Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1881-05-24
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 mai 1881 24 mai 1881
Description : 1881/05/24 (A5,N1505). 1881/05/24 (A5,N1505).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7500957h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
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ADMINISTRATION, REDACTION ET ANNONCES
A PARIS
6 — Bue C»la mucki mut insérés ne teront pat rendus
Aboonnements : Paria
TROIS MOIS.,.. 5 Fa.
m. Moïse».,,. 9 m.
tIJI tôre.
JOURNAL POLITIQUE
ftUOTID.E.l'tl
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OU NUMÉRO: 5 CSNÏ1MES
Abonnements : Départements
tbois MOIS 6 FR.
SIX MOIS. 12 9t.
OB AVH»«i*Ut SI SB»
CINQUIÈME ANNÉE - NUMÉRO 1505
,. Mardi 24 mai 1881 (5 prairial aa S9)
LE DOMPTEUR DE PARIS
Encore M. Andrieux ! Cet homme est
encombrant; on voudrait l'oublier, im-
possible! Chaque jour il s'impose à l'at-
tention publique par une nouvelle in-
cartade, et c'est bien à propos de lui
qu'on peut répéter, avec une variante
nécèssaire, le fameux mot de l'auver-
gnat : « Ce n'est pas que ca soit propre,
mais ça tient vraiment trop de pïace. »
On n'aurait jamais cru que cette mince
personnalité pût prendre un pareil volu-
me.Mais si l'étoffe est maigre et peufour-
nie, ce sont les doublures qui lui don-
nent du corps. Le jour où, suivant le
-. conseil de M. Châllemel-Lacour, M.
Gambetta l'a « modéré en le satisfai-
sant », M. Andrieux, passé procureur
général, sans avoir été quelqu'un devint
quelque chose. Il changea de ton pour
changer de position et sut perdre un
peu de sa couleur pour acquérir un peu
de poids.
Lè procédé lui parut bon et, s'aperce-
vant qu'il lui suffirait de déteindre pour
grossir, il sut améliager les nuances et
graduer les défections. Il avait de là
marge, d'ailleurs, ayant, pour passer du
rouge écarlate au rose pâle, tout un arc-
en-ciel de couleurs à parcourir et tout un
cercle de défections à exploiter. il faut
reconnaître que ce parcours ne s'est pas
accompli sans impudence ni cette ex-
ploitation sans profit. Le démagogue
lyonnais, membre de l'anticoncile de
Naples, est devenu le préfet de police
selon le cœur de M. de Cassagnac et se-
Ion la politique de,M. J. Ferry ; le socia-
liste dé la rue Grôlée, ardent champion
de la grande ville contre les « ruraux »
de Versailles, est devenu l'autocrate de
la rue de Jérusalem, le champion des
« ruraux » de Molmchard contre la po-
pulation parisienne.
> Il est maintenant au pinacle. Trois ou
quatre défections ont suffi pour l'y por-
ter : M. Crémieux l'a fait procureurgéné-
ral; M. Gambetta l'a fait préfet de police;
MM. Ferry et J. Grévy l'ont fait minis-
tre occulte, sans portefeuille et irrespon-
sable ; la Chambre des députés est en
train d'en faire une institution sociale.
Montera-t-il encore plus haut? C'est pos-
possible : il lui reste encore au moins
une défection à faire et quelqu'un à
trahir.
En attendant, il s'épanouit etse gonfle.
L'importance qu'il peut avoir, il la dou-
ble par celle qu'il se donne. A la Cham-
bre, il a soin de prendre siége parmi les
ministres ; non pas à côté du ministre de
l'intérieur — ce qui le subordonnerait —
mais à côtp du président du conseil — ce
qui l'émancipé. Il passe par-dessus la
tête de son chef et, pour ainsi dire, lui
monte 'sur les épaules. On le voit à l'Ely-
sée plus souvent qu'à la place Beauvau.
M. Andrieux « travaille » directement
1 avec le président de la République; ce
qui n'est ni parlementaire ni constitu-
tionnel. Il a fallu cet homme-là pour
faire dévier M. Grévy — l'homme de la
règle austère — de la correction par-
faite qu'il avait su garder jusqu'ici.
Il a, d'ailleurs, des qualités qui expli-
quent la nature de son succès. Il par-
vient par où les autres se perdent; il est j
mauvais, hargneux, cynique, corrompu
et corrupteur. Il a des instincts de poli-
cier russe M des allures de capitan. Pour
lui, le pouvoir c'est le droit à l'insolence
et la faculté de prodiguer les vexations j
l'autorité, c'est une bride et une trique.
Son idéal c'est « d'embêter » les Pari-
Siens et son bonheur c'est d'en être
exécré.
C'est par là qu'il plait aux provinciaux
de la Chambre. Cet homme à poigne,
prêt à toutes les besognes et indifférent
à tous lês mépris, leur est apparu com-
me le dompteur prédestiné, seul capable
de mater cette bête féroce : le Parisien,
jl les a séduits, dès le premier jour, par
son discours bassement méchant contre
l'amnistie. Ses procédés dictatoriaux
contre la presse - la presse est la bête
noire des ruraux — ont achevé de leur
gagner le cœur. cP.'--
Il introduisait d'ailleurs, dans les
débats parlementaires, des nouveau-
tés tout à fait imprévues et de haut
goût. C'est lui qui, le premier, a imaginé
de se défendre en diffamant les absents,
de remplacer les documents parlemen-
taires par des rapports de police, avec
une pelletée d'ordures pour péroraison.
De vrais parlementaires auraient rougi
de honte et, sur-le-champ, auraient ba-
laye de la tribune ces impuretés. Ceux-
là s'en sont délectés bouche béante ; ce
genre d'éloquence a transporté d'aise les
aigles de Molinchard et les cygnes de
Fouilly-ies-Oies. C'était bien là l'homme
qu'il leur fallait pour prendre sur Paris
la revanche de Brives-la-Gaillarde. On
ne sait pas combien est vigoureuse con-
tre Paris la haine de Landêrneay ! C'est
pourquoi, dans la commission de la pré-
fecture de police, les élus de l'arrondis-
sement n'ont laissé passer — et à grand
peine - qu'un seul député de Paris:
M. Marmottan ; il est bon, mais il est,
seul!
Ainsi, le grand mérite de M. Andrieux,
c'est qu'il est l'ennemi de Paris ; cela
suffit à tout excuser et à justifier tout :
Les illégalités et les abus de pouvoir, les
mensonges et les vilenies à la tribune,
les embarras diplomatiques de l'affaire
Hartmann et les perquisitions à Paris
qui se traduisent par des pendaisons à
Pétersbourg — car M. Andrieux est un
Moscovite militant et s'il n'est pas déco-
ré de Saint-Wladimir, c'est que la cour
de Russie n'a pas assez préjugé de son
cynisme — les arrestations d'honnêtes
femmes par les agents des mœurs,
la police faite par les commissaires Il
coups de revolver dans les reins, tout
cela ne compte pas. C'est sur des Pari-
siens que cela tombe : dès lors ce n'est
rien. Si c'était tombé sur des citoyens
de Molinchard, ce serait différent.
Voire, ces provinciaux rigides, ces ver-
tus champêtres, ces Catons d'arrondis-
sement rie s'effarouchent point trop aisé-
ment des aventures un peu risquées où
brille ce jouisseur. Qu'il cultive la dame
de piqueet le « plat du jour»,qu'il donne
le bon exemple de la morale avec plus
ou moins de mystère, rue Duphot,qu'est-
ce que cela fait ? C'est le champion de
Molinchard contre Paris, et la rue Du-
phot n'est pas à Molinchard..
Eh bien, soit ! S'ils veulent qu'on les
juge d'après leur champion, c'est leur
affaire. S'il leur plait de prendre pour
porte-drapeau l'homme qui résume tout
ce qu'on a le droit de haïr et de mépri-
ser : l'illégalité, la défection, l'immora-
lité publique et privée, l'insolence pro-
vocatrice et la brutalité tracassière,
nous ne demandons pas mieux.
Mais qu'ils y prennent garde : à ma-
nier des malpropretés on finit toujours
par être sali. Heureusement pour cette
Chambre que cela ne durera pas. Qu'elle
le veuille ou non, c'est par elle-même et
de ses propres mains que M. Andrieux,
un de ces jours, finira par être exécuté.
C'est du haut de la tribune, et devant
cette Chambre même, que M. Andrieux
sera renversé comme il convient qu'il 1&
soit, sur un tas de vilenies. ;
t DERNIERES JOUVELLES
La grève des tannevrs
Marseille, 22 mai
La délégation de l'assemblée générale des ou-
vriers tanneurs grévistes s'est présentés chez:
E. Julien, qui a accepté l'augmentation propo- ;
sée de lin franc par jour sur les salaires, sans
taxation du nombre do peaux à travailler. Mais)
il a refusé de signer l'engagement, sous pré-,
texte que sa parole était une garantie A
santé. r\
En présence du refus de signature, la délé-
gxtion s'est retirée pour soumettre le cas à h~
ratification des grévistes.. 'r
'-, :, ■à La Crise italienne ., î ,
< .Rome. 22 maï~~
Le roi a reçu ce matin M. Coppino. ,:iï'-.
La Liberia dit qu'il est rrobable que M-^îanV
cini sera chargé aujourd hui de former un ca-
binet.
r Le couronnement du roi de Roumanie fe
* * Bucharest, 22 mai. -
La cérémonie du couronnement a eu lieu
aujourd'hui, à midi, avec une pompe écla-
tante.
Le roi, en costume de général de division, la
reine, en long manteau roval, ont pris place,
avec le prince Léopold de Hohensollern et ses
deux fils sous un fiche dôme élevé sur la place
de la Cathédrale. î
Les ministres, les sénateurs, les députés,
toutes les haute3 notabilités civiles et militai- -,
fei,. le corps diplomatique en entier, -de nom-'
breuses dames, étaient rangés sur dos estrades.1
formant un demi-cercle.
Le métropolitain primat et le métropolitain
de Moldavie, entourés de six autres évêques et
du haut clergé, ont célébré en plein air la. bé-1
nédiction des conronnes. Celle du roi est en
acier finement ciselé par les ouvriers die l'arse-
nal de Bucharest; celle de la reine est en Qr.
Le meeting de la Ligrae des plieux.
Londres, 21 mai.
Le meeting de la Ligue des pieux obnjurés
contre M. Bradlaugh et.l'athéisme n'a, profité
qu'aux chapeliers des environs d'Exetér-Hall.
Les amis du député de Northampton avaient
occupé la plate-forme et une partie de la salle,
grâce à déa biUets de contrefaçon qu'ils s'é-
taient procurés. Les orateurs et le président
lui-même, le comte Percy, n'ont pu achever ,
leurs homélies qu'en appelant à plusieurs re.,
prises là police à leur secours. 11 y a eu beau,;,
coup de chapeaux défoncés.
Un écho du conlllt Frasco-ïonliitai
Constantinople; 22 mai. ,}
La nouvelle publiée à Paris que le comte .de
Hatzfeld aurait offert au sultan la médiation de
l'Allemagne pour l'aplanissement du cocaTit,
franco-tunisien est dénuée de fondement.
FEUILLETON DU U MAI 1*8*
j 108
BAYONNETTE
HISTOIRE D'UNE JOLIE FILLE
BjEïi&fièaBE partie:
DESHONOREE JP0GR L'HONNEUR
LX
Ab* quel plaisir d'être papa?
- Suite-
» Mes faveurs étaient cotées au pair, je
trouvai quelque attrait à cette existence
toute de fainéantise et de jouissance; en un
mot. à dix-sept ans, j'étais passée femme à
la mode. ne manquant pas une première,
pas une fête demi-mondaine, et professant
— c'est bon genre — le plus souverain mé-
pris pour mes adorateurs.
» Dans cette manière de vivre, ce qui fa-
tigue le plus rapidement, c'est la vie elle-
même, Aussi, au bout d'une année de fêtes
et de plaisirs, en étais-je arrivée à regret-
ter mon isolement primitif, et puis toutes
ces phrases creuses et ces paroles vides
de sens ne m'apportaient pas les consola-
tions que je cherchais. Il me fallait une
affection vraie, l'amitié de la sœur et du
frère, et je ne trouvais partout qu'un amour
bête et égoïste, qui ne dépassait pas les
cent louis dont on payait mes charmes, et
dont je haussais les épaules.
» Mes salons étaient somptueux ; bientôt
il y eut foule. Tout ce que Paris comptait
de filles à la mode s'y donnait rendez-vous.
» Il y eut pour moi un moment de bon-
heur, si je puis l'appeler ; ainsi, ce fut ie
jour où. montée moi-même au pinacle; mon
succès lit pâlir toutes mes rivales, qui ne
savaient trop aiguiser leurs ongles sous
leurs pattes de velours. ,
» Puis je m'ennuyai, mais d'un de ces
ennuis, ma chère amie,, dont aucun homme
ne peut se faire une idée, tant chaque ins-
tant de la journée parait insipide et inter-
minable.
» Cela me conduisit aux nuits d'insomnie
et d'orgie; je tâchai de dormir le jour et
de m'amuser la nuit. ,
» Ce moyen me réussit mieux, mais mon
estomac ne put supporter tous ces' excès,
toutes ces fatigues.
» Mon docteur me déclara nettement que
si ma manière d'agir ne changeait sur le
champ, je n'en avais pas pour deux ans à
vivre.
a Il y a trois ans de cela, vous voyea que
tous les médecins sont des farceurs » - ;
Comme si cette dernière phrase l'eût
ramenée au sentiment de la réalité, elle fut
prise d'un accès de toux rauque qui rougit
ses lèvres de quelques gouttelettes de sang.
Elle s'essuya. en toute hâte croyant que
Bayonnette n'avnitrien aperçu, et continua
d'une voix un peu affaiblie :
— Je crois tout de même, mon amie,que
mon docteur avait un peu raison ; j'ai là,
dans ma poitrine, vn gros feu qui me brûle
et me fait souffrir quelquefois. Oh ! mon
Dieu, c'est ma punition; j'ai été bien sotte;
j'ai cherché à terminer au plus tôt une
existence qui m'était à charge, et je le re-
grette de tout mon cœur , aujourd'hui que
l'ai trouvé l'affection désintéressée que j'a-
vais vainement cherchée. Oh ! mais non,
je ne veux pas mourir maintenant. Je ne
vous gênerai pas. Ah! on me doit bien
cela. Et puis je veux vivre. vivre pour
me venger.
— Vivre pour vous venger? vous venger,
de qui '? fi-
— De qui. vous allez le savoir. Ceci est
la partie première de mon histoire.
Les deux jeunes filles étaient charman-
tes dans leur négligé du matin, assises
l'une près de l'autre sur le lit. Toutes-deux
différentes de nature, l'une robuste, pleine
de vigueur, de santé, c'était Bayonnette ;
l'autre chétive, d'apparence maladive, mais
très belle de sa pâleur, de l'éclat fiévreux
de ses grands yeux. Elle avait été revêtue
M ga peu grossier
de Bayonnette, et cela semblait déplacé
sur son corps élégant. Sur la chaise était
jeté le linge qu'elle avait quitté, une fille
batiste garnie de dentelle, des bas de soie.
une jupe de soie déchirée, souillée; ses vê-
tements répandaient un parfum subtil.
Bayonnette écoutait sa nouvelle amie
avec une attention presque respectueuse;
le mystère de cette naissance, le nom sa",
nore de la mère, tout cela l'amusait conn-
me une page de roman. Elle était étourdi ia
des accidents survenus dans une vie encara
si courte. Le monde dont on lui parlait
était pour elle une révélation. Elle ne se
figurait pas l'amour facile, vendu, acheté
tarifé. Elle était bouleversée de l'abandon.
avec lequel la femme se livrait; ellen'avaiU
vu dans l'amour que le mariage, non 1ai
faute, et tout à coup ce sentiment, qu'elle
jugeait si gravement, était de la dernière
banalité.
La Petite-Gayenne était fatiguée déso
récit, et malgré le désir qu'avait Bayon
nette de connaître la fin de son histoire, la,
cause de son arrestation surtout, elle crut
devoir lui dire de se reposer un peu. 4
— Tout à l'heure, vous me raconterez ra*
la. reposez-vous un peu.
- Oh ! je ne suis pas si faible que j" e Il
puisse parler. mais j'ai soif.
ALEXIS MJ&Ogf
-~A~~a~-
^XnWTQTR A TïAW Dfn * rrrirwi BSSÉSQH &ïïtMftiSa& Mn«iâWO
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A PARIS
6 — Bue C»
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TROIS MOIS.,.. 5 Fa.
m. Moïse».,,. 9 m.
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OU NUMÉRO: 5 CSNÏ1MES
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SIX MOIS. 12 9t.
OB AVH»«i*Ut SI SB»
CINQUIÈME ANNÉE - NUMÉRO 1505
,. Mardi 24 mai 1881 (5 prairial aa S9)
LE DOMPTEUR DE PARIS
Encore M. Andrieux ! Cet homme est
encombrant; on voudrait l'oublier, im-
possible! Chaque jour il s'impose à l'at-
tention publique par une nouvelle in-
cartade, et c'est bien à propos de lui
qu'on peut répéter, avec une variante
nécèssaire, le fameux mot de l'auver-
gnat : « Ce n'est pas que ca soit propre,
mais ça tient vraiment trop de pïace. »
On n'aurait jamais cru que cette mince
personnalité pût prendre un pareil volu-
me.Mais si l'étoffe est maigre et peufour-
nie, ce sont les doublures qui lui don-
nent du corps. Le jour où, suivant le
-. conseil de M. Châllemel-Lacour, M.
Gambetta l'a « modéré en le satisfai-
sant », M. Andrieux, passé procureur
général, sans avoir été quelqu'un devint
quelque chose. Il changea de ton pour
changer de position et sut perdre un
peu de sa couleur pour acquérir un peu
de poids.
Lè procédé lui parut bon et, s'aperce-
vant qu'il lui suffirait de déteindre pour
grossir, il sut améliager les nuances et
graduer les défections. Il avait de là
marge, d'ailleurs, ayant, pour passer du
rouge écarlate au rose pâle, tout un arc-
en-ciel de couleurs à parcourir et tout un
cercle de défections à exploiter. il faut
reconnaître que ce parcours ne s'est pas
accompli sans impudence ni cette ex-
ploitation sans profit. Le démagogue
lyonnais, membre de l'anticoncile de
Naples, est devenu le préfet de police
selon le cœur de M. de Cassagnac et se-
Ion la politique de,M. J. Ferry ; le socia-
liste dé la rue Grôlée, ardent champion
de la grande ville contre les « ruraux »
de Versailles, est devenu l'autocrate de
la rue de Jérusalem, le champion des
« ruraux » de Molmchard contre la po-
pulation parisienne.
> Il est maintenant au pinacle. Trois ou
quatre défections ont suffi pour l'y por-
ter : M. Crémieux l'a fait procureurgéné-
ral; M. Gambetta l'a fait préfet de police;
MM. Ferry et J. Grévy l'ont fait minis-
tre occulte, sans portefeuille et irrespon-
sable ; la Chambre des députés est en
train d'en faire une institution sociale.
Montera-t-il encore plus haut? C'est pos-
possible : il lui reste encore au moins
une défection à faire et quelqu'un à
trahir.
En attendant, il s'épanouit etse gonfle.
L'importance qu'il peut avoir, il la dou-
ble par celle qu'il se donne. A la Cham-
bre, il a soin de prendre siége parmi les
ministres ; non pas à côté du ministre de
l'intérieur — ce qui le subordonnerait —
mais à côtp du président du conseil — ce
qui l'émancipé. Il passe par-dessus la
tête de son chef et, pour ainsi dire, lui
monte 'sur les épaules. On le voit à l'Ely-
sée plus souvent qu'à la place Beauvau.
M. Andrieux « travaille » directement
1 avec le président de la République; ce
qui n'est ni parlementaire ni constitu-
tionnel. Il a fallu cet homme-là pour
faire dévier M. Grévy — l'homme de la
règle austère — de la correction par-
faite qu'il avait su garder jusqu'ici.
Il a, d'ailleurs, des qualités qui expli-
quent la nature de son succès. Il par-
vient par où les autres se perdent; il est j
mauvais, hargneux, cynique, corrompu
et corrupteur. Il a des instincts de poli-
cier russe M des allures de capitan. Pour
lui, le pouvoir c'est le droit à l'insolence
et la faculté de prodiguer les vexations j
l'autorité, c'est une bride et une trique.
Son idéal c'est « d'embêter » les Pari-
Siens et son bonheur c'est d'en être
exécré.
C'est par là qu'il plait aux provinciaux
de la Chambre. Cet homme à poigne,
prêt à toutes les besognes et indifférent
à tous lês mépris, leur est apparu com-
me le dompteur prédestiné, seul capable
de mater cette bête féroce : le Parisien,
jl les a séduits, dès le premier jour, par
son discours bassement méchant contre
l'amnistie. Ses procédés dictatoriaux
contre la presse - la presse est la bête
noire des ruraux — ont achevé de leur
gagner le cœur. cP.'--
Il introduisait d'ailleurs, dans les
débats parlementaires, des nouveau-
tés tout à fait imprévues et de haut
goût. C'est lui qui, le premier, a imaginé
de se défendre en diffamant les absents,
de remplacer les documents parlemen-
taires par des rapports de police, avec
une pelletée d'ordures pour péroraison.
De vrais parlementaires auraient rougi
de honte et, sur-le-champ, auraient ba-
laye de la tribune ces impuretés. Ceux-
là s'en sont délectés bouche béante ; ce
genre d'éloquence a transporté d'aise les
aigles de Molinchard et les cygnes de
Fouilly-ies-Oies. C'était bien là l'homme
qu'il leur fallait pour prendre sur Paris
la revanche de Brives-la-Gaillarde. On
ne sait pas combien est vigoureuse con-
tre Paris la haine de Landêrneay ! C'est
pourquoi, dans la commission de la pré-
fecture de police, les élus de l'arrondis-
sement n'ont laissé passer — et à grand
peine - qu'un seul député de Paris:
M. Marmottan ; il est bon, mais il est,
seul!
Ainsi, le grand mérite de M. Andrieux,
c'est qu'il est l'ennemi de Paris ; cela
suffit à tout excuser et à justifier tout :
Les illégalités et les abus de pouvoir, les
mensonges et les vilenies à la tribune,
les embarras diplomatiques de l'affaire
Hartmann et les perquisitions à Paris
qui se traduisent par des pendaisons à
Pétersbourg — car M. Andrieux est un
Moscovite militant et s'il n'est pas déco-
ré de Saint-Wladimir, c'est que la cour
de Russie n'a pas assez préjugé de son
cynisme — les arrestations d'honnêtes
femmes par les agents des mœurs,
la police faite par les commissaires Il
coups de revolver dans les reins, tout
cela ne compte pas. C'est sur des Pari-
siens que cela tombe : dès lors ce n'est
rien. Si c'était tombé sur des citoyens
de Molinchard, ce serait différent.
Voire, ces provinciaux rigides, ces ver-
tus champêtres, ces Catons d'arrondis-
sement rie s'effarouchent point trop aisé-
ment des aventures un peu risquées où
brille ce jouisseur. Qu'il cultive la dame
de piqueet le « plat du jour»,qu'il donne
le bon exemple de la morale avec plus
ou moins de mystère, rue Duphot,qu'est-
ce que cela fait ? C'est le champion de
Molinchard contre Paris, et la rue Du-
phot n'est pas à Molinchard..
Eh bien, soit ! S'ils veulent qu'on les
juge d'après leur champion, c'est leur
affaire. S'il leur plait de prendre pour
porte-drapeau l'homme qui résume tout
ce qu'on a le droit de haïr et de mépri-
ser : l'illégalité, la défection, l'immora-
lité publique et privée, l'insolence pro-
vocatrice et la brutalité tracassière,
nous ne demandons pas mieux.
Mais qu'ils y prennent garde : à ma-
nier des malpropretés on finit toujours
par être sali. Heureusement pour cette
Chambre que cela ne durera pas. Qu'elle
le veuille ou non, c'est par elle-même et
de ses propres mains que M. Andrieux,
un de ces jours, finira par être exécuté.
C'est du haut de la tribune, et devant
cette Chambre même, que M. Andrieux
sera renversé comme il convient qu'il 1&
soit, sur un tas de vilenies. ;
t DERNIERES JOUVELLES
La grève des tannevrs
Marseille, 22 mai
La délégation de l'assemblée générale des ou-
vriers tanneurs grévistes s'est présentés chez:
E. Julien, qui a accepté l'augmentation propo- ;
sée de lin franc par jour sur les salaires, sans
taxation du nombre do peaux à travailler. Mais)
il a refusé de signer l'engagement, sous pré-,
texte que sa parole était une garantie A
santé. r\
En présence du refus de signature, la délé-
gxtion s'est retirée pour soumettre le cas à h~
ratification des grévistes.. 'r
'-, :, ■à La Crise italienne ., î ,
< .Rome. 22 maï~~
Le roi a reçu ce matin M. Coppino. ,:iï'-.
La Liberia dit qu'il est rrobable que M-^îanV
cini sera chargé aujourd hui de former un ca-
binet.
r Le couronnement du roi de Roumanie fe
* * Bucharest, 22 mai. -
La cérémonie du couronnement a eu lieu
aujourd'hui, à midi, avec une pompe écla-
tante.
Le roi, en costume de général de division, la
reine, en long manteau roval, ont pris place,
avec le prince Léopold de Hohensollern et ses
deux fils sous un fiche dôme élevé sur la place
de la Cathédrale. î
Les ministres, les sénateurs, les députés,
toutes les haute3 notabilités civiles et militai- -,
fei,. le corps diplomatique en entier, -de nom-'
breuses dames, étaient rangés sur dos estrades.1
formant un demi-cercle.
Le métropolitain primat et le métropolitain
de Moldavie, entourés de six autres évêques et
du haut clergé, ont célébré en plein air la. bé-1
nédiction des conronnes. Celle du roi est en
acier finement ciselé par les ouvriers die l'arse-
nal de Bucharest; celle de la reine est en Qr.
Le meeting de la Ligrae des plieux.
Londres, 21 mai.
Le meeting de la Ligue des pieux obnjurés
contre M. Bradlaugh et.l'athéisme n'a, profité
qu'aux chapeliers des environs d'Exetér-Hall.
Les amis du député de Northampton avaient
occupé la plate-forme et une partie de la salle,
grâce à déa biUets de contrefaçon qu'ils s'é-
taient procurés. Les orateurs et le président
lui-même, le comte Percy, n'ont pu achever ,
leurs homélies qu'en appelant à plusieurs re.,
prises là police à leur secours. 11 y a eu beau,;,
coup de chapeaux défoncés.
Un écho du conlllt Frasco-ïonliitai
Constantinople; 22 mai. ,}
La nouvelle publiée à Paris que le comte .de
Hatzfeld aurait offert au sultan la médiation de
l'Allemagne pour l'aplanissement du cocaTit,
franco-tunisien est dénuée de fondement.
FEUILLETON DU U MAI 1*8*
j 108
BAYONNETTE
HISTOIRE D'UNE JOLIE FILLE
BjEïi&fièaBE partie:
DESHONOREE JP0GR L'HONNEUR
LX
Ab* quel plaisir d'être papa?
- Suite-
» Mes faveurs étaient cotées au pair, je
trouvai quelque attrait à cette existence
toute de fainéantise et de jouissance; en un
mot. à dix-sept ans, j'étais passée femme à
la mode. ne manquant pas une première,
pas une fête demi-mondaine, et professant
— c'est bon genre — le plus souverain mé-
pris pour mes adorateurs.
» Dans cette manière de vivre, ce qui fa-
tigue le plus rapidement, c'est la vie elle-
même, Aussi, au bout d'une année de fêtes
et de plaisirs, en étais-je arrivée à regret-
ter mon isolement primitif, et puis toutes
ces phrases creuses et ces paroles vides
de sens ne m'apportaient pas les consola-
tions que je cherchais. Il me fallait une
affection vraie, l'amitié de la sœur et du
frère, et je ne trouvais partout qu'un amour
bête et égoïste, qui ne dépassait pas les
cent louis dont on payait mes charmes, et
dont je haussais les épaules.
» Mes salons étaient somptueux ; bientôt
il y eut foule. Tout ce que Paris comptait
de filles à la mode s'y donnait rendez-vous.
» Il y eut pour moi un moment de bon-
heur, si je puis l'appeler ; ainsi, ce fut ie
jour où. montée moi-même au pinacle; mon
succès lit pâlir toutes mes rivales, qui ne
savaient trop aiguiser leurs ongles sous
leurs pattes de velours. ,
» Puis je m'ennuyai, mais d'un de ces
ennuis, ma chère amie,, dont aucun homme
ne peut se faire une idée, tant chaque ins-
tant de la journée parait insipide et inter-
minable.
» Cela me conduisit aux nuits d'insomnie
et d'orgie; je tâchai de dormir le jour et
de m'amuser la nuit. ,
» Ce moyen me réussit mieux, mais mon
estomac ne put supporter tous ces' excès,
toutes ces fatigues.
» Mon docteur me déclara nettement que
si ma manière d'agir ne changeait sur le
champ, je n'en avais pas pour deux ans à
vivre.
a Il y a trois ans de cela, vous voyea que
tous les médecins sont des farceurs » - ;
Comme si cette dernière phrase l'eût
ramenée au sentiment de la réalité, elle fut
prise d'un accès de toux rauque qui rougit
ses lèvres de quelques gouttelettes de sang.
Elle s'essuya. en toute hâte croyant que
Bayonnette n'avnitrien aperçu, et continua
d'une voix un peu affaiblie :
— Je crois tout de même, mon amie,que
mon docteur avait un peu raison ; j'ai là,
dans ma poitrine, vn gros feu qui me brûle
et me fait souffrir quelquefois. Oh ! mon
Dieu, c'est ma punition; j'ai été bien sotte;
j'ai cherché à terminer au plus tôt une
existence qui m'était à charge, et je le re-
grette de tout mon cœur , aujourd'hui que
l'ai trouvé l'affection désintéressée que j'a-
vais vainement cherchée. Oh ! mais non,
je ne veux pas mourir maintenant. Je ne
vous gênerai pas. Ah! on me doit bien
cela. Et puis je veux vivre. vivre pour
me venger.
— Vivre pour vous venger? vous venger,
de qui '? fi-
— De qui. vous allez le savoir. Ceci est
la partie première de mon histoire.
Les deux jeunes filles étaient charman-
tes dans leur négligé du matin, assises
l'une près de l'autre sur le lit. Toutes-deux
différentes de nature, l'une robuste, pleine
de vigueur, de santé, c'était Bayonnette ;
l'autre chétive, d'apparence maladive, mais
très belle de sa pâleur, de l'éclat fiévreux
de ses grands yeux. Elle avait été revêtue
M ga peu grossier
de Bayonnette, et cela semblait déplacé
sur son corps élégant. Sur la chaise était
jeté le linge qu'elle avait quitté, une fille
batiste garnie de dentelle, des bas de soie.
une jupe de soie déchirée, souillée; ses vê-
tements répandaient un parfum subtil.
Bayonnette écoutait sa nouvelle amie
avec une attention presque respectueuse;
le mystère de cette naissance, le nom sa",
nore de la mère, tout cela l'amusait conn-
me une page de roman. Elle était étourdi ia
des accidents survenus dans une vie encara
si courte. Le monde dont on lui parlait
était pour elle une révélation. Elle ne se
figurait pas l'amour facile, vendu, acheté
tarifé. Elle était bouleversée de l'abandon.
avec lequel la femme se livrait; ellen'avaiU
vu dans l'amour que le mariage, non 1ai
faute, et tout à coup ce sentiment, qu'elle
jugeait si gravement, était de la dernière
banalité.
La Petite-Gayenne était fatiguée déso
récit, et malgré le désir qu'avait Bayon
nette de connaître la fin de son histoire, la,
cause de son arrestation surtout, elle crut
devoir lui dire de se reposer un peu. 4
— Tout à l'heure, vous me raconterez ra*
la. reposez-vous un peu.
- Oh ! je ne suis pas si faible que j" e Il
puisse parler. mais j'ai soif.
ALEXIS MJ&Ogf
-~A~~a~-
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