qui elle
s'était unie par tant de caresses allait
être la proie d'une hideuse destruction,
renversa cette âme primitive, cette ima-
gination qui donnait à tout une forme
tangible et qui aurait vu toute sa vie —
comme la Zahuri des superstitions de
son pays — la dissolution du corps
bien-aimé à travers la terre et les fleurs
qui t l'auraient couverte. « Brûlons-Ja
plutôt, Ryno, » me dit-elle un soir.
C'était bien une idée digne d'elle, d'une
femme qui, sans effort et en restant ce
que Dieu l'avait faite, foulait la vie
ordinaire sous ses pieds; mais son an-
goisse avait un si auguste caractère et
je m associais si bien à toutes ses sen-
sations, que je résolus de lui obéir.
« Il y a quelque part de l'autre côté
de Trieste- sur les borda de l'Adriatique.
une place déserte, indifférente à ceux
qui passent, mais qui me sera éternelle-
sacrée. C'est là que nous brûlâmes notre
enfant, enfant née de l'amour, élevée
par l'amour, et morte dans l'amour de
ceux qui lui avaient donné la vie.
J'avais avec de l'argent et d'instances
prières obtenu toutes les permissions
de qui aurait pu s'opposer a une céré-
monie si nouvelle. Elle eut lieu la nuit,
obscurément, et n'eut d'autres témoins
que quelques serviteurs fidèles, Vellini
et moi. J'avais fait construire un bûcher
de pins sur le rivage. C'est là que Vellini
déposa de ses propres mains le corps de
sa Nina tant aimée, de notre petite
Juanita. Elle l'avait apportée dans sa
voiture, la tenant st_* elle, comme si
elle vivait. Elle l'avait revêtue d'un de
ces costumes imaginés par elle et qui
seyaient le plus à la beauté de cette
enfant, déjà fière et sombre. Vellini,
plus pâle et plus sombre encore que ce
cadavre qu'elle portait entre ses bras
passionnés, la coucha sur le lit funèbre.
Je la vis, à la lueur de nos torches,
embrasser une dernière fois cette bou-
che violette et glacée dans laquelle elle
eût coulé des torrents de vie si la mort
n'était plus forte que l'amour, — puis,
prenant un flambeau des mains de
nos domestiques, allumer stoïque-
ment le bûcher. Marquise, je n'oublierai
jamais ce moment suprême! La nuit
était froide et noire. La mer, aussi
froide que la nuit, avait un sourd et
triste murmure en nous renvoyant les
feux du bûcher dans le miroir uni de
ses flots. Vellini, qui, jusque-là, avait
eu les mouvements de la fièvre et
l'éclat d'une résolution désespérée dans
les yeux, commençait de pleurer des
larmes silencieuses qui ruisselaient
sur ses joues meurtries, pendant que
la flamme s'élevait, en tournoyant,
vers le ciel chargé. J'étais navré, mais
la douleur que je ressentais était plus
grande parce qu'elle m'atteignait à tra-
vers la sienne. Je ne voyais qu'elle à
eetteflamm&.
(Ure la suite dans le prochain
numéro.)
'ir
(
ABONNEMENTS AD SUPPLEMENT
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Trois mois. »fr. »
Bis mois 3 ISO
Un au « •>
5 cent. le Na
Les manuscrits non Insérés ne 90QI
pas rendus.
La Lanterne
-------- SUPPLÉMENT ----- LITTÉRAIRE
11 PARAISSANT DEUX FOIS PAR SEMAINE
i8 Février 1593
ABONNEMENTS Il SUPPLÉIEIT
ÉTRANGER (UNION POSTALA UNIVERSELLE)
Trois mois. air. »
Six mois. « *,
PBML.,. to •
le N" cent 5
Les manuscrits non Insérés ne sont
pas rendus
SOMMAIRE
lvY NX tfAOPASSAMf i Les Tombales.
RICHARD O'MONROY: Flagrant délit.
GEORGES D'ESPARBÈS : Assuérus.
MAURICE ROLLINAT : Les Yeux.
SALOMON D'HYX : 81 fait si froid.
ALEXANDRE BOUTIQUE : L'Abdication.
PAUL VERLAINE : Mon Rêve familier.
MAX NOËL: Causerie Financière.
Petite Chronique des Lettres et des Arts.
Problèmes et Jeux d'esprit.
Petite Correspondance.
J. BARBEY D'AUREVILLY: Une Vieille maîtresse (feuil-
leton).
OSCAR MÉTÉNTER : Madame la Boule (feuilleton.)
QUSTAVE CLACDIN : Store Baissé feuilleton).
GIL BABR : La Nourrice distraite (dessin).
LES TOMBALES
Les cinq amis achevaient de dîner, cinq
hommes du monde mûrs, riches, trois
mariés, deux restés garçons. Ils se réu-
nissaient ainsi tous les mois, en souvenir
de leur jeunesse, et, après avoir dîner, ils
tausaient jusqu'à deux heures du matin.
LES TOMBALES
Restés amis intimes, et se plaisant en-
semble, ils trouvaient peut-être là les
meilleurs soirs dans la vie. On bavardait
sur tout, sur tout ce qui occupe et amuse
les Parisiens; c'étaient entre eux, comme
dans la plupart des salons, d'ailleurs, une
espèce de recommencement parlé de la
lecture des journaux du matin.
Un des plus gais était Joseph de Bar
don, célibataire et vivant la vie pari
sienne de la façon la plus complète et la
plus fantaisiste. Ce n'était point un dé-
bauché ni un dépravé, mais un curieux,
un joyeux encore jeune ; car il avait à
peine quarante ans. Homme du monde
dans le sens le plus, large et le plus bien-
veillant que puisse mériter ce mot, doué
de beaucoup d'esprit sans grande profon-
deur, d'un savoir varié sans érudition
vraie, d'une compréhension agile sans
pénétration sérieuse, il tirait de ses obser-
vations, de ses aventures, de tout ce qu'il
voyait, rencontrait et trouvait, des anec-
dotes de roman comique et philosophique
en même temps, et des remarques humo-
ristiques qui lui faisaient par la ville une
grande réputation d'intelligence.
C'était l'orateur du dîner il avait la
sienne, chaque fois, son histoire, sur la-
quelle on comptait. Il se mit à la dire
sans qu'on l'en eût prié.
Fumant, les coudes sur la table, un
verre de fine Champagne à moitié plein
devant son' assiette, engourdi dans une
atmosphère de tabac aromatisée par le
café chaud, il semblait chez lui tout à fait
comme certains êtres sont chez eux abso-
lument en certains lieux et en certains
moments, comme une dévote dans une
chapelle, comme un ooisson rouge dans
son bocal.
Il dit, entre deux bouffées de fumée :
« Il m'est arrivé une singulière aven-
ture il v a quelque temps. »
Toutes les bouches demandèrent pres-
que ensemble : « Racontez. »
Il reprit:
— Volontiers. Vous savez que je me
promène beaucoup dans Paris, comme
les bibelotiers qui fouillent les vitrines.
Moi je guette les spectacles, les gens, tout
ce qui passe, et tout ce qui se passe,
Or, vers la mi-septembre, il faisait très
beau temps à ce moment-là, je sortis de
chez moi, une après-midi, sans savoir où
j'irais. On a toujours un vague désir de
faire une visite à une jolie femme quel-
conque. On choisit dans sa galerie, on les
compare dans sa pensée, on pèse l'inté-
rêt qu'elles vous inspirent, le charme
qu'elles vous imposent et on se décide
enfin suivant l'attraction du jour. Mais
quand le soleil est très beau et l'air tiède
ils vous enlèvent souvent toute envie de
visites.
Le soleil était beau, et l'air tiède ; j'al-
lumai un cigare et je m'en allai tout bête-
ment sur le boulevard extérieur. Puis
comme je flânais, l'idée me vint de pous-
ser jusqu'au cimetière Montmartre et d'y
entrer.
J'aime beaucoup les cimetières, moi, çà
me repose et me mëlancolise, j'en ai
besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis
là-dedans, de ceux qu'on ne va plus voir ;
et j'y vais encore, moi, de temps en
temps.
Justement, dans ce cimetière Mont-
martre, j'ai une histoire de cœur, une
maîtresse qui m'avait beaucoup pincé,
très ému, une charmante petite femme
dont le souvenir, en même temps qu'il
me peine énormément, me donne des
regrets. des regrets de toute nature.
Et je vais rêver sur sa tombe. C'est fini
pour elle.
Et puis, j'aime aussi les cimetières,
parce que ce sont des villes mons-
trueuses, prodigieusement habitées. Son-
gez donc à ce qu'il y a de morts dans ce
petit espace, à toutes les générations
de Parisiens qui sont logés là, pour tou-
jours, troglodytes déiinitifs enfermés dans
leurs petits cavaux, dans leurs petits
trous couverts d'une pierre ou marqués
d'une croix, tandis que les vivants
occupent tant de place et font tant de
bruit, ces imbéciles.
Puis encore, dans les cimetières, il y a
des monuments presque aussi intéres-
sants que dans les musées. Le tombeau
de Cavaignac m'a fait songer, je l'avoue.
sans le comparer, à ce chef-d-œuvre de
Jean Goujon : le corps de Louis de Brézé,
couché dans la chapelle souterraine de H
cathédrale de Rouen; tout l'art dit mo-.
derne et réaliste est venu'de là, Mes-
sieurs. Ce mort, Louis de Brézé, qui vient
de mourir est plus vrai, plus terrible,
plus fait de chair inanimée, convulsée
encore par l'agonie, que tous les cada-
vres qu'on tortionne aujourd'hui-sur les
tombes.
Mais, au cimetière Montmartre on
peut encore admirer le monument de
Baudin, qui a de la grandeur ; celui de
Gautier, celui de Murger, où j'ai vu l'au-
tre jour une seule pauvre couronne d'im-
mortelles jaunes, apportée par qui ? par
la dernière grisette, très vieille, et con-
cierge aux environs, peut-être ? C'est une
jolie statuette de Millet, mais que détrui-
sent l'abandon et la saleté. Chante la
jeunesse, ô Murger !
Me voici donc entrant dans le cimetière
Montmartre, et tout à coup imprégné de
tristesse, d'une tristesse qui ne faisait
pas trop de mal, d ailleurs, une de ces
tristesses qui vous font penser, quand on
se porte bien : « Ça n'est pas drôle, cet
endroit-là, mais le moment n'est pas en-
core venu pour moi. »
L'impression de l'automne de cette hu-
midité tiède qui sent la mort des feuilles
et le soleil affaibli, fatigué, anémique,
aggravaient en la poétisant la sensation
de solitude et de fin définitive flottant sur
ce lieu, qui sent la mort des hommes.
Je m'en allais à petits pas dans ces rues
de tombes, où les voisins ne voisinent
point, ne couchent plus ensemble et ne
lisent pas de journaux. Et je me mis,
moi, à lire les épitaphes. Ça, par exem-
ple, c'est la chose la plus amusante du
monde. Jamais Labiche, jamais Meilhac
ne m'ont fait rire comme le comique de
la prose tombale. Ah ! quels livres supé-
rieurs à ceux de Paul de Kock pour ou-
vrir la rate que ces plaques de marbre et
ces croix où les parents des morts ont
épanché leurs regrets, leurs vœux pour
le bonheur du disparu dans l'autre monde,
et leur espoir de le rejoindre — bla-
gueurs !
Mais j'adore surtout, dans ce cimetière,
la partie abandonnée, solitaire, pleine de
grands ifs et de cyprès, vieux quartier
des anciens morts qui redeviendra bien-
tôt un quartier neuf, dont on abattra les
arbres verts, nourris de cadavres hu-
mains, pour aligner les récents trépasses
sous de petites galettes de marbre.
Quand j'eus erré là le temps de me ra-
fraîchir l'esprit, je compris que j'allais
m'ennuyer et qu'il fallait porter au der-
nier lit de ma petite amie l'hommage
fidèle de mon souvenir. J'avais le cœur
un peu serré en arrivant près de sa tombe.
Pauvre chère, elle était si gentille, et si
amoureuse, et si blanche, et si fraîche.
et maintenant. si on ouvrait ça.
Penché sur la grille de fer, je lui dis
tout bas ma peine, qu'elle n'entendit
point sans d mte, et jallais partir quand
je vis une femme en noir, en grand deuil,
qui s'agenouillait sur le tombeau voisin.
Son voile de crèpe relevé laissait aper-
cevoir une jolie tête blonde, dont les
cheveux en bandeaux semblaient éclairés
par une lumière d'aurore sous la nuit de
sa coiffure. Je restai.
Certes, elle devait souffrir d'une pro-
fonde douleur. Elle avait enfoui son re-
gard dans ses mains, et rigide, en une
méditation de statue, partie en ses re-
grets égrenant dans 1 ombre des yeux
cachés et fermés le chapelet torturant
des souvenirs, elle semblait elle-même
être une morte qui penserait à un mort.
Puis tout à coup je devinai qu'elle allait
pleurer, je le devinai à un petit mouve-
ment du dos, pareil à un frisson de vent
dans un saule. Elle pleura doucement
d'abord, puis plus fort, avec des mouve-
ments rapides du cou et des épaules.
Soudain elle découvrit ses yeux. Ils
étaient pleins de larmes et charmants,
des yeux de folle qu elle promena autour
d'elle, en une sorte de réveil de cau-
chemar. Elle me vit la regarder, parut
honteuse et se cacha encore toute la
figure, dans ses mains. Alors ses sanglots
devinrent convulsifs, et sa tête lentement
se pencha vers le marbre. Elle y posa son
front, et son voile se revendant autour
d'elle couvrit les angles blancs de la
sépulture aimée, comme un deuil nou-
veau. Je l'entenuis gémir, puis elle s'af-
faissa, sa joue sur la dalle, et demeura
immobile, sans connaissance.
Je me précipitai vers elle, je lui frappai
dans les mains, je soufflai sur ses pau-
pières, tout en lisant l'épitaphe très
simple. « Ici repose Louis-Théudore Carrel
capitaine d'infanterie de marine, tué par
l'ennemi, au Tonkin. Priez pour lui. »
Cette mort remontait à quelques mois.
Je fus attendri jusqu'aux larmes, et je re.
doublai mes soins. Ils réussirent ; elle re-
vint à elle. J'avais l'air très ému — je ne
suis pas trop mal, je n'ai pas quarante
ans. — Je compris à son premier regard
qu'elle serait polie et reconnaissante. Elle
le fut, avec d'autres larmes, et son his-
toire contée, sortie par fragments de sa
poitrine haletante, la mort de J'officier
tombé au Tonkin, au bout d'un an de ma-
riage, après l'avoir épousée par amour,
car, orpheline de père et de mère, elle
avait tout juste la dot réglementaire.
Je la consolai, je la réconfortai, je la
soulevai, je la relevai.
Puis je lui dis :
— Ne restez pas ici. Venez.
Elle murmura :
— Je suis incapable de marcher.
— Je vais vous soutenir.
— Merci, Monsieur, vous êtes bon. Vous
veniez également ici pleurer un mort ?
— Oui, Madame. >
- Une morte?
— Oui, Madame.
— Votre femme ?
— Une amie.
— On peut aimer une amie autant que
sa femme, la passion n'a pas de loi.
— Oui, Madame.
Et nous voilà partis ensemble, elle ap-
puyée snr moi, moi la portant presque
par les chemins du cimetière. Quand nous
en fûmes sortis, elle murmura, défail-
lante :
— Je crois que je vais me trouver
mal.
— Voulez-vous entrer quelque part,
prendre quelque chose ?
— Oui, Monsieur.
J'aperçus un restaurant, un de ces res-
taurants où les amis des morts vont fêter
la corvée finie. Nous y entrâmes, et je
lui fis boire une tasse de thé bien chaud
qui parut la ranimer. Un vague sourire
lui vint aux lèvres. Et elle me parla
d'elle. C'était si triste, si triste d être
toute seule dans la vie, toute seule chez
soi, nuit et jour. de n'avoir plus personne
à qui donner de l'affection, de la confiance,
de l'intimité.
Cela avait l'air sincère. C'était gentil
dans sa bouche. Je m'attendrissais. Elle
était fort jeune, vingt ans peut-être. Je
lui fis des compliments, qu'elle accepta
fort bien. Puis, comme l'heure passait, je
lui proposai de la reconduire chez elle,
avec une voiture. Elle accepta, et, dans
le fiacre, nous restâmes tellement l'ua
contre l'autre, épaule contre épaule, que
nos chaleurs se mêlaient à travers les vê-
tements, ce qui est bien la chose la plus
troublante du monde.
FLAGRANT DÉLIT
Quand la voiture fut arrêtée à sa mai-
son, elle murmura : « Je me sens incapa-
ble de monter seule mon escalier, car je
demeure au quatrième. Vous avez été si
bon; voulez-vous encore me donner le
bras jusqu'à mon logis ? »
Je m'empressai d'accepter. Elle monta
lentement, en soufflant beaucoup ; puis,
devant sa porte, elle ajouta :
— Entrez donc quelques instants, pour
que je puisse vous remercier.
Et j'entrai, parbleu.
C'était modeste, même un peu pauvre
mais simple et bien arrangé, chez elle.
Nous nous assîmes côte à côte sur un
petit canapé et elle me parla de nouveau
de sa solitude.
Elle sonna sa bonne afin de m'offrii
quelque chose à boire. La boone ne vint
pas. J'en fus ravis en supposant que cette
bonne-là ne devait être que du matin i
ce qu'on appelle une femme de ménage.
Elle avait ôté son chapeau. Elle était
vraiment gentille avec ses yeux clairs
fixés sur moi, si bien fixés, si clairs que
j'eus une tentation terrible et j'y cédai.'
Je la saisis dans mes bras, et sur ses
paupières qui se fermèrent soudain, je
mis des baisers. des baisers. des bai-
sers tant et plus. J
Elle se débattait en me repoussant et
répétant: < Finissez. finissez. finissez
donc. »
Quel sens donnait-elle à ce mot, En des
cas pareils « finir. peut en avoir au
moins deux. Pour la faire taire je passai
des yeux à la bouche, et je donnai aa
mot « flnir » la conclusion que je préfég
rais. Elle ne résista pas trop, et quano
nous nous regardâmes de nouveau, après
cet outrage à la mémoire du capitaine tué
au Tonkin, elle avait un air alangui,
attendri, résigné, qui dissipa mes inquié-
tudes.
Alors je fus galant, empressé et recon-
naissant. Et après une nouvelle causerie
d'une heure environ, je lui demandai :
— Où dînez-vous ?
— Dans un petit restaurant des envi-
rons.
- Toute seule?
FEUILLETON DU 18 FÉVRIER 1892
(23)
UNE
VIEILLI MAITRiSI
PAR
J. BARBEY D'AUREVILLY
PREMIÈRE PARTIE
IX
L'ëgoïsme A deux
^,r — Suite —
a A la fin de cette année, marquise,
nous partîmes pour l'Italie et pour le
Tyrol. Pendant quatre ans, à dater de
eette époque, soit que nous ayions
voyagé, soit que nous soyions revenus
séjourner à Paris, Vellini et moi nous
ne nous sommes pas séparés. Jamais
Lara ne fut suivi plus fidèlement par
son page que je ne l'ai été par cette
femme, associée à ma vie errante, et
qui, en toutes choses, voulait partager
mon destin. Il n'est pas un danger que
j'ai couru auquel elle ne se soittemérai-
rement exposée. L'amour seul — comme
elle le ressentait — l'eût entraînée par-
tout sur mes pas, mais l'espèce d'ame
qu'elle avait lui rendit cette existence
plus facile. Orgueil, imagination, besoin
d'aventures, tout cela fermentait en
elle autant qu'en moi. Elle me disait
souvent : « Mon âme est jumelle de la
tienne, » — et c'était trop vrai; car
c'était l'occasion de ces luttes longues
et cruelles dont je vous ai parlé déjà,
et qui s'élevaient entre nous du sein
même de la volupté.
Elle avait l'art de soulever mes pas-
sions avec les bizarreries ou les résis-
tances de son orgueil, et elle m'exaspé-
rait tellement avec ses incroyables ca-
prices, quand j'avais le plus besoin de
la langueur d'une femme et de son dé-
licieux abandon, que je me surprenais
à lever sur elle une main irritée; trans-
port dont je lui demandais pardon, à
travers mille baisers, une minute après.
Elle, de son côté, n'était pas plus douce.
Je l'ai bien des fois désarmée de son
cuchillo au moment où elle allait s'en
servir contre moi, pour qui elle eût
donné sa vie. Vous sentez, marquise,
que pour résister à ses violences, il
fallait un lien forgé dans l'enfer d'une
passion implacable. Aussi ne le traî-
nions-nous pas comme une chaîne, ce
lien d'âme et de corps éprouvé aux
flammes du plaisir ! Nous l'emportions
comme une emprise brûlante dont nous
étions fiers. Attachés ainsi l'un à l'autre,
nous traversâmes une partie de l'Eu-
rope sans la voir. Aveugles pour tout
ce qui n'était pas nous-mêmes, ni les
monuments de la nature et des arts, ni
les originalités des peuples, ne purent
nous tirer de la stupidité abjecte ou
sublime d'une passion qui anéantissait
l'univers. Peu d'événements étaient de
nature à modifier une telle vie, une
telle absorption de deux êtres dans une
même pensée. Le seul pourtant qui
pût ajouter à la profondeur "de nos sen-
timents arriva. Nous eûmes un enfant.
« Il était dit par la Destinée que rien
de ce qui devait intéresser Vellini ou
l'amour que j'avais pour elle, ne res-
semblerait aux choses ordinaires de la
vie, à ces circonstances plus ou moins
vulgaires qui sont à peu près les mêmes
pour tous. L'enfant de Vellini vint
avant terme. Elle le mit au monde au
pied des Alpes, sur le bord d'un torrent
où nous allions nous promener presque
tous les jours dans l'été de 18. et qui
se trouvait à une assez forte distance
du chalet que nous habitions. C'est là
que les douleurs la surprirent. J'avais
la tête sur ses genoux. Je la vis pâlir
tout à coup, et je ne sais quel effare-
ment d'angoisse passer dans ses pro-
fonds yeux noirs, qui pleuvaient leur
feu dans les miens et qui m'intercep-
taient le ciel. Nous étions trop loin de
tout secours humain pour que j'osasse
la quitter. Elle accoucha comme une
des créatures du désert, comme une
fille de la nature, d'un enfant qui sem-
blait devoir vivre, tant il était sain,
fort et beau. Si, trente mois plus tard,
nous le perdîmes, ce fut d'une maladie
violente. Vellini, dont tous les senti-
ments se teignaient de sensations,
montra à cette enfant — c'était une
fille — une passion qui ressemblait
presque à l'amour des femelles pour
leurs petits.
a Ah ! je l'aimerai — disait elle —
comme m'aima ma mère. » Je savais
comment la duchesse, sa mère, l'avait
aimée. De Mareuil me l'avait raconté ;
elle-même m'avait confirmé cette his-
toire. Elle me ressuscita donc ces éper-
dûments d'amour maternel qui étaient
tombés convulsivement sur son berceau
et qui avaient embrasé son enfance,
libre et adorée. Elle, pourtant, comme
la duchesse sa mère, n'avait point à
prendre ce change sublime et cruel
d'un amour contre un autre amour; à
reporter d'un être mort tous les senti-
ments de son cœur sur un enfant qui
le rappelle. J'étais vivant, j'étais près
d elle, je l'aimais avec un délire plus
fort que tous les orages qui passaient
parfois entre nous. Mais, pour une âme
comme la sienne, la passion maternelle,
se serait dégradée si elle avait pu tom-
ber jusqu'à n être qu'un dédommage-
ment de l'amour. Non ! son sentiment
pour sa fille ne relevait que de lui-
même, comme celui qu'elle avait pour
moi; car elle n'était pas de ces femmes
chez qui la mère tue tout ou diminue
tout, quand elles sont mères. Elle avait
le cœur assez grand pour deux.
« Ma chère marquise, les trente mois
de l'existence de notre enfant passèrent
avec la rapidité d'un beau rêve, mêlé,
sans l'interrompre, à cette âpre réalité
de l'amour Qui nous étreigrnait Au ber-
ce au de sa fille comme partout. Vellini
était toujours, comme elle l'avait dit,
la maîtresse de Ryno de Marigny. Que
de fois entrecroisâmes-nous nos bai-
sers au-dessus de notre fillette endor-
mie et lui fîmes-nous, dans son sommeil,
comme un dôme de mystérieuses ca-
resses ! Mais ces moments de douce et
rêveuse tendresse ne duraient pas. Il y
avait dans cette brune fille de Malaga,
dernière palpitation peut-être de ce
sang Mauresqus qui, en coulant, pendant
des siècles, sur tous les bûchers de
l'Espagne, les avait mieux allumés que
les torches des bourreaux, une sen-
suelle ardeur incorrigible qui se retrou-
vait encore dans les plus chastes
instincts de son être. Plus tard, si sa
fille eût vécu, les transports dont elle
était 1 objet auraient eu certainement
leur danger. Ils auraient troublé son
repos. Ils auraient pu éveiller de trop
bonne heure cette volupté qui dort si
bien dans l'innocence, mais Vellini ne
se doutait pas qu'on pût aimer sa fille
autrement qu'elle aimait la sienne. Elle
obéissait à sa nature. Elle agissait, à
son insu, avec la spontanéité irrésistible
des plus magnifiques sensations. Je
savais cela; je me le répétais; mais la
passion que j'avais pour elle souffrait
cependant de la voir si esclave et si
idolâtre!
Les folies quelle faisait avec sa fille
avaient je ne sais qu'elle ressemblance
avec d'autres folies que je connaissais.
C'étaient des cris, des frénésies, presque
des lèchements de bête fauve. Elle
suçait ces grands yeux qui la regar-
daient, sans rien comprendre à toutes
ces furies maternelles. Elle mordait
amoureusement toute cette jeune et
délicate chair où filtraient les premières
fraîcheurs de la vie. Spectacle agitant
pour mon âme! Le père était moins fort
que l'amant jaloux! — a Qu'as-tu,
Ryno?. me disait-elle, en relevant
une tête ivre du visage de sa fille,
qu elle emportait dans ses bras. —
« Ah! — reprenait-elle, lisant dans ma
pensée et s'enivrant encore davantage
du bonheur de me voir si misérable-
ment ialoux, — n'es-tu ças mon enfant
aussi?. » Et jetant là sa fille, au risque
de la briser, elle s élançait à moi, m'en-
tourait de ses bras fragiles comme s'ils
eussent été faits de fer, me soulevait
et me portait, en riant jusqu'à l'extré-
mité de la chambre. Alors elle appor-
tait et roulait sa tête sous la mienne.
Ah! oui, c'étaient là des démences!
Mais n'avez-vous pas voulu les savoir,
marquise ? C'étaient des démences dont
une grande douleur ne put pas même
nous guérir. Nous perdîmes notre en-
fant. Nous étions à Trieste. Elle expira
après cinq jours et cinq nuits de souf-
frances aiguës et une agonie dont nous
partageâmes les tortures.
Le désespoir de Vellini fut d'abord
muet et terrible; car pour cette femme
qui criait de bonheur quand elle était
heureuse, ce silence dans lequel elle
resta plongée avait quelque chose de
plus tragique que les pleurs et que les
sanglots. Je craignis un instant pour
sa raison. Elle ne voulait pas aban
donner le cadavre de son enfant. La
bouche entr'ouverte, hérissée, rigide,
vous l'auriez prise pour une statue de
l'Horreur. Ce ne fut que quand un
voile bleuâtre, plus épais et plus affreux
que celui de la mort fut descendu sur
le front de la pauvre petite trépassée,
qu'elle comprit la nécessité de s'en
séparer.
Seulement, l'idée que l'être à qui elle
s'était unie par tant de caresses allait
être la proie d'une hideuse destruction,
renversa cette âme primitive, cette ima-
gination qui donnait à tout une forme
tangible et qui aurait vu toute sa vie —
comme la Zahuri des superstitions de
son pays — la dissolution du corps
bien-aimé à travers la terre et les fleurs
qui t l'auraient couverte. « Brûlons-Ja
plutôt, Ryno, » me dit-elle un soir.
C'était bien une idée digne d'elle, d'une
femme qui, sans effort et en restant ce
que Dieu l'avait faite, foulait la vie
ordinaire sous ses pieds; mais son an-
goisse avait un si auguste caractère et
je m associais si bien à toutes ses sen-
sations, que je résolus de lui obéir.
« Il y a quelque part de l'autre côté
de Trieste- sur les borda de l'Adriatique.
une place déserte, indifférente à ceux
qui passent, mais qui me sera éternelle-
sacrée. C'est là que nous brûlâmes notre
enfant, enfant née de l'amour, élevée
par l'amour, et morte dans l'amour de
ceux qui lui avaient donné la vie.
J'avais avec de l'argent et d'instances
prières obtenu toutes les permissions
de qui aurait pu s'opposer a une céré-
monie si nouvelle. Elle eut lieu la nuit,
obscurément, et n'eut d'autres témoins
que quelques serviteurs fidèles, Vellini
et moi. J'avais fait construire un bûcher
de pins sur le rivage. C'est là que Vellini
déposa de ses propres mains le corps de
sa Nina tant aimée, de notre petite
Juanita. Elle l'avait apportée dans sa
voiture, la tenant st_* elle, comme si
elle vivait. Elle l'avait revêtue d'un de
ces costumes imaginés par elle et qui
seyaient le plus à la beauté de cette
enfant, déjà fière et sombre. Vellini,
plus pâle et plus sombre encore que ce
cadavre qu'elle portait entre ses bras
passionnés, la coucha sur le lit funèbre.
Je la vis, à la lueur de nos torches,
embrasser une dernière fois cette bou-
che violette et glacée dans laquelle elle
eût coulé des torrents de vie si la mort
n'était plus forte que l'amour, — puis,
prenant un flambeau des mains de
nos domestiques, allumer stoïque-
ment le bûcher. Marquise, je n'oublierai
jamais ce moment suprême! La nuit
était froide et noire. La mer, aussi
froide que la nuit, avait un sourd et
triste murmure en nous renvoyant les
feux du bûcher dans le miroir uni de
ses flots. Vellini, qui, jusque-là, avait
eu les mouvements de la fièvre et
l'éclat d'une résolution désespérée dans
les yeux, commençait de pleurer des
larmes silencieuses qui ruisselaient
sur ses joues meurtries, pendant que
la flamme s'élevait, en tournoyant,
vers le ciel chargé. J'étais navré, mais
la douleur que je ressentais était plus
grande parce qu'elle m'atteignait à tra-
vers la sienne. Je ne voyais qu'elle à
eetteflamm&.
(Ure la suite dans le prochain
numéro.)
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